62001A0205

Arrêt du Tribunal de première instance (première chambre) du 5 novembre 2002. - André Ronsse contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Rémunération - Allocation de foyer - Répétition de l'indu. - Affaire T-205/01.

Recueil de jurisprudence - fonction publique 2002 page IA-00211
page II-01065


Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Parties


Dans l'affaire T-205/01,

André Ronsse, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me É. Boigelot, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall et Mme F. Clotuche-Duvieusart, en qualité d'agents, assistés de Me B. Wägenbaur, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande tendant, d'une part, à l'annulation des décisions de la Commission contenues dans les lettres des 9 et 23 novembre 2000 et en tant que de besoin dans la lettre du 15 janvier 2001 ainsi que de la décision implicite de rejet de sa réclamation introduite le 8 février 2001, toutes relatives à la répétition d'une somme de 22 443,07 euros correspondant à l'allocation de foyer versée au requérant du 1er janvier 1994 au 1er novembre 2000 et, d'autre part, au remboursement des sommes retenues à ce titre sur sa pension depuis le mois de décembre 2000, majorées des intérêts au taux légal.

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

(première chambre)

composé de MM. B. Vesterdorf, président, N. J. Forwood et H. Legal, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 30 avril 2002

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


Cadre juridique du litige

1 L'article 1er, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») prévoit:

«3. Dans le cas où son conjoint exerce une activité professionnelle lucrative donnant lieu à des revenus professionnels supérieurs au traitement de base annuel d'un fonctionnaire du grade C 3 au troisième échelon, affecté du coefficient correcteur fixé pour le pays dans lequel le conjoint exerce son activité professionnelle, avant déduction de l'impôt, le fonctionnaire ayant droit à l'allocation de foyer ne bénéficie pas de cette allocation, sauf décision spéciale de l'autorité investie du pouvoir de nomination. Toutefois, le bénéfice de l'allocation est maintenu dans tous les cas lorsque les conjoints ont un ou plusieurs enfants à charge.»

2 Le troisième alinéa de l'article 62 du statut, relatif à la rémunération des fonctionnaires, dispose:

«Cette rémunération comprend un traitement de base, des allocations familiales et des indemnités.»

3 Selon l'article 85 du statut:

«Toute somme indûment perçue donne lieu à répétition si le bénéficiaire a eu connaissance de l'irrégularité du versement ou si celle- ci était si évidente qu'il ne pouvait manquer d'en avoir connaissance.»

4 En vertu de l'article 46 de l'annexe VIII du statut:

«Toutes les sommes restant dues aux Communautés par un fonctionnaire ou ancien fonctionnaire titulaire d'une pension d'ancienneté ou d'invalidité à la date à laquelle l'intéressé a droit à l'une des prestations prévues au présent régime de pensions, sont déduites du montant de ses prestations ou des prestations revenant à ses ayants droit. Ce remboursement peut être échelonné sur plusieurs mois.»

5 L'article 25, deuxième alinéa, du statut dispose:

«Toute décision individuelle prise en application du présent statut doit être communiquée par écrit, sans délai, au fonctionnaire intéressé. Toute décision faisant grief doit être motivée.»

Antécédents du litige et procédure

6 M. André Ronsse est un ancien fonctionnaire de la Commission, à la retraite depuis le 1er novembre 2000; il était auparavant affecté à l'unité 4 «Rémunérations et liquidation des droits» de la direction B «Droits et obligations; politique et actions sociales» de la direction générale (DG) «Personnel et administration».

7 M. Ronsse a perçu à partir du mois de novembre 1993, avec effet rétroactif au 1er août, l'allocation de foyer prévue par l'article 1er de l'annexe VII du statut. Son épouse, également fonctionnaire de la Commission, était classée au grade C 5, échelon 3, au mois d'août 1993 et a atteint le grade C 3, échelon 3, au mois de juillet 1997.

