ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

7 mars 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Compétence judiciaire en matière civile et commerciale – Règlement (CE) no 44/2001 – Article 5, point 1 – Règlement (UE) no 1215/2012 – Article 7, point 1 – Notion de “matière contractuelle” – Contrat de fourniture de services – Vol avec correspondance desservi par différents transporteurs aériens – Notion de “lieu d’exécution” – Règlement (CE) no 261/2004 – Droit des passagers aériens à indemnisation pour le refus d’embarquement et pour le retard important d’un vol – Action en indemnisation dirigée contre le transporteur aérien effectif non domicilié sur le territoire d’un État membre ou avec lequel les passagers n’ont aucun lien contractuel »

Dans les affaires jointes C‑274/16, C‑447/16 et C‑448/16,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par l'Amtsgericht Düsseldorf (tribunal de district de Düsseldorf, Allemagne) et par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), par décisions des 3 mai (C‑274/16) et 14 juin 2016 (C‑447/16 et C‑448/16), parvenues à la Cour les 13 mai et 11 août 2016, dans les procédures

flightright GmbH

contre

Air Nostrum, Líneas Aéreas del Mediterráneo SA (C‑274/16),

Roland Becker

contre

Hainan Airlines Co. Ltd (C‑447/16),

et

Mohamed Barkan,

Souad Asbai,

Assia Barkan,

Zakaria Barkan,

Nousaiba Barkan

contre

Air Nostrum, Líneas Aéreas del Mediterráneo SA (C‑448/16),

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, MM. J. Malenovský, M. Safjan (rapporteur), D. Šváby et M. Vilaras, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 juillet 2017,

considérant les observations présentées :

pour flightright GmbH, par Mes J. A. Blaffert, F. Schaal, A. Seegers, D. Tuac et O. de Felice, Rechtsanwälte,

pour M. Becker, par Me C. Hormann, Rechtsanwalt,

pour M. Mohamed Barkan, Mme Souad Asbai et leurs enfants mineurs, Assia, Zakaria et Nousaiba Barkan, par Mes J. Kummer et P. Wassermann, Rechtsanwälte,

pour Air Nostrum, Líneas Aéreas del Mediterráneo SA, par Mes V. Beck et E. Schott, Rechtsanwälte,

pour le gouvernement français, par Mme E. de Moustier, en qualité d’agent,

pour le gouvernement portugais, par MM. L. Inez Fernandes et M. Figueiredo ainsi que par Mme M. Cancela Carvalho, en qualité d’agents,

pour le gouvernement suisse, par M. M. Schöll, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par M. M. Wilderspin et Mme M. Heller, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 19 octobre 2017,

rend le présent

Arrêt

1

Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 5, point 1, du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1), et de l’article 7, point 1, du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1).

2

Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant, d’une part, flightright GmbH, une entreprise établie à Potsdam (Allemagne), ainsi que M. Mohamed Barkan, Mme Souad Asbai et leurs enfants mineurs, Assia, Zakaria et Nousaiba Barkan (ci-après la « famille Barkan ») à Air Nostrum, Líneas Aéreas del Mediterráneo SA (ci-après « Air Nostrum »), un transporteur aérien établi à Valence (Espagne), au sujet du paiement d’une indemnisation au titre d’un retard de vol (affaires C‑274/16 et C‑448/16), et, d’autre part, M. Roland Becker à Hainan Airlines Co. Ltd, un transporteur aérien établi à Haikou (Chine), au sujet du paiement d’une indemnisation au titre d’un refus d’embarquement (affaire C‑447/16).

Le cadre juridique

Le règlement no 44/2001

3

Il ressort du considérant 2 du règlement no 44/2001 que celui-ci vise, dans l’intérêt du bon fonctionnement du marché intérieur, à mettre en œuvre « [d]es dispositions permettant d’unifier les règles de conflit de juridictions en matière civile et commerciale ainsi que de simplifier les formalités en vue de la reconnaissance et de l’exécution rapides et simples des décisions émanant des États membres liés par [ce] règlement. »

4

Les considérants 11 et 12 dudit règlement énoncent :

« (11)

Les règles de compétence doivent présenter un haut degré de prévisibilité et s’articuler autour de la compétence de principe du domicile du défendeur et cette compétence doit toujours être disponible, sauf dans quelques cas bien déterminés où la matière en litige ou l’autonomie des parties justifie un autre critère de rattachement. S’agissant des personnes morales, le domicile doit être défini de façon autonome de manière à accroître la transparence des règles communes et à éviter les conflits de juridictions.

(12)

Le for du domicile du défendeur doit être complété par d'autres fors autorisés en raison du lien étroit entre la juridiction et le litige ou en vue de faciliter une bonne administration de la justice. »

5

Les règles de compétence figurent au chapitre II du même règlement.

