Affaire T-212/02

Commune de Champagne e.a.

contre

Conseil de l'Union européenne etCommission des Communautés européennes

« Recours en annulation — Accord CE/Confédération suisse relatif aux échanges de produits agricoles — Décision portant approbation de l’accord — Portée juridique — Produits vitivinicoles — Dénominations protégées — Exception d’homonymie — Règlement (CEE) nº 2392/89 et règlement (CE) nº 753/2002 — v.q.p.r.d. ‘champagne’ — Vins issus de la commune de Champagne dans le canton de Vaud — Recevabilité — Acte faisant grief — Qualité pour agir — Personne individuellement concernée — Recours en indemnité — Lien de causalité — Dommage imputable à la Communauté — Incompétence »

Ordonnance du Tribunal (troisième chambre) du 3 juillet 2007 

Sommaire de l'ordonnance

1.     Recours en annulation — Intérêt à agir

(Art. 230 CE; accord CE-Suisse relatif aux échanges de produits agricoles, annexe 7, art. 5, § 8; décision du Conseil et de la Commission 2002/309, art. 1er)

2.     Recours en annulation — Actes susceptibles de recours — Actes produisant des effets juridiques obligatoires

(Art. 230 CE et 299 CE; accord CE-Suisse relatif aux échanges de produits agricoles, art. 14 et 17, § 1, annexe 7, art. 5, § 1 à 6, et appendice 2; décision du Conseil et de la Commission 2002/309)

3.     Recours en annulation — Actes susceptibles de recours — Actes produisant des effets juridiques obligatoires

(Art. 230 CE; accord CE-Suisse relatif aux échanges de produits agricoles, annexe 7, art. 5, § 1 à 6, et appendice 2; règlement du Conseil nº 2392/89, art. 29, § 2 et 3; règlement de la Commission nº 753/2002, art. 36, § 3, et annexe VI; décision du Conseil et de la Commission 2002/309)

4.     Responsabilité non contractuelle — Conditions — Illégalité — Préjudice — Lien de causalité

(Art. 288, al. 2, CE; accord CE-Suisse relatif aux échanges de produits agricoles, annexe 7, art. 5, § 1 à 6, et appendice 2; décision du Conseil et de la Commission 2002/309)

1.     Un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n'est recevable que dans la mesure où le requérant a un intérêt à voir annuler l'acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l'annulation de cet acte soit susceptible, par elle-même, d'avoir des conséquences juridiques ou, selon une autre formule, que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l'a intenté.

Par conséquent, est irrecevable le recours en annulation dirigé par des producteurs de vins originaires du canton de Vaud en Suisse commercialisés sous la dénomination « champagne », par la commune vaudoise de Champagne, par une association vitivinicole ainsi que par une association pour la défense de cette dénomination contre la décision 2002/309 en tant qu'elle porte approbation, au nom de la Communauté européenne, de l'article 5, paragraphe 8, de l'annexe 7 de l'accord entre la Communauté et la Confédération suisse relatif aux échanges de produits agricoles, qui a pour seul effet d'autoriser, pour une période transitoire de deux ans, la commercialisation en dehors du territoire communautaire de certains vins originaires du canton de Vaud sous la dénomination « champagne ».

Cette disposition constitue, en effet, un aménagement au profit de certains vins originaires du canton de Vaud de la protection exclusive dont bénéficie, en vertu de l'article 5, paragraphes 1 à 3, de l'annexe 7 de l'accord, la dénomination « champagne » visée dans la liste des produits vitivinicoles originaires de la Communauté figurant à l'appendice 2 de cette même annexe. Dans ces circonstances, l'annulation de ladite décision 2002/309 en tant qu'elle approuve cette dernière disposition non seulement ne serait d'aucun bénéfice pour les requérants mais serait même à leur détriment en ce qu'elle supprimerait la période transitoire qu'elle établit à leur profit.

(cf. points 39, 52-53)

2.     La décision 2002/309 portant approbation, au nom de la Communauté européenne, notamment, de l'accord entre la Communauté et la Confédération suisse relatif aux échanges de produits agricoles n'emporte aucun effet juridique obligatoire de nature à modifier la situation juridique des requérants sur le territoire de la Suisse et, dans cette mesure, ne constitue pas un acte susceptible de recours sur le fondement de l'article 230 CE.

En effet, un acte des institutions pris en application du traité ne saurait, en tant qu'acte unilatéral de la Communauté, être créateur de droits et d'obligations en dehors du territoire défini par l'article 299 CE, de sorte que cette décision ne saurait avoir pour champ d'application que ledit territoire et se trouve dépourvue de tout effet juridique sur le territoire de la Suisse. Seul ledit accord, lequel n'est pas susceptible de recours, a vocation à produire des effets juridiques sur le territoire de la Suisse, selon les modalités propres à l'ordre juridique de cet État et une fois qu'il aura été ratifié selon les procédures qui y sont applicables. Ainsi, ladite décision, adoptée par le Conseil et la Commission, au nom et pour le compte de la Communauté, ne modifie pas la situation juridique des requérants sur le territoire de la Suisse, cette situation étant régie par les seules dispositions adoptées par cet État dans l'exercice de sa compétence souveraine. Les effets prétendument préjudiciables que l'accord produit sur le territoire de la Suisse à l'égard des requérants trouvent, en effet, leur unique source dans la circonstance que, en décidant souverainement de ratifier ledit accord, la Confédération suisse a consenti à être liée par celui-ci et s'est engagée, conformément à l'article 14 dudit accord, à prendre les mesures propres à assurer l'exécution des obligations en résultant, parmi lesquelles celles découlant de l'article 5, paragraphes 1 à 6, et de l'appendice 2 de l'annexe 7 de l'accord, qui énoncent un régime de protection exclusive de la dénomination communautaire « champagne ».

(cf. points 90-91, 95)

3.     Un requérant n'est recevable à introduire un recours au titre de l'article 230 CE qu'à la condition que l'acte attaqué produise des effets juridiques obligatoires de nature à affecter ses intérêts en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique. Tel n'est pas le cas de la décision 2002/309, en tant qu'elle porte approbation, au nom de la Communauté européenne, de l'article 5, paragraphes 1 à 6, et de l'appendice 2 de l'annexe 7 de l'accord entre la Communauté et la Confédération suisse relatif aux échanges de produits agricoles, à l'égard des requérants, à savoir des producteurs de vins originaires du canton de Vaud en Suisse commercialisés sous la dénomination « champagne », la commune vaudoise de Champagne, une association vitivinicole ainsi qu'une association pour la défense de cette dénomination, de sorte que ceux-ci ne disposent pas d'un intérêt à agir contre cette décision.

À cet égard, si lesdites dispositions de l'accord garantissent l'exclusivité, sur le territoire communautaire, du droit à la dénomination « champagne » au bénéfice de certains vins produits dans la région française de Champagne sous cette dénomination, cette situation juridique prévalait déjà, à l'égard des requérants, lors de l'entrée en vigueur de l'accord ainsi que lors de l'introduction du recours. En effet, conformément à l'article 29, paragraphe 2, du règlement nº 2392/89, établissant les règles générales pour la désignation et la présentation des vins et des moûts de raisins, lors de l'introduction du recours, la dénomination « champagne » ne pouvait, en principe, être utilisée pour la désignation d'aucun vin importé. Par ailleurs, l'exception d'homonymie prévue, dans certaines circonstances, par le paragraphe 3 de cette disposition, lorsqu'il y a identité entre le nom géographique d'un produit dans la Communauté et celui d'une unité géographique située dans un pays tiers, ne s'applique pas de plein droit mais consécutivement à une décision expresse de dérogation. Or, au jour de l'introduction du recours, le vin produit sur le territoire de la commune vaudoise de Champagne ne bénéficiait d'aucune décision de dérogation à l'interdiction prévue à l'article 29, paragraphe 2, précité, de sorte que les requérants se trouvaient juridiquement empêchés de commercialiser leurs produits sous la dénomination « champagne ».

Les dispositions du règlement nº 753/2002, fixant certaines modalités d'application du règlement nº 1493/1999 en ce qui concerne la désignation, la dénomination, la présentation et la protection de certains produits vitivinicoles, ne permettent pas non plus, en tout état de cause, aux requérants de commercialiser dans la Communauté les vins qu'ils produisent sur le territoire de la commune vaudoise de Champagne sous la dénomination « champagne ». En effet, l'exception d'homonymie prévue par l'article 36, paragraphe 3, du règlement nº 753/2002 n'a pas vocation à s'appliquer de plein droit mais est conditionnée à l'inscription à l'annexe VI de ce règlement tant des indications géographiques des pays tiers homonymes d'indications géographiques utilisées pour la désignation d'un vin de qualité produit dans une région déterminée qui peuvent en bénéficier que des conditions pratiques garantissant que ces indications géographiques sont différenciées les unes des autres. Or, ladite annexe VI est vide à ce jour et ne mentionne donc pas la dénomination « champagne » parmi les indications géographiques des pays tiers pouvant bénéficier de l'exception de l'homonymie.

Enfin, la possibilité pour ces vins de pouvoir, à l'avenir, bénéficier de l'exception d'homonymie prévue par ledit article 36, paragraphe 3, du règlement nº 753/2002, dans l'hypothèse où la décision 2002/309 viendrait à être annulée, paraît inenvisageable eu égard à l'insuffisance des conditions établies par le droit suisse en vue de bénéficier de l'appellation communale « champagne ». Par ailleurs, une éventuelle modification de la situation juridique des requérants, résultant, par exemple, de la modification des conditions d'octroi de l'appellation vaudoise « champagne », ne serait pas de nature à justifier l'intérêt à agir du requérant, cet intérêt ne pouvant être évalué en fonction d'un événement futur et hypothétique.

(cf. points 128, 133-135, 138-139, 143-145, 149-151)

4.     L'engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté au sens de l'article 288, deuxième alinéa, CE est subordonné à la réunion d'un ensemble de conditions, à savoir l'illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l'existence d'un lien de causalité entre le comportement allégé et le préjudice invoqué. S'agissant de cette dernière condition, le préjudice invoqué doit être le résultat direct du comportement allégué.

Sur le territoire communautaire, l'article 5, paragraphes 1 à 6, et l'appendice 2 de l'annexe 7 de l'accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse relatif aux échanges de produits agricoles, qui énoncent un régime de protection exclusive de la dénomination communautaire « champagne », n'ont pas eu d'incidence sur la situation des requérants, lesquels étaient déjà empêchés, lors de l'entrée en vigueur de l'accord, de commercialiser leur production sous la dénomination « champagne » en vertu du règlement nº 2392/89, établissant les règles générales pour la désignation et la présentation des vins et des moûts de raisin. Cette impossibilité résulte également du règlement nº 753/2002, fixant certaines modalités d'application du règlement nº 1493/1999 en ce qui concerne la désignation, la dénomination, la présentation et la protection de certains produits vitivinicoles, devenu applicable à partir du 1er août 2003. Il s'ensuit que, sur le territoire communautaire, la décision 2002/309 portant approbation, au nom de la Communauté, dudit accord ne saurait être à l'origine du préjudice que les requérants prétendent avoir subi, celui-ci, tel qu'identifié par les requérants, résultant déjà de la réglementation communautaire applicable.

Sur le territoire suisse, les effets prétendument préjudiciables que ce même accord produit à l'égard des requérants trouvent leur unique source dans la circonstance que, en décidant souverainement de signer et de ratifier ledit accord, la Confédération suisse a consenti à y être liée et s'est engagée, conformément à l'article 14 dudit accord, à prendre les mesures propres à assurer l'exécution des obligations en résultant, parmi lesquelles celles découlant de l'article 5, paragraphes 1 à 6, et de l'appendice 2 de l'annexe 7, précités. Il s'ensuit que l'éventuel préjudice que les requérants pourraient subir, sur le territoire suisse, du fait des mesures prises par les autorités suisses en exécution de l'accord ne peut être considéré comme imputable à la Communauté, de sorte que le juge communautaire n'est pas compétent pour connaître d'une action visant à en obtenir la réparation.

(cf. points 200-201, 204-207)







ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

3 juillet 2007 (*)

« Recours en annulation – Accord CE/Confédération suisse relatif aux échanges de produits agricoles – Décision portant approbation de l’accord – Portée juridique – Produits vitivinicoles – Dénominations protégées – Exception d’homonymie – Règlement (CEE) n° 2392/89 et règlement (CE) n° 753/2002 – v.q.p.r.d. ‘champagne’ – Vins issus de la commune de Champagne dans le canton de Vaud – Recevabilité – Acte faisant grief – Qualité pour agir – Personne individuellement concernée – Recours en indemnité – Lien de causalité – Dommage imputable à la Communauté – Incompétence »

Dans l’affaire T‑212/02,

Commune de Champagne (Suisse),

« Défense de l’appellation Champagne ASBL », établie à Champagne (Suisse),

Cave des viticulteurs de Bonvillars, établie à Bonvillars (Suisse), et les autres requérants dont les noms figurent en annexe à la présente ordonnance, représentés par Mes D. Waelbroeck et A. Vroninks, avocats,

parties requérantes,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par M. J. Carbery, puis par MM. F. Florindo Gijón et F. Ruggeri Laderchi, en qualité d’agents,

et

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par M. J. Forman et Mme D. Maidani, puis par MM. Forman et F. Dintilhac, en qualité d’agents,

parties défenderesses,

soutenus par

République française, représentée par M. G. de Bergues et Mme A. Colomb, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation de l’article 1er de la décision 2002/309/CE, Euratom du Conseil et de la Commission, du 4 avril 2002, concernant l’accord de coopération scientifique et technologique, relative à la conclusion de sept accords avec la Confédération suisse (JO L 114, p. 1), en tant qu’elle approuve l’article 5, paragraphe 8, du titre II de l’annexe 7 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse relatif aux échanges de produits agricoles et une demande de réparation du préjudice prétendument causé aux requérants par celui-ci,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCEDES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, J. Azizi et Mme E. Cremona, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique

1       Le vin mousseux produit dans la région française de Champagne bénéficie, dans la Communauté, de la dénomination protégée « vin de qualité produit dans une région déterminée » (v.q.p.r.d.), conformément au règlement (CEE) n° 823/87 du Conseil, du 16 mars 1987, établissant des dispositions particulières relatives aux v.q.p.r.d. (JO L 84, p. 59), tel que modifié, ainsi qu’à la liste des v.q.p.r.d., publiée en vertu de l’article 1er, paragraphe 3, de ce règlement (JO 1999, C 46, p. 113).

