62000J0074

Arrêt de la Cour du 24 septembre 2002. - Falck SpA et Acciaierie di Bolzano SpA contre Commission des Communautés européennes. - Aides d'État - Régime CECA - Droits du bénéficiaire de l'aide - Champ d'application: absence de nécessité d'une incidence sur les échanges et la concurrence - Applicabilité des différents codes des aides dans le temps - Taux d'intérêt à appliquer pour le remboursement d'aides incompatibles. - Affaires jointes C-74/00 P et C-75/00 P.

Recueil de jurisprudence 2002 page I-07869


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


1. Pourvoi Recevabilité Pourvoi régi par le statut CECA Partie intervenante autre que les États membres et les institutions Absence de qualité d'entreprise au sens de l'article 80 du traité CECA Défaut de pertinence Nécessité d'être directement affectée par la décision du Tribunal

(Statut CECA de la Cour de justice, art. 34, al. 1, et 49, al.2)

2. CECA Aides à la sidérurgie Procédure administrative Obligation de la Commission de mettre les intéressés en demeure de présenter leurs observations Droit du bénéficiaire de l'aide d'être entendu Limites

(Traité CE, art. 93, § 2 (devenu art. 88, § 2, CE); décision générale n° 3855/91, art. 6, § 4)

3. CECA Aides à la sidérurgie Interdiction Affectation de la concurrence et des échanges entre États membres Défaut de pertinence

(Traité CECA, art. 4, c))

4. CECA Aides à la sidérurgie Autorisation par la Commission Conditions Notification Non-respect du délai Effets

(Décisions générales n° s 257/80, 3484/85, 3855/91 et 2496/96)

5. Actes des institutions Application dans le temps Rétroactivité d'une règle de fond Conditions Non-rétroactivité des règles des codes des aides à la sidérurgie

(Traité CECA, art. 2, 3 et 4; décision générale n° 3855/91)

6. CECA Aides à la sidérurgie Procédure administrative Absence de règle édictant une prescription relativement à l'exercice de ses compétences par la Commission Respect des exigences de la sécurité juridique

7. Aides accordées par les États Récupération d'une aide illégale Violation du principe de proportionnalité Absence Versement d'intérêts justifié par la nécessité de rétablir la situation antérieure Fixation du taux d'intérêt Pouvoirs de la Commission

8. CECA Aides à la sidérurgie Décision de la Commission Appréciation de la légalité en fonction des éléments d'information disponibles au moment de l'adoption de la décision Obligation de diligence de l'État membre octroyant l'aide et du bénéficiaire de celle-ci quant à la communication de tout élément pertinent

(Décision générale n° 3855/91, art. 6, § 4)

Sommaire


1. En vertu de l'article 49, deuxième alinéa, du statut CECA de la Cour de justice, un pourvoi peut être formé par les parties intervenantes autres que les États membres et les institutions de la Communauté lorsque la décision du Tribunal les affecte directement. Une personne physique ou morale ayant été admise comme partie intervenante dans un litige en première instance au titre de l'article 34, premier alinéa, du même statut n'a donc pas à démontrer qu'elle est une entreprise, au sens de l'article 80 du traité CECA, qui pourrait le cas échéant intenter un recours sur le fondement de l'article 33, deuxième alinéa, du traité CECA pour se pourvoir contre une décision du Tribunal rendue dans ce litige.

Toutefois, la différence entre le libellé dudit article 49, deuxième alinéa, et celui de l'article 34, premier alinéa, du statut CECA de la Cour de justice en ce qui concerne l'intervention des personnes physiques ou morales, disposition qui se borne à exiger la justification d'un intérêt à la solution du litige, implique qu'il ne suffit pas de remplir cette dernière condition et d'avoir été admis à intervenir au litige en première instance pour pouvoir intenter un pourvoi, mais qu'il faut en outre être directement affecté par la décision du Tribunal.

( voir points 53-55 )

2. Lors de la phase d'examen prévue à l'article 6, paragraphe 4, du cinquième code des aides à la sidérurgie, institué par la décision n° 3855/91, et régie par des dispositions semblables à celles de l'article 93, paragraphe 2, du traité (devenu article 88, paragraphe 2, CE) en ce qui concerne la participation des intéressés à la procédure, la Commission doit mettre les intéressés en demeure de présenter leurs observations.

À cet égard, la publication d'un avis au Journal officiel des Communautés européennes constitue un moyen adéquat en vue de faire connaître à tous les intéressés l'ouverture d'une procédure. Cette communication vise à obtenir, de la part des intéressés, toutes informations destinées à éclairer la Commission dans son action future. Une telle procédure donne aussi aux autres États membres et aux milieux concernés la garantie de pouvoir se faire entendre.

Cependant, dans la procédure de contrôle des aides d'État, les intéressés autres que l'État membre responsable de l'octroi de l'aide ne sauraient prétendre eux-mêmes à un débat contradictoire avec la Commission, tel que celui ouvert au profit de ce dernier. À cet égard, aucune disposition de la procédure de contrôle des aides d'État, et notamment de celle prévue par le cinquième code des aides à la sidérurgie, ne réserve, parmi les intéressés, un rôle particulier au bénéficiaire de l'aide, étant donné que la procédure n'est pas ouverte à son encontre, ce qui impliquerait qu'il puisse se prévaloir de droits aussi étendus que les droits de la défense en tant que tels.

( voir points 79-80, 82-83 )

3. Contrairement à l'article 92, paragraphe 1, du traité CE (devenu, après modification, article 87, paragraphe 1, CE), qui ne vise les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions, que dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, l'article 4, sous c), du traité CECA vise purement et simplement les aides accordées par les États sous quelque forme que ce soit.

Cette différence claire de rédaction entre les dispositions du traité CECA et celles du traité CE suffit à établir que, en ce qui concerne la question des aides d'État, les États membres n'ont pas entendu retenir les mêmes règles ni le même champ d'intervention des Communautés et que, pour relever des dispositions de l'article 4, sous c), du traité CECA, une mesure d'aide ne doit pas nécessairement avoir d'incidence sur les échanges entre États membres ou sur la concurrence.

Le fait que, sur le fondement de l'article 95 du traité CECA, la Commission a, sur avis conforme du Conseil de l'Union européenne et après avis du Comité consultatif, pris des dispositions pour que certaines aides soient autorisées dans le champ d'application dudit traité n'est pas de nature à modifier la définition de l'aide telle qu'elle est énoncée à l'article 4, sous c), du même traité.

( voir points 101-103 )

4. Contrairement aux dispositions du traité CE relatives aux aides d'État, qui habilitent de façon permanente la Commission à statuer sur leur compatibilité, les codes des aides à la sidérurgie n'attribuent cette compétence à la Commission que pour une période déterminée. Dès lors, si des aides que les États membres souhaitent faire autoriser au titre d'un code ne sont pas notifiées pendant la période prévue par celui-ci pour procéder à cette notification, la Commission ne peut plus se prononcer sur la compatibilité de ces aides au regard dudit code. Le fait que la Commission ou ses services ont pu, le cas échéant, prendre une position contraire dans certaines circonstances n'est pas de nature à remettre en cause cette conclusion. Par ailleurs, la compatibilité d'aides avec le marché commun ne saurait, dans le contexte des codes des aides à la sidérurgie, être appréciée qu'au regard des règles en vigueur à la date à laquelle elles sont effectivement versées.

( voir points 115-117 )

5. Le principe de sécurité juridique s'oppose à ce que le point de départ de l'application dans le temps d'un acte communautaire soit fixé à une date antérieure à celle de sa publication, sauf lorsque, à titre exceptionnel, le but à atteindre l'exige et que la confiance légitime des intéressés est dûment respectée. À cet égard, les règles communautaires de droit matériel doivent être interprétées, en vue de garantir le respect des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, comme ne visant des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur que dans la mesure où il ressort clairement de leurs termes, finalités ou économie qu'un tel effet doit leur être attribué.

S'agissant en particulier du cinquième code des aides à la sidérurgie, aucune disposition de son libellé n'établit qu'il pourrait être appliqué rétroactivement. En outre, il ressort de l'économie et des finalités des codes des aides successifs que chacun de ceux-ci établit des règles d'adaptation de l'industrie sidérurgique aux objectifs des articles 2, 3 et 4 du traité CECA en fonction des besoins existant à une période donnée. Dès lors, l'application de règles adoptées à une certaine période, en fonction de la situation de celle-ci, à des aides versées au cours d'une période précédente ne correspondrait pas à l'économie et aux finalités de ce type de réglementation.

( voir points 119-120 )

6. Pour remplir sa fonction, un délai de prescription doit être fixé d'avance et la fixation de ce délai et de ses modalités d'application relève de la compétence du législateur communautaire. Or, ce dernier n'est pas intervenu pour fixer un délai de prescription dans le domaine du contrôle des aides accordées au titre du traité CECA.

Cependant, en l'absence de texte à cet égard, l'exigence fondamentale de la sécurité juridique s'oppose à ce que la Commission puisse retarder indéfiniment l'exercice de ses pouvoirs.

( voir points 139-140 )

7. L'article 93, paragraphe 2, du traité CE (devenu article 88, paragraphe 2, CE) donne à la Commission, lorsqu'elle constate l'incompatibilité d'une aide avec le marché commun et décide que l'État intéressé doit la supprimer ou la modifier, le pouvoir d'en exiger le remboursement si cette aide a été octroyée en violation du traité, ce qui permet d'assurer l'effet utile de cette suppression ou de cette modification. La récupération d'une aide étatique illégalement accordée vise ainsi au rétablissement de la situation antérieure et ne saurait, en principe, être considérée comme une mesure disproportionnée par rapport aux objectifs des dispositions dudit traité en matière d'aides d'État.

Or, le rétablissement de la situation antérieure ne peut nécessairement être approché que si le remboursement de l'aide est assorti d'intérêts courant à compter de la date du versement de l'aide et si les taux d'intérêt appliqués sont représentatifs des taux d'intérêt pratiqués sur le marché. À défaut, le bénéficiaire conserverait à tout le moins un avantage équivalant à une avance de trésorerie gratuite ou à un prêt bonifié. Ainsi, les bénéficiaires d'aides d'État incompatibles avec le marché commun ne sauraient faire valoir qu'ils ne peuvent pas s'attendre à ce que la Commission demande le remboursement de ces aides assorti d'intérêts aussi représentatifs que possible de ceux demandés sur le marché des capitaux.

À cet égard, si la procédure prévue par le droit national est applicable à la récupération des montants indûment versés, c'est seulement en l'absence de dispositions communautaires. Or, en ayant le pouvoir d'ordonner le rétablissement de la situation antérieure, la Commission dispose, sous réserve du contrôle du juge communautaire quant à l'existence d'une éventuelle erreur manifeste d'appréciation, du pouvoir de déterminer le taux d'intérêt permettant de parvenir à un tel rétablissement.

( voir points 157, 159-161 )

8. La légalité d'une décision en matière d'aides doit être appréciée en fonction des éléments d'information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l'a arrêtée.

À cet égard, dès lors que la décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 6, paragraphe 4, du cinquième code des aides à la sidérurgie contient une analyse préliminaire suffisante de la Commission exposant les raisons pour lesquelles elle éprouve des doutes quant à la compatibilité des aides en cause avec le marché commun, il appartient à l'État membre concerné et, le cas échéant, au bénéficiaire des aides, d'apporter les éléments de nature à démontrer que ces aides sont compatibles avec le marché commun et, éventuellement, de faire part de circonstances spécifiques relatives au remboursement d'aides déjà versées dans l'occurrence où la Commission viendrait à exiger celui-ci.

( voir points 168, 170 )

9. Lorsqu'une société bénéficiaire d'une aide a été vendue au prix du marché, le prix de vente reflète en principe les avantages correspondant à l'aide versée antérieurement et c'est le vendeur de ladite société qui, au moyen du prix qu'il reçoit, conserve le bénéfice de l'aide. Dans de telles conditions, il n'est pas anormal que, le cas échéant, le remboursement d'une aide incompatible avec le marché commun versée à une société qui a été vendue par la suite pèse, en définitive, sur le vendeur, à l'égard duquel une telle situation ne saurait traduire l'existence d'une sanction.

( voir points 180-181 )

Parties


Dans les affaires jointes C-74/00 P et C-75/00 P,

Falck SpA, établie à Milan (Italie), représentée par Mes G. Macrì, M. Condinanzi et F. Colussi, avvocati, ayant élu domicile à Luxembourg,

Acciaierie di Bolzano SpA, établie à Bolzano (Italie), représentée par Me B. Nascimbene, avvocato, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties requérantes,

ayant pour objet deux pourvois formés contre l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (cinquième chambre élargie) du 16 décembre 1999, Acciaierie di Bolzano/Commission (T-158/96, Rec. p. II-3927),

les autres parties à la procédure étant:

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. V. di Bucci et K.-D. Borchardt, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

et

République italienne, représentée par M. U. Leanza, en qualité d'agent, assisté de M. D. Del Gaizo, avvocato dello Stato,

partie intervenante en première instance,

LA COUR,

composée de M. G. C. Rodríguez Iglesias, président, M. P. Jann, Mmes F. Macken et N. Colneric, et M. S. von Bahr, présidents de chambre, MM. D. A. O. Edward, A. La Pergola, J.-P. Puissochet (rapporteur), M. Wathelet, V. Skouris et J. N. Cunha Rodrigues, juges,

avocat général: M. S. Alber,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 4 décembre 2001, au cours de laquelle Falck SpA a été représentée par Mes G. Macrì et M. Condinanzi, Acciaierie di Bolzano SpA par Me B. Nascimbene, la République italienne par M. M. Fiorilli, avvocato dello Stato, et la Commission par M. V. Di Bucci,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 21 février 2002,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par requêtes déposées au greffe de la Cour le 2 mars 2000, Falck SpA (ci-après «Falck») et Acciaierie di Bolzano SpA (ci-après «ACB») ont, en vertu de l'article 49 du statut CECA de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l'arrêt du Tribunal de première instance du 16 décembre 1999, Acciaierie di Bolzano/Commission (T-158/96, Rec. p. II-3927, ci-après l'«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté le recours introduit par ACB pour obtenir l'annulation de la décision 96/617/CECA de la Commission, du 17 juillet 1996, concernant des aides octroyées par la province autonome de Bolzano (Italie) à la société Acciaierie di Bolzano (JO L 274, p. 30, ci-après la «décision attaquée»).

2 Par ordonnance du 10 mai 2000 du président de la Cour, les affaires C-74/00 P et C-75/00 P ont été jointes aux fins de la procédure écrite et orale ainsi que de l'arrêt.

I - Le cadre juridique et le contexte factuel

A - Le cadre juridique

3 Il convient de se référer à la présentation du cadre juridique retenue par l'arrêt attaqué dans les termes suivants:

«1 L'article 4 du traité CECA dispose:

`Sont reconnus incompatibles avec le marché commun du charbon et de l'acier et, en conséquence, sont abolis et interdits dans les conditions prévues au présent traité, à l'intérieur de la Communauté:

[...]

c) les subventions ou aides accordées par les États ou les charges spéciales imposées par eux, sous quelque forme que ce soit'.

