EUR-Lex Access to European Union law

Back to EUR-Lex homepage

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62002CO0164

Ordonnance de la Cour (première chambre) du 28 janvier 2004.
Royaume des Pays-Bas contre Commission des Communautés européennes.
Aides d'État - Aide pour la transformation des boues de dragage - Mesure notifiée à la Commission et autorisée par cette dernière - Recours en annulation - Irrecevabilité.
Affaire C-164/02.

European Court Reports 2004 I-01177

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2004:54

62002O0164

Ordonnance de la Cour (première chambre) du 28 janvier 2004. - Royaume des Pays-Bas contre Commission des Communautés européennes. - Aides d'État - Aide pour la transformation des boues de dragage - Mesure notifiée à la Commission et autorisée par cette dernière - Recours en annulation - Irrecevabilité. - Affaire C-164/02.

Recueil de jurisprudence 2004 page 00000


Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Parties


Dans l'affaire C-164/02,

Royaume des Pays-Bas , représenté par Mme H. G. Sevenster, en qualité d'agent,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes , représentée par MM. V. Di Bucci et H. van Vliet, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision SG (2002) D/228533 de la Commission, du 15 février 2002, relative à l'aide d'État n° N 812/2001 concernant la «Stimuleringsregeling verwerking baggerspecie» (réglementation visant à encourager la transformation des boues de dragage), dans la mesure où la Commission y conclut que les contributions allouées aux autorités portuaires en vertu de ladite réglementation constituent des aides d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE,

LA COUR (première chambre)

composée de M. P. Jann (rapporteur), président de chambre, MM. A. La Pergola et S. von Bahr, Mme R. Silva de Lapuerta et M. K. Lenaerts, juges,

avocat général: M. M. Poiares Maduro,

greffier: M. R. Grass,

l'avocat général entendu,

rend la présente

Ordonnance

Motifs de l'arrêt


1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 25 avril 2002, le royaume des PaysBas a, en vertu de l'article 230 CE, demandé l'annulation de la décision SG (2002) D/228533 de la Commission, du 15 février 2002, relative à l'aide d'État n° N 812/2001 concernant la «Stimuleringsregeling verwerking baggerspecie» (réglementation visant à encourager la transformation des boues de dragage) (ciaprès la «décision attaquée»), dans la mesure où la Commission y conclut que les contributions allouées aux autorités portuaires en vertu de ladite réglementation constituent des aides d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE.

Les faits à l'origine du litige

2. Aux Pays-Bas, aux estuaires du Rhin, de la Meuse et de l'Escaut se déposent des particules de sable provenant de la mer et des alluvions charriées par ces fleuves. Dans l'intérêt de la navigation et d'un bon écoulement des eaux, ces sédiments sont régulièrement enlevés au moyen de dragages.

3. Les boues de dragage, en grande partie polluées, peuvent être réutilisées, mais seulement après une procédure de transformation. Pour encourager le développement du marché de la transformation des boues polluées en matériaux de construction, les autorités néerlandaises ont envisagé une mesure intitulée «Stimuleringsregeling verwerking baggerspecie» (ci-après la «réglementation d'encouragement»).

4. En vertu de la réglementation d'encouragement, les entreprises de transformation reçoivent une contribution en fonction du degré de réalisation des objectifs en matière de transformation. Les collecteurs de boues de dragage peuvent également en profiter dans la mesure où les subventions d'encouragement ont pour effet de rendre la transformation plus attrayante pour eux.

5. Par lettre du 26 novembre 2001, le gouvernement néerlandais a notifié le projet de la réglementation d'encouragement à la Commission, au titre de l'article 88, paragraphe 3, CE et lui a demandé d'apprécier la légalité de la mesure au regard des articles 87 CE et 88 CE. Dans cette lettre, il a fait valoir, pour le cas où la Commission estimerait que le projet constitue une aide d'État au sens de l'article 87 CE, que le dragage des voies navigables est une mission de service public relative à la gestion de l'eau. Le stockage et la transformation de boues de dragage devraient donc être considérés comme un service d'intérêt économique général et la mesure concernée satisferait aux conditions de l'article 86, paragraphe 2, CE. Elle serait de nature générale, aurait un caractère économique et répondrait à un besoin de la collectivité.

6. Par la décision attaquée, la Commission a déclaré n'avoir aucune objection à formuler contre la mesure notifiée. La plupart des montants accordés en vertu de la réglementation d'encouragement ne constitueraient pas des aides au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE. Dans les cas où ils constitueraient de telles aides, celles-ci seraient compatibles avec le marché commun en vertu de l'article 87, paragraphe 3, sous c), CE et du point 38 de la communication de la Commission intitulée «Encadrement communautaire des aides d'État pour la protection de l'environnement» (JO 2001, C 37, p. 3).

