61993A0521

Arrêt du Tribunal de première instance (quatrième chambre élargie) du 11 décembre 1996. - Atlanta AG, Atlanta Handelsgesellschaft Harder & Co. GmbH, Afrikanische Frucht-Compagnie GmbH, Cobana Bananeneinkaufsgesellschaft mbH & Co. KG, Edeka Fruchtkontor GmbH, International Fruchtimport Gesellschaft Weichert & Co. et Pacific Fruchtimport GmbH contre Conseil de l'Union européenne et Commission des Communautés européennes. - Organisation commune des marchés - Bananes - Régime - Recours en indemnité. - Affaire T-521/93.

Recueil de jurisprudence 1996 page II-01707


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


1. Procédure ° Production de moyens nouveaux en cours d' instance ° Moyen fondé sur des éléments révélés en cours d' instance ° Confirmation par un arrêt de la Cour de la validité d' un acte des institutions communautaires ° Absence d' élément nouveau

(Règlement de procédure de la Cour, art. 42, § 1; règlement de procédure du Tribunal, art. 48, § 2)

2. Agriculture ° Organisation commune des marchés ° Banane ° Régime des importations ° Contingent tarifaire ° Instauration et répartition ° Principes de non-discrimination, de la protection de la confiance légitime, du droit au libre exercice des activités professionnelles et des droits de la défense ° Violation ° Absence ° Détournement de pouvoir ° Absence ° Engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté ° Absence

(Traité CE, art. 215, alinéa 2; règlement du Conseil n 404/93)

Sommaire


1. Il ressort tant de l' article 42, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour que de l' article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal que la production de moyens nouveaux en cours d' instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. A cet égard, un arrêt de la Cour confirmant la validité d' un acte des institutions communautaires ne saurait être considéré comme un élément permettant la production d' un moyen nouveau, étant donné que de tels actes bénéficient de toute façon d' une présomption de validité et qu' un arrêt de ladite teneur ne fait que confirmer une situation de droit que le requérant connaissait au moment où il a introduit son recours.

2. Le régime des échanges avec les pays tiers de l' organisation commune des marchés dans le secteur de la banane mis en place par le règlement n 404/93, et en particulier le contingent tarifaire prévu pour les importations et sa répartition, n' est constitutif ni d' une violation des principes généraux du droit communautaire ni d' un détournement de pouvoir, et n' est entaché, dès lors, d' aucune illégalité de nature à engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté envers les opérateurs dont l' activité consiste dans l' importation de bananes pays tiers dans la Communauté.

S' agissant, en effet, du principe de non-discrimination, si le règlement ne visait pas l' établissement d' un traitement identique entre les différentes catégories d' opérateurs économiques entre lesquelles est opérée la répartition du contingent tarifaire, le traitement différencié de celles-ci apparaissait comme inhérent à l' objectif d' une intégration de marchés jusqu' alors cloisonnés et d' une garantie d' écoulement de la production communautaire et de la production traditionnelle ACP.

S' agissant du principe de la protection de la confiance légitime, un opérateur économique ne saurait faire valoir un droit acquis ou même une confiance légitime dans le maintien d' une situation existante qui peut être modifiée par des décisions prises par les institutions communautaires dans le cadre de leur pouvoir d' appréciation. Par ailleurs, en l' absence d' assurances précises que lui aurait fournies l' administration, personne ne peut invoquer une violation dudit principe.

En ce qui concerne le droit fondamental au libre exercice d' une activité économique, l' atteinte subie par les opérateurs traditionnels de bananes pays tiers répond à des objectifs d' intérêt général communautaire et n' affecte pas la substance même de ce droit.

S' agissant des droits de la défense dans le cadre d' une procédure d' adoption d' un acte communautaire basée sur un article du traité, les seules obligations de consultation qui s' imposent au législateur communautaire sont celles prescrites par l' article en cause, et le droit d' être entendu dans le contexte d' une procédure administrative visant une personne spécifique ne saurait être transposé dans le contexte d' une procédure législative conduisant à l' adoption de mesures générales.

Enfin, et s' agissant d' un éventuel détournement de pouvoir, il n' apparaît pas que le règlement vise à réaliser d' autres fins que celles qu' il se donne, étant donné qu' une politique de développement en faveur des États ACP, telle qu' elle est poursuivie par le règlement, est tout à fait conforme aux objectifs de la politique agricole commune et que, en outre, dans le cadre de la mise en oeuvre de politiques internes, notamment en matière agricole, les institutions communautaires ne sauraient faire abstraction des engagements internationaux pris par la Communauté en vertu de la convention de Lomé.

Parties


Dans l' affaire T-521/93,

Atlanta AG, société de droit allemand, établie à Brême (Allemagne),

Atlanta Handelsgesellschaft Harder & Co. GmbH, société de droit allemand, établie à Brême,

Afrikanische Frucht-Compagnie GmbH, société de droit allemand, établie à Hambourg (Allemagne),

Cobana Bananeneinkaufsgesellschaft mbH & Co. KG, société de droit allemand, établie à Hambourg,

Edeka Fruchtkontor GmbH, société de droit allemand, établie à Hambourg,

Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert & Co., société de droit allemand, établie à Hambourg,

Pacific Fruchtimport GmbH, société de droit allemand, établie à Hambourg,

représentées par Mes Erik A. Undritz et Gerrit Schohe, avocats à Hambourg, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me Marc Baden, 24, rue Marie-Adélaïde,

parties requérantes,

contre

Communauté européenne, représentée par:

1) Conseil de l' Union européenne, représenté par MM. Jean-Paul Jacqué, directeur au service juridique, Arthur Brautigam et Juergen Huber, conseillers juridiques, et Mme Anna Lo Monaco, membre du service juridique, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Bruno Eynard, directeur général de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d' investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,

2) Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Peter Gilsdorf, conseiller juridique principal, et Ulrich Woelker, membre du service juridique, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

parties défenderesses,

soutenus par

République française, représentée par Mme Edwige Belliard, directeur adjoint des affaires juridiques, et M. Gautier Mignot, secrétaire des affaires étrangères, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l' ambassade de France, 9, boulevard du Prince Henri,

et

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d' Irlande du Nord, représenté initialement par Mme S. Lucinda Hudson, puis par Mme Lindsey Nicoll, du Treasury Solicitor' s Department, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l' ambassade du Royaume-Uni, 14, boulevard Roosevelt,

parties intervenantes,

ayant pour objet la condamnation de la Communauté européenne, représentée par le Conseil et la Commission, à des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l' adoption du règlement (CEE) n 404/93 du Conseil, du 13 février 1993, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane (JO L 47, p. 1),