2 L'article 95, premier et deuxième alinéas, du traité CECA énonce:

`Dans tous les cas non prévus au présent traité, dans lesquels une décision ou une recommandation de la Commission apparaît nécessaire pour réaliser dans le fonctionnement du marché commun du charbon et de l'acier et conformément aux dispositions de l'article 5 l'un des objets de la Communauté, tels qu'ils sont définis aux articles 2, 3 et 4, cette décision ou cette recommandation peut être prise sur avis conforme du Conseil, statuant à l'unanimité et après consultation du Comité consultatif.

La même décision ou recommandation, prise dans la même forme, détermine éventuellement les sanctions applicables.'

3 Afin de répondre aux exigences de la restructuration du secteur de la sidérurgie, la Commission s'est fondée sur les dispositions de l'article 95 du traité pour mettre en place, à partir du début des années 80, un régime communautaire autorisant l'octroi d'aides d'État à la sidérurgie dans certains cas limitativement énumérés. Ce régime a fait l'objet d'adaptations successives, en vue de faire face aux difficultés conjoncturelles de l'industrie sidérurgique. Les décisions successivement adoptées à cet égard sont communément appelées `codes des aides à la sidérurgie'.

4 La décision n_ 257/80/CECA de la Commission, du 1er février 1980, instituant des règles communautaires pour les aides spécifiques à la sidérurgie (JO L 29, p. 5), constitue le premier code des aides à la sidérurgie. Il était applicable jusqu'au 31 décembre 1981. Il a été remplacé par la décision n_ 2320/81/CECA de la Commission, du 7 août 1981, instituant des règles communautaires pour les aides à la sidérurgie (JO L 228, p. 14), modifiée par la décision n_ 1018/85/CECA de la Commission, du 19 avril 1985 (JO L 110, p. 5, ci-après `deuxième code'), applicable jusqu'au 31 décembre 1985.

5 Le troisième code des aides à la sidérurgie [décision n_ 3484/85/CECA de la Commission, du 27 novembre 1985, instituant des règles communautaires (JO L 340, p. 1, ci-après `troisième code')], était applicable entre le 1er janvier 1986 et le 31 décembre 1988. Le quatrième code des aides à la sidérurgie [décision n_ 322/89/CECA de la Commission, du 1er février 1989, instituant des règles communautaires pour les aides à la sidérurgie (JO L 38, p. 8)], était applicable entre le 1er janvier 1989 et le 31 décembre 1991.

6 Le cinquième code des aides à la sidérurgie, institué par la décision n_ 3855/91/CECA de la Commission, du 27 novembre 1991, instituant des règles communautaires pour les aides à la sidérurgie (JO L 362, p. 57, ci-après `cinquième code'), était applicable du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1996. Il a été remplacé, le 1er janvier 1997, par la décision n_ 2496/96/CECA de la Commission, du 18 décembre 1996, instituant des règles communautaires pour les aides à la sidérurgie (JO L 338, p. 42), laquelle constitue le sixième code des aides à la sidérurgie.»

B - Le contexte factuel

4 Les éléments qui suivent ressortent des constatations de fait effectuées par le Tribunal dans l'arrêt attaqué, ainsi que du dossier:

«7 La requérante, les Acciaierie di Bolzano [...], est une entreprise fabriquant des produits sidérurgiques en aciers spéciaux, qui relèvent du numéro de code 4400 de l'annexe I du traité CECA et donc des dispositions du traité CECA. Jusqu'au 31 juillet 1995, ACB était contrôlée par le groupe sidérurgique Falck SpA, société de droit italien [...]. Cependant, à cette date, la société requérante a été vendue à la société Valbruna Srl.

8 Par lettre du 5 juillet 1982, la Commission a informé le gouvernement italien qu'elle avait décidé d'autoriser le régime d'aides régionales créé par la loi n_ 25/81 de la province autonome de Bolzano, du 8 septembre 1981, sur les interventions financières en faveur du secteur industriel (ci-après `loi provinciale n_ 25/81'). Dans cette lettre, la Commission soulignait, toutefois, qu'elle devait également se prononcer sur l'application sectorielle de la loi nationale n_ 675, du 12 août 1977, portant mesures pour la coordination de la politique industrielle, la restructuration, la reconversion et le développement du secteur (1/a) (ci-après `loi n_ 675'), applicable en la matière, et qu'elle se réservait, par conséquent, le droit de préciser les conditions dans lesquelles ce régime s'appliquerait à la province de Bolzano, en fonction de la décision qu'elle adopterait au niveau national. Elle a, en outre, précisé que les autorités de Bolzano devaient respecter intégralement la discipline et les codes communautaires concernant l'octroi d'aides en faveur de la sidérurgie.

[...]»

5 En septembre 1982, un plan de restructuration de Falck a fait l'objet d'une notification à la Commission. Ce plan prévoyait des investissements industriels de l'ordre de 40 milliards de ITL.

6 Par lettres du 3 novembre 1982 et du 5 novembre 1986, la province de Bolzano a notifié à la Commission quatre cas d'octroi d'aides en application de la loi provinciale n_ 25/81 dans le secteur textile et elle a demandé s'il était nécessaire de notifier les cas individuels d'application de ladite loi. La Commission n'a pas répondu à ces lettres.

7 Le 14 février 1983, par délibération n_ 784, la province de Bolzano a décidé d'accorder à ACB un prêt bonifié ainsi qu'une subvention à fonds perdus, sur le fondement de la loi provinciale n_ 25/81. Cette décision portait sur un prêt de 6,5 milliards de ITL et une subvention de 8 milliards de ITL répartie sur dix ans.

8 Par décision du 25 mai 1983, prise en application du deuxième code, la Commission, faisant suite à la notification du plan de restructuration de Falck, a approuvé une aide d'un montant de 2 milliards de ITL, sous la forme d'une bonification d'un prêt de 6 milliards de ITL au profit d'ACB pour le financement d'un investissement d'environ 23 milliards de ITL.

9 Le 1er juillet 1985, par délibération n_ 3082, la province de Bolzano a décidé d'accorder à ACB, sur le fondement de la loi provinciale n_ 25/81, un nouveau prêt de 12,941 milliards de ITL. Le 3 décembre 1985, par délibération n_ 6346, elle lui a accordé, sur le même fondement, une subvention de 10,234 milliards de ITL.

10 Les 14 décembre 1987 ainsi que 2 mai et 4 juillet 1988, respectivement par délibérations nos 7673, 2429 et 4158, la province de Bolzano a décidé d'accorder à ACB, toujours sur le fondement de ladite loi provinciale n_ 25/81:

- un prêt de 13,206 milliards de ITL, dont 6,321 milliards ont été versés en mars 1988 et 987 millions en janvier 1989;

- une subvention de 6,919 milliards de ITL, dont seuls 3,750 milliards ont, selon la décision attaquée, été versés, et

- un prêt et une subvention qui s'élèvent, selon ladite décision, à 987 et 650 millions de ITL.

11 Le 26 juillet 1988, la Commission a demandé aux autorités italiennes des renseignements sur un prêt qui aurait été accordé à ACB en décembre 1987 pour un montant de 6 milliards de ITL. Par lettre du 22 mars 1989, la Commission a informé lesdites autorités de sa décision d'engager la procédure prévue à l'article 6, paragraphe 4, du troisième code et les a mises en demeure de présenter leurs observations.

12 Le 25 juillet 1990, la Commission a adopté, à l'égard de l'aide découlant de ce prêt, la décision 91/176/CECA, concernant des aides octroyées par la province de Bolzano en faveur de l'aciérie de Bolzano (JO 1991, L 86, p. 28). L'article 1er de cette décision dispose:

«La bonification d'intérêt pour un prêt accordé en décembre 1987 par la province de Bolzano, en Italie, à l'entreprise Acciaierie di Bolzano, en application de la loi provinciale n_ 25 du 8 septembre 1981 est une aide d'État illégale parce qu'elle a été mise en oeuvre sans autorisation préalable de la Commission, et elle est de plus incompatible avec le marché commun au sens de la décision n_ 3484/85/CECA [troisième code]».

13 Toutefois, dans cette décision, la Commission n'a pas exigé le remboursement des montants déjà versés, mais s'est contentée d'enjoindre aux autorités de la province de Bolzano de cesser de bonifier les annuités du prêt litigieux jusqu'à l'expiration de celui-ci. Les autorités italiennes ayant fait valoir que le prêt avait été autorisé par la décision du 25 mai 1983 de la Commission, cette dernière a en effet admis qu'elle avait autorisé, dans le cadre de cette décision, au titre du deuxième code, une aide de 2 milliards de ITL, sous la forme d'un prêt bonifié à ACB. Toutefois, autorisée au titre du deuxième code, cette aide aurait dû impérativement être versée avant le 31 décembre 1985 et, dès lors que son versement était intervenu postérieurement à cette date, elle ne pouvait plus bénéficier de cette autorisation. Estimant devoir se référer au code des aides en vigueur à la date du versement du prêt, à savoir le troisième code, la Commission a conclu que celui-ci ne permettait plus d'autoriser l'aide en question, qui était donc incompatible avec le marché commun du charbon et de l'acier (ci-après le «marché commun»). En outre, la Commission a indiqué que sa décision du 5 juillet 1982, concernant l'application du régime d'aides régionales institué par la loi provinciale n_ 25/81, mentionnait clairement la nécessité de notifier les cas d'application en faveur de la sidérurgie. Elle a néanmoins considéré que le fait que l'aide litigieuse ait été initialement compatible avec le marché commun et qu'elle ne soit devenue incompatible qu'en raison de son octroi tardif, dû au partage des compétences entre les autorités nationales et la province de Bolzano, justifiait que le remboursement des éléments d'aides reçus jusqu'alors ne soit pas exigé.

14 Le 21 décembre 1994, à la suite d'une plainte formelle, la Commission a demandé aux autorités italiennes des informations concernant des interventions publiques dont aurait bénéficié ACB. Le gouvernement italien a répondu par lettres des 6 avril et 2 mai 1995.

15 Par lettre du 1er août 1995, la Commission a informé les autorités italiennes de sa décision d'engager la procédure prévue à l'article 6, paragraphe 4, du cinquième code à l'égard des mesures découlant de l'ensemble des délibérations de la province de Bolzano évoquées aux points 7, 9 et 10 du présent arrêt et les a invitées à présenter leurs observations. Cette décision a été publiée le 22 décembre 1995 au Journal officiel des Communautés européennes (JO C 344, p. 8) et les autres États membres ainsi que les autres intéressés ont été invités à présenter leurs observations.

16 Par lettre du 18 janvier 1996, ACB a, en sa qualité d'intéressée, demandé à la Commission à être consultée et entendue dans le cadre de la procédure engagée. Cette lettre étant restée sans réponse, ACB a envoyé une deuxième lettre à la Commission, datée du 28 mars 1996, dans laquelle elle lui demandait comment évoluait la procédure et, en particulier, si la Commission estimait devoir l'entendre ou recueillir des informations auprès d'elle.

17 Des associations de producteurs d'acier ont communiqué leurs observations à la Commission, qui les a transmises aux autorités italiennes par courrier du 20 février 1996. Par lettre du 27 mars 1996, ces dernières ont communiqué leurs propres observations à la Commission. Le 17 juillet 1996, celle-ci a adopté la décision attaquée.

18 La partie I, troisième alinéa, des motifs de la décision attaquée dresse la liste des aides publiques accordées à ACB par la province de Bolzano, en vertu de la loi provinciale n_ 25/81, au cours de la période 1982-1990. Il convient de relever que la Commission a indiqué, au cours de la procédure devant le Tribunal, que le prêt accordé en vertu de la délibération n_ 784, du 14 février 1983, de la province de Bolzano était de 6,5 milliards de ITL et non de 5,6 milliards de ITL, comme indiqué par erreur dans la décision attaquée. En tout état de cause, la Commission a précisé dans la partie IV, deuxième alinéa, des motifs de ladite décision que cette mesure avait déjà fait l'objet de la décision 91/176 et n'était donc pas concernée par la décision attaquée. La partie I des motifs de cette décision précise que les aides visées ont été accordées, d'une part, sous la forme de prêts sur dix ans au taux de 3 %, soit un taux inférieur d'environ 9 points au taux normal du marché appliqué à l'époque en Italie, pour un montant total de 25,849 milliards de ITL (12,025 millions d'écus), et, d'autre part, sous la forme de subventions à fonds perdus, c'est-à-dire sans obligation de remboursement, pour un montant total de 22,634 milliards de ITL (10,5 millions d'écus).

19 La Commission a estimé que, même dans l'hypothèse où les aides accordées avant le 1er janvier 1986 seraient examinées à la lumière des dispositions du deuxième code, elles ne pourraient pas être considérées comme compatibles avec le marché commun. Elle a rappelé, à cet égard, que l'article 2, paragraphe 1, de ce code prévoyait que les aides à la sidérurgie ne pouvaient être considérées comme compatibles avec le marché commun qu'à la condition, notamment, que l'entreprise bénéficiaire soit engagée dans l'exécution d'un programme de restructuration apte à rétablir sa compétitivité et à la rendre financièrement viable sans aides dans des conditions de marché normales et que ce programme ait pour résultat de réduire la capacité globale de production de l'entreprise. Or, aucune de ces deux conditions n'aurait été remplie.

20 Par ailleurs, la Commission a rappelé que le cinquième code, applicable à la date de l'adoption de la décision attaquée, énumérait explicitement les dérogations possibles à l'article 4, sous c), du traité, à savoir les aides destinées à couvrir les coûts de projets de recherche et de développement ainsi que celles en faveur de la protection de l'environnement et les aides à la fermeture. Elle a conclu que ces dérogations n'étaient applicables en l'espèce à aucune des aides examinées.

21 Toutefois, la Commission a tenu compte, pour les aides publiques accordées avant le 1er janvier 1986, de circonstances qui avaient pu induire les autorités italiennes en erreur en ce qui concerne les règles à respecter pour les aides en question à l'époque considérée. En particulier, la Commission a visé l'absence de réponse de sa part aux lettres de la province de Bolzano notifiant les quatre premiers cas d'application de la loi provinciale n_ 25/81 ainsi que de possibles malentendus sur la répartition des rôles entre les autorités nationales et provinciales concernant les notifications des aides à la sidérurgie. Aussi la Commission n'a-t-elle pas exigé la restitution des aides octroyées avant le 1er janvier 1986.

22 La décision attaquée dispose:

«Article premier

Les mesures d'aides dont a bénéficié l'entreprise Acciaierie di Bolzano en vertu de la loi provinciale n_ 25/81 sont illégales, du fait qu'elles n'ont pas été notifiées avant d'être octroyées. Ces mesures sont en outre incompatibles avec le marché commun en vertu de l'article 4 point c) du traité CECA.

Article 2

L'Italie procède, conformément aux dispositions de la législation italienne relative au recouvrement des créances de l'État, à la récupération des aides accordées à la société Acciaierie di Bolzano à partir du 1er janvier 1986, au titre de la loi provinciale n_ 25/81, en vertu des décisions n_ 7673 du 14 décembre 1987, n_ 2429 du 2 mai 1988 et n_ 4158 du 4 juillet 1988. Afin d'éliminer les effets résultant de ces aides, leur montant est majoré d'intérêts courant à compter du jour du versement des aides jusqu'à la date de leur remboursement. Le taux d'intérêt applicable est le taux utilisé par la Commission pour le calcul de l'équivalent-subvention net des aides à finalité régionale au cours de la période considérée.

[...]»