7. La décision attaquée énonce à son point 3, quatrième et cinquième alinéas:

«La plupart des activités de dragage sont mises en adjudication par des autorités publiques chargées de travaux publics permettant d'assurer l'accès aux voies navigables publiques. Les opérations de financement par les autorités d'infrastructures ouvertes à tous les utilisateurs potentiels, de façon non discriminatoire, gérées par l'État ne tombent généralement pas sous le coup de l'application des dispositions de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, parce qu'elles ne procurent aucun avantage à une entreprise en concurrence avec d'autres entreprises, au sens de cet article. Tel est le cas pour la plupart des financements d'infrastructures de transport (par exemple routes et canaux créés et entretenus par les autorités publiques). Cette approche est également applicable au financement de la plupart des autorités publiques responsables du dragage.

Certaines autorités responsables du dragage, en particulier les autorités portuaires, relèvent cependant quant à elles de la définition de l'entreprise au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité. La jurisprudence de la Cour de justice a précisé que, dans ce contexte, il s'agit essentiellement de savoir s'il est question d'une activité économique. La forme de l'organisation est moins importante. Le Tribunal de première instance a déclaré dans l'arrêt qu'il a rendu dans l'affaire Aéroports de Paris que la gestion et la fourniture d'installations constituent une telle activité. Un gestionnaire privé ou public d'infrastructures de transport relève, abstraction faite des autorités publiques, de cette définition. L'avantage procuré à de telles entreprises peut dès lors fausser la concurrence réelle ou potentielle. Les montants octroyés en vue du traitement de boues de dragage polluées fournissent un tel avantage et doivent donc être considérés comme une aide d'État favorable auxdites entreprises.»

La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

8. Le recours du gouvernement néerlandais a été enregistré au greffe de la Cour le 25 avril 2002.

9. Le gouvernement néerlandais conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

- annuler la décision attaquée, dans la mesure où la Commission y conclut que les contributions allouées aux autorités portuaires en vertu de la réglementation visant à encourager la transformation des boues de dragage constituent des aides d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE;

- condamner la Commission aux dépens.

10. La Commission conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

- déclarer le recours irrecevable;

- à titre subsidiaire, le rejeter;

- condamner le royaume des Pays-Bas aux dépens.

11. En application de l'article 91, paragraphes 3 et 4, de son règlement de procédure, la Cour a décidé, l'avocat général entendu, de statuer sur la recevabilité du recours sans ouvrir la procédure orale.

Sur la recevabilité

Arguments des parties

12. La Commission fait valoir que le recours est irrecevable. Selon elle, la décision attaquée, qui constitue l'autorisation d'un régime d'aides préalablement notifié, ne saurait faire grief au gouvernement néerlandais.

13. Selon la Commission, ne constituent des actes susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation en vertu de l'article 230 CE que les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts des requérants (voir arrêt du 22 juin 2000, PaysBas/Commission, C-147/96, Rec. p. I-4723, point 25). Or, la décision attaquée aurait donné intégralement satisfaction au royaume des Pays-Bas. La mesure ne produirait pas d'effet juridique obligatoire de nature à affecter les intérêts de celui-ci, en ce qu'elle ne modifierait pas sa position juridique ni ne lui causerait d'inconvénient (voir arrêts du Tribunal du 17 septembre 1992, NBV et NVB/Commission, T138/89, Rec. p. II-2181, et du 30 janvier 2002, Nuove Industrie Molisane/Commission, T-212/00, Rec. p. II347).

14. En effet, quels que soient les motifs sur lesquels repose un acte, seul son dispositif serait susceptible de produire des effets juridiques, à moins que les motifs, en tant que motifs d'un acte faisant grief, constituent le support nécessaire du dispositif de celui-ci (arrêt NBV et NVB/Commission, précité, point 31). Tel ne serait cependant pas le cas en l'espèce.

15. Enfin, selon la Commission, l'article 230 CE devrait être lu à la lumière de l'article 233 CE. La possibilité d'introduire un recours au titre de l'article 230 CE devrait ainsi être limitée aux cas dans lesquels, dans l'hypothèse d'une annulation de la décision, l'institution concernée est tenue de prendre certaines mesures en vue de l'exécution de l'arrêt. En l'espèce, même si la décision était annulée, la Commission ne devrait entreprendre aucune démarche, l'aide ayant été approuvée dans son intégralité.

16. Le gouvernement néerlandais considère que son recours est recevable. L'affirmation de la Commission, dans la décision attaquée, selon laquelle les autorités portuaires relèvent de la notion d'«entreprises» au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE ainsi que le raisonnement selon lequel le dragage par les autorités portuaires doit être considéré comme une activité économique constitueraient des modifications de la situation juridique du royaume des PaysBas, dans la mesure où il faudrait ainsi, à l'avenir, notifier à la Commission toute contribution financière accordée à ces entités, ce qui présenterait un inconvénient procédural considérable.

