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Document 52013DC0833

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL Vers l’éradication des mutilations génitales féminines

/* COM/2013/0833 final */

52013DC0833

COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL Vers l’éradication des mutilations génitales féminines /* COM/2013/0833 final */


COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL

Vers l’éradication des mutilations génitales féminines

TABLE DES MATIÈRES

1........... Introduction.................................................................................................................... 4

2........... Vers une meilleure compréhension des mutilations génitales féminines dans l’UE............... 5

3........... Favoriser un changement social durable afin de prévenir les mutilations génitales féminines 6

4........... Aider les États membres à poursuivre plus efficacement les auteurs de mutilations génitales féminines    9

5........... Assurer la protection des femmes à risque sur le territoire de l’UE.................................. 10

6........... Promouvoir l’éradication des mutilations génitales féminines dans le monde..................... 12

7........... Mise en œuvre, contrôle et évaluation............................................................................ 13

8........... Conclusion................................................................................................................... 14

1.           Introduction

Chaque année, des millions de femmes et de jeunes filles dans le monde voient leur qualité de vie ravagée par des mutilations génitales féminines (MGF). Cette pratique consiste en l’ablation partielle ou totale de leurs organes génitaux externes ou en toute autre lésion de leurs organes génitaux pour des raisons non médicales[1]. Des milliers de femmes et de jeunes filles vivant en Europe ont subi de telles mutilations ou risquent d’en être victimes.

Les mutilations génitales féminines sont internationalement reconnues comme une violation des droits fondamentaux des femmes et comme une forme de maltraitance des enfants. À l’instar d’autres formes de violence fondées sur le sexe, elles constituent «une atteinte au droit fondamental à la vie, à la liberté, à la sécurité, à la dignité, à l’égalité entre les femmes et les hommes, à la non-discrimination et à l’intégrité physique et mentale»[2]. Elles violent également les droits de l’enfant tels que définis dans la convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant.

Partout dans le monde, les plaidoyers pour l’abandon des mutilations génitales féminines s’intensifient. Sous la conduite du Groupe africain au sein du Conseil des droits de l’homme des Nations unies et avec le ferme soutien de l’UE, l’Assemblée générale des Nations unies (AGNU) a adopté en 2012 une résolution appelée à faire date, intitulée: «Intensification de l’action mondiale visant à éliminer les mutilations génitales féminines»[3]. Une déclaration de suivi adoptée en juin 2013 par le Groupe africain, à laquelle ont souscrit les États membres de l’UE, porte plus particulièrement sur les défis auxquels la communauté internationale doit s’atteler pour atteindre l’objectif de tolérance zéro en matière de mutilations génitales féminines. Une attention toute particulière est, en outre, accordée à ce problème dans le cadre du suivi de l’application de la convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Droits fondamentaux et égalité des sexes constituent des valeurs essentielles de l’Union européenne. L’Union s’emploie, en effet, depuis longtemps à éradiquer les violences fondées sur le sexe et la violence à l’égard des enfants, comme l’indiquent sa «Stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2010-2015»[4], la directive sur les droits des victimes[5] et le programme de l’UE en matière de droits de l’enfant[6].

La présente communication de la Commission sur les mutilations génitales féminines se fonde sur les travaux que l’UE mène depuis de nombreuses années et sur un rapport de l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE)[7]. Elle s’appuie également sur les propositions formulées par une table ronde de haut niveau sur les mutilations génitales féminines[8], sur les contributions de la société civile, d’organisations internationales, des milieux universitaires et d’organismes pour l’égalité de traitement à une consultation publique[9], ainsi que sur un avis écrit rendu par le Comité consultatif de l’égalité des chances entre les femmes et les hommes[10]. La présente communication traite des politiques intérieures et extérieures; elle adopte une approche globale et intégrée qui met tout particulièrement l’accent sur la prévention.

2.           Vers une meilleure compréhension des mutilations génitales féminines dans l’Union européenne

Selon l’UNICEF[11], plus de 125 millions de femmes dans le monde subissent actuellement les conséquences de mutilations génitales féminines. Cette pratique est très répandue dans l’ouest, l’est et le nord-est de l’Afrique, dans certains pays d’Asie et du Moyen-Orient et, à l’échelle mondiale, au sein de certaines communautés de migrants originaires de ces régions et pays. Dans l’Union européenne, le chiffre de 500 000 victimes est fréquemment cité[12].

