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Document 52012PC0085
Proposal for a DIRECTIVE OF THE EUROPEAN PARLIAMENT AND OF THE COUNCIL on the freezing and confiscation of proceeds of crime in the European Union
Proposition de DIRECTIVE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL concernant le gel et la confiscation des produits du crime dans l’Union européenne
Proposition de DIRECTIVE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL concernant le gel et la confiscation des produits du crime dans l’Union européenne
/* COM/2012/085 final - 2012/0036 (COD) */
Proposition de DIRECTIVE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL concernant le gel et la confiscation des produits du crime dans l’Union européenne /* COM/2012/085 final - 2012/0036 (COD) */
EXPOSÉ DES MOTIFS
1.
CONTEXTE
DE LA PROPOSITION
1.1.
Contexte général
La présente proposition de
directive vise à faciliter la confiscation et le recouvrement par les autorités
des États membres des gains tirés de la grande criminalité transfrontière
organisée. Son objectif est triple: s'attaquer aux incitations financières qui
motivent la criminalité, protéger l'économie légale contre l'infiltration par
les réseaux criminels et la corruption, et restituer les gains d'origine
criminelle aux autorités publiques qui fournissent des services aux citoyens.
Cette proposition est présentée en réaction au contexte économique actuel, dans
lequel la crise financière et le ralentissement de la croissance créent de
nouvelles perspectives pour les criminels, accroissent la vulnérabilité de
notre système économique et financier et placent devant de nouveaux défis les
autorités publiques qui doivent financer un besoin croissant de services
sociaux et d'assistance. Les groupes criminels organisés
sont des entreprises illégales conçues pour générer des gains. Ils se livrent à
une multitude d'activités criminelles transfrontières, telles que le trafic de
stupéfiants, la traite des êtres humains, le trafic d'armes et la corruption,
qui génèrent d'immenses profits. Selon des estimations des
Nations unies, le montant total des produits du crime à l'échelle mondiale a
atteint près de 2 100 milliards d'USD en 2009, soit 3,6 % du PIB
mondial[1].
Il n'existe pas d'estimation fiable de l'ampleur des gains d'origine criminelle
dans l'Union européenne[2],
mais la Banque d'Italie a estimé à 150 milliards d’EUR les produits de la
criminalité organisée qui ont été blanchis en 2011 dans ce pays. Au
Royaume-Uni, les profits de la criminalité organisée ont été estimées en 2006 à
15 milliards de GBP. Les gains tirés de ces activités
sont blanchis et réinvestis dans des activités légales. Les groupes criminels
organisés dissimulent et réinvestissent une fraction croissante de ces avoirs
dans des États membres autres que celui dans lequel l’infraction est perpétrée[3].
Ceci affaiblit notre capacité à combattre la grande criminalité organisée
transfrontière sur le territoire de l'UE et nuit au fonctionnement sans heurts
du marché intérieur en faussant la concurrence avec les entreprises légales et
en sapant la confiance dans le système financier[4].
Enfin, la grande criminalité organisée prive les gouvernements nationaux et le
budget de l'UE de recettes fiscales. En conséquence, les États membres devraient tous être doté
d’un régime efficace de gel, gestion et confiscation des avoirs d’origine
criminelle s'appuyant sur le dispositif institutionnel et les ressources
financières et humaines nécessaires. Or, bien
qu'elle soit réglementée par le droit de l'EU et les législations nationales,
la confiscation des avoirs d'origine criminelle reste insuffisamment développée
et n’est pas mise en œuvre autant qu’elle pourrait l’être. Le montant total
récupéré dans l'UE sur de tels avoirs demeure modique par rapport aux profits
estimatifs des groupes criminels organisés[5].
Par exemple, en 2009, les avoirs confisqués se sont élevés à
185 millions d'EUR en France, 154 millions de GBP au Royaume-Uni,
50 millions d'EUR aux Pays‑Bas et 281 millions d'EUR en Allemagne. Parce qu'elle est un outil
efficace dans la lutte contre la grande criminalité organisée, la confiscation
des avoirs d'origine criminelle s'est vue accorder une priorité stratégique au
niveau de l'UE. Le programme de Stockholm de 2009[6]
demande ainsi aux États membres et à la Commission de rendre plus efficace la
confiscation des avoirs d'origine criminelle et de renforcer la coopération
entre les bureaux de recouvrement des avoirs. Les conclusions du Conseil
«Justice et affaires intérieures» sur la confiscation et le recouvrement des
avoirs, adoptées en juin 2010[7]
, appellent les États membres à mieux se coordonner pour permettre une
confiscation plus efficace et à plus grande échelle des avoirs d'origine
criminelle. Elles invitent en particulier la Commission à réfléchir à un
durcissement du cadre juridique, qui permette de mettre en place des
dispositifs plus efficaces de confiscation des avoirs de tiers et de
confiscation élargie. Enfin, elles soulignent l'importance de toutes les phases
de la procédure de confiscation et de recouvrement des avoirs et recommandent
des mesures visant à préserver la valeur des avoirs au cours de cette
procédure. La communication de la
Commission intitulée «La stratégie de sécurité intérieure de l'UE en action»[8]
indique que la Commission présentera une proposition législative destinée à
durcir le cadre juridique de l'UE en matière de confiscation, notamment en
autorisant davantage la confiscation des avoirs de tiers[9]
et la confiscation élargie, et en facilitant la reconnaissance mutuelle, entre
les États membres, des décisions de confiscation prises en l'absence de
condamnation[10]. En octobre 2011, le Parlement
européen a adopté un rapport d’initiative sur la criminalité organisée, qui
invite la Commission à proposer présenter, dès que possible, de nouveaux textes
législatifs sur la confiscation, et notamment des règles sur l'utilisation
efficace de la confiscation élargie et de la confiscation en l'absence de
condamnation, des règles permettant la confiscation des avoirs transférés à des
tiers ainsi que des règles concernant l'allégement de la charge de la preuve
après la condamnation d'une personne pour infraction grave relative à l'origine
des biens en sa possession[11]. Dans sa communication sur les
produits du crime adoptée en 2008[12],
la Commission a énoncé dix priorités stratégiques pour ses futurs travaux et
mis en relief les insuffisances du cadre juridique de l'UE (lacunes dans la
mise en œuvre, manque de clarté de certaines dispositions, incohérences entre
dispositions existantes). Dans ce contexte, la Commission
propose une directive fixant des règles minimales à l’intention des États
membres en ce qui concerne le gel et la confiscation des avoirs d'origine
criminelle par les moyens suivants: confiscation directe, confiscation en
valeur, confiscation élargie, confiscation en l'absence de condamnation (dans
des circonstances bien précises) et confiscation des avoirs de tiers.
L'adoption de ces règles minimales fera progresser l'harmonisation des régimes
en vigueur dans les États membres en matière de gel et de confiscation et,
partant, renforcera la confiance mutuelle et l'efficacité de la coopération
transfrontière. La Commission poursuivra en
outre sa réflexion sur les possibilités de renforcer la reconnaissance mutuelle
des décisions de gel et de confiscation tout en respectant pleinement les
droits fondamentaux. À terme, toutes les décisions de gel et de confiscation
rendues par un État membre devraient être effectivement appliquées à des avoirs
situés dans un autre État membre. À cette fin, la Commission continuera
d'encourager les États membres à mettre en œuvre les instruments juridiques
existants de l'UE en matière de reconnaissance mutuelle. La présente proposition n'a aucune incidence sur le budget
de l'Union européenne. Elle ne concerne pas l'allocation budgétaire du produit
des confiscations .
1.2.
Dispositions actuelles de l’UE dans ce domaine
Le cadre juridique actuel de l'UE en matière de gel et de
confiscation des produits du crime est constitué de quatre décisions-cadres du
Conseil et d'une décision du Conseil: ·
la décision-cadre 2001/500/JAI[13],
qui fait obligation aux États membres de permettre la confiscation, d'autoriser
la confiscation en valeur[14]
lorsque les produits directs du crime ne peuvent pas être appréhendés, et de
veiller à ce que les demandes émanant des autres États membres soient traitées
avec le même degré de priorité que celui accordé aux procédures intérieures; ·
la décision-cadre 2005/212/JAI[15],
qui harmonise les lois en matière de confiscation. La confiscation ordinaire, y
compris la confiscation en valeur, doit être prévue pour toutes les infractions
passibles d’une peine privative de liberté d’une durée maximale d'un an. La
confiscation élargie[16]
doit être prévue pour certaines infractions graves, lorsqu'elles sont «commises
dans le cadre d’une organisation criminelle»; ·
la décision‑cadre 2003/577/JAI[17],
qui prévoit la reconnaissance mutuelle des décisions de gel; ·
la décision‑cadre 2006/783/JAI[18],
qui prévoit la reconnaissance mutuelle des décisions de confiscation; ainsi que ·
la décision 2007/845/JAI du Conseil[19]
relative à la coopération entre les bureaux de recouvrement des avoirs des
États membres, qui fait obligation aux États membres de mettre en place ou de
désigner des bureaux nationaux de recouvrement des avoirs pour exercer la
fonction de points de contact centraux à l'échelle nationale qui facilitent,
par une coopération renforcée, le dépistage le plus rapide possible des avoirs
d'origine criminelle sur le territoire de l'UE. Ces instruments ont été mis au point principalement pour
combattre la grande criminalité organisée. Toutefois, exceptées les
dispositions concernant la confiscation élargie, le cadre actuel de droit pénal
matériel de l'UE s'applique à la confiscation des produits de toute infraction
pénale passible d'une peine privative de liberté d’une durée supérieure à un
an.