2       Aux termes de l’article 29, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 2392/89 du Conseil, du 24 juillet 1989, établissant les règles générales pour la désignation et la présentation des vins et des moûts de raisins (JO L 232, p. 13) :

« Pour la désignation d’un vin importé, le nom d’une unité géographique utilisé pour la désignation d’un vin de table ou d’un v.q.p.r.d. ou d’une région déterminée dans la Communauté ne peut être utilisé ni dans la langue du pays producteur dans lequel est située cette unité ou cette région, ni dans une autre langue. »

3       Selon l’article 29, paragraphe 3, deuxième alinéa, de ce règlement :

« Des dérogations au paragraphe 2 peuvent être décidées lorsqu’il y a identité entre le nom géographique d’un vin produit dans la Communauté et celui d’une unité géographique, située dans un pays tiers, lorsque dans ce pays ce nom est utilisé pour un vin conformément à des usages anciens et constants et à la condition que son emploi soit réglementé par ce pays. »

4       Le règlement (CE) n° 1493/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, portant organisation commune du marché vitivinicole (JO L 179, p. 1), a abrogé, en vertu de ses articles 81 et 82, le règlement n° 823/87 et le règlement n° 2392/89 avec effet au 1er août 2000. Aux termes du règlement (CE) n° 1608/2000 de la Commission, du 24 juillet 2000, fixant des mesures transitoires dans l’attente des mesures définitives d’application du règlement n° 1493/1999, tel que modifié, en dernier lieu, par le règlement (CE) n° 699/2002 de la Commission, du 24 avril 2002 (JO L 109, p. 20), par dérogation à certaines dispositions du règlement n° 1493/1999, l’application de certaines dispositions du règlement n° 823/87 et de l’ensemble du règlement n° 2392/89 a toutefois été prorogée jusqu’au 31 mai 2002 dans l’attente de la finalisation et de l’adoption des mesures d’exécution du règlement n° 1493/1999.

5       Le 29 avril 2002 a été adopté le règlement (CE) n° 753/2002 de la Commission, fixant certaines modalités d’application du règlement n° 1493/1999 en ce qui concerne la désignation, la nomination, la présentation et la protection de certains produits vitivinicoles (JO L 118, p. 1). Ce règlement, tel que modifié par le règlement (CE) n° 2086/2002 de la Commission, du 25 novembre 2002, (JO L 321, p. 8), est applicable depuis le 1er août 2003.

6       L’article 48 du règlement n° 753/2002 abroge le règlement n° 1608/2000, l’article 47, paragraphe 2, du règlement n° 753/2002, tel que modifié, prévoyant néanmoins que, par dérogation à certaines dispositions du règlement n° 1493/1999, certaines dispositions du règlement n° 823/87 ainsi que le règlement n° 2392/89 dans son ensemble demeurent applicables jusqu’au 31 juillet 2003.

7       Aux termes de l’article 52 du règlement n° 1493/1999 :

« Si un État membre attribue le nom d’une région déterminée à un v.q.p.r.d. ainsi que, le cas échéant, à un vin destiné à être transformé en un tel v.q.p.r.d., ce nom ne peut être utilisé pour la désignation de produits du secteur vitivinicole ne provenant pas de cette région et/ou auxquels ce nom n’a pas été attribué conformément aux réglementations communautaire et nationale applicables. Il en est de même si un État membre a attribué le nom d’une commune, d’une partie de commune ou d’un lieu-dit uniquement à un v.q.p.r.d. ainsi que, le cas échéant, à un vin destiné à être transformé en un tel v.q.p.r.d.

Sans préjudice des dispositions communautaires concernant spécifiquement certains types de v.q.p.r.d., les États membres peuvent admettre, selon des conditions de production qu’ils déterminent, que le nom d’une région déterminée soit combiné avec une précision concernant le mode d’élaboration ou le type de produit, ou avec le nom d’une variété de vigne ou son synonyme. »

8       La dénomination « champagne » pour les vins de la région française de Champagne figure sur la liste des v.q.p.r.d. publiée conformément à l’article 54, paragraphe 5, du règlement n° 1493/1999 (JO 2006, C 41, p. 1, dans sa version la plus récente).

9       L’article 36, paragraphe 1, du règlement n° 753/2002 dispose que :

« Le nom d’une indication géographique visé à l’annexe VII, [...] A. 2, [sous] d), du règlement [...] n° 1493/1999 peut figurer sur l’étiquetage d’un vin importé, y compris un vin issu de raisins surmûris ou un moût de raisins partiellement fermentés destiné à la consommation humaine directe, d’un pays tiers qui est membre de l’Organisation mondiale du commerce à condition qu’elle serve à identifier un vin comme étant originaire du territoire d’un pays tiers, ou d’une région ou localité de ce pays tiers, dans les cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique. »

10     Aux termes du paragraphe 3 de cette même disposition :

« Les indications géographiques visées aux paragraphes 1 et 2 ne peuvent pas prêter à confusion avec une indication géographique utilisée pour la désignation d’un v.q.p.r.d., d’un vin de table ou d’un autre vin importé figurant dans les listes des accords conclus entre les pays tiers et la Communauté.

Toutefois, certaines indications géographiques des pays tiers visées au premier alinéa, homonymes d’indications géographiques utilisées pour la désignation d’un v.q.p.r.d., d’un vin de table ou d’un vin importé, peuvent être utilisées dans des conditions pratiques qui garantissent qu’elles soient différenciées les unes des autres, compte tenu de la nécessité d’assurer un traitement équitable des producteurs concernés et de faire en sorte que les consommateurs ne soient pas induits en erreur.

[...]

Ces indications et ces mentions ainsi que ces conditions pratiques sont indiquées à l’annexe VI. »

11     Aux termes de l’article 36, paragraphe 5, du règlement n° 753/2002, tel que modifié par le règlement (CE) n° 316/2004 de la Commission, du 20 février 2004 (JO L 55, p. 16) :

« Une indication géographique, visée aux paragraphes 1 et 2, d’un pays tiers peut être utilisée sur l’étiquetage d’un vin importé même si le vin en question n’est issu qu’à 85 % de raisins récoltés dans l’aire de production dont il porte le nom. »

12     La dénomination « champagne » pour les vins de la commune de Champagne dans le canton de Vaud, en Suisse, ne figure pas à l’annexe VI, intitulée « Liste des indications géographiques homonymes et [d]es conditions pratiques de leur utilisation visées à l’article 36, paragraphe 3 ».

 Faits à l’origine du litige

13     La commune de Champagne est située dans le canton de Vaud en Suisse, dans la région vinicole de Bonvillars. Il est produit, sur le territoire de la commune de Champagne, un vin blanc non mousseux à base de chasselas pur, commercialisé sous la dénomination « champagne ».

14     La Communauté européenne et la Confédération suisse ont signé le 21 juin 1999, sept accords, parmi lesquels l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse relatif aux échanges de produits agricoles (JO 2002, L 114, p. 32, ci-après l’« accord »).

15     L’article 5 de l’annexe 7 de l’accord prévoit :

« 1. Les parties prennent toutes les mesures nécessaires, conformément à la présente annexe, pour assurer la protection réciproque des dénominations visées à l’article 6 et utilisées pour la désignation et la présentation des produits vitivinicoles visés à l’article 2 originaires du territoire des parties. À cette fin, chaque partie met en place les moyens juridiques appropriés afin d’assurer une protection efficace et empêcher l’utilisation d’une indication géographique ou [d’]une mention traditionnelle pour désigner un produit vitivinicole non couvert par ladite indication ou ladite mention.

2. Les dénominations protégées d’une partie sont réservées exclusivement aux produits originaires de la partie auxquels elles s’appliquent et ne peuvent être utilisées que sous les conditions prévues par les lois et réglementations de cette partie.

[...]

4. En cas d’homonymie d’indications géographiques :

a)      lorsque deux indications protégées en vertu de la présente annexe sont homonymes, la protection est accordée à chacune d’entre elles pour autant que le consommateur ne soit pas induit en erreur sur la véritable origine du produit vitivinicole ;

[...]

5. En cas d’homonymie de mentions traditionnelles :

a)      lorsque deux mentions protégées en vertu de la présente annexe sont homonymes, la protection est accordée à chacune d’entre elles pour autant que le consommateur ne soit pas induit en erreur sur la véritable origine du produit vitivinicole ;

[...]

8. La protection exclusive énoncée aux paragraphes 1 [à] 3 du présent article s’applique à la dénomination ‘champagne’ visée dans la liste de la Communauté figurant à l’appendice 2 de la présente annexe. Toutefois, cette protection exclusive ne fait pas obstacle pendant une période transitoire de deux ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente annexe à l’utilisation du mot ‘champagne’ pour désigner et présenter certains vins originaires du canton de Vaud en Suisse, à condition que ces vins ne soient pas commercialisés sur le territoire de la Communauté et que le consommateur ne soit pas induit en erreur sur la véritable origine du vin. »

16     L’article 6 de l’annexe 7 de l’accord dispose :

« Les dénominations suivantes sont protégées :

a)      en ce qui concerne les produits vitivinicoles originaires de la Communauté :

–       les termes qui se réfèrent à l’État membre dont le produit vitivinicole est originaire,

–       les termes spécifiques communautaires figurant à l’appendice 2,

–       les indications géographiques et mentions traditionnelles figurant à l’appendice 2 ;

b)      en ce qui concerne les produits vitivinicoles originaires de Suisse :

–       les termes ‘Suisse’, ‘Schweiz’, ‘Svizzera’, ‘Svizra’ ou tout autre nom désignant ce pays,

–       les termes spécifiques suisses figurant à l’appendice 2,

–       les indications géographiques et mentions traditionnelles figurant à l’appendice 2. »

17     L’instrument de ratification de la Confédération suisse a été déposé le 16 octobre 2000, à la suite de l’approbation de l’accord par l’assemblée fédérale de la Confédération suisse le 8 octobre 1999 ainsi que par votation populaire tenue le 21 mai 2000.

18     Par décision 2002/309/CE, Euratom du Conseil et de la Commission, du 4 avril 2002, concernant l’accord de coopération scientifique et technologique, relative à la conclusion de sept accords avec la Confédération suisse (JO L 114, p. 1, ci-après la « décision attaquée »), l’accord a été approuvé au nom de la Communauté européenne.

19     Conformément à son article 17, paragraphe 1, l’accord est entré en vigueur le 1er juin 2002.

 Procédure

20     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er juillet 2002, les requérants ont introduit le présent recours.

21     Par actes séparés déposés au greffe du Tribunal, respectivement les 16 et 30 octobre 2002, le Conseil et la Commission ont soulevé, conformément à l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, une exception d’irrecevabilité.

22     Le 25 octobre 2002, la République française a demandé à intervenir au litige au soutien des conclusions du Conseil et de la Commission. Par ordonnance du 18 novembre 2002, le président de la troisième chambre du Tribunal a fait droit à cette demande.

23     La République française a déposé son mémoire en intervention limité à la recevabilité le 20 janvier 2003.

24     Les requérants ont déposé leurs observations sur les exceptions d’irrecevabilité le 3 février 2003 et leurs observations sur le mémoire en intervention le 24 mars 2003. Le Conseil et la Commission ont renoncé à présenter des observations sur le mémoire en intervention.

25     Par ordonnance du 17 juin 2003, le Tribunal a décidé de joindre l’exception d’irrecevabilité au fond, et, au titre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, a invité les parties à répondre à certaines questions écrites dans le cadre de leurs mémoires. Il a été déféré à cette demande dans les délais impartis.

 Conclusions des parties

26     Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       déclarer le présent recours recevable ;

–       annuler l’article 1er de la décision attaquée, en tant que le Conseil y a approuvé l’article 5, paragraphe 8, du titre II de l’annexe 7 de l’accord ;

–       pour autant que de besoin, annuler cette décision en tant que le Conseil et la Commission y ont approuvé les autres dispositions de l’accord, ainsi que l’accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse dans le domaine du transport aérien, l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport des biens et des passagers par rail et par route, l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur la reconnaissance mutuelle en matière d’évaluation de la conformité, l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur certains aspects relatifs aux marchés publics, et l’accord de coopération scientifique et technologique entre les Communautés européennes et la Confédération suisse ;

–       constater la responsabilité extracontractuelle de la Communauté, représentée par le Conseil et la Commission, et condamner ceux-ci à compenser les requérants de tout dommage en raison de l’article 5, paragraphe 8, du titre II de l’annexe 7 de l’accord ;

–       condamner les parties à produire, dans un délai raisonnable, les chiffres exacts du montant du dommage sur lesquels les parties se seront mises d’accord ou, à défaut, les condamner à communiquer des conclusions additionnelles contenant des chiffres exacts ou, à défaut, condamner le Conseil à verser aux requérants viticulteurs la somme de 1 108 108 francs suisses (CHF) sous réserve de précisions à apporter en cours d’instance ;

–       condamner le Conseil et la Commission aux dépens.

27     Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours comme irrecevable ;

–       subsidiairement, le rejeter comme non fondé ;

–       condamner les requérants aux dépens.

28     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours comme irrecevable ;

–       à titre subsidiaire, le rejeter comme non fondé ;

–       condamner les requérants aux dépens.

29     La République française conclut à qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours comme irrecevable ;

–       subsidiairement, le rejeter comme non fondé ;

–       condamner les requérants aux dépens.

 En droit

30     Aux termes de l’article 113 du règlement de procédure, le Tribunal peut, statuant dans les conditions prévues à l’article 114, paragraphes 3 et 4, de ce même règlement, à tout moment examiner d’office, les parties entendues, les fins de non-recevoir d’ordre public, au rang desquelles figurent, selon une jurisprudence constante, les conditions de recevabilité d’un recours fixées par l’article 230, quatrième alinéa, du traité CE (arrêt de la Cour du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, Rec. p. I‑1125, point 23 ; ordonnances du Tribunal du 26 mars 1999, Biscuiterie-confiserie LOR et Confiserie du Tech/Commission, T‑114/96, Rec. p. II‑913, point 24, et du 8 juillet 1999, Area Cova e.a./Conseil, T‑194/95, Rec. p. II‑2271, point 22).

31     En outre, aux termes de l’article 111 du règlement de procédure, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsque celui-ci est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

32     En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces produites et les explications fournies par les parties pendant la procédure écrite. Le dossier comportant tous les éléments nécessaires en vue de statuer et les parties ayant été entendues, le Tribunal décide, en conséquence, qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

1.     Sur les conclusions en annulation

 Sur la recevabilité

 Sur la nature d’acte faisant grief de l’article 5, paragraphe 8, de l’annexe 7 de l’accord

–       Arguments des parties

33     Le Conseil et la Commission font valoir que l’article 5, paragraphe 8, de l’annexe 7 de l’accord (ci-après la « clause champagne ») ne fait pas grief aux requérants. En effet, l’impossibilité d’utiliser la dénomination « champagne » pour désigner et présenter les vins dont certains des requérants sont producteurs résulterait de la seule lecture combinée de l’article 5, paragraphes 1 à 3, de l’article 6 ainsi que de l’appendice 2 de l’annexe 7 de l’accord. La clause champagne aurait ainsi pour unique effet d’instaurer, au bénéfice de certains vins du canton de Vaud, une période transitoire de deux ans durant laquelle l’utilisation du mot « champagne » serait autorisée à condition que ces vins ne soient pas commercialisés sur le territoire de la Communauté et que le consommateur ne soit pas induit en erreur sur la véritable origine du vin.