17. Selon le gouvernement néerlandais, la décision attaquée n'aurait donc pas donné entièrement satisfaction au royaume des Pays-Bas. Elle serait de nature à affecter les intérêts de ce dernier au sens de la jurisprudence de la Cour (voir ordonnances du 8 mars 1991, Emerald Meats/Commission, C-66/91 et C66/91 R, Rec. p. I1143, et du 13 juin 1991, Sunzest/Commission, C50/90, Rec. p. I-2917, ainsi que arrêt du 5 octobre 1999, PaysBas/Commission, C-308/95, Rec. p. I6513).

Appréciation de la Cour

18. Il y a lieu de rappeler d'emblée qu'il résulte d'une jurisprudence constante que ne constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation, au sens de l'article 230 CE, que les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts des requérants en modifiant de façon caractérisée leur situation juridique (voir, notamment, arrêts du 31 mars 1998, France e.a./Commission, C-68/94 et C-30/95, Rec. p. I1375, point 62; du 5 octobre 1999, Pays-Bas/Commission, précité, point 26, et du 22 juin 2000, PaysBas/Commission, précité, point 25).

19. Pour déterminer si un acte ou une décision produit de tels effets, il y a lieu de s'attacher à sa substance (arrêt du 22 juin 2000, PaysBas/Commission, précité, point 27).

20. En l'espèce, il est constant que la décision attaquée déclare le régime d'aide notifié compatible avec le marché commun. Dans la mesure où, dans sa notification de ce régime, le gouvernement néerlandais a demandé à la Commission d'apprécier la légalité de la mesure au regard des articles 87 CE et 88 CE, ladite décision, adoptée en vertu de l'article 87, paragraphe 1, CE, d'une part, et en vertu de l'article 87, paragraphe 3, sous c), CE, d'autre part, ne saurait donc modifier de façon caractérisée la situation juridique du royaume des Pays-Bas.

21. Quant à l'argument du gouvernement néerlandais selon lequel une partie de la motivation de la décision attaquée, à savoir celle qui énonce que certaines autorités portuaires relèveraient de la notion d'«entreprises» au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE, produirait à l'encontre du royaume des Pays-Bas, indépendamment de l'issue de l'affaire, des conséquences juridiques négatives, il suffit de constater que, quels que soient les motifs sur lesquels repose une telle décision, seul le dispositif de celle-ci est susceptible de produire des effets juridiques et, par voie de conséquence, de faire grief. En revanche, les appréciations formulées dans les motifs d'une décision ne sont pas susceptibles de faire, en tant que telles, l'objet d'un recours en annulation. Elles ne peuvent être soumises au contrôle de légalité du juge communautaire que dans la mesure où, en tant que motifs d'un acte faisant grief, elles constituent le support nécessaire du dispositif de cet acte.

22. Or, en l'espèce, la motivation contestée ne constitue pas le support nécessaire du dispositif d'une décision faisant grief au royaume des Pays-Bas. En effet, dès lors que la Commission a constaté dans le dispositif de la décision attaquée que, indépendamment du fait que certaines des contributions concernées pourraient constituer des aides au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE, le régime en cause serait en tout cas justifié au regard des raisons visées à l'article 87, paragraphe 3, sous c), CE, ledit dispositif ne constitue nullement une prise de position sur le caractère d'entreprise de toutes autorités portuaires ni sur la nature économique de l'ensemble des activités de ces dernières.

23. Par ailleurs, la décision attaquée ne se prononce pas sur les circonstances particulières de l'une ou l'autre des autorités portuaires concernées, mais évoque seulement le cas dans lequel ces autorités poursuivraient des activités économiques dans le domaine visé par la mesure en cause. Enfin, cette décision ne préjuge en rien la qualification au regard de l'article 87, paragraphe 1, CE d'éventuelles autres contributions octroyées aux autorités portuaires.

24. Dans ces conditions, la partie contestée de la motivation de la décision attaquée n'a pas produit d'effet juridique obligatoire de nature à affecter les intérêts du royaume des Pays-Bas. Elle ne saurait dès lors constituer un acte juridique susceptible d'être attaqué au sens de la jurisprudence mentionnée au point 18 de la présente ordonnance.

25. Il en résulte que le recours doit être rejeté comme irrecevable.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

26. En vertu de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du royaume des Pays-Bas et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il convient de le condamner aux dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR (première chambre)

ordonne:

1) Le recours est rejeté comme irrecevable.

2) Le royaume des Pays-Bas est condamné aux dépens.

Top