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Document 52006DC0779

Communication interprétative sur l'application de l'article 296 du traité dans le domaine des marchés publics de la défense {SEC(2006) 1554} {SEC(2006) 1555}

/* COM/2006/0779 final */

52006DC0779

COMMUNICATION INTERPRÉTATIVE sur l'application de l'article 296 du traité dans le domaine des marchés publics de la défense {SEC(2006) 1554} {SEC(2006) 1555} /* COM/2006/0779 final */


[pic] | COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES |

Bruxelles, le 7.12.2006

COM(2006) 779 final

COMMUNICATION INTERPRÉTATIVE

sur l'application de l'article 296 du traité dans le domaine des marchés publics de la défense

(présentée par la Commission){SEC(2006) 1554}{SEC(2006) 1555}

COMMUNICATION INTERPRÉTATIVE

sur l'application de l'article 296 du traité dans le domaine des marchés publics de la défense (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE)

Introduction

Les marchés de défense représentent une part importante des marchés publics dans l'Union européenne. Les budgets de défense combinés des États membres représentent environ 170 milliards d'euros, dont plus de 80 milliards d'euros sont consacrés aux acquisitions.

La majeure partie de ces dépenses est éclatée dans des marchés nationaux relativement étroits et cloisonnés. De fait, le secteur de la défense dans l'Union européenne reste fragmenté au niveau national, regroupant 25 clients opérant dans 25 cadres réglementaires différents. Cette fragmentation est un obstacle majeur à la coopération comme à la concurrence intra-européenne. Elle entraîne coûts supplémentaires et inefficacités et produit, de ce fait, un impact négatif sur la compétitivité de la base industrielle et technologique de l'UE dans le domaine de la défense ainsi que sur les efforts des États membres pour équiper leurs forces armées de manière adéquate.

Le droit des marchés publics dans le domaine de la défense joue un rôle important dans cette fragmentation. La majorité des marchés de défense sont exemptés des règles du marché intérieur et attribués selon des règles nationales dont les caractéristiques, telles que les critères de sélection, les procédures de publicité et autres, diffèrent dans une large mesure. Le taux de publication des ministères de la Défense varie lui aussi considérablement d'un État membre à l'autre. Tous ces facteurs peuvent limiter l'accès au marché dans le cas des fournisseurs non nationaux, et entravent ainsi la concurrence à l'intérieur de l'UE.

Dans sa communication de mars 2003[1], la Commission a donc mis en lumière le droit des marchés publics comme un domaine d'action en vue de l'établissement d'un marché européen des équipements de défense. Cette communication a conduit à la publication, en septembre 2004, d'un livre vert sur les marchés publics de la défense[2] dans lequel les parties concernées ont été invitées à commenter les diverses options destinées à améliorer la transparence et l'ouverture des marchés de défense entre les États membres. La consultation a confirmé que le cadre législatif actuel pour les marchés de défense ne fonctionne pas correctement:

- Des incertitudes persistent quant à la portée de l'article 296 du traité CE ("article 296"), qui permet aux États membres de déroger aux règles du marché intérieur lorsque leurs intérêts essentiels de sécurité sont en jeu. Étant donné que la limite séparant les marchés de défense qui touchent les intérêts essentiels de sécurité de ceux qui ne les touchent pas est vague, le choix des règles applicables à tel ou tel contrat n'est pas toujours clair. En conséquence, l'application de l'article 296 du traité demeure problématique et varie considérablement d'un État membre à l'autre.

- L'actuelle directive sur les marchés publics, même dans sa version révisée (2004/18/CE), est jugée inadaptée à de nombreux marchés de défense, car elle ne prend pas en compte certaines de leurs caractéristiques spécifiques. En conséquence, de nombreux États membres répugnent à utiliser la directive sur les marchés publics pour les équipements de défense, même si les conditions d'application de l'article 296 ne sont pas satisfaites.

À partir de ces constatations, la Commission a annoncé en décembre 2005 deux initiatives destinées à améliorer la situation[3]:

1. L'adoption d'une "Communication interprétative sur l'application de l'article 296 du traité CE dans le domaine des marchés publics de la défense". Cette communication ne modifiera pas, mais clarifiera le cadre juridique actuel.