LE TRIBUNAL DE PREMI RE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre élargie),

composé de MM. K. Lenaerts, président, R. García-Valdecasas, Mme P. Lindh, MM. J. Azizi et J. D. Cooke, juges,

greffier: M. H. Jung,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 5 juin 1996,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


Faits à l' origine du recours

Situation antérieure au règlement n 404/93

1 Avant l' institution d' une organisation commune des marchés dans le secteur de la banane, la consommation de bananes dans les États membres était couverte par trois sources d' approvisionnement: les bananes produites dans la Communauté (notamment aux îles Canaries et dans les départements français d' outre-mer), représentant environ 20 % de la consommation communautaire (ci-après "bananes communautaires"), les bananes produites dans quelques-uns des États avec lesquels la Communauté avait conclu la convention de Lomé (notamment certains États africains et certaines îles de la mer des Caraïbes), représentant environ 20 % de la consommation communautaire (ci-après "bananes ACP"), et les bananes produites dans d' autres États (principalement dans certains pays d' Amérique centrale et d' Amérique du Sud), représentant environ 60 % de la consommation communautaire (ci-après "bananes pays tiers").

2 En vertu du protocole annexé à la convention d' application relative à l' association des pays et territoires d' outre-mer à la Communauté, prévue à l' article 136 du traité CE (ci-après "protocole bananes"), l' Allemagne a bénéficié d' un régime particulier lui permettant d' importer un contingent annuel de bananes en franchise de droits de douane, calculé par référence à la quantité importée en 1956. Ce contingent de base devait, en fonction de la progression de la réalisation du marché commun, être progressivement réduit.

Règlement n 404/93

3 Une organisation commune des marchés dans le secteur de la banane a été introduite par le règlement (CEE) n 404/93 du Conseil, du 13 février 1993 (JO L 47, p. 1, ci-après "règlement n 404/93"), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n 3290/94 du Conseil, du 22 décembre 1994, relatif aux adaptations et aux mesures transitoires nécessaires dans le secteur de l' agriculture pour la mise en oeuvre des accords conclus dans le cadre des négociations commerciales multilatérales du cycle d' Uruguay (JO L 349, p. 105). C' est de la version du 13 février 1993 dont il est question dans la présente affaire.

4 Aux termes du troisième considérant du règlement n 404/93, l' organisation commune des marchés "doit, dans le respect de la préférence communautaire et des diverses obligations internationales de la Communauté, permettre l' écoulement sur le marché communautaire, à des prix équitables tant pour les producteurs que pour les consommateurs, des bananes produites dans la Communauté ainsi que celles originaires des États ACP, fournisseurs traditionnels, sans porter atteinte aux importations de bananes originaires des autres pays tiers fournisseurs et ce, en assurant des revenus suffisants aux producteurs".

5 Le régime des échanges avec les pays tiers, qui fait l' objet du titre IV, prévoit que les importations traditionnelles de bananes ACP peuvent continuer à être effectuées, en franchise de droits de douane, dans la Communauté. Une annexe fixe cette quantité à 857 700 tonnes et la répartit entre les États ACP, fournisseurs traditionnels.

6 Aux termes de l' article 18 du règlement n 404/93:

"1. Un contingent tarifaire de 2 millions de tonnes/poids net est ouvert pour chaque année pour les importations des bananes pays tiers et des bananes non traditionnelles ACP.

Dans le cadre de ce contingent tarifaire, les importations des bananes pays tiers sont assujetties à la perception de 100 écus par tonne, les importations de bananes non traditionnelles ACP sont soumises à un droit nul.

[...]

2. En dehors du contingent visé au paragraphe 1:

° les importations de bananes non traditionnelles ACP sont assujetties à la perception de 750 écus par tonne,

° les importations de bananes des pays tiers sont assujetties à la perception de 850 écus par tonne [...]"

7 Aux termes de l' article 19, paragraphe 1:

"Le contingent tarifaire est ouvert, à partir du 1er juillet 1993, à concurrence de:

a) 66,5 % à la catégorie des opérateurs qui ont commercialisé des bananes pays tiers et/ou des bananes non traditionnelles ACP;

b) 30 % à la catégorie des opérateurs qui ont commercialisé des bananes communautaires et/ou des bananes traditionnelles ACP;

c) 3,5 % à la catégorie des opérateurs établis dans la Communauté qui ont commencé à commercialiser des bananes autres que les bananes communautaires et/ou traditionnelles ACP à partir de 1992 [...]"

8 En vertu de l' article 16, il est dressé chaque année un bilan prévisionnel de la production et de la consommation de la Communauté ainsi que des importations et des exportations; ce bilan peut être révisé en cours de campagne en cas de nécessité.

9 L' article 18, paragraphe 1, quatrième alinéa, prévoit la possibilité d' une augmentation du volume du contingent annuel sur la base du bilan prévisionnel visé à l' article 16.

10 L' article 20 habilite la Commission à arrêter les conditions de transmissibilité des certificats d' importation.

11 Aux termes de l' article 21, paragraphe 2, le contingent tarifaire prévu par le protocole bananes est supprimé.

Situation des requérantes

12 Les requérantes sont des opérateurs dont l' activité consiste dans l' importation de bananes pays tiers dans la Communauté. La première et la deuxième requérantes font partie du groupe Atlanta: la première est une holding intermédiaire, la deuxième une filiale de la première. La première requérante, seule concernée par les conclusions en indemnité qui font l' objet du présent recours (voir ci-après points 16 et 28), fait valoir qu' une autre de ses filiales, Atlanta Handels- und Schiffahrts-Gesellschaft mbH, chargée d' organiser les transports en navires frigorifiques, a subi un préjudice du fait de l' entrée en vigueur du règlement n 404/93. Atlanta Handels- und Schiffahrts-Gesellschaft mbH avait affrété trois navires qu' elle a ensuite mis à la disposition d' une société américaine. Cette dernière a résilié le contrat avant le terme prévu, au motif que les navires ne seraient plus nécessaires du fait des restrictions à l' importation de bananes résultant du règlement n 404/93. Atlanta Handels- und Schiffahrts-Gesellschaft mbH, qui doit continuer à verser au fréteur la rémunération convenue, a cédé ses droits à réparation vis-à-vis de la Communauté à sa société mère, la première requérante.