Il est difficile d’estimer le nombre de jeunes filles qui risquent de subir des mutilations génitales féminines. Les jeunes filles qui ont émigré d’un pays dans lequel ces mutilations sont pratiquées ou qui sont nées d’un ou de deux parents originaires d’un tel pays, peuvent être considérées comme exposées à ce risque[13]. Toutefois, une évaluation précise des déterminants de risque devrait tenir compte d’autres facteurs, tels qu’un changement dans le comportement ou les croyances des parents à la suite de leur migration.

Prévalence des MGF dans les États membres de l’UE[14]

Pays || Année de publication || Nombre de femmes victimes de MGF || Nombre de jeunes filles risquant de subir des MGF || Nombre d’affaires pénales[15]

Belgique || 2011 || 6 260 || 1 975 ||

Danemark || || Aucune donnée disponible || 1

Allemagne || 2007 || 19 000 || 4 000 ||

Irlande || 2011 || 3 170 || Non disponible ||

Espagne || || Aucune donnée disponible || 6

France || 2007 || 61 000 || Non disponible || 29

Italie || 2009 || 35 000 || 1 000 || 2

Hongrie || 2012 || 170 – 350 || Non disponible ||

Pays-Bas || 2013 || 29 210 || 40 – 50/an || 1

Suède || || Aucune donnée disponible || 2

Royaume-Uni || 2007 || 65 790 || 30 000 ||

En outre, les preuves relatives aux circonstances dans lesquelles les mutilations sont pratiquées sur les jeunes filles vivant dans l’UE sont insuffisantes. À la fin des années 1970 et au début des années 1980, plusieurs affaires portées devant la justice française[16] ont mis au jour des pratiques de mutilations commises sur le territoire français. Par la suite, les condamnations de parents et d’exciseurs[17] ont pu inciter des familles à faire exciser leur(s) fille(s) dans leur pays d’origine ou dans les États membres de l’UE dont la législation ou la répression en la matière est moins sévère. Les dernières affaires judiciaires recensées dans l’UE concernent des mutilations commises tant dans des pays tiers (poursuites engagées en Italie, en Espagne, au Danemark et en Suède) que dans l’UE (en Espagne et en France).

Objectif:

Mieux comprendre les mutilations génitales féminines dans l’Union européenne.

Actions:

La Commission européenne:

– demandera à l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes d’élaborer une méthodologie commune et des indicateurs afin de mesurer la prévalence des mutilations génitales féminines et d’estimer le nombre de femmes et de jeunes filles risquant de subir des mutilations et le nombre de victimes de mutilations génitales féminines dans l’Union européenne;

– appréciera la faisabilité de mener une enquête ainsi que des recherches quantitatives et qualitatives sur les mutilations génitales féminines;

– encouragera les États membres à mettre au point des indicateurs spécifiques sur les mutilations génitales féminines dans le cadre du suivi par l’Union de la mise en œuvre de la plate-forme d’action de Pékin des Nations unies.

3.           Favoriser un changement social durable afin de prévenir les mutilations génitales féminines

3.1.        Favoriser un changement social durable afin de prévenir les mutilations génitales féminines

Les mutilations génitales féminines constituent une norme sociale profondément ancrée qui exerce de fortes pressions sur les familles pour que celles-ci se conforment aux attentes des membres de leur communauté. Ces mutilations sont associées au contrôle social de la sexualité des femmes, ainsi qu’à toute une série de croyances et de peurs. Malgré leurs graves conséquences physiques et psychologiques, immédiates et à long terme, les auteurs de ces actes les accomplissent souvent en croyant qu’ils sont dans l’intérêt de la jeune fille qui les subit. Dans un contexte de migration, les mutilations génitales féminines peuvent également être perçues comme un moyen de préserver, d’une part, un lien avec le pays d’origine et, d’autre part, l’identité culturelle. Il s’agit d’une question intime, encore souvent taboue parmi les populations touchées. C’est pourquoi il est capital de tenir compte de sa complexité.