2. La préparation d'une éventuelle nouvelle directive sur les marchés d'équipements de défense auxquels la dérogation prévue à l'article 296 ne s'applique pas. Cette directive pourrait proposer de nouvelles règles plus flexibles et adaptées aux spécificités du secteur de la défense.

L'objectif de la présente communication est d'éviter de possibles interprétations erronées et usages abusifs de l'article 296 dans le domaine des marchés publics de la défense. À cet effet, la Commission expose ses vues quant aux principes régissant l'application de l'article 296 et explique son interprétation des conditions d'application de la dérogation à la lumière de la jurisprudence de la Cour. Il reviendra en définitive à la Cour de Justice de déterminer la portée de l'article 296.

La présente communication ne peut ni proposer d'interprétation des intérêts essentiels de sécurité des États membres, ni déterminer ex ante à quels marchés l'exemption prévue à l'article 296 s'applique. Elle propose plutôt aux pouvoirs adjudicateurs des lignes directrices les aidant à décider si le recours à l'exemption est justifié.

La clarification du cadre juridique actuel est un premier pas nécessaire vers une plus grande ouverture des marchés de défense européens. Parallèlement, la Commission étudie l'impact d'une nouvelle directive éventuelle portant spécifiquement sur la défense. Combiner la présente communication avec une telle directive peut être, en fait, l'approche la plus appropriée au niveau communautaire face aux difficultés que pose l'application de l'article 296. Ces initiatives sont complémentaires des efforts des États membres visant à renforcer, au moyen du code de conduite régi par l'Agence européenne de défense, la concurrence à l'intérieur de l'UE dans le domaine des équipements de défense couverts par l'article 296.

La présente communication ne concerne que les marchés de défense passés par des autorités nationales sur le marché intérieur de l'UE. Elle ne porte pas sur le commerce des armes avec les pays tiers, qui reste assujetti aux règles de l'OMC, en particulier à l'accord sur les marchés publics (AMP)[4].

1. FONDEMENTS JURIDIQUES

Selon le droit communautaire en vigueur, les marchés de défense sont soumis aux règles du marché intérieur. Ainsi, la directive 2004/18/CE[5] sur les marchés publics de travaux, de fournitures et de services s'applique aux " marchés publics passés par des pouvoirs adjudicateurs dans le domaine de la défense, sous réserve de l'article 296 du traité " (article 10 de la Directive)

Le texte de l’article 296 est le suivant :

(1) Les dispositions du présent traité ne font pas obstacle aux règles ci-après:

a) aucun État membre n'est tenu de fournir des renseignements dont il estimerait la divulgation contraire aux intérêts essentiels de sa sécurité;

b) tout État membre peut prendre les mesures qu'il estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité et qui se rapportent à la production ou au commerce d'armes, de munitions et de matériel de guerre; ces mesures ne doivent pas altérer les conditions de la concurrence dans le marché commun en ce qui concerne les produits non destinés à des fins spécifiquement militaires.

(2) Le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, peut apporter des modifications à la liste, qu'il a fixée le 15 avril 1958, des produits auxquels les dispositions du paragraphe 1, point b), s'appliquent.

La non-application des règles du marché intérieur aux marchés de défense est une mesure liée au commerce d'armes, de munitions et de matériel de guerre. En conséquence, son fondement juridique est l'article 296, paragraphe 1, lettre b). Lorsqu'ils passent des contrats de défense, les États membres peuvent recourir à cette exemption, sous réserve que les conditions fixées par le traité telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de Justice soient remplies. En même temps, la portée de l'article 296, paragraphe 1, lettre b), est limitée par le concept d'"intérêts essentiels de sécurité" et par la liste des équipements militaires mentionnée au deuxième paragraphe de cet article.

L'article 296, paragraphe 1, lettre a), va au-delà de la défense puisqu'il a pour but de protéger, de manière générale, les informations que les États membres ne peuvent divulguer à quiconque sans porter atteinte à leurs intérêts essentiels de sécurité. Cette disposition peut également concerner les marchés publics d'équipements sensibles aussi bien dans les secteurs de la défense que de la sécurité. En général, cependant, les besoins éventuels de confidentialité liés au processus d'acquisition d'équipements militaires sont couverts par l'article 296, paragraphe 1, lettre b).