II - La procédure, les conclusions et moyens devant le Tribunal ainsi que l'arrêt attaqué

A - La procédure devant le Tribunal

23 C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 octobre 1996, ACB a demandé l'annulation de la décision attaquée. Par ordonnance du 11 juillet 1997 du président de la quatrième chambre élargie, Falck et la République italienne ont été admises à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

24 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'adopter des mesures d'organisation de la procédure en invitant certaines parties à répondre par écrit à des questions et à produire des documents. En particulier, il a demandé à la Commission de produire une copie de la lettre du 27 mars 1996, envoyée par les autorités italiennes à la Commission en réponse à sa décision d'engager la procédure.

25 La Commission a répondu au Tribunal que cette lettre émanait des autorités italiennes et qu'elle contenait des informations sensibles concernant le bénéficiaire de l'aide. Elle a estimé que ladite lettre devait être produite par le gouvernement italien ou, à tout le moins, avec son consentement et a indiqué qu'elle sollicitait l'accord de celui-ci. La Commission a ajouté que l'une des annexes de cette lettre était une note interne à ses services, rédigée par le service juridique. Elle a précisé qu'elle effectuait des vérifications pour déterminer la manière dont cette note avait été diffusée. La Commission a en outre fait valoir que, en principe, elle s'oppose à la production de documents internes par des tiers dès lors qu'ils n'ont pas été régulièrement obtenus.

26 Le Tribunal a alors demandé à la Commission de produire à l'audience la lettre du 27 mars 1996, dans sa version intégrale ou dans une version non confidentielle, en fonction de la position des autorités italiennes. Le Tribunal a toutefois dispensé la Commission de produire l'annexe correspondant à la note du service juridique.

27 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal à l'audience du 25 mars 1999.

28 La Commission a déposé au début de l'audience la lettre du 27 mars 1996 et ses annexes, à l'exception de l'annexe 3, correspondant à la note de son service juridique. En raison du volume du document produit, seule ladite lettre et son annexe 1 ont, dans un premier temps, été distribuées, le reste du document étant disponible au greffe du Tribunal. Après les plaidoiries, l'audience a été suspendue durant 20 minutes. Le tableau A de l'annexe 5 de la lettre a ensuite été distribué et l'audience s'est poursuivie. Après une nouvelle suspension d'audience d'une heure, les tableaux B, C et D de l'annexe 5 ainsi que les annexes 6 et 7 ont été distribués. L'audience s'est poursuivie, puis le président de la cinquième chambre élargie a prononcé la clôture de la procédure orale.

B - Les conclusions et moyens soulevés devant le Tribunal ainsi que l'arrêt attaqué

29 Au fond, ACB concluait à l'annulation de la décision attaquée et, à titre subsidiaire, à la déclaration de l'inexistence de l'obligation de récupérer les aides octroyées après le 1er janvier 1986. La Commission concluait au rejet du recours. En substance, ACB avançait six éléments au soutien de ses conclusions.

30 Le premier était pris d'une violation des droits de la défense. ACB soutenait que, en dépit de ses lettres des 18 janvier et 28 mars 1996, dans lesquelles elle avait demandé à participer à la procédure, la Commission ne lui avait pas accordé cette possibilité et notamment l'accès au dossier.

31 Le Tribunal a rejeté ce moyen en retenant la motivation exposée aux points 42 à 47 de l'arrêt attaqué de laquelle il ressort que les droits d'ACB n'auraient pas été violés.

32 Le deuxième moyen d'annulation invoqué par ACB était tiré de l'erreur de droit qu'aurait constituée l'application rétroactive de règles communautaires. ACB soutenait que, en dépit de son manque de clarté, la décision attaquée semblait fondée sur le code des aides à la sidérurgie en vigueur à la date de son adoption, alors que le code applicable devait être celui en vigueur à la date de la décision d'attribution de l'aide ou, à tout le moins, celui en vigueur lors du versement effectif de l'aide. ACB soutenait à cet égard qu'il existait un manque de cohérence de la décision attaquée avec la décision 91/176, qui était fondée sur le code applicable à la date du versement de l'aide, ainsi qu'avec la pratique administrative de la Commission qui, en matière d'aides d'État, appliquerait les règles en vigueur lors de l'octroi de l'aide. Les principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique auraient ainsi été violés. En outre, ACB contestait en substance que la Commission soit fondée à demander la récupération des aides en cause de nombreuses années après leur octroi.

33 Le Tribunal a rejeté ce moyen en retenant la motivation exposée aux points 59 à 69 de l'arrêt attaqué, reposant sur la considération selon laquelle les aides en cause n'ayant pas été notifiées, seul le code en vigueur à la date à laquelle la Commission avait pris sa décision pouvait être appliqué, sans que cette interprétation méconnaisse les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime ou un délai de prescription, inexistant en l'espèce.

34 Par son troisième moyen d'annulation, ACB faisait grief à la Commission, compte tenu du déroulement des faits, d'avoir méconnu les principes de coopération loyale, de protection de la confiance légitime et de proportionnalité. ACB faisait valoir que l'attitude de la Commission pouvait légitimement lui laisser penser, ainsi qu'aux autorités italiennes, que la notification des aides en cause n'était pas nécessaire. Elle ajoutait que la Commission avait, pour sa part, agi tardivement compte tenu, d'une part, des dates d'octroi desdites aides et, d'autre part, du fait que la décision 91/176 était également intervenue alors même que toutes les aides avaient déjà été versées. Selon ACB, la demande de remboursement avec intérêts des aides, intervenue si longtemps après le versement de celles-ci, constituait une sanction qui ne visait pas seulement à rétablir l'égalité concurrentielle.

35 Le Tribunal a rejeté ce moyen en retenant la motivation exposée aux points 83 à 98 de l'arrêt attaqué. Il ressort de celle-ci que, en l'absence de notification des aides en cause et dans la mesure où ACB n'aurait établi ni l'existence de circonstances exceptionnelles ni la preuve de sa diligence, non plus que la violation des principes de coopération loyale et de bonne foi, l'exigence de récupération de certaines desdites aides, assortie du versement d'intérêts, ne méconnaîtrait pas les principes invoqués par ACB et ne constituerait pas une sanction.

36 En quatrième lieu, ACB mettait en cause l'appréciation de fond portée par la Commission en ce qui concerne la compatibilité des aides litigieuses avec le marché commun. Tout d'abord, ACB soutenait que la Commission avait commis une erreur de droit en ne vérifiant pas si ces aides avaient une incidence sur les échanges intracommunautaires. Ensuite, ACB faisait valoir que celles-ci ne faisaient que compenser partiellement l'octroi d'aides aux entreprises publiques de sidérurgie. Enfin, elle estimait que la Commission avait commis une erreur d'appréciation en ne déclarant pas les aides dont elle avait bénéficié compatibles avec le marché commun, car celles-ci poursuivaient, selon elle, des objectifs d'économie d'énergie, de protection de l'environnement ainsi que d'amélioration de la sécurité, des conditions de travail et de la compétitivité de l'entreprise.

37 Falck a, pour sa part, produit un rapport établi par la société Arthur Andersen visant à démontrer que les investissements engagés étaient en grande partie compatibles avec les codes des aides. En outre, elle a fait valoir que la Commission se prononçait de nouveau sur des aides déjà visées par la décision 91/176. Selon Falck, il s'agissait d'aides rattachées par la Commission aux délibérations de la province de Bolzano nos 7673, du 14 décembre 1987 (prêt de 6,321 milliards de ITL), et 4158, du 4 juillet 1988 (prêt de 987 millions de ITL), ce dernier prêt relevant en réalité de la délibération n_ 7673, du 14 décembre 1987. En outre, Falck soutenait que la Commission avait commis des erreurs concernant le volume des aides versées au titre des délibérations nos 2429, du 2 mai 1988, et 4158, du 4 juillet 1988.

38 Le Tribunal a rejeté ces griefs en retenant la motivation exposée aux points 111 à 141 de l'arrêt attaqué. Il ressort de celle-ci que, pour relever du champ d'application de l'article 4, sous c), du traité, il ne serait pas nécessaire que les aides aient une incidence sur les échanges intracommunautaires et que ce serait à bon droit que la Commission a conclu, compte tenu des éléments en sa possession, que les aides en cause n'étaient pas compatibles avec les dispositions du cinquième code et a déterminé celles devant faire l'objet d'un remboursement.

39 En cinquième lieu, ACB invoquait une erreur de droit dans la fixation du taux d'intérêt à appliquer pour le remboursement des aides. ACB soutenait que la décision attaquée avait fixé un taux d'intérêt indéterminable et dépourvu de base légale dans la mesure où il s'agissait du taux utilisé par la Commission pour le calcul de l'équivalent-subvention net des aides à finalité régionale au cours de la période considérée. Selon ACB, le taux aurait dû être déterminé par l'ordre juridique national ou bien être le taux du marché sur lequel elle se finançait, à savoir le taux du marché allemand sur lequel elle était très active.

40 Le Tribunal a rejeté ce moyen en retenant la motivation exposée aux points 148 à 161 de l'arrêt attaqué, de laquelle il ressort que c'est à bon droit que la Commission a retenu le taux d'intérêt mentionné dans la décision attaquée, qui serait établi à partir de données nationales, et non le taux du marché allemand, en l'absence de toute démarche en ce sens d'ACB pendant la procédure administrative.

41 En sixième et dernier lieu, ACB reprochait à la décision attaquée un défaut de motivation. La Commission n'aurait pas exposé la raison pour laquelle la date du 31 décembre 1985 a été considérée comme déterminante pour traiter de manière différente les aides accordées antérieurement ou postérieurement à celle-ci ni les raisons de l'application du taux d'intérêt retenu dans ladite décision, notamment en ce qui concerne la proportionnalité de ce taux par rapport aux avantages dont ACB aurait bénéficié.

42 Le Tribunal a rejeté ce moyen en retenant la motivation exposée aux points 167 à 175 de l'arrêt attaqué, de laquelle il ressort que, eu égard au contexte de la procédure administrative et au contenu de la décision attaquée, celle-ci serait suffisamment motivée.

III - Les pourvois

43 Dans leurs pourvois, les requérantes demandent que la transcription des débats lors de l'audience devant le Tribunal soit versée aux débats devant la Cour et concluent à l'annulation de l'arrêt et de la décision attaqués, ainsi qu'à la condamnation de la Commission aux dépens, y compris ceux de première instance. À titre subsidiaire, elles demandent l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de l'affaire devant le Tribunal, ainsi que l'adoption de toute mesure en conséquence ou que la Cour estimerait opportune, même à titre de mesure d'instruction.

44 La République italienne conclut à ce qu'il soit fait droit aux pourvois et à l'annulation totale de l'arrêt attaqué, en accueillant les conclusions formulées par le gouvernement italien en première instance, et à la condamnation de la Commission aux dépens. À titre subsidiaire, elle demande à la Cour de faire droit aux conclusions subsidiaires des requérantes.

45 La Commission conclut au retrait du dossier de trois documents produits par les requérantes, au rejet des pourvois et à la condamnation de ces dernières aux dépens.

A - Sur la recevabilité du pourvoi de Falck

Argumentation des parties

46 La Commission rappelle que, en vertu de l'article 49, deuxième alinéa, du statut CECA de la Cour de justice, les parties intervenantes autres que les États membres et les institutions de la Communauté ne peuvent former un pourvoi que lorsque la décision du Tribunal les affecte directement.

47 Elle rappelle également que, par ordonnance du 11 juillet 1997 du président de la quatrième chambre élargie, l'intervention de Falck devant le Tribunal a certes été admise sur le fondement de l'article 34, premier alinéa, dudit statut au motif que Falck avait un intérêt à la solution du litige dans la mesure où elle pourrait être l'objet d'une action récursoire de la part d'ACB ou de Valbruna Srl, au titre des garanties qu'elle a apportées à cette dernière à l'occasion de la vente d'ACB, susceptibles de porter sur les montants d'aide devant être remboursés en application de la décision attaquée. Toutefois, ceci ne signifierait pas que Falck est directement affectée par l'arrêt attaqué, au sens de l'article 49, deuxième alinéa, du statut CECA de la Cour de justice. La Commission fait valoir que c'est seulement si une action récursoire d'ACB ou de Valbruna Srl était effectivement exercée que l'arrêt attaqué pourrait affecter Falck. En outre, celui-ci aurait pour seul effet de confirmer la situation juridique antérieure et il n'affecterait donc pas en lui-même Falck. Celle-ci ne posséderait en outre aucun intérêt autonome par rapport à celui d'ACB.

48 La Commission invoque une seconde raison pour contester la recevabilité du pourvoi de Falck. Elle rappelle que, sauf exceptions non pertinentes en l'espèce, seules les entreprises productrices de produits sidérurgiques sont habilitées, parmi les entreprises, à présenter un recours en application de l'article 33 du traité CECA. Falck n'étant plus une entreprise sidérurgique, elle n'aurait plus qualité pour attaquer un arrêt rejetant un recours en annulation dans le cadre duquel elle est simplement intervenue.

49 Pour sa part, Falck soutient que, en admettant son intervention en première instance, le Tribunal lui a reconnu un intérêt concret et actuel à la solution du litige et que, par conséquent, elle est directement affectée, au sens de l'article 49, deuxième alinéa, du statut CECA de la Cour de justice, ce qui lui permet d'intenter son pourvoi.

Appréciation de la Cour

50 Il convient, en premier lieu, d'examiner l'argument de la Commission selon lequel, pour intenter son pourvoi, Falck devait encore remplir la condition applicable aux entreprises pour pouvoir intenter un recours au titre de l'article 33, deuxième alinéa, du traité, à savoir posséder encore la qualité d'entreprise au sens de l'article 80 du traité CECA, c'est-à-dire en l'espèce exercer encore une activité de production sidérurgique sur le territoire communautaire.

51 L'article 33 du traité vise les recours en annulation formés contre les décisions et recommandations de la Commission. Le deuxième alinéa de cette disposition ouvre un droit de recours aux entreprises, au sens de l'article 80 du traité, à l'encontre des décisions et des recommandations individuelles les concernant ou des décisions et des recommandations générales qu'elles estiment entachées de détournement de pouvoir à leur égard. Pour sa part, l'article 34, premier alinéa, du statut CECA de la Cour de justice dispose que les personnes physiques ou morales justifiant d'un intérêt à la solution d'un litige soumis à la Cour peuvent intervenir à ce litige.

52 L'article 34, premier alinéa, du statut CECA de la Cour de justice vise donc une catégorie de personnes plus large que celle visée à l'article 33, deuxième alinéa, du traité, et des personnes qui ne seraient pas admises à intenter un recours contre une décision ou une recommandation de la Commission peuvent le cas échéant être admises à intervenir dans un tel litige.

53 L'article 49, deuxième alinéa, dudit statut dispose qu'un pourvoi peut être formé par toute partie ayant partiellement ou totalement succombé en ses conclusions, mais il précise cependant que les parties intervenantes autres que les États membres et les institutions de la Communauté ne peuvent former ce pourvoi que lorsque la décision du Tribunal les affecte directement.

54 Une personne physique ou morale ayant été admise comme partie intervenante dans un litige en première instance au titre de l'article 34, premier alinéa, du statut CECA de la Cour de justice n'a donc pas à démontrer qu'elle est une entreprise, au sens de l'article 80 du traité, qui pourrait le cas échéant intenter un recours sur le fondement de l'article 33, deuxième alinéa, du traité pour se pourvoir contre une décision du Tribunal rendue dans ce litige et, par conséquent, c'est à tort que la Commission soutient que le pourvoi de Falck est irrecevable au motif que cette dernière n'exerce plus d'activité de production sidérurgique.