1.3.
Cohérence avec les autres politiques
Le programme de travail pour
2011 de la Commission qualifie la présente proposition d’initiative stratégique
qui s'inscrit dans une action politique plus large visant à protéger l'économie
légale contre l'infiltration par les réseaux criminels. Cette initiative
inclut des mesures destinées à lutter contre la corruption à l'intérieur de
l'UE[20]
et une stratégie antifraude de l'UE[21],
adoptée en juin 2011. En protégeant l'économie légale, la présente proposition
stimulera l'activité économique et l'emploi en Europe, et contribuera à la
durabilité de la croissance conformément à la stratégie «Europe 2020»[22].
Le train de mesures
anticorruption adopté en juin 2011 par la Commission a mis en place une
stratégie renforcée de lutte contre la corruption couvrant un large éventail de
politiques internes et externes de l'UE et a instauré un nouveau mécanisme
d'information qui permettra, à partir de 2013, d'évaluer régulièrement les
efforts déployés par les États membres pour combattre la corruption. La
communication sur la lutte contre la corruption dans l'UE appelait les États
membres à prendre toutes les mesures qui s'imposent pour assurer, dans les
affaires de corruption, une détection et des poursuites efficaces, l'imposition
régulière de sanctions dissuasives et le recouvrement des avoirs acquis
illégalement. Elle soulignait en outre la nécessité de réviser le
cadre juridique de l'UE régissant la confiscation et le recouvrement des avoirs
afin que les tribunaux des États membres puissent effectivement confisquer les
avoirs d'origine criminelle ainsi que les avoirs entachés d’illicéité et
récupérer l'intégralité des montants correspondants, y compris dans les
dossiers de corruption. Dans le même contexte de protection
de l'économie légale, la Commission a lancé en 2011 plusieurs initiatives
visant à mettre en place des garde‑fous plus solides pour mieux protéger
l'argent des contribuables au niveau de l'UE contre la fraude et la corruption.
Ces initiatives incluent une proposition de la Commission visant à
modifier le cadre juridique de l'OLAF[23],
la communication sur la protection des intérêts financiers de l'UE par le droit
pénal et les enquêtes administratives[24]
et la communication sur la stratégie antifraude de la Commission (SAC). La
mise en œuvre de la SAC s'effectue en étroite coordination avec le travail sur
le rapport anticorruption de l'UE. Ce dernier traitera
principalement de l'application des politiques anticorruption dans les États
membres, tandis que la SAC porte avant tout sur les mesures permettant de
prévenir et combattre la fraude et la corruption, en particulier celle qui
s'exerce au détriment des fonds de l'UE. La présente proposition est
conforme à la législation antiblanchiment de l'UE, notamment la troisième
directive «Blanchissement de capitaux»[25]
et les initiatives connexes que la Commission, les autres institutions de l'UE
et les États membres prennent dans ce domaine.
2.
Résultats
des consultations avec les parties intéressées et de l’analyse d’impact
2.1.
Consultation des parties intéressées
La proposition a été préparée conformément aux principes de
la Commission visant à mieux légiférer. Les normes minimales de consultation
des parties intéressées ont ainsi été respectées durant l'élaboration de la présente
proposition et lors de l'analyse d'impact. De larges consultations et discussions ont eu lieu avec des
experts à l'occasion de la réunion plénière du réseau CARIN regroupant les
autorités compétentes en matière de recouvrement d'avoirs[26]
(septembre 2010) ainsi que dans les huit réunions qu'a tenues la plateforme
informelle des bureaux de recouvrement des avoirs de l'UE entre 2009 et 2011. Aucune consultation ouverte n'a
été organisée sur l'internet, la confiscation étant un domaine spécialisé qui
compte peu d'experts. Des contacts ont été pris avec la société civile,
notamment avec des organisations promouvant la légalité, la lutte contre la
criminalité organisée et la protection des victimes de la criminalité[27].
Les questions touchant à la
confiscation des avoirs d'origine criminelle sont aussi abondamment discutées
entre experts. La confiscation et le recouvrement des avoirs donnent lieu à des
réunions internationales entre professionnels et à des séminaires stratégiques[28]
de plus en plus fréquents. Pour la profession, la plupart des dispositions
figurant dans la proposition reflètent les meilleures pratiques telles
qu'énoncées dans les recommandations formulées par le réseau CARIN entre 2005
et 2010. Ces dispositions sont également conformes aux recommandations
relatives à la confiscation émanant du Groupe d'action financière
internationale (GAFI) de l'OCDE[29].
Pour leur part, les États
membres ont exprimé leur position sur ces questions en 2010 dans les
conclusions susmentionnées du conseil JAI. En dépit d'un large accord sur la
plupart des points abordés, un petit nombre d'entre eux ont émis des réserves
concernant la confiscation en l'absence de condamnation. Inversement, dans
d'autres domaines (tels que la confiscation des avoirs de tiers ou la gestion
des avoirs), les États membres ont estimé qu'une réponse plus vigoureuse de
l'UE s'imposait. Quant aux avocats de la défense
consultés, ils se sont dits préoccupés par l'augmentation des pouvoirs en
matière de confiscation élargie, de confiscation en l'absence de condamnation
et de confiscation des avoirs de tiers, pour des raisons touchant aux droits
fondamentaux (limitation possible du droit de propriété et du droit à un
tribunal impartial). Comme expliqué ci-après, la proposition prend
soigneusement en compte ces préoccupations.
2.2.
Analyse d'impact
Conformément à sa politique tendant à «mieux légiférer», la
Commission a effectué l’analyse d'impact de plusieurs options sur la base d'une
étude extérieure achevée en mars 2011[30]. Cette étude extérieure se fonde sur une vaste consultation
des professionnels et experts du domaine, en ce compris des entretiens avec
certains points de contact nationaux du réseau CARIN. Comme l'indique
leur position dans les négociations ayant abouti aux conclusions susmentionnées
du Conseil, les États membres s’accordent généralement sur la nécessité de
durcir les règles de l'UE relatives au recouvrement des avoirs. L'étude d'impact s'appuie en outre sur les conclusions et
recommandations d'une autre étude, terminée en 2009[31].
Celle-ci analyse les pratiques des États membres en matière de confiscation,
s'attachant en particulier à ce qui s'est révélé efficace au niveau national en
vue de favoriser et d'échanger les bonnes pratiques. Plusieurs obstacles à
l'efficacité de la confiscation sont recensés, parmi lesquels l'existence de
traditions juridiques divergentes se soldant par l'absence d'approche commune
des mesures de confiscation, les difficultés rencontrées pour entrer en
possession des avoirs et maintenir leur valeur intacte, le manque de ressources
et de formation, la faiblesse des contacts inter‑agences et l'absence de
statistiques cohérentes et comparables. Enfin, l'analyse d'impact repose sur les rapports de mise en
œuvre publiés par la Commission sur les actes juridiques existants de l'UE. Il
ressort des rapports sur les décisions-cadres 2005/212/JAI[32]
, 2003/577/JAI[33]
et 2006/783/JAI[34]
que les États membres ont été lents à transposer ces textes et que la
disposition en cause a souvent été mise en œuvre de façon incomplète ou incorrecte.
Seul le degré de mise en œuvre, dans les États membres, de la décision
2007/845/JAI du Conseil peut être considéré comme modérément satisfaisant[35].
L'analyse d'impact a passé en revue plusieurs options
correspondant à différents degrés d'intervention de l'UE: une option non
législative, une option législative a minima (corrigeant les défauts du
cadre juridique existant de l’UE qui l’empêchent de fonctionner comme le
législateur l’entendait) et une option législative a maxima (dépassant les
objectifs dudit cadre juridique). Au titre de cette dernière,
deux sous-options législatives a maxima sont analysées, l'une
incluant, l’autre excluant, l'action au niveau de l’UE en matière de
reconnaissance mutuelle des décisions de gel et de confiscation entre États
membres. La formule privilégiée est l'option législative
a maxima. Cette option renforcerait considérablement l'harmonisation des
règles nationales en matière de confiscation et d'exécution des décisions,
notamment en modifiant les dispositions existantes sur la confiscation élargie
et en introduisant de nouvelles dispositions concernant la confiscation en
l'absence de condamnation et la confiscation des avoirs de tiers, ainsi que des
règles plus efficaces pour la reconnaissance mutuelle des décisions de gel et
de confiscation. Par ailleurs, entre autres droits fondamentaux, l'analyse
d'impact a examiné l'incidence sur la protection des données à caractère
personnel; cette incidence a semblé mineure. L’analyse d’impact peut être consultée dans son intégralité
à l’adresse: http://ec.europa.eu/home-affairs/policies/crime/crime_confiscation_en.htm
2.3.
