Affaire C-70/03
Commission des Communautés européennes
contre
Royaume d'Espagne
«Manquement d'État – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Règles d'interprétation – Règles de conflit de lois»
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Conclusions de l'avocat général M. L. A. Geelhoed, présentées le 29 avril 2004 |
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Arrêt de la Cour (première chambre) du 9 septembre 2004 |
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Sommaire de l'arrêt
- 1.
- Rapprochement des législations – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Directive 93/13 – Règle de l'interprétation la plus favorable au consommateur en cas de doute sur le sens d'une clause – Distinction entre les actions impliquant un consommateur individuel et les actions collectives en cessation
(Directive du Conseil 93/13, art. 5 et 7, § 2)
- 2.
- Rapprochement des législations – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Directive 93/13 – Contrat régi par le droit d'un pays tiers et présentant un lien étroit avec le territoire des États membres – Notion de «lien étroit» – Critères de rattachement visés à l'article 5, paragraphe 2, de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles
– Exclusion
(Convention de Rome du 19 juin 1980, art. 5; Directive du Conseil 93/13, art. 6, § 2)
- 1.
- La précision contenue à l’article 5, troisième phrase, de la directive 93/13, concernant les clauses abusives dans les contrats
conclus avec les consommateurs, selon laquelle la règle de l’interprétation la plus favorable au consommateur qui prévaut
en cas de doute sur le sens d’une clause n’est pas applicable dans le cadre des actions dites «en cessation» visées à l’article
7, paragraphe 2, de la directive, constitue une règle normative et contraignante, qui confère aux consommateurs des droits
et concourt à définir le résultat auquel tend cette directive.
- En effet, la distinction ainsi établie, quant à la règle d’interprétation applicable, entre les actions impliquant un consommateur
individuel et les actions en cessation, qui concernent des personnes ou des organisations représentatives de l’intérêt collectif
des consommateurs, s’explique par la finalité différente de ces actions. Dans le premier cas, les tribunaux ou les organes
compétents sont appelés à porter une appréciation in concreto sur le caractère abusif d’une clause contenue dans un contrat
déjà conclu, tandis que, dans le second cas, il leur incombe d’effectuer une appréciation in abstracto sur le caractère abusif
d’une clause susceptible d’être incorporée dans des contrats qui n’ont pas encore été conclus. Dans le premier cas, une interprétation
favorable au consommateur individuellement concerné bénéficie immédiatement à celui-ci. Dans le second cas, en revanche, pour
obtenir, à titre préventif, le résultat le plus favorable à l’ensemble des consommateurs, il n’y a pas lieu, en cas de doute,
d’interpréter la clause comme comportant des effets favorables à leur égard. Une interprétation objective permet ainsi d’interdire
plus souvent l’utilisation d’une clause obscure ou ambiguë, ce qui a pour conséquence une protection plus large des consommateurs.
(cf. points 16-17)
- 2.
- L’article 6, paragraphe 2, de la directive 93/13, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs,
selon lequel les États membres prennent les mesures nécessaires pour que le consommateur ne soit pas privé de la protection
accordée par ladite directive du fait du choix du droit d’un pays tiers comme droit applicable au contrat, lorsque le contrat
présente un lien étroit avec le territoire des États membres, doit être interprété en ce sens que la notion délibérément vague
de «lien étroit», qui vise à permettre la prise en considération de divers éléments de rattachement en fonction des circonstances
de l’espèce, peut éventuellement être concrétisée par des présomptions. En revanche, elle ne saurait être limitée par une
combinaison de critères de rattachement prédéfinis, tels que les conditions cumulatives relatives à la résidence du consommateur
et à la conclusion du contrat visées à l’article 5 de la convention du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations
contractuelles.
(cf. points 32-33)