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Document 61981CC0228

Conclusions de l'avocat général Reischl présentées le 17 juin 1982.
Pendy Plastic Products BV contre Pluspunkt Handelsgesellschaft mbH.
Demande de décision préjudicielle: Bundesgerichtshof - Allemagne.
Demande de décision préjudicielle - Convention du 27 septembre 1968.
Affaire 228/81.

Recueil de jurisprudence 1982 -02723

ECLI identifier: ECLI:EU:C:1982:229

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. GERHARD REISCHL,

PRÉSENTÉES LE 17 JUIN 1982 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Au printemps de 1979, l'entreprise Pendy Plastic Products ayant son siège social à Helmond aux Pays-Bas — la requérante en Rechtsbeschwerde dans la procédure pendant au principal — avait entamé une procédure civile devant le tribunal de Bois-le-Duc contre l'entreprise Pluspunkt, ayant son siège social à Neuss, en république fédérale d'Allemagne. A cet effet, l'acte introductif d'instance et la convocation à l'audience du 27 avril 1979 ont apparemment été transmis, le 26 mars 1979, au parquet près le tribunal de Bois-le-Duc, ce que permet le droit néerlandais pour la notification à l'étranger. En outre, les pièces mentionnées devaient être notifiées à la défenderesse, grâce à l'assistance des autorités compétentes, à son adresse à Neuss, Kaarster Straße 36, c'est-à-dire à l'adresse que la demanderesse et ensuite requérante en Rechtsbeschwerde connaissait à l'époque.

Néanmoins, la notification n'a pas pu avoir lieu parce qu'en avril 1979, la défenderesse avait transféré son entreprise commerciale à l'intérieur de la ville de Neuss, ce dont la requérante n'a prétendument été informée qu'à la fin du mois d'avril 1979 par la Chambre du commerce de l'industrie «Mittlerer Niederrhein». D'une façon peut-être quelque peu prématurée et sans avoir procédé à des investigations suffisantes, l'Amtsgericht de Neuss auquel il avait été fait appel au titre de l'assistance mutuelle des autorités compétentes, a délivré, le 17 mai 1979, une attestation, eu égard à la tentative de notification, certifiant l'impossibilité de notifier la pièce en question, conformément à l'article 6, alinéa 2, de la convention de La Haye relative à la signification et à la notification, du 15 novembre 1965.

Le 8 juin 1979, la juridiction néerlandaise saisie a prononcé un jugement avant dire droit parce que la défenderesse n'avait pas comparu. Le jugement enjoignait à la demanderesse de prouver que la défenderesse avait eu la possibilité de recevoir la convocation à l'audience en temps utile ou que diligence avait été faite à cet égard pour qu'elle puisse se défendre. Simultanément, le jugement remettait l'audience au 20 juillet 1979.

La demanderesse a satisfait aux injonctions du tribunal en présentant les réponses que le service chargé de tenir le registre des habitants de la ville de Neuss et le registre de commerce de Neuss lui avait fournies, selon lesquelles, lorsqu'elles précisaient pour le moins l'adresse, la défenderesse était domiciliée à Neuss, Kaarster Straße 36. Le tribunal de Bois-le-Duc a considéré que ces documents prouvaient à suffisance que la demanderesse avait fait tout le nécessaire pour rechercher la personne à laquelle l'acte introductif d'instance devait être notifié; en conséquence, il a considéré comme suffisante la notification au parquet néerlandais, selon le document établi le 26 mars 1979. Par la suite, le 14 septembre 1979, le tribunal néerlandais a rendu un jugement par défaut par lequel il condamnait la défenderesse au paiement d'une certaine somme majorée des intérêts ainsi qu'aux dépens. Le jugement déclaré provisoirement exécutoire a été notifié à la défenderesse le 10 décembre 1979 par l'intermédiaire de l'Amtsgericht de Neuss et, par ce document, la défenderesse prenait manifestement connaissance de la procédure entamée contre elle. Il semble qu'elle ait introduit contre ce jugement un recours, dont nous ne connaissons cependant pas les développements ultérieurs.