8 Par lettre du 9 novembre 2000, adressée sous le timbre de l'unité «Gestion des droits individuels» de la direction B «Droits et obligations; politique et actions sociales» de la DG «Personnel et administration», la Commission a indiqué à M. Ronsse qu'un contrôle avait révélé que les revenus de son épouse avaient atteint, depuis le 1er janvier 1994, le plafond de revenus professionnels au-delà duquel, selon l'article 1er, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut, un fonctionnaire n'a plus droit au bénéfice de l'allocation de foyer, et que, celle-ci lui ayant été versée indûment, l'administration avait l'intention d'en poursuivre le remboursement, sur le fondement de l'article 85 du statut.

9 Une deuxième lettre de la Commission, portant les références de l'unité «Pensions et relations avec les anciens» de la même direction, en date du 23 novembre 2000, a informé M. Ronsse du montant total qui serait retenu sur sa pension, lequel correspondait essentiellement à l'allocation de foyer précédemment versée, et du plan d'échelonnement des remboursements établi par l'administration.

10 M. Ronsse ayant demandé des explications à la Commission, par lettre du 17 décembre 2000, a obtenu une réponse de l'unité «Gestion des droits individuels», par courrier du 10 janvier 2001.

11 Une troisième lettre de la Commission adressée sous le timbre de l'unité «Rémunérations et liquidation des droits», en date du 15 janvier 2001 a indiqué à M. Ronsse que la somme de 22 443,07 euros, équivalant à l'allocation de foyer perçue par lui à partir du 1er janvier 1994, ferait l'objet d'une retenue sur sa pension, en application des articles 85 du statut et 46 de l'annexe VIII du même statut.

12 M. Ronsse a introduit une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut, le 8 février 2001, enregistrée le même jour au secrétariat général de la Commission. Cette réclamation n'a pas reçu de réponse explicite de l'administration au terme du délai de quatre mois courant à partir de son introduction.

13 M. Ronsse a formé le présent recours par requête déposée au greffe du Tribunal, le 9 septembre 2001.

14 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a posé des questions à la Commission, en l'invitant à y répondre lors de l'audience.

15 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l'audience du 30 avril 2002.

Conclusions des parties

16 Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- annuler la décision de la Commission du 9 novembre 2000 l'avisant d'un trop-perçu d'allocation de foyer et de l'intention de l'administration d'en récupérer le montant;

- annuler la décision de la Commission du 23 novembre 2000 chiffrant à 22 443,07 euros le montant de l'allocation de foyer à récupérer sur la pension qui lui est versée et arrêtant le plan d'échelonnement des remboursements;

- annuler, en tant que de besoin, la décision de la Commission en date du 15 janvier 2001 confirmant le montant à récupérer et le principe de la répétition par déduction sur la pension versée;

- annuler la décision implicite de rejet de sa réclamation introduite le 8 février 2001;

- ordonner le remboursement des sommes retenues sur sa pension depuis le mois de décembre 2000, majorées des intérêts au taux légal de 8%;

- l'autoriser, en tout état de cause et quelle que soit la solution du litige, à bénéficier de modalités de remboursement d'un montant mensuel maximum de 385 euros;

- condamner la Commission aux dépens.

17 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- rejeter la requête;

- statuer sur les dépens comme de droit.

Sur la demande en annulation de la décision de procéder à la répétition de l'indu

18 M. Ronsse demande l'annulation de trois décisions qui forment les composantes, respectivement, administrative, financière et comptable d'une seule et même décision de la Commission de procéder à la répétition de l'indu concernant un trop-perçu au titre de l'allocation de foyer (ci-après, «la décision attaquée»). Le requérant demande également l'annulation de la décision implicite de rejet de sa réclamation formée contre les précédentes décisions.

19 À titre liminaire, il convient de relever que, lors de l'audience, le requérant s'est désisté des conclusions de la requête en tant qu'elles concernent la période postérieure au 1er juillet 1997.

20 Il convient donc de prendre acte de ce que la demande en annulation de M. Ronsse ne porte plus que sur la récupération des sommes versées au titre de l'allocation de foyer pour la période allant du 1er janvier 1994 au 1er juillet 1997.