34     La Commission en conclut que, dans la mesure où les requérants demandent l’annulation de la décision attaquée en tant qu’elle approuve la clause champagne, les présentes conclusions en annulation doivent être rejetées comme irrecevables.

35     Les requérants soutiennent que s’il est exact que, de manière générale, la protection exclusive des dénominations des produits vitivinicoles résulte de l’article 5, paragraphes 1 à 3, de l’annexe 7 de l’accord, la clause champagne prévoit un régime plus sévère pour la dénomination « champagne ». En effet, alors que pour les autres produits vitivinicoles l’exception d’homonymie jouerait dans les conditions prévues à l’article 5, paragraphes 4 et 5, de l’annexe 7 de l’accord, la clause champagne aurait pour effet, une fois la période transitoire écoulée, d’interdire toute commercialisation des produits portant la dénomination « champagne » et donc d’exclure l’éventuelle exception d’homonymie dont auraient pu se prévaloir les vins originaires de la commune de Champagne.

36     La clause champagne privant les requérants de la possibilité d’invoquer une exception d’homonymie en faveur des vins issus de la commune de Champagne, l’annulation des dispositions attaquées aurait pour effet, en vertu de l’article 233 CE, de contraindre les institutions communautaires à prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du Tribunal et, ainsi, à entamer de nouvelles négociations avec la Confédération suisse en conformité avec les exigences formulées par le Tribunal. Dès lors, les requérants considèrent que la clause champagne affecte directement leur situation.

–       Appréciation du Tribunal

37     Il convient de relever que le présent recours a pour objet exprès l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée en tant qu’elle approuve la clause champagne. Ce n’est que subsidiairement et dans la seule hypothèse où les sept accords sectoriels approuvés par ladite décision formeraient un tout indissociable que le recours vise également à l’annulation de la décision attaquée en tant qu’elle approuve l’ensemble de l’accord ainsi que les six autres accords sectoriels.

38     Il s’ensuit que, à tout le moins formellement, les requérants, selon les termes mêmes de leurs conclusions, identifient la disposition leur faisant grief comme étant la clause champagne, et que ce n’est que pour autant que la décision attaquée approuve ladite clause que ceux-ci en demandent l’annulation, et ce que l’on considère la demande principale d’annulation partielle ou la demande subsidiaire d’annulation intégrale de ladite décision. La question de l’étendue de l’annulation demandée est, en effet, décrite par les requérants comme dépendant du seul caractère dissociable des sept accords approuvés par la décision attaquée et n’a donc pas d’incidence quant à l’identification de la disposition dont les requérants estiment qu’elle leur fait grief.

39     Selon une jurisprudence constante, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où le requérant a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué (arrêts du Tribunal du 14 septembre 1995, Antillean Rice Mills e.a./Commission, T‑480/93 et T‑483/93, Rec. p. II‑2305, point 59 ; du 25 mars 1999, Gencor/Commission, T‑102/96, Rec. p. II‑753, point 40 ; du 30 janvier 2002, Nuove Industrie Molisane/Commission, T‑212/00, Rec. p. II‑347). Un tel intérêt suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques (voir arrêt du Tribunal du 28 septembre 2004, MCI/Commission, T‑310/00, Rec. p. II‑3253, point 44, et la jurisprudence citée) ou, selon une autre formule, que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (ordonnance du Tribunal du 17 octobre 2005, First Data e.a./Commission, T‑28/02, Rec. p. II‑4119, point 34).

40     Dès lors, il convient d’établir si la clause champagne affecte, à leur détriment, les droits des requérants, en vue de déterminer s’ils disposent d’un intérêt à obtenir l’annulation de la décision attaquée en tant qu’elle approuve ladite clause, cette annulation constituant l’objet de leur recours.

41     À cet égard, il y a lieu de relever que, aux termes de l’article 5, paragraphe 2, de l’annexe 7 de l’accord, les dénominations protégées d’une partie sont réservées aux produits originaires de la partie auxquels elles s’appliquent. Les dénominations protégées au sens de ladite annexe sont énumérées à l’article 6.

42     Sont visés, en ce qui concerne les produits vitivinicoles originaires de la Communauté, conformément à l’article 6, sous a), de l’annexe 7 de l’accord :

–       les termes qui se réfèrent à l’État membre dont le produit vitivinicole est originaire,

–       les termes spécifiques communautaires figurant à l’appendice 2,

–       les indications géographiques traditionnelles figurant à l’appendice 2.

43     Selon les dispositions de l’article 6, sous b), de cette même annexe, en ce qui concerne les produits vitivinicoles originaires de Suisse, sont visés :

–       les termes « Suisse », « Schweiz », « Svizzera », « Svizra » ou tout autre nom désignant ce pays,

–       les termes spécifiques suisses figurant à l’appendice 2,

–       les indications géographiques et mentions traditionnelles figurant à l’appendice 2.

44     L’appellation d’origine contrôlée française « champagne » figure à ladite appendice 2 en tant qu’indication géographique au sens de l’article 6, sous a), troisième tiret, de l’annexe 7 de l’accord.

45     La dénomination « champagne » ne figure toutefois pas parmi les dénominations protégées pour les produits vitivinicoles originaires de Suisse mentionnées à l’appendice 2, et ce que ce soit en tant qu’indication géographique suisse ou en tant que mention traditionnelle suisse, ledit appendice ne mentionnant, par ailleurs, aucun des termes spécifiques visés à l’article 6, sous b), deuxième tiret, de l’annexe 7 de l’accord. Ne constituant pas, en outre, un nom désignant la Suisse, la dénomination « champagne » doit donc être considérée comme n’étant pas une dénomination suisse protégée au sens de l’annexe 7 de l’accord.

46     Or, il y a lieu de rappeler que l’article 5, paragraphe 4, sous a), de l’annexe 7 de l’accord prévoit que « lorsque deux indications protégées en vertu de la présente annexe sont homonymes, la protection est accordée à chacune d’entre elles pour autant que le consommateur ne soit pas induit en erreur sur la véritable origine du produit vitivinicole ». De même, l’article 5, paragraphe 5, sous a), de cette annexe prévoit que « lorsque deux mentions protégées en vertu de la présente annexe sont homonymes, la protection est accordée à chacune d’entre elles pour autant que le consommateur ne soit pas induit en erreur sur la véritable origine du produit vitivinicole ».

47     Ainsi, les exceptions d’homonymie prévues à l’article 5, paragraphes 4 et 5, de l’annexe 7 de l’accord, dont les requérants estiment se voir privés du bénéfice en vertu de la clause champagne, n’ont vocation à s’appliquer qu’en présence de deux indications ou mentions homonymes et protégées en vertu de l’annexe 7 de l’accord.

48     Or, il a été exposé précédemment que la dénomination « champagne » n’était pas une dénomination suisse protégée en vertu de l’annexe 7 de l’accord.

49     Il s’ensuit que l’impossibilité, pour les requérants, de se prévaloir de l’une des exceptions d’homonymie prévues à l’article 5, paragraphes 4 et 5, de l’annexe 7 de l’accord résulte de l’économie même de ces dispositions et de la circonstance que la dénomination « champagne » ne constitue pas une dénomination suisse protégée au sens de l’annexe 7 de l’accord.

50     C’est donc à tort que les requérants prétendent que la clause champagne les prive de la possibilité de se prévaloir de l’une des exceptions d’homonymie prévue à l’article 5, paragraphes 4 et 5, de l’annexe 7 de l’accord.

51     En effet, il convient de rappeler que, aux termes de ladite clause :

« La protection exclusive énoncée aux paragraphes 1 [à] 3 du présent article s’applique à la dénomination ‘champagne’ visée dans la liste de la Communauté figurant à l’appendice 2 de la présente annexe. Toutefois, cette protection exclusive ne fait pas obstacle pendant une période transitoire de deux ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente annexe à l’utilisation du mot ‘champagne’ pour désigner et présenter certains vins originaires du canton de Vaud en Suisse, à condition que ces vins ne soient pas commercialisés sur le territoire de la Communauté et que le consommateur ne soit pas induit en erreur sur la véritable origine du vin ».

52     La clause champagne a donc pour seul effet d’autoriser, pour une période transitoire de deux ans, la commercialisation en dehors du territoire communautaire de certains vins originaires du canton de Vaud sous la dénomination « champagne ». La clause champagne constitue, dès lors, un aménagement au profit de certains vins originaires du canton de Vaud de la protection exclusive dont bénéficie, en vertu de l’article 5, paragraphes 1 à 3, de l’annexe 7 à l’accord, la dénomination « champagne » visée dans la liste communautaire figurant à l’appendice 2 de cette même annexe, ainsi que l’expriment d’ailleurs la première phrase de ladite clause et l’adverbe « toutefois » situé au début de sa seconde phrase.

53     Dans ces circonstances, force est de constater que l’annulation de la décision attaquée en tant qu’elle approuve la clause champagne non seulement ne serait d’aucun bénéfice pour les requérants, mais serait même à leur détriment en ce qu’elle supprimerait la période transitoire qu’elle établit à leur profit. Dans cette mesure, les requérants ne disposent d’aucun intérêt à agir contre la clause champagne et leur recours doit être, à ce titre, rejeté comme irrecevable.

54     Il convient toutefois de relever que, au-delà de la stricte formulation de leurs conclusions, il ressort des moyens développés par les requérants que ceux-ci contestent, en substance, l’interdiction qui leur serait faite, en vertu de l’accord, de commercialiser les vins issus de la commune vaudoise de Champagne sous la dénomination « champagne » à l’issue de la période transitoire de deux ans prévue par la clause champagne.

55     Or, s’il est vrai que, ainsi qu’il a été exposé précédemment, la clause champagne ne constitue pas le fondement juridique de cette interdiction, il n’en demeure pas moins que l’accord, en vertu de l’article 5, paragraphes 1 à 6, de son annexe 7 ainsi que de l’appendice 2 de cette même annexe, impose effectivement à la Confédération suisse de garantir la protection exclusive de la dénomination communautaire « champagne » et exclut toute possibilité d’exception d’homonymie en faveur des vins originaires de la commune vaudoise de Champagne. En outre, il convient de relever que la clause champagne souligne de manière explicite cette circonstance dans sa première phrase, aux termes de laquelle « la protection exclusive énoncée aux paragraphes 1 [à] 3 du présent article s’applique à la dénomination ‘champagne’ visée dans la liste de la Communauté figurant à l’appendice 2 de la présente annexe », de sorte qu’elle constitue une formulation expresse du régime découlant de l’inscription de la dénomination « champagne » parmi la seule liste des dénominations protégées pour les produits vitivinicoles originaires de la Communauté.

56     Il s’ensuit que le recours doit, en réalité, être considéré comme dirigé contre le régime de protection exclusive de la dénomination communautaire « champagne » tel qu’il résulte de l’article 5, paragraphes 1 à 6, et de l’appendice 2 de l’annexe 7 de l’accord, et dont la clause champagne, et notamment sa première phrase, constitue une manifestation explicite. Force est de constater, par ailleurs, que, au-delà de leurs objections légitimes quant à la nature d’acte faisant grief de la clause champagne, il ressort de leurs écritures que c’est ainsi que le Conseil et la Commission ont compris le recours, de sorte que le débat contradictoire n’a pas été affecté par l’imprécision des requérants quant à l’identification de l’acte leur faisant grief.

57     Dans ces conditions, le Tribunal examinera également la recevabilité du recours dans la mesure où il a pour objet l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée en tant qu’il approuve le régime de protection exclusive de la dénomination communautaire « champagne » tel qu’il résulte de l’article 5, paragraphes 1 à 6, et de l’appendice 2 de l’annexe 7 de l’accord (ci-après les « dispositions litigieuses de l’accord »).

58     Il convient, à cet égard, d’opérer une distinction selon que l’on envisage l’affectation des requérants par les dispositions litigieuses de l’accord sur le territoire de la Suisse, d’une part, ou sur celui de la Communauté, d’autre part.

 Sur l’affectation des requérants par la décision attaquée sur le territoire de la Suisse

–       Arguments des parties

59     Le Conseil fait valoir que la Confédération suisse ne fait pas partie de la Communauté et que, par conséquent, aucune décision ou acte de la Communauté n’y est d’application, conformément à l’article 299, paragraphe l, CE. La décision attaquée ne saurait donc entraîner l’incorporation de l’accord dans l’ordre juridique suisse compte tenu de ce qu’elle n’y produirait aucun effet.

60     Le Conseil rappelle que, en vertu de l’article 26 de la convention sur le droit des traités, conclue à Vienne le 23 mai 1969 (ci-après la « convention de Vienne »), tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté de bonne foi et que, en vertu de l’article 29 de ladite convention, à moins qu’une intention différente ne ressorte du traité ou ne soit par ailleurs établie, un traité lie chacune des parties à l’égard de l’ensemble de son territoire. Dès lors, en ce qui concerne les sept accords signés le 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, chaque partie serait tenue de respecter et de mettre en exécution lesdits accords et leur application sur le territoire de la Suisse relèverait exclusivement des autorités suisses.

61     À cet égard, le Conseil fait observer que l’article 16 de l’accord précise que son champ d’application est, d’une part, le territoire sur lequel le traité instituant la Communauté est d’application, et d’autre part, le territoire de la Suisse et que l’annexe 7 dudit accord précise, dans son article 5, paragraphe 1, que « chaque partie met en place les moyens juridiques appropriés afin d’assurer une protection efficace et empêcher l’utilisation d’une indication géographique ou [d’]une mention traditionnelle pour désigner un produit vitivinicole non couvert par ladite indication ou ladite mention ».

62     Le Conseil en conclut que ce n’est qu’en vertu de la décision suisse ratifiant l’accord, conformément aux dispositions constitutionnelles suisses, que ledit accord devient applicable sur le territoire de la Suisse, et ce dans les conditions et selon les modalités propres à son ordre juridique. Seules les autorités suisses seraient compétentes et responsables de la mise en place de moyens juridiques appropriés pour appliquer sur le territoire de la Suisse les droits et obligations visés à l’article 5 de l’annexe 7 de l’accord éventuellement applicables à la situation des requérants. Le Conseil souligne que si la Confédération suisse connaît, comme la Communauté, un système d’incorporation des accords internationaux de type moniste, cet État possède toutefois des règles autonomes en vue de déterminer la mesure dans laquelle un accord auquel il est partie confère des droits aux particuliers, de sorte que ses tribunaux sont susceptibles d’adopter des solutions différentes de celles des juridictions communautaires concernant l’applicabilité directe des dispositions des accords conclus par la Communauté. Le Conseil cite, à titre d’exemple d’une telle divergence, l’arrêt du tribunal fédéral suisse du 25 janvier 1979, Bosshard Partners Intertrading/Sunlight AG.