6

L’article 2 du règlement no 44/2001, qui appartient à la section 1 du chapitre II de celui-ci, dispose, à son paragraphe 1 :

« Sous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. »

7

Aux termes de l'article 4, paragraphe 1, du règlement no 44/2001 :

« Si le défendeur n’est pas domicilié sur le territoire d’un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre [...] »

8

L’article 5 de ce règlement, qui appartient à la section 2 du chapitre II de celui-ci, intitulée « Compétences spéciales », prévoit, à son point 1 :

« Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, dans un autre État membre :

1)

a)

en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ;

b)

aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est :

pour la vente de marchandises, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,

pour la fourniture de services, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ;

c)

le point a) s’applique si le point b) ne s’applique pas. »

9

L’article 60, paragraphe 1, dudit règlement dispose :

« Pour l’application du présent règlement, les sociétés et les personnes morales sont domiciliées là où est situé :

a)

leur siège statutaire ;

b)

leur administration centrale, ou

c)

leur principal établissement. »

Le règlement no 1215/2012

10

Le règlement no 1215/2012 a abrogé le règlement no 44/2001. Le libellé de son considérant 4 est quasi identique à celui du considérant 2 du règlement no 44/2001.

11

Les considérants 15 et 16 du règlement no 1215/2012 énoncent :

« (15)

Les règles de compétence devraient présenter un haut degré de prévisibilité et s’articuler autour de la compétence de principe du domicile du défendeur. Cette compétence devrait toujours être disponible, sauf dans quelques cas bien déterminés où la matière en litige ou l’autonomie des parties justifie un autre critère de rattachement. S’agissant des personnes morales, le domicile doit être défini de façon autonome de manière à accroître la transparence des règles communes et à éviter les conflits de compétence.

(16)

Le for du domicile du défendeur doit être complété par d’autres fors autorisés en raison du lien étroit entre la juridiction et le litige ou en vue de faciliter une bonne administration de la justice. L’existence d’un lien étroit devrait garantir la sécurité juridique et éviter la possibilité que le défendeur soit attrait devant une juridiction d’un État membre qu’il ne pouvait pas raisonnablement prévoir. [...] »

12

Sous la section 1 du chapitre II de ce règlement, intitulée « Dispositions générales », l’article 4, paragraphe 1, de celui-ci est libellé dans des termes identiques à ceux de l'article 2, paragraphe 1, du règlement no 44/2001.

13

Sous la section 2 du chapitre II du règlement no 1215/2012, intitulée « Compétences spéciales », l’article 7, point 1, de celui-ci est libellé dans des termes quasi identiques à ceux de l’article 5, point 1, du règlement no 44/2001.

14

Conformément à l’article 66, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012, ce règlement n’est applicable qu’aux actions judiciaires intentées à compter du 10 janvier 2015.

Le règlement (CE) no 261/2004

15

Aux termes des considérants 1, 2, 7 et 8 du règlement (CE) no 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) no 295/91 (JO 2004, L 46, p. 1) :

« (1)

L’action de la Communauté dans le domaine des transports aériens devrait notamment viser à garantir un niveau élevé de protection des passagers. Il convient en outre de tenir pleinement compte des exigences de protection des consommateurs en général.

(2)

Le refus d’embarquement et l’annulation ou le retard important d’un vol entraînent des difficultés et des désagréments sérieux pour les passagers.

[...]

(7)

Afin de garantir l’application effective du présent règlement, les obligations qui en découlent devraient incomber au transporteur aérien effectif qui réalise ou a l’intention de réaliser un vol [...]

(8)

Le présent règlement ne devrait pas limiter le droit du transporteur aérien effectif de demander réparation à toute personne, y compris un tiers, conformément à la législation applicable. »

16

L'article 1er du règlement no 261/2004, intitulé « Objet », dispose, à son paragraphe 1 :

« Le présent règlement reconnaît, dans les conditions qui y sont spécifiées, des droits minimum aux passagers dans les situations suivantes :

a)

en cas de refus d’embarquement contre leur volonté ;

b)

en cas d’annulation de leur vol ;

c)

en cas de vol retardé. »

17

L'article 2 du règlement no 261/2004, intitulé « Définitions », est libellé comme suit :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

b)

“transporteur aérien effectif”, un transporteur aérien qui réalise ou a l’intention de réaliser un vol dans le cadre d’un contrat conclu avec un passager, ou au nom d'une autre personne, morale ou physique, qui a conclu un contrat avec ce passager ;

[...]

g)

“réservation”, le fait pour un passager d’être en possession d'un billet, ou d'une autre preuve, indiquant que la réservation a été acceptée et enregistrée par le transporteur aérien ou l’organisateur de voyages ;

h)

“destination finale”, la destination figurant sur le billet présenté au comptoir d'enregistrement, ou, dans le cas des vols avec correspondances, la destination du dernier vol ; les vols avec correspondances disponibles comme solution de remplacement ne sont pas pris en compte si l'heure d’arrivée initialement prévue est respectée ;

[...] »

18

L'article 3 du règlement no 261/2004, intitulé « Champ d’application », prévoit :

« 1.   Le présent règlement s’applique :

a)

aux passagers au départ d’un aéroport situé sur le territoire d’un État membre soumis aux dispositions du traité ;

[...]