21 À l'appui de sa demande, le requérant soulève plusieurs moyens tirés, premièrement, d'un défaut de motivation, deuxièmement, d'une erreur de droit dans l'application des dispositions de l'article 62, troisième alinéa, du statut et de l'article 1er, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut, troisièmement, de l'inapplicabilité en l'espèce de l'article 85 du statut et de l'article 46 de l'annexe VIII du statut, quatrièmement, de la méconnaissance par la Commission des principes de bonne administration, de confiance légitime et de sécurité juridique, et cinquièmement, de la discrimination opérée entre les fonctionnaires.

Sur le premier moyen tiré d'un défaut de motivation

Arguments des parties

22 M. Ronsse fait valoir que l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «l'AIPN») a méconnu l'obligation de motivation prévue par l'article 25, deuxième alinéa, du statut, étant donné que la décision attaquée ne mentionne aucune circonstance établissant que le requérant avait ou aurait dû avoir connaissance d'une irrégularité et que l'AIPN n'a depuis lors apporté aucune réponse à sa réclamation ni fourni aucune autre explication.

23 La Commission soutient que le premier moyen du requérant est irrecevable et, en tout état de cause, non fondé.

24 La défenderesse fait valoir que le moyen, tel qu'il est formulé, ne satisfait pas aux exigences posées par le statut de la Cour et par le règlement de procédure du Tribunal en ce qui concerne la présentation des moyens devant le Tribunal, qu'il se borne à un résumé de la jurisprudence suivi de quelques généralités, n'indique pas quelle décision ou partie de décision attaquée ne serait pas motivée et porte en réalité sur la légalité au fond et non sur la motivation de l'acte. La Commission ajoute que la décision du 9 novembre 2000 est suffisamment motivée, que des explications complémentaires ont été fournies à M. Ronsse par courrier du 16 janvier 2001 et que le contenu de sa réclamation démontre que l'intéressé avait compris les motifs de la répétition de l'indu.

Appréciation du Tribunal

Sur la recevabilité du moyen

25 La requête rappelle les termes de l'article 25, deuxième alinéa, du statut et indique, notamment, que, selon le requérant, la décision attaquée aurait dû préciser pourquoi l'irrégularité devait être connue de l'intéressé depuis le 1er janvier 1994, omission qui n'a pas été corrigée par la suite, puisque sa réclamation est restée sans réponse. Elle comporte, ainsi, les éléments de droit et de fait essentiels à l'exposé du moyen en cause et satisfait donc aux prescriptions contenues dans les dispositions combinées des articles 19, premier alinéa, et 46, premier alinéa, du statut de la Cour et de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal.

26 Le moyen, bien que sommairement exposé, est, par conséquent, recevable.

Sur le bien fondé du moyen

27 Le moyen, même s'il n'identifie pas précisément laquelle des décisions mentionnées dans la requête ne serait pas motivée, doit être regardé, ainsi qu'il a été dit au point 18 ci-dessus, comme faisant grief à la décision de l'AIPN de procéder à la répétition de l'indu, concrétisée par les trois courriers susmentionnés, de ne pas satisfaire à l'obligation de motivation.

28 L'obligation de motivation prévue par l'article 25 du statut est satisfaite lorsque l'acte faisant l'objet du recours est intervenu dans un contexte connu du fonctionnaire concerné et qui lui permet de comprendre la portée d'une mesure qui le concerne personnellement (arrêt de la Cour du 1er juin 1983, Seton/Commission, 36/81, 37/81 et 218/81, Rec. p. 1789, point 48, et arrêt du Tribunal du 16 décembre 1993, Turner/Commission, T-80/92, Rec. p. II-1465, point 62; voir également en ce sens, l'arrêt de la Cour du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C-350/88, Rec. p. I-395, point 16).