Les cadres législatifs et la répression sont nécessaires, mais pas suffisants, pour garantir l’abandon des mutilations génitales féminines. Il est, en effet, impératif que les communautés concernées fassent évoluer leurs comportements et leurs croyances. Les résultats de plusieurs projets financés par les programmes Daphné de l’UE[18] font apparaître que des actions ciblées de sensibilisation doivent être élaborées au sein des communautés concernées et avec leur concours. Ces actions doivent associer à la fois hommes et femmes, dignitaires religieux et chefs de communauté, personnalités respectées et influentes des différentes communautés, les victimes qui sont disposées à témoigner, les jeunes et les personnes âgées. Ces actions doivent s’appuyer sur l’opposition actuelle aux mutilations génitales féminines au sein de la population touchée et établir des liens entre l’UE et les pays d’origine.

Il ressort d’un récent rapport[19] qu’il existe une plus forte prévalence des mutilations génitales féminines dans les familles pauvres ou dans celles dont les parents ont un faible niveau d’instruction. Il est dès lors capital, lorsqu’il s’agit d’instaurer des mesures visant à l’abandon de ces pratiques, de donner aux femmes les moyens d’agir pour leur permettre de prendre des décisions éclairées pour elles-mêmes et pour leurs enfants.

3.2.        Développer une coopération pluridisciplinaire

On estime que des milliers de jeunes filles vivant dans l’UE risquent de subir des mutilations génitales. Un large éventail de professionnels sont en contact avec elles, notamment des secteurs de la santé, de l’éducation, de la protection de l’enfance, des services sociaux, de la justice, de l’immigration et de l’asile. Si ces professionnels entendent offrir une protection et un soutien appropriés, une coopération pluridisciplinaire basée sur de solides connaissances en matière de mutilations génitales féminines s’impose. En fonction de leur rôle et de leurs responsabilités, ils devraient être à même d’identifier les jeunes filles à risque et les femmes victimes de mutilations génitales féminines et de les signaler aux autorités compétentes, de sorte que des mécanismes de protection et une aide appropriés soient mobilisés. Pour y parvenir, le thème de la violence fondée sur le sexe, qui englobe les mutilations génitales féminines, doit figurer dans les programmes d’enseignement dispensés à tous les professionnels susceptibles d’entrer en contact avec les communautés touchées. Il est indispensable de concevoir du matériel pédagogique et des formations à cet effet, de s’assurer du soutien des ONG actives dans ce domaine et de mettre en place des protocoles multisectoriels efficaces. Des lignes directrices claires relatives au secret professionnel et aux conditions de sa levée sont indispensables.

Les mutilations génitales féminines pratiquées par des professionnels de la santé suscitent des préoccupations croissantes à travers le monde. Certaines ONG ont également soulevé la question des femmes qui subissent une réinfibulation[20] à la maternité après avoir accouché, à leur propre demande ou à celle de leur famille, malgré l’interdiction de cette pratique par les législations nationales dans l’UE.

En outre, bon nombre de femmes qui ont survécu à des mutilations génitales féminines peuvent également subir d’autres formes de violence, telles que des mariages précoces, mariages d’enfants ou mariages forcés ou encore des violences domestiques. En tant que migrantes, parfois à la charge de leur époux, de leur père ou de leur famille élargie, elles peuvent être particulièrement vulnérables. Les États membres sont, dès lors, encouragés à faciliter l’accès de ces femmes aux prestations et services sociaux adaptés à leurs besoins, ainsi que leur accès à l’éducation.

La plupart des femmes qui ont survécu à des mutilations génitales féminines ont besoin d’aide pour supporter les conséquences, immédiates et à long terme, de ce traumatisme. Leurs besoins varieront en fonction de leur âge et de leur situation. Grâce à un soutien adapté, elles prendraient conscience des conséquences désastreuses de ces pratiques sur leur santé. Certains États membres (comme la Belgique, la France, l’Italie, la Suède ou le Royaume-Uni[21]) ont créé des centres médicaux spécialisés dans les soins aux victimes de mutilations génitales féminines, lesquels prodiguent essentiellement des soins gynécologiques, en particulier aux femmes enceintes. Il semble toutefois qu’il n’y ait pas suffisamment de services qui adoptent une approche globale, comprenant, par exemple, un soutien psychologique, psycho-sexuel ou post-traumatique.

Les États membres sont encouragés à sensibiliser les professionnels de la santé à la question des mutilations génitales féminines (identification, prévention, traitement et soins adaptés pendant la grossesse et l’accouchement), y compris le suivi de l’enfant sain. Ils sont invités à présenter des rapports adaptés sur les mutilations génitales féminines, notamment en exploitant pleinement la Classification internationale des maladies établie par l’OMS.

