61995J0355

Arrêt de la Cour du 15 mai 1997. - Textilwerke Deggendorf GmbH (TWD) contre Commission des Communautés européennes et République fédérale d'Allemagne. - Aides d'Etat - Décisions de la Commission suspendant le versement de certaines aides jusqu'au remboursement d'aides illicites antérieures. - Affaire C-355/95 P.

Recueil de jurisprudence 1997 page I-02549


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


1 Droit communautaire - Interprétation - Actes des institutions - Motivation - Prise en considération

2 Aides accordées par les États - Interdiction - Dérogations - Pouvoir d'appréciation de la Commission - Décision de la Commission subordonnant l'autorisation de verser une aide au remboursement préalable par l'entreprise concernée d'une aide illicite précédemment perçue - Condition posée pour éviter un cumul d'aides altérant les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun - Décision entrant dans les compétences de la Commission

(Traité CE, art. 92, § 3, et 93, § 2)

3 Pourvoi - Moyens - Simple répétition des moyens et arguments présentés devant le Tribunal - Irrecevabilité - Rejet

(Statut de la Cour de justice CE, art. 49 et 51; règlement de procédure de la Cour, art. 112, § 1, c))

Sommaire


4 Le dispositif d'un acte est indissociable de sa motivation, en sorte qu'il doit être interprété, si besoin est, en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption.

5 L'article 93, paragraphe 2, premier alinéa, du traité confère à la Commission la responsabilité de mettre en oeuvre, sous le contrôle de la Cour, une procédure spéciale organisant l'examen permanent et le contrôle des aides que les États membres ont intention d'instituer. En particulier, dans le domaine de l'article 92, paragraphe 3, du traité, la Commission jouit d'un large pouvoir d'appréciation, dont l'exercice implique des évaluations d'ordre économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire. Lorsque la Commission examine la compatibilité d'une aide d'État avec le marché commun, elle doit prendre en considération tous les éléments pertinents, y compris, le cas échéant, le contexte déjà apprécié dans une décision antérieure, ainsi que les obligations que cette décision antérieure a pu imposer à un État membre.

Dès lors, la Commission n'outrepasse pas le pouvoir d'appréciation dont elle dispose lorsque, saisie d'un projet d'aide qu'un État membre se propose d'octroyer à une entreprise, elle prend une décision autorisant cette aide, mais suspendant son versement tant que l'entreprise n'aura pas remboursé une ancienne aide illégale, en raison de l'effet cumulé des aides en question.

6 Il résulte de l'article 51 du statut de la Cour de justice, ainsi que de l'article 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, qu'un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l'arrêt dont l'annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques avancés au soutien de la demande d'annulation de celui-ci.

Ne répondent pas à cette exigence des moyens qui se limitent à répéter des arguments déjà exposés devant le Tribunal et que celui-ci a rejetés, sans chercher à établir que ce dernier a commis des erreurs de droit dans les appréciations factuelles auxquelles il a procédé. En effet, de tels moyens visent en réalité à obtenir un simple réexamen des faits, ce qui échappe à la compétence de la Cour.

Parties


Dans l'affaire C-355/95 P,

Textilwerke Deggendorf GmbH (TWD), société de droit allemand, établie à Deggendorf (Allemagne), représentée par Mes Walter Forstner, Lutz Radtke et Karl-Heinz Schupp, avocats à Deggendorf, assistés de M. Michael Schweitzer, professeur à l'université de Passau, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Stein, Bayerische Landesbank International SA, 7-9, boulevard Royal,

partie requérante,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (troisième chambre élargie) du 13 septembre 1995, TWD/Commission (T-244/93 et T-486/93, Rec. p. II-2265), et tendant à l'annulation de cet arrêt, l'autre partie à la procédure étant:

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Paul F. Nemitz et Anders Jessen, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, G. F. Mancini, J. C. Moitinho de Almeida, J. L. Murray et L. Sevón, présidents de chambre, C. N. Kakouris, P. J. G. Kapteyn, C. Gulmann, P. Jann (rapporteur), H. Ragnemalm et M. Wathelet, juges,