29 En l'espèce, la lettre du 9 novembre 2000, qui constitue la première composante de la décision attaquée, indique à M. Ronsse les circonstances de droit et de fait de l'irrégularité du versement de l'allocation de foyer: elle mentionne l'article 1er, paragraphe 3 de l'annexe VII du statut et indique que les revenus de l'épouse du requérant avaient dépassé le plafond statutaire. Elle indique également les éléments de droit et de fait relatifs à la répétition de l'indu: elle fait référence à l'article 85 du statut et à la connaissance que l'intéressé devait avoir, selon elle, de cette irrégularité par les Informations administratives qui publient, chaque année, les plafonds de revenus en cause.

30 Le courrier du 9 novembre 2000 apparaît, ainsi, clair et explicite. De plus, M. Ronsse, ancien fonctionnaire de la Commission de grade B 4 s'étant occupé durant toute sa carrière de questions de rémunération et d'indemnités des fonctionnaires, était, à l'évidence, en mesure de comprendre les termes et la portée d'une décision intervenue dans un contexte professionnel qui lui était familier, ce que corrobore, au demeurant, l'exposé de sa réclamation.

31 Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que la décision de l'AIPN de procéder à la répétition de l'indu, qui résulte des trois lettres successives que lui a adressées la Commission, satisfait à l'obligation qui incombe à l'AIPN de motiver ses décisions.

32 Il résulte de ce qui précède que le premier moyen, tiré du défaut de motivation, doit être rejeté comme non fondé.

Sur le deuxième moyen, tiré de l'erreur de droit dans l'application des dispositions combinées de l'article 62, troisième alinéa, du statut et de l'article 1er, paragraphe 3 de l'annexe VII du même statut

Arguments des parties

33 M. Ronsse soutient que l'AIPN a violé les règles statutaires en matière d'allocation de foyer en prenant en compte, pour apprécier le montant de la rémunération de son épouse, les allocations et indemnités perçues par celle-ci en plus de son traitement de base. Or, il résulterait des dispositions combinées de l'article 62, troisième alinéa, du statut et de l'article 1er, paragraphe 3 de l'annexe VII du même statut que seul le traitement de base du conjoint doit être pris en considération.

34 Le requérant soulève, à l'appui de son argumentation, l'exception d'illégalité des mesures générales d'exécution relatives à l'allocation de foyer figurant dans le Guide d'informations de nature administrative et de celles qui concernent les calculs du plafond publiées aux Informations administratives, qui lui apparaissent complexes, peu claires et de nature à induire en erreur les intéressés.

35 La Commission soutient qu'elle n'a pas commis d'erreur de droit et qu'il résulte des dispositions mêmes de l'article 1er, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut que ce sont les revenus professionnels du conjoint qui doivent être comparés au plafond qui, lui, correspond au traitement de base d'un fonctionnaire de grade C 3, échelon 3. Le traitement de base ne constituerait que l'une des composantes de la rémunération du fonctionnaire qui équivaudrait à la notion de «revenu professionnel».

36 S'agissant du traitement de base afférent à un fonctionnaire de grade C 3, échelon 3, la Commission indique qu'elle respecte le plafond statutaire qu'elle n'a, au demeurant, pas le pouvoir de modifier et que l'exception d'illégalité n'est pas fondée. En ce qui concerne l'appréciation des revenus professionnels de l'épouse de M. Ronsse, la défenderesse précise que les retenues sur traitement, qui constituent des charges, et l'allocation pour personne à charge qui ne bénéficiait pas à son conjoint ont été déduites.

Appréciation du Tribunal

37 Il résulte des termes mêmes de l'article 1er, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut, précité, que ce sont les revenus professionnels, visés au pluriel, du conjoint qui doivent être pris en considération et comparés au plafond, défini comme le traitement de base annuel d'un fonctionnaire du grade C 3, échelon 3. La notion de revenus professionnels, comme celle de rémunération mentionnée à l'article 62 du statut, est plus large que celle de traitement de base qu'elle englobe. Le Tribunal a, au demeurant, déjà jugé, dans une affaire où le fonctionnaire n'avait pas inclus dans ses calculs des indemnités perçues par son épouse en sus du traitement de base, que le revenu professionnel comprend l'ensemble des revenus perçus régulièrement en contrepartie de l'exercice des fonctions (arrêt du 10 février 1994, White/Commission, T-107/92, RecFP p. I-A-41 et II-143, point 19).