Pour exécuter le jugement, la défenderesse a par la suite demandé l'apposition de la formule exécutoire au Landgericht de Düsseldorf sur le fondement des articles 31 et suivants de la convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (la convention de Bruxelles). Par décision du 24 juillet 1980, la requête en apposition de la formule exécutoire a été rejetée, et cela pour l'essentiel sur le fondement du principe des droits de la défense et au motif que la défenderesse n'avait pas eu connaissance de la procédure introduite contre elle.

Le recours formé contre cette décision n'a pas abouti, lui non plus. Dans une décision du 6 janvier 1981, l'Oberlandes-gericht de Düsseldorf a déclaré à cet égard que conformément aux dispositions combinées de l'article 34, alinéa 2, et de l'article 27, 2), de la convention de Bruxelles, il incombait à la juridiction de l'État requis de contrôler la notification de l'acte introductif d'instance. Selon l'Oberlandesgericht de Düsseldorf, il n'y aurait pas eu de notification au sens de la convention de La Haye relative à la signification et à la notification; on aurait seulement tenté de notifier l'acte introductif d'instance et comme la convention ne contient aucune disposition applicable à un tel cas, la procédure de notification s'est soldée par la délivrance d'une attestation sur l'impossibilité de notifier les documents. L'Oberlandesgericht de Düsseldorf considère néanmoins que, effectuée dans ces conditions, la notification ne satisfait pas non plus aux dispositions du droit néerlandais relatives à une notification publique parce que précisément l'exigence de la publication d'une annonce dans un journal n'a pas été satisfaite; bien plus, il n'y a eu qu'une notification au parquet, ce que le droit néerlandais considère comme suffisant pour une notification à l'étranger. L'Oberlandesgericht de Düsseldorf déclare encore qu'en toute hypothèse, l'article 27, 2), de la convention de Bruxelles prévoit le respect des droits de la défense. Il considère néanmoins que ce principe a été enfreint parce que la défenderesse n'a pas eu connaissance de la procédure. En effet, à cet égard — ce que la demanderesse en tant qu'entreprise commerciale aurait également dû reconnaître —, les mesures qu'elle a prises pour rechercher l'adresse de la défenderesse étaient tout à fait inappropriées parce qu'elle n'aurait pas dû se contenter de demander des renseignements au service tenant le registre des habitants, qui n'est pas compétent pour l'inscription des adresses commerciales, et au registre du commerce, dans lequel les adresses des entreprises ne figurent pas, mais elle aurait pour le moins dû s'adresser à la chambre du commerce et de l'industrie.

L'entreprise Pendy Plastic s'est alors pourvue en Rechtsbeschwerde devant le Bundesgerichtshof contre cette décision. Elle a fait valoir que, comme il ressort de l'attestation pertinente de l'Amtsgericht de Neuss, une notification grâce à l'assistance des autorités compétentes n'a pas pu avoir lieu et que, dans ces circonstances, la juridiction néerlandaise a accepté, à bon droit, une notification publique. Selon l'entreprise Pendy Plastic, seul importe dans ces circonstances le fait que la juridiction néerlandaise a tenu compte de l'article 20 de la convention de Bruxelles combiné avec l'article 15 de la convention de La Haye relative à la signification et à la notification. Par la suite, la juridiction requise n'a plus la possibilité de contrôler si la notification a été correctement exécutée au regard du droit néerlandais.