2. INTÉRÊTS DE SÉCURITÉ ET OBLIGATIONS DU TRAITÉ

Les États membres ont la responsabilité de définir et de protéger leurs intérêts essentiels de sécurité. L'article 296 reconnaît cette prérogative et prévoit une dérogation pour les cas où la conformité avec le droit européen porterait atteinte aux intérêts essentiels de sécurité des État membres.

Or, le recours à l'article 296 pour les marchés de défense conduit à la non-application de la directive 2004/18/CE, qui est l'instrument juridique servant à garantir le respect des dispositions de base du traité relatives à la libre circulation des biens et des services et à la liberté d'établissement dans le domaine des marchés publics (articles 28, 43 et 49 du traité CE). Les règles énoncées par cette directive sont l'expression des principes et objectifs fondamentaux du marché intérieur. Dès lors, toute dérogation autorisée par l'article 296 touche au cœur de la Communauté européenne et constitue, de par sa nature même, un sujet grave au point de vue juridique et politique.

Le traité soumet donc le recours à cette dérogation à des conditions strictes, les prérogatives des États membres dans le domaine de la défense et de la sécurité et les principes et objectifs fondamentaux de la Communauté se faisant mutuellement contrepoids. Le but de ces conditions est de prévenir d'éventuels usages abusifs et de s'assurer que la dérogation reste une exception limitée aux cas où les États membres n'ont pas d'autre choix pour protéger leurs intérêts de sécurité que de le faire au niveau national.

La Cour de Justice a, par une jurisprudence constante, clairement indiqué que toute possibilité " de dérogation aux règles visant à garantir l'effectivité des droits reconnus par le traité " doit être interprétée de manière stricte[6]. De plus, elle a confirmé qu'il en était de même pour les dérogations applicables " en cas de situations susceptibles de mettre en cause la sécurité publique ". Dans l'affaire Commission contre Royaume d'Espagne , la Cour a jugé que les articles dans lesquels le traité prévoit de telles dérogations (y compris l'article 296) " concernent des hypothèses exceptionnelles déterminées , et ne se prêtent pas à une interprétation extensive en raison de ce caractère limité". [7].

Ainsi, le champ comme les conditions d'application de l'article 296 doivent être interprétés de manière restrictive.

3. CHAMP D'APPLICATION

L'article 296, paragraphe 1, lettre b), porte sur les mesures liées " à la production ou au commerce d'armes, de munitions et de matériel de guerre " spécifiés dans la liste mentionnée au paragraphe 2 dudit article. Cette liste a été adoptée le 15 avril 1958 sous forme de la décision du Conseil 255/58. Selon la Cour, il est clair que l'article 296, paragraphe 1, lettre b), " n'a pas vocation à s'appliquer aux activités concernant des produits autres que les produits militaires identifiés sur [cette] liste ".[8]

Cela étant, l'interprétation de l'article 296, paragraphe 1, lettre b), et la définition de son champ d'application doivent également tenir compte du fait que la technologie et les politiques d'acquisition ne cessent d'évoluer. En ce qui concerne la technologie, la liste de 1958 semble suffisamment générique pour englober les développements récents et à venir. De même, l'article 296, paragraphe 1, lettre b), peut aussi intégrer les marchés de services et de travaux directement liés aux produits inclus dans la liste, ainsi que les méthodes d'acquisition modernes centrées sur les capacités, pour autant que les autres conditions d'application de l'article 296 soient satisfaites.

D'un autre côté, la liste de 1958 n'inclut que des équipements de nature et destinés à des fins purement militaires . Il est vrai que la sécurité est devenue un concept de plus en plus complexe et que de nouvelles menaces brouillent les frontières traditionnelles entre sécurité militaire et non militaire, extérieure et intérieure. Néanmoins, étant donné que le rôle des forces de sécurité militaires et non militaires diffère encore, il est, en règle générale, possible de distinguer entre les marchés publics militaires et non militaires.

La nature des produits de la liste de 1958 et la référence explicite de l'article 296 à " des fins spécifiquement militaires " confirment que seuls les marchés d'équipements conçus, développés et produits à des fins spécifiquement militaires peuvent être exemptés des règles communautaires sur la base de l'article 296, paragraphe 1, lettre b)[9].

