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Document 62005CJ0003

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 16 février 2006.
Gaetano Verdoliva contre J. M. Van der Hoeven BV, Banco di Sardegna et San Paolo IMI SpA.
Demande de décision préjudicielle: Corte d'appello di Cagliari - Italie.
Convention de Bruxelles - Décision qui autorise l'exécution d'une décision rendue dans un autre État contractant - Signification inexistante ou irrégulière - Prise de connaissance - Délai de recours.
Affaire C-3/05.

Recueil de jurisprudence 2006 I-01579

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2006:113

Affaire C-3/05

Gaetano Verdoliva

contre

J. M. Van der Hoeven BV e.a.

(demande de décision préjudicielle, introduite par la Corte d'appello di Cagliari)

«Convention de Bruxelles — Décision qui autorise l'exécution d'une décision rendue dans un autre État contractant — Signification inexistante ou irrégulière — Prise de connaissance — Délai de recours»

Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 24 novembre 2005 

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 16 février 2006 

Sommaire de l'arrêt

Convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions — Exécution — Décision autorisant l'exécution — Signification

(Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, art. 36)

L'article 36 de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, telle que modifiée par les conventions d'adhésion de 1978, de 1982 et de 1989 doit être interprété en ce sens qu'il exige une signification régulière de la décision qui autorise l'exécution, au regard des règles procédurales de l'État contractant dans lequel l'exécution est demandée, et donc que, en cas de signification inexistante ou irrégulière de la décision qui autorise l'exécution, la simple prise de connaissance de cette décision par la personne contre laquelle l'exécution est demandée ne suffit pas pour faire courir le délai fixé audit article.

En effet, en premier lieu, l'exigence de signification de la décision qui autorise l'exécution a pour fonction, d'une part, de protéger les droits de la partie contre laquelle l'exécution est demandée et, d'autre part, de permettre, sur le plan probatoire, une computation exacte du délai de recours rigoureux et impératif prévu à cette disposition. Cette double fonction, combinée avec l'objectif de simplification des formalités auxquelles est subordonnée l'exécution des décisions judiciaires rendues dans d'autres États contractants, explique la raison pour laquelle la convention soumet la transmission à la partie contre laquelle l'exécution est demandée de la décision qui autorise l'exécution à des conditions de forme plus strictes que celles applicables à la transmission de cette même décision au requérant. En second lieu, si seule importait la connaissance par la partie contre laquelle l'exécution est demandée de la décision qui autorise l'exécution, cela risquerait de vider de sa substance l'exigence d'une signification et rendrait, en outre, plus difficile la computation exacte du délai prévu à cette disposition, faisant ainsi échec à l'application uniforme des dispositions de la convention.

(cf. points 34-38 et disp.)




ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

16 février 2006 (*)

«Convention de Bruxelles – Décision qui autorise l’exécution d’une décision rendue dans un autre État contractant – Signification inexistante ou irrégulière – Prise de connaissance – Délai de recours»

Dans l’affaire C-3/05,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre du protocole du 3 juin 1971 relatif à l’interprétation par la Cour de justice de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, introduite par la Corte d’appello di Cagliari (Italie), par décision du 12 novembre 2004, parvenue à la Cour le 6 janvier 2005, dans la procédure

Gaetano Verdoliva

contre

J. M. Van der Hoeven BV,

Banco di Sardegna,

San Paolo IMI SpA,

en présence de:

Pubblico Ministero,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, M. R. Schintgen, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. G. Arestis et J. Klučka (rapporteur), juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–       pour M. Verdoliva, par Mes M. Comella et U. Ugas, avvocati,

–       pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. A. Cingolo, avvocato dello Stato,

–       pour la Commission des Communautés européennes, par M. E. de March et Mme A.‑M. Rouchaud‑Joët, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 24 novembre 2005,

rend le présent

Arrêt

1       La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 36 de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32), telle que modifiée par la convention du 9 octobre 1978 relative à l’adhésion du Royaume de Danemark, de l’Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (JO L 304, p. 1, et – texte modifié – p. 77), par la convention du 25 octobre 1982 relative à l’adhésion de la République hellénique (JO L 388, p. 1) et par la convention du 26 mai 1989 relative à l’adhésion du Royaume d’Espagne et de la République portugaise (JO L 285, p. 1, ci‑après la «convention de Bruxelles»).