Procédure

13 Par requête déposée au greffe de la Cour le 14 mai 1993, les requérantes ont demandé, d' une part, en vertu de l' article 173, deuxième alinéa, du traité CEE (devenu l' article 173, quatrième alinéa, du traité CE, ci-après "traité"), l' annulation partielle du règlement n 404/93 et, d' autre part, en vertu des articles 178 et 215, deuxième alinéa, du traité, la condamnation de la Communauté européenne à verser des dommages-intérêts en réparation du dommage subi par la première requérante ou, le cas échéant, par Atlanta Handels- und Schiffahrts-Gesellschaft mbH. C' est la seconde partie de ce recours, enregistré originairement sous le numéro C-286/93, puis sous le numéro T-521/93 (voir ci-après point 21), qui fait l' objet du présent arrêt.

14 Par requête déposée au greffe de la Cour le même jour, la République fédérale d' Allemagne a demandé, en vertu de l' article 173, premier alinéa, du traité, l' annulation du titre IV et de l' article 21, paragraphe 2, du règlement n 404/93 (affaire C-280/93).

15 Le 4 juin 1993, les requérantes ont en outre déposé au greffe de la Cour une demande en référé, en vertu des articles 185 et 186 du traité, visant à obtenir, d' une part, le sursis à l' exécution du titre IV du règlement n 404/93, notamment de ses articles 17 à 20, et, d' autre part, la prescription de toute autre mesure que le président de la Cour ou la Cour considérerait comme appropriée (affaire C-286/93 R).

16 Par ordonnance du 21 juin 1993, la Cour a rejeté le recours des requérantes comme irrecevable dans la mesure où il tendait à l' annulation de certaines dispositions du règlement n 404/93, mais l' a laissé subsister pour autant qu' il tendait à la condamnation de la Communauté européenne à réparer le préjudice causé par l' adoption de ce même règlement. Elle a en outre réservé les dépens (affaire C-286/93, devenue affaire T-521/93, le présent recours).

17 Par actes déposés au greffe de la Cour le 28 juin 1993 et le 12 juillet 1993, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d' Irlande du Nord et la République française ont respectivement demandé à intervenir dans la présente affaire à l' appui des conclusions des parties défenderesses.

18 Par ordonnance du 6 juillet 1993, la Cour a rejeté comme irrecevable la demande en référé présentée par les requérantes et a réservé les dépens (affaire C-286/93 R).

19 Par actes déposés au greffe de la Cour entre le 29 juin 1993 et le 12 juillet 1993, la république de Côte d' Ivoire, la société Terres Rouges Consultant, la société España et fils et la société Cobana Import ont demandé à intervenir dans la présente affaire à l' appui des conclusions des parties défenderesses.

20 Par décision du 15 juillet 1993, la Cour a décidé de suspendre la procédure dans la présente affaire, en application de l' article 82 bis, paragraphe 1, sous b), du règlement de procédure de la Cour, jusqu' à ce que soit mis fin à l' instance dans l' affaire C-280/93.

21 Suite à l' entrée en vigueur, le 1er août 1993, de la décision 93/350/Euratom, CECA, CEE du Conseil, du 8 juin 1993, modifiant la décision 88/591/CECA, CEE, Euratom instituant le Tribunal de première instance des Communautés européennes (JO L 144, p. 21), la présente affaire a été renvoyée devant le Tribunal par ordonnance de la Cour du 27 septembre 1993.

22 Le 5 octobre 1994, la Cour a rejeté le recours en annulation introduit par la République fédérale d' Allemagne (arrêt Allemagne/Conseil, C-280/93, Rec. p. I-4973). A la suite de cet arrêt, la suspension a été levée et la procédure écrite a recommencé dans la présente affaire.

23 Par ordonnances du président de la deuxième chambre élargie du Tribunal du 9 mars 1995, la République française et le Royaume-Uni ont été admis à intervenir à l' appui des conclusions des parties défenderesses.

24 Par ordonnance du 14 juillet 1995, le président de la deuxième chambre élargie du Tribunal a rejeté les demandes en intervention de la république de Côte d' Ivoire, de la société Terres Rouges Consultant, de la société España et fils et de la société Cobana Import et a condamné les demandeurs en intervention à supporter les dépens afférents à leurs demandes en intervention.

25 Par ordonnance du 1er décembre 1993, parvenue à la Cour le 14 décembre suivant, le Verwaltungsgericht Frankfurt am Main a posé, en vertu de l' article 177 du traité CE, deux questions préjudicielles relatives à la validité du titre IV et de l' article 21, paragraphe 2, du règlement n 404/93. Ces questions avaient été soulevées dans le cadre d' un litige opposant Atlanta Fruchthandelsgesellschaft mbH et dix-sept autres sociétés du groupe Atlanta au Bundesamt fuer Ernaehrung und Forstwirtschaft (office fédéral de l' alimentation et de la sylviculture) au sujet de l' octroi de contingents d' importation de bananes pays tiers.

26 Le 9 novembre 1995, la Cour, statuant sur les questions du Verwaltungsgericht Frankfurt am Main, a conclu que l' examen du titre IV et de l' article 21, paragraphe 2, du règlement n 404/93, à la lumière des motifs de l' ordonnance de renvoi, n' avait pas révélé l' existence d' éléments de nature à affecter leur validité (arrêt Atlanta Fruchthandelsgesellschaft e.a., C-466/93, Rec. p. I-3799).

27 Entre le 8 décembre 1994 et le 6 janvier 1995, en réponse à une demande du Tribunal, les parties ont présenté leurs observations sur les conséquences éventuelles pour le présent litige de l' arrêt Allemagne/Conseil, précité. Entre le 4 et le 16 janvier 1996, en réponse à une demande du Tribunal, les parties ont présenté leurs observations sur les conséquences éventuelles pour le présent litige de l' arrêt Atlanta Fruchthandelsgesellschaft e.a., précité.

28 Au vu de l' ordonnance de la Cour du 21 juin 1993, rejetant le recours des requérantes comme irrecevable dans la mesure où il tendait à l' annulation des dispositions du règlement n 404/93, le Tribunal ne prendra en considération que les conclusions aux fins d' indemnité présentées par les requérantes.