2.   Le paragraphe 1 s’applique à condition que les passagers :

a)

disposent d’une réservation confirmée pour le vol concerné [...]

[...]

5.   Le présent règlement s’applique à tout transporteur aérien effectif assurant le transport des passagers visés aux paragraphes 1 et 2. Lorsqu’un transporteur aérien effectif qui n’a pas conclu de contrat avec le passager remplit des obligations découlant du présent règlement, il est réputé agir au nom de la personne qui a conclu le contrat avec le passager concerné.

[...] »

19

L'article 4 du règlement no 261/2004, intitulé « Refus d’embarquement », énonce, à son paragraphe 3 :

« S’il refuse des passagers à l’embarquement contre leur volonté, le transporteur aérien effectif indemnise immédiatement ces derniers conformément à l’article 7 [...] »

20

L'article 5 de ce règlement, intitulé « Annulations », dispose, à son paragraphe 1, sous c) :

« En cas d’annulation d’un vol, les passagers concernés :

[...]

c)

ont droit à une indemnisation du transporteur aérien effectif conformément à l'article 7, à moins qu’ils soient informés de l’annulation du vol :

i)

au moins deux semaines avant l’heure de départ prévue, ou

ii)

de deux semaines à sept jours avant l’heure de départ prévue si on leur offre un réacheminement leur permettant de partir au plus tôt deux heures avant l’heure de départ prévue et d’atteindre leur destination finale moins de quatre heures après l’heure d’arrivée prévue, ou

iii)

moins de sept jours avant l’heure de départ prévue si on leur offre un réacheminement leur permettant de partir au plus tôt une heure avant l’heure de départ prévue et d’atteindre leur destination finale moins de deux heures après l’heure prévue d’arrivée. »

21

L'article 7 dudit règlement, intitulé « Droit à indemnisation », énonce, à son paragraphe 1 :

« Lorsqu’il est fait référence au présent article, les passagers reçoivent une indemnisation dont le montant est fixé à :

a)

250 euros pour tous les vols de 1500 kilomètres ou moins ;

b)

400 euros pour tous les vols intracommunautaires de plus de 1500 kilomètres et pour tous les autres vols de 1500 à 3500 kilomètres ;

c)

600 euros pour tous les vols qui ne relèvent pas des points a) ou b).

Pour déterminer la distance à prendre en considération, il est tenu compte de la dernière destination où le passager arrivera après l’heure prévue du fait du refus d’embarquement ou de l’annulation. »

Les litiges au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

Affaire C‑274/16

22

Ainsi qu'il ressort de la décision de renvoi, deux passagers ont réservé auprès de la compagnie aérienne Air Berlin PLC & Co. Luftverkehrs KG (ci-après « Air Berlin ») une place chacun, sous un numéro de réservation unique, un transport aérien sur deux vols (ci-après le « vol avec correspondance ») partant d’Ibiza (Îles Baléares, Espagne) à destination de Düsseldorf (Allemagne), avec une correspondance à Palma de Majorque (Îles Baléares, Espagne).

23

Le premier vol dans le cadre de ce vol avec correspondance, assuré par Air Nostrum, devait décoller d’Ibiza le 25 juillet 2015 à 18 h 40 et atterrir à Palma de Majorque le même jour à 19 h 20.

24

Quant au second vol, entre Palma de Majorque et Düsseldorf, assuré par Air Berlin, il devait décoller le 25 juillet 2015 à 20 h 05 et atterrir à Düsseldorf le même jour à 22 h 25.

25

Cependant, le premier vol, entre Ibiza et Palma de Majorque, a été effectué avec du retard et les passagers ont, de ce fait, manqué le second vol vers Düsseldorf, où ils sont finalement arrivés le 26 juillet 2015 à 11 h 32, sur un vol effectué par Air Berlin.

26

Les deux passagers en cause ont cédé leurs droits à une éventuelle indemnisation au titre de ce retard à flightright. Celle-ci a intenté un recours contre Air Nostrum, en tant que transporteur aérien effectif ayant réalisé le premier vol, devant l’Amtsgericht Düsseldorf (tribunal de district de Düsseldorf, Allemagne).

27

Cette juridiction indique que le traitement de ce recours dépend de l’existence de sa compétence internationale. Celle-ci ne serait ouverte que si, en ce qui concerne le vol avec correspondance en cause, Düsseldorf peut être considérée comme le « lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande », au sens de l’article 7, point 1, du règlement no 1215/2012.

28

Dans ces conditions, l’Amtsgericht Düsseldorf (tribunal de district de Düsseldorf) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« En cas de transport de personnes sur une liaison aérienne composée de deux vols et ne comportant pas d’escale notable à l’aéroport de correspondance, le lieu d’arrivée du second trajet doit-il être considéré comme le lieu d’exécution au sens de l’article 7, point 1, sous a), du règlement no 1215/2012 lorsque le recours est dirigé contre le transporteur aérien effectif du premier trajet sur lequel l’anomalie s’est produite et que le transport sur le second trajet a été effectué par un autre transporteur aérien ? »

Affaire C‑447/16

29

M. Becker a conclu avec Hainan Airlines, dont le siège social est établi en dehors de l’Union européenne et qui n’exploite aucune succursale à Berlin (Allemagne), un contrat de transport aérien comprenant les vols, faisant l’objet d’une réservation unique, le 7 août 2013, de Berlin à Pékin (Chine) avec une correspondance à Bruxelles (Belgique).