avocat général: M. G. Tesauro,

greffier: M. R. Grass,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 10 décembre 1996,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 20 novembre 1995, Textilwerke Deggendorf GmbH (TWD) (ci-après «TWD») a, en vertu de l'article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l'arrêt du Tribunal du 13 septembre 1995, TWD/Commission (T-244/93 et T-486/93, Rec. p. II-2265, ci-après l'«arrêt entrepris»), par lequel celui-ci a rejeté ses recours tendant à l'annulation, d'une part, de l'article 2 de la décision 91/391/CEE de la Commission, du 26 mars 1991, concernant les aides accordées par le gouvernement allemand à la société Deggendorf GmbH, fabricant de fils de polyamide et de polyester, établie à Deggendorf (Bavière) (JO L 215, p. 16, ci-après la «décision TWD II»), et, d'autre part, de l'article 2 de la décision 92/330/CEE de la Commission, du 18 décembre 1991, concernant une aide de l'Allemagne en faveur de l'entreprise Textilwerke Deggendorf GmbH (JO 1992, L 183, p. 36, ci-après la «décision TWD III»).

2 S'agissant des faits qui sont à l'origine de l'affaire, il ressort de l'arrêt entrepris:

«1 Au cours de la période 1981-1983, la requérante, TWD Textilwerke Deggendorf GmbH (ci-après `TWD'), une société qui exerce ses activités dans le secteur des fibres synthétiques, a reçu des aides d'État, initialement non notifiées à la Commission, consistant en une subvention de 6,12 millions de DM du gouvernement fédéral allemand et en un prêt à des conditions préférentielles de 11 millions de DM du Land de Bavière (ci-après `aides TWD I'). A la suite d'une notification tardive, effectuée en mars et juillet 1985 par les autorités allemandes, à la demande réitérée de la Commission, celle-ci a adopté, le 21 mai 1986, la décision 86/509/CEE, relative aux aides accordées par la République fédérale d'Allemagne et par le Land de Bavière à un fabricant de fils de polyamide et de polyester installé à Deggendorf (JO L 300, p. 34, ci-après `décision TWD I'), constatant que les aides en question étaient, d'une part, illégales en raison du fait que, en violation de l'article 93, paragraphe 3, du traité CEE, elles n'avaient pas été notifiées à la Commission et, d'autre part, incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles ne remplissaient aucune des conditions de l'article 92, paragraphes 2 et 3, du traité CEE, notamment en ce qu'elles étaient contraires au code des aides applicables au secteur du fil et des fibres synthétiques (ci-après `code sectoriel'). La décision a ordonné la restitution des aides en question. En l'absence de tout recours juridictionnel, la décision TWD I est devenue définitive.

2 Le 19 mars 1987, le ministère fédéral allemand de l'Économie a retiré les certificats concernant la subvention de 6,12 millions de DM accordée par le gouvernement fédéral allemand, afin de récupérer celle-ci, conformément à la décision TWD I. Toutefois, la requérante a contesté ce retrait devant les tribunaux administratifs nationaux, en introduisant un recours devant le Verwaltungsgericht Koeln et en faisant ensuite appel du jugement de celui-ci devant l'Oberverwaltungsgericht fuer das Land Nordrhein-Westfalen.

3 Le 31 octobre 1989, la République fédérale d'Allemagne a notifié à la Commission un deuxième projet d'aides en faveur de la requérante, comprenant une nouvelle subvention, de 4,52 millions de DM, et l'octroi de deux prêts, respectivement de 6 et de 14 millions de DM, à des conditions préférentielles (ci-après `aides TWD II'). Le 26 mars 1991, la Commission a adopté sa décision 91/391/CEE, concernant les aides accordées par le gouvernement allemand à la société Deggendorf GmbH, fabricant de fils de polyamide et de polyester, établie à Deggendorf (Bavière) (JO L 215, p. 16, ci-après `décision TWD II'). Les articles 1er et 2 de la décision TWD II se lisent comme suit:

`Article premier

Les aides sous forme de subvention d'un montant de 4 520 000 marks allemands et de deux prêts bonifiés de 6 et 14 millions de marks allemands, d'une durée de huit et douze ans respectivement à un taux d'intérêt de 5 % avec une franchise d'amortissement de deux ans, destinées à la société Deggendorf, et notifiées à la Commission par lettre du 31 octobre 1989 des autorités allemandes, sont compatibles avec le marché commun au sens de l'article 92 du traité CEE.

Article 2

Les autorités allemandes sont tenues de suspendre le versement à la société Deggendorf des aides visées à l'article 1er de la présente décision tant qu'elles n'auront pas procédé à la récupération des aides incompatibles visées à l'article 1er de la décision [TWD I].'

...