55 Toutefois, l'article 49, deuxième alinéa, du statut CECA de la Cour de justice exige que les parties intervenantes en première instance, autres que les États membres et les institutions de la Communauté, soient directement affectées par la décision du Tribunal pour pouvoir intenter un pourvoi à l'encontre de celle-ci. La différence entre le libellé de cette disposition et celui de l'article 34, premier alinéa, dudit statut en ce qui concerne l'intervention des personnes physiques ou morales, disposition qui se borne à exiger la justification d'un intérêt à la solution du litige, implique qu'il ne suffit pas de remplir cette dernière condition et d'avoir été admis à intervenir au litige en première instance pour pouvoir intenter un pourvoi.

56 Il est donc nécessaire de vérifier, en second lieu, si Falck est directement affectée par l'arrêt attaqué.

57 Ainsi que l'a constaté le président de la quatrième chambre élargie du Tribunal dans l'ordonnance du 11 juillet 1997 admettant Falck à intervenir en première instance et comme il est rappelé au point 34 de l'arrêt attaqué, compte tenu des garanties apportées par Falck à Valbruna Srl et à ACB à l'occasion de la cession de cette dernière, «[a]u cas où le [...] recours ne serait pas accueilli et où, par conséquent, il serait procédé, conformément à la décision de la Commission, à la récupération des sommes versées à titre d'aide à la requérante, les aciéries Valbruna Srl, ou [ACB], seraient habilitées, en vertu des dispositions [des accords de transfert du capital social de cette dernière], à introduire une action récursoire à l'encontre de Falck SpA [...]».

58 Dans la situation actuelle, Falck est donc susceptible de devoir assumer intégralement le remboursement des sommes visées à l'article 2 de la décision attaquée et, à tout le moins, elle doit, tant que l'affaire n'est pas définitivement réglée, prendre des dispositions pour pouvoir assumer le cas échéant la charge financière correspondante. L'arrêt attaqué, en rejetant les conclusions d'ACB et de Falck, a maintenu cette situation et les contraintes qu'elle entraîne pour cette dernière, alors que, si ledit arrêt avait retenu la solution contraire, ces contraintes auraient pu être levées. Falck est donc directement affectée par l'arrêt attaqué et recevable à former un pourvoi à son encontre.

B - Sur la demande de retrait du dossier de certains documents produits par ACB et Falck

Argumentation des parties

59 La Commission demande le retrait du dossier de trois documents produits par ACB et Falck en annexe aux pourvois (documents B6, B3 et B5). Il s'agit de la note du service juridique de la Commission (annexée à la lettre des autorités italiennes du 27 mars 1996), que le Tribunal a finalement autorisé la Commission à ne pas produire, et de deux notes sans en-tête, qu'ACB et Falck attribuent aux services de la Commission, mais dont celle-ci indique qu'elle n'est pas en mesure d'en vérifier la nature et l'origine. La Commission fait valoir que ces trois notes ont été produites en première instance en annexe à la réponse de Falck aux questions du Tribunal et que ces documents - à supposer que les notes sans en-tête émanent effectivement de ses services - sont des documents internes qui n'ont pas à circuler en dehors de l'institution. Invoquant son intérêt à préserver le secret de ses délibérations et soulignant les doutes qui pèsent sur la nature de deux de ces trois documents ainsi que sur la régularité des moyens par lesquels ils ont été obtenus, la Commission demande leur retrait du dossier, ainsi que celui des citations qui en sont faites dans les pourvois.

Appréciation de la Cour

60 Les documents dont la Commission demande le retrait ont été en réalité produits en première instance par ACB en annexe à sa réponse aux questions écrites du Tribunal. Or, si la Commission a marqué elle-même sa réticence à produire, à la suite de la demande de ce dernier, la lettre des autorités italiennes du 27 mars 1996, qui comportait en annexe l'un de ces documents - à savoir la note émanant de son service juridique - et si elle a indiqué qu'elle allait effectuer des vérifications pour savoir de quelle manière ce document avait pu se trouver en possession des autorités italiennes, il ne ressort pas du dossier qu'elle a demandé au Tribunal le retrait des trois documents litigieux après qu'ils eurent été produits par ACB.

61 Dès lors, ces documents font partie du dossier de première instance transmis à la Cour en application de l'article 111, paragraphe 2, du règlement de procédure de celle-ci et la Commission ne saurait en demander le retrait au motif qu'ils sont de nouveau produits et invoqués dans le cadre des pourvois. Une telle demande est irrecevable.

C - Sur le fond des pourvois

62 ACB et Falck reprochent au Tribunal une irrégularité de procédure ayant porté atteinte à leurs intérêts. Elles soutiennent également en substance que le Tribunal aurait commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en jugeant que les droits de la défense d'ACB ont été respectés pendant la procédure administrative et que l'arrêt attaqué est motivé de façon contradictoire sur ce point. Quant à la qualification et à l'appréciation des mesures en cause, ACB et Falck font valoir que le Tribunal a également commis plusieurs erreurs de droit et que ledit arrêt est insuffisamment motivé. Elles formulent le même type de griefs en ce qui concerne l'examen par le Tribunal de la décision attaquée en tant qu'elle prescrit le remboursement de certaines des aides versées à ACB et les modalités de ce remboursement.

1. Sur le moyen tiré d'une irrégularité de procédure ayant porté atteinte aux intérêts des requérantes

Argumentation des parties

63 En se référant aux conditions de production à l'audience de la lettre des autorités italiennes du 27 mars 1996 et de ses annexes, ACB et Falck soutiennent que le principe du contradictoire a été violé. Elles font valoir, ainsi que le montrerait le procès-verbal de l'audience, que leurs conseils n'ont pas eu le temps d'examiner ces documents, qui comportaient, selon elles, des annexes nombreuses et volumineuses, ni de les consulter à leur sujet. La possibilité d'un examen desdits documents au greffe le jour de l'audience n'aurait pas été de nature à satisfaire les exigences des droits de la défense. Or, à la suite de l'audience, le Tribunal n'aurait pas jugé utile de rouvrir la procédure orale en application de l'article 62 de son règlement de procédure.

64 Les requérantes reprochent en outre à l'arrêt attaqué de ne faire aucune mention des conditions de production de ladite lettre et estiment que le caractère succinct du procès-verbal de l'audience ne permet pas de pallier ce défaut. C'est pourquoi elles demandent à la Cour d'ordonner que la transcription intégrale de l'audience soit versée aux débats devant la Cour.

65 La Commission considère que ce moyen est artificiel. Selon elle, les requérantes connaissaient très certainement l'ensemble des documents en cause qui leur ont vraisemblablement été communiqués par les autorités italiennes, comme permettrait de le penser le fait que la note de son service juridique annexée à la lettre du 27 mars 1996 a été produite par ACB avant l'audience.

66 La Commission ajoute que, en tout état de cause, ni au cours de l'audience ni après celle-ci, alors que la réouverture de la procédure orale aurait pu être demandée par les requérantes, ces dernières n'ont soutenu que leurs droits de la défense avaient été méconnus. En tout état de cause, il serait nécessaire qu'elles démontrent que la production desdits documents est susceptible d'avoir exercé une influence décisive sur la solution du litige et qu'elles n'ont pas pu faire valoir les éléments pertinents avant la clôture de la procédure orale devant le Tribunal.

Appréciation de la Cour

67 Aux termes de l'article 51 du statut CECA de la Cour de justice, le pourvoi peut être fondé sur des moyens tirés d'irrégularités de procédure devant le Tribunal portant atteinte aux intérêts de la partie requérante.

68 En l'espèce, les requérantes allèguent en substance que les droits de la défense et le principe du contradictoire ont été violés compte tenu de la production tardive, lors de l'audience, de documents volumineux et des conditions dans lesquelles ceux-ci ont pu être examinés par leurs conseils le jour de l'audience.

69 À titre liminaire, il y a lieu de rejeter la demande des requérantes visant à ce que la transcription de l'audience devant le Tribunal soit versée aux débats devant la Cour. Les conditions dans lesquelles les documents mentionnés au point précédent ont été produits par la Commission et examinés par les conseils des requérantes ne font l'objet d'aucune contestation. À cet égard, le procès-verbal de l'audience est en tout état de cause suffisant pour connaître ces conditions, exposées au point 28 du présent arrêt. Il est par ailleurs constant que les requérantes n'ont pas, au cours de l'audience, invoqué l'impossibilité de réagir convenablement à la production desdits documents. Par conséquent, le versement au dossier de la transcription de l'audience ne serait d'aucune utilité pour l'appréciation du premier moyen soulevé par les requérantes.

70 Quant au fond, les requérantes n'indiquent nullement en quoi la production des documents en cause lors de l'audience devant le Tribunal a influé sur la solution du litige et, a fortiori, elles n'invoquent aucune considération relative au contenu de ces documents qui, si elle avait été présentée en première instance, aurait été susceptible d'exercer une telle influence. Dès lors, les requérantes ne démontrent pas que l'irrégularité de procédure qu'elles allèguent a porté atteinte à leurs intérêts et le moyen doit être rejeté.

2. Sur la méconnaissance des droits de la défense par la Commission au cours de la procédure administrative

Argumentation des parties

71 Falck et ACB font valoir que, au cours de la procédure administrative, ACB a sollicité la Commission à deux reprises pour être admise à participer à ladite procédure, mais que cette dernière n'a donné aucune suite à cette démarche. Selon elles, cette circonstance constitue une violation des droits de la défense. Contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal aux points 42 à 47 de l'arrêt attaqué, le seul traitement d'«intéressé» visé par l'ouverture de la procédure prévue à l'article 6, paragraphe 4, du cinquième code, qui ne donnerait pas le droit d'être entendu au bénéficiaire d'une aide d'État faisant l'objet d'une telle procédure, serait insuffisant pour garantir les droits de la défense de ce dernier.

72 À cet égard, le gouvernement italien soutient que la nécessité de mettre les intéressés en demeure de présenter leurs observations ne saurait se limiter à formuler cette mise en demeure dans la décision d'ouvrir la procédure publiée au Journal officiel des Communautés européennes. Il serait nécessaire que le principe du contradictoire soit effectivement respecté et que, lorsque le bénéficiaire des aides demande à être entendu, à tout le moins, la Commission réponde à cette demande.

73 Par ailleurs, les requérantes décèlent des contradictions dans la motivation de l'arrêt attaqué en ce qui concerne le respect des droits de la défense. En effet, le Tribunal rappellerait la nécessité de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations, mais il n'aurait pas sanctionné la Commission qui se serait abstenue de le faire. Le Tribunal aurait jugé que le bénéficiaire de l'aide a le droit d'être associé à la procédure, dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d'espèce, mais il n'aurait pas vérifié si tel avait été le cas dans la présente affaire. Selon les requérantes, s'il l'avait fait, il aurait conclu que, en raison de ce défaut d'association d'ACB à la procédure, la Commission avait examiné les mêmes aides dans deux décisions différentes et qu'elle n'avait pas vérifié la manière dont ces aides avaient été utilisées, parvenant ainsi à une décision erronée. Le Tribunal aurait dû conclure que la Commission n'avait pas satisfait à l'obligation d'examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d'espèce. Les requérantes estiment que l'arrêt attaqué est également entaché de contradictions pour les raisons suivantes:

- il y serait fait grief à ACB de ne pas avoir fait valoir certains éléments au cours de la procédure administrative, alors qu'elle n'en aurait pas eu l'opportunité;

- les offres de preuve d'ACB concernant l'utilisation des aides auraient été acceptées par le Tribunal, mais l'arrêt attaqué conclurait que, en tout état de cause, seule la Commission peut accorder une dérogation à l'interdiction des aides prévue à l'article 4, sous c), du traité.

74 La Commission fait valoir, en premier lieu, que la violation des droits de la défense n'a été soulevée en première instance qu'à l'égard d'ACB et que, par conséquent, les pourvois ne sont pas recevables sur ce point à l'égard de Falck.

75 Elle rappelle que, en tout état de cause, la procédure de contrôle des aides d'État s'exerce à l'égard de l'État membre concerné. Pour cette raison, la Commission ne serait pas tenue de procéder à un débat contradictoire avec les entreprises intéressées, qu'elles soient bénéficiaires de l'aide ou plaignantes. Les obligations de la Commission à l'égard de ces entreprises se limiteraient à solliciter leurs observations en cas d'ouverture de la procédure, ce qui serait fait au moyen de la publication de la décision prise à cet égard. La Commission se réfère sur ce point au règlement (CE) n_ 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE (JO L 83, p. 1, ci-après le «règlement `procédure aides d'État CE'»), qui aurait repris les principes jurisprudentiels retenus en matière de contrôle des aides d'État.

76 La Commission souligne que le Tribunal a constaté, au point 46 de l'arrêt attaqué, qu'ACB avait été mise en mesure de présenter ses observations à l'occasion de l'ouverture de la procédure, mais qu'elle n'avait pas fait usage de cette possibilité. Une telle constatation des faits ne pourrait pas être remise en cause dans le cadre d'un pourvoi. Dans de telles conditions, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir tenu compte d'éventuels éléments de fait ou de droit qui auraient pu lui être présentés pendant la procédure administrative, mais qui ne l'ont pas été, la Commission n'étant pas dans l'obligation d'imaginer d'office quels sont les éléments qui auraient pu lui être soumis. Elle se réfère à cet égard au point 60 de l'arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France (C-367/95 P, Rec. p. I-1719).

Appréciation de la Cour

77 Sont alléguées, simultanément, une erreur de droit, une appréciation erronée des faits ainsi que des contradictions de motifs dans l'arrêt attaqué.

78 En substance, l'erreur de droit résiderait dans le fait d'estimer que la mise en demeure faite aux intéressés de présenter leurs observations sur la décision de la Commission d'ouvrir la procédure prévue à l'article 6, paragraphe 4, du cinquième code est suffisante pour assurer les droits de la défense du bénéficiaire de l'aide faisant l'objet de cette procédure, alors même que celui-ci a expressément demandé à être entendu par la Commission et que cette dernière n'a réservé aucune suite particulière à cette demande.

79 Lors de la phase d'examen prévue à l'article 6, paragraphe 4, du cinquième code, régie par des dispositions semblables à celles de l'article 93, paragraphe 2, du traité CE (devenu article 88, paragraphe 2, CE) en ce qui concerne la participation des intéressés à la procédure, la Commission doit mettre les intéressés en demeure de présenter leurs observations.

80 La Cour a jugé, dans le cadre de l'application de l'article 93, paragraphe 2, du traité, que la publication d'un avis au Journal officiel des Communautés européennes constitue un moyen adéquat en vue de faire connaître à tous les intéressés l'ouverture d'une procédure (arrêt du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, Rec. p. 3809, point 17). Cette communication vise à obtenir, de la part des intéressés, toutes informations destinées à éclairer la Commission dans son action future (arrêt du 12 juillet 1973, Commission/Allemagne, 70/72, Rec. p. 813, point 19). Une telle procédure donne aussi aux autres États membres et aux milieux concernés la garantie de pouvoir se faire entendre (arrêt du 20 mars 1984, Allemagne/Commission, 84/82, Rec. p. 1451, point 13). Les mêmes principes trouvent à s'appliquer dans le cadre du cinquième code.