2       Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Verdoliva à J. M. Van der Hoeven BV (ci‑après «Van der Hoeven»), à Banco di Sardegna et à San Paolo IMI SpA, anciennement Istituto Paolo di Torino, à propos de l’exécution, en Italie, d’un jugement rendu par l’Arrondissementsrechtbank ’s‑Gravenhage (Pays‑Bas), condamnant M. Verdoliva à verser à Van der Hoeven la somme de 365 000 NLG.

 Le cadre juridique

 La convention de Bruxelles

3       L’article 26, premier alinéa, de la convention de Bruxelles dispose que les décisions rendues dans un État contractant sont reconnues dans les autres États contractants, sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure.

4       L’article 27, point 2, de ladite convention précise que ces décisions ne sont pas reconnues si l’acte introductif d’instance ou un acte équivalent n’a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant, régulièrement et en temps utile, pour qu’il puisse se défendre.

5       L’article 31, premier alinéa, de cette même convention prévoit que les décisions rendues dans un État contractant et qui y sont exécutoires sont mises à exécution dans un autre État contractant après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée.

6       Aux termes de l’article 34 de la convention de Bruxelles:

«La juridiction saisie de la requête statue à bref délai, sans que la partie contre laquelle l’exécution est demandée puisse, en cet état de la procédure, présenter d’observation.

La requête ne peut être rejetée que pour l’un des motifs prévus aux articles 27 et 28.

[...]»

7       L’article 35 de ladite convention dispose que la décision rendue sur requête est aussitôt portée à la connaissance du requérant, à la diligence du greffier, suivant les modalités déterminées par la loi de l’État requis.

8       L’article 36 de cette même convention est libellé comme suit:

«Si l’exécution est autorisée, la partie contre laquelle l’exécution est demandée peut former un recours contre la décision dans le mois de sa signification.

Si cette partie est domiciliée dans un État contractant autre que celui où la décision qui autorise l’exécution a été rendue, le délai est de deux mois et court du jour où la signification a été faite à personne ou à domicile. Ce délai ne comporte pas de prorogation à raison de la distance.»

9       L’article 40, paragraphe 1, de la convention de Bruxelles prévoit que si l’exécution n’est pas autorisée, le requérant peut former un recours.

 Le droit procédural italien

10     En vertu de l’article 143 du code de procédure civile italien (Codice di procedura civile, ci‑après le «CPC»), la signification aux personnes dont la résidence et le domicile sont inconnus s’effectue par le dépôt, par huissier de justice, d’une copie de l’acte à la mairie de la dernière résidence et l’affichage d’une autre copie de l’acte au tableau officiel dudit huissier.

11     L’article 650 du CPC dispose que le destinataire d’une injonction de payer peut faire opposition à l’exécution de celle‑ci, même après l’expiration du délai qu’elle a fixé, s’il prouve ne pas en avoir eu connaissance en temps utile, notamment en raison de l’irrégularité de la signification. Toutefois, cette opposition n’est plus recevable une fois écoulé un délai de dix jours à compter du premier acte d’exécution.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

12     Par jugement du 14 septembre 1993, l’Arrondissementsrechtbank ’s‑Gravenhage a condamné M. Verdoliva au paiement à Van der Hoeven de la somme de 365 000 NLG, majorée des intérêts et des frais accessoires.

13     Le 24 mai 1994, la Corte d’appello di Cagliari a accordé l’exequatur à ce jugement sur le territoire italien, autorisant la saisie conservatoire du montant dû par M. Verdoliva, à hauteur de 220 000 000 ITL.