Base juridique
La proposition est fondée sur l’article 82, paragraphe 2, et
l’article 83, paragraphe 1, du TFUE. La dévolution des compétences liées à la confiscation et au
recouvrement des avoirs a changé avec l'entrée en vigueur du traité de
Lisbonne. La principale base juridique de la proposition étant
l'article 83, paragraphe 1, du TFUE, la portée de celle-ci est
limitée aux infractions dans les domaines énumérés dans cet article, c'est‑à‑dire
le terrorisme, la traite des êtres humains et l'exploitation sexuelle des
femmes et des enfants, le trafic illicite de drogues, le blanchiment d'argent,
la corruption, la contrefaçon de moyens de paiement, la criminalité
informatique et la criminalité organisée. Le trafic illicite d'armes est
couvert lorsque ce crime est commis dans le contexte de la criminalité
organisée. L'un des domaines de criminalité énumérés est la
«criminalité organisée». La proposition couvrira donc d'autres activités
criminelles ne figurant pas expressément à l'article 83,
paragraphe 1, lorsque ces activités sont commises dans le cadre de la participation
à une organisation criminelle au sens de la décision‑cadre 2008/841/JAI
relative à la lutte contre la criminalité organisée[36]. La limitation du champ d’application de la proposition aux
domaines de criminalité énumérés à l'article 83, paragraphe 1, y
compris les crimes commis dans le cadre de la participation à une organisation
criminelle, implique que les dispositions existantes de l'UE relatives à la
confiscation ne soient pas abrogées afin de préserver une certaine
harmonisation en ce qui concerne les activités criminelles qui ne relèvent pas
de la présente proposition de directive. Cette dernière maintient donc
l’article 2, l’article 4 et l’article 5 de la décision‑cadre
2005/212/JAI.
2.4.
Subsidiarité, proportionnalité et respect des droits fondamentaux
En vertu de l’article 5, paragraphe 3, du TUE,
l’Union intervient seulement si les objectifs de l’action envisagée ne peuvent
pas être atteints de manière suffisante par les États membres.
L’article 67 du TFUE dispose que l’Union garantit aux citoyens un
niveau élevé de sécurité en prévenant la criminalité et en luttant contre
celle-ci. La confiscation des avoirs d’origine criminelle est de plus en plus
reconnue comme un instrument important de la lutte contre la criminalité
organisée qui revêt souvent un caractère transnational et doit, dès lors, être
combattue sur une base commune. L'UE est par conséquent mieux placée que les
différents États membres pour réglementer le gel et la confiscation des avoirs
d'origine criminelle. Une fraction croissante des avoirs des groupes criminels
organisés est dissimulée et investie en dehors de leur pays d'origine (souvent
dans plusieurs pays)[37].
Cette double dimension transfrontière (des activités des groupes criminels
organisés et de leurs investissements) justifie plus encore une action de l'UE
ciblant les avoirs de ces groupes criminels. Toutes les dispositions respectent pleinement le principe de
proportionnalité, ainsi que les droits fondamentaux, parmi lesquels le droit de
propriété, la présomption d'innocence et les droits de la défense, le droit à
accéder à un tribunal impartial, le droit à être entendu équitablement,
publiquement et dans un délai raisonnable, le droit à un recours effectif
devant un tribunal et celui d'être informé sur les moyens d'exercer ledit recours,
le droit au respect de la vie privée et familiale, le droit à la protection des
données à caractère personnel, le droit à ne pas être jugé ou puni pénalement
deux fois pour une même infraction de même que les principes de légalité et de
proportionnalité des délits et des peines. En particulier, l'introduction de dispositions harmonisées
concernant la confiscation en l'absence de condamnation n'est prévue que dans
des circonstances bien spécifiques, à savoir lorsque le défendeur ne peut être
poursuivi parce qu'il est décédé, malade ou en fuite. La confiscation élargie
n'est autorisée que dans la mesure où une juridiction constate, sur la base
d'éléments factuels concrets, qu'une personne reconnue coupable d’une
infraction est en possession d'avoirs dont il est nettement plus probable que
ceux-ci proviennent d’autres activités criminelles similaires plutôt que d'un
autre type d'activités. La personne condamnée bénéficie d’une possibilité
effective de réfuter ces éléments concrets. En outre, les pouvoirs élargis de
confiscation ne peuvent s'appliquer aux produits présumés d'activités
criminelles pour lesquelles la personne concernée a été acquittée au cours d’un
procès antérieur, ou dans d'autres cas d’application du principe ne bis in
idem. La confiscation des avoirs de tiers n'est autorisée que dans des
circonstances précises, c'est‑à‑dire lorsque le tiers acquéreur, ayant payé un
montant inférieur à la valeur marchande, aurait dû soupçonner que les biens
étaient d'origine criminelle, et après analyse montrant que la confiscation des
avoirs directement auprès de la personne qui les a transférés a peu de chances
d'aboutir. Enfin, la proposition prévoit des garanties spécifiques ainsi que
des voies de recours afin d'assurer un niveau égal de protection et de respect
des droits fondamentaux. Parmi ceux-ci figurent le droit d'être informé de la
procédure, le droit d'être représenté par un avocat, l'obligation de
communiquer dès que possible toute décision affectant la propriété et celle de
disposer d'une possibilité effective d’interjeter appel d’une telle décision.
Ces recours spécifiques sont prévus non seulement au bénéfice des prévenus ou
des suspects, mais aussi d’autres personnes dans le contexte de la confiscation
des avoirs de tiers. Bien qu'elle ait évité de se prononcer sur la question de
principe de la compatibilité des régimes de confiscation en l'absence de
condamnation et de confiscation élargie avec la convention européenne des
droits de l’homme, la Cour européenne des droits de l’homme (Cour EDH) a rendu
plusieurs arrêts dans lesquels elle a approuvé leur application à des cas
particuliers. Des procédures nationales de confiscation en l'absence de
condamnation impliquant un renversement de la charge de la preuve relative à la
légitimité d’avoirs (qui vont bien au‑delà de ce que prévoit la présente
directive) ont été approuvées par la Cour EDH dans des cas précis tant qu'elles
étaient appliquées de manière équitable dans le cas d’espèce et étaient
encadrées par des garanties suffisantes pour la personne concernée. Par
exemple, un cas d'application de la législation italienne a été jugé comme
constituant une restriction proportionnée des droits fondamentaux en ce qu'il
constituait une «arme nécessaire» dans la lutte contre la Mafia[38].
Dans une autre affaire, l'application du régime de confiscation civile du
Royaume-Uni a été jugée conforme à la convention européenne des droits de
l’homme[39].
2.5.
Choix des instruments
Pour modifier les dispositions de l'UE concernant
l'harmonisation, le seul instrument viable est une directive remplaçant
l’action commune 98/699/JAI et, en partie, les décisions‑cadre 2001/500/JAI et
2005/212/JAI.
2.6.
Dispositions spécifiques
- Objet (article 1er) Cette disposition précise que la directive ne prévoit que
des règles minimales (les dispositions législatives nationales peuvent être
plus ambitieuses) et qu'elle porte sur la confiscation des produits et
instruments en matière pénale. - Définitions (article 2) La plupart des définitions proviennent de décisions‑cadres
de l'UE antérieures ou de conventions internationales. La définition du terme
«produit» a été élargie par rapport à la définition figurant dans la décision‑cadre
2005/212/JAI afin de prévoir également la possibilité de confisquer tous les
gains résultant des produits du crime, y compris les produits indirects. La définition du terme «infraction pénale» renvoie à des
définitions précises dans les domaines de la criminalité énumérés à
l'article 83, paragraphe 1, du TFUE, telles qu’elles figurent dans la
législation existante de l'UE. - Confiscation (article 3) Cette disposition intègre (une partie de) l'article 2
de la décision‑cadre 2005/212/JAI et (une partie de) l'article 3 de
la décision‑cadre 2001/500/JAI. Elle prévoit que les États membres sont
tenus de permettre la confiscation des instruments et produits du crime à la
suite d'une condamnation définitive et de permettre la confiscation de biens
dont la valeur équivaut à celle des produits du crime. - Pouvoirs de confiscation élargis (article 4) On entend par «confiscation élargie» la possibilité de
confisquer des avoirs excédant les produits directs d'une infraction. Une
condamnation pénale peut être suivie d'une confiscation (élargie) non seulement
des avoirs liés à cette infraction précise, mais aussi d'autres avoirs qui, de
l'avis du tribunal saisi, sont les produits d'autres infractions similaires. La législation de l'Union prévoit déjà des pouvoirs de
confiscation élargis. Conformément à la décision‑cadre 2005/212/JAI, les États
membres sont tenus de permettre la confiscation d'avoirs détenus directement ou
indirectement par des personnes condamnées pour certaines infractions graves
(en rapport avec la criminalité organisée et des activités terroristes).
Cependant, cette décision‑cadre prévoit, en matière de confiscation élargie, un
ensemble minimal de règles facultatives, en laissant aux États membres la
liberté d'appliquer une option, deux options ou l'ensemble des trois options.
Il ressort du rapport de la Commission sur sa mise en œuvre que ces
dispositions sont ambiguës et sont à l'origine d'une transposition parcellaire.