Conclusions des parties

29 Les requérantes concluent à ce qu' il plaise au Tribunal:

° condamner la Communauté européenne, représentée par le Conseil et la Commission, à indemniser la première requérante du dommage subi ou à indemniser, le cas échéant, Atlanta Handels- und Schiffahrts-Gesellschaft mbH;

° condamner les défendeurs aux dépens.

30 Le Conseil conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

° rejeter le recours comme non fondé;

° condamner les requérantes à l' ensemble des dépens, y compris les dépens relatifs au recours en annulation.

31 La Commission conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

° rejeter le recours comme non fondé;

° condamner les requérantes à l' ensemble des dépens, y compris les dépens relatifs au recours en annulation.

32 La République française conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

° rejeter le recours comme non fondé.

33 Le Royaume-Uni conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

° rejeter le recours comme non fondé.

Sur le fond

34 A l' appui de leurs conclusions en indemnité, les requérantes avancent quatorze moyens pour établir l' existence d' un comportement illégal du Conseil et de la Commission. Dans leurs observations sur les conséquences à tirer de l' arrêt Allemagne/Conseil, précité, et dans leur mémoire en réplique, elles ont précisé qu' elles maintenaient tous les moyens présentés dans leur requête, mais se sont concentrées sur les quatre moyens suivants: violation du principe de non-discrimination; violation du principe de la protection de la confiance légitime; violation du droit fondamental au libre exercice d' une activité économique et violation des droits de la défense. Dans leur mémoire en réplique, ainsi que dans leurs observations du 16 janvier 1996 sur les conséquences à tirer de l' arrêt Atlanta Fruchthandelsgesellschaft e.a., précité, les requérantes ont fait valoir aussi que, même si le Tribunal devait considérer que les dispositions en cause du règlement n 404/93 sont valides, la première requérante aurait néanmoins droit à une indemnisation au titre de l' article 215, deuxième alinéa, du traité. Le Tribunal examinera d' abord ce moyen, avant d' examiner ensuite les quatre moyens sur lesquels les requérantes se sont concentrées et, enfin, les autres moyens exposés dans la requête.

Sur le moyen tiré de la responsabilité du Conseil du fait d' un acte légal

Arguments des parties

35 Les requérantes font valoir que, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, la Communauté engage sa responsabilité même pour des actes législatifs légaux, dès lors que le législateur communautaire impose à certains opérateurs des charges exceptionnelles qui ne frappent pas l' ensemble des autres opérateurs.

36 Le Conseil estime que ce moyen est irrecevable parce qu' il a été soulevé tardivement. Il invoque, d' une part, l' article 19, premier alinéa, du statut (CE) de la Cour de justice, selon lequel la requête doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués, et, d' autre part, l' article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, selon lequel la production de moyens nouveaux en cours d' instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

37 Le Conseil souligne que les requérantes n' ont soulevé ce moyen ni dans leur requête ni même dans leur prise de position du 5 janvier 1995 sur les conséquences à tirer de l' arrêt Allemagne/Conseil, précité.

38 La Commission partage le raisonnement du Conseil selon lequel la question de la responsabilité du fait d' un acte légal a été soulevée tardivement.

Appréciation du Tribunal

39 Il ressort tant de l' article 42, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, devant laquelle le recours a été introduit, que de l' article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal que la production de moyens nouveaux en cours d' instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Le Tribunal rappelle à cet égard qu' il est de jurisprudence constante qu' un arrêt de la Cour confirmant la validité d' un acte des institutions communautaires ne saurait être considéré comme un élément permettant la production d' un moyen nouveau, étant donné que de tels actes bénéficient de toute façon d' une présomption de validité et que les arrêts Allemagne/Conseil et Atlanta Fruchthandelsgesellschaft e.a., précités, n' ont fait que confirmer une situation de droit que les requérantes connaissaient au moment où elles ont introduit leur recours (voir l' arrêt de la Cour du 1er avril 1982, Duerbeck/Commission, 11/81, Rec. p. 1251, point 17).

40 En l' espèce, comme les requérantes n' ont invoqué aucun élément qui justifierait l' introduction d' un moyen nouveau concernant la responsabilité du Conseil du fait d' un acte légal, le Tribunal constate que ce moyen a été soulevé tardivement et qu' il est donc irrecevable.

Sur le moyen tiré d' une violation du principe de non-discrimination

Arguments des parties

41 Les requérantes reconnaissent que, dans l' arrêt Allemagne/Conseil, précité, la Cour a admis qu' il était justifié de distinguer entre, d' une part, les opérateurs commercialisant des bananes pays tiers et, d' autre part, les opérateurs commercialisant des bananes communautaires et ACP. Cependant, elles considèrent que cet arrêt n' a pas abordé la question de l' impossibilité pour les opérateurs du premier type d' avoir accès au marché, alors qu' il reconnaîtrait implicitement par ailleurs l' importance d' un tel accès. Elles invoquent à cet égard le point 74 de l' arrêt, qui précise que l' un des objectifs du règlement est l' intégration de marchés jusqu' alors cloisonnés. Selon les requérantes, une telle intégration implique que les opérateurs commercialisant des bananes pays tiers doivent avoir accès aux bananes communautaires et ACP.

42 Elles invoquent ensuite l' ordonnance de la Cour du 29 juin 1993, Allemagne/Conseil (C-280/93 R, Rec. p. I-3667), notamment son point 41, qui précise qu' il "n' est pas suffisamment certain que le régime de répartition critiqué privera les importateurs allemands d' une partie substantielle de parts de marché, alors surtout qu' il n' apparaît pas pour quels motifs ces importateurs ne parviendraient pas à s' approvisionner en bananes communautaires et ACP".

43 Les requérantes concluent que, eu égard aux circonstances de l' espèce, il existe une discrimination entre les opérateurs commercialisant des bananes communautaires et ACP, d' une part, et les opérateurs commercialisant des bananes pays tiers, d' autre part, puisque ces derniers n' ont, dans les faits, aucun accès aux bananes communautaires et ACP.

44 Le Conseil rejette cette interprétation de l' arrêt Allemagne/Conseil, précité. Il rappelle que la Cour a précisé dans cet arrêt que, lorsque, pour adopter une réglementation, le législateur communautaire est amené à apprécier les effets futurs de cette réglementation et que ces effets ne peuvent être prévus avec exactitude, son appréciation ne peut être censurée que si elle apparaît manifestement erronée au vu des éléments dont il disposait au moment de l' adoption de la réglementation.