14     Une première tentative de signification de l’ordonnance d’exequatur, effectuée au domicile de M. Verdoliva, à Capoterra (Italie), est demeurée infructueuse. En effet, d’après le procès‑verbal de signification, dressé le 14 juillet 1994, M. Verdoliva, tout en restant enregistré dans cette localité, avait déménagé depuis plus d’un an.

15     Il a donc été procédé à une seconde signification, conformément à l’article 143 du CPC. Selon le procès‑verbal de signification, daté du 27 juillet 1994, l’huissier de justice a déposé une copie de l’acte à la mairie de Capoterra et affiché une seconde copie à son tableau officiel.

16     Aucune opposition n’étant intervenue de la part de M. Verdoliva dans le délai de 30 jours à compter de la signification ainsi faite, Van der Hoeven a procédé à l’exécution contre M. Verdoliva, en intervenant dans la procédure d’exécution déjà engagée contre ce dernier par Banco di Sardegna et par San Paolo IMI SpA.

17     Par recours formé le 4 décembre 1996 devant le Tribunale civile di Cagliari (Italie), M. Verdoliva s’est opposé à l’exécution, au motif, d’une part, que l’ordonnance d’exequatur ne lui avait pas été signifiée et, d’autre part, que celle‑ci n’avait pas été déposée à la mairie de Capoterra et que, par conséquent, le procès verbal de signification du 27 juillet 1994 était un faux.

18     Ce recours a été rejeté par décision du Tribunale civile di Cagliari du 7 juin 2002, au motif, notamment, que l’action en opposition était prescrite. Selon cette juridiction, il pourrait, certes, être admis, par analogie avec l’article 650 du CPC, de former une opposition tardive en l’absence de prise de connaissance en temps utile de l’ordonnance d’exequatur, du fait d’une signification irrégulière. Toutefois, le délai pour introduire un tel recours n’aurait pas pu, en tout état de cause, excéder 30 jours à compter du premier acte d’exécution ayant permis à M. Verdoliva d’avoir connaissance de ladite ordonnance.

19     M. Verdoliva a interjeté appel de cette décision devant la Corte d’appello di Cagliari, en reprenant les moyens qu’il avait soutenus en première instance et en ajoutant que la nullité de la signification résultait également de la violation de l’article 143 du CPC, tel qu’interprété par la Corte suprema di cassazione. En effet, l’huissier n’aurait ni procédé aux recherches nécessaires pour vérifier si le destinataire était effectivement introuvable ni fait état de ces recherches dans le procès‑verbal de signification du 27 juillet 1994.

20     Estimant que la résolution du litige dépendait de l’interprétation de l’article 36 de la convention de Bruxelles, la Corte d’appello di Cagliari a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      La convention [de Bruxelles] prévoit‑elle une notion autonome de ‘connaissance des actes judiciaires’ ou renvoie‑t‑elle aux règles nationales quant à cette notion?

2)      Peut-on déduire des règles de la convention [de Bruxelles], et en particulier de [son] article 36, que la signification de l’ordonnance d’exequatur prévue à [cet article] peut s’effectuer sous une forme réputée équivalente?

3)      La connaissance de l’ordonnance d’exequatur, en cas de non‑signification ou de signification défectueuse, fait-elle néanmoins courir le délai prévu à cet article, ou, si ce n’est pas le cas, faut‑il déduire de la convention [de Bruxelles] qu’elle envisage de façon limitative les modalités de prise de connaissance de l’ordonnance d’exequatur?»

 Sur les questions préjudicielles

21     Par ses questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande en substance si, en cas de signification inexistante ou irrégulière de la décision qui autorise l'exécution, le simple fait que la partie contre laquelle l’exécution est demandée ait eu connaissance de cette décision suffit pour faire courir le délai prévu à l’article 36 de la convention de Bruxelles.

22     À cet égard, il y a lieu de constater d’emblée que le libellé de l’article 36 de la convention de Bruxelles ne permet pas, à lui seul, de répondre aux questions posées.