En outre, les options proposées en matière de confiscation élargie ont limité
l'étendue de la reconnaissance mutuelle des décisions de confiscation. Les
autorités d'un État membre n'exécuteront en effet les décisions de confiscation
rendues par un autre État membre que si elles reposent sur les mêmes options
que celles retenues par cet État membre. La reconnaissance mutuelle des
décisions fondées sur la confiscation élargie se révèle par conséquent problématique. La présente proposition prévoit la confiscation élargie pour
les infractions énumérées à l'article 83, paragraphe 1, du TFUE,
telles que définies dans la législation existante de l'UE. Elle simplifie
également le régime actuel des règles facultatives en matière de confiscation
élargie en prévoyant une norme minimale unique. La confiscation élargie peut
avoir lieu lorsqu'un tribunal constate, sur la base d'éléments factuels précis,
qu'une personne reconnue coupable d’une infraction prévue par la présente
directive est en possession d'avoirs dont il est nettement plus probable qu'ils
proviennent d’autres activités criminelles de nature ou de gravité similaires
plutôt que d'autres activités. La confiscation élargie est exclue lorsque les
activités criminelles similaires ne pourraient pas faire l'objet d’une
procédure pénale en raison de la prescription au titre du droit pénal interne.
La proposition exclut également de la confiscation les produits d'activités
criminelles présumées pour lesquelles la personne concernée a été
définitivement acquittée au cours d'un procès antérieur (confirmant ainsi la
présomption d'innocence consacrée par l'article 48 de la charte des droits
fondamentaux) ou dans d'autres cas d’application du principe non bis in idem. - Confiscation en l'absence de condamnation
(article 5) Cet article contient des dispositions relatives à la
confiscation sans condamnation, applicables dans certaines hypothèses limitées,
afin de régler les cas dans lesquels il est impossible d’engager des poursuites
pénales. Il porte donc sur la confiscation afférente à une infraction pénale,
mais permet aux États membres de choisir la juridiction ‑ pénale et/ou
civile/administrative - tenue d’ordonner la confiscation. Les procédures menées sans condamnation permettent de
geler et de confisquer un avoir sans que son propriétaire ait été préalablement
condamné par un tribunal pénal. Afin de satisfaire à l’exigence de proportionnalité, la
proposition n'autoriserait pas dans tous les cas la confiscation en l'absence
de condamnation, mais uniquement lorsqu'une condamnation pénale ne peut être
obtenue en raison du décès du suspect ou de sa maladie permanente, ou lorsque
sa fuite ou sa maladie empêchent l’exercice de poursuites effectives dans un
délai raisonnable et comportent un risque d'extinction de l'action publique du
fait de la prescription. Cet article reflète les dispositions de la convention des
Nations unies contre la corruption. Afin de faciliter la coopération
internationale en matière de confiscation, la convention encourage les États
parties à envisager de prendre les mesures nécessaires pour permettre la
confiscation des produits de la corruption en l'absence de condamnation pénale
lorsque l’auteur de l’infraction ne peut être poursuivi pour cause de décès, de
fuite ou d’absence ou dans d’autres cas appropriés [article 54,
paragraphe 1, point c)]. Elle s'inspire aussi des travaux du Groupe
d'Action financière (GAFI) de l'OCDE, qui encourage ses pays membres à
envisager d'adopter des mesures permettant la confiscation des produits ou
instruments sans condamnation pénale préalable, ou des mesures faisant
obligation à l’auteur présumé de l’infraction d’établir la preuve de l'origine
licite des biens présumés passibles de confiscation (recommandation n° 3).
Cette disposition s'inspire en outre des avis exprimés par le groupe de travail
Lyon/Rome du G8 dans un rapport soulignant que, si la confiscation doit en
principe continuer de se fonder sur une condamnation, il existe des cas dans
lesquels les poursuites pénales ne sont pas possibles à cause du décès ou de la
fuite du défendeur ou faute de preuves suffisantes pour engager des poursuites
pénales, ou pour d'autres raisons techniques[40].
L'introduction de dispositions prévoyant la confiscation en l'absence de
condamnation pénale a également reçu le soutien de praticiens réunis au sein du
réseau CARIN (Camden Asset Recovery Inter-Agency Network), regroupant les
autorités compétentes en matière de recouvrement d'avoirs, et de la plateforme
des bureaux de recouvrement d'avoirs. - Confiscation des avoirs de tiers (article 6) Dès qu’ils font l’objet d’une enquête, les criminels
transfèrent souvent leurs avoirs à des tiers qu’ils connaissent afin d’éviter
de se les voir confisquer. On entend par «confiscation des avoirs de tiers» la
confiscation d'avoirs qui ont été transférés à des tiers par une personne
faisant l'objet d'une enquête ou ayant été condamnée. Les dispositions
nationales relatives à la confiscation des avoirs des tiers diffèrent d'un État
membre à l'autre, ce qui entrave la reconnaissance mutuelle des décisions de
gel et de confiscation d'avoirs transférés à un tiers. Afin de satisfaire à l’exigence de proportionnalité et de
protéger la situation d'un tiers acquérant un bien de bonne foi, les dispositions
harmonisées minimales introduites par la proposition ne prévoient pas
systématiquement la confiscation des avoirs de tiers. Cette disposition prévoit
que la confiscation des avoirs de tiers doit être possible pour les produits du
crime ou d'autres biens du défendeur qui ont été obtenus à un prix inférieur à
celui du marché et qu'une personne raisonnable dans la situation du tiers
soupçonnerait de provenir d'une infraction ou d’être transférés afin d'échapper
à l'application de mesures de confiscation. Il précise, afin d'éviter des
décisions arbitraires, que le critère de la personne raisonnable doit
s'apprécier au regard de circonstances et faits concrets. La
confiscation des avoirs de tiers ne devrait être, en outre, possible qu'après
vérification, sur la base d'éléments factuels précis, que la confiscation des
biens de la personne condamnée, soupçonnée ou accusée n’a guère de chance
d’aboutir, ou lorsque des objets uniques doivent être restitués à leur
propriétaire légitime. - Gel (article 7) Le premier paragraphe de cette disposition fait obligation
aux États membres de permettre le gel de biens ou d'instruments qui risquent
d'être dissipés, dissimulés ou transférés hors de leur ressort, en vue de leur
éventuelle confiscation ultérieure. Il précise que de telles mesures doivent
être ordonnées par un tribunal. L'introduction de la possibilité d'utiliser ce pouvoir en
cas d'urgence afin de prévenir la dissipation des avoirs dans des situations où
l'attente d'une décision de justice compromettrait l'effectivité de la mesure
de gel est une priorité de longue date des procureurs et des organes
répressifs. Le second paragraphe de l'article exige des États membres qu'ils
aient adopté des mesures pour faire en sorte que les avoirs risquant d'être
dissipés, dissimulés ou transférés hors de leur ressort puissent être gelés
immédiatement par les autorités compétentes avant qu’une décision de justice ne
soit sollicitée ou dans l'attente de celle-ci. - Garanties (article 8) Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l'homme et la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les droits
fondamentaux tels quel le droit de propriété ne sont pas des droits absolus.