30

Le jour du départ, à l’aéroport de Berlin, M. Becker a été enregistré pour les deux vols. Il a reçu les deux cartes d’embarquement afférentes et ses bagages ont été enregistrés directement jusqu’à Pékin.

31

Le transport sur le premier vol, assuré, conformément à la réservation, par le transporteur aérien belge Brussels Airlines et dont l’atterrissage à Bruxelles était prévu le 7 août 2013 à 8 h 00, s’est déroulé comme prévu. Le transport sur le second vol, qui devait être assuré par Hainan Airlines et dont le décollage de Bruxelles était prévu le 7 août 2013 à 13 h 40, n’a pas eu lieu. M. Becker soutient, à cet égard, que l’embarquement sur ce vol lui a été refusé à la porte d’embarquement à l’aéroport de Bruxelles sans motif valable et contre son gré.

32

M. Becker est retourné par avion à Berlin et a réservé un vol direct de Berlin à Pékin. Il est arrivé à Pékin le 8 août 2013.

33

Par son recours intenté devant l’Amtsgericht Berlin-Wedding (tribunal de district de Berlin-Wedding, Allemagne), M. Becker a notamment sollicité, en application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 261/2004, une indemnisation d’un montant de 600 euros, majorée d’intérêts.

34

Par jugement du 4 novembre 2014, cette juridiction a conclu à l’absence de compétence internationale des juridictions allemandes et a rejeté le recours de M. Becker comme étant irrecevable. M. Becker a interjeté appel de ce jugement devant le Landgericht Berlin (tribunal régional de Berlin, Allemagne). Par arrêt du 1er juillet 2015, cette dernière juridiction a rejeté l’appel de M. Becker au motif que le recours de celui-ci aurait dû être porté devant les juridictions belges, seule Bruxelles constituant le lieu d’exécution du vol Bruxelles-Pékin.

35

M. Becker a introduit un recours en Revision devant le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne). Celui-ci estime que, au vu du caractère unitaire de l’obligation contractuelle de Hainan Airlines de transporter M. Becker de Berlin à Pékin, l’aéroport de Berlin-Tegel peut être considéré, conformément à l’arrêt du 9 juillet 2009, Rehder (C‑204/08, EU:C:2009:439), comme le lieu d’exécution de l’ensemble des obligations contractuelles de Hainan Airlines, y compris des obligations à fournir en lien avec le vol de Bruxelles à Pékin qui faisait suite au vol de Berlin à Bruxelles, dans la mesure où M. Becker n’avait, en tant que passager aérien, aucune influence sur la question de savoir si Hainan Airlines assurerait elle-même également ce dernier vol ou si elle aurait recours, à cet effet, aux services d’un autre transporteur aérien.

36

Dans ces conditions, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Doit-on considérer que, s’agissant d’un transport de personnes effectué sur deux vols, sans séjour notable dans les aéroports d’escale, le lieu de départ du premier segment de vol est le lieu d’exécution au sens de l’article 5, point 1, sous b), second tiret, du [règlement no 44/2001], également lorsque le droit à indemnisation prévu à l’article 7 du [règlement no 261/2004], invoqué dans le recours, est fondé sur un incident intervenu sur le second segment de vol et que le recours est dirigé contre l’autre partie au contrat de transport qui est, certes, le transporteur aérien effectif du second, mais pas du premier vol ? »

Affaire C‑448/16

37

La famille Barkan a réservé un vol avec correspondance de Melilla (Espagne) à Francfort-sur-le-Main (Allemagne) via Madrid (Espagne) auprès de la compagnie aérienne Iberia, Líneas Aéreas de España (ci–après « Iberia ») pour le 7 août 2010. Il ressortirait de la confirmation de réservation établie par Iberia que le vol entre Melilla et Madrid devait être assuré par Air Nostrum et que le vol entre Madrid et Francfort-sur-le-Main devait être assuré par Iberia, sans temps de correspondance significatif entre ces deux vols.

38

Le départ du vol reliant Melilla à Madrid ayant été retardé de 20 minutes, la famille Barkan a manqué son second vol à destination de Francfort-sur-le-Main et est parvenue à sa destination finale avec quatre heures de retard.

39

Par jugement du 28 janvier 2015, l'Amtsgericht Frankfurt am Main (tribunal de district de Francfort-sur-le-Main, Allemagne), saisi par la famille Barkan notamment d’une demande d’indemnisation d’un montant de 250 euros pour chacun des membres de cette famille au titre de ce retard, en application du règlement no 261/2004, a condamné Air Nostrum conformément aux conclusions des demandeurs.