Objectif:

Promouvoir des mesures efficaces de prévention et d’aide aux victimes, notamment en faisant évoluer les normes sociales et en donnant aux femmes les moyens d’agir.

Actions:

La Commission européenne:

– favorisera la conception de modules de formation, de guides multisectoriels et de protocoles dans le cadre du futur programme «Droits, égalité et citoyenneté». Ces différents outils s’adresseront aux professionnels concernés et auront pour objectif de prévenir les mutilations génitales féminines et d’aider les victimes;

– encouragera les États membres à renforcer leurs systèmes de protection de l’enfance en améliorant la coordination et la coopération entre les services afin qu’ils soient plus intégrés et mieux à même de faire face aux cas avérés, ou aux risques, de maltraitance d’enfants, y compris les cas de mutilations génitales féminines;

– dans le prolongement du programme européen Daphné, tirera pleinement parti du nouveau programme de l’Union «Droits, égalité et citoyenneté»[22] pour financer des activités conçues et développées par des ONG dont l’objectif est de prévenir la violence à l’égard des femmes et des enfants; de même, la Commission informera les enfants de leurs droits et promouvra en particulier le respect de leur droit d’être entendus;

– dans la continuité du programme «Éducation et formation tout au long de la vie», exploitera pleinement le programme Erasmus+ ainsi que d’autres instruments de financement européens pour subventionner, s’il y a lieu, des campagnes de sensibilisation et favoriser l’évolution des comportements (notamment ceux des parents) en associant les enseignants, les éducateurs, les familles et les communautés. Des activités pourront avoir pour objectif de responsabiliser les jeunes migrantes, d’améliorer la formation des enseignants et d’autres professionnels susceptibles d’entrer en contact avec les communautés touchées et de prévenir la violence à l’égard des femmes;

– favorisera le financement, au titre du futur Fonds «Asile et migration», d’actions destinées à responsabiliser les femmes et les jeunes filles et à renforcer leur intégration dans leur société d’accueil;

– inclura les violences liées au sexe, dont les mutilations génitales féminines, dans tous futurs travaux relatifs à des orientations de l’UE sur les systèmes de protection de l’enfance;

– concevra des modules de formation spécifiques, y compris sur des questions liées aux mutilations génitales féminines, à l’intention des professionnels de la santé qui travaillent avec des migrants.

4.           Aider les États membres à poursuivre plus efficacement les auteurs de mutilations génitales féminines

La résolution des Nations unies intitulée «Intensification de l’action mondiale visant à éliminer les mutilations génitales féminines»[23] exhorte les États à promulguer et à faire appliquer une législation interdisant les mutilations génitales féminines.

Les mutilations génitales féminines sont passibles de poursuites pénales dans tous les États membres de l’UE, en application soit du droit pénal général, soit du droit pénal spécial[24]. Un principe d’extra-territorialité est souvent inclus, de sorte qu’il est possible de poursuivre les auteurs de mutilations génitales féminines lorsque ces dernières sont commises à l’étranger, si la victime et/ou la ou les personnes effectuant ou envisageant d’effectuer cette procédure sont des ressortissants du pays qui mène l’enquête.

Toutefois, les juridictions pénales sont rarement saisies d’affaires de mutilations génitales féminines, essentiellement en raison de la réticence des victimes à porter plainte. Des services disposant de compétences et de connaissances suffisantes pour venir en aide aux victimes qui se présentent font également défaut. La réglementation relative au secret professionnel ainsi que l’absence de mécanismes permettant de diriger les jeunes filles qui risquent de subir ou qui ont subi des mutilations génitales féminines vers les services d’aide compétents font également obstacle à un suivi approprié des victimes.

La législation, des poursuites efficaces et la condamnation des «exciseurs» et des parents coupables semblent, en effet, constituer des éléments essentiels pour dissuader des parents de (faire) mutiler leurs filles et les aider à mieux résister aux pressions exercées par leur famille et leur communauté.