38 En l'espèce, il ressort des bulletins de paie produits par le requérant et des explications fournies par la Commission en défense qu'ont été régulièrement déduites du décompte des revenus professionnels du conjoint les retenues pour pension, maladie et accident, qui ne constituent pas des revenus mais des charges, ainsi que l'allocation pour personne assimilée à un enfant à charge, destinée à un tiers. En revanche, les allocations de dépaysement et de secrétariat, qui constituent des revenus perçus en contrepartie de l'exercice des fonctions, ont été incluses.

39 La Commission a, ainsi, fait une exacte application de la disposition statutaire en cause en incluant dans les revenus professionnels du conjoint le traitement de base ainsi que les allocations et indemnités annexes audit traitement. La thèse développée par M. Ronsse sur ce point ne saurait, par conséquent, être admise.

40 En ce qui concerne l'exception d'illégalité soulevée par M. Ronsse à l'encontre des mesures générales d'exécution relatives à l'allocation de foyer figurant dans le Guide d'informations de nature administrative et de celles relatives aux calculs du plafond publiées aux Informations administratives, il suffit de constater, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de l'exception, que ces documents se bornent à reproduire la disposition statutaire applicable et à indiquer, pour les différents pays de résidence, les plafonds au 31 décembre de l'année précédente, qui sont les dernières données disponibles. La Commission y invite, en outre, les fonctionnaires à vérifier que les revenus professionnels annuels avant déduction de l'impôt de leur conjoint ne dépassent pas le plafond réglementaire mentionné au point 37 ci-dessus. Ces informations administratives ne sont ainsi pas contraires aux dispositions statutaires et n'y ajoutent pas non plus illégalement.

41 Il résulte de ce qui précède que la Commission n'a pas entaché sa décision d'erreur de droit dans l'application des dispositions combinées de l'article 62, troisième alinéa, du statut et de l'article 1er, paragraphe 3, de l'annexe VII du même statut et n'a pas commis d'illégalité dans l'interprétation de ces dispositions dans le cadre de ses informations administratives relatives à l'allocation de foyer. Le deuxième moyen doit, en conséquence, être rejeté.

Sur le troisième moyen, tiré de l'inapplicabilité, en l'espèce, de l'article 85 du statut et de l'article 46 de son annexe VIII

Arguments des parties

42 M. Ronsse soutient que l'AIPN a méconnu les dispositions de l'article 85 du statut et de l'article 46 de son annexe VIII en poursuivant la récupération sur sa pension de l'allocation de foyer qui lui a été versée. Le requérant, qui a indiqué, lors de l'audience, renoncer à ses conclusions en tant qu'elles portent sur la période postérieure au 1er juillet 1997, ainsi qu'il a été dit au point 19 ci-dessus, expose que, jusqu'à ce que son épouse accède au grade C 3, échelon 3, au mois de juillet 1997, il n'avait aucune raison de penser que l'allocation de foyer lui était accordée à tort et n'a, par conséquent, pas pu avoir connaissance d'une irrégularité évidente.

43 La Commission fait valoir, pour ce qui concerne la période antérieure au 1er juillet 1997, que M. Ronsse ne saurait sérieusement soutenir que l'irrégularité des versements n'était pas suffisamment évidente alors que les revenus professionnels de son épouse dépassaient, de façon perceptible depuis 1994, les plafonds successifs.

44 La défenderesse souligne que M. Ronsse, affecté depuis 1964 à la DG «Personnel et administration», s'est occupé jusqu'à sa retraite de la rémunération des fonctionnaires et de ses composantes, assumant, notamment en 1994, la responsabilité de la cellule financière du secteur «Rémunération». La Commission estime que M. Ronsse, compte tenu de son grade, B 2 en 1994, puis B 1 en 1998, et de son expérience, était un fonctionnaire suffisamment averti qui avait une bonne connaissance des règles régissant la rémunération des fonctionnaires.