81 La procédure de contrôle des aides d'État, notamment celle prévue par le cinquième code, est cependant, compte tenu de son économie générale, une procédure ouverte vis-à-vis de l'État membre responsable, au regard de ses obligations communautaires, de l'octroi de l'aide. C'est ainsi que, pour respecter les droits de la défense, dans la mesure où cet État membre n'a pas été mis en mesure de commenter certaines informations, la Commission ne peut pas les retenir dans sa décision contre cet État (voir arrêt du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, dit «Meura», 234/84, Rec. p. 2263, point 29).

82 Dans la procédure de contrôle des aides d'État, les intéressés autres que l'État membre concerné n'ont que le rôle rappelé au point 80 du présent arrêt et, à cet égard, ils ne sauraient prétendre eux-mêmes à un débat contradictoire avec la Commission, tel que celui ouvert au profit dudit État membre (arrêt Commission/Sytraval et Brink's France, précité, point 59).

83 Aucune disposition de la procédure de contrôle des aides d'État ne réserve, parmi les intéressés, un rôle particulier au bénéficiaire de l'aide. À cet égard, il y a lieu de préciser que la procédure de contrôle des aides d'État n'est pas une procédure ouverte «à l'encontre» du bénéficiaire ou des bénéficiaires des aides qui impliquerait que celui-ci ou ces derniers puissent se prévaloir de droits aussi étendus que les droits de la défense en tant que tels.

84 Le Tribunal a donc pu légalement considérer que, lorsque la Commission a effectué la publication mentionnée au point 80 du présent arrêt, c'est-à-dire lorsqu'elle a notamment invité le bénéficiaire de l'aide à présenter ses observations et que, ainsi qu'il a été constaté au point 46 de l'arrêt attaqué, ledit bénéficiaire n'a pas fait usage de cette possibilité, la Commission n'a violé aucun de ses droits.

85 Il convient de préciser que la constatation selon laquelle ACB n'a pas fait usage de la faculté de présenter ses observations est une question d'appréciation des faits qu'il n'appartient pas à la Cour de réexaminer dans le cadre d'un pourvoi, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments qui ont été soumis au Tribunal (voir, notamment, arrêt du 15 juin 2000, TEAM/Commission, C-13/99 P, Rec. p. I-4671, point 63). En l'espèce, une telle dénaturation ne ressort pas de l'examen du dossier.

86 Les moyens tirés d'une erreur de droit et d'une appréciation erronée des faits doivent donc être rejetés.

87 Les contradictions de motifs alléguées par les requérantes ne sont en outre pas établies.

88 En effet, contrairement à ce que soutiennent Falck et ACB, le Tribunal n'a nullement rappelé la nécessité de mettre les intéressés en demeure de présenter leurs observations, puis omis de sanctionner la Commission pour ne pas l'avoir fait, puisqu'il a au contraire constaté, au point 46 de l'arrêt attaqué, que cette dernière société avait été mise en mesure de faire valoir ses observations par la Commission.

89 De même, le Tribunal n'a nullement relevé que le bénéficiaire de l'aide doit être associé à la procédure dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances, puis omis de vérifier si tel avait été le cas puisque, également au point 46 de l'arrêt attaqué, il a considéré qu'une telle exigence avait été satisfaite.

90 Il résulte également du fait que le Tribunal a considéré qu'ACB avait été mise en mesure de présenter ses observations que cette juridiction n'a entaché son raisonnement d'aucune contradiction en constatant, au point 117 de l'arrêt attaqué, qu'ACB n'avait pas produit les éléments de preuve susceptibles de démontrer que les aides en cause pouvaient bénéficier des dérogations prévues au cinquième code.

91 Enfin, il n'y a non plus aucune contradiction dans l'arrêt attaqué entre le fait d'examiner si des éléments invoqués par les requérantes devant le Tribunal pour démontrer que les aides en cause étaient compatibles avec le marché commun permettaient de conclure que la Commission a effectué à cet égard une appréciation erronée (points 120 à 132 de l'arrêt attaqué) et le fait de préciser, en substance, qu'une répartition des dépenses d'achat de matériels entre différents postes d'investissements faite conformément à la législation nationale ne saurait s'imposer à la Commission, qui doit apprécier la compatibilité des aides d'État avec le marché commun dans un contexte communautaire (point 135 de l'arrêt attaqué).

92 Il s'ensuit que les griefs liés à la prétendue méconnaissance des droits de la défense doivent être rejetés dans leur ensemble.

3. Sur la qualification et l'appréciation des mesures en cause

93 Falck et ACB font valoir que l'arrêt attaqué est entaché d'erreurs de droit ou d'insuffisances de motivation à divers égards.

a) Sur l'incidence des aides en cause sur les échanges intracommunautaires et la concurrence

Argumentation des parties

94 Les requérantes soutiennent que l'arrêt attaqué confirme à tort la thèse de la Commission selon laquelle, dans le cadre du traité CECA, des aides étatiques ne doivent pas nécessairement avoir une incidence sur les échanges intracommunautaires et la concurrence pour relever de l'interdiction édictée à l'article 4, sous c), dudit traité. Or, à l'instar des dispositions du traité CE sur les aides d'État, ladite disposition du traité CECA ne viserait que les aides ayant une incidence sur ces éléments. Le Tribunal aurait à cet égard négligé l'orientation définie par la Cour en ce qui concerne la nécessité d'interpréter et d'appliquer les traités communautaires conformément à des finalités, un ratio et un esprit communs, orientation qui résulterait de l'arrêt du 22 février 1990, Busseni (C-221/88, Rec. p. I-495).

95 Le gouvernement italien ajoute que, en tout état de cause, le fait que l'article 4, sous c), du traité CECA vise les aides accordées «sous quelque forme que ce soit» ne signifie pas qu'il vise des aides qui n'auraient, réellement ou potentiellement, aucun effet sur les échanges intracommunautaires et la concurrence. Il souligne que la Commission elle-même, dans la partie IV, premier alinéa, des motifs de la décision attaquée, a indiqué que «la réglementation communautaire en matière d'aides à la sidérurgie [est] justifiée par les graves distorsions de concurrence que pourraient [causer] les aides incompatibles avec le marché commun» et que, par conséquent, la Commission doit examiner l'existence d'une incidence sur la concurrence et les échanges lorsqu'elle se prononce sur la légalité des aides accordées à une entreprise sidérurgique et la nécessité de récupérer celles-ci.

96 Les requérantes ajoutent que le caractère impératif de l'interdiction des aides d'État établie par l'article 4, sous c), du traité, sur lequel le Tribunal s'est notamment fondé, est démenti par l'adoption, depuis 1980, des six codes des aides à la sidérurgie, qui ont institué des dérogations au principe de l'interdiction de celles-ci. La possibilité, pour les États membres, d'accorder sous certaines conditions des aides conduirait désormais à faire relever cette matière de l'article 67 du traité CECA, lequel ne s'appliquerait que dans la mesure où les actions qu'il vise sont susceptibles d'avoir des répercussions sensibles sur les conditions de concurrence. Par conséquent, l'action de la Commission au titre de l'article 67 dudit traité visant à rétablir la concurrence, le Tribunal aurait dû vérifier si les aides en cause avaient eu une quelconque répercussion sur les échanges intracommunautaires et si leur récupération pourrait avoir une incidence sur la concurrence, compte tenu du temps écoulé depuis leur octroi. Le Tribunal aurait d'ailleurs reconnu que l'article 4, sous c), du traité n'a pas un caractère absolu. Les requérantes se réfèrent à cet égard à l'arrêt du Tribunal du 24 octobre 1997, EISA/Commission (T-239/94, Rec. p. II-1839, point 62).

97 À l'appui de l'interprétation retenue dans l'arrêt attaqué, la Commission invoque l'ordonnance du président de la Cour du 3 mai 1996, Allemagne/Commission (C-399/95 R, Rec. p. I-2441), pour illustrer la rigueur de la réglementation des aides dans le cadre du traité CECA, ainsi que l'arrêt du Tribunal EISA/Commission, précité.

98 La Commission ajoute que l'assimilation des règles du système mis en place par le traité CECA à celui du traité CE en matière d'aides d'État se heurte aux dispositions de l'article 232 du traité CE (devenu article 305 CE), qui établirait que le traité CE ne peut s'appliquer à des produits relevant du traité CECA que dans la mesure où les questions soulevées ne font pas l'objet de dispositions du traité CECA. L'arrêt Busseni, précité, qui appliquerait ce principe en le poussant à ses limites serait isolé et la Cour aurait à maintes reprises rejeté les arguments visant à démontrer la primauté du traité CE. La Commission se réfère à cet égard aux arrêts du 28 juin 1984, Mabanaft (36/83, Rec. p. 2497), du 13 avril 1994, Banks (C-128/92, Rec. p I-1209), et du 2 mai 1996, Hopkins e.a. (C-18/94, Rec. p. I-2281).

Appréciation de la Cour

99 Aux termes de l'article 232, paragraphe 1, du traité CE:

«Les dispositions du présent traité ne modifient pas celles du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier, notamment en ce qui concerne les droits et obligations des États membres, les pouvoirs des institutions de cette Communauté et les règles posées par ce traité pour le fonctionnement du marché commun du charbon et de l'acier».

100 Il en résulte que, en ce qui concerne le fonctionnement du marché commun, les règles du traité CECA et l'ensemble des dispositions prises pour son application demeurent en vigueur, nonobstant l'intervention du traité CE (voir arrêt du 24 octobre 1985, Gerlach, 239/84, Rec. p. 3507, point 9). Certes, dans la mesure où des questions ne font pas l'objet de dispositions du traité CECA ou de réglementations adoptées sur la base de ce dernier, le traité CE et les dispositions prises pour son application peuvent s'appliquer à des produits relevant du traité CECA (arrêt du 15 décembre 1987, Deutsche Babcock, 328/85, Rec. p. 5119, point 10).

101 Cependant, la question de l'octroi d'aides d'État fait l'objet des dispositions de l'article 4, sous c), du traité CECA. Contrairement à l'article 92, paragraphe 1, du traité CE (devenu, après modification, article 87, paragraphe 1, CE), qui ne vise les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions, que dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, l'article 4, sous c), du traité CECA vise purement et simplement les aides accordées par les États sous quelque forme que ce soit.

102 Cette différence claire de rédaction entre les dispositions de l'article 4, sous c), du traité CECA et celles de l'article 92, paragraphe 1, du traité CE suffit à établir que, en ce qui concerne la question des aides d'État, les États membres n'ont pas entendu retenir les mêmes règles ni le même champ d'intervention des Communautés et que, pour relever des dispositions de l'article 4, sous c), du traité CECA, une mesure d'aide ne doit pas nécessairement avoir d'incidence sur les échanges entre États membres ou sur la concurrence (voir arrêt du 21 juin 2001, Moccia Irme e.a./Commission, C-280/99 P à C-282/99 P, Rec. p. I-4717, points 32 et 33).

103 Le fait que, sur le fondement de l'article 95 du traité CECA, la Commission a, sur avis conforme du Conseil de l'Union européenne et après avis du Comité consultatif, pris des dispositions pour que certaines aides soient autorisées dans le champ d'application dudit traité n'est pas de nature à modifier la définition de l'aide telle qu'elle est énoncée à l'article 4, sous c), du même traité.

104 Il s'ensuit que c'est à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 114 de l'arrêt attaqué, que la Commission n'avait pas à vérifier que les aides visées par la décision attaquée avaient une incidence sur les échanges entre États membres ainsi que sur la concurrence. Le moyen tiré de l'existence d'une erreur de droit sur ce point doit donc être rejeté.

b) Sur la question du code des aides à la sidérurgie applicable

Argumentation des parties

105 Les requérantes soutiennent que, en jugeant que, lorsque la période d'applicabilité d'un code des aides à la sidérurgie est achevée, la Commission n'a plus le pouvoir d'autoriser au titre de ce code une aide non notifiée et doit appliquer le code en vigueur à la date de l'adoption de sa décision, le Tribunal a commis une erreur de droit.

106 Falck rappelle qu'en première instance ACB et elle-même ont soutenu qu'une telle thèse conduit à appliquer à des événements des règles qui n'étaient pas en vigueur à la date à laquelle ils ont épuisé leurs effets, en méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime et de la maxime tempus regit actum. ACB reprend ces arguments dans le cadre de son pourvoi, en ajoutant que cette thèse viole également le principe de sécurité juridique. Falck et ACB soutiennent en substance que les codes successifs ont instauré un régime permanent de dérogations à l'interdiction des aides et que le code en vigueur à une date donnée donne compétence à la Commission pour autoriser des aides à cette date, mais que, dans l'exercice de cette compétence, la Commission doit appliquer les règles de fond du code en vigueur à la date de l'octroi des aides. À défaut, il y aurait application rétroactive des règles de fond.

107 À cet égard, Falck et ACB estiment que l'arrêt du 3 octobre 1985, Allemagne/Commission (214/83, Rec. p. 3053), sur lequel le Tribunal s'est fondé ne concernerait pas le problème de l'application dans le temps des codes successifs, en particulier en ce qui concerne les règles de fond. Falck souligne également que la thèse retenue par le Tribunal est contredite par la décision 91/176, dans le cadre de laquelle la Commission aurait appliqué le code en vigueur à la date du versement effectif de l'aide. Elle fait valoir que cette solution est également incorrecte, car seul devrait être appliqué le code en vigueur à la date de la décision d'attribuer des aides, mais qu'elle a au moins le mérite d'éviter une trop grande incertitude en ce qui concerne les règles applicables, alors que la solution retenue par le Tribunal conduit à autoriser la Commission à choisir le régime applicable en fonction du moment où elle prend sa décision.

108 ACB considère en outre que les documents qui constituent les annexes 3, 4, 5 et 6 de la réponse aux questions qui lui ont été posées par le Tribunal, notamment la note du service juridique de la Commission, permettaient de conclure que la Commission et ses services avaient déjà pris une position favorable à l'application du code des aides en vigueur à la date de l'octroi de l'aide elle-même (comme cela aurait été admis dans plusieurs décisions de la Commission). ACB reproche au Tribunal de n'avoir tenu aucun compte de ces éléments pour retenir la thèse qui aboutit en l'espèce à justifier l'application du cinquième code.

109 Sur cette question, ACB allègue également une insuffisance de motivation de l'arrêt attaqué. Selon elle, le Tribunal se serait en effet contenté de juger que la Commission avait clairement indiqué quelles étaient les dispositions applicables.

110 Le gouvernement italien considère que le Tribunal a, comme la Commission, confondu les aspects relatifs à la légalité des aides non notifiées et ceux liés à leur compatibilité. La réglementation à prendre en considération pour apprécier la compatibilité desdites aides serait celle en vigueur à la date à laquelle celles-ci doivent être octroyées, même si le défaut de notification en temps utile conduit à les considérer comme illégales. Le principe de sécurité juridique interdirait en effet de rendre applicable à des aides un code entré en vigueur postérieurement à leur octroi.