40

Par arrêt du 20 août 2015, le Landgericht Frankfurt am Main (tribunal régional de Francfort-sur-le-Main, Allemagne), saisi en appel par Air Nostrum, a conclu à l’absence de compétence internationale des juridictions allemandes. Selon cette juridiction, seules Melilla et Madrid étaient envisageables comme lieux d’exécution pour le vol entre Melilla et Madrid, durant lequel l’incident est survenu, les deux vols devant être considérés comme des vols distincts malgré la réservation unique.

41

La famille Barkan a introduit un recours en Revision devant le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice). Celui-ci estime, en premier lieu, que, même s’il est constant qu’il n’existe aucune relation contractuelle directe entre la famille Barkan et Air Nostrum, ce fait n’a pas de conséquences sur la nature contractuelle du droit à indemnisation prévu par le règlement no 261/2004. En second lieu, selon cette juridiction, le fait qu’Air Nostrum, en tant que transporteur aérien effectif, n’a pas d’obligations contractuelles à remplir à la destination finale du vol avec correspondance, à savoir Francfort-sur-le-Main, ne s’oppose pas à la qualification de ce lieu comme étant le « lieu d’exécution », au sens de l’article 5, point 1, du règlement no 44/2001, dans la mesure où le règlement no 261/2004 vise à renforcer et non à affaiblir la position juridique des passagers aériens. Ainsi, il semblerait justifié que les obligations contractuelles à remplir à la destination finale du vol avec correspondance par le cocontractant de la famille Barkan, à savoir Iberia, soient imputées à Air Nostrum en sa qualité de transporteur aérien effectif. D’ailleurs, du point de vue du droit matériel, le transporteur aérien effectif devrait, en tout état de cause, indemniser le passager lorsque celui-ci parvient à sa destination finale avec un retard important en raison d’un vol de préacheminement que ce transporteur a assuré avec du retard.

42

Dans ces conditions, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’article 5, point 1, sous a), du [règlement no 44/2001] doit–il être interprété en ce sens que l’expression “[peut être attraite] en matière contractuelle” couvre également un droit à indemnisation fondé sur l’article 7 du [règlement no 261/2004] invoqué à l’encontre d’un transporteur aérien effectif qui n’est pas le cocontractant du passager concerné ?

2)

Dans l’hypothèse où l’article 5, point 1, du [règlement no 44/2001] s’applique :

Doit-on considérer que, s’agissant d’un transport de personnes effectué sur deux vols, sans séjour notable dans l’aéroport d’escale, la destination finale du passager est le lieu d’exécution au sens de l’article 5, point 1, sous b), second tiret, du [règlement no 44/2001], également lorsque le droit à indemnisation prévu à l’article 7 du [règlement no 261/2004], invoqué dans le recours, est fondé sur un incident intervenu sur le premier segment de vol et que le recours est dirigé contre le transporteur aérien effectif du premier vol qui n’est pas partie au contrat de transport ? »

43

Par décision du président de la Cour du 19 août 2016, les affaires C‑447/16 et C‑448/16 ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale ainsi que de l’arrêt, et par décision du président de la Cour du 14 septembre 2016, les affaires C‑274/16, C‑447/16 et C‑448/16 ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.

Sur les questions préjudicielles

Sur la question posée dans l’affaire C‑447/16

Sur la recevabilité

44

La Commission européenne conteste l’applicabilité, dans l’affaire au principal, du règlement no 44/2001 et, de ce fait, la recevabilité de la question posée dans l’affaire C‑447/16.

45

En effet, selon la Commission, il ressort de la décision de renvoi et du dossier national que Hainan Airlines a son siège en dehors de l’Union et n’a pas de succursale à Berlin. Il serait possible d’en déduire que, en application de l’article 60 du règlement no 44/2001, cette compagnie aérienne n’est pas domiciliée sur le territoire d’un État membre, ce qui exclurait l’application de l’article 5 de ce règlement et impliquerait l’application de l’article 4 de celui-ci, en vertu duquel, si le défendeur n’est pas domicilié sur le territoire d’un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre, sous réserve de l’application des compétences exclusives et de la prorogation de compétence en vertu des dispositions des articles 22 et 23 dudit règlement.

46

À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer. Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 27 juin 2017, Congregación de Escuelas Pías Provincia Betania, C‑74/16, EU:C:2017:496, points 24 et 25).

47

En l’occurrence, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) interroge la Cour sur l’interprétation de la notion de « lieu d’exécution », au sens de l’article 5, point 1, sous b), second tiret, du règlement no 44/2001, dans le contexte du droit des passagers aériens à indemnisation, fondé sur l’article 4, paragraphe 3, et l’article 7 du règlement no 261/2004. Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, cette interprétation est indispensable afin de déterminer la juridiction compétente pour connaître du litige au principal.

48

Partant, même la question d’une éventuelle inapplicabilité du règlement no 44/2001 au litige au principal implique la nécessité, pour la Cour, de procéder à l’interprétation des dispositions de celui-ci.

49

En conséquence, la question posée dans l’affaire C‑447/16 est recevable.