Ils peuvent légitimement être soumis à des restrictions pourvu que celles‑ci
soient prévues par la loi et, sous réserve du principe de proportionnalité,
soient nécessaires et répondent véritablement à des objectifs d'intérêt général
ou à la nécessité de protéger les droits et les libertés d’autrui, comme dans
le cadre de la prévention de la criminalité organisée. L'article 47 de la charte des droits fondamentaux de
l'UE garantit le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal
impartial. Dans la mesure où les décisions de gel ou de confiscation
empiètent sur le droit de propriété ou d'autres droits fondamentaux, elles
doivent pouvoir être contestées par les parties concernées dans les conditions
énoncées au présent article. Selon la législation existante de l'UE (par exemple,
l'article 4 de la décision‑cadre 2005/212/JAI), les États membres font en sorte
que leur législation nationale prévoie des possibilités de recours suffisantes
pour les personnes concernées. Afin de se conformer entièrement à la charte des droits
fondamentaux, le présent article instaure des garanties minimales au niveau de
l'UE. Celles‑ci visent à garantir le respect de la présomption d'innocence, le
droit à accéder à un tribunal impartial (y compris le respect du principe ne
bis in idem), l'existence de recours juridictionnels effectifs et le droit
à être informé de la manière d'exercer ceux-ci. - Détermination de l'ampleur de la confiscation et
exécution effective (article 9) Les personnes soupçonnées d'appartenir à des organisations
criminelles sont passées maîtres dans la dissimulation de leurs avoirs, souvent
avec l'aide de professionnels talentueux. Les enquêtes qui sont réalisées en
vue d'une possible confiscation ultérieure de ces avoirs sont généralement
longues et doivent être menées à bonne fin dans les délais des procédures
pénales correspondantes. Dans le cas où une décision de confiscation a été émise mais
n'a pu être exécutée parce qu'aucun bien à confisquer n'a été découvert ou
seulement en quantité insuffisante, cet article exige des États membres qu'ils
autorisent la tenue d'une enquête sur le patrimoine de la personne dans toute
la mesure nécessaire à l'exécution complète de ladite décision. Cette
disposition répond au problème de la prescription des activités de confiscation
à l’issue de la procédure pénale, en permettant que des décisions de
confiscation non exécutées ou partiellement exécutées s'appliquent à des avoirs
précédemment dissimulés qui ont «refait surface» entre‑temps, même à une date
postérieure à la clôture de la procédure pénale. - Gestion des biens gelés (article 10) Cette disposition entend faciliter la gestion des biens
gelés en vue de leur éventuelle confiscation ultérieure. Elle fait obligation
aux États membres d'introduire des mesures visant à assurer une gestion
adéquate de ces biens, notamment en accordant le pouvoir de réaliser les biens
gelés, au moins lorsque ceux‑ci risquent de se déprécier ou de devenir trop
coûteux à conserver. - Efficacité et obligations d'information (article 11) Cette disposition introduit des obligations d'information à
la charge des États membres, qui devraient aider à élaborer des statistiques
qui seront utilisées à des fins d'évaluation. 2012/0036 (COD) Proposition de DIRECTIVE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL concernant le gel et la confiscation des produits du crime
dans l’Union européenne LE PARLEMENT EUROPÉEN ET LE CONSEIL DE L'UNION
EUROPÉENNE, vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et
notamment son article 82, paragraphe 2, et son article 83,
paragraphe 1, vu la proposition de la Commission européenne, après transmission du projet d'acte législatif aux
parlements nationaux, vu l'avis du Comité économique et social européen[41],
vu l'avis du Comité des régions[42], statuant conformément à la procédure législative ordinaire, considérant ce qui suit: (1)
Le motif principal de la criminalité organisée transfrontière est
l’appât du gain. Pour être efficaces, les autorités répressives et judiciaires
doivent disposer des moyens de dépister, geler, gérer et confisquer les
produits du crime. (2)
Les groupes criminels organisés ne connaissent pas de frontières et
acquièrent de plus en plus d’avoirs dans d’autres États membres et dans des
pays tiers. La nécessité d’une coopération internationale efficace entre les
autorités répressives en matière de recouvrement d’avoirs et d’entraide
judiciaire devient de plus en plus criante. (3)
Bien que les statistiques existantes soient limitées, les avoirs
d’origine criminelle qui sont recouvrés dans l’Union paraissent insuffisants
par rapport aux estimations des produits du crime. Des études indiquent que
bien qu’elles soient régies par la législation de l’UE et les législations
nationales, les procédures de confiscation ne sont pas appliquées autant
qu’elles pourraient l’être. (4)
Le programme de Stockholm[43]
et les conclusions du Conseil «Justice et affaires intérieures sur la
confiscation et le recouvrement des avoirs adoptées en juin 2010
soulignent l’importance d’une identification, d’une confiscation et d’une
remise en circulation plus efficaces des avoirs d'origine criminelle. (5)
Le cadre juridique actuel de l’Union en matière de gel, de saisie et de
confiscation des avoirs se compose de la décision‑cadre 2001/500/JAI du
Conseil du 26 juin 2001 concernant le blanchiment d’argent,
l’identification, le dépistage, le gel ou la saisie et la confiscation des
instruments et des produits du crime[44];
de la décision‑cadre 2003/577/JAI du Conseil du 22 juillet 2003
relative à l'exécution dans l'Union européenne des décisions de gel de biens ou
d'éléments de preuve[45];
de la décision‑cadre 2005/212/JAI du Conseil du 24 février 2005
relative à la confiscation des produits, des instruments et des biens en
rapport avec le crime[46];
et de la décision‑cadre 2006/783/JAI du Conseil du
6 octobre 2006 relative à l'application du principe de reconnaissance
mutuelle aux décisions de confiscation[47]. (6)
Il ressort des rapports de la Commission sur la mise en œuvre des
décisions‑cadres 2005/212/JAI, 2003/577/JAI et 2006/783/JAI que les
régimes existants de confiscation élargie et de reconnaissance mutuelle des
décisions de gel et de confiscation ne sont pas pleinement efficaces. Les
différences entre les législations des États membres constituent en effet une
entrave à la confiscation. (7)
La présente directive vise à modifier et à étendre les dispositions des
décisions‑cadres 2001/500/JAI et 2005/212/JAI, qui devraient être
partiellement remplacées en ce qui concerne les États membres participant à
l’adoption de la présente directive. (8)
Il est nécessaire d’élargir la notion existante de «produits afin d’y
inclure non seulement les produits directs du crime, mais aussi tous les gains
indirects, notamment le réinvestissement ou la transformation ultérieurs des
produits directs, la valeur de toute dette évitée et tout autre gain. (9)
La confiscation des instruments et des produits du crime à la suite
d’une décision de justice définitive et la confiscation des biens d’une valeur
équivalente à ces produits devraient dès lors renvoyer à cette notion élargie,
pour ce qui est des infractions pénales couvertes par la présente directive. La
décision‑cadre 2001/500/JAI prévoit que les États membres sont tenus de
permettre la confiscation des instruments et produits du crime à la suite d'une
condamnation définitive et de permettre la confiscation des biens d'une valeur
équivalente à celle des produits du crime. Ces obligations devraient être
maintenues pour les infractions pénales ne relevant pas de la présente
directive. (10)
Les groupes criminels se livrent à un large éventail d’activités
délictueuses. Or afin de s’attaquer efficacement à la criminalité organisée, il
pourrait convenir dans certains cas de faire suivre la condamnation pénale de
la confiscation non seulement des biens liés à l’infraction en cause, mais
aussi de biens supplémentaires qualifiés par la juridiction de produits
d’autres infractions. Cette approche correspond à la notion de «confiscation
élargie. La décision‑cadre 2005/212/JAI subordonnait l’application de la
confiscation élargie par les États membres au respect d’une série de conditions
minimales à choisir parmi trois séries. Il s’en est suivi que, lors de sa
transposition, les États membres ont retenu des options différentes qui ont
fait naître des notions divergentes de la confiscation élargie d’un État membre
à l’autre. Or c’est précisément une telle divergence qui entrave la coopération
transfrontière, pertinente en matière de confiscation. Il est dès lors
nécessaire d’harmoniser davantage les dispositions relatives à la confiscation
élargie en fixant une norme minimale unique. La confiscation élargie devrait
s’appliquer lorsqu’une juridiction nationale, sur la base d’éléments factuels
précis tels que la nature de l’infraction pénale, le revenu des activités
licites de la personne condamnée et le décalage entre son niveau de vie et sa
situation financière ou d’autres faits, conclut qu’il est nettement plus
probable que les biens en question proviennent d’autres infractions pénales, de
nature ou de gravité équivalente à celle de l’infraction pénale pour laquelle
la personne est condamnée, plutôt que d’autres activités. (11)
Conformément au principe ne bis in idem, il conviendrait
d’exclure de la confiscation élargie les produits des activités criminelles
présumées pour lesquelles la personne concernée a finalement été acquittée au
cours d’un procès antérieur ou dans d’autres cas d’application du principe ne
bis in idem. La confiscation élargie devrait être également exclue lorsque
les activités criminelles similaires ne pourraient pas faire l'objet d’une
procédure pénale au titre de la prescription en droit pénal interne. (12)
L’adoption d’une décision de confiscation est généralement subordonnée à
une condamnation pénale. Dans certains cas, même lorsqu’une condamnation pénale
ne peut être obtenue, il devrait néanmoins être possible de confisquer des
avoirs afin de porter un coup d’arrêt aux activités criminelles et de faire en
sorte que les profits tirés de ces activités ne soient pas réinvestis dans
l’économie légale. Certains États membres, lorsque des poursuites pénales ne
peuvent être engagées faute de preuves suffisantes, autorisent la confiscation
si le tribunal, après mise en balance des probabilités, conclut que les biens
sont d’origine illicite, et dans les cas où la personne soupçonnée ou accusée
prend la fuite pour échapper aux poursuites, ne peut comparaître en justice
pour d’autres motifs ou décède avant la fin de la procédure pénale. Il s’agit
alors d’une confiscation d’avoirs non fondée sur une condamnation. Il