Le Bundesgerichtshof, qui considère que la convention de La Haye relative à la signification et à la notification est applicable en république fédérale d'Allemagne et aux Pays-Bas, a des doutes quant à l'appréciation de la compétence de contrôle de la juridiction requise au titre de l'article 27, 2), de la convention de Bruxelles. Il a notamment des doutes eu égard à l'article 20 de la convention de Bruxelles et à l'article 15 de la convention de La Haye relative à la signification et à la notification. Le Bundesgerichtshof est certes enclin à estimer qu'il n'y a pas lieu de refuser toute compétence de contrôle à la juridiction requise au seul motif que le premier juge a tenté de faire les investigations prévues à l'article 20 de la convention de Bruxelles et à l'article 15 de la convention de La Haye relative à la signification et à la notification. Toutefois, il estime également possible que, lorsqu'en vertu de l'article 20 de la convention de Bruxelles, le premier juge a tenté d'établir les possibilités de défense de la défenderesse, le résultat auquel il a abouti s'impose sans autre contrôle à la juridiction requise en vertu de l'article 34, alinéa 3, de la convention de Bruxelles.

C'est pourquoi, par ordonnance du 8 juillet 1981, le Bundesgerichtshof a sursis à statuer et, en vertu de l'article 3 du protocole concernant l'interprétation par la Cour de justice de la convention de Bruxelles, il lui a déféré, à titre préjudiciel, la question suivante:

«Est-il également possible de refuser la reconnaissance d'une décision en vertu de l'article 27, 2), de la convention de Bruxelles lorsque le défendeur n'avait pas comparu dans l'État d'origine et lorsque l'acte introductif de l'instance en question ne lui avait pas été notifié régulièrement et en temps utile pour qu'il puisse se défendre, dès lors que, conformément aux dispositions combinées de l'article 20, alinéa 3, de la convention de Bruxelles et de l'article 15 de la convention relative à la signification et à la notification à l'étranger des actes judiciaires en matière civile ou commerciale signée à La Haye le 15 novembre 1965, la juridiction de l'État d'origine avait établi que le défendeur avait eu la possibilité de recevoir la convocation en temps utile pour se défendre?»

Les gouvernements de la république fédérale d'Allemagne, du Royaume-Uni et de la République italienne ainsi que la Commission des Communautés européennes ont préconisé une réponse affirmative à cette question. A nos yeux, il ne fait aucun doute que la décision préjudicielle ne peut effectivement être rendue qu'en ce sens.

1. 

Toutefois, permettez-nous de rappeler le contenu des dispositions pertinentes en l'espèce.

C'est ainsi qu'à l'égard d'un défendeur domicilié sur le territoire d'un État contractant et attrait devant une juridiction d'un autre État contractant qui ne comparaît cependant pas, l'article 20, alinéa 2, de la convention de Bruxelles prévoit ce qui suit:

«Le juge est tenu de surseoir à statuer aussi longtemps qu'il n'est pas établi que ce défendeur a été mis à même de recevoir l'acte introductif d'instance en temps utile pour se défendre ou que toute diligence a été faite à cette fin.»

Conformément à l'article 20, alinéa 3, il convient évidemment d'appliquer en l'espèce, en lieu et place de cette disposition, l'article 15 de la convention de La Haye relative à la signification et à la notification, dont les termes sont les suivants:

«Lorsqu'un acte introductif d'instance ou un acte équivalent a dû être transmis à l'étranger aux fins de signification ou de notification, selon les dispositions de la présente convention, et que le défendeur ne comparaît pas, le juge est tenu de surseoir à statuer aussi longtemps qu'il n'est pas établi:

a)

ou bien que l'acte a été signifié ou notifié selon les formes prescrites par la législation de l'État requis pour la signification ou la notification des actes dressés dans ce pays et qui sont destinés aux personnes se trouvant sur son territoire,

b)

ou bien que l'acte a été effectivement remis au défendeur ou à sa demeure selon un autre procédé prévu par la présente convention, et que, dans chacune de ces éventualités, soit la signification ou la notification, soit la remise a eu lieu en temps utile pour que le défendeur ait pu se défendre.

Chaque État contractant a la faculté de déclarer que ses juges, nonobstant les dispositions de l'alinéa premier, peuvent statuer si les conditions suivantes sont réunies, bien qu'aucune attestation constatant soit la signification ou la notification, soit la remise n'ait été reçue:

a)

l'acte a été transmis selon un des modes prévus par la présente convention,

b)

un délai que le juge appréciera dans chaque cas particulier et qui sera d'au moins six mois, s'est écoulé depuis la date d'envoi de l'acte,

c)

nonobstant toutes diligences utiles auprès des autorités compétentes de l'État requis, aucune attestation n'a pu être obtenue.