Sur le fond

50

Par sa question, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si l’article 5, point 1, sous b), second tiret, du règlement no 44/2001 doit être interprété en ce sens qu’il s’applique à un défendeur domicilié dans un État tiers, tel que le défendeur au principal.

51

À cet égard, il convient de rappeler que l'article 5 du règlement no 44/2001 ne s’applique qu’aux personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre. Conformément à l'article 60, paragraphe 1, de ce règlement, une société est domiciliée là où est situé son siège statutaire, son administration centrale, ou son principal établissement.

52

Or, il ressort de la décision de renvoi que Hainan Airlines a son siège en dehors de l’Union, à savoir en Chine, et n’a pas de succursale à Berlin (Allemagne). Par ailleurs, aucun élément de cette décision ne permet de conclure que cette compagnie aérienne exploite une succursale dans un autre État membre.

53

Par conséquent, en l’occurence, doit trouver application l'article 4, paragraphe 1, du règlement no 44/2001, en vertu duquel, si le défendeur n’est pas domicilié sur le territoire d’un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre.

54

À toutes fins utiles, il importe de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que, conformément au principe d’effectivité, les règles de droit national ne peuvent pas rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par le droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2017, Vinyls Italia, C‑54/16, EU:C:2017:433, point 26 et jurisprudence citée), tels que ceux découlant du règlement no 261/2004.

55

Au vu des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée dans l’affaire C‑447/16 que l’article 5, point 1, sous b), second tiret, du règlement no 44/2001 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’applique pas à un défendeur domicilié dans un État tiers, tel que le défendeur au principal.

Sur les questions posées dans les affaires C‑274/16 et C‑448/16

Sur la première question dans l’affaire C‑448/16

56

Par sa première question dans l’affaire C‑448/16, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, point 1, sous a), du règlement no 44/2001 doit être interprété en ce sens que la notion de « matière contractuelle », au sens de cette disposition, couvre l’action des passagers aériens en indemnisation pour le retard important d’un vol avec correspondance, dirigée sur le fondement du règlement no 261/2004 contre un transporteur aérien effectif qui n’est pas le cocontractant du passager concerné.

57

À titre liminaire, il importe de préciser que, bien que la juridiction de renvoi dans l’affaire C‑274/16 ne formule aucune interrogation en ce sens, la réponse à la première question dans l’affaire C‑448/16 est pertinente également pour l’affaire C‑274/16 dans la mesure où il ressort de la décision de renvoi dans cette affaire que, dans les circonstances de l’espèce, le transporteur aérien effectif n’est pas, non plus, le cocontractant des passagers concernés. Il y a lieu d’ajouter, à cet égard, que l’affaire C‑274/16 relève, ratione temporis, du règlement no 1215/2012, dont l'article 7, point 1, est libellé dans des termes quasi identiques à ceux de l’article 5, point 1, du règlement no 44/2001 dont l’interprétation donnée par la Cour conserve à l’égard de cette première disposition toute sa portée (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2017, Pula Parking, C‑551/15, EU:C:2017:193, point 31 et jurisprudence citée).

58

Il ressort de la jurisprudence de la Cour que la notion de « matière contractuelle » doit être interprétée de manière autonome en vue d’assurer l’application uniforme de celle-ci dans tous les États membres (voir, en ce sens, arrêts du 17 juin 1992, Handte, C‑26/91, EU:C:1992:268, point 10, et du 28 janvier 2015, Kolassa, C‑375/13, EU:C:2015:37, point 37).

59

À cet égard, la Cour a notamment jugé qu’il y a lieu de considérer comme relevant de la matière contractuelle toutes les obligations qui trouvent leur source dans le contrat dont l’inexécution est invoquée à l’appui de l’action du demandeur (arrêt du 15 juin 2017, Kareda, C‑249/16, EU:C:2017:472, point 30 et jurisprudence citée).

60

La Cour a précisé également que, même si l’application de la règle de compétence spéciale prévue en matière contractuelle n’exige pas la conclusion d’un contrat entre deux personnes, elle présuppose, néanmoins, l’existence d’une obligation juridique librement consentie par une personne à l’égard d’une autre et sur laquelle se fonde l’action du demandeur (voir, en ce sens, arrêts du 5 février 2004, Frahuil, C‑265/02, EU:C:2004:77, points 24 à 26 ; du 20 janvier 2005, EnglerC‑27/02, EU:C:2005:33, points 50 et 51, ainsi que du 28 janvier 2015, Kolassa, C‑375/13, EU:C:2015:37, point 39).

61

Il s’ensuit, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 54 de ses conclusions, que la règle de compétence spéciale en matière contractuelle, prévue à l’article 5, point 1, sous a), du règlement no 44/2001 et à l’article 7, point 1, sous a), du règlement no 1215/2012, repose sur la cause de l’action et non pas sur l’identité des parties (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2017, Kareda, C‑249/16, EU:C:2017:472, points 31 et 33).