En revanche, les acquisitions aux fins de sécurité non militaire sont exclues du domaine d'application de l'article 296, paragraphe 1, lettre b), CE. Pour ces marchés, des intérêts de sécurité peuvent justifier une exemption des règles communautaires sur la base de l'article 14 de la directive sur les marchés publics, sous réserve que ses conditions d'application soient satisfaites.[10]

Contrairement à l'article 296, paragraphe 1, lettre b), l'article 296, paragraphe 1, lettre a), peut également couvrir les marchés d'équipements duaux à des fins à la fois militaires et non militaires, si l'application des règles communautaires oblige un État membre à divulguer des informations au détriment de ses intérêts essentiels de sécurité.

4. CONDITIONS D'APPLICATION

Les biens militaires inclus dans la liste de 1958 ne sont pas automatiquement exemptés des règles du marché intérieur. La décision du Conseil 255/58 elle-même dispose que la liste comprend les équipements à l'égard desquels les États membres ont un intérêt légitime à pouvoir prendre les mesures admises par l'article 296, paragraphe 1, lettre b). Autrement dit, la décision du Conseil en elle-même ne prévoit pas d'application automatique de l'exemption. La Cour a également confirmé à plusieurs occasions que l'article 296 n'introduit pas d'exemption automatique dans le domaine de la défense[11]. Au contraire, une exemption se fonde en droit sur l'article 296, ce qui signifie que les biens de cette liste peuvent être exemptés si et seulement si les conditions d'application de cet article sont remplies[12].

Selon l'article 296, les États membres peuvent prendre les mesures qu' ils estiment nécessaires à la protection de leurs intérêts essentiels de sécurité. Il a été reconnu que cette disposition offre une marge de manœuvre étendue aux États membres lorsqu'ils décident de la manière de protéger leurs intérêts essentiels de sécurité[13]. Néanmoins, le texte (" nécessaires à la protection… ") démontre également que cette marge n'est pas sans limite. L'existence même de l'article 298, qui établit une procédure spéciale dans le cas éventuel d'un usage abusif de l'article 296, confirme que les États membres ne disposent pas d'une liberté absolue lorsqu'ils sont amenés à décider d'exempter un marché donné des règles du marché intérieur. Au contraire, " il appartient à l'État membre qui entend se prévaloir de [l'article 296] de fournir la preuve que ces exonérations ne dépassent pas les limites desdites hypothèses [exceptionnelles déterminées]" et de "démontrer que les exonérations […] sont nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité"[14].

Le seul objectif justifiant l'exemption est la protection des intérêts essentiels de sécurité d'un État membre. D'autres intérêts, industriels et économiques en particulier, quoiqu'attachés à la production et au commerce d'armes, de munitions et de matériel de guerre ne peuvent justifier par eux-mêmes l'exemption sur la base de l'article 296, paragraphe 1, lettre b). Par exemple, les compensations indirectes et non militaires, qui ne servent pas d'intérêts de sécurité en particulier mais des intérêts économiques d'ordre général, ne sont pas couvertes par l'article 296, même si elles sont liées à un marché public de défense exempté sur la base de cet article[15].

Par ailleurs, les intérêts de sécurité des États membres devraient également être envisagés dans une perspective européenne. Ils peuvent certes varier, par exemple en raison de facteurs géographiques ou historiques. Cependant, l'intégration européenne a entraîné une convergence croissante des intérêts nationaux parmi les États membres. Le développement de la PESC et de la PESD illustre qu'il en est de plus en plus de même dans le domaine de la défense et de la sécurité. Les États membres partagent en particulier l'objectif de développer un marché commun des équipements de défense ainsi qu'une base industrielle et technologique européenne compétitive dans le domaine de la défense. Ils devraient prendre ces considérations en compte lorsqu'ils cherchent à déterminer si l'application des règles de l'Union européenne sur les marchés publics, dont le but est d'encourager la concurrence intra-européenne, porterait atteinte aux intérêts essentiels de leur sécurité.