111 La Commission souscrit en revanche au raisonnement retenu par le Tribunal aux points 59 à 65 de l'arrêt attaqué. Elle souligne qu'il est significatif que les codes ne mentionnent même pas la possibilité d'autoriser des aides non notifiées et rappelle que, dans l'arrêt du 3 octobre 1985, Allemagne/Commission, précité, la Cour a jugé que la Commission ne dispose pas du pouvoir d'autoriser des aides à la sidérurgie si le projet tendant à les instituer ou à les modifier ne lui a pas été notifié avant l'échéance prévue par chacun des codes. Il en résulterait que la seule base juridique pour l'examen de telles aides serait le code en vigueur à la date de l'adoption de la décision de la Commission. La distinction faite par les requérantes entre règles de compétence et règles de fond serait dénuée de tout fondement, la compétence ne pouvant s'exercer que pour se prononcer sur la compatibilité au regard des règles de fond.

112 La Commission soutient également que le Tribunal n'a méconnu ni le principe de sécurité juridique ni celui de protection de la confiance légitime, non plus que la maxime tempus regit actum. Selon la Commission, pour ce qui est du premier principe, le Tribunal a bien précisé, aux points 64 et 65 de l'arrêt attaqué, que, dans le cas d'aides non notifiées, ni l'État membre ni l'entreprise bénéficiaire ne peuvent exiger que la Commission exerce son contrôle de compatibilité au regard d'un code abrogé. En ce qui concerne le second principe susmentionné, la Commission rappelle qu'en règle générale les entreprises bénéficiaires d'une aide ne peuvent avoir une confiance légitime dans la régularité de l'aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue. Ce principe, énoncé dans le cadre de la réglementation prévue par le traité CE, devrait s'appliquer avec une rigueur encore plus grande dans le cadre de la réglementation édictée par le traité CECA. Quant à la maxime tempus regit actum, elle confirmerait tout au plus qu'un acte adopté par la Commission ne saurait se fonder que sur la réglementation en vigueur à la date de son adoption.

113 La Commission soutient enfin que l'avis du service juridique ne traite pas de la question du droit applicable ratione temporis et que les prétendues notes émanant de ses services mentionnent des décisions entièrement étrangères à cette question puisqu'elles auraient été adoptées au sujet de projets d'aides relevant du traité CECA dûment notifiés ou de projets d'aides relevant du traité CE. La décision 91/176 ne confirmerait pas non plus les thèses des requérantes, puisqu'elle exclurait expressément, dans la partie V de ses motifs, l'application du code en vigueur à la date de l'octroi des aides. Cette décision contiendrait cependant une imperfection, dans la mesure où elle considère comme applicable le code en vigueur à la date du versement effectif des aides plutôt que celui en vigueur au moment où la Commission se prononce au sujet de celles-ci. Il s'agirait cependant d'une erreur sans conséquence, étant donné que, comme l'indiquerait la décision 91/176 elle-même, les deux codes en cause contenaient la même réglementation.

114 Pour répondre aux critiques d'ACB relatives à la motivation de l'arrêt attaqué en ce qui concerne la question de savoir quel est le code applicable, la Commission souligne que, aux points 170 et 171 dudit arrêt, le Tribunal a relevé que la Commission avait précisé quels étaient les motifs qui l'avaient conduite à appliquer le cinquième code. Le moyen soulevé serait en tout état de cause sans portée, puisque la décision attaquée aurait également établi l'incompatibilité des aides en cause avec le deuxième code.

Appréciation de la Cour

115 Le Tribunal a à juste titre considéré, au point 61 de l'arrêt attaqué, que, contrairement aux dispositions du traité CE relatives aux aides d'État, qui habilitent de façon permanente la Commission à statuer sur leur compatibilité, les codes des aides n'attribuent cette compétence à la Commission que pour une période déterminée.

116 Dès lors, si des aides que les États membres souhaitent faire autoriser au titre d'un code ne sont pas notifiées pendant la période prévue par celui-ci pour procéder à cette notification, la Commission ne peut plus se prononcer sur la compatibilité de ces aides au regard dudit code (voir arrêts du 3 octobre 1985, Allemagne/Commission, précité, points 40 à 47, et du 13 juillet 2000, Salzgitter/Commission, C-210/98 P, Rec. p. I-5843, points 49 à 55). Le fait que la Commission ou ses services ont pu, le cas échéant, prendre une position contraire dans certaines circonstances n'est pas de nature à remettre en cause cette conclusion.

117 Par ailleurs, la compatibilité d'aides avec le marché commun ne saurait, dans le contexte des codes des aides à la sidérurgie, être appréciée qu'au regard des règles en vigueur à la date à laquelle elles sont effectivement versées.

118 Il y a lieu à cet égard de relever que, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal au point 65 de l'arrêt attaqué et à ce que soutient la Commission, appliquer les règles du code en vigueur à la date à laquelle la Commission prend une décision relative à la compatibilité d'aides qui ont été versées sous l'empire d'un code précédent conduit bien à une application rétroactive d'une réglementation communautaire.

119 Or, en règle générale, le principe de sécurité juridique s'oppose à ce que le point de départ de l'application dans le temps d'un acte communautaire soit fixé à une date antérieure à celle de sa publication, sauf lorsque, à titre exceptionnel, le but à atteindre l'exige et que la confiance légitime des intéressés est dûment respectée (arrêt du 25 janvier 1979, Racke, 98/78, Rec. p. 69, point 20). À cet égard, les règles communautaires de droit matériel doivent être interprétées, en vue de garantir le respect des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, comme ne visant des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur que dans la mesure où il ressort clairement de leurs termes, finalités ou économie qu'un tel effet doit leur être attribué (voir, notamment, arrêts du 29 janvier 1985, Gesamthochschule Duisburg, 234/83, Rec. p. 327, point 20, et du 15 juillet 1993, GruSa Fleisch, C-34/92, Rec. p. I-4147, point 22).

120 S'agissant en particulier du cinquième code, aucune disposition de son libellé n'établit qu'il pourrait être appliqué rétroactivement. En outre, il ressort de l'économie et des finalités des codes des aides successifs que chacun de ceux-ci établit des règles d'adaptation de l'industrie sidérurgique aux objectifs des articles 2, 3 et 4 du traité CECA en fonction des besoins existant à une période donnée. Dès lors, l'application de règles adoptées à une certaine période, en fonction de la situation de celle-ci, à des aides versées au cours d'une période précédente ne correspondrait pas à l'économie et aux finalités de ce type de réglementation.

121 Il s'ensuit que le cinquième code ne pouvait pas faire l'objet d'une application rétroactive aux aides visées par la décision attaquée et que, par conséquent, compte tenu également de l'impossibilité d'appliquer le deuxième code, relevée au point 116 du présent arrêt, la Commission ne pouvait, en tout état de cause, déclarer les aides compatibles avec le marché commun, que ce soit au titre de l'un ou l'autre code. Lesdites aides étaient ainsi interdites par l'article 4, sous c), du traité CECA.

122 Il en résulte que les erreurs de droit commises à cet égard dans la décision et dans l'arrêt attaqués ne sauraient avoir de conséquence sur la régularité de ceux-ci. En effet, même en l'absence de telles erreurs de droit, le dispositif de la décision attaquée, en ce qui concerne la compatibilité des aides en cause avec le marché commun, aurait été identique et le Tribunal aurait dû, en tout état de cause, confirmer ladite décision sur ce point. Le moyen tiré d'une erreur de droit dans le choix du code des aides applicable est donc inopérant (voir, en ce sens, arrêts du 23 avril 1986, Bernardi/Parlement, 150/84, Rec. p. 1375, point 28, et Commission/Sytraval et Brink's France, précité, points 47 à 49 et 78).

123 S'agissant du défaut de motivation allégué, évoqué au point 109 du présent arrêt, il n'est pas établi. Contrairement à ce que soutient ACB, le Tribunal ne s'est nullement contenté de juger que la Commission avait clairement indiqué quel était le code des aides applicable, mais il a développé, aux points 59 à 68 de l'arrêt attaqué, un raisonnement juridique aboutissant à la conclusion que la Commission n'était pas tenue de se référer aux anciens codes des aides.

c) Sur la question des obligations de la Commission au regard des éléments à réunir pour se prononcer sur la compatibilité des aides

124 Dans le cadre d'un moyen plus général visant à démontrer que le Tribunal aurait violé un principe d'interdiction des décisions présentant le caractère d'une sanction, Falck et ACB soutiennent en substance que l'arrêt attaqué est entaché d'une troisième erreur de droit dans la mesure où il disposerait que la Commission a pu se fonder sur les seuls éléments en sa possession à la date de l'adoption de la décision attaquée pour se prononcer sur la compatibilité des aides en cause.

125 Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le bien-fondé de ce grief, celui-ci doit être rejeté comme inopérant compte tenu du fait que, ainsi qu'il a été dit au point 121 du présent arrêt, la Commission ne pouvait pas déclarer les aides en cause compatibles avec le marché commun.

4. Sur la décision de la Commission de demander le remboursement de certaines des aides versées à ACB et sur les modalités de ce remboursement

a) Sur le respect des principes de protection de la confiance légitime, de bonne foi et de coopération loyale

Argumentation des parties

126 Falck et ACB allèguent que, en ne reconnaissant pas une confiance légitime dans le chef d'ACB, le Tribunal a méconnu, en dépit des circonstances de l'affaire qui avaient été évoquées en première instance, les principes de protection de la confiance légitime, de bonne foi et de coopération loyale, dont l'application aurait été de nature à s'opposer au remboursement des aides en cause.

127 Elles évoquent à cet égard différents éléments factuels qui pouvaient, selon elles, fonder une confiance légitime dans la régularité des aides octroyées. En particulier, Falck et ACB estiment que les délais écoulés entre les différents événements justifiaient une telle confiance. Or, sur ce point, le Tribunal se serait contenté d'indiquer qu'une mesure de récupération est légale même si elle est mise en oeuvre longtemps après l'octroi de l'aide.

Appréciation de la Cour

128 Ainsi qu'il est rappelé au point 85 du présent arrêt, il n'appartient pas à la Cour de réexaminer l'appréciation des faits opérée par le Tribunal dans le cadre d'un pourvoi, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments qui ont été soumis à ce dernier.

129 Or, à l'exception du grief tiré de ce que le Tribunal ne pouvait pas se contenter d'indiquer qu'une mesure de récupération d'une aide d'État est légale même si elle est mise en oeuvre longtemps après l'octroi de l'aide en question, qui porte sur un point de droit qu'il convient d'examiner avec le moyen suivant lié au caractère tardif de l'action de la Commission, tous les autres griefs invoqués par Falck et ACB pour dénoncer la méconnaissance par le Tribunal des principes de protection de la confiance légitime, de bonne foi et de coopération loyale mettent en cause l'appréciation des faits par ce dernier. Aussi, dès lors que l'examen du dossier ne fait pas apparaître une dénaturation de ces faits, lesdits griefs doivent être rejetés comme irrecevables.

b) Sur l'action tardive de la Commission

Argumentation des parties

130 Falck et ACB soutiennent que, en confirmant la décision de la Commission de demander le remboursement de certaines aides, le Tribunal a violé des règles relatives à la prescription et commis ainsi une erreur de droit. Elles reprochent à cet égard à l'arrêt attaqué de reposer uniquement sur un argument a contrario en partie implicite, à savoir celui selon lequel, puisque le législateur communautaire n'a institué de délai de prescription en matière d'aides d'État que dans le cadre du règlement «procédure aides d'État CE», entré en vigueur le 16 avril 1999, une situation ne relevant pas ratione materiae de ce règlement ne pourrait se voir appliquer de prescription concernant l'exigence de remboursement d'une aide d'État.

131 Or, la référence au règlement «procédure aides d'État CE» serait sans pertinence puisque celui-ci concerne le champ d'application du traité CE. En tout état de cause, ce règlement ne serait qu'une codification de règles préexistantes et, comme l'indiquerait son quatorzième considérant, la règle de prescription qu'il définit trouverait sa justification dans le respect du principe de sécurité juridique, commun aux champs d'application des traités CE et CECA.

132 Les requérantes soulignent que, dans certains domaines, des dispositions ont certes défini précisément un délai de prescription, mais que la Cour a jugé que, en l'absence de texte à cet égard, l'exigence fondamentale de sécurité juridique s'oppose à ce que la Commission puisse retarder indéfiniment l'exercice de son pouvoir d'infliger des amendes (arrêt du 14 juillet 1972, Geigy/Commission, 52/69, Rec. p. 787, points 20 et 21). Elles se réfèrent également à l'arrêt du Tribunal du 27 janvier 2000, Branco/Commission (T-194/97 et T-38/98, Rec. p. II-69, points 90 et 91), dans lequel celui-ci aurait jugé que le dépassement d'un délai raisonnable entre la date à laquelle la Commission a eu connaissance de certains faits et celle où la décision adoptée à raison de ces faits est arrêtée - en l'occurrence un délai de plus de seize mois - peut justifier l'annulation de ladite décision pour méconnaissance du principe de sécurité juridique.

133 Selon les requérantes, s'il fallait déterminer en l'espèce un délai de prescription par analogie, il conviendrait de se référer à ceux de trois ou de cinq ans prévus à l'article 1er de la décision n_ 715/78/CECA de la Commission, du 6 avril 1978, relative à la prescription en matière de poursuites et d'exécution dans le domaine d'application du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier (JO L 94, p. 22), plutôt qu'au délai de dix ans mentionné dans le règlement «procédure aides d'État CE».

134 Les requérantes soutiennent qu'elles ont déjà invoqué ces arguments au cours de l'audience devant le Tribunal et que la Commission avait connaissance des mécanismes mis en oeuvre au profit d'ACB dès l'année 1983, c'est-à-dire après que le plan de restructuration de cette dernière lui a été notifié. Elles s'étonnent de l'absence de référence à ces arguments dans l'arrêt attaqué et y voient un défaut ou une insuffisance de motivation de celui-ci. Elles estiment que la Cour devrait, si l'état du dossier le permet, statuer définitivement sur le litige en appliquant un délai de prescription de cinq ans.

135 Le gouvernement italien soutient en substance la position des requérantes.

136 La Commission fait tout d'abord valoir que, si le règlement «procédure aides d'État CE» n'est certes pas applicable aux aides relevant du traité CECA, elle ne voit pas la raison pour laquelle une référence à ce règlement serait illégitime.

137 La Commission admet ensuite que l'ordre juridique communautaire connaît des délais de prescription de durées diverses et soumis à différentes réglementations, mais soutient qu'il n'existe aucun exemple de délai de prescription établi par le juge communautaire. L'arrêt Geigy/Commission, précité, loin de confirmer les thèses des requérantes, les infirmerait au contraire, le point 21 de cet arrêt jugeant que, pour remplir sa fonction, un délai de prescription doit être fixé d'avance, la fixation de ce délai et de ses modalités d'application relevant de la compétence du législateur communautaire. Selon la Commission, si des normes de ce type sont établies ex ante par le législateur, elles garantissent la sécurité juridique alors que si, au contraire, elles sont établies ex post par le juge communautaire, elles ne sont aucunement prévisibles, de sorte que les intéressés ne peuvent pas en tenir compte dans la détermination de leur propre conduite et ces normes nuisent alors à la sécurité juridique.

138 La Commission soutient enfin que l'application par analogie de la décision n_ 715/78 ne saurait être retenue. Elle fait valoir que cette décision concerne le pouvoir de la Commission d'infliger des amendes et des astreintes dans les cas où de telles amendes ou astreintes sont prévues par le traité CECA. Étant donné que la récupération des aides n'a pas la nature d'une sanction, rien ne permettrait une application par analogie de ladite décision. En outre, cette décision prévoirait trois délais de prescription différents et instaurerait deux régimes différents en ce qui concerne l'interruption et la suspension de la prescription en matière de poursuites. La Commission ne voit pas selon quels critères il conviendrait de choisir entre ces différents régimes, dont aucun ne conviendrait pour la récupération des aides.