5 Entre-temps, le 25 février 1991, les autorités allemandes avaient notifié à la Commission un troisième projet d'aides en faveur de la requérante, sous la forme de prêts bonifiés (ci-après `aides TWD III'). Ces aides concernaient des investissements à réaliser dans l'entreprise Pietsch, spécialisée dans la fabrication de rideaux en textile, rachetée par la requérante. Le 18 décembre 1991, la Commission a adopté sa décision 92/330/CEE, concernant une aide de l'Allemagne en faveur de l'entreprise Textilwerke Deggendorf GmbH (JO 1992, L 183, p. 36, ci-après `décision TWD III'), dont le dispositif est rédigé en termes similaires à ceux du dispositif de la décision TWD II. Le dispositif de la décision TWD III se lit comme suit:

`Article premier

Les aides sous forme de deux prêts bonifiés de 2,8 et de 3 millions de marks allemands, d'une durée de quinze et huit ans respectivement, accordés à un taux d'intérêt de 4,5 % avec une franchise d'amortissement de trois ans, destinées à la société Textilwerke Deggendorf GmbH, et notifiées à la Commission par lettre des autorités allemandes, datée du 25 février 1991, sont compatibles avec le marché commun au sens de l'article 92 du traité CEE.

Article 2

L'Allemagne est tenue de suspendre le versement à la société Deggendorf des aides visées à l'article 1er tant qu'elle n'aura pas procédé au remboursement des aides incompatibles visées à l'article 1er de la décision 86/509/CEE.

Article 3

L'Allemagne informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la présente décision, des mesures qu'elle aura prises pour s'y conformer.

...'»

L'arrêt entrepris

3 Le Tribunal a, en premier lieu, examiné les moyens tirés de l'incompétence de la Commission ainsi que d'une violation des principes régissant la répartition des compétences entre la Communauté et les États membres.

4 S'agissant du grief relatif à la compétence de la Commission pour adopter l'article 2 des décisions TWD II et TWD III, le Tribunal a d'abord rappelé, au point 46, que le dispositif d'un acte doit être interprété en tenant compte des motifs qui ont amené à l'adoption de celui-ci. Après avoir examiné la motivation des décisions TWD II et TWD III, en particulier la partie V, septième considérant, de la décision TWD II, dans laquelle il est indiqué que «Les aides illégalement accordées que [TWD] refuse de restituer depuis 1986 et les nouvelles aides .... auraient pour effet cumulé de donner à cette société un avantage excessif et indu qui altérerait les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun», le Tribunal a considéré, au point 51, que ces deux décisions devaient être interprétées en ce sens que les nouvelles aides, considérées en elles-mêmes, pouvaient être compatibles avec le marché commun, mais qu'elles ne pouvaient pas être autorisées au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, sans que l'effet cumulé des anciennes aides et des nouvelles aides soit éliminé.

5 Le Tribunal a, par conséquent, estimé, au point 52, que les décisions contestées ne pouvaient pas être interprétées comme une déclaration inconditionnelle de compatibilité avec le marché commun (article 1er), à laquelle serait ajoutée une condition suspensive illicite (article 2). Au contraire, il a considéré qu'il ressortait de la lecture même de celles-ci que la Commission n'aurait pas constaté la compatibilité des nouvelles aides TWD II et TWD III sans la condition visée à l'article 2, mais que le but de l'article 2 des dispositifs en cause était précisément de permettre la déclaration de compatibilité visée à l'article 1er.

6 Dès lors, le Tribunal a examiné si la Commission était compétente pour adopter des décisions assorties de conditions relatives à l'octroi d'aides au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité.

7 A cet égard, le Tribunal a considéré, au point 55, que la compétence attribuée à la Commission par l'article 93, paragraphe 2, du traité pour décider qu'une aide doit être «modifiée» impliquait également qu'une décision autorisant une aide, au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, puisse être assortie de conditions visant à assurer que des aides autorisées n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. En outre, le Tribunal a rappelé, au point 56, la jurisprudence de la Cour selon laquelle, lorsque la Commission examine la compatibilité d'une aide, elle doit prendre en considération tous les éléments pertinents, y compris le contexte déjà apprécié dans une décision antérieure, ainsi que les obligations qu'une telle décision a pu imposer à un État membre.

8 Le Tribunal en a déduit, au point 56, que la Commission était compétente pour prendre en considération, d'une part, l'éventuel effet cumulé des anciennes aides TWD I et des nouvelles aides TWD II et TWD III ainsi que, d'autre part, le fait que les aides TWD I, déclarées illicites dans la décision TWD I, n'avaient pas été restituées.