conviendrait d’autoriser la confiscation non fondée sur une condamnation au
moins dans ces derniers cas, somme toute limités, dans l’ensemble des États
membres. Cette position est conforme à l’article 54, paragraphe 1,
point c), de la convention des Nations unies contre la corruption, qui
dispose que chaque État Partie doit envisager de prendre les mesures
nécessaires pour permettre la confiscation de tels biens en l’absence de
condamnation pénale lorsque l’auteur de l’infraction ne peut être poursuivi
pour cause de décès, de fuite ou d’absence. (13)
La pratique courante consistant pour une personne soupçonnée ou accusée
à transférer des biens à un tiers qu’elle connaît afin d’éviter de se les voir
confisquer tend à se généraliser. Le cadre juridique actuel de l’Union ne
prévoit pas de règles contraignantes en matière de confiscation des biens
transférés à des tiers. La nécessité d’autoriser la confiscation des biens
transférés à des tiers devient donc de plus en plus pressante. Celle‑ci devrait
être envisagée lorsque la personne accusée ne possède pas de biens pouvant être
confisqués. Il conviendrait de subordonner la confiscation des biens transférés
à des tiers au respect de certaines conditions et à la vérification, fondée sur
des éléments factuels précis, que la confiscation de biens de la personne
condamnée, soupçonnée ou accusée n’a guère de chance d’aboutir, ou dans les cas
où des objets uniques doivent être restitués à leur propriétaire légitime. En
outre, afin de protéger les intérêts des tiers de bonne foi, une telle
confiscation ne devrait être possible que dans les cas où le tiers savait ou
aurait dû savoir que les biens étaient d’origine criminelle ou qu’ils lui
étaient transférés pour échapper à la confiscation, et qu’ils lui étaient cédés
à titre gratuit ou à un prix inférieur à leur valeur marchande. (14)
Il y aurait lieu de prévoir des mesures conservatoires afin de
sauvegarder les biens en vue de leur éventuelle confiscation ultérieure. Ces
décisions de gel devraient être ordonnées par un tribunal. Afin d’empêcher la
dissipation des biens avant qu’une décision de gel puisse être adoptée par un
tribunal, les autorités compétentes des États membres devraient être habilitées
à interdire immédiatement le transfert, la conversion, l’aliénation ou le
déplacement des biens risquant d’être dissimulés ou transférés hors de leur
ressort, en sollicitant une décision de gel en vue d’une éventuelle
confiscation ultérieure, dans l’attente de la détermination de l’ampleur de la
confiscation par le tribunal. (15)
Il n’est pas rare que des personnes soupçonnées ou accusées dissimulent
des biens pendant toute la durée de la procédure pénale. Dans ce cas, les
décisions de confiscation ne peuvent être exécutées, et les destinataires de
ces décisions peuvent de nouveau jouir de leurs biens après avoir purgé leur
peine. Il est dès lors nécessaire de permettre la détermination de l’ampleur
exacte des biens à confisquer même après la condamnation définitive pour une
infraction pénale, afin de permettre la pleine exécution des décisions de
confiscation lorsque l’absence ou l’insuffisance de biens a été initialement
constatée et que la décision de confiscation n’a pu recevoir exécution. Compte
tenu de la limitation du droit de propriété qu’entraînent les décisions de gel,
ces mesures conservatoires ne devraient pas être appliquées plus longtemps que
nécessaire pour sauvegarder les biens en vue de leur éventuelle confiscation
future. Ceci pourrait obliger le tribunal à contrôler régulièrement que la
finalité première de la décision de gel, i.e. prévenir la dissipation des
biens, demeure. (16)
Les biens gelés en vue de leur confiscation ultérieure devraient être
dûment gérés afin d’éviter qu’ils ne se déprécient. Les États membres devraient
prendre les mesures nécessaires, y compris vendre ou transférer les biens, afin
de minimiser cette dépréciation. Ils devraient adopter les mesures appropriées,
telles que la création de bureaux nationaux centralisés de gestion des avoirs
ou de dispositifs équivalents (dans lesquels, par exemple, ces fonctions
seraient décentralisées), afin de gérer dûment les avoirs gelés avant
confiscation et de préserver leur valeur jusqu’à ce que le tribunal ait
déterminé les avoirs à confisquer. (17)
Les sources de données fiables sur le gel et la confiscation des
produits du crime restent rares. Afin de permettre l’évaluation de la présente
directive, il serait nécessaire de recueillir une série minimale de
statistiques appropriées et comparables sur le dépistage des avoirs, et les
activités judiciaires et d’aliénation d’avoirs. (18)
La présente directive respecte les droits
fondamentaux et observe les principes reconnus par la charte des droits
fondamentaux de l’Union européenne, et
notamment le droit de propriété, le droit au respect de la vie privée et
familiale, le droit à la protection des données à caractère personnel, le droit
à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, la présomption d’innocence et les droits de la défense, le droit à ne pas
être jugé ou puni pénalement deux fois pour une même infraction et les
principes de légalité et proportionnalité des délits et des peines. Elle
devrait être transposée et mise en œuvre dans le respect de ces droits et
principes. (19)
Les mesures prévues dans la présente directive portent sensiblement
atteinte aux droits des personnes, non seulement des personnes soupçonnées ou
accusées mais aussi des tiers qui ne font pas l’objet de poursuites. Il est
donc nécessaire de prévoir des garanties spécifiques et des voies de recours
afin de garantir la sauvegarde des droits fondamentaux lors de la mise en œuvre
des dispositions de la présente directive. (20)
Étant donné que l’objectif de la présente directive, à savoir faciliter
la confiscation des biens en matière pénale, ne peut pas être réalisé de
manière suffisante par les États membres et peut donc être mieux réalisé au
niveau de l'Union, celle-ci peut prendre des mesures, conformément au principe
de subsidiarité consacré à l’article 5 du traité sur l'Union européenne. Conformément au principe de proportionnalité tel
qu'énoncé audit article, la présente directive n'excède pas ce qui est
nécessaire pour atteindre cet objectif. (21)
Conformément aux articles 1er et 2 du protocole sur la
position du Royaume-Uni et de l'Irlande à l'égard de l'espace de liberté, de
sécurité et de justice, annexé au traité sur l'Union européenne et au traité
sur le fonctionnement de l'Union européenne, [le Royaume-Uni et l'Irlande ont
notifié leur souhait de participer à l'adoption et à l'application de la
présente directive]/[et sans préjudice de l'article 4 dudit protocole, le
Royaume-Uni et l'Irlande ne participent pas à l'adoption de la présente
directive et ne sont pas liés par celle-ci ni soumis à son application]. (22)
Conformément aux articles 1er et 2 du protocole sur la
position du Danemark, annexé au traité sur l’Union européenne et au traité sur
le fonctionnement de l’Union européenne, le Danemark ne participe pas à
l’adoption de la présente directive et n’est pas lié par celle-ci ni soumis à
son application, ONT ADOPTÉ LA PRÉSENTE DIRECTIVE: TITRE I OBJEcTif ET CHAMP D'APPLICATION Article premier Objet La présente directive établit des règles minimales relatives
au gel de biens en vue de leur éventuelle confiscation ultérieure et à la
confiscation de biens en matière pénale. Article 2 Définitions Aux fins de la présente directive, on entend par: (1)
«produit»: tout avantage économique tiré d'une infraction pénale;
il peut consister en tout type de bien et comprend tout réinvestissement ou
transformation ultérieurs des produits directs par un suspect ou un accusé
ainsi que tout autre gain; (2)
«bien»: un bien de toute nature, qu’il soit corporel ou incorporel,
meuble ou immeuble, ainsi que les actes juridiques ou documents attestant d’un
titre ou d’un droit sur le bien; (3)
«instrument»: tous biens employés ou destinés à être employés, de
quelque façon que ce soit, en tout ou partie, pour commettre une ou des
infractions pénales; (4)
«confiscation»: une peine ou une mesure ordonnée par un tribunal à la
suite d’une procédure portant sur une infraction pénale, aboutissant à la
privation permanente du bien; (5)
«gel»: l'interdiction temporaire du transfert, de la destruction, de la
conversion, de l'aliénation ou du déplacement d'un bien, ou le fait d’en
assumer temporairement la garde ou le contrôle; (6)
«infraction pénale»: une infraction pénale visée par: (a)
la convention établie sur la base de l'article K.3 paragraphe 2 point c)
du traité sur l'Union européenne relative à la lutte contre la corruption
impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires
des États membres de l'Union européenne[48], (b)
la décision-cadre 2000/383/JAI du Conseil du 29 mai 2000 visant à
renforcer par des sanctions pénales et autres la protection contre le
faux-monnayage en vue de la mise en circulation de l’euro[49],
(c)
la décision-cadre 2001/413/JAI du Conseil du 28 mai 2001 concernant la
lutte contre la fraude et la contrefaçon des moyens de paiement autres que les
espèces[50],
(d)
la décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil du 13 juin 2002 sur la lutte
contre le terrorisme[51],
telle que modifiée par la décision-cadre 2008/919/JAI du Conseil du 28
novembre 2008[52], (e)
la décision-cadre 2001/500/JAI du Conseil du 26 juin 2001 concernant le
blanchiment d’argent, l’identification, le dépistage, le gel ou la saisie et la
confiscation des instruments et des produits du crime[53],
(f)
la décision-cadre 2003/568/JAI du Conseil du 22 juillet 2003 relative à
la lutte contre la corruption dans le secteur privé[54], (g)
la décision-cadre 2004/757/JAI du Conseil du 25 octobre 2004 concernant
l’établissement des dispositions minimales relatives aux éléments constitutifs
des infractions pénales et des sanctions applicables dans le domaine du trafic
de drogue[55],
(h)
la décision-cadre 2005/222/JAI du Conseil du 24 février 2005 relative
aux attaques visant les systèmes d’information[56], (i)
la décision-cadre 2008/841/JAI du Conseil du 24 octobre 2008 relative à
la lutte contre la criminalité organisée[57],
(j)
la directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil du
5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la
lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la
décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil[58],
(k)
la directive 2011/93/UE du Parlement européen et du Conseil du 13
décembre 2011 relative à la lutte contre les abus sexuels et l’exploitation
sexuelle des enfants, ainsi que la pédopornographie et remplaçant la
décision-cadre 2004/68/JAI du Conseil[59].