Appréciation de la Cour

139 Ainsi que la Cour l'a jugé au point 21 de l'arrêt Geigy/Commission, précité, pour remplir sa fonction, un délai de prescription doit être fixé d'avance et la fixation de ce délai et de ses modalités d'application relève de la compétence du législateur communautaire. Or, ce dernier n'est pas intervenu pour fixer un délai de prescription dans le domaine du contrôle des aides accordées au titre du traité CECA.

140 Cependant, ainsi que la Cour l'a également jugé au même point de l'arrêt Geigy/Commission, précité, en l'absence de texte à cet égard, l'exigence fondamentale de la sécurité juridique s'oppose à ce que la Commission puisse retarder indéfiniment l'exercice de ses pouvoirs.

141 Par conséquent, le Tribunal a commis une erreur de droit en limitant son examen du grief relatif à l'action tardive de la Commission à la constatation selon laquelle aucun délai de prescription n'existait dans le domaine considéré et en ne vérifiant pas si cette dernière n'avait pas agi de manière excessivement tardive. Il y a lieu d'annuler l'arrêt attaqué à cet égard.

142 Aux termes de l'article 54, premier alinéa, du statut CECA de la Cour de justice, lorsque la Cour annule la décision du Tribunal, elle peut soit statuer elle-même définitivement sur le litige lorsque celui-ci est en état d'être jugé, soit renvoyer l'affaire devant le Tribunal pour qu'il statue.

143 En l'espèce, le litige est en état d'être jugé sur ce point et il convient d'examiner immédiatement le moyen tiré de l'action tardive de la Commission afin de vérifier s'il permet de faire droit aux conclusions déposées en première instance par ACB ou si son rejet implique l'examen des autres moyens du pourvoi.

144 L'examen du dossier conduit à rejeter le grief de première instance tiré d'une action excessivement tardive de la Commission. En effet, les aides les plus anciennes dont le remboursement est exigé ont fait l'objet d'une délibération adoptée en décembre 1987 par la province de Bolzano et n'ont été versées par cette dernière qu'en mars 1988 et en janvier 1989. Or, dès le mois de juillet 1988, la Commission a demandé des renseignements aux autorités italiennes sur une aide semblable versée à la même entreprise en décembre 1987. Elle a engagé la procédure prévue à l'article 6, paragraphe 4, du troisième code à l'égard de cette aide en mars 1989 et, en juillet 1990, dans la décision 91/176, elle a clairement indiqué que ladite aide était illégale, ayant été mise en oeuvre sans son autorisation préalable, et incompatible avec le marché commun, tandis que son remboursement n'était pas exigé seulement en raison de circonstances très spécifiques. S'agissant des aides en cause en l'espèce, la Commission a commencé à interroger les autorités italiennes en décembre 1994, après avoir appris l'existence de ces aides par une plainte, elle a engagé la procédure prévue à l'article 6, paragraphe 4, du cinquième code en août 1995 et a adopté la décision attaquée le 17 juillet 1996. Il résulte de l'ensemble de ces circonstances que les requérantes ne peuvent pas invoquer le principe de sécurité juridique pour prétendre que la Commission aurait agi de façon excessivement tardive.

145 Le moyen tiré de ce que la Commission aurait exigé le remboursement des aides en cause de manière excessivement tardive n'étant pas susceptible de prospérer, il convient donc d'examiner les moyens du pourvoi restants.

c) Sur les bases de calcul des intérêts à appliquer

Argumentation des parties

146 Falck et ACB soutiennent que le Tribunal a, à tort, confirmé les bases de calcul des intérêts applicables aux sommes à rembourser, qu'elles estiment illégales. Selon elles, la Commission aurait arbitrairement retenu le «taux utilisé par la Commission pour le calcul de l'équivalent-subvention net des aides à finalité régionale au cours de la période considérée» en se référant à sa communication sur les régimes d'aides à finalité régionale (JO 1979, C 31, p. 9), qui, aux termes du point 14 de l'annexe de celle-ci, serait le «taux de référence moyen applicable aux bonifications d'intérêt versées par le gouvernement central aux organismes de crédit» en ce qui concerne la République italienne.

147 Falck et ACB font valoir que le taux d'intérêt applicable dans des circonstances telles que celles de l'espèce doit simplement contribuer à éliminer tous les avantages financiers résultant de l'aide, ce que le Tribunal aurait reconnu au point 149 de l'arrêt attaqué. En substance, elles soutiennent que le taux d'intérêt qui résulte de la décision attaquée n'est pas le taux du marché qui contribuerait simplement à éliminer les avantages financiers résultant des aides octroyées à ACB. En se référant à différentes communications ou décisions de la Commission, elles soulignent que, selon les cas, cette dernière utilise différents taux d'intérêt, mais que la communication 95/C 156/05 de la Commission aux États membres (JO 1995, C 156, p. 5), complétant sa communication aux États membres n_ SG(91) D/4577, du 4 mars 1991, concernant les modalités de notification des aides et les modalités de procédure au sujet des aides mises en vigueur en violation des règles de procédure de l'article 93, paragraphe 3, du traité CE, légaliserait le recours au taux du marché de référence, qui serait en l'espèce le marché allemand sur lequel ACB procédait à son refinancement.

148 Compte tenu de la diversité des taux employés par la Commission, il n'y aurait aucune prévisibilité du taux susceptible d'être utilisé. À cet égard, le point 155 de l'arrêt attaqué énoncerait, de manière erronée et sans explications, que le taux utilisé résulte d'informations provenant de la Banca d'Italia, alors que, en réalité, les autorités italiennes n'auraient nullement déterminé le taux applicable. Au contraire, si ces dernières étaient intervenues dans la fixation du taux, elles auraient pu lui donner une certaine prévisibilité. Or, selon les requérantes, il résulte de la jurisprudence citée aux points 96 à 98 de l'arrêt attaqué, et plus particulièrement de l'arrêt du Tribunal du 8 juin 1995, Siemens/Commission (T-459/93, Rec. p. II-1675), que la Commission a certes compétence pour déterminer la date à partir de laquelle doivent commencer à courir les intérêts, mais que la fixation du taux relève, quant à elle, de la compétence des autorités nationales. Le Tribunal aurait ainsi, en l'absence de toute motivation, validé une méthode de détermination du taux d'intérêt entachée d'erreur de droit dans la mesure où elle serait arbitraire et non prévisible. La Commission elle-même, dans la décision attaquée, n'aurait pas motivé le choix du taux d'intérêt retenu.

149 Le gouvernement italien estime pour sa part que le Tribunal n'a pas apporté la moindre motivation pour justifier le recours à la communication de la Commission sur les régimes d'aides à finalité régionale pour déterminer le taux d'intérêt adéquat. Il souligne à cet égard que rien ne permet de vérifier la pertinence des règles énoncées dans ce domaine en ce qui concerne des aides relevant du traité CECA.

150 En outre, selon les requérantes et le gouvernement italien, le Tribunal aurait considéré à tort que, puisqu'ACB n'avait pas d'elle-même fourni à la Commission des indications sur le fait qu'elle procédait à son refinancement sur le marché allemand, il ne pouvait être reproché à cette institution de ne pas en avoir tenu compte.

151 La Commission soutient que le grief tiré de son incompétence pour déterminer le taux d'intérêt applicable a été soulevé pour la première fois par le gouvernement italien lors de l'audience de première instance, ce qui suffirait à le considérer comme irrecevable et expliquerait la raison pour laquelle le Tribunal ne l'a pas examiné.

152 En tout état de cause, dans le but de rétablir la situation qui aurait prévalu en l'absence d'aides, le taux d'intérêt constituerait un élément lié à l'importance des avantages concurrentiels dont a bénéficié l'entreprise concernée, de sorte que sa détermination incomberait à la Commission et non aux autorités nationales. La discussion serait d'ailleurs devenue sans objet, puisque l'article 14, paragraphe 2, du règlement «procédure aides d'État CE» précise que les intérêts sont calculés sur la base d'un taux approprié fixé par la Commission.

153 Cette dernière ajoute qu'il n'y a pas de contradiction entre ses différentes communications relatives à la question du remboursement des aides d'État, même si, pour mieux refléter les avantages économiques dont ont bénéficié les intéressés, depuis la communication du 22 février 1995 en matière de taux d'intérêt à utiliser dans les cas de remboursement d'aides illégales et incompatibles, c'est le taux de référence utilisé pour le calcul de l'équivalent-subvention dans le cadre des aides régionales qui est retenu comme base du taux d'intérêt commercial et non plus le taux relatif aux intérêts de retard sur les créances de l'État comme auparavant. Ces précisions confirmeraient le raisonnement figurant aux points 154 à 157 de l'arrêt attaqué, selon lequel le taux d'intérêt devrait garantir que l'avantage dont l'entreprise a illégalement bénéficié est éliminé; ce résultat serait obtenu par l'application du taux de référence, qui serait en substance un taux du marché, la Commission étant fondée à imposer celui-ci au gouvernement italien.

154 La Commission estime par ailleurs que la décision attaquée est suffisamment motivée quant au choix du taux retenu, dans la mesure où elle se situe dans un contexte bien connu du gouvernement italien, qui en est le destinataire, et dans la lignée d'une longue pratique décisionnelle.

155 Enfin, s'agissant de la non-application des taux en vigueur sur le marché allemand, la Commission approuve le raisonnement du Tribunal tenu aux points 158 à 160 de l'arrêt attaqué, dans la mesure où, n'ayant pas présenté d'observations sur ce point, ACB ne saurait critiquer le fait que la Commission n'a pas examiné son activité sur le marché allemand. La constatation faite au point 161 dudit arrêt serait tout aussi correcte puisqu'il n'aurait pas été démontré que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation. La Commission ajoute que, en tout état de cause, si elle avait appliqué le taux en vigueur sur le marché allemand, cela aurait été au détriment d'ACB compte tenu de l'évolution du taux de change entre les monnaies allemande et italienne au cours de la période considérée.

Appréciation de la Cour

156 À titre liminaire, il convient de rejeter l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission, tirée de ce que l'incompétence de cette dernière pour fixer le taux d'intérêt applicable aux sommes dont le remboursement est exigé par l'article 2 de la décision attaquée aurait été invoquée pour la première fois par le gouvernement italien lors de l'audience devant le Tribunal. En effet, ACB a soutenu dès le stade de sa requête en première instance que ledit taux d'intérêt manquait de base légale. En outre, l'intervenant peut faire valoir des arguments propres, l'article 34 du statut CECA de la Cour de justice indiquant seulement que les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d'autre objet que le soutien des conclusions d'une partie ou leur rejet (voir arrêt du 23 février 1961, De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, 30/59, Rec. p. 1, 37 et 38). En l'espèce, l'argument d'incompétence de la Commission invoqué par le gouvernement italien visait à renforcer le moyen tiré du défaut de base légale du taux d'intérêt retenu, qui avait été précédemment articulé par ACB, et l'intervenant était fondé à développer un tel moyen à tout stade de la procédure.

157 Sur le fond, une jurisprudence bien établie de la Cour a interprété l'article 93, paragraphe 2, du traité CE comme donnant à la Commission, lorsqu'elle constate l'incompatibilité d'une aide avec le marché commun et décide que l'État intéressé doit la supprimer ou la modifier, le pouvoir d'en exiger le remboursement si cette aide a été octroyée en violation du traité, ce qui permet d'assurer l'effet utile de cette suppression ou de cette modification (arrêt Commission/Allemagne, précité, point 13). La récupération d'une aide étatique illégalement accordée vise ainsi au rétablissement de la situation antérieure et ne saurait, en principe, être considérée comme une mesure disproportionnée par rapport aux objectifs des dispositions dudit traité en matière d'aides d'État (arrêt du 21 mars 1990, Belgique/Commission, dit «Tubemeuse», C-142/87, Rec. p. I-959, point 66).

158 Il convient de relever à cet égard que, par communication publiée en 1983 (JO C 318, p. 3), la Commission a rappelé aux bénéficiaires potentiels d'aides d'État le caractère précaire de celles qui leur seraient octroyées illégalement, en ce sens qu'ils peuvent être amenés à les restituer.

159 Or, le rétablissement de la situation antérieure ne peut nécessairement être approché que si le remboursement de l'aide est assorti d'intérêts courant à compter de la date du versement de l'aide et si les taux d'intérêt appliqués sont représentatifs des taux d'intérêt pratiqués sur le marché. À défaut, le bénéficiaire conserverait à tout le moins un avantage équivalant à une avance de trésorerie gratuite ou à un prêt bonifié.

160 Ainsi, les bénéficiaires d'aides d'État incompatibles avec le marché commun ne sauraient faire valoir qu'ils ne peuvent pas s'attendre à ce que la Commission demande le remboursement de ces aides assorti d'intérêts aussi représentatifs que possible de ceux demandés sur le marché des capitaux.

161 À cet égard, si la procédure prévue par le droit national est applicable à la récupération des montants indûment versés, c'est seulement en l'absence de dispositions communautaires. Or, en ayant le pouvoir d'ordonner le rétablissement de la situation antérieure, la Commission dispose, sous réserve du contrôle du juge communautaire quant à l'existence d'une éventuelle erreur manifeste d'appréciation, du pouvoir de déterminer le taux d'intérêt permettant de parvenir à un tel rétablissement.

162 Par conséquent, les requérantes et le gouvernement italien ne sont pas fondés à soutenir que la Commission ne dispose pas du pouvoir de déterminer quel est le taux d'intérêt applicable au remboursement d'aides incompatibles avec le marché commun.

163 En outre, l'argument des requérantes selon lequel le taux retenu par la Commission dans la décision attaquée serait imprévisible, arbitraire et dénué de rapport avec les taux de marché n'est pas fondé.

164 En effet, les bases de calcul du taux d'intérêt applicable aux remboursements des aides incompatibles avec le marché commun exigés par la décision attaquée ont été successivement énoncées dans les communications de la Commission aux États membres, n_ SG(91) D/4577, du 4 mars 1991, précitée, et du 22 février 1995, à laquelle il est fait référence dans la communication 95/C 156/05, précitée.

165 Dans la première communication mentionnée au point précédent, la Commission a indiqué aux États membres que la récupération devait «[s']effectuer suivant les dispositions du droit national, y compris celles concernant les intérêts de retard sur les créances de l'État, les intérêts devant commencer normalement à courir à partir de la date de l'octroi des aides illégales en cause». Dans la seconde communication, la Commission a indiqué aux États membres avoir «constaté que, dans la pratique, ces intérêts sont établis sur la base du taux légal et que ce taux, le plus souvent, dévie fortement du taux commercial». La Commission ajoutait «que l'utilisation de ce dernier taux permet de calculer de manière plus correcte l'avantage indu, obtenu par le bénéficiaire de l'aide, en vue du rétablissement du statu quo ante» et informait les États membres «que, dans ses décisions imposant la récupération d'une aide illégale et incompatible, elle appliquera le taux de référence utilisé pour le calcul de l'équivalent-subvention dans le cadre des aides régionales, comme base pour le taux d'intérêt commercial». Il convient de noter à cet égard que le défaut de motivation allégué quant à l'utilisation de ce dernier taux n'est par conséquent pas fondé.