...»

Les Pays-Bas ont fait une déclaration en ce sens. Les termes en sont les suivants:

«En dérogation aux dispositions de l'article 15, alinéa premier, de la convention, le juge néerlandais peut statuer même si aucune attestation constatant soit la signification ou la notification, soit la remise, n'a été reçue, pour autant qu'il soit satisfait à chacune des conditions suivantes :

a)

l'acte a été transmis selon un des modes prévus par la convention;

b)

un délai que le juge fixera dans chaque cas particulier, et qui sera d'au moins six mois, s'est écoulé depuis la date d'envoi de l'acte;

c)

nonobstant toutes diligences utiles auprès des autorités compétentes, aucune attestation soit de signification ou de notification, soit de remise, n'a pu être obtenue.»

Par ailleurs, il importe qu'en vertu de l'article 34 de la convention de Bruxelles, le juge de l'État requis ne puisse rejeter une requête visant à obtenir la formule exécutoire que pour l'un des motifs prévus aux articles 27 et 28. A cet égard, pour ce qui intéresse le cas d'espèce, l'article 27 prévoit ce qui suit:

«Les décisions ne sont pas reconnues:

1)

si la reconnaissance est contraire à l'ordre public de l'État requis,

2)

si l'acte introductif d'instance n'a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant, régulièrement et en temps utile, pour qu'il puisse se défendre.»

2. 

Pour résoudre le problème posé, on peut surtout renvoyer à l'affaire 166/80 ( 2 ) dans laquelle l'article 27, 2), jouait également un rôle. Il s'agissait de l'exécution aux Pays-Bas d'un titre allemand assimilé à un jugement par défaut qui avait été obtenu après que la juridiction allemande avait eu constaté que la notification de l'acte introductif d'instance au domicile du défendeur en république fédérale d'Allemagne était régulière.

A cet égard, la décision à titre préjudiciel de la Cour souligne que l'article 27, 2), de la convention de Bruxelles a pour but d'exclure la reconnaissance et l'exécution de décisions judiciaires lorsque les garanties offertes par l'ordre juridique du juge d'origine et la convention de Bruxelles ne sont pas suffisantes pour assurer que le défendeur ait pu se défendre. Selon la Cour, la disposition pertinente impose au juge requis d'exercer son contrôle sur deux conditions: l'une concerne la régularité de la notification, et elle doit être appréciée au regard de la législation de l'État d'origine et des conventions qui lient celui-ci; l'autre concerne le temps nécessaire au défendeur pour préparer sa défense et elle implique, partant, des appréciations de fait. Un jugement de l'État d'origine qui concerne la première de ces deux conditions ne dispense donc pas le juge requis de son obligation de procéder à l'examen de la deuxième condition. Lors de l'examen d'un cas particulier, il incombe au juge requis d'examiner si des circonstances particulières ne le contraignent pas de supposer que la notification était insuffisante pour permettre au défendeur de se défendre et, à cet égard, il appartient au juge de l'État requis de prendre en considération toutes les circonstances de l'espèce, y compris la nature et le moyen de notification.

L'arrêt montre manifestement que l'article 27, 2), a pour fonction essentielle d'assurer que le défendeur ait pu se défendre régulièrement ou, en d'autres termes, que le principe des droits de la défense soit respecté (voir à cet égard, Geimer, Anerkennung gerichtlicher Entscheidungen nach dem EWGÜbereinkommen vom 27. September 1968, Recht der Internationalen Wirtschaft, 1976, p. 139 et suiv.; Droz, Compétence judiciaire et effets des jugements dans le marché commun, 1972, n° 500). En outre, il nous semble qu'on peut déduire de cet arrêt le principe selon lequel, lors de l'appréciation de cet élément, le juge requis doit agir de façon autonome et qu'il n'est pas lié par les considérations du juge d'origine.