9 Le Tribunal a enfin examiné, aux points 58 et 59, le grief selon lequel la Commission aurait suivi une procédure non prévue par le traité au lieu des procédures en manquement prévues par les articles 169 ou 93, paragraphe 2, deuxième alinéa, du traité.

10 A cet égard, le Tribunal a constaté, au point 59, que la procédure était régulière dès lors que le but de l'article 2 des dispositifs des décisions TWD II et TWD III n'était pas de constater la violation de la décision TWD I, mais d'empêcher le versement de nouvelles aides faussant la concurrence dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

11 Le Tribunal en a donc conclu, au point 63, que la Commission était compétente pour adopter l'article 2 des dispositifs des décisions TWD II et TWD III.

12 S'agissant du grief relatif à la prétendue violation de la répartition de compétences entre la Communauté et les États membres, la requérante reprochait à la Commission d'avoir, d'une part, ignoré l'existence d'un litige national portant sur le même objet et, d'autre part, violé le principe de la confiance légitime.

13 A cet égard, le Tribunal a constaté, au point 66, que l'existence d'un litige national qui porte sur le remboursement de l'aide TWD I n'affectait pas la compétence de la Commission pour adopter toutes mesures nécessaires de façon à assurer que la concurrence dans la Communauté ne soit pas faussée, en sorte que la Commission n'avait pas empiété sur les compétences des États membres.

14 Le Tribunal a, dès lors, considéré, au point 71, que l'ordre juridique communautaire n'obligeait pas la Commission à attendre l'issue du litige national avant d'adopter l'article 2 des dispositifs en cause et que toute autre interprétation priverait les articles 92 et 93 du traité de leur effet utile.

15 Le Tribunal a donc rejeté ces moyens.

16 S'agissant des moyens de la requérante tirés de l'absence d'avantage concurrentiel résultant de l'octroi des aides TWD I, qui découlerait du fait que les fonds avaient été utilisés et les prêts remboursés et de la circonstance que la Commission n'aurait pas chiffré l'avantage concurrentiel dont elle avait reconnu l'existence, en sorte qu'il ne serait pas possible de vérifier l'affirmation contenue dans la décision TWD II, selon laquelle le cumul des aides TWD I et TWD II entraînerait un équivalent-subvention de 29 %, le Tribunal a constaté, au point 83, que la requérante n'avait pas rapporté la preuve de l'erreur manifeste d'appréciation de la Commission et a donc également rejeté ce moyen.

17 En ce qui concerne les moyens tirés de la violation du principe de proportionnalité, le Tribunal les a également rejetés, au point 97, au motif que la requérante n'avait pas établi le bien-fondé de la prémisse sur laquelle son argumentation était fondée, à savoir que le total des aides TWD II et TWD III était supérieur à la valeur des aides TWD I.

18 Le Tribunal a également rejeté, au point 103, les moyens tirés de la licéité des aides TWD I, dans la mesure où aucun recours n'avait été introduit contre cette décision dans les délais impartis.

Le pourvoi

19 A l'appui de son pourvoi visant à l'annulation de l'arrêt entrepris, TWD invoque six moyens:

- en premier lieu, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en interprétant le contenu et la portée des décisions litigieuses, sans tenir compte des termes utilisés par la Commission;

- en deuxième lieu, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en constatant que la Commission avait agi dans les limites de ses compétences, alors que, en réalité, elle n'avait pas compétence à soumettre les aides TWD II et TWD III à une interdiction de versement, puisque cette forme d'action n'est pas prévue en droit;

- en troisième lieu, le Tribunal aurait méconnu le fait que la Commission, en agissant ainsi, avait violé le principe de la répartition des compétences entre la Communauté et les État membres en matière d'aides d'État. Celle-ci serait en effet caractérisée par le fait que les décisions sont prises au niveau communautaire, mais que leur application est assurée par les autorités nationales qui font application de leur propre droit administratif;

- en quatrième lieu, le Tribunal aurait négligé de prendre en compte le fait que la Commission avait commis un détournement de pouvoir en tentant de faire pression sur TWD au moyen de l'interdiction de versement des nouvelles aides aussi longtemps que les anciennes aides n'avaient pas été remboursées;

- en cinquième lieu, le Tribunal aurait à tort accepté la constatation de la Commission selon laquelle les nouvelles aides, cumulées avec les anciennes, faussaient la concurrence dans une mesure contraire à l'intérêt communautaire;

- en dernier lieu, le Tribunal aurait violé le principe de proportionnalité en se fondant sur le montant des aides au lieu de leur valeur effective.