Appréciation du Tribunal

45 Il résulte d'une jurisprudence bien établie que, pour qu'une somme versée sans justification puisse être répétée, la preuve doit être administrée que le bénéficiaire avait une connaissance effective du caractère irrégulier du paiement ou que l'irrégularité du versement était si évidente que le bénéficiaire ne pouvait manquer d'en avoir connaissance (arrêt de la Cour du 11 octobre 1979, Berghmans/Commission, 142/78, Rec. p. 3125, point 9). En cas de contestation de la part du bénéficiaire et en l'absence de preuve d'une connaissance de l'irrégularité du versement, il y a lieu d'examiner les circonstances dans lesquelles le versement a été effectué afin d'établir si l'irrégularité du versement devait apparaître avec évidence (arrêt de la Cour du 27 juin 1973, Kuhl/Conseil, 71/72, Rec. p. 705, point 11).

46 Précisément, l'expression «si évidente», caractérisant l'irrégularité du versement, qui figure à l'article 85 du statut, ne signifie pas que le fonctionnaire bénéficiant de paiements indus est dispensé de tout effort de réflexion ou de contrôle, mais signifie que la restitution est due dès qu'il s'agit d'une erreur qui n'échappe pas à un fonctionnaire normalement diligent qui est censé connaître les règles régissant son traitement (arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Stempels/Commission, 310/87, Rec. p. 43, point 10, et arrêt White/Commission, précité, points 32 et 33).

47 En outre, il convient de tenir compte, dans chaque espèce, de la capacité du fonctionnaire concerné à procéder aux vérifications nécessaires (arrêt du Tribunal du 24 février 1994, Stahlschmidt/Parlement, T-38/93, RecFP p. I-A-65 et II-227, point 19). Les éléments pris en considération par le juge communautaire, à cet égard, concernent le niveau de responsabilité du fonctionnaire, son grade et son ancienneté, le degré de clarté des dispositions statutaires définissant les conditions d'octroi de l'indemnité, ainsi que l'importance des modifications intervenues dans sa situation personnelle ou familiale, lorsque le versement de la somme litigieuse est lié à l'appréciation, par l'administration, d'une telle situation (arrêt du Tribunal du 13 juillet 1995, Kschwendt/Commission,T-545/93, RecFP p. I-A-185 et II-565, point 104). Ainsi, un fonctionnaire de grade relativement élevé et comptant une grande ancienneté dans la fonction publique communautaire devrait être capable de se rendre compte de l'irrégularité dont il bénéficie (voir en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 mai 2001, Barth/Commission, T- 348/00, RecFP p. I-A-119 et II-557, point 33).

48 En l'espèce, il apparaît que M. Ronsse, fonctionnaire de catégorie B, qui a consacré toute sa carrière à des questions relatives aux rémunérations et aux indemnités dans les services de la Commission, disposait d'une longue expérience et se trouvait dans une situation professionnelle privilégiée pour connaître précisément des questions faisant l'objet du litige même si, comme il le soutient, sa compétence portait plutôt sur les aspects financiers que sur les aspects statutaires. En outre, la réglementation statutaire concernant l'allocation de foyer fait l'objet d'une information administrative régulière.

49 Il résulte de ce qui précède que, compte tenu notamment des compétences et de l'expérience professionnelle de l'intéressé ainsi que de la vigilance qu'il aurait dû, comme tout agent, exercer quant aux éléments de sa rémunération, M. Ronsse n'est pas fondé à soutenir qu'il ne pouvait avoir connaissance de l'irrégularité du versement dont il bénéficiait pendant la période restant en litige, du 1er janvier 1994 au 1er juillet 1997. Le moyen susvisé doit, en conséquence, être rejeté.