De plus, l'article 296 fait référence non pas à la protection d'intérêts de sécurité en général, mais à la protection d'intérêts essentiels de sécurité. Cette précision souligne le caractère exceptionnel de la dérogation et indique clairement que la nature spécifiquement militaire des équipements inclus dans la liste de 1958 ne suffit pas par elle-même à justifier une exemption des règles européennes sur les marchés publics. Au contraire, la formulation particulièrement forte ("essentiels") limite les exemptions possibles aux marchés publics de la plus haute importance pour les capacités militaires des États membres.

La formulation de l'article 298 et la jurisprudence pertinente qui se rapporte à l'article 296 en général confirment que cet argumentaire doit s'appliquer à l'usage de l'article 296, paragraphe 1, lettre a) tout comme lettre b).

5. COMMENT APPLIQUER L'ARTICLE 296

Définir leurs intérêts essentiels de sécurité relève de la prérogative des États membres et il est de leur devoir de protéger ces intérêts. Le concept d'intérêts essentiels de sécurité leur donne de la flexibilité dans le choix des mesures destinées à protéger ces intérêts, mais aussi la responsabilité particulière de respecter leurs obligations au titre du traité et de ne pas abuser de cette flexibilité. Les États membres doivent en particulier garder à l'esprit qu'une dérogation fondée sur l'article 296 n'est applicable que dans le cas d'hypothèses déterminées, et s'assurer que les exemptions " ne dépassent pas les limites desdites hypothèses". [16]

Dans le domaine des marchés publics de la défense, la seule manière pour les États membres de concilier leurs prérogatives en matière de sécurité avec leurs obligations au titre du traité est de procéder pour chaque marché à une analyse approfondie pour déterminer si une exemption des règles communautaires est justifiée ou non. Une telle évaluation au cas par cas doit être particulièrement rigoureuse dans les cas limites où le recours à l'exemption prévue à l'article 296 peut être controversé.

Ceci signifie en particulier que les pouvoirs adjudicateurs doivent se poser les questions suivantes:

- Quel intérêt essentiel de sécurité est en jeu?

- Quel est le lien entre cet intérêt et la décision d'acquisition en question?

- En quoi la non-application de la directive sur les marchés publics est nécessaire, dans ce cas précis, à la protection de cet intérêt essentiel de sécurité?

Par ailleurs, l'article 296, paragraphe 1, lettre b), dispose que les mesures prises au titre dudit article " ne doivent pas altérer les conditions de la concurrence dans le marché commun en ce qui concerne les produits non destinés à des fins spécifiquement militaires ". Dans le domaine des marchés publics de la défense, tel peut être le cas pour les compensations, en particulier pour les compensations indirectes et non militaires. Les États membres doivent donc s'assurer que les compensations liées aux marchés de défense couverts par l'article 296, paragraphe 1, lettre b), respectent cette clause.

6. LE RÔLE DE LA COMMISSION

Il ne revient pas à la Commission de juger des intérêts essentiels de sécurité des États membres, ni des équipements dont ils se dotent afin de protéger ces intérêts. Néanmoins, en tant que gardienne du traité, la Commission peut vérifier que les conditions nécessaires pour exempter des marchés publics sur la base de l'article 296 sont satisfaites.

Dans ce cas, il revient aux États membres de fournir, à la demande de la Commission, les informations nécessaires et de prouver qu'une exemption est nécessaire à la protection de leurs intérêts essentiels de sécurité. La Cour de Justice a déclaré à plusieurs reprises qu'" il résulte de l’article 10 CE que les États membres sont tenus de coopérer de bonne foi à toute enquête entreprise par la Commission en vertu de l’article 226 CE et de fournir à celle-ci toutes les informations demandées à cette fin ".[17] Ceci intéresse toutes les enquêtes menées par la Commission en tant que gardienne du traité, y compris d'éventuelles vérifications de l'applicabilité de l'article 296 à des marchés de défense.

Ainsi, lorsque la Commission enquête sur une affaire de marché public de défense, il revient à l'État membre concerné de fournir la preuve que, dans les circonstances spécifiques du marché en question, l'application de la directive communautaire porterait atteinte aux intérêts essentiels de sa sécurité. Invoquer, de manière générale, la situation politique et géographique, l'histoire ou des obligations au titre d'alliances ne suffit pas dans ce contexte.