45 Le Conseil ajoute que la Cour a constaté que la preuve n' avait pas été rapportée que les mesures adoptées par le Conseil étaient manifestement inappropriées pour réaliser l' objectif poursuivi par le règlement n 404/93. Il conteste en outre l' affirmation des requérantes selon laquelle des bananes communautaires ou ACP ne sont pas disponibles sur le marché allemand.

Appréciation du Tribunal

46 Le Tribunal rappelle qu' il est de jurisprudence constante que le principe de non-discrimination fait partie des principes fondamentaux du droit communautaire (voir l' arrêt Allemagne/Conseil, précité, point 67). Ce principe exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, à moins qu' une différenciation ne soit objectivement justifiée. Comme il a déjà été relevé dans l' arrêt Allemagne/Conseil, précité, la situation des catégories d' opérateurs économiques entre lesquelles est opérée la répartition du contingent tarifaire n' était pas comparable avant l' adoption du règlement n 404/93. Ces catégories ont aussi été affectées de façon différente par les mesures adoptées, et la Cour a spécifiquement reconnu que les opérateurs qui s' étaient traditionnellement approvisionnés essentiellement en bananes pays tiers se voyaient dorénavant imposer des restrictions à leurs possibilités d' importations. La Cour a néanmoins considéré qu' un tel traitement différencié apparaissait comme inhérent à l' objectif d' une intégration de marchés jusqu' alors cloisonnés et d' une garantie d' écoulement de la production communautaire et de la production traditionnelle ACP (point 74). La Cour a aussi considéré que le mécanisme de répartition du contingent tarifaire entre les différentes catégories d' opérateurs économiques visait à amener les opérateurs de bananes communautaires et traditionnelles ACP à s' approvisionner en bananes pays tiers au même titre qu' il tendait à inciter les importateurs de bananes pays tiers à distribuer des bananes communautaires et ACP (point 83). Elle a donc reconnu que le règlement n 404/93 ne visait pas l' établissement d' un traitement identique entre les différentes catégories d' opérateurs.

47 La Cour a également considéré qu' il était nécessaire que le règlement n 404/93 limite le volume des importations des bananes pays tiers vers la Communauté dans le cadre de l' instauration d' une organisation commune du marché (point 82).

48 Enfin, la Cour a jugé qu' il n' avait pas été établi que le Conseil ait arrêté des mesures manifestement inappropriées pour réaliser l' objectif poursuivi par le règlement n 404/93 (point 95).

49 Il convient d' ajouter que la Cour a précisé, dans l' arrêt Atlanta Fruchthandelsgesellschaft e.a., précité, que les difficultés d' application du règlement n 404/93 dont les requérantes avaient fait état ne pouvaient avoir d' influence sur la validité dudit règlement (point 11). De la même façon, les conséquences concrètes de l' adoption du règlement n 404/93 dont les requérantes font état ne sauraient en l' espèce être prises en considération par le Tribunal, qui ne doit examiner la question de la légalité du règlement n 404/93 qu' au regard des moyens avancés par les requérantes.

50 Le Tribunal constate dès lors que les requérantes n' ont pas établi que les institutions défenderesses ont manqué au respect du principe de non-discrimination, et il convient donc de rejeter ce moyen comme non fondé.

Sur le moyen tiré de la violation du principe de la protection de la confiance légitime

Arguments des parties

51 Tout d' abord, les requérantes rappellent que le principe de la protection de la confiance légitime ne fait pas partie des moyens que l' Allemagne a invoqués dans l' affaire Allemagne/Conseil, précitée.

52 Ensuite, elles reconnaissent qu' elles ne sauraient faire valoir une confiance légitime dans le maintien des conditions qui existaient avant le 1er juillet 1993, mais qu' elles pouvaient s' attendre à ce que des mesures de transition appropriées soient prises afin qu' elles puissent s' adapter progressivement au nouveau régime. Elles soulignent qu' une réglementation de transition leur aurait permis d' atténuer leurs pertes et de maintenir des emplois ou bien de les supprimer de manière graduelle.

53 Les requérantes affirment que, puisqu' une telle réglementation fait défaut, il ne peut être remédié au préjudice qu' elles ont subi qu' au moyen d' une indemnisation. Elles invoquent à l' appui de leur analyse l' arrêt de la Cour du 14 mai 1975, CNTA/Commission (74/74, Rec. p. 533, point 47), dans lequel la Cour a jugé que, pour des motifs de protection de la confiance légitime, la Communauté devait dédommager un opérateur de la perte qu' il avait subie, du fait de l' abrogation de montants compensatoires, dans l' exécution des opérations d' exportation dans lesquelles il était engagé.

54 Le Conseil fait valoir que, contrairement à l' affirmation des requérantes, la Cour a examiné, dans l' arrêt Allemagne/Conseil, précité, la question d' une violation du principe de la confiance légitime. Il affirme pour sa part qu' il ressort des motifs de l' arrêt que la Cour a considéré que l' absence de mesures transitoires ne constituait pas une violation du principe de la protection de la confiance légitime.

Appréciation du Tribunal

55 Le Tribunal rappelle que le principe de la protection de la confiance légitime s' inscrit parmi les principes fondamentaux de la Communauté. Néanmoins, il convient de rappeler également que les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d' une situation existante qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d' appréciation des institutions communautaires et cela spécialement dans un domaine comme celui des organisations communes des marchés, dont l' objet comporte une constante adaptation en fonction des variations de la situation économique (voir notamment arrêt de la Cour du 5 octobre 1994, Crispoltoni e.a., C-133/93, C-300/93 et C-362/93, Rec. p. I-4863, point 57). Le Tribunal relève que, même si l' Allemagne n' a pas invoqué le principe de la protection de la confiance légitime parmi les moyens qu' elle a fait valoir dans l' affaire Allemagne/Conseil, précitée, la Cour a cependant confirmé dans cet arrêt également qu' un opérateur économique ne saurait faire valoir un droit acquis ou même une confiance légitime dans le maintien d' une situation existante qui peut être modifiée par des décisions prises par les institutions communautaires dans le cadre de leur pouvoir d' appréciation (point 80).

56 De plus, la possibilité d' une violation de ce principe a été soulevée dans les questions préjudicielles du juge national dans le cadre de l' arrêt Atlanta Fruchthandelsgesellschaft e.a., précité. Or, la Cour, en constatant que la juridiction nationale n' avait pas fait état de motifs d' invalidité de nature à modifier l' appréciation de la validité du règlement n 404/93, a considéré qu' il n' y avait pas eu une telle violation.