3. 

a)

Certes il convient de reconnaître que les dispositions du titre II de la convention de Bruxelles ainsi que celles de l'article 15 de la convention de La Haye relative à la signification et à la notification visent à protéger les intérêts du défendeur.

Néanmoins, si on tient compte de la déclaration des Pays-Bas eu égard à l'article 15, l'ensemble du contenu de la réglementation montre clairement qu'ainsi il n'existe pas de garantie suffisante assurant que le défendeur obtienne effectivement connaissance de l'acte introductif d'instance et puisse ensuite se défendre. Comme il ressort du rapport Jenard sur la convention de Bruxelles (JO C 59 du 5. 3. 1979, p. 39), le droit néerlandais se caractérise, entre autres, «par la volonté de localiser sur le territoire de l'État du for les formalités de l'acte judiciaire dont le destinataire réside à l'étranger», ce qui signifie précisément qu'une notification est considérée comme effectuée lorsqu'elle a été délivrée au parquet près la juridiction néerlandaise compétente ou qu'elle a été envoyée au ministère des affaires étrangères. Il semble également que les choses sont restées dans cet état après l'entrée en vigueur de la convention de La Haye sur la signification et la notification comme on peut le déduire du mémorandum rédigé par le gouvernement de la république fédérale d'Allemagne sur la convention de La Haye relative à la notification et à la signification (Drucksache des Deutschen Bundestages 8/217 II A 1 b).

Ces éléments suffisent pour permettre de considérer comme sensé de ne pas s'en tenir à un contrôle des possibilités de se défendre par le juge de l'État d'origine, mais de le faire suivre d'une deuxième vérification autonome dans l'État requis, portant sur le point de savoir si, avant le prononcé du jugement par défaut, le défendeur a effectivement eu la possibilité de se défendre efficacement.

b)

Nous avons déjà souligné que la protection des droits de la défense est l'objectif essentiel de l'article 27, 2), de la convention de Bruxelles. Eu égard à la signification de ce principe, la Cour a fait remarquer au cours de la procédure dans l'affaire 125/79 ( 3 ) qu'il est fréquemment assimilé à l'ordre public. En tout cas a-t-on particulièrement insisté sur ce point eu égard au droit anglais et, selon la jurisprudence de la Cour de cassation française (arrêt du 4. 10. 1967, cité par Droz, loc.cit. p. 317), cela vaut également pour le droit français. Partant, il est tout à fait possible de défendre le point de vue selon lequel des dispositions d'un tel contenu ne doivent pas être interprétées restrictivement, c'est-à-dire qu'elles ne doivent pas être interprétées en ce sens qu'elles limitent la marge d'appréciation des juridictions qui doivent les appliquer.

c)

C'est à bon droit qu'on a également fait valoir qu'il existe un principe internationalement reconnu selon lequel le juge doit être libre dans sa décision et qu'on ne peut pas considérer que ses compétences eu égard à l'investigation des faits et à leur appréciation n'est limitée que lorsque cela est expressément prévu.

C'est effectivement le cas dans la convention de Bruxelles eu égard au contrôle de la régularité au fond d'une décision étrangère (article 34, alinéa 3) et dans l'article 28, alinéa 2, dans lequel il est dit ce qui suit:

«Lors de l'appréciation des compétences mentionnées à l'alinéa précédent, l'autorité requise est liée par les constatations de fait sur lesquelles la juridiction de l'État d'origine a fondé sa compétence.»

Une disposition correspondante figurait également à l'article 5 de la convention germano-néerlandaise du 30 août 1962.