Il y a lieu d’examiner à la fois les législations nationales et les affaires judiciaires pertinentes, dans la mesure où elles donnent un aperçu de certaines des principales questions de droit entourant les mutilations génitales féminines. En Espagne, par exemple, des parents ont récemment été sanctionnés pour avoir fait exciser leur fille avant de la faire immigrer en Europe. La question de l’intérêt supérieur de l’enfant devrait également constituer une préoccupation primordiale à tous les stades d’une procédure pénale (de l’enquête jusqu’à la condamnation), par exemple pour empêcher qu’un enfant ne soit doublement victime, d’abord en raison des mutilations génitales féminines subies, puis en étant retiré à la garde de ses parents.

Objectif:

Aider les États membres à faire appliquer leur législation interdisant les mutilations génitales féminines.

Actions:

La Commission européenne:

– analysera les législations pénales et les affaires judiciaires relatives aux mutilations génitales féminines et organisera un échange de bonnes pratiques entre États membres afin de déterminer les actions au niveau de l’UE qui apporteraient une valeur ajoutée;

– diffusera le matériel de formation existant pour les professionnels de la justice par l’intermédiaire de plateformes appropriées;

– fera respecter les droits des victimes de la criminalité définis dans la directive sur les droits des victimes[25], en particulier le droit d’accès aux services d’aide généraux et spécialisés.

5.           Assurer la protection des femmes à risque sur le territoire de l’UE

La directive «qualification» de l’UE[26] garantit le droit à la protection internationale pour les femmes qui ont une crainte fondée d’être persécutées ou risquent de subir des mutilations génitales féminines. Elle étend ce droit aux parents qui craignent d’être persécutés ou qui courent un risque réel de subir des atteintes graves parce qu’ils refusent que leur enfant subisse des mutilations génitales féminines. La directive «qualification» révisée[27] renforce la protection des personnes qui craignent de subir des mutilations génitales féminines. Elle reconnaît explicitement que les questions liées au genre du demandeur doivent être dûment prises en considération si celles-ci se rapportent à la crainte fondée du demandeur d’être persécuté. Ces questions incluent l’identité de genre et l’orientation sexuelle, qui peuvent être liées à certaines traditions juridiques et coutumes, donnant lieu par exemple à des mutilations génitales.

La directive de refonte relative aux procédures d’asile[28] intègre la dimension du genre dans les procédures d’asile. Concrètement, i) tous les demandeurs femmes pourront avoir accès à la procédure d’asile, pourront bénéficier d’un examen individuel de leur demande et pourront recevoir une protection effective s’ils remplissent les conditions à cet effet; ii) les autorités responsables doivent être dûment préparées à tenir compte de la complexité des demandes liées au genre; iii) les demandeurs femmes doivent avoir la possibilité concrète de faire part de leurs expériences personnelles aux services d’asile compétents dans un environnement sûr et préservant la confidentialité et de bénéficier des garanties procédurales fondamentales, telles que des services d’interprétation et des conseils juridiques; iv) les victimes de torture ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle se verront accorder suffisamment de temps et un soutien adéquat pour préparer les entretiens personnels et les autres étapes essentielles de la procédure.

La directive de refonte relative aux conditions d’accueil des demandeurs d’asile[29] introduit des conditions d’accueil liées au genre qui s’appliqueront également aux personnes craignant de subir des mutilations génitales féminines, à savoir: i) les besoins particuliers de tous les demandeurs vulnérables de sexe féminin devront être recensés en temps voulu; ii) les personnes ayant subi des formes graves de violence devront avoir accès à des services de réadaptation afin d’obtenir l’aide psychologique et médicale dont elles ont besoin; et iii) les centres d’hébergement devront tenir compte des spécificités de genre.

En complétant ces mesures législatives, le bureau européen d’appui en matière d’asile (BEAA) peut promouvoir les bonnes pratiques et une approche commune des questions liées au genre, notamment en ce qui concerne la formation du personnel des services d’asile et les informations sur les pays d’origine.

Le Fonds européen pour les réfugiés et le futur Fonds «Asile et migration» octroient des incitations financières à un État membre aux fins de la réinstallation (transfert), sur une base volontaire, de certaines catégories de personnes, y compris les enfants et les femmes à risque, dans cet État membre.

Objectif:

Garantir la protection des femmes à risque dans l’actuel cadre législatif de l’UE en matière d’asile.