63     Enfin, la jurisprudence rappelée par les requérants concernant la question de savoir si une disposition d’un accord conclu par la Communauté avec des pays tiers doit être considérée comme d’application directe serait sans pertinence pour cette affaire dans la mesure où la décision attaquée ne s’appliquerait pas à la situation des requérants. Le Conseil fait observer, par ailleurs, que l’éventuelle annulation par le Tribunal de la décision attaquée ne conduirait pas à invalider l’accord, conformément à l’article 46 de la convention de Vienne, de sorte que les autorités suisses continueraient à être tenues de le respecter et que les mesures prises par les autorités suisses en application de l’accord demeureraient en vigueur.

64     La Commission relève que la décision attaquée a pour objet de ratifier au nom et pour le compte de la Communauté les sept accords signés le 21 juin 1999 avec la Confédération suisse et, ainsi, de les rendre applicables sur le territoire de la Communauté.

65     Il résulterait, à cet égard, d’une jurisprudence constante qu’un accord conclu par le Conseil et/ou par la Commission conformément aux dispositions du traité constitue, en ce qui concerne la Communauté, un acte pris par l’une de ses institutions et que les dispositions de pareil accord forment partie intégrante, à partir de l’entrée en vigueur de celui-ci, de l’ordre juridique communautaire (arrêts de la Cour du 30 avril 1974, Haegeman, 181/73, Rec. p. 449, points 4 et 5, et du 30 septembre 1987, Demirel, 12/86, Rec. p. 3719, point 7).

66     Or, les actes des institutions auraient, en principe, le même champ d’application que le traité constitutif sur lequel ils sont fondés. Ainsi, en vertu de l’article 299, paragraphe 1, du traité, un acte pris par une institution communautaire ne serait pas applicable sur le territoire d’un État tiers et ne pourrait affecter des droits nés et exercés sur le territoire de cet État, conformément à la réglementation dudit État.

67     Les dispositions litigieuses de l’accord ne seraient donc applicables et ne pourraient être appliquées aux requérants qu’en vertu de l’acte de ratification adopté par les autorités suisses par lequel elles expriment officiellement leur consentement à être liées par l’accord et leur engagement à prendre les mesures nécessaires à son application sur leur territoire, conformément aux articles 14 et 16 de l’accord.

68     La Commission en conclut que la décision attaquée, à savoir l’acte de ratification adopté au nom et pour le compte de la Communauté, n’est pas applicable sur le territoire de la Suisse, et qu’elle n’a pas pour objet – et ne peut avoir pour effet – de régir l’activité des requérants en Suisse, ni par conséquent de poser quelque interdiction que ce soit à leur égard. Ainsi, l’éventuelle annulation de la décision attaquée n’aurait aucune incidence sur leur situation sur le territoire de la Suisse, laquelle resterait régie par les décisions des seules autorités suisses, de sorte que les requérants ne disposeraient pas d’un intérêt à agir contre la décision attaquée.

69     La République française, partie intervenante, fait valoir que la décision attaquée est celle par laquelle ont été conclus, au nom de la Communauté, les sept accords signés le 21 juin 1999. Elle aurait pour objet de les rendre applicables sur le territoire de la Communauté. Or, il résulterait de l’article 299, paragraphe 1, CE, qu’un acte pris par une institution communautaire ne serait applicable que sur le territoire des États membres de la Communauté, et non sur celui d’un État tiers. Cet acte ne serait donc pas applicable sur le territoire de la Suisse, de sorte que les droits des requérants ne sauraient être affectés par la décision attaquée. Image not foundPour que ces accords deviennent applicables sur le territoire de la Suisse, il faudrait en effet, au préalable, que les autorités de cet État procèdent à leur ratification.

70     Par ailleurs, en ce qui concerne les indications géographiques, l’article 5, paragraphe 1, de l’annexe 7 de l’accord préciserait que « chaque partie met en place les moyens juridiques appropriés afin d’assurer une protection efficace et empêcher l’utilisation d’une indication géographique ou une mention traditionnelle pour désigner un produit vitivinicole non couvert par ladite indication ou ladite mention ». Seule une décision des autorités suisses pourrait donc avoir pour effet d’affecter les droits et obligations des requérants en Suisse.

71     Les requérants soutiennent que, conformément à la jurisprudence, tout acte du Conseil portant conclusion d’un accord international est en lui-même un acte susceptible de recours au titre de l’article 230 CE (arrêts de la Cour du 9 août 1994, France/Commission, C‑327/91, Rec. p. I‑3641, point 16, et du 10 mars 1998, Allemagne/Conseil, C‑122/95, Rec. p. I‑973, points 41 et 42 ; avis de la Cour 3/94, du 13 décembre 1995 (Rec. p. I‑4577, point 22), rendu en vertu de l’article 228 du traité CE.

72     Ils estiment que les arguments du Conseil et de la Commission se fondent sur la prémisse erronée selon laquelle un acte communautaire ne serait, par nature, pas susceptible de produire des effets en dehors du territoire de la Communauté. En effet, l’acte par lequel la Communauté conclut un accord avec un État tiers conditionnerait l’existence même dudit accord sur le plan international. En l’espèce, l’accord ne serait donc devenu obligatoire que consécutivement à la décision de ratification du Conseil fédéral suisse du 16 octobre 2000, d’une part, et à la décision du Conseil du 4 avril 2002 portant approbation dudit accord, d’autre part. Il serait donc inexact d’affirmer que les requérants ne sont affectés que par la ratification des dispositions litigieuses de l’accord par la Confédération suisse, dans la mesure où, en l’absence de la décision attaquée, les requérants n’auraient pas été privés de leur droit de commercialiser le vin qu’ils produisent sous la dénomination « champagne ».

73     Les requérants soulignent, à cet égard, que la décision attaquée est postérieure à la ratification de l’accord par la Confédération suisse. Avant l’adoption de cette décision, la Confédération suisse n’aurait donc pas été soumise à l’obligation résultant des dispositions litigieuses de l’accord, et ce ne serait qu’à la suite de l’adoption de ladite décision, laquelle conditionnerait l’entrée en vigueur de l’accord, que cette obligation serait née. L’interdiction pour les requérants de continuer à jouir de l’appellation communale « champagne » trouverait donc directement sa source dans la décision attaquée.

74     Le fait que l’illégalité d’un acte soit due à la conjonction de deux facteurs, à savoir les décisions de ratification de la Communauté et de la Confédération suisse, ne signifierait pas qu’aucun de ces deux facteurs ne puisse être contesté par la voie du recours en annulation, conséquence qu’induirait la position du Conseil.

75     La Cour aurait d’ailleurs admis la recevabilité de recours en annulation introduits contre des actes portant approbation de traités internationaux sans distinguer selon leurs effets externes ou internes (arrêts France/Commission, point 71 supra ; Allemagne/Conseil, point 71 supra ; arrêts de la Cour du 10 décembre 2002, Commission/Conseil, C‑29/99, Rec. p. I‑11221, et du 12 décembre 2002, Commission/Conseil, C‑281/01, Rec. p. I‑12049).

76     En outre, à suivre la thèse du Conseil, les institutions communautaires seraient libres de violer les règles du droit communautaire, notamment les droits fondamentaux, dès lors qu’elles agiraient dans le cadre de leur compétence externe et que l’acte en cause ne produirait d’effets que sur le territoire d’un État tiers.

77     S’agissant de l’interprétation par le Conseil de l’article 299 CE, les requérants soutiennent qu’elle ignore que le champ d’application dans l’espace de l’ordre juridique communautaire dépasse l’addition des territoires des États membres et s’étend à tout lieu où l’État membre agit à un titre quelconque dans le champ des compétences attribuées à la Communauté. La Communauté aurait ainsi compétence pour sanctionner des ententes ou interdire des concentrations extracommunautaires (arrêts de la Cour du 27 septembre 1988, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, 89/85, 104/85, 114/85, 116/85, 117/85 et 125/85 à 129/85, Rec. p. 5193, et du 28 avril 1998, Javico, C‑306/96, Rec. p. I‑1983 ; arrêt Gencor/Commission, point 39 supra).

78     Or, en l’espèce, il résulterait expressément des termes de la clause champagne que celle-ci vise à produire des effets tant sur le territoire de la Communauté que sur celui de la Suisse. En effet, elle interdirait sur ce dernier territoire l’utilisation de la dénomination « champagne » pourtant réservée, en vertu du droit suisse, aux viticulteurs de la commune vaudoise de Champagne. Les requérants font valoir, à cet égard, que le traité entre la République française et la Confédération suisse sur la protection des indications de provenance, des appellations d’origine et d’autres dénominations géographiques, signé à Berne le 14 mai 1974 (ci-après le « traité franco-suisse »), autorisait, en vertu de l’exception d’homonymie prévue à son article 2, paragraphe 3, l’utilisation de ladite dénomination pour les vins originaires de Champagne dans le canton de Vaud. Cette circonstance n’aurait d’ailleurs pas été contestée par les producteurs champenois.

79     Par ailleurs, l’article 46 de la convention de Vienne, dont le Conseil fait état en vue d’étayer son argumentation, prévoirait simplement qu’un État ne peut invoquer le fait que son consentement à être lié par un traité est vicié en ce qu’il a été exprimé en violation d’une disposition de son droit interne concernant la compétence pour conclure les traités. Or, cette hypothèse ne viserait aucunement la situation de l’espèce, dans laquelle un droit fondamental serait violé. En tout état de cause, l’article 46 de ladite convention réserverait le cas où la violation est manifeste, ce qui serait le cas en l’espèce, dès lors que les dispositions litigieuses de l’accord constitueraient une violation manifeste et grave du droit de propriété et du droit au libre exercice d’une activité économique des requérants. En outre, l’annulation de la décision attaquée priverait les dispositions litigieuses de l’accord de toute valeur et il n’y aurait plus lieu, pour les parties à l’accord, de les appliquer, conformément aux articles 60 et suivants de la convention de Vienne.

80     Enfin, s’agissant de l’argumentation du Conseil relative à la prétendue absence d’affectation directe des requérants par les dispositions litigieuses de l’accord, ceux-ci rappellent que, selon la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, un requérant est directement concerné si l’acte communautaire entrepris a un effet immédiat à son égard, sans que s’interpose aucune intervention discrétionnaire subséquente d’une autorité nationale ou communautaire. Toutefois, l’interposition d’un acte de pure exécution ne romprait pas le lien direct entre l’acte communautaire et le requérant (arrêt de la Cour du 13 mai 1971, International Fruit Company e.a./Commission, 41/70 à 44/70, Rec. p. 411).

81     Il résulterait ainsi d’une jurisprudence constante que la condition selon laquelle le particulier doit être directement concerné par la mesure communautaire attaquée requiert que cette dernière produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et qu’elle ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cette mesure qui sont chargés de sa mise en oeuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation communautaire sans application d’autres règles intermédiaires (arrêt de la Cour du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C‑386/96 P, Rec. p. I‑2309, point 43).

82     Les requérants admettent ainsi que, dans l’hypothèse d’une mesure qui laisserait effectivement une large marge de manoeuvre aux États chargés d’en assurer la transposition dans leur droit interne, seules les dispositions d’exécution adoptées seraient susceptibles d’affecter la situation des parties.

83     Toutefois, il n’en irait pas de même dans le cas présent dès lors que la clause champagne serait claire, précise et énoncée en des termes univoques ne laissant aucune marge d’appréciation dans l’adoption des mesures nécessaires à assurer la mise en œuvre et l’application effective des dispositions litigieuses de l’accord. Le Conseil et la Commission insisteraient d’ailleurs eux-mêmes sur le fait que la Confédération suisse est tenue, en vertu de l’article 14 de l’accord, de prendre toutes les mesures générales et particulières propres à assurer l’exécution de l’accord, sous peine d’engager sa responsabilité sur le plan international.

84     En outre, la violation du droit communautaire trouverait sa source non dans le comportement éventuel de la Suisse, mais dans les dispositions litigieuses de l’accord, qui obligeraient celle-ci à adopter les mesures nécessaires en vue d’en assurer la bonne exécution, de manière analogue à la situation objet de l’arrêt de la Cour du 5 novembre 2002, Commission/Allemagne (C‑476/98, Rec. p. I‑9855).

85     Les requérants estiment ainsi que la décision attaquée produit des effets juridiques à leur égard et que le Tribunal est compétent pour connaître du recours, le contexte international conventionnel étant indifférent à cet égard, la Cour ayant souligné que l’exercice des compétences dévolues à la Communauté dans le domaine international ne saurait être soustrait au contrôle juridictionnel prévu à l’article 230 CE (arrêts France/Commission, point 71 supra, et Allemagne/Conseil, point 71 supra).

–       Appréciation du Tribunal

86     À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, pour qu’un recours soit recevable au titre de l’article 230, premier alinéa, CE, l’acte attaqué doit être un acte d’une institution qui produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci (arrêt de la Cour du 31 mars 1998, France e.a./Commission, C‑68/94 et C‑30/95, Rec. p. I‑1375, point 62 ; arrêt du Tribunal du 4 mars 1999, Assicurazioni Generali et Unicredito/Commission, T‑87/96, Rec. p. II‑203, point 37 ; voir également, en ce sens, arrêts de la Cour du 31 mars 1971, Commission/Conseil, dit « AETR », 22/70, Rec. p. 263, et France/Commission, point 71 supra, point 14).

87     Si un accord entre la Communauté, d’une part, et un État tiers ou une organisation internationale, d’autre part, en tant qu’instrument exprimant la volonté conjointe de ces entités, ne saurait être considéré comme un acte des institutions, et n’est, dès lors, pas susceptible de recours au titre de l’article 230 CE, selon une jurisprudence constante, l’acte par lequel l’institution communautaire compétente a entendu conclure ledit accord est un acte des institutions, au sens de ce même article, et peut, dès lors, faire l’objet d’un recours en annulation (voir, en ce sens, arrêt France/Commission, point 71 supra, point 17 ; avis 3/94, point 71 supra, point 22, et arrêt Allemagne/Conseil, point 71 supra, point 42).

88     Il s’ensuit que le recours des requérants ne peut avoir pour objet que la seule annulation de la décision attaquée et n’est recevable que dans la mesure où cette décision comporte des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts des requérants en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de ceux-ci.

89     À cet égard, il y a lieu de rappeler que le principe de souveraineté des États exprimé à l’article 2, paragraphe 1, de la charte des Nations unies implique qu’il appartient en principe à chaque État de légiférer sur son territoire et, corrélativement, qu’un État ne peut, en principe, unilatéralement imposer des règles obligatoires que sur son propre territoire. De même, s’agissant de la Communauté, il convient de souligner que, aux termes de l’article 299 CE, et selon les modalités particulières concernant certains territoires que cette disposition énumère, le traité CE s’applique au seul territoire des États membres.