62

À cet égard, l'article 3, paragraphe 5, seconde phrase, du règlement no 261/2004 précise que, lorsqu’un transporteur aérien effectif qui n’a pas conclu de contrat avec le passager remplit des obligations découlant de ce règlement, il est réputé agir au nom de la personne qui a conclu le contrat avec le passager concerné.

63

Ainsi, ce transporteur doit être considéré comme remplissant des obligations librement consenties à l’égard du cocontractant des passagers concernés. Ces obligations trouvent leur source dans le contrat de transport aérien.

64

Par conséquent, dans des circonstances telles que celles en cause dans les affaires au principal, une demande d’indemnisation pour le retard important d’un vol effectué par un transporteur aérien effectif tel qu’Air Nostrum, qui n’est pas le cocontractant des passagers concernés, doit être considérée comme étant introduite en matière de contrats de transport aérien conclus entre ces passagers et, respectivement, Air Berlin et Iberia.

65

Au vu des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question dans l’affaire C‑448/16 que l’article 5, point 1, sous a), du règlement no 44/2001 doit être interprété en ce sens que la notion de « matière contractuelle », au sens de cette disposition, couvre l’action des passagers aériens en indemnisation pour le retard important d’un vol avec correspondance, dirigée sur le fondement du règlement no 261/2004 contre un transporteur aérien effectif qui n’est pas le cocontractant du passager concerné.

Sur la question dans l’affaire C‑274/16 et sur la seconde question dans l’affaire C‑448/16

66

Par la question dans l’affaire C‑274/16 et par la seconde question dans l’affaire C‑448/16, les juridictions de renvoi demandent, en substance, si l’article 5, point 1, sous b), second tiret, du règlement no 44/2001 et l’article 7, point 1, sous b), second tiret, du règlement no 1215/2012 doivent être interprétés en ce sens que, dans le cas d’un vol avec correspondance, constitue le « lieu d’exécution » de ce vol, au sens de ces dispositions, le lieu d’arrivée du second vol, lorsque le transport sur les deux vols est effectué par deux transporteurs aériens différents et que le recours en indemnisation pour le retard important de ce vol avec correspondance en vertu du règlement no 261/2004 est fondé sur un incident ayant eu lieu sur le premier desdits vols, effectué par le transporteur aérien qui n’est pas le cocontractant des passagers concernés.

67

À cet égard, la Cour a jugé, s’agissant de l’article 5, point 1, sous b), second tiret, du règlement no 44/2001, que, en cas de pluralité de lieux de fourniture de services dans des États membres différents, il convient, en principe, d’entendre par lieu d’exécution le lieu qui assure le lien de rattachement le plus étroit entre le contrat et la juridiction compétente, ce lien de rattachement le plus étroit se vérifiant, en règle générale, au lieu de la fourniture principale (voir, en ce sens, arrêts du 9 juillet 2009, Rehder, C‑204/08, EU:C:2009:439, points 35 à 38, et du 11 mars 2010, Wood Floor Solutions Andreas Domberger, C‑19/09, EU:C:2010:137, point 33). Ce dernier lieu doit être déduit, dans la mesure du possible, des dispositions du contrat lui-même (arrêt du 11 mars 2010, Wood Floor Solutions Andreas Domberger, C‑19/09, EU:C:2010:137, point 38).

68

Ainsi, la Cour a constaté, à l’égard de la même disposition, en relation avec un vol direct effectué par le cocontractant du passager concerné, que le lieu de départ et le lieu d’arrivée de l’avion doivent être considérés, au même titre, comme les lieux de fourniture principale des services faisant l’objet d’un contrat de transport aérien, justifiant la compétence, pour connaître d’une demande d’indemnisation fondée sur ce contrat de transport et sur le règlement no 261/2004, au choix du demandeur, du tribunal dans le ressort duquel se trouve le lieu de départ ou le lieu d’arrivée de l’avion, tels que ces lieux sont convenus dans ledit contrat (arrêt du 9 juillet 2009, Rehder, C‑204/08, EU:C:2009:439, points 43 et 47).

69

À cet égard, il convient de souligner que la notion de « lieu d’exécution » formulée dans l’arrêt du 9 juillet 2009, Rehder (C‑204/08, EU:C:2009:439), bien que se référant à un vol direct effectué par le cocontractant du passager concerné, vaut également, mutatis mutandis, en ce qui concerne des cas tels que ceux en cause dans les affaires au principal, dans lesquels, d’une part, le vol avec correspondance réservé comporte deux vols, et, d’autre part, le transporteur aérien effectif sur le vol en cause n’a pas conclu de contrat directement avec les passagers concernés.

70

En effet, la règle de compétence spéciale en matière de fourniture de services, prévue à l’article 5, point 1, sous b), second tiret, du règlement no 44/2001 et à l’article 7, point 1, sous b), second tiret, du règlement no 1215/2012, désigne comme étant compétente la juridiction du « lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ».

71

À cet égard, un contrat de transport aérien, tel que les contrats en cause dans les affaires au principal caractérisés par une réservation unique pour la totalité du trajet, établit l’obligation, pour un transporteur aérien, de transporter un passager d’un point A à un point C. Une telle opération de transport constitue un service dont l’un des lieux de fourniture principale se trouve au point C.