Actions:

La Commission européenne:

– continuera de contrôler la transposition en temps voulu et la mise en œuvre correcte du cadre législatif de l’UE en matière d’asile, qui garantit la protection des femmes à risque;

– veillera à ce que les outils de formation et les informations sur les pays d’origine établis par le BEAA intègrent la dimension du genre et, selon le cas, mentionnent les mutilations génitales féminines;

– continuera d’encourager les États membres à recourir aux incitations financières prévues dans les instruments législatifs en vigueur pour sensibiliser les professionnels travaillant dans le domaine de l’asile;

– encouragera les États membres à commencer à recourir aux incitations financières, à continuer d’y avoir recours ou à augmenter leur utilisation aux fins de la réinstallation d’enfants et de femmes à risque, y compris les personnes risquant de subir des formes de violence fondée sur le sexe.

6.           Promouvoir l’éradication des mutilations génitales féminines dans le monde

L’UE, depuis de nombreuses années, participe activement à la coopération internationale visant à promouvoir l’éradication des mutilations génitales féminines. Au niveau mondial, l’UE a contribué à l’adoption d’engagements fermes obligeant tous les pays à interdire et à sanctionner les mutilations génitales féminines et à prendre les mesures appropriées pour modifier les normes sociales qui les sous-tendent. Par exemple, elle a soutenu la résolution de l’AGNU sur l’élimination des mutilations génitales féminines[30] et s’est associée en 2012 au Groupe africain au sein du Conseil des droits de l’homme des Nations unies pour intensifier la mise en œuvre des engagements pris dans cette résolution.

L’Union européenne promeut également une meilleure protection internationale des femmes et des jeunes filles risquant de subir des mutilations génitales féminines dans le monde, dans le cadre de ses relations avec les pays tiers et dans les enceintes internationales.

L’action que mène l’Union en dehors de l’Europe pour combattre les mutilations génitales féminines s’appuie sur des engagements politiques et des documents d’orientation spécifiques de l’UE (lignes directrices de l’UE sur les violences contre les femmes, cadre stratégique et plan d’action de l’UE en faveur des droits de l’homme et de la démocratie, et les stratégies par pays en matière de droits de l’homme, qui donnent la priorité à la lutte contre les mutilations génitales féminines dans les pays concernés). La prévention des mutilations génitales féminines constitue également un volet de la coopération qui s’exerce dans le cadre de l’accord de Cotonou, l’accord de partenariat le plus complet conclu entre l’UE et 79 pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. En outre, l’UE contribue à la lutte contre les causes profondes des mutilations génitales féminines, en soutenant des objectifs de développement plus larges, qu’il s’agisse de l’égalité des sexes ou de l’émancipation des femmes, notamment l’éducation des jeunes filles et des femmes, leurs droits fondamentaux et leur santé sexuelle et génésique.

De 2006 à 2012, 17 projets visant à combattre les mutilations génitales féminines dans 18 pays ont bénéficié d’un financement de l’UE, à hauteur d’environ 8 millions d’EUR. Ils ont soutenu les efforts déployés par les organisations de la société civile et les pouvoirs publics, ainsi que par les organisations des Nations unies, en particulier l’UNICEF.

Dans l’ensemble, on observe une tendance positive allant dans le sens d’un abandon progressif des mutilations génitales féminines dans les 28 pays les plus touchés. À ce jour, 42 pays ont voté des lois condamnant expressément les mutilations génitales féminines. L’adoption de toute une série d’engagements forts par les gouvernements concernés est d’une importance cruciale à cet égard. Les organisations régionales, notamment l’Union africaine (UA), jouent un rôle essentiel. Le protocole de l’Union africaine relatif aux droits de la femme en Afrique, ratifié par 33 pays, dispose que toutes les mesures législatives et autres mesures doivent être prises aux fins d’éradication des mutilations génitales féminines, y compris la sensibilisation de l’opinion publique à ces pratiques, l’interdiction de celles-ci par des mesures législatives assorties de sanctions, et le soutien apporté aux victimes.

L’UE poursuivra son action visant à promouvoir l’abandon des mutilations génitales féminines, guidée par les bonnes pratiques attestées en ce qui concerne la meilleure façon de procéder pour accomplir des progrès. Elle fondera son action sur les avancées historiques et récentes réalisées dans le cadre du consensus mondial sur la nécessité de renforcer la détermination de la communauté internationale à mettre un terme aux mutilations génitales féminines. Le fait de lier la lutte contre les mutilations génitales féminines à l’émancipation et à l’éducation des jeunes filles et des femmes, à leur santé sexuelle et génésique, et à la prévention des mariages précoces, des mariages d’enfants et des mariages forcés a permis de faciliter l’abandon de ces pratiques.