Sur le premier moyen

20 Par son premier moyen, la requérante reproche au Tribunal d'avoir commis une erreur de droit en déterminant, de son propre chef, le contenu et la portée des décisions litigieuses, sans tenir compte des termes utilisés par la Commission. Celle-ci aurait expressément constaté, de manière inconditionnelle, dans l'article 1er des décisions TWD II et TWD III, la compatibilité des aides en question avec le marché commun et aurait ensuite, dans l'article 2, interdit le versement de ces mêmes aides pour des raisons autres que leur licéité intrinsèque. Le Tribunal aurait à tort établi, aux points 51 et 52 de l'arrêt entrepris, un lien entre les articles 1er et 2 de ces deux décisions, faisant pour cela référence à leurs considérants, en constatant que le dispositif des décisions devait être interprété dans son ensemble, avec la conséquence que la compatibilité était soumise à une condition. Le Tribunal aurait donc procédé à une réinterprétation inadmissible, dans la mesure où, selon la requérante, les motifs d'une décision ne peuvent avoir qu'une simple fonction d'assistance et ne sont donc pas susceptibles de renverser le contenu juridique d'une décision.

21 Il convient, à cet égard, de constater que le dispositif d'un acte est indissociable de sa motivation, en sorte qu'il doit être interprété, si besoin est, en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption.

22 Dès lors, le Tribunal n'a pas commis d'erreur de droit. En effet, il ressort clairement des passages de la décision TWD II, cités par le Tribunal aux points 47 à 50 de l'arrêt entrepris, passages qui figurent également en des termes presque identiques dans la décision TWD III, que la Commission entendait, par ces deux décisions, tirer les conséquences nécessaires résultant du double effet de distorsion de la concurrence découlant, d'une part, des aides TWD I et, d'autre part, des aides TWD II et TWD III. Eu égard à la motivation claire et dépourvue de toute ambiguïté, il est indifférent, à cet égard, que le dispositif des deux décisions soit scindé en deux articles dont l'un constate la compatibilité des aides TWD II et TWD III avec le marché commun et l'autre en suspend le versement jusqu'au remboursement des aides TWD I.

23 Le premier moyen doit donc être rejeté.

Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens

24 Les deuxième, troisième et quatrième moyens recouvrent un seul grief, à savoir que le Tribunal aurait commis une erreur de droit en constatant que la Commission avait agi dans le cadre de ses compétences et sans détournement de pouvoir, en suspendant le versement de nouvelles aides jusqu'à la restitution des anciennes aides TWD I. Il convient donc d'examiner ces trois moyens ensemble.

25 A titre liminaire, il ressort des constatations faites dans le cadre du premier moyen que les décisions TWD II et TWD III ont pu valablement être interprétées par le Tribunal en ce sens que les nouvelles aides ne pouvaient pas être compatibles avec le marché commun aussi longtemps que les anciennes aides illégales n'avaient pas été remboursées, puisque l'effet cumulé des aides produisait une distorsion considérable de la concurrence sur le marché commun. Dans ces conditions, le non-remboursement des aides illégales constituait un élément de fond, légalement pris en considération dans l'examen de la compatibilité des nouvelles aides, en sorte que la suspension du versement de ces dernières ne saurait être assimilé à un simple ordre de recouvrement.

26 A cet égard, il y a lieu de relever que l'article 93, paragraphe 2, premier alinéa, du traité confère à la Commission la responsabilité de mettre en oeuvre, sous le contrôle de la Cour, une procédure spéciale organisant l'examen permanent et le contrôle des aides que les États membres ont l'intention d'instituer (arrêts du 14 février 1990, France/Commission, C-301/87, Rec. p. I-307, et du 4 février 1992, British Aerospace et Rover/Commission, C-294/90, Rec. p. I-493, point 10). En particulier, dans le domaine de l'article 92, paragraphe 3, du traité, applicable dans les décisions litigieuses, la Commission jouit d'un large pouvoir d'appréciation, dont l'exercice implique des évaluations d'ordre économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire (arrêt France/Commission, précité, point 49). Lorsque la Commission examine la compatibilité d'une aide d'État avec le marché commun, elle doit prendre en considération tous les éléments pertinents, y compris, le cas échéant, le contexte déjà apprécié dans une décision antérieure, ainsi que les obligations que cette décision antérieure a pu imposer à un État membre (arrêt du 3 octobre 1991, Italie/Commission, C-261/89, Rec. p. I-4437, point 20).