TITRE II GEL ET CONFISCATION
Article 3 Confiscation
consécutive à une condamnation 1.
Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour permettre la
confiscation de tout ou partie des instruments et des produits à la suite d'une
condamnation définitive pour une infraction pénale. 2.
Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour permettre la
confiscation de biens dont la valeur correspond à ces produits à la suite d'une
condamnation définitive pour une infraction pénale. Article 4 Pouvoirs de
confiscation élargis 1.
Chaque État membre adopte les mesures nécessaires pour permettre la
confiscation de tout ou partie des biens détenus par une personne reconnue
coupable d’une infraction pénale lorsque, sur la base d'éléments factuels
concrets, le tribunal considère comme nettement plus probable que la personne
condamnée tire les biens en question d’activités criminelles similaires plutôt
que d'autres activités. 2.
La confiscation est exclue lorsque les activités criminelles similaires
visées au paragraphe 1 (a)
ne pourraient pas faire l'objet d’une procédure pénale en raison de la
prescription au titre du droit pénal interne; ou (b)
ont déjà fait l'objet d’une procédure pénale ayant conduit à
l'acquittement définitif de la personne concernée ou dans d'autres cas
d’application du principe non bis in idem. Article 5 Confiscation en
l'absence de condamnation Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour
permettre la confiscation des produits et instruments en l'absence de
condamnation pénale, à l'issue d'une procédure qui, si le suspect ou l'accusé
avaient été en mesure d'être jugés, aurait pu conduire à une condamnation
pénale lorsque: (a)
le décès ou la maladie permanente du suspect ou de l'accusé empêchent
l’engagement de poursuites; ou (b)
la maladie du suspect ou de l'accusé ou le fait de s’être
soustrait aux poursuites ou à la peine empêchent l’exercice de poursuites
effectives dans un délai raisonnable et entraînent un risque élevé d'extinction
de l'action publique pour cause de prescription. Article 6 Confiscation des
avoirs de tiers 1.
Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour permettre la
confiscation: (a)
des produits transférés à un ou des tiers par une personne condamnée ou
au nom de celle‑ci, ou par des personnes soupçonnées ou accusées dans les
circonstances décrites à l'article 5, (b)
des autres biens de la personne condamnée qui ont été transférés à un ou
des tiers afin d'éviter la confiscation de biens dont la valeur correspond à
celle des produits. 2.
La confiscation des produits ou biens prévue au paragraphe 1 est
possible lorsque les biens font l'objet d'une restitution ou (a)
lorsqu'une vérification, fondée sur des éléments factuels précis
concernant la personne condamnée, soupçonnée ou accusée, fait apparaître que la
confiscation des biens de la personne condamnée, ou du suspect ou de l'accusé
dans les circonstances décrites à l'article 5, n’a guère de chance
d’aboutir, et (b)
lorsque les produits ou les biens ont été transférés à titre gratuit ou
à un prix inférieur à leur valeur marchande dans les cas où le tiers: i) pour ce qui est des produits, connaissait leur origine
illicite, ou que, à défaut d'une telle connaissance, une personne raisonnable
dans sa situation en aurait soupçonné l’origine illicite, au regard de
circonstances et faits concrets; ii) pour ce qui est d'autres biens, savait qu'ils étaient
transférés afin d'éviter la confiscation de biens dont la valeur correspond à
celle des produits, ou que, à défaut d'une telle connaissance, une personne
raisonnable dans sa situation aurait soupçonné qu'ils étaient transférés afin
d'éviter une telle confiscation, au regard de circonstances et faits concrets. Article 7 Gel 1.
Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour pouvoir geler des
biens risquant d'être dissipés, dissimulés ou transférés hors de son ressort,
en vue de leur éventuelle confiscation ultérieure. Ces mesures sont ordonnées
par un tribunal. 2.
Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour permettre à ses
autorités compétentes de geler immédiatement des biens lorsqu'il existe un
risque élevé que ces biens soient dissipés, dissimulés ou transférés avant
l’adoption d’une décision de justice. Un tribunal confirme ces mesures dans les
meilleurs délais. Article 8 Garanties 1.
Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour faire en sorte que
les personnes concernées par les dispositions prévues par la présente directive
aient droit à un recours effectif et que les suspects aient droit à un tribunal
impartial pour préserver leurs droits. 2.
Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que toute décision
de geler des biens soit dûment motivée, qu'elle soit communiquée à la personne
concernée dans les meilleurs délais après son exécution et qu'elle ne reste en
vigueur qu’aussi longtemps que nécessaire pour préserver les biens en vue de
leur confiscation ultérieure. Chaque État membre prévoit la possibilité
effective pour les personnes dont les biens sont concernés d’interjeter appel
d'une décision de gel devant un tribunal, à tout moment avant l’adoption d'une
décision de confiscation. Les biens gelés ne faisant pas l’objet d’une
confiscation ultérieure sont immédiatement restitués à leurs propriétaires
légitimes. 3.
Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que toute décision
de confiscation soit dûment motivée et pour qu'elle soit communiquée à la
personne concernée. Chaque État membre prévoit la possibilité effective pour
les personnes dont les biens sont concernés d’interjeter appel d'une décision
de confiscation devant un tribunal. 4.
Dans les procédures prévues à l'article 4, le suspect ou l’accusé
ont une possibilité réelle de contester les éléments sur la base desquels il
est jugé probable que les biens concernés constituent des produits du crime. 5.
Dans les cas prévus à l'article 5, la personne dont les biens sont
concernés par la décision de confiscation est représentée par un avocat pendant
toute la procédure, afin que cette personne puisse exercer ses droits de la
défense en ce qui concerne tant l'établissement de l'infraction pénale que la
détermination des produits et instruments. 6.
Lorsque la personne dont les biens sont visés est un tiers, cette
personne ou son avocat sont informés de la possibilité que la procédure
aboutisse à une décision de confiscation des biens en question et sont
autorisés à prendre part à cette procédure dans la mesure nécessaire à la
sauvegarde effective des droits de ladite personne. Cette personne a au moins
le droit d'être entendue, le droit de poser des questions et le droit
d’apporter des preuves avant qu'il ne soit statué à titre définitif sur la confiscation
. Article 9 Détermination de
l'ampleur de la confiscation et exécution effective Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour qu'il
soit possible de déterminer l'ampleur exacte des biens à confisquer à l'issue
de la condamnation définitive pour infraction pénale ou de l’une des procédures
prévues à l'article 5 et ayant abouti à une décision de confiscation, et pour
permettre l'adoption de mesures supplémentaires dans la mesure nécessaire à
l'exécution effective de cette décision de confiscation. Article 10 Gestion des biens
gelés 1.
Chaque État membre prend les mesures nécessaires, telles que
l'établissement de bureaux nationaux centralisés ou de dispositifs équivalents,
pour garantir la gestion adéquate des biens gelés en vue de leur éventuelle
confiscation ultérieure. 2.
Chaque État membre fait en sorte que les mesures prévues au
paragraphe 1 optimisent la valeur économique de ces biens et incluent la
vente ou le transfert des biens susceptibles de se déprécier. TITRE III DISPOSITIONS FINALES Article 11 Statistiques Les États membres collectent régulièrement des données
auprès des autorités concernées et tiennent à jour des statistiques complètes
aux fins d'évaluer l'efficacité de leurs régimes de confiscation. Les
statistiques collectées sont transmises chaque année à la Commission et
incluent, pour toutes les infractions pénales: (a)
le nombre de décisions de gel exécutées, (b)
le nombre de
décisions de confiscation exécutées, (c)
la valeur des biens gelés, (d)
la valeur des
biens recouvrés, (e)
le nombre de demandes de décision de gel à exécuter dans
un autre État membre, (f)
le nombre de
demandes de décision de confiscation à exécuter dans un autre État membre, (g)
le montant
des biens recouvrés à la suite d'exécutions effectuées dans un autre État
membre, (h)
le montant des
biens destinés à être réutilisés à des fins répressives, préventives ou
sociales, (i)
le nombre de cas dans lesquels une confiscation est
ordonnée par rapport au nombre de condamnations pour des infractions pénales
relevant de la présente directive, (j)
le nombre de demandes de décision de gel et de
confiscation rejetées par les tribunaux, (k)
le nombre de
demandes de décision de gel et de confiscation qui sont infirmées après avoir
été contestées en justice. Article 12 Transposition 1.
Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives,
réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente
directive d'ici… [deux ans après la date de son adoption]. Ils
communiquent immédiatement à la Commission le texte de ces dispositions. Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci
contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d'une
telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette
référence sont arrêtées par les États membres. 2.
Les États membres communiquent à la Commission le texte des dispositions
essentielles de droit interne qu'ils adoptent dans le domaine couvert par la
présente directive. Article 13 Rapports La Commission présente au Parlement européen et au Conseil,
au plus tard [trois ans après le délai de transposition], un rapport évaluant
l'incidence des législations nationales en vigueur sur la confiscation et le
recouvrement des avoirs; ce rapport est accompagné, le cas échéant, de
propositions appropriées. Article 14 Remplacement de
l'action commune 98/699/JAI et des décisions-cadres 2001/500/JAI et
2005/212/JAI 1.