Sur le quatrième moyen tiré de la méconnaissance par la Commission des principes de bonne administration, de confiance légitime et de sécurité juridique

Arguments des parties

50 M. Ronsse soutient, d'une part, qu'il était fondé à croire au mois de janvier 1994 qu'il avait toujours droit au bénéfice d'une allocation qui venait de lui être accordée deux mois auparavant. D'autre part, il estime que, malgré l'absence de texte fixant un délai de prescription en matière de répétition de l'indu, l'AIPN a dépassé le délai raisonnable en attendant le mois de novembre 2000 pour décider une récupération de l'allocation de foyer qui lui avait été versée avec effet au 1er janvier 1994.

51 La Commission expose que la circonstance qu'un fonctionnaire ait droit à l'allocation de foyer ou perde le bénéfice de ce droit n'est pas de son fait, mais est liée à l'évolution des revenus professionnels du conjoint et ajoute que tous les fonctionnaires sont invités, au moyen des informations administratives, à vérifier l'état de leurs droits. La défenderesse rappelle que M. Ronsse avait, selon elle, une bonne connaissance des règles régissant la rémunération des fonctionnaires et qu'il ne saurait invoquer, dans ces circonstances, la notion de délai raisonnable.

Appréciation du Tribunal

52 En premier lieu, en l'absence de disposition fixant un délai de prescription ou de forclusion concernant la répétition de l'indu prévue à l'article 85 du statut, il convient d'apprécier le caractère raisonnable ou non du délai en fonction des circonstances propres à chaque espèce, notamment au regard du degré d'évidence de l'irrégularité des versements litigieux et du caractère occasionnel ou continu des versements indus. Ainsi, le temps n'intervient que comme un élément d'appréciation du bien-fondé de l'exercice du droit à répétition, compte tenu, notamment, d'une part, de l'évidence de l'irrégularité commise par l'administration et, d'autre part, de l'ensemble des circonstances qui peuvent être prises en compte telles que le montant des sommes exigées, le comportement fautif de l'administration, la bonne foi du fonctionnaire et la diligence normale que l'on peut attendre de lui, eu égard à sa formation, à son grade et à son expérience professionnelle (arrêt White/Commission, précité, point 47; voir, également en ce sens, arrêt de la Cour du 18 mars 1975, Acton e.a./Commission, 44/74, 46/74 et 49/74, Rec. p. 383, point 29)

53 En l'espèce, au regard de la situation particulière de M. Ronsse, et plus précisément du caractère évident que l'irrégularité commise devait présenter pour l'intéressé, comme il a été constaté ci-dessus dans le cadre de l'examen du troisième moyen de la requête, le délai de six ans et dix mois écoulé depuis le début des versements indus et au terme duquel l'administration a engagé l'action en répétition de l'indu n'apparaît pas déraisonnable. En outre, il n'est pas contesté que l'administration a agi dès qu'elle a constaté le trop perçu. Enfin, le requérant ne saurait valablement soutenir que le contrôle de l'utilisation des deniers publics par l'administration, qui justifie la procédure de répétition de l'indu, est contraire au principe de bonne administration ni que la Commission a méconnu le principe de sécurité juridique.

54 En deuxième lieu, s'agissant de la possibilité de se prévaloir de la protection de la confiance légitime dans des contentieux relatifs à la répétition de l'indu, il convient de rappeler que le droit de réclamer la protection de la confiance légitime appartient à tout particulier chez lequel l'administration a fait naître des espérances fondées. En revanche, une violation dudit principe ne peut pas être invoquée en l'absence d'assurances précises fournies par l'administration, celles-ci devant, en tout état de cause, être conformes aux dispositions du statut (arrêt du Tribunal du 27 février 1996, Galtieri/Parlement, T-235/94, RecFP p. I-A-43 et II-129, points 63 et 65).

55 En l'espèce, M. Ronsse ne fait pas état d'assurances, écrites ou verbales, que lui aurait données l'administration concernant ses droits à l'allocation de foyer. Le requérant n'est, dès lors, pas fondé à invoquer la protection de la confiance légitime.

56 Il résulte de tout ce qui précède que M. Ronsse n'est pas fondé à soutenir que la Commission aurait méconnu les principes de bonne administration, de confiance légitime et de sécurité juridique. Le moyen susvisé doit, en conséquence, être rejeté.