Objectif:

Promouvoir l’éradication des mutilations génitales féminines dans le monde et renforcer la protection des femmes à risque dans les pays tiers.

Actions:

La Commission européenne et le service européen pour l’action extérieure:

– incluront les mutilations génitales féminines dans les dialogues annuels de l’UE avec les organisations de la société civile dans les pays partenaires concernés;

– rédigeront une note d’orientation sur les mutilations génitales féminines à l’intention des chefs de mission de l’UE dans les pays partenaires concernés;

– intégreront les mutilations génitales féminines dans les formations sur l’égalité entre femmes et hommes et sur les droits de l’enfant qui sont dispensées au personnel des institutions européennes travaillant dans les délégations de l’UE dans les pays concernés;

– soutiendront une campagne régionale en faveur de l’éradication des mutilations génitales féminines;

– continueront de travailler, en étroite collaboration avec l’Union africaine et le Groupe africain au sein du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, à l’élaboration de nouvelles initiatives pour renforcer la lutte mondiale contre les mutilations génitales féminines;

– continueront à soutenir les actions de sensibilisation en faveur d’une amélioration des législations nationales relatives aux mutilations génitales féminines, le cas échéant;

– continueront à soutenir les initiatives destinées à renforcer les capacités des organismes publics et des organisations de la société civile;

– continueront à aborder les questions liées aux mutilations génitales féminines dans le cadre des dialogues politiques, sur les droits de l’homme et sur les politiques à mener, avec les pays partenaires concernés, y compris ceux où la santé est un secteur prioritaire de la coopération;

– continueront à promouvoir une meilleure protection internationale des femmes risquant de subir des mutilations génitales féminines dans le monde, dans le cadre de leurs relations avec les pays tiers et dans les enceintes internationales.

7.           Mise en œuvre, contrôle et évaluation

Afin de garantir des progrès rapides et d’atteindre les objectifs fixés dans la présente communication, un groupe ad hoc du groupe interservices de la Commission sur l’égalité entre les femmes et les hommes examinera, évaluera et contrôlera les actions prévues dans la présente Communication et fera annuellement rapport sur les mesures mises en œuvre. Deux ans après l’adoption de la présente communication, la Commission évaluera les mesures mises en place et décidera de la suite à leur donner.

Outre ce contrôle interne, la Commission européenne consultera régulièrement des ONG et des experts actifs dans ce domaine. En effet, les organisations non gouvernementales ont toujours joué et continueront de jouer un rôle essentiel dans la protection des jeunes filles à risque, la formation des professionnels, la sensibilisation des communautés concernées, le développement des connaissances, de la documentation et des bonnes pratiques, l’inscription de cette question à l’ordre du jour des responsables politiques et l’établissement de ponts entre l’Europe et les pays d’origine. Dans toute l’Union, les organisations de la société civile sont confrontées aux mêmes défis et ont besoin de pouvoir échanger des informations et des bonnes pratiques, d’élaborer des projets et des méthodes, ainsi que de faire évaluer leurs travaux par des pairs.

Objectif:

Mettre en œuvre les actions prévues dans la présente communication et faire en sorte que la question des mutilations génitales féminines fasse l’objet d’une attention soutenue.

Actions:

La Commission européenne:

– contrôlera la réalisation en temps voulu des mesures prévues dans la présente communication et en dressera le bilan chaque année aux environs du 6 février, date de la Journée internationale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines;

– facilitera l’échange d’expériences et de bonnes pratiques sur les questions liées aux mutilations génitales féminines entre les ONG et les experts;

– encouragera les présidences du Conseil de l’Union européenne à mettre les mutilations génitales féminines à l’ordre du jour des réunions des directeurs généraux de la santé de l’UE;

– organisera un atelier sur les mutilations génitales féminines dans le cadre du Forum européen sur les droits de l’enfant de 2013;

– fera figurer les mutilations génitales féminines dans le programme de travail du groupe d’experts nationaux sur les droits de l’enfant qui sera constitué à titre informel en 2014.