90     Il s’ensuit qu’un acte des institutions pris en application du traité ne saurait, en tant qu’acte unilatéral de la Communauté, être créateur de droits et d’obligations en dehors du territoire ainsi défini. Dès lors, la décision attaquée ne saurait avoir pour champ d’application que ledit territoire et se trouve dépourvue de tout effet juridique sur le territoire de la Suisse. Seul l’accord, lequel n’est pas susceptible de recours, conformément à ce qui a été exposé précédemment, a vocation à produire des effets juridiques sur le territoire de la Suisse, selon les modalités propres à l’ordre juridique de cet État et une fois qu’il aura été ratifié selon les procédures qui y sont applicables.

91     Ainsi, il y a lieu de considérer que la décision attaquée, adoptée par le Conseil et la Commission, au nom et pour le compte de la Communauté, ne modifie pas la situation juridique des requérants sur le territoire de la Suisse, cette situation étant régie par les seules dispositions adoptées par cet État dans l’exercice de sa compétence souveraine. Les effets prétendument préjudiciables que l’accord produit sur le territoire de la Suisse à l’égard des requérants trouvent, en effet, leur unique source dans la circonstance que, en décidant souverainement de ratifier ledit accord, la Confédération suisse a consenti à être liée par celui-ci et s’est engagée, conformément à l’article 14 dudit accord, à prendre les mesures propres à assurer l’exécution des obligations en résultant, parmi lesquelles celles découlant des dispositions litigieuses de l’accord.

92     Cela est d’ailleurs conforme à l’article 16 de l’accord, qui prévoit que ce dernier s’applique, d’une part, aux territoires sur lesquels le traité instituant la Communauté européenne est d’application et dans les conditions prévues par ledit traité, et d’autre part, au territoire de la Suisse, lu conjointement avec l’article 17, paragraphe 1, première phrase, de l’accord, selon lequel celui-ci sera ratifié ou approuvé par les parties selon les procédures qui leur sont propres.

93     Le simple fait que, en application du dispositif formel d’entrée en vigueur prévu à l’article 17, paragraphe 1, deuxième phrase, de l’accord, aux termes duquel l’accord entrera en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la dernière notification du dépôt des instruments de ratification ou d’approbation des sept accords sectoriels, la décision attaquée a entraîné son entrée en vigueur ne saurait avoir une quelconque incidence sur le principe général exprimé ci-dessus, selon lequel tout État est, en principe, seul compétent pour imposer unilatéralement des règles obligatoires sur son territoire. En effet, quand bien même il y aurait lieu d’admettre que, en vertu de l’article 17 de l’accord, l’annulation de la décision attaquée serait de nature à entraîner sa suspension, force est de constater, d’une part, que tel serait également le cas de l’annulation de la décision de ratification de l’accord par la Confédération suisse, et surtout, d’autre part, que cette éventualité ne serait que la simple conséquence des conditions procédurales et formelles d’entrée en vigueur de l’accord et ne saurait, à l’évidence, mener à la conclusion que le champ d’application de la décision attaquée s’étend au territoire de la Suisse.

94     Enfin, s’il est vrai qu’il a été jugé que l’exercice des compétences dévolues aux institutions de la Communauté dans le domaine international ne saurait être soustrait au contrôle juridictionnel de légalité prévu par l’article 230 CE (arrêt France/Commission, point 71 supra, point 16), il convient de souligner que, en l’espèce, admettre la recevabilité du recours pour autant qu’il concerne les effets des dispositions litigieuses de l’accord sur le territoire de la Suisse conduirait le juge communautaire à se prononcer sur la légalité, au regard du droit communautaire, de droits conférés à un État tiers, ou d’obligations assumées par celui-ci, résultant d’un accord international auquel il a librement et souverainement consenti dans le cadre de la conduite de ses relations extérieures. Un tel contrôle se situerait manifestement en dehors du cadre des compétences du Tribunal tel que défini par le traité CE.

95     Il résulte de tout ce qui précède que la décision attaquée n’emporte aucun effet juridique obligatoire de nature à modifier la situation juridique des requérants sur le territoire de la Suisse et, à ce titre, ne constitue pas un acte susceptible de recours sur le fondement de l’article 230 CE. Pour ces motifs, l’argumentation des requérants visant à démontrer qu’ils sont directement concernés par cette décision, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, doit être rejetée comme dépourvue de toute pertinence, cette question supposant préalablement que l’acte attaqué comporte des effets juridiques obligatoires à leur égard.

96     Il convient donc de rejeter comme irrecevable le présent recours pour autant qu’il vise à l’annulation de la décision attaquée en ce qui concerne le territoire de la Suisse.

 Sur l’affectation des requérants par la décision attaquée sur le territoire de la Communauté

–       Arguments des parties

97     Le Conseil soutient que le vin originaire de la région française de Champagne bénéficie d’une protection exclusive dans la Communauté en tant que v.q.p.r.d., ce que les dispositions litigieuses de l’accord ne modifieraient aucunement.

98     Dans son mémoire en défense, le Conseil ajoute, en réponse aux questions écrites du Tribunal, que, en vertu de l’article 36 du règlement n° 753/2002, lequel prévoit les conditions dans lesquelles le nom d’une indication géographique peut figurer sur l’étiquette d’un vin importé dans la Communauté, une telle indication géographique ne peut pas prêter à confusion avec une indication géographique utilisée pour la désignation d’un v.q.p.r.d., d’un vin de table ou d’un autre vin importé figurant dans les listes des accords conclus entre les pays tiers et la Communauté.

99     En l’espèce, le Conseil considère que l’exception d’homonymie prévue à l’article 36, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement n° 753/2002 ne saurait s’appliquer aux vins issus de la commune vaudoise de Champagne compte tenu du risque évident de confusion que cette homonymie engendrerait à l’égard des consommateurs. En outre, le statut et la réputation très supérieurs de l’appellation d’origine contrôlée française rendraient particulièrement inéquitable le partage d’une telle dénomination, contrairement aux exigences de cette disposition.

100   Le Conseil fait, en outre, observer qu’aucune indication géographique d’un État tiers n’a fait l’objet d’une autorisation, au titre dudit article 36, paragraphe 3, en vue de pouvoir être utilisée sur le territoire communautaire. L’annexe VI du règlement n° 753/2002, laquelle fait état des indications géographiques et mentions traditionnelles bénéficiant de l’exception d’homonymie, serait en effet vierge. Ainsi, l’indication géographique suisse « champagne » ne bénéficierait aucunement de l’exception d’homonymie prévue par ce règlement, de sorte que les requérants ne seraient pas autorisés à commercialiser les vins issus de la commune de Champagne sous ladite dénomination.

101   Le Conseil soutient, dès lors, que, tant antérieurement que postérieurement à l’accord, la protection à accorder ainsi que les règles d’utilisation dans la Communauté de l’appellation d’origine contrôlée « champagne » sont régies par le règlement n° 1493/1999 et le règlement n° 753/2002. En outre, quand bien même ces règlements auraient ménagé la possibilité pour les requérants de faire usage de la dénomination « champagne » pour les vins issus de la commune de Champagne dans le canton de Vaud, cette possibilité n’aurait pas été modifiée par l’accord, lequel ne prévoirait pas de règles sur la protection à accorder par chaque partie à ses propres indications géographiques sur son territoire. Dès lors, la décision attaquée n’introduirait aucune disposition nouvelle relative à la commercialisation sur le territoire communautaire des vins importés de Suisse portant la dénomination « champagne », de sorte que ladite décision ne concernerait pas directement les requérants.

102   Cette conclusion ne serait pas infirmée par le traité franco-suisse, lequel ne reconnaîtrait qu’une seule appellation « champagne », à savoir celle désignant les vins mousseux issus de la région française de Champagne. En effet, l’article 2, troisième alinéa, dudit traité établirait une dérogation aux obligations prévues au premier alinéa, qui se lirait comme suit :

« Si l’une des dénominations protégées selon le premier alinéa correspond au nom d’une région ou d’un lieu situé hors du territoire de la République française, le premier alinéa n’exclut pas que la dénomination soit utilisée pour des produits ou marchandises fabriqués dans cette région ou dans ce lieu. Toutefois, des prescriptions complémentaires peuvent être édictées par un protocole. »

103   Cette disposition aurait donc pour effet de permettre à la Confédération suisse de déroger à l’obligation prévue à son premier alinéa, selon lequel la dénomination « champagne » est réservée, « sur le territoire de la Confédération suisse, aux produits ou marchandises français ». Cette disposition n’aurait toutefois pas pour objet de déterminer la protection à accorder à la dénomination « champagne » sur le territoire de la France et elle n’interférerait pas, en conséquence, avec la législation vitivinicole communautaire, laquelle réserverait cette appellation d’origine contrôlée, sur le territoire communautaire, à certains vins de la région française de Champagne.

104   Par ailleurs, en réponse aux questions écrites du Tribunal, le Conseil a soutenu que les requérants ne démontraient pas à suffisance de droit que la dénomination « champagne » était protégée en tant qu’appellation d’origine contrôlée en vertu du droit suisse.

105   En effet, l’ordonnance du Conseil fédéral suisse du 7 décembre 1998 sur la viticulture et l’importation de vin ferait état de trois types de dénominations : l’appellation d’origine, l’appellation d’origine contrôlée et l’indication de provenance. En vertu de ce règlement, l’appellation d’origine serait réservée aux vins de raisins récoltés dans l’aire géographique concernée et qui présentent une teneur naturelle minimale en sucre. En revanche, l’appellation d’origine contrôlée répondrait, en sus de ladite teneur en sucre, prévue pour l’appellation d’origine, à « des exigences supplémentaires prévues par le canton » qui doivent porter au moins sur « la délimitation des zones de production [...], les cépages [...], les méthodes de culture [...], la teneur naturelle en sucre [...], le rendement maximum à l’unité de surface [...], les méthodes de vinification [et] l’analyse et l’examen organoleptique ».

106   Le Conseil admet que, conformément à l’article 16 du règlement du 19 juin 1985 sur les appellations d’origine des vins vaudois (ci-après le « règlement sur les appellations d’origine des vins vaudois »), « le vin récolté sur le territoire d’une commune a droit à l’appellation de cette commune ». Ce droit serait toutefois en contradiction avec l’ordonnance du Conseil fédéral suisse du 7 décembre 1998 sur la viticulture et l’importation de vin, postérieure à ce règlement, qui réserve les appellations d’origine contrôlées aux vins qui satisfont à des conditions de qualité plus strictes que la simple condition, relative aux appellations communales, consistant à exiger que 51 % du vin ait été récolté sur le territoire de la commune en question.

107   Le Conseil ajoute que, conformément à l’article 3 du règlement, du 28 juin 1995 sur les appellations d’origine contrôlées des vins vaudois, les dénominations d’origine des vins vaudois sont réservées aux seuls vins d’appellation d’origine contrôlée et que l’on entend par appellation d’origine contrôlée les dénominations traditionnelles géographiques ou non des vins de catégorie 1, au sens des dispositions des articles 1er à 4 du règlement du 26 mars 1993 sur la qualité des vins vaudois.

108   À cet égard, le Conseil fait valoir que, aux termes de l’article 1er du règlement du 26 mars 1993 sur la qualité des vins vaudois, seuls peuvent porter une appellation d’origine de région viticole, de lieu de production ou d’une subdivision de lieu de production (commune, clos, château, abbaye, domaine, désignation cadastrale ou de lieu-dit) les vins issus de vendanges qui ont atteint certaines teneurs minimales naturelles en sucre, fixées par cépage et par appellation. Or, souligne le Conseil, si l’appellation « Bonvillars » figure dans la liste des appellations, tel n’est pas le cas de celle de « champagne ».

109   Le Conseil estime ainsi que la dénomination « champagne » n’est ni une appellation d’origine contrôlée ni une appellation d’origine, mais une simple indication géographique dépourvue de tout lien avec la qualité ou la réputation. Cette dénomination, en droit suisse, n’impliquerait, en effet, qu’une exigence purement géographique, à savoir celle que le vin soit issu, à raison de 51 % au moins, de raisins récoltés sur la commune de Champagne.

110   Cette interprétation serait confirmée par le règlement du canton de Vaud du 16 juillet 1993 sur la limitation de la production et le contrôle officiel de la vendange. Le Conseil fait observer que, aux termes de l’article 1er de ce règlement, le registre cantonal des vignes donne l’état des parcelles viticoles de chaque propriétaire, lequel, selon l’article 3 dudit règlement, doit indiquer l’appellation, au sens du règlement sur les appellations d’origine des vins vaudois. Or, le registre cantonal des vignes produit par les requérants indiquerait clairement que l’appellation dont bénéficient tous les requérants est « Bonvillars ».

111   La Commission soutient, quant à elle, que l’utilisation de la dénomination « champagne » sur le territoire communautaire est réservée de longue date aux vins issus de la région française de Champagne, ce que les dispositions litigieuses de l’accord ne modifieraient aucunement.

112   En réponse aux questions écrites du Tribunal, la Commission a fait valoir que l’exception d’homonymie prévue à l’article 29, paragraphe 3, dernier alinéa, du règlement n° 2392/89, en vigueur jusqu’au 1er août 2003, pouvait être accordée par décision de la Commission à la suite d’une demande de dérogation aux dispositions du paragraphe 2 de ce même article. Or, une telle demande n’aurait pas été introduite en ce qui concerne les vins issus de la commune de Champagne en Suisse.

113   En outre, l’exception d’homonymie prévue à l’article 36, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement n° 753/2002, en vigueur depuis le 1er août 2003, n’aurait vocation à s’appliquer qu’à la condition que l’indication géographique concernée soit reconnue et protégée en tant que telle par l’État tiers, et ce conformément à l’article 24, paragraphe 9, de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, du 15 avril 1994 (JO L 336, p. 214, ci‑après l’« accord ADPIC »), aux termes duquel « il n’y a pas d’obligation en vertu du présent accord de protéger des indications géographiques qui ne sont pas protégées dans leur pays d’origine ou qui cessent de l’être, ou qui sont tombées en désuétude dans ce pays ».

114   Ainsi, dès lors que la Confédération suisse n’aurait pas entendu protéger l’indication géographique « champagne » dans le canton de Vaud dans le cadre de l’accord, l’exception d’homonymie prévue par le règlement n° 753/2002 n’aurait pas vocation à s’appliquer. En outre, l’annexe VI dudit règlement, laquelle mentionne les indications et conditions pratiques des indications géographiques homonymes des pays tiers serait vierge, aucune demande d’homonymie n’ayant été introduite à ce jour.