Sur le cinquième moyen, tiré de la discrimination opérée entre les fonctionnaires

Arguments des parties

57 M. Ronsse soutient qu'une discrimination est opérée entre les bénéficiaires de l'allocation de foyer selon que leur conjoint exerce ou non une activité professionnelle au sein de la même institution européenne, dans une autre institution européenne ou en dehors de celles-ci. Dans le premier cas l'AIPN attendrait des fonctionnaires qu'ils fassent les vérifications et calculs requis pour apprécier leurs droits, tandis que dans les autres cas l'AIPN s'en chargerait.

58 La Commission, qui rappelle qu'elle a la charge de la rémunération de milliers de fonctionnaires, a précisé à l'audience qu'elle traitait également le cas de tous les fonctionnaires, quelle que soit la situation professionnelle de leur conjoint, tous les intéressés devant s'assurer de leurs droits, en se renseignant au besoin auprès de l'administration. Elle a ajouté qu'une démarche revenant à privilégier les couples de fonctionnaires en procédant pour eux aux vérifications requises constituerait une discrimination.

Appréciation du Tribunal

59 Il ressort, en premier lieu, des pièces du dossier et des précisions apportées par la Commission lors de l'audience, et non contredites par la partie requérante, que les informations statutaires et administratives relatives au droit des fonctionnaires à l'allocation de foyer sont portées à la connaissance de tous les fonctionnaires, de manière égale, sans considération de la situation professionnelle de leur conjoint, l'attention des agents étant appelée, à cette occasion, sur la charge qui leur incombe de vérifier soigneusement les revenus à prendre en considération.

60 En deuxième lieu, si la Commission reconnaît que, dans certains cas particuliers, une aide ponctuelle a pu être apportée à des fonctionnaires éprouvant des difficultés à analyser l'état de leurs droits à l'allocation de foyer, de telles circonstances, seules invoquées par le requérant, qui ne démontre pas qu'une pratique systématique et discriminatoire aurait, en la matière, été suivie par la Commission au bénéfice de certains fonctionnaires, n'établissent pas la discrimination alléguée.

61 Il résulte de ce qui précède que M. Ronsse n'établit pas que la Commission aurait opéré une discrimination entre les fonctionnaires concernés par l'allocation de foyer selon la situation professionnelle de leur conjoint. Le moyen doit, en conséquence, être rejeté.

62 Il résulte de tout ce qui précède que la demande en annulation formée par M. Ronsse doit être rejetée.

Sur les autres demandes contenues dans la requête

63 M. Ronsse demande au Tribunal d'ordonner le remboursement, avec les intérêts, des sommes retenues sur sa pension par la Commission ou, en tout état de cause, la mise en place de modalités de prélèvements mensuels plus souples.

64 En ce qui concerne, en premier lieu, la demande tendant à la condamnation de la Commission au remboursement, avec les intérêts, des sommes retenues sur la pension du requérant, elle ne peut qu'être rejetée par voie de conséquence du rejet des conclusions tendant à l'annulation de la décision de retenir ces sommes.

65 S'agissant, en second lieu, de la demande tendant à l'aménagement des modalités de remboursement imposées au requérant, elle constitue une demande distincte, présentée par le requérant lui-même comme indépendante de la solution du présent litige. Dans la mesure où elle pourrait être interprétée comme étant dirigée contre la décision attaquée en tant qu'elle prévoit un calendrier des remboursements que le requérant estime difficilement supportable, cette demande devrait, en tout état de cause, être rejetée, dès lors qu'elle n'est étayée par aucun moyen portant sur la légalité des modalités de la répétition de l'indu opérée sur la pension de M. Ronsse, celui-ci se bornant à faire état des perturbations en résultant pour ses finances personnelles.

66 Les demandes ci-dessus analysées doivent donc être rejetées.

67 Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

68 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé, chacune des parties supportera ses propres dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL

(première chambre)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2)

3) Chacune des parties supportera ses propres dépens.