57 Le Tribunal rappelle que, en l' absence d' assurances précises que lui aurait fournies l' administration, personne ne peut invoquer une violation du principe de la protection de la confiance légitime (voir arrêt du Tribunal du 14 septembre 1995, Lefebvre e.a./Commission, T-571/93, Rec. p. II-2379, point 72). Or, les requérantes n' ont pas fourni de preuves de telles assurances, ni dans la pratique antérieure de la Commission, ni dans le contexte spécifique de l' introduction de l' organisation commune des marchés ici en cause.

58 Il s' ensuit que les requérantes n' ont pas établi une violation du principe de la protection de la confiance légitime dans le cas d' espèce et que le moyen tiré d' une violation de ce principe doit être rejeté.

Sur le moyen tiré d' une violation du droit fondamental au libre exercice d' une activité économique

Arguments des parties

59 Les requérantes font valoir que la question des droits fondamentaux n' a été examinée dans l' arrêt Allemagne/Conseil, précité, que sous un angle abstrait et général et que les droits subjectifs d' un opérateur économique individuel n' ont nullement été examinés. Elles demandent donc que le Tribunal statue sur la question de savoir si, en l' espèce, l' application concrète du règlement n 404/93 a lésé leurs droits fondamentaux.

60 Elles invoquent, notamment, la fermeture de leurs établissements et les licenciements collectifs auxquels elles ont dû procéder depuis l' adoption du règlement n 404/93 et font valoir que le règlement contesté a porté atteinte à leur droit fondamental au libre exercice d' une activité économique.

61 Le Conseil considère qu' il ressort de l' arrêt Allemagne/Conseil, précité, qu' aucun opérateur traditionnel de bananes pays tiers ne peut invoquer une violation du droit fondamental au libre exercice d' une activité économique.

Appréciation du Tribunal

62 Le Tribunal rappelle qu' il est de jurisprudence constante que le libre exercice d' une activité économique fait partie des principes généraux du droit communautaire, mais qu' il n' apparaît toutefois pas comme une prérogative absolue et qu' il doit être pris en considération par rapport à sa fonction dans la société. Il implique qu' un opérateur économique ne peut être privé arbitrairement du droit d' exercer son activité, mais il ne lui garantit pas un volume d' affaires particulier ou une part de marché spécifique. Les garanties conférées aux opérateurs économiques ne sauraient en aucun cas être étendues à la protection de simples intérêts ou chances d' ordre commercial, dont le caractère aléatoire est inhérent à l' essence même de l' activité économique (voir l' arrêt de la Cour du 14 mai 1974, Nold/Commission, 4/73, Rec. p. 491, point 14). Il s' ensuit que des restrictions peuvent être apportées au libre exercice d' une activité économique, notamment dans le cadre d' une organisation commune des marchés, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d' intérêt général poursuivis par la Communauté et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (voir arrêt de la Cour du 11 juillet 1989, Schraeder, 265/87, Rec. p. 2237, point 15).

63 A cet égard, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé dans l' arrêt Allemagne/Conseil, précité, que l' atteinte au libre exercice des activités professionnelles des opérateurs traditionnels de bananes pays tiers opérée par le règlement n 404/93 répondait à des objectifs d' intérêt général communautaire et n' affectait pas la substance même de ce droit (point 87). Il convient de rappeler également encore une fois que, dans l' arrêt Atlanta Fruchthandelsgesellschaft, précité, la Cour a remarqué que, si les requérantes avaient fait état de certaines difficultés d' application du règlement n 404/93 et des conséquences qui en découlaient pour leur activité, de telles circonstances ne pouvaient avoir d' influence sur la validité dudit règlement (point 11).

64 Il convient dès lors de rejeter le moyen tiré d' une violation du droit fondamental au libre exercice d' une activité économique comme non fondé.

Sur le moyen tiré d' une violation des droits de la défense

Arguments des parties

65 Les requérantes font observer que le respect des droits de la défense est garanti au titre des droits fondamentaux et qu' il comprend le droit d' être entendu dans le cadre de procédures administratives susceptibles d' aboutir à des sanctions ou à d' autres mesures (voir, par exemple, l' arrêt de la Cour du 17 octobre 1989, Dow Chemical Ibérica e.a./Commission, C-97/87, C-98/87 et C-99/87, Rec. p. 3165, point 12). Les requérantes rappellent que, en l' espèce, avant l' adoption du règlement n 404/93, la Commission avait posé comme condition à une audition que tous les opérateurs parlent "d' une seule voix". Or, cette condition était, selon elles, impossible à remplir à cause des divergences d' intérêts existant entre les différents opérateurs. Dans ces circonstances, la Commission ne les aurait pas entendues, ce qui aurait eu pour résultat que les institutions communautaires auraient complètement omis de prendre en considération la situation particulière d' une catégorie nettement distincte d' opérateurs économiques. Selon la jurisprudence de la Cour, un tel comportement de la part du législateur communautaire constituerait une grave violation des règles de droit (voir les arrêts de la Cour du 19 mai 1992, Mulder e.a/Conseil et Commission, C-104/89 et C-37/90, Rec. p. I-3061, point 16, et du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission, C-152/88, Rec. p. I-2477, point 27).

66 Les requérantes contestent l' affirmation faite par le Conseil dans son mémoire en défense, selon laquelle le respect des droits de la défense des opérateurs, y compris ceux des requérantes, a été examiné dans l' arrêt Allemagne/Conseil, précité, et font valoir que la Cour n' y a pas fait référence.

67 En ce qui concerne l' argument du Conseil selon lequel le droit d' être entendu n' existe pas dans le contexte d' une procédure conduisant à l' adoption d' une mesure normative, les requérantes rétorquent qu' il n' existe, pour un particulier, aucune différence selon que sa situation juridique est affectée par le résultat d' une procédure administrative ou par celui d' une procédure législative. Elles ajoutent que, dans un domaine comme le droit agricole, dans lequel les institutions disposent d' un pouvoir aussi important, il est nécessaire que, avant d' intervenir, le législateur donne à toutes les parties la possibilité de s' exprimer.

68 Le Conseil affirme que, selon les dispositions du traité, il n' était aucunement tenu de consulter les milieux économiques concernés avant d' adopter le règlement n 404/93. Il rappelle qu' une consultation des représentants des divers groupes de la vie économique et sociale n' intervient dans la procédure législative de la Communauté que sous la forme d' une consultation du Comité économique et social et fait observer que cette consultation a eu lieu pour le règlement n 404/93.