L'action commune 98/699/JAI, l’article 1er,
point a), l’article 3 et l’article 4 de la décision-cadre
2001/500/JAI, ainsi que l’article 1er et l’article 3 de la
décision‑cadre 2005/212/JAI sont, par la présente directive, remplacés en ce
qui concerne les États membres participant à l'adoption de celle-ci, sans
préjudice des obligations des États membres relatives au délai de transposition
des décisions‑cadres en droit national. 2.
À l’égard des États membres participant à l’adoption de la présente
directive, les références faites à l'action commune et aux dispositions des
décisions-cadres visées au paragraphe 1 s’entendent comme faites à la
présente directive. Article 15
Entrée en vigueur La présente directive entre en vigueur le vingtième jour
suivant celui de sa publication au Journal officiel de l'Union européenne. Article 16
Destinataires Les États membres
sont destinataires de la présente directive, conformément aux traités. Fait à Bruxelles, Par le Parlement européen Par
le Conseil Le président Le
président [1] Office
des Nations unies contre la drogue et le crime, «Estimation des flux financiers
illicites résultant du trafic de drogues et d'autres crimes transnationaux
organisés», octobre 2011. [2] D'autres
estimations existent quant à la valeur des marchés criminels. D'après les
Nations unies, le commerce mondial de stupéfiants a rapporté 321 milliards
d'USD en 2005. La traite des êtres humains dans le monde génère quelque
42,5 milliards d'USD par an selon le Conseil de l'Europe, tandis que le
marché mondial de la contrefaçon atteindrait jusqu'à 250 milliards d'USD
par an suivant des estimations de l'OCDE, et la corruption coûterait chaque année
à l'UE pas moins de 1% de son PIB. [3] Voir
les conclusions du Conseil «Justice et Affaires intérieures» de juin 2010 sur
la confiscation et le recouvrement des avoirs, document 7769/3/10 du Conseil.
Des constatations similaires figurent dans le résumé de l'évaluation de la
menace que représente la criminalité organisée (EMCO) de 2011 ainsi que dans le
rapport annuel 2010 d'Eurojust. [4] Voir
aussi les conclusions du Conseil du 23.4.2010 sur la prévention des crises
économiques et le soutien à l'activité économique (document 7881/10 du
Conseil), point 7d. [5] Par
exemple, alors qu'une estimation officielle de 2006 au Royaume-Uni chiffre à
15 milliards de GBP les gains de la criminalité organisée, 125 millions de
GBP ont pu être récupérés cette même année par l'État; voir Home Office (2006),
cité dans l'évaluation de la menace que représente la criminalité organisée
d'Europol (rapport de 2010). [6] «Une
Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens», document 17024/09 du
Conseil, adopté par le Conseil européen des 10 et 11 décembre 2009. [7] Document
7769/3/10 du Conseil. [8] COM (2010)
673 final du 22.11.2010. [9] On
entend par «confiscation des avoirs de tiers» la confiscation d'avoirs qui ont
été cédés à des tiers par une personne faisant l'objet d'une enquête ou condamnée. [10] Les
procédures sans condamnation permettent de geler et de confisquer des avoirs,
indépendamment de toute condamnation pénale antérieure de leur propriétaire. [11] Rapport
du Parlement européen sur la criminalité organisée dans l'Union européenne, adopté
le 25 octobre 2011, document A7-0333/2011 [référence provisoire]. [12] «Produits
du crime organisé: garantir que “le crime ne paie pas”», COM (2008) 766
final du 20.11.2008. [13] JO L 182
du 05.07.2001. [14] La
confiscation en valeur implique la confiscation d'une somme d'argent
équivalente à la valeur des produits d'un crime. [15] JO
L 68 du 15.3.2005, p. 49 [16] On
entend par «confiscation élargie» la confiscation d'avoirs au-delà des produits
directs d'une infraction, si bien qu'il est inutile d'établir une relation
entre les avoirs présumés d'origine criminelle et une infraction précise. [17] JO
L 196 du 2.8.2003, p. 45 [18] JO
L 328 du 24.11.2006, p. 59 [19] JO
L 332 du 18.12.2007, p. 103 [20] COM (2011)
307, 308 et 309, et C(2011) 3673 final du 6.6.2011. [21] COM (2011)
376 final du 24.6.2011. [22] COM (2010)
2020 final du 03.03.2010. Voir aussi les conclusions du Conseil du 23.4.2010
sur la prévention des crises économiques et le soutien à l'activité économique
(document 7881/10 du Conseil), point 7d. [23] COM (2011) 135 final du 17.3.2011. [24] COM (2011) 293 final du 26.5.2011. [25] Directive
2005/60/CE relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux
fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, JO L 309 du
25.11.2005, p. 15. [26] Le
Camden Asset Recovery Inter-Agency Network (CARIN), qui bénéficie du soutien de
la Commission et d'Europol, est un réseau international de professionnels du
recouvrement des avoirs qui réunit des experts (une personne de contact des
forces de police et une autre du milieu judiciaire) de plus de 50 pays et
juridictions, dont 26 États membres de l'UE. Il a pour objectifs l'échange des
meilleures pratiques et l'amélioration de la coopération inter-agences dans les
dossiers transfrontières de recouvrement d'avoirs. [27] Par
exemple, les services de la Commission ont tenu plusieurs réunions bilatérales
avec des représentants du réseau FLARE (Freedom, Legality and Rights in Europe)
et les structures qui lui sont associées. [28] Par
exemple, le séminaire des centres d'excellence pour la formation au
recouvrement des avoirs (Centres of Excellence for Asset Recovery Training -
CEART) et le séminaire stratégique d'Eurojust organisé en 2010. [29] Notamment
la recommandation n°4 du GAFI, telle que révisée en février 2012. [30] Contrat‑cadre
de service n° JLS/2010/EVAL/FW/001/A1, Étude pour une analyse d'impact sur
une proposition de nouveau cadre juridique concernant la confiscation et le
recouvrement des avoirs d'origine criminelle. [31] «Évaluation
de l'efficacité des pratiques des États membres de l’UE en matière
d'identification, de dépistage, de gel et de confiscation des produits du
crime», texte disponible à l'adresse suivante: http://ec.europa.eu/home-affairs/policies/crime/crime_confiscation_en.htm
[32] Rapport
de la Commission sur la base de l’article 6 de la décision-cadre du Conseil du
24 février 2005 concernant la confiscation des produits, des instruments et des
biens en rapport avec le crime (2005/212/JAI), COM (2007) 805 final du
17.12.2007. [33] Rapport
de la Commission fondé sur l'article 14 de la décision-cadre 2003/577/JAI du
Conseil du 22 juillet 2003 relative à l'exécution dans l'Union européenne
des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve, COM (2008) 885
final du 22.12.2008. [34] Rapport
de la Commission fondé sur l'article 22 de la décision‑cadre 2006/783/JAI
du Conseil du 6 octobre 2006 relative à l'application du principe de
reconnaissance mutuelle aux décisions de confiscation, COM (2010) 428
final du 23.8.2010. [35] Rapport
fondé sur l'article 8 de la décision 2007/845/JAI du Conseil du
6 décembre 2007 relative à la coopération entre les bureaux de
recouvrement des avoirs des États membres en matière de dépistage et
d'identification des produits du crime ou des autres biens en rapport avec le
crime, COM(2011) 176 final du 12.4.2011. [36] Décision-cadre
2008/841/JAI du 24 octobre 2008 relative à la lutte contre la criminalité
organisée, JO L 300 du 11.11.2008, p. 42. [37] Voir
les références indiquées en note 2 . [38] Arrêt
Raimondo contre Italie du 22 février 1994. [39] Arrêt
Walsh contre Director of the Asset Recovery Agency (Royaume‑Uni) (2005). [40] Rapport
final établi à la suite du projet italien intitulé «Confiscation: questions
juridiques et coopération internationale (Confiscation: Legal issues and
international cooperation)» au sein du sous‑groupe «Affaires juridiques en
matière pénale» [Criminal Legal Affairs SubGroup (CLASG)] du groupe de travail
Lyon/Rome du G8. [41] JO
C du , p. . [42] JO
C du , p. . [43] «Une
Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens»,
document 17024/09 du Conseil, adopté par le Conseil européen des 10
et 11 décembre 2009. [44] JO L 182 du 5.7.2001, p. 1. [45] JO L 196 du 2.8.2003, p. 45. [46] JO L 68 du 15.3.2005, p. 49. [47] JO L 328 du 24.11.2006, p. 59. [48] JO
C 195 du 25.6.1997, p. 2. [49] JO L 140 du 14.6.2000, p. 1. [50] JO L 149 du 2.6.2001, p. 1. [51] JO L 164 du 22.6.2002, p. 3. [52] JO L 330 du 9.12.2008, p.21. [53] JO L 182
du 5.7.2001, p. 1. [54] JO L 192 du 31.7.2003, p. 54. [55] JO L 335 du 11.11.2004, p. 8. [56] JO L 69 du 16.3.2005, p. 67. [57] JO L 300 du 11.11.2008, p. 42. [58] JO
L 101 du 15.4.2011, p. 1. [59] JO
L 335 du 17.12.2001, p. 1.