27 Il en résulte que le Tribunal n'a commis aucune erreur de droit en constatant, aux points 56 et 59 de l'arrêt entrepris, que la Commission avait agi dans le cadre de ses compétences en prenant en considération, d'une part, l'éventuel effet cumulé des anciennes aides TWD I et des nouvelles aides TWD II et TWD III ainsi que, d'autre part, le fait que les anciennes aides TWD I n'avaient pas été restituées.

28 Si les décisions de la Commission n'outrepassaient donc pas le pouvoir d'appréciation dont elle dispose, elles ne sauraient devenir illégales du seul fait que la requérante les a considérées comme un moyen de pression pour obtenir la restitution des sommes qu'elle détient illégalement. Ainsi que le Tribunal l'a à juste titre constaté, un détournement de pouvoir de la Commission ne saurait en être déduit.

29 Dans la mesure où la Commission a agi dans les limites de ses compétences, il est également exclu qu'elle aurait parallèlement empiété sur celles des États membres.

30 Il s'ensuit que les deuxième, troisième et quatrième moyens doivent être rejetés.

Sur le cinquième moyen

31 Par son cinquième moyen, la requérante fait grief au Tribunal d'avoir confirmé à tort, au point 83 de l'arrêt entrepris, les décisions de la Commission dans lesquelles cette dernière a constaté que les aides TWD II et TWD III, cumulées avec les aides TWD I, faussaient la concurrence dans une mesure contraire à l'intérêt communautaire. Elle fait valoir, à cet égard, qu'elle n'a bénéficié, du fait des aides TWD I, d'aucun avantage concurrentiel, étant donné que les fonds avaient été utilisés et les prêts remboursés. Une atteinte à la concurrence serait exclue, car elle n'aurait pas pu, de toute façon, bénéficier d'un avantage concurrentiel contraire au droit communautaire: en effet, en cas de confirmation de la restitution des anciennes aides par la juridiction nationale, tous les avantages devront être restitués par la suite; dans le cas contraire, c'est à dire si la juridiction nationale devait reconnaître qu'elle avait une confiance légitime, les avantages ne seraient pas contraires au droit communautaire, puisque la protection de la confiance légitime devrait également être reconnue par le droit communautaire.

32 A cet égard, il convient de rappeler qu'il résulte de l'article 51 du statut CE de la Cour de justice, ainsi que de l'article 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, qu'un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l'arrêt dont l'annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques avancés au soutien de la demande d'annulation de celui-ci (voir ordonnance du 24 avril 1996, CNPAAP/Conseil, C-87/95 P, Rec. p. I-2003, point 29, et arrêt du 17 avril 1997, Campo Ebro e.a./Conseil, C-138/95 P, non encore publié au Recueil, point 60).

33 Or, il y a lieu de constater que, en l'occurrence, la requérante se borne à répéter des arguments qu'elle a déjà exposés devant le Tribunal et que celui-ci a rejetés aux points 82 à 85 de l'arrêt entrepris, sans chercher à établir que ce dernier a commis des erreurs de droit dans les appréciations factuelles auxquelles il a procédé. Ainsi, le moyen vise en réalité à obtenir un simple réexamen des faits, ce qui échappe à la compétence de la Cour.

34 Ce moyen doit donc être rejeté comme irrecevable.

Sur le sixième moyen

35 Par son sixième moyen, la requérante invoque une violation du principe de proportionnalité au motif que la valeur des aides TWD II et TWD III dépasse de loin celle des aides TWD I. Le Tribunal aurait eu tort de se fonder sur le montant des aides au lieu de se fonder sur leur valeur financière effective. La méthode de calcul de la Commission serait ainsi erronée.

36 Par ce moyen, la requérante se borne également à répéter les arguments qu'elle a déjà exposés devant le Tribunal et que celui-ci a rejetés, aux points 94 à 97 de l'arrêt entrepris, en constatant que les calculs, sur lesquels la requérante fonde son argumentation, sont erronés. Le moyen vise donc, comme le précédent, un simple réexamen des données factuelles, sans indiquer d'arguments juridiques.

37 Le moyen est donc irrecevable pour les mêmes raisons que celles énoncées au point 33 du présent arrêt.

38 Au vu de ce qui précède, le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

39 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. La requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens de la présente instance.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête:

1) Le pourvoi est rejeté.

2) La requérante est condamnée aux dépens.