115   Par ailleurs, la Commission, en réponse à une question écrite du Tribunal relative à l’existence d’une appellation communale d’origine contrôlée au profit de la commune de Champagne, a indiqué qu’il résultait du règlement sur les appellations d’origine des vins vaudois que la dénomination « champagne » n’était qu’une simple indication de provenance non constitutive d’un quelconque droit de propriété industrielle et commerciale en l’absence de toute reconnaissance et de toute identification, dans la réglementation suisse applicable, des qualités propres des vins produits sur le territoire de cette commune.

116   Enfin, la Commission relève que les requérants admettent eux-mêmes qu’ils n’ont jamais commercialisé le vin qu’ils produisent sous la dénomination « champagne » sur le territoire communautaire, mais qu’ils exportent environ un millier de bouteilles par an vers la Communauté sous la dénomination « arquebuse », ce qui démontrerait que l’exception d’homonymie prévue par la réglementation communautaire ne s’est jamais appliquée à leur égard.

117   La Commission déduit de tout ce qui précède que l’acte attaqué ne modifie pas la situation juridique des requérants sur le territoire communautaire, de sorte que ceux-ci ne disposent pas d’un intérêt à agir contre ledit acte.

118   La République française, partie intervenante au litige, fait valoir que le vin français de Champagne est protégé dans la Communauté en tant que v.q.p.r.d. et bénéficie, à ce titre, de l’exclusivité de l’appellation « champagne ». L’acte attaqué n’affecterait donc pas directement la situation juridique des requérants, de sorte que le recours serait irrecevable.

119   En outre, la République française considère que, en vertu de la réglementation suisse applicable, la mention de la commune s’apparente à l’indication d’une précision sur la provenance du vin au sein du lieu de production qui constitue une seule entité et qu’une telle mention ne peut être assimilée à une appellation d’origine. En effet, une appellation d’origine impliquerait que soient réunies certaines conditions quant aux caractéristiques du produit, lesquelles existeraient s’agissant de l’appellation « Bonvillars », mais non de la commune de Champagne. La République française relève, à cet égard, que, dans l’hypothèse contraire, cette commune aurait fait l’objet d’une mention spécifique dans le règlement sur les appellations d’origine des vins vaudois, ce qui ne serait pas le cas. Elle estime ainsi que l’existence d’une appellation d’origine contrôlée « champagne » protégée par le droit suisse n’est pas attestée.

120   Les requérants contestent l’affirmation du Conseil, de la Commission et de la République française selon laquelle leur situation juridique sur le territoire communautaire ne se trouve pas modifiée par les dispositions litigieuses de l’accord. Ils font valoir, à cet égard, que si la dénomination « champagne » constitue bien une appellation d’origine contrôlée au sens du droit communautaire, cette circonstance n’a pas empêché la commercialisation dans la Communauté du vin vaudois qu’ils produisent. Se fondant sur des courriers du représentant des producteurs champenois, les requérants soutiennent que ces derniers ne se sont d’ailleurs pas opposés à la commercialisation du vin produit sur le territoire de la commune vaudoise de Champagne sous la dénomination « champagne ».

121   En réponse à une question écrite du Tribunal, les requérants ont précisé que, après vérification, il était apparu que les exportations vers la Belgique, mentionnées dans la requête, du vin produit sur la commune de Champagne, à raison de quelque 1 000 bouteilles par an, ne s’étaient pas faites sous la dénomination « champagne », mais sous celle d’« arquebuse ».

122   Toutefois, les requérants relèvent que, en vertu de l’article 26, paragraphe 1, et de l’article 29 du règlement n° 2392/89, en cas d’homonymie, la dénomination d’un vin en provenance d’un pays tiers peut être utilisée lorsque, dans ce pays, le nom est utilisé pour un vin conformément à des usages anciens et constants et à la condition que son emploi soit réglementé par ce pays, ce qui serait manifestement le cas en l’espèce. La circonstance que l’article 29, paragraphe 3, de ce règlement prévoit l’adoption de décisions de dérogation en vue de bénéficier de l’exception d’homonymie serait sans pertinence en l’espèce étant donné que l’article 2, troisième alinéa, du traité franco-suisse conférerait une exception d’homonymie de plein droit. En effet, il résulterait de cette disposition que si l’une des dénominations protégées selon son premier alinéa correspond au nom d’une région ou d’un lieu situé hors du territoire de la République française, cette protection n’exclut pas que la dénomination soit utilisée pour des produits ou marchandises fabriqués dans cette région ou ce lieu. Cela serait d’ailleurs confirmé par l’avis du Conseil d’État du canton de Vaud du 22 décembre 2003.

123   Quant au règlement n° 753/2002, les requérants soulignent que son article 36 prévoit également que certaines indications homonymes d’indications géographiques utilisées pour la désignation d’un v.q.p.r.d. peuvent être utilisées dans des conditions pratiques qui garantissent qu’elles soient différenciées les unes des autres, compte tenu de la nécessité d’assurer un traitement équivalent des producteurs concernés et de faire en sorte que les consommateurs ne soient pas induits en erreur. Or, il serait incontestable que la dénomination « champagne » pour les vins produits par les requérants constitue une indication géographique au sens de l’article 22 de l’ADPIC auquel l’article 3 de l’annexe 7 de l’accord renvoie. Par ailleurs, l’utilisation de cette dénomination par les requérants remplirait les conditions prévues à l’article 36 du règlement n° 753/2002 de sorte que ladite dénomination bénéficierait de l’exception d’homonymie. Il serait indifférent, à cet égard, que l’annexe VI de ce règlement ne mentionne aucune dénomination, compte tenu de ce que toute autre interprétation priverait de tout sens l’article 36 de ce règlement et violerait les obligations de la Communauté résultant de l’article 23, paragraphe 3, de l’ADPIC. En tout état de cause, le règlement n° 753/2002 ne serait devenu applicable qu’à compter du 1er janvier 2003, soit après l’entrée en vigueur de l’accord. Ce dernier excluant l’exception d’homonymie pour les vins de la commune de Champagne, il ne saurait être exigé de la Confédération suisse qu’elle demande à bénéficier de cette exception dans le cadre du règlement n° 753/2002.

124   En ce qui concerne la protection de la dénomination « champagne » conformément au droit suisse applicable, les requérants font valoir que, aux termes de l’article 16 du règlement du 28 juin 1995 sur les appellations d’origine contrôlées des vins vaudois, le vin récolté sur le territoire d’une commune a droit à l’appellation de cette commune.

125   Ils font valoir, à cet égard, que le canton de Vaud comporte six régions viticoles. Leur étendue géographique serait définie à l’article 2 dudit règlement, lequel préciserait que la région de Bonvillars comprend toutes les communes viticoles du district de Grandson ainsi que les communes de Montagny et Valuyres-sous-Montagny du district d’Yverdon. Ces six régions seraient constituées de 26 lieux de production englobant 148 communes viticoles. Conformément aux articles 13 à 15 de ce règlement, parmi ces régions, trois d’entre elles constitueraient chacune un seul lieu de production. S’agissant de ces trois régions constituant un seul lieu de production, dont la région Bonvillars fait partie, il ne pourrait y avoir de doute sur l’appartenance, à l’un ou à l’autre lieu de production, des communes situées sur leur territoire, en raison de l’identité entre région viticole et lieu de production. Cela expliquerait pourquoi le règlement du 28 juin 1995 sur les appellations d’origine contrôlées des vins vaudois ne mentionne pas expressément ces communes. En application de l’article 16 dudit règlement, les producteurs de vin en provenance de ces communes disposeraient toutefois du droit de faire usage du nom de ces dernières en tant que dénomination de leurs produits.

126   Les requérants soulignent que le Conseil d’État du canton de Vaud a, par deux avis des 8 janvier et 22 décembre 2003, confirmé que, conformément au droit suisse, la dénomination « champagne » constituait une appellation communale d’origine contrôlée. À cet égard, les requérants estiment que, en tout état de cause, l’allégation du Conseil selon laquelle la dénomination suisse « champagne » ne constitue pas une appellation d’origine contrôlée mais une simple appellation d’origine est dépourvue de pertinence. En effet, dès lors que ladite dénomination constituerait un droit spécifique des requérants, il serait indifférent, aux fins de l’application de l’exception d’homonymie prévue par le règlement n° 2392/1989 et par le règlement n° 753/2002, de savoir si, en vertu du droit suisse, celle-ci bénéfice d’un rang supérieur, inférieur ou égal à l’appellation française « champagne ».

–       Appréciation du Tribunal

127   Le Conseil et la Commission, soutenus par la République française, font valoir, en substance, que la protection accordée, en vertu du droit communautaire, aux vins produits dans la région française de Champagne interdit aux requérants de commercialiser leur vin sous l’appellation « champagne » sur le territoire communautaire. Dès lors, les dispositions litigieuses de l’accord ne modifieraient pas la situation juridique des requérants sur ledit territoire.

128   À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 86 ci-dessus, un requérant n’est recevable à introduire un recours au titre de l’article 230 CE qu’à la condition que l’acte attaqué produise des effets juridiques obligatoires de nature à affecter ses intérêts en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique.

129   Il importe ainsi de déterminer si, ainsi que le prétendent le Conseil, la Commission et la République française, les requérants se trouvaient empêchés, avant l’entrée en vigueur des dispositions litigieuses de l’accord, en vertu du droit communautaire applicable, de commercialiser le vin qu’ils produisent sous la dénomination « champagne » dans la Communauté, de sorte que les dispositions litigieuses de l’accord ne modifieraient pas leur situation juridique de manière caractérisée.

130   Dans cette perspective, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il a été exposé aux points 4 à 6 ci-dessus, au jour de l’introduction du recours le 10 juillet 2002, le règlement en vigueur applicable à la situation des requérants était le règlement n° 2392/89.

131   Aux termes de l’article 29, paragraphe 2, de ce règlement, pour la désignation d’un vin importé, le nom d’une unité géographique utilisé pour la désignation d’un vin de table ou d’un v.q.p.r.d. ou d’une région déterminée dans la Communauté ne peut être utilisé ni dans la langue du pays producteur dans lequel est située cette unité ou cette région, ni dans une autre langue.

132   Or, ainsi qu’il a été exposé au point 1 ci-dessus, lors de l’introduction du recours, les vins produits dans la région française de Champagne sous l’appellation d’origine contrôlée « champagne » bénéficiaient, dans la Communauté, de la dénomination v.q.p.r.d., ce que les requérants ne contestent d’ailleurs pas.

133   Il s’ensuit que, conformément à l’article 29, paragraphe 2, du règlement n° 2392/89, lors de l’introduction du recours, la dénomination « champagne » ne pouvait, en principe, être utilisée pour la désignation d’aucun vin importé, et notamment du vin produit sur la commune vaudoise de Champagne.

134   Il convient de relever, par ailleurs, que, conformément à l’article 29, paragraphe 3, du règlement n° 2392/89, des dérogations au paragraphe 2 de ce même article peuvent être décidées lorsqu’il y a identité entre le nom géographique d’un vin produit dans la Communauté et celui d’une unité géographique, située dans un pays tiers, lorsque dans ce pays ce nom est utilisé pour un vin conformément à des usages anciens et constants et à la condition que son emploi soit réglementé par ce pays.

135   L’exception d’homonymie prévue par cette disposition ne s’applique donc pas de plein droit, mais consécutivement à une décision expresse de dérogation. À cet égard, en réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission a indiqué, d’une part, qu’une telle décision devait être précédée d’une demande en ce sens, et, d’autre part, qu’aucune demande de dérogation n’avait été introduite concernant les vins issus du territoire de la commune vaudoise de Champagne.

136   Force est de constater, par ailleurs, que si les requérants ont prétendu, dans un premier temps, qu’ils n’avaient jamais été empêchés, en vertu du droit communautaire applicable, de commercialiser leur vin sous la dénomination « champagne » dans la Communauté, ils n’ont, par la suite, ni contesté le fait que l’exception d’homonymie prévue par le règlement n° 2392/89 exigeait l’adoption d’une décision de dérogation, ni prétendu qu’une quelconque décision avait été prise à cet égard, ni même qu’une demande de dérogation concernant les vins produits sur le territoire de la commune vaudoise de Champagne avait été introduite.

137   De surcroît, bien qu’ayant initialement affirmé qu’ils vendaient annuellement, en Belgique, approximativement un millier de bouteilles sous la dénomination « champagne », les requérants ont précisé, en réponse à une question écrite du Tribunal, que, après vérification, ces bouteilles avaient, en réalité, été commercialisées sous la dénomination d’« arquebuse ». Les requérants n’ont, par ailleurs, pas apporté la preuve d’une autre exportation de leurs produits vers la Communauté, que ce soit sous la dénomination « champagne » ou sous une autre dénomination.

138   Outre qu’il résulte de ce qui précède que l’argumentation des requérants paraît confuse, voire contradictoire, il convient de constater que ceux-ci n’ont pas été en mesure de contester l’affirmation de la Commission selon laquelle, au jour de l’introduction du recours, le vin produit sur le territoire de la commune vaudoise de Champagne ne bénéficiait d’aucune décision de dérogation à l’interdiction prévue à l’article 29, paragraphe 2, du règlement n° 2392/89, de sorte que les requérants se trouvaient juridiquement empêchés de commercialiser leurs produits sous la dénomination « champagne ». Aux termes des vérifications effectuées par les requérants eux-mêmes, et contrairement à leurs affirmations initiales, il apparaît d’ailleurs que ceux-ci n’ont, de fait, pas commercialisé leur vin sous la dénomination « champagne » dans la Communauté.

139   Il s’ensuit que si, conformément à ce qui a été exposé aux points 41 à 49 ci-dessus, les dispositions litigieuses de l’accord garantissent l’exclusivité, sur le territoire communautaire, du droit à la dénomination « champagne » au bénéfice de certains vins produits dans la région française de Champagne, interdisant ainsi la commercialisation sur ce même territoire de certains vins vaudois produits sur le territoire de la commune de Champagne sous cette dénomination, il convient de constater que cette situation juridique prévalait déjà, à l’égard des requérants, lors de l’entrée en vigueur de l’accord le 1er juin 2002 ainsi que lors de l’introduction du recours le 10 juillet 2002.

140   Quant au règlement n° 753/2002, sans même qu’il soit nécessaire de déterminer si, eu égard à la circonstance que, bien que n’étant applicable qu’à compter du 1er août 2003, soit postérieurement à l’introduction du recours, ce règlement est entré en vigueur le 11 mai 2002, soit antérieurement à cette introduction, les requérants peuvent justifier d’un intérêt à agir en se fondant sur la situation juridique résultant de l’application de ce règlement, il convient de relever que, en vertu dudit règlement, ils ne bénéficieraient pas non plus, en tout état de cause, du droit de commercialiser dans la Communauté le vin qu’ils produisent sur le territoire de la commune vaudoise de Champagne sous la dénomination « champagne ».