8.           Conclusion

Par la présente communication sur les mutilations génitales féminines, la Commission européenne et le service européen pour l’action extérieure réitèrent leur engagement à combattre la violence envers les femmes et à éradiquer les mutilations génitales féminines tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’UE, reconnaissant qu’il importe de tenir compte de la corrélation existant entre les communautés concernées dans l’UE et leur pays d’origine.

L’UE n’aura de cesse de soulever cette question à l’avenir et apportera son soutien à tous les acteurs qui œuvrent dans ce domaine depuis de nombreuses années, notamment les organisations internationales, les États membres et les ONG. L’UE continuera à élaborer des politiques et à mettre en œuvre des mesures en ce sens, tout en tenant compte des multiples aspects des mutilations génitales féminines, lesquels exigent une approche pluridisciplinaire et une étroite coopération avec les communautés au sein desquelles elles sont pratiquées.

[1]               Telle que définie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

[2]               Conclusions du Conseil sur la lutte contre la violence envers les femmes et mise en place de services d’aide aux victimes de violences domestiques, adoptées le 6 décembre 2012.

[3]               Résolution 67/146 adoptée par l'AGNU le 20 décembre 2012.

[4]               COM(2010) 491 final.

[5]               Directive 2012/29/UE établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité.

[6]               COM(2011) 60 final.

[7]               EIGE 2013. Female genital mutilation in the European Union and Croatia.

[8]               Des personnalités du monde entier connues pour leur engagement dans la lutte contre les mutilations génitales féminines ont été conviées à une table ronde le 6 mars 2013 pour apporter leur éclairage et formuler des recommandations.

[9]               Les résultats de cette consultation sont publiés à l'adresse suivante: http://ec.europa.eu/justice/newsroom/gender-equality/opinion/130306_en.htm.

[10]             http://ec.europa.eu/justice/gender-equality/other-institutions/advisory-comittee.

[11]             Rapport de l'UNICEF intitulé: Mutilations génitales féminines/excision: aperçu statistique et étude de la dynamique des changements, New York, 2013.

[12]             Parlement européen: Résolution sur l’élimination de la mutilation génitale féminine du 14 juin 2012 (2012/2684 (RSP)). Il convient de noter que les pays ne disposent pas tous d’estimations et que celles-ci ne sont pas nécessairement comparables.

[13]             EIGE 2013, Female genital mutilation in the European Union and Croatia.

[14]             Sources: EIGE 2013, à l’exception des Pays-Bas: Exterkate 2013 — Female Genital Mutilation in the Netherlands. Prevalence, incidence and determinants. Pharos — Centre of Expertise on Health for Migrants and Refugees.

[15]             Il s'agit des affaires pénales, condamnations comprises, recensées jusqu’au mois de janvier 2012.

[16]             EIGE 2012 — Study to map the current situation and trends of FGM: country reports.

[17]             La personne (en général une femme) qui pratique les mutilations sexuelles féminines.

[18]             Décision n° 779/2007/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2007 établissant pour 2007-2013 un programme spécifique visant à prévenir et à combattre la violence envers les enfants, les jeunes et les femmes et à protéger les victimes et les groupes à risque (programme Daphné III) dans le cadre du programme général «Droits fondamentaux et justice». Voir également http://ec.europa.eu/justice/grants/programmes/daphne/

[19]             UNICEF 2013.

[20]             L’OMS définit l’infibulation comme le rétrécissement de l'orifice vaginal par la création d’une fermeture, réalisée en coupant et en repositionnant les lèvres intérieures, et parfois extérieures, avec ou sans ablation du clitoris. L’orifice vaginal doit être rouvert pour les rapports sexuels et l’accouchement, ce que l'on appelle la «défibulation». Dans certains cas, cette intervention est suivie d'une réinfibulation.

[21]             EIGE 2013.

[22]             COM(2011) 758 final.

[23]             Résolution 67/146 adoptée par l’AGNU.

[24]             BE, DK, IE, ES, IT, CY, AT, SE, UK et HR ont des dispositions spéciales concernant les mutilations génitales féminines.

[25]             Directive 2012/29/UE.

[26]             Directive 2004/83/CE du Conseil concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d'autres raisons, ont besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts.

[27]             Directive 2011/95/UE concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (refonte).

[28]             Directive 2013/32/UE relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (refonte).

[29]             Directive 2013/33/UE établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (refonte).

[30]             Résolution 67/146 adoptée par l’AGNU.

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