69 En ce qui concerne l' arrêt du Tribunal du 23 février 1994, invoqué par les requérantes, CB et Europay/Commission (T-39/92 et T-40/92, Rec. p. II-49), dans lequel le Tribunal a précisé que le principe du droit d' être entendu doit être respecté en toutes circonstances, le Conseil note que cette considération ne concerne que les procédures conduisant à des décisions qui s' adressent à des personnes déterminées ou conduisant à des actes juridiques qui concernent directement et individuellement ces personnes. Il rappelle que, en l' espèce, par son ordonnance du 21 juin 1993, la Cour a rejeté le recours des requérantes pour autant qu' il tendait à l' annulation de certaines dispositions du règlement n 404/93, au motif que les requérantes n' étaient concernées ni directement ni individuellement.

Appréciation du Tribunal

70 Le Tribunal considère que, contrairement à l' argumentation développée par les requérantes, le droit d' être entendu dans le contexte d' une procédure administrative visant une personne spécifique ne saurait être transposé dans le contexte d' une procédure législative conduisant à l' adoption de mesures générales. Le Tribunal souligne à cet égard que l' arrêt CB et Europay/Commission, précité, s' inscrit dans le cadre d' une jurisprudence constante en matière de concurrence, qui exige que les entreprises présumées avoir enfreint les règles du traité soient entendues en leurs observations avant que des mesures, notamment des sanctions, soient prises à leur égard. Toutefois, cette jurisprudence doit être appréciée dans son propre contexte et ne saurait être étendue à celui d' une procédure législative communautaire aboutissant à l' adoption de mesures normatives qui impliquent un choix de politique économique et s' appliquent à la généralité des opérateurs concernés.

71 Il convient d' ajouter que, dans le cadre d' une procédure d' adoption d' un acte communautaire basée sur un article du traité, les seules obligations de consultation qui s' imposent au législateur communautaire sont celles prescrites par l' article en cause. Le Tribunal rappelle que, dans l' arrêt de la Cour du 29 octobre 1980, Roquette Frères/Conseil (138/79, Rec. p. 3333), la Cour a jugé que l' obligation de consulter le Parlement, prévue à différentes reprises dans le traité, est le reflet, au niveau de la Communauté, d' un principe démocratique fondamental, selon lequel les peuples participent à l' exercice du pouvoir par l' intermédiaire d' une assemblée représentative.

72 Le Tribunal rappelle aussi qu' une consultation des représentants des divers groupes de la vie économique et sociale intervient dans la procédure législative de la Communauté sous la forme d' une consultation du Comité économique et social. Dans le présent recours, le Parlement et ledit Comité ont été consultés avant l' adoption du règlement n 404/93, comme le prévoit le traité.

73 Le Tribunal estime que, contrairement à l' analyse présentée par les requérantes, la Commission n' était pas obligée de consulter en outre les différentes catégories d' opérateurs concernés par le marché communautaire de la banane. Il est tout à fait possible pour le législateur communautaire de prendre en considération la situation particulière de catégories distinctes d' opérateurs économiques sans les entendre tous individuellement. A cet égard, le Tribunal rappelle que, dans l' arrêt Allemagne/Conseil, précité, la Cour a jugé que la requérante n' avait pas établi que le Conseil avait arrêté des mesures manifestement inappropriées ou s' était livré à une appréciation manifestement erronée des éléments dont il disposait au moment de l' adoption de la réglementation (point 95). Étant donné que le règlement n 404/93 contient des dispositions concernant les opérateurs commercialisant des bananes pays tiers, la Cour a donc déjà reconnu implicitement que le législateur communautaire n' a pas omis de prendre en considération les intérêts de cette catégorie d' opérateurs.

74 Il résulte des considérations qui précèdent que le moyen tiré d' une violation des droits de la défense doit être rejeté.

Sur les moyens tirés d' une violation des dispositions relatives à la procédure législative; d' une violation de l' article 190 du traité; d' une violation du protocole bananes; du choix d' une base juridique erronée; d' une violation du principe de proportionnalité; d' une violation du droit de propriété; d' une violation des règles de concurrence; d' une violation de l' accord général sur les tarifs douaniers et le commerce et d' une violation de la quatrième convention de Lomé

Arguments des parties

75 En ce qui concerne le moyen tiré d' une violation des dispositions relatives à la procédure législative, les requérantes font valoir, en substance, que le Conseil n' a pas respecté le droit d' initiative de la Commission et que le Parlement aurait dû être consulté à nouveau après que la proposition initiale de la Commission eut été amendée. En ce qui concerne le moyen tiré d' une violation de l' article 190 du traité, les requérantes font valoir que le règlement n 404/93 n' est pas suffisamment motivé. En ce qui concerne le moyen tiré d' une violation du protocole bananes, les requérantes font valoir que le Conseil n' avait pas le pouvoir d' abroger ce protocole. A l' appui du moyen tiré du choix d' une base juridique erronée, les requérantes font valoir que le fondement juridique retenu ne permettait pas d' assurer aux producteurs commercialisant des bananes ACP des prix équitables sur le marché communautaire et que la base choisie pour le relèvement des droits de douane était aussi erronée. En ce qui concerne le moyen tiré d' une violation du principe de proportionnalité, les requérantes font valoir, en substance, que le règlement n 404/93 enfreint ce principe à cause du caractère disproportionné des restrictions qu' il met à l' importation des bananes pays tiers. A l' appui du moyen tiré d' une violation du droit de propriété, les requérantes font valoir, en substance, que les restrictions à l' importation et le régime de répartition du contingent tarifaire ont eu pour effet de les exproprier. En ce qui concerne le moyen tiré d' une violation des règles de concurrence, les requérantes font valoir, en substance, que les restrictions à l' importation et le système de certificats d' importation prévus par le règlement n 404/93 faussent la concurrence entre opérateurs dans la Communauté. A l' appui du moyen tiré d' une violation de l' accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (ci-après "GATT"), les requérantes font valoir que les restrictions à l' importation découlant des articles 17 et 18 du règlement n 404/93 enfreignent les règles du GATT. En ce qui concerne le moyen tiré d' une violation de la quatrième convention de Lomé, les requérantes font valoir, en substance, que le règlement n 404/93 enfreint les articles 168 et 169 de cette convention.