23     En effet, si cette disposition prévoit que le délai pour introduire un recours contre la décision qui autorise l’exécution commence à courir au jour de la signification de cette décision, elle ne définit pas la notion de signification et ne précise pas les modalités que celle‑ci doit revêtir pour produire ses effets, sauf lorsque la partie contre laquelle l’exécution est demandée est domiciliée dans un État contractant autre que celui où la décision qui autorise l’exécution a été rendue, la signification devant en pareil cas être faite à personne ou à domicile pour faire courir le délai de recours.

24     De plus, l’article 36 de la convention de Bruxelles ne comporte, à l’inverse de l’article 27, point 2, de celle-ci, aucune condition expresse de régularité de la signification.

25     Dès lors, il y a lieu d’interpréter l’article 36 de la convention de Bruxelles à la lumière du système et des objectifs de cette même convention.

26     En ce qui concerne les objectifs de la convention de Bruxelles, il ressort du préambule de celle‑ci qu’elle vise à assurer la simplification des formalités auxquelles sont subordonnées la reconnaissance et l’exécution réciproques des décisions judiciaires. Selon une jurisprudence constante, cet objectif ne saurait toutefois être atteint, en affaiblissant, de quelque manière que ce soit, les droits de la défense (voir, notamment, arrêts du 11 juin 1985, Debaecker et Plouvier, 49/84, Rec. p. 1779, point 10, et du 13 octobre 2005, Scania Finance France, C‑522/03, non encore publié au Recueil, point 15).

27     Plus particulièrement, en matière d’exécution, l’objectif principal de ladite convention est de faciliter, dans toute la mesure du possible, la libre circulation des jugements, en prévoyant une procédure d’exequatur simple et rapide, tout en donnant à la partie contre laquelle l’exécution est demandée la possibilité de former un recours (voir, notamment, arrêts du 2 juillet 1985, Deutsche Genossenschaftsbank, 148/84, Rec. p. 1981, point 16, et du 28 mars 2000, Krombach, C‑7/98, Rec. p. I‑1935, point 19).

28     S’agissant du système établi par la convention de Bruxelles en matière de reconnaissance et d’exécution, il importe de relever que, outre l’article 36 de ladite convention, d’autres dispositions de celle‑ci prévoient la signification ou la notification d’actes et de décisions à la partie défenderesse.

29     Ainsi, en vertu des articles 27, point 2, et 34, deuxième alinéa, de cette même convention, les décisions ne sont ni reconnues ni exécutées dans un autre État contractant si l’acte introductif d’instance ou un acte équivalent n’a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant, régulièrement et en temps utile, pour qu’il puisse se défendre. Dans ce contexte, la Cour a jugé qu’une décision rendue par défaut dans un État contractant doit ne pas être reconnue dans un autre État contractant lorsque l’acte introductif d’instance n’a pas été signifié ou notifié régulièrement au défendeur défaillant, même si celui‑ci a ensuite eu connaissance de la décision rendue et n’a pas fait usage des voies de recours disponibles (arrêts du 3 juillet 1990, Lancray, C‑305/88, Rec. p. I‑2725, point 23, et du 12 novembre 1992, Minalmet, C‑123/91, Rec. p. I‑5661, point 21).

30     Par ailleurs, il y a lieu de constater que, dans le système établi par la convention de Bruxelles en matière d’exécution, les intérêts du requérant et de la personne contre laquelle l’exécution est demandée font l’objet d’une protection différenciée.

31     En effet, l’article 36 de cette convention prévoit, en ce qui concerne la partie contre laquelle l’exécution est demandée, l’utilisation d’un mécanisme formel de «signification» de la décision qui autorise l’exécution. En revanche, il ressort de l’article 35 de cette même convention que celui-ci exige seulement que la décision rendue sur requête soit «portée à la connaissance» du requérant.