141   En effet, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 36, paragraphe 1, du règlement n° 753/2002, « le nom d’une indication géographique [...] peut figurer sur l’étiquetage d’un vin importé [...] d’un pays tiers qui est membre de l’Organisation mondiale du commerce à condition qu’elle serve à identifier un vin comme étant originaire du territoire d’un pays tiers, ou d’une région ou localité de ce pays tiers, dans les cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique ».

142   Aux termes de l’article 36, paragraphe 3, du règlement n° 753/2002, « [l]es indications géographiques visées aux paragraphes 1 et 2 ne peuvent pas prêter à confusion avec une indication géographique utilisée pour la désignation d’un v.q.p.r.d. ». Cette disposition prévoit toutefois l’exception d’homonymie suivante :

« [C]ertaines indications géographiques des pays tiers visées au premier alinéa, homonymes d’indications géographiques utilisées pour la désignation d’un v.q.p.r.d. [...], peuvent être utilisées dans des conditions pratiques qui garantissent qu’elles soient différenciées les unes des autres, compte tenu de la nécessité d’assurer un traitement équitable des producteurs concernés et de faire en sorte que les consommateurs ne soient pas induits en erreur.

[...]

Ces indications et ces mentions ainsi que ces conditions pratiques sont indiquées à l’annexe VI. »

143   Ainsi, l’exception d’homonymie susvisée n’a pas vocation à s’appliquer de plein droit, mais est conditionnée à l’inscription à l’annexe VI du règlement n° 753/2002 tant des indications géographiques des pays tiers homonymes d’indications géographiques utilisées pour la désignation d’un v.q.p.r.d. qui peuvent en bénéficier que des conditions pratiques garantissant que ces indications géographiques sont différenciées les unes des autres.

144   Or, ainsi que l’ont fait observer le Conseil et la Commission, il convient de noter que l’annexe VI du règlement n° 753/2002 est vide à ce jour et ne mentionne donc pas la dénomination « champagne » parmi les indications géographiques des pays tiers pouvant bénéficier de l’exception d’homonymie.

145   Il s’ensuit que les dispositions du règlement n° 753/2002 ne permettent pas non plus, en tout état de cause, aux requérants de commercialiser les vins qu’ils produisent sous la dénomination « champagne ».

146   Il convient, par ailleurs, de relever que, conformément à l’article 36, paragraphe 5, de ce règlement, tel que modifié par le règlement n° 316/2004, applicable à partir du 1er février 2004, l’indication géographique d’un pays tiers « peut être utilisée sur l’étiquetage d’un vin importé même si le vin en question n’est issu qu’à 85 % de raisins récoltés dans l’aire de production dont il porte le nom ». En outre, il ressort implicitement de cette formulation et de l’économie de l’article 36, paragraphe 1, du règlement n° 753/2002 que, antérieurement à la modification introduite par le règlement n° 316/2004 permettant aux vins même issus seulement à 85 % de raisins provenant de l’aire de production dont ils portent le nom d’utiliser l’indication géographique correspondant à cette aire, une indication géographique ne pouvait figurer sur l’étiquetage d’un vin importé qu’à la condition que ce vin soit issu en totalité de raisins provenant de l’aire géographique dont il porte le nom.

147   Or, bien que, en réponse à une question écrite du Tribunal, les requérants aient affirmé que, selon l’article 16 du règlement sur les appellations d’origine des vins vaudois, l’appellation « champagne » était reconnue et protégée pour les vins issus du territoire de cette commune , force est de constater qu’une lecture complète de cette disposition fait apparaître que, aux termes de son deuxième alinéa, « a également droit à l’appellation d’une commune, le vin récolté en majeure partie (au moins 51 %) sur cette commune et pour le reste sur le lieu de production auquel celle-ci appartient ».

148   Ainsi, sans même qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la nature et sur la qualification précises de la dénomination « champagne », force est de constater que cette dénomination est reconnue par le droit suisse aux vins issus majoritairement du territoire de la commune vaudoise de Champagne de sorte qu’elle ne remplit pas la condition figurant implicitement à l’article 36, paragraphe 5, du règlement n° 753/2002 tel que modifié, et selon laquelle seuls les vins issus au moins à 85 % de raisins récoltés dans l’aire de production dont ils portent le nom, soit en l’espèce du territoire de la commune vaudoise de Champagne, peuvent être commercialisés sous l’indication géographique de cette aire de production. A fortiori, cette dénomination ne saurait non plus être considérée comme désignant des vins issus en totalité de raisins récoltés dans l’aire de production dont ils portent le nom.

149   Ainsi, contrairement à ce que les requérants ont initialement affirmé, non seulement les vins qui, en vertu du droit suisse, avaient droit à l’appellation « champagne » n’ont jamais bénéficié de l’exception d’homonymie prévue soit à l’article 29, paragraphe 3, du règlement n° 2392/89, soit à l’article 36, paragraphe 3, du règlement n° 753/2002, mais, de surcroît, la possibilité pour ces vins de pouvoir, à l’avenir, bénéficier de l’exception d’homonymie prévue par la seconde de ces dispositions dans l’hypothèse où la décision attaquée viendrait à être annulée, paraît inenvisageable eu égard à l’insuffisance des conditions établies par le droit suisse en vue de bénéficier de l’appellation communale « champagne » au regard de l’exigence de provenance des raisins prévue à l’article 36, paragraphe 5, du règlement n° 753/2002.

150   Par ailleurs, il ne saurait non plus être considéré qu’une éventuelle modification de la situation juridique des requérants résultant, par exemple, de la modification des conditions d’octroi de l’appellation communale vaudoise « champagne » serait de nature à justifier la recevabilité du recours, ce que les requérants ne prétendent d’ailleurs pas. En effet, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, l’intérêt à agir d’un requérant ne saurait être évalué en fonction d’un événement futur et hypothétique (voir arrêt du Tribunal du 30 avril 1998, Cityflyer Express/Commission, T‑16/96, Rec. p. II‑757, point 30, et la jurisprudence citée).

151   Il résulte de tout ce qui précède que la décision attaquée ne modifie pas de manière caractérisée la situation juridique des requérants sur le territoire communautaire de sorte que ceux-ci ne disposent pas d’un intérêt à agir contre celle-ci.

152   Aucun autre argument des requérants n’est susceptible de remettre en cause cette conclusion.

153   Ceux-ci se contentent de prétendre, en premier lieu, qu’il est indifférent que l’annexe VI du règlement n° 753/2002 ne mentionne aucune dénomination, et que, pour qu’une indication géographique bénéficie de l’exception d’homonymie, il suffit qu’elle remplisse les conditions prévues à l’article 36, paragraphe 3, deuxième alinéa. Toute autre interprétation priverait de tout sens l’article 36 de ce règlement et violerait les obligations de la Communauté résultant de l’article 23, paragraphe 3, de l’ADPIC.

154   Cette argumentation est manifestement dépourvue de tout fondement.

155   En effet, d’une part, il convient de relever, premièrement, que l’article 36, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 753/2002 prévoit que, sous les conditions qu’il énumère, « certaines indications géographiques » peuvent bénéficier d’une exception d’homonymie, et, deuxièmement, que l’article 36, paragraphe 3, dernier alinéa, prévoit expressément que les indications géographiques bénéficiant de l’exception d’homonymie remplissant les conditions établies au paragraphe 2 de ce même article « sont indiquées à l’annexe VI ». Il s’ensuit que l’inscription de l’indication géographique bénéficiant d’une exception d’homonymie à ladite annexe VI n’est pas simplement informative et facultative, mais constitue une formalité impérative supposant un examen préalable de la conformité de l’indication géographique aux conditions énoncées à l’article 36, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement n° 753/2002, ainsi qu’aux conditions pratiques destinées à garantir que les indications géographiques homonymes soient différenciées les unes des autres. Contrairement aux allégations des requérants, cette interprétation est la seule conforme à l’économie et au texte de l’article 36, paragraphe 3, de ce règlement, et ce à plus forte raison que l’article 36, paragraphe 3, deuxième alinéa, en tant qu’exception au principe figurant à l’article 36, paragraphe 3, premier alinéa, selon lequel les indications géographiques des pays tiers ne peuvent pas prêter à confusion avec une indication géographique utilisée pour la désignation d’un v.q.p.r.d., doit être interprété de manière stricte.

156   D’autre part, en ce qui concerne la prétendue incompatibilité de cette interprétation avec l’article 23, paragraphe 3, de l’ADPIC, il convient de relever que, dans la requête, les requérants ont au contraire souligné en substance que, à la différence des dispositions litigieuses de l’accord, le règlement n° 753/2002 n’interdisait pas de manière absolue l’utilisation, par certains vins importés, d’indications géographiques homonymes d’indications géographiques utilisées pour la désignation de v.q.p.r.d. et constituait ainsi une mesure proportionnée.

157   Ainsi, si l’argument des requérants, soulevé dans leurs observations sur les exceptions d’irrecevabilité du Conseil et de la Commission et tiré de l’ADPIC, doit s’analyser en une exception d’illégalité du règlement n° 753/2002, il convient de le qualifier de moyen nouveau produit en cours d’instance et de le rejeter comme irrecevable, conformément à l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.

158   En tout état de cause, les requérants ne démontrent ni même n’expliquent en quoi l’interprétation du règlement n° 753/2002 exposée ci-dessus serait contraire à l’article 23, paragraphe 3, de l’ADPIC. Une analyse objective et complète de l’ADPIC révèle d’ailleurs, au contraire, que le règlement n° 753/2002 se trouve en conformité avec les dispositions de cet accord relatives à la protection des indications géographiques. En effet, force est de constater, d’une part, que l’article 22, paragraphe 1, de cet accord définit les indications géographiques comme des indications qui servent à identifier un produit comme étant originaire du territoire d’un membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ou d’une localité de ce territoire, dans les cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique. Par ailleurs, son article 23, paragraphe 3, prévoit que, en cas d’homonymie d’indications géographiques pour les vins, la protection est accordée à chaque indication, sous réserve des dispositions de l’article 22, paragraphe 4, de l’ADPIC, lequel dispose que la protection accordée aux indications géographiques est applicable contre une indication géographique qui, bien qu’elle soit littéralement exacte pour ce qui est du territoire, de la région ou de la localité dont les produits sont originaires, donne à penser à tort au public que les produits sont originaires d’un autre territoire.

159   Contrairement à ce que semblent soutenir les requérants, l’ADPIC n’impose ainsi aucunement aux membres de l’OMC de garantir, de manière générale et absolue, une protection de toutes les indications géographiques homonymes, mais prévoit que la protection n’est pas accordée à une indication géographique qui donne à penser à tort que les produits sont originaires d’un autre État partie. En outre, conformément à la deuxième phrase de l’article 23, paragraphe 3, de l’ADPIC, chaque membre fixe les conditions pratiques dans lesquelles les indications homonymes auxquelles la protection est accordée sont différenciées les unes des autres, compte tenu de la nécessité d’assurer un traitement équitable des producteurs concernés et de faire en sorte que les consommateurs ne soient pas induits en erreur.

160   Or, il convient de relever que tel est précisément le système mis en place par le règlement n° 753/2002. En effet, d’une part, aux termes de l’article 36, paragraphe 1, de ce règlement, le nom d’une indication géographique peut figurer sur l’étiquetage d’un vin importé d’un pays tiers qui est membre de l’OMC à condition qu’elle serve à identifier un vin comme étant originaire du territoire d’un pays tiers, ou d’une région ou localité de ce pays tiers, dans les cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique, cette condition constituant une reprise quasi textuelle de la définition de la notion d’indication géographique figurant à l’article 22, paragraphe 1, de l’ADPIC. D’autre part, de manière semblable à l’article 22, paragraphe 4, de l’ADPIC, l’article 36, paragraphe 3, du règlement n° 753/2002, prévoit que les indications géographiques des pays tiers membres de l’OMC ne peuvent pas prêter à confusion avec une indication géographique utilisée pour la désignation d’un v.q.p.r.d.

161   S’agissant de la disposition figurant à l’article 36, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement n° 753/2002, selon laquelle, par exception au principe d’interdiction des indications géographiques de pays tiers prêtant à confusion avec les indications géographiques utilisées pour la désignation d’un v.q.p.r.d., certaines indications géographiques des pays tiers homonymes de ces dernières peuvent être utilisées dans des conditions pratiques qui garantissent qu’elles soient différenciées les unes des autres, compte tenu de la nécessité d’assurer un traitement équitable des producteurs concernés et de faire en sorte que les consommateurs ne soient pas induits en erreur, force est de constater qu’elle figure en des termes identiques à l’article 23, paragraphe 3, deuxième phrase, de l’ADPIC.

162   Enfin, l’exigence résultant, conformément à ce qui a été exposé ci-dessus, de l’article 36, paragraphe 3, dernier alinéa, du règlement n° 753/2002, et selon laquelle les indications géographiques des pays tiers bénéficiant d’une exception d’homonymie et les conditions pratiques destinées à les différencier des indications géographiques utilisées pour la désignation d’un v.q.p.r.d. doivent être mentionnées en annexe audit règlement, ne saurait aucunement être considérée comme incompatible avec les dispositions de l’ADPIC. En effet, non seulement l’ADPIC ne prévoit nullement que l’exception d’homonymie s’applique de plein droit, sans intervention d’une quelconque autorité, à toute indication géographique homonyme qui en remplit les conditions, mais il indique, en outre, expressément que « [c]haque membre fixera les conditions pratiques dans lesquelles les indications homonymes en question seront différenciées les unes des autres », laissant ainsi auxdits membres une certaine marge d’appréciation quant aux modalités d’octroi de l’exception d’homonymie.

163   En second lieu, les requérants considèrent que la circonstance que l’article 29, paragraphe 3, du règlement n° 2392/89 prévoit l’adoption de décisions de dérogation en vue de faire bénéficier certaines indications géographiques d’une exception d’homonymie est dépourvue de pertinence dès lors que le traité franco-suisse permettait expressément l’usage de l’appellation « champagne » par certains vins issus de la commune vaudoise de Champagne. Ce traité prévoirait, en effet, aux termes de son article 2, troisième alinéa, une exception d’homonymie de plein droit, sans qu’aucune décision doive être prise à cet égard. Cela aurait d’ailleurs été confirmé par le Conseil d’État du canton de Vaud dans un avis du 22 décembre 2003.

164   À cet égard, il convient de relever que, à supposer même que le traité franco-suisse doive être interprété dans le sens que lui prêtent les requérants, l’argument de ces derniers ne serait susceptible de justifier la recevabilité du recours qu’à la condition que les dispositions de ce traité relatives à l’exception d’homonymie d’indications géographiques aient vocation à s’appliquer en dépit de l’adoption du règlement n° 2392/89 puis du règlement n° 753/2002.