166 Les États membres, qui sont les destinataires des décisions de la Commission en matière d'aides d'État, étaient donc pleinement informés de l'évolution du taux d'intérêt utilisé par la Commission et il était loisible à celle-ci de modifier les bases de calcul de ce taux pour l'adapter à l'évolution du marché ou mieux la refléter. Compte tenu de ces considérations et de celles explicitées au point 160 du présent arrêt, le grief selon lequel le taux d'intérêt appliqué dans la décision attaquée aurait été imprévisible est dénué de fondement.

167 S'agissant du caractère prétendument arbitraire et dénué de rapport avec les taux du marché pratiqués en Italie du taux de référence utilisé pour le calcul de l'équivalent-subvention dans le cadre des aides régionales accordées dans ledit État membre, ni le gouvernement italien ni les requérantes n'ont fourni le moindre argument pour étayer cette allégation, ni en première instance ni devant la Cour. En effet, le seul argument invoqué en première instance quant au défaut de pertinence du taux retenu est lié au fait que la Commission aurait dû appliquer le taux du marché allemand sur lequel ACB procédait à son refinancement. Il ne ressort pas non plus du dossier que, après qu'il eut reçu la communication de la Commission du 22 février 1995, le gouvernement italien aurait contesté auprès de cette dernière les bases de calcul du taux d'intérêt retenu pour le remboursement des aides octroyées aux entreprises établies en Italie. Dans le cadre du pourvoi, les requérantes et le gouvernement italien se bornent à mettre en cause l'erreur de droit qu'aurait commise le Tribunal en considérant que, puisqu'ACB n'avait pas d'elle-même fourni à la Commission des indications relatives à son refinancement sur le marché allemand, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas en avoir tenu compte.

168 Or, ainsi que la Cour l'a déjà jugé, la légalité d'une décision en matière d'aides doit être appréciée en fonction des éléments d'information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l'a arrêtée (voir arrêts Meura, précité, point 16, et du 26 septembre 1996, France/Commission, C-241/94, Rec. p. I-4551, point 33).

169 Il y a lieu de relever que, dans une situation dans laquelle la Commission a ouvert la procédure prévue à l'article 6, paragraphe 4, du cinquième code, même si seul l'État membre concerné a fourni des éléments d'appréciation à la Commission, tandis que le bénéficiaire des aides n'a pas fait usage de cette possibilité, l'ensemble des intéressés a été en mesure de fournir tous les éléments d'information pertinents à la Commission (voir points 77 à 84 du présent arrêt).

170 À cet égard, dès lors que la décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 6, paragraphe 4, du cinquième code contient une analyse préliminaire suffisante de la Commission exposant les raisons pour lesquelles elle éprouve des doutes quant à la compatibilité des aides en cause avec le marché commun, il appartient à l'État membre concerné et, le cas échéant, au bénéficiaire des aides, d'apporter les éléments de nature à démontrer que ces aides sont compatibles avec le marché commun et, éventuellement, de faire part de circonstances spécifiques relatives au remboursement d'aides déjà versées dans l'occurrence où la Commission viendrait à exiger celui-ci. Il y a lieu de relever à cet égard que, en première instance, ni ACB ni Falck et la République italienne, qui sont intervenues à son soutien, n'ont allégué que la décision d'ouvrir la procédure était insuffisamment motivée pour leur permettre d'exercer utilement leurs droits.

171 Le Tribunal n'a donc commis aucune erreur de droit à cet égard. Dans ces conditions, les requérantes et le gouvernement italien n'ont pas établi que le Tribunal aurait admis un taux d'intérêt arbitraire et dénué de rapport avec celui en vigueur sur le marché.

172 Par conséquent, le grief tiré de l'utilisation de bases de calcul erronées doit être rejeté.

d) Sur l'application d'une sanction et la violation du principe de proportionnalité

173 Falck et ACB soutiennent que le Tribunal a violé un principe interdisant de prendre des décisions de caractère pénal et le principe de proportionnalité. Elles invoquent plusieurs griefs à cet égard. En premier lieu, l'arrêt attaqué ne se serait pas prononcé sur l'argument d'ACB selon lequel, compte tenu de l'évolution de la situation de droit et de fait depuis l'octroi des aides, l'exigence de remboursement de celles-ci se serait transformée en sanction. En l'occurrence, la sanction s'exercerait à l'égard de Falck. En deuxième lieu, en n'exigeant pas que la Commission vérifie réellement si les aides en cause étaient ou non compatibles avec le marché commun et en ne procédant pas lui-même à cette vérification, le Tribunal aurait permis à cette dernière d'adopter une décision ne visant qu'à sanctionner un éventuel défaut de notification. En troisième lieu, le Tribunal aurait conforté le caractère de sanction de la décision attaquée dans la mesure où il n'aurait pas retenu que la même aide a été appréhendée deux fois, par deux décisions contradictoires, ni que les montants à rembourser sont excessifs. En quatrième lieu, Falck fait valoir que, en ayant approuvé les modalités de fixation du taux d'intérêt applicable au remboursement desdits montants, le Tribunal a validé un taux excessif participant d'un système de sanction. Il convient d'examiner successivement la pertinence de ces arguments.

i) Sur le grief selon lequel l'évolution de la situation aurait transformé l'exigence de remboursement en sanction

Argumentation des parties

174 S'agissant du premier grief, ACB et Falck soutiennent que, compte tenu des obligations de cette dernière envers ACB et Valbruna Srl, c'est Falck qui sera finalement obligée d'honorer les remboursements. Une telle situation n'aurait aucun impact sur le rétablissement de la concurrence puisque, à l'heure actuelle, Falck n'intervient plus dans le domaine sidérurgique. Par conséquent, la décision attaquée constituerait une sanction à son égard. Selon Falck et ACB, ces arguments ont été invoqués en première instance et approfondis lors de l'audience. Or, le Tribunal aurait purement et simplement omis de statuer sur ceux-ci et aurait ainsi confirmé de façon illégale une sanction.

175 Sur ce point, la Commission relève que le Tribunal s'est prononcé sur les arguments relatifs à l'existence d'une sanction tels qu'ils ont été invoqués au point VI, sous e), de la requête d'ACB en première instance et mentionnés au point 78 de l'arrêt attaqué. L'argumentation selon laquelle la décision attaquée constituerait une sanction dans la mesure où Falck n'exercerait plus d'activité dans le domaine sidérurgique n'aurait pas été présentée devant le Tribunal, ACB s'étant contentée, selon la Commission, de soutenir dans sa requête que «les situations de fait et même de droit (législation applicable, sujets juridiques) ont changé». La Commission ajoute que, même si l'argumentation en cause avait été présentée lors de l'audience, elle aurait été écartée comme moyen tardif et serait par conséquent irrecevable au stade du pourvoi en application de l'article 113, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour.

176 Sur le fond, la Commission estime qu'en tout état de cause elle n'a pas à tenir compte d'éventuels accords conclus entre personnes privées à l'occasion d'une vente. Dans le cas contraire, il suffirait de vendre une entreprise qui a bénéficié d'aides illégales, en concluant des accords tels que ceux passés en l'espèce, pour faire échec à toute tentative de récupération des aides. En outre, la Commission souligne qu'elle n'était pas informée de l'existence de l'accord conclu entre Falck, d'une part, et ACB et Valbruna Srl, d'autre part, lorsqu'elle a arrêté la décision attaquée.

Appréciation de la Cour

177 Il convient à titre liminaire de déclarer recevable ce grief. L'article 113, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour dispose certes que le pourvoi ne peut modifier l'objet du litige devant le Tribunal et la compétence de la Cour est donc limitée à l'appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges (arrêt du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C-136/92 P, Rec. p. I-1981, point 59).

178 Toutefois, en l'espèce, ACB a effectivement soutenu dans sa requête devant le Tribunal que, compte tenu de l'évolution des conditions du marché ainsi que des situations de fait et de droit depuis l'octroi des aides, le remboursement demandé ne poursuivait pas le but de rétablir l'équilibre dudit marché et d'éliminer les effets de distorsion de concurrence, mais présentait le caractère d'une sanction. L'argument selon lequel ce remboursement n'aura aucune incidence sur la concurrence puisque Falck, qui devrait en fait en supporter la charge, n'est plus une société active dans le domaine sidérurgique est un argument visant à illustrer le moyen invoqué dans ladite requête. Par conséquent, cet argument pouvait, le cas échéant, sans méconnaître les dispositions de l'article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal, être formulé à un stade de la procédure postérieur au dépôt de la requête devant le Tribunal et, s'inscrivant dans le cadre d'un moyen présenté en première instance, son irrecevabilité ne saurait être a priori établie au stade du pourvoi. En outre, une omission de statuer sur un argument tel que celui allégué par Falck serait, le cas échéant, de nature à conduire la Cour à accueillir un pourvoi (arrêt du 17 décembre 1992, Moritz/Commission, C-68/91 P, Rec. p. I-6849, points 21 à 25 et 37 à 39).

179 Cependant, en l'occurrence, il n'y a pas lieu d'examiner la question de savoir si cet argument a été ou non clairement formulé lors de l'audience et si c'est à tort que le Tribunal a omis de prendre spécifiquement position à son égard dans la mesure où, en tout état de cause, un tel argument ne pouvait pas conduire ce dernier à accueillir le moyen tiré de l'existence d'une sanction.

180 En effet, lorsqu'une société bénéficiaire d'une aide a été vendue au prix du marché, le prix de vente reflète en principe les avantages correspondant à l'aide versée antérieurement et c'est le vendeur de ladite société qui, au moyen du prix qu'il reçoit, conserve le bénéfice de l'aide (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2001, Banks, C-390/98, Rec. p. I-6117, points 77 et 78).

181 Dans de telles conditions, il n'est pas anormal que, le cas échéant, le remboursement d'une aide incompatible avec le marché commun versée à une société qui a été vendue par la suite pèse, en définitive, sur le vendeur, à l'égard duquel une telle situation ne saurait traduire l'existence d'une sanction.

182 En l'espèce, Falck et ACB n'ont invoqué aucun élément de nature à établir que cette dernière n'aurait pas été vendue à un prix reflétant la valeur de ses actifs et, en tout état de cause, Falck a accepté d'assumer les conséquences d'éventuels problèmes juridiques nés antérieurement à la vente et qui n'auraient pas été signalés ni pris en compte lors de celle-ci. Le grief tiré de ce que le Tribunal ne se serait pas prononcé sur l'existence d'une sanction alors même que Falck pourrait être conduite à supporter le remboursement des aides incompatibles avec le marché commun est donc inopérant.

ii) Sur le grief selon lequel l'absence de véritable examen de la compatibilité des aides transformerait l'exigence de remboursement en sanction

Argumentation des parties

183 En ce qui concerne le deuxième grief des requérantes, relatif à l'existence d'une sanction compte tenu de l'absence alléguée d'un réel examen de la compatibilité des aides en cause avec le marché commun, il convient de relever qu'il correspond à l'argumentation qui a été évoquée au point 124 du présent arrêt, en ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur de droit qui résulterait de l'appréciation selon laquelle la Commission s'est à bon droit fondée sur les seuls éléments en sa possession pour se prononcer sur ladite compatibilité.

Appréciation de la Cour

184 Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le bien-fondé de ce grief, il convient de le rejeter comme inopérant compte tenu du fait que la Commission était tenue de déclarer les aides en cause incompatibles avec le marché commun, ainsi qu'il est dit au point 121 du présent arrêt.

iii) Sur le grief selon lequel des erreurs et confusions sur les différentes aides et les montants à rembourser auraient transformé l'exigence de remboursement en sanction

185 Il y a lieu de relever d'emblée que le troisième grief invoqué par les requérantes pour démontrer que le Tribunal aurait conclu à tort à l'inexistence d'une sanction, pris de l'existence d'une «double appréciation» de la même aide, revient à mettre en cause l'appréciation des faits par le Tribunal. Ainsi qu'il est rappelé au point 85 du présent arrêt, il n'appartient pas à la Cour de réexaminer l'appréciation des faits opérée par le Tribunal dans le cadre d'un pourvoi, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments qui ont été soumis à ce dernier. Le grief examiné est donc irrecevable dans le cadre d'un pourvoi.

iv) Sur le grief selon lequel l'application d'un taux d'intérêt excessif pour le remboursement des aides aurait transformé l'exigence de ce remboursement en sanction

Argumentation des parties

186 S'agissant du grief relatif à l'existence d'une sanction compte tenu de l'application d'un taux d'intérêt excessif sur les sommes à rembourser, l'argumentation circonstanciée de Falck à cet égard correspond à celle qui a été précédemment résumée aux points 146 à 150 du présent arrêt dans le cadre de l'exposé du moyen tiré de l'illégalité des bases de calcul des intérêts et d'une insuffisance de motivation sur ce point.

Appréciation de la Cour

187 L'argumentation de Falck concernant l'illégalité du taux d'intérêt appliqué au point 2 du dispositif de la décision attaquée a déjà été rejetée en substance aux points 156 à 171 du présent arrêt, desquels il résulte qu'aucune sanction ne saurait découler de l'application d'un tel taux.

188 Il s'ensuit que le moyen tiré de la violation d'un principe d'interdiction des sanctions et du principe de proportionnalité doit être rejeté.

189 Il résulte de tout ce qui précède que les pourvois ne doivent être accueillis que dans la mesure où c'est à la suite d'une erreur de droit que le Tribunal a rejeté le moyen d'ACB tiré de ce que le caractère tardif de la demande de remboursement de la Commission aurait entraîné la violation du principe de sécurité juridique. Les pourvois doivent être rejetés pour le surplus.

190 Toutefois, en statuant au fond sur le litige, en application de l'article 54, premier alinéa, du statut CECA de la Cour de justice, cette dernière a jugé que l'action de la Commission n'a, compte tenu des circonstances de l'espèce, pas été tardive et que, de ce fait, le principe de sécurité juridique n'a pas été méconnu. Il en découle que le recours d'ACB doit être rejeté.

Décisions sur les dépenses


IV - Sur les dépens

191 L'article 122, premier alinéa, du règlement de procédure prévoit que, lorsque le pourvoi n'est pas fondé ou lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du même règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Le paragraphe 3, premier alinéa, de cette dernière disposition prévoit toutefois que la Cour peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels. Quant au paragraphe 4, premier alinéa, de la même disposition, il énonce que les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

192 En l'espèce, les requérantes ayant, chacune en ce qui la concerne, succombé en l'essentiel de leurs moyens et la Commission ayant conclu à leur condamnation, il convient donc de les condamner aux dépens et de décider que la République italienne supporte ses propres dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête:

1) L'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 16 décembre 1999, Acciaierie di Bolzano/Commission (T-158/96), est annulé en tant qu'il a rejeté le moyen tiré du caractère tardif de la demande de remboursement de la Commission ayant entraîné une violation du principe de sécurité juridique.

2) Les pourvois sont rejetés pour le surplus.

3) Le recours en annulation d'Acciaierie di Bolzano SpA devant le Tribunal est rejeté.

4) Falck SpA et Acciaierie di Bolzano SpA sont respectivement condamnées aux dépens dans les affaires C-74/00 P et C-75/00 P.

5) La République italienne supporte ses propres dépens dans les affaires C-74/00 P et C-75/00 P.