32     De plus, aux termes de l’article 36 de la convention de Bruxelles, la partie contre laquelle l’exécution est demandée dispose, selon qu’elle est domiciliée ou non dans l’État contractant où la décision qui autorise l’exécution a été rendue, d’un délai d’un ou de deux mois après la signification de cette décision pour introduire un recours contre celle‑ci. Ce délai présente un caractère rigoureux et impératif (arrêt du 4 février 1988, Hoffmann, 145/86, Rec. p. 645, points 30 et 31). En revanche, il résulte tant du libellé de l’article 40, paragraphe 1, de ladite convention que du rapport sur cette même convention, présenté par M. Jenard (JO 1979, C 59, p. 1, 53), que le droit de recours du requérant contre la décision qui n’autorise pas l’exécution n’est soumis à aucun délai de forclusion.

33     C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient de déterminer si, en cas de signification inexistante ou irrégulière de la décision qui autorise l’exécution, la simple prise de connaissance de cette décision par la personne contre laquelle l’exécution est demandée suffit pour faire courir le délai fixé à l’article 36 de la convention de Bruxelles.

34     À cet égard, il est constant, en premier lieu, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 56 de ses conclusions, que l’exigence de signification de la décision qui autorise l’exécution a pour fonction, d’une part, de protéger les droits de la partie contre laquelle l’exécution est demandée et, d’autre part, de permettre, sur le plan probatoire, une computation exacte du délai de recours rigoureux et impératif prévu à l’article 36 de la convention de Bruxelles.

35     Cette double fonction, combinée avec l’objectif de simplification des formalités auxquelles est subordonnée l’exécution des décisions judiciaires rendues dans d’autres États contractants, explique la raison pour laquelle la convention de Bruxelles soumet, ainsi que cela ressort du point 32 du présent arrêt, la transmission à la partie contre laquelle l’exécution est demandée de la décision qui autorise l’exécution à des conditions de forme plus strictes que celles applicables à la transmission de cette même décision au requérant.

36     En second lieu, il convient de rappeler que, si seule importait la connaissance par la partie contre laquelle l’exécution est demandée de la décision qui autorise l’exécution, cela risquerait de vider de sa substance l’exigence d’une signification. En effet, les requérants seraient alors tentés d’abandonner les voies prescrites pour une signification régulière (voir, en ce sens, dans le contexte de l’article 27, point 2, de la convention de Bruxelles, arrêt Lancray, précité, point 20).

37     En outre, cela rendrait plus difficile la computation exacte du délai prévu à l’article 36 de ladite convention, faisant ainsi échec à l’application uniforme des dispositions de la convention de Bruxelles (voir, en ce sens, arrêt Lancray, précité, point 20).

38     Il y a donc lieu de répondre aux questions posées que l’article 36 de la convention de Bruxelles doit être interprété en ce sens qu’il exige une signification régulière de la décision qui autorise l’exécution, au regard des règles procédurales de l’État contractant dans lequel l’exécution est demandée, et donc que, en cas de signification inexistante ou irrégulière de la décision qui autorise l’exécution, la simple prise de connaissance de cette décision par la personne contre laquelle l’exécution est demandée ne suffit pas pour faire courir le délai fixé audit article.

 Sur les dépens

39     La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

L’article 36 de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, telle que modifiée par la convention du 9 octobre 1978 relative à l’adhésion du Royaume de Danemark, de l’Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, par la convention du 25 octobre 1982 relative à l’adhésion de la République hellénique et par la convention du 26 mai 1989 relative à l’adhésion du Royaume d’Espagne et de la République portugaise, doit être interprété en ce sens qu’il exige une signification régulière de la décision qui autorise l’exécution, au regard des règles procédurales de l’État contractant dans lequel l’exécution est demandée, et donc que, en cas de signification inexistante ou irrégulière de la décision qui autorise l’exécution, la simple prise de connaissance de cette décision par la personne contre laquelle l’exécution est demandée ne suffit pas pour faire courir le délai fixé audit article.

Signatures


* Langue de procédure: l’italien.

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