L'article 287 du traité CE garantit que la Commission octroiera aux États membres la confidentialité absolue des informations recueillies

Selon l'article 298, si des mesures fondées sur l'article 296 ont pour effet de fausser les conditions de la concurrence sur le marché commun, la Commission examine avec l'État intéressé les conditions dans lesquelles ces mesures peuvent être adaptées aux règles établies par le traité.

La Commission peut également saisir directement la Cour si elle considère qu'un État membre fait un usage abusif des pouvoirs prévus à l'article 296. En pareil cas, la charge de la preuve qu'une exemption est justifiée revient à l'État membre.

Lorsqu'elle examinera d'éventuelles infractions, la Commission prendra en compte le caractère sensible du secteur de la défense. Parallèlement, la Commission continuera son travail préparatoire sur une éventuelle directive sur les marchés publics de défense couvrant les équipements militaires auxquels l'article 296 ne s'applique pas

[1] COM (2003) 113, 11 mars 2003.

[2] COM (2004) 608, 23 septembre 2004.

[3] COM (2005) 626, 6 décembre 2005.

[4] L'article XXIII de l'AMP dispose qu'"aucune disposition du présent accord ne sera interprétée comme empêchant une partie quelconque de prendre des mesures ou de ne pas divulguer des renseignements si elle l'estime nécessaire à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité, se rapportant aux marchés d'armes, de munitions ou de matériel de guerre, ou aux marchés indispensables à la sécurité nationale ou aux fins de la défense nationale". Conformément à ces dispositions, la partie 3 de l'annexe 1 de l'appendice 1 de l'AMP établit une liste des fournitures et des équipements achetés par les ministères de la Défense qui sont couverts par l'accord. Cette liste ne couvre que du matériel non militaire.

[5] Directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services.

[6] Arrêt du 4 octobre 1991, affaire C-367/89 Richardt et les Accessoires scientifiques , point 20; dans le cas des marchés publics en particulier: arrêt du 3 mai 1994, affaire C-328/92 Commission c. Espagne , point 15; arrêt du 28 mars 1995, affaire C-324/93 Evans Medical et Macfarlan Smith , point 48.

[7] Arrêt du 16 septembre 1999, affaire C-414/97 Commission c. Espagne , point 21; arrêt du 15 mai 1986, affaire C-222/84 Johnston , point 26.

[8] Arrêt du 30 septembre 2003, affaire T-26/01 Fiocchi Munizioni c. Commission , point 61; voir également l'opinion de l'avocat général Jacobs du 8 mai 1991, affaire C-361/89 Richardt et les Accessoires scientifiques , point 30.

[9] Affaire T-26/01 Fiocchi Munizioni c. Commission , points 59 et 61.

[10] L'article 14 de la directive 2004/18/CE dispose ce qui suit : "La présente directive ne s'applique pas aux marchés publics lorsqu'ils sont déclarés secrets ou lorsque leur exécution doit s'accompagner de mesures particulières de sécurité, conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives en vigueur dans l'État membre considéré, ou lorsque la protection des intérêts essentiels de cet État membre l'exige."

[11] Arrêt du 26 octobre 1999, affaire C-273/97 Sirdar , points 15-16; arrêt du 11 janvier 2000, affaire 285/98 Kreil , point 16; arrêt du 11 mars 2003, affaire 186/01 Dory , points 30-31.

[12] Voir également la réponse du 3 octobre 1985 du Conseil à Mme Van Hemeldonck, membre du Parlement européen (1985) 0574/F; par analogie: arrêt du 13 juillet 2000, affaire C-423/98 Albore , points 22-23.

[13] AffaireT-26/01 Fiocchi Munizioni c. Commission, point 58

[14] Affaire C-414/97 Commission c. Espagne , point 22.

[15] De nombreux gouvernements exigent des compensations de la part d'opérateurs économiques de défense non nationaux comme condition à l'achat d'équipement militaire. Ces compensations peuvent couvrir une vaste gamme d'activités: les compensations directes sont liées directement à l'objet du marché; les compensations indirectes ne le sont pas et peuvent être de nature militaire ou civile.

[16] Affaire C-414/97 Commission c. Espagne , , point 22.

[17] Arrêt du 13 juillet 2004, affaire C-82/03, Commission contre République italienne , point 15.

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