72

Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que le transporteur aérien effectif qui n’est pas le cocontractant des passagers concernés n’assume que le transport sur un vol qui ne finit pas au lieu d’arrivée du second vol du vol avec correspondance dans la mesure où le contrat de transport aérien relatif au vol avec correspondance couvre le transport de ces passagers jusqu’au lieu d’arrivée du second vol.

73

Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, dans le cas d’un vol avec correspondance, constitue le lieu d’exécution d’un tel vol, au sens de l’article 5, point 1, sous b), second tiret, du règlement no 44/2001 et de l’article 7, point 1, sous b), second tiret, du règlement no 1215/2012, en tant que l’un des lieux de fourniture principale des services faisant l’objet d’un contrat de transport aérien, le lieu d’arrivée du second vol.

74

Étant donné que ce lieu présente un lien suffisamment étroit avec les éléments matériels du litige et, partant, assure le rattachement étroit, voulu par les règles de compétence spéciale énoncées à l’article 5, point 1, du règlement no 44/2001 et à l’article 7, point 1, du règlement no 1215/2012, entre le contrat de transport aérien et la juridiction compétente, il satisfait à l’objectif de proximité (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2009, Rehder, C‑204/08, EU:C:2009:439, point 44).

75

Cette solution répond également au principe de prévisibilité poursuivi par ces mêmes règles dans la mesure où elle permet tant au demandeur qu’au défendeur d’identifier la juridiction du lieu d’arrivée du second vol, tel qu’il est inscrit dans ledit contrat de transport aérien, en tant que juridiction susceptible d’être saisie (voir, en ce sens, arrêts du 9 juillet 2009, Rehder, C‑204/08, EU:C:2009:439, point 45, ainsi que du 4 septembre 2014, Nickel & Goeldner Spedition, C‑157/13, EU:C:2014:2145, point 41).

76

À cet égard, ne saurait être retenu l’argument d’Air Nostrum selon lequel il lui serait impossible, en tant que prestataire d’un vol intérieur en Espagne, d’évaluer le risque d’être assigné devant une juridiction en Allemagne.

77

En effet, d’une part, il n’est pas contesté que, dans les circonstances des affaires au principal, les contrats de transport aérien portaient sur un vol avec correspondance faisant l’objet d’une réservation unique couvrant les deux vols, de telle sorte que celle-ci se référait tant au premier vol effectué par le transporteur aérien effectif qu’au second vol, menant à la destination finale. D’autre part, il y a lieu de tenir compte du fait que, ainsi qu’il découle des points 62 et 63 du présent arrêt, dans le cadre des accords commerciaux librement consentis entre les transporteurs aériens, un transporteur aérien effectif qui n’a pas conclu de contrat avec le passager est réputé agir au nom du transporteur aérien cocontractant du passager concerné.

78

Au vu des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question dans l’affaire C‑274/16 et à la seconde question dans l’affaire C‑448/16, que l’article 5, point 1, sous b), second tiret, du règlement no 44/2001 et l’article 7, point 1, sous b), second tiret, du règlement no 1215/2012 doivent être interprétés en ce sens que, dans le cas d’un vol avec correspondance, constitue le « lieu d’exécution » de ce vol, au sens de ces dispositions, le lieu d’arrivée du second vol, lorsque le transport sur les deux vols est effectué par deux transporteurs aériens différents et que le recours en indemnisation pour le retard important de ce vol avec correspondance en vertu du règlement no 261/2004 est fondé sur un incident ayant eu lieu sur le premier desdits vols, effectué par le transporteur aérien qui n’est pas le cocontractant des passagers concernés.

Sur les dépens

79

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

 

1)

L'article 5, point 1, sous b), second tiret, du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’applique pas à un défendeur domicilié dans un État tiers, tel que le défendeur au principal.

 

2)

L’article 5, point 1, sous a), du règlement no 44/2001 doit être interprété en ce sens que la notion de « matière contractuelle », au sens de cette disposition, couvre l’action des passagers aériens en indemnisation pour le retard important d’un vol avec correspondance, dirigée sur le fondement du règlement (CE) no 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) no 295/91, contre un transporteur aérien effectif qui n’est pas le cocontractant du passager concerné.

 

3)

L’article 5, point 1, sous b), second tiret, du règlement no 44/2001 et l’article 7, point 1, sous b), second tiret, du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doivent être interprétés en ce sens que, dans le cas d’un vol avec correspondance, constitue le « lieu d’exécution » de ce vol, au sens de ces dispositions, le lieu d’arrivée du second vol, lorsque le transport sur les deux vols est effectué par deux transporteurs aériens différents et que le recours en indemnisation pour le retard important de ce vol avec correspondance en vertu du règlement no 261/2004 est fondé sur un incident ayant eu lieu sur le premier desdits vols, effectué par le transporteur aérien qui n’est pas le cocontractant des passagers concernés.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.