165   Or, il importe de rappeler que, aux termes de l’article 307, premier alinéa, du traité CE, les droits et obligations résultant de conventions conclues antérieurement à l’entrée en vigueur du traité CE, entre un ou plusieurs États membres, d’une part, et un ou plusieurs États tiers, d’autre part, ne sont pas affectés par les dispositions dudit traité.

166   Selon une jurisprudence constante, cette disposition a pour objet de préciser, conformément aux principes du droit international, que l’application du traité n’affecte pas l’engagement de l’État membre concerné de respecter les droits des pays tiers résultant d’une convention antérieure et d’observer ses obligations correspondantes. Par conséquent, il importe, pour déterminer si une norme communautaire peut être tenue en échec par une convention internationale antérieure, d’examiner si celle-ci impose à l’État membre concerné des obligations dont l’exécution peut encore être exigée par les pays tiers qui sont parties à la convention (arrêt de la Cour du 10 mars 1998, T. Port, C‑364/95 et C‑365/95, Rec. p. I‑1023, point 60 ; arrêt du Tribunal du 12 juillet 2001, Banatrading/Conseil, T‑3/99, Rec. p. II‑2123, point 70).

167   Si, dès lors, une norme communautaire peut être tenue en échec par une convention internationale, c’est à la double condition qu’il s’agisse d’une convention conclue antérieurement à l’entrée en vigueur du traité CE et que le pays tiers concerné en tire des droits dont il peut exiger le respect par l’État membre concerné (arrêts T. Port, point 166 supra, point 61, et Banatrading/Conseil, point 166 supra, point 71).

168   Or, en l’espèce, le traité franco-suisse sur lequel les requérants se fondent a été conclu en 1974, soit postérieurement à l’entrée en vigueur du traité CE. Dès lors, les dispositions du traité franco-suisse ne sauraient utilement être invoquées par les requérants pour faire obstacle à l’application du règlement n° 2392/89 puis du règlement n° 753/2002. L’argument doit donc être rejeté comme inopérant.

169   En tout état de cause, il convient de relever que, aux termes de l’article 2, premier alinéa, du traité franco-suisse, « les dénominations figurant à l’annexe A au présent traité, lorsque les alinéas 2 à 4 n’en disposent pas autrement, sont exclusivement réservées, sur le territoire de la Confédération suisse, aux produits ou marchandises français et ne peuvent y être utilisées que dans les conditions prévues par la législation de la République française ».

170   L’article 3, premier alinéa, de ce traité prévoit, réciproquement, que « les dénominations figurant à l’annexe B au présent traité, lorsque les alinéas 2 à 4 n’en disposent pas autrement, sont exclusivement réservées, sur le territoire de la République française, aux produits ou marchandises suisses et ne peuvent y être utilisées que dans les conditions prévues par la législation suisse ».

171   Or, tandis que l’appellation d’origine contrôlée française « champagne » figure à l’annexe A, l’annexe B ne mentionne pas l’appellation communale vaudoise du même nom.

172   Ainsi, conformément à ces dispositions, d’une part, la dénomination « champagne » est exclusivement réservée, sur le territoire de la Suisse, aux produits français, sous réserve de l’article 2, deuxième à quatrième alinéas, et, d’autre part, l’appellation communale vaudoise « champagne » ne bénéficie d’aucune protection sur le territoire de la France.

173   Il s’ensuit que, quand bien même les vins issus de la commune vaudoise de Champagne seraient susceptibles de bénéficier de l’article 2, troisième alinéa, du traité franco-suisse, aux termes duquel, « [s]i l’une des dénominations protégées selon le premier alinéa correspond au nom d’une région ou d’un lieu situé hors du territoire de la République Française, le premier alinéa n’exclut pas que la dénomination soit utilisée pour des produits ou marchandises fabriqués dans cette région ou dans ce lieu », cette circonstance constituerait simplement une exception à la protection exclusive dont bénéficie l’appellation d’origine contrôlée française « champagne » sur le territoire de la Suisse en vertu de l’article 2, premier alinéa, et de l’annexe A de ce traité. Cette exception d’homonymie n’aurait toutefois pas pour effet d’autoriser, sur le territoire de la France, la commercialisation des vins issus de la commune vaudoise de Champagne sous l’appellation « champagne », ce que seule une inscription à l’annexe B dudit traité permettrait.

174   Il ressort d’ailleurs de la correspondance entre le chef du département des institutions et des relations extérieures du canton de Vaud et la municipalité de la commune de Champagne produite par les requérants eux-mêmes, et notamment de la lettre de M. C. R. du 8 septembre 1998, que, lors des négociations de l’accord, cette interprétation du traité franco-suisse a été celle non seulement de la République française, mais également de la Confédération suisse, qui s’interrogeait sur les raisons de l’omission de la dénomination vaudoise « champagne » dans les listes et le protocole du traité franco-suisse.

175   Il s’ensuit que l’affirmation des requérants selon laquelle le traité franco-suisse leur autorisait la commercialisation, sur le territoire de la France, des vins issus de la commune de Champagne sous la dénomination « champagne » n’est pas fondée.

176   Par ailleurs, il est significatif de relever que, ainsi qu’il a été exposé précédemment, invités par le Tribunal à établir de manière probante l’affirmation selon laquelle ils exportaient environ 1 000 bouteilles par an portant la dénomination « champagne », les requérants non seulement n’ont pas produit d’éléments probants, tels que des factures, démontrant qu’ils ont vendu leur production sous cette dénomination en France, mais ont, en outre, affirmé que l’essentiel de ces exportations se faisaient vers la Belgique sous la dénomination « arquebuse ».

177   Quant à la lettre d’un cabinet d’avocats adressée à la Cave des viticulteurs de Bonvillars, produite par les requérants, outre qu’elle est dépourvue de pertinence quant à l’analyse de leur situation juridique, elle ne saurait, en tout état de cause, aucunement être interprétée comme démontrant que les producteurs champenois ne se sont pas opposés à la commercialisation du vin produit par les requérants sous la dénomination « champagne ». Il en ressort, en effet, tout au plus que, après avoir adopté une position très stricte consistant à menacer la Cave de Bonvillars de poursuites judiciaires, le Comité interprofessionnel du vin de Champagne a indiqué qu’il n’avait pas pour but d’empêcher « la fabrication de produits provenant de la commune de Champagne mais de simplement éviter tous malentendus inutiles, ce[la] surtout par rapport à l’avenir », tout en proposant la tenue d’un entretien « afin d’éclaircir la situation future ». En l’absence de toute autre précision de la part des requérants, et ce malgré une question écrite en ce sens adressée par le Tribunal à ces derniers, notamment sur le contenu ou le résultat de cet entretien, il ne saurait en être déduit que le Comité interprofessionnel du vin de Champagne ne s’est pas opposé à l’usage, sur le territoire de la France, de la dénomination « champagne » pour la désignation des vins exportés par les requérants.

178   Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les dispositions litigieuses de l’accord ne modifient pas de manière caractérisée la situation juridique des requérants de sorte que les conclusions en annulation de la décision attaquée doivent être rejetées comme irrecevables.

179   À titre surabondant, force est de constater que les requérants ne sauraient être considérés comme individuellement concernés, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, par la décision attaquée.

180   En effet, il y a lieu de rappeler que les dispositions litigieuses de l’accord, que la décision attaquée approuve, ont pour effet, en vertu de l’article 5, paragraphe 2, de l’annexe 7 de l’accord, de réserver, de manière exclusive, la dénomination protégée « champagne » aux produits originaires de la Communauté dans les conditions prévues par la réglementation communautaire. En outre, conformément à ce qui a été exposé aux points 41 à 49 ci-dessus, compte tenu de l’absence de mention de la dénomination « champagne » parmi les dénominations suisses protégées au sens de l’accord et figurant à l’appendice 2 de ce dernier, l’exception d’homonymie prévue à l’article 5, paragraphe 4, sous a), de l’annexe 7 de l’accord n’a pas vocation à s’appliquer concernant la dénomination française « champagne », laquelle est mentionnée, en tant que v.q.p.r.d. originaire de France, parmi les dénominations communautaires protégées au sens de l’accord.

181   Il s’ensuit que les dispositions litigieuses de l’accord ont pour effet d’interdire toute utilisation de la dénomination « champagne » pour des vins qui ne sont pas originaires de la Communauté, plus particulièrement de France, et qui ne satisfont pas aux conditions prévues par la réglementation communautaire en vue de bénéficier de la dénomination v.q.p.r.d. « champagne ». Dès lors, les dispositions litigieuses de l’accord concernent, de la même manière, toutes les personnes – présentes et à venir – qui produisent ou commercialisent des produits vitivinicoles qui ne peuvent bénéficier de la dénomination v.q.p.r.d. « champagne », au motif, notamment, qu’ils ne proviennent pas de la région française de Champagne, et parmi eux, tous les producteurs de produits vitivinicoles originaires de Suisse. Les dispositions litigieuses de l’accord constituent ainsi une mesure de portée générale qui s’applique à des situations déterminées objectivement et qui produit ses effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière abstraite (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 13 décembre 2005, Arla Foods e.a./Commission, T‑397/02, Rec. p. II‑5365, points 52 et 53, et la jurisprudence citée).

182   Toutefois, il n’est pas exclu qu’une disposition qui a, par sa nature et par sa portée, un caractère d’acte de portée générale, puisse concerner individuellement une personne physique ou morale. Tel est le cas, lorsque l’acte en cause atteint celle-ci en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une décision le serait (arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223, et du 18 mai 1994, Codorníu/Conseil, C‑309/89, Rec. p. I‑1853, points 19 et 20 ; ordonnance du Tribunal du 6 juillet 2004, Alpenhain-Camembert-Werk e.a./Commission, T‑370/02, Rec. p. II‑2097, point 56).

183   En l’espèce, les requérants prétendent qu’ils se trouvent dans une telle situation du fait, d’une part, que la clause champagne a été incluse dans l’accord dans le but de régler la situation d’un cercle déterminé de producteurs identifiables et identifiés au moment de son adoption et, d’autre part, qu’ils sont les seuls à disposer du droit spécifique à l’appellation d’origine « champagne » en vertu du droit suisse.

184   Ces arguments ne sauraient néanmoins conduire à considérer que les requérants sont individuellement concernés par les dispositions litigieuses de l’accord.

185   En effet, d’une part, ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, ces dispositions n’ont pas pour unique objet de régir la situation particulière des producteurs de vins issus de la commune vaudoise de Champagne, mais visent, de manière générale, à garantir l’utilisation exclusive de la dénomination « champagne » aux vins originaires de France bénéficiant de cette appellation en vertu du droit communautaire. Seul l’article 5, paragraphe 8, de l’annexe 7 de l’accord évoque la situation particulière de « certains vins originaires du canton de Vaud en Suisse », et octroie une dérogation transitoire permettant l’utilisation du mot « champagne » pour les désigner et les présenter dans les conditions qui y sont prévues. Or, le simple fait que cette disposition prévoit un régime transitoire plus favorable pour « certains vins originaires du canton de Vaud » n’est pas, en soi, de nature à affecter la conclusion selon laquelle les dispositions litigieuses de l’accord assurant l’exclusivité de la dénomination « champagne » constituent une mesure d’ordre général qui ne concerne pas individuellement les requérants.

186   D’autre part, le droit des requérants à bénéficier de l’appellation suisse « champagne » ne saurait non plus leur conférer un intérêt individuel à contester les dispositions litigieuses de l’accord, et ce sans même qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la nature et la qualification précises de cette appellation. En effet, contrairement au droit de marque dont bénéficiait de manière exclusive la requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Codorníu/Conseil, point 182 supra, la Cour ayant souligné, à cet égard, que celle-ci avait enregistré la marque graphique Gran Cremant de Codorníu en Espagne en 1924 et qu’elle avait utilisé traditionnellement cette marque tant avant qu’après cet enregistrement, le droit pour les requérants d’utiliser la dénomination « champagne » résulte de la réglementation suisse qui reconnaît à toutes les entreprises dont les produits satisfont aux exigences géographiques et qualitatives prescrites le droit de les commercialiser sous la dénomination « champagne » et refuse ce droit à toutes celles dont les produits ne remplissent pas ces conditions, lesquelles sont identiques pour toutes les entreprises (voir, en ce sens, ordonnances du Tribunal du 15 septembre 1998, Molkerei Großbraunshain et Bene Nahrungsmittel/Commission, T‑109/97, Rec. p. II‑3533, point 50, et du 13 décembre 2005, Confédération générale des producteurs de lait de brebis et des industriels de Roquefort/Commission, T‑381/02, Rec. p. II‑5337, point 51).

187   De même que les dispositions litigieuses de l’accord, la réglementation suisse applicable ne vise donc pas uniquement les requérants, mais produit également ses effets juridiques à l’égard d’un nombre indéterminé de producteurs, tant suisses qu’originaires de pays tiers, souhaitant commercialiser sur le territoire de la Suisse leurs produits sous la dénomination « champagne », aujourd’hui ou à l’avenir.

188   Ainsi, le simple fait que les requérants bénéficient, à ce jour, du droit à l’appellation communale « champagne » pour certains des vins qu’ils produisent n’est pas de nature à mener à la conclusion qu’ils sont concernés individuellement par les dispositions litigieuses de l’accord, dès lors que cette circonstance résulte de l’application à une situation déterminée objectivement d’une mesure de portée générale, à savoir la réglementation suisse en matière d’appellation d’origine, qui produit ses effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite, à savoir toutes les entreprises qui fabriquent un produit présentant des caractéristiques objectivement définies (voir, en ce sens, ordonnance Molkerei Großbraunshain et Bene Nahrungsmittel/Commission, point 186 supra, point 51).

189   Cette constatation est, au demeurant, confirmée par l’avis du Conseil d’État du canton de Vaud du 8 janvier 2003, produit par les requérants eux-mêmes, aux termes duquel « tous les vignerons ou associations vitivinicoles produisant des vins élaborés à partir de raisins récoltés sur les parcelles de la commune de Champagne ont droit à cette appellation. C’est à ce titre que la Cave des viticulteurs de Bonvillars utilise, entre autres, l’appellation ‘champagne’ pour les vins qu’elle commercialise et qui sont issus de cette commune. Aucun autre vigneron vaudois n’a [le] droit [d’]utiliser cette appellation s’il n’est pas propriétaire ou locataire de vignes sises sur le territoire de la commune de Champagne ou s’il ne commercialise pas de vin issu de vendanges provenant de cette commune ».

190   À cet égard, il convient enfin de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la portée générale et, partant, la nature normative d’un acte ne sont pas mises en cause par la possibilité de déterminer avec plus ou moins de précision le nombre ou même l’identité des sujets de droit auxquels il s’applique à un moment donné, tant il est constant que cette application s’effectue en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en relation avec la finalité de ce dernier (voir arrêt de la Cour du 31 mai 2001, Sadam Zuccherifici e.a./Conseil, C‑41/99 P, Rec. p. I‑4239