76 Le Conseil et la Commission estiment que tous ces arguments ont déjà été rejetés par la Cour dans les arrêts Allemagne/Conseil et Atlanta Fruchthandelsgesellschaft e.a., précités.

Appréciation du Tribunal

77 Le Tribunal rappelle que le moyen tiré d' une violation des dispositions relatives à la procédure d' adoption du règlement n 404/93 a été rejeté dans l' arrêt Allemagne/Conseil, précité, points 27 à 43 inclus; que le moyen tiré d' une violation de l' article 190 du traité a été rejeté dans l' arrêt Atlanta Fruchthandelsgesellschaft e.a., précité, points 12 à 18 inclus; que le moyen tiré d' une violation du protocole bananes a été rejeté dans l' arrêt Allemagne/Conseil, précité, points 113 à 118 inclus; que le moyen tiré du choix d' une base juridique erronée a été rejeté dans l' arrêt Allemagne/Conseil, précité, points 53 à 57 inclus; que le moyen tiré d' une violation du principe de proportionnalité a été rejeté dans l' arrêt Allemagne/Conseil, précité, points 88 à 97 inclus; que le moyen tiré d' une violation du droit de propriété a été rejeté dans l' arrêt Allemagne/Conseil, précité, points 77 à 79 inclus; que le moyen tiré d' une violation des règles de concurrence a été rejeté dans l' arrêt Allemagne/Conseil, précité, points 58 à 62 inclus; que le moyen tiré d' une violation des règles du GATT a été rejeté dans l' arrêt Allemagne/Conseil, précité, points 103 à 112 inclus, et que le moyen tiré d' une violation de la quatrième convention de Lomé a été rejeté dans l' arrêt Allemagne/Conseil, précité, points 100 à 102 inclus.

78 Le Tribunal constate que, pour les mêmes raisons que celles exposées par la Cour dans les arrêts Allemagne/Conseil et Atlanta Fruchthandelsgesellschaft e.a., précités, et reprises ci-dessus au point 77, il convient de rejeter tous ces moyens comme non fondés.

Sur le moyen tiré d' un détournement de pouvoir

Arguments des parties

79 Les requérantes font valoir que le régime des importations mis en place par le règlement n 404/93 vise à assurer aux producteurs commercialisant des bananes ACP des "revenus suffisants", mais que cet objectif ne saurait être poursuivi sur le fondement de l' article 43, paragraphe 2, du traité. Elles ajoutent que la répartition du contingent tarifaire qu' il opère n' entretient pas de rapport logique avec l' objectif consistant à protéger la production communautaire et les obligations d' achat de bananes ACP, mais qu' elle vise à privilégier les importateurs de bananes communautaires et ACP. Elles en déduisent que le règlement n 404/93 a, en réalité, été pris dans le but d' atteindre des fins autres que celles excipées.

80 Le Conseil et la Commission n' ont pas répondu en détail à ce moyen. Toutefois, le Conseil a rappelé en termes généraux que la Cour a estimé dans l' arrêt Allemagne/Conseil, précité, que le règlement n 404/93 est conforme aux objectifs de la politique agricole commune et qu' il ne dépasse pas les limites tracées par les articles 39, 42 et 43 du traité. La Commission, pour sa part, a noté dans ses observations sur la poursuite de la procédure après l' arrêt Allemagne/Conseil, précité, que tous les moyens invoqués par les requérantes contre le règlement n 404/93 avaient déjà été examinés par la Cour.

Appréciation du Tribunal

81 Le Tribunal rappelle qu' un acte peut être entaché de détournement de pouvoir s' il apparaît, sur la base d' indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but d' atteindre des fins autres que celles excipées. Il rappelle que la Cour a déjà jugé dans l' arrêt Allemagne/Conseil, précité, qu' une politique de développement en faveur des États ACP, telle qu' elle est poursuivie par le règlement, est tout à fait conforme aux objectifs de la politique agricole commune et que, en outre, dans le cadre de la mise en oeuvre de politiques internes, notamment en matière agricole, les institutions communautaires ne sauraient faire abstraction des engagements internationaux pris par la Communauté en vertu de la convention de Lomé (points 53 à 57 inclus). Il convient de rappeler également que la Cour a explicitement relevé que le règlement n 404/93 vise à garantir l' écoulement de la production communautaire et de la production traditionnelle ACP (point 74).

82 Le Tribunal estime dès lors que les requérantes n' ont en rien établi que le règlement vise à réaliser d' autres fins que celles qu' il se donne et qu' il convient donc de rejeter ce moyen comme non fondé.

Conclusion

83 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il ressort de l' article 215, deuxième alinéa, du traité que l' engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté et la mise en oeuvre du droit à la réparation du préjudice subi dépendent de la réunion d' un ensemble de conditions, à savoir l' illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l' existence d' un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice invoqué. En outre, s' agissant d' actes normatifs qui impliquent des choix de politique économique, la responsabilité de la Communauté ne saurait être engagée qu' en présence d' une violation suffisamment caractérisée d' une règle supérieure de droit protégeant les particuliers. Dans un contexte normatif comme celui de l' espèce, la responsabilité de la Communauté ne saurait être engagée que si l' institution concernée a méconnu, de manière manifeste et grave, les limites qui s' imposent à l' exercice de ses pouvoirs (voir l' arrêt Mulder e.a./Conseil et Commission, précité, point 12).

84 Or, il résulte de tout ce qui précède qu' aucune illégalité de nature à engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté ne peut être retenue à l' encontre des parties défenderesses. Par conséquent, et sans qu' il y ait lieu de vérifier si les autres conditions auxquelles est subordonné l' engagement de la responsabilité de la Communauté sont réunies, il y a lieu de rejeter le recours.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

85 Aux termes de l' article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé en leurs moyens et le Conseil et la Commission ayant conclu à la condamnation des requérantes aux dépens, il y a lieu de condamner les requérantes à supporter l' intégralité de leurs propres dépens ainsi que de ceux exposés par le Conseil et la Commission dans le cadre de la présente affaire, en ce compris les dépens afférents à la procédure en référé (voir points 16 et 18 ci-dessus). Conformément à l' article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supporteront leurs propres dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) Les requérantes sont condamnées solidairement à l' intégralité des dépens exposés dans le cadre de la présente affaire, en ce compris les dépens afférents à la procédure en référé.

3) Les parties intervenantes supporteront leurs propres dépens.