Toutefois, pour le contrôle à effectuer au titre de l'article 27, 2), de la convention de Bruxelles, ni cette disposition ni d'autres dispositions de la convention ne prescrivent de limitations. En particulier, la disposition en cause ne fait-elle aucune réserve eu égard à l'article 20. On peut tout aussi difficilement soutenir qu'il s'avère obligatoirement — ce qui serait nécessaire au regard du principe en discussion — que ce dernier article vise à limiter le contrôle que le juge requis est tenu d'effectuer à cet égard.

4. 

Enfin, il importe également qu'en cas de jugement rendu à la fin d'une procédure par défaut, l'article 46 de la convention de Bruxelles exige de la partie qui demande la reconnaissance ou l'exécution de produire un document établissant que l'acte introductif d'instance a été signifié ou notifié à la partie défaillante. Ces éléments, et particulièrement le défaut de toute limitation, indiquent sans aucun doute qu'il incombe au juge de l'État requis de contrôler la notification, c'est-à-dire qu'il ne peut donc pas simplement considérer qu'à cet égard les vérifications qu'il appartient régulièrement au juge d'origine d'effectuer dans une procédure par défaut sont suffisantes.

De surcroît, plusieurs auteurs partagent notre point de vue.

Nous renvoyons d'abord à l'article déjà cité de Geimer qui souligne que le contrôle du respect de l'ordre public implique également l'examen du point de savoir si au cours de la procédure devant la juridiction étrangère, des exigences essentielles de l'équité dans le procès, dont on ne peut pas s'écarter dans l'État requis, ont été violées, et si lors d'un tel contrôle, le juge requis n'est pas lié par les constatations de fait du premier juge.

Par ailleurs, différentes considérations émises dans Bülow-Böckstiegel, Internationaler Rechtsverkehr in Zivil- und Handelssachen, Erläuterungen zu dem Übereinkommen über die gerichtliche Zuständigkeit und die Vollstreckung gerichtlicher Entscheidungen in Zivil-und Handelssachen, sont également interessantes. On y souligne (remarque III 4 a), à l'article 27) que, précisément en raison du caractère fictif de certains types de notification comme la notification publique, on exige également, comme correctif nécessaire, que la notification ait été effectuée en temps utile ou qu'elle ait donné au défendeur la possibilité de se défendre. En outre, les auteurs déclarent qu'en raison du caractère exceptionnel des décisions par défaut, l'article 27, 2), prévoit une exception à l'interdiction de la révision au fond pour la régularité de la notification. Même lorsqu'en application de l'article 20, alinéa 2, ou de l'article 15 de la convention de La Haye relative à la signification et à la notification, la juridiction d'origine a déjà fait des constatations selon lesquelles la notification a eu lieu en temps utile, le juge requis est tenu de procéder à un nouvel examen qui peut tout à fait aboutir à des appréciations différentes (remarque III 4 b) à l'article 27).

5. 

Pour les motifs énoncés, nous proposons de répondre comme suit à la question déférée à la Cour par le Bundesgerichtshof:

L'article 27, 2), de la convention de Bruxelles doit être interprété en ce sens que même lorsque, conformément aux dispositions combinées de l'article 20, alinéa 3, de la convention de Bruxelles et de l'article 15 de la convention de La Haye relative à la signification et à la notification, la juridiction de l'État d'origine a établi que le défendeur avait eu la possibilité de recevoir la convocation en temps utile pour se défendre, la juridiction de l'État requis ayant à connaître d'une espèce dans laquelle le défendeur n'a pas comparu dans l'État d'origine, doit vérifier de façon autonome si l'acte introductif d'instance a été signifié ou notifié au défendeur défaillant, régulièrement et en temps utile, pour qu'il puisse se défendre; lorsqu'elle estime que cela n'est pas le cas, elle doit refuser la reconnaissance de la décision.


( 1 ) Traduit de l'allemand.

( 2 ) Arret du 16. 6. 1981, dans l'affaire 166/80, Peter Klomps/Karl Michel, Recueil 1981, p. 1593.

( 3 ) Arrêt du 21. 5. 1980, dans l'affaire 125/79, Bernard Denilauler/S.c.n. Couchet Frères, Recueil 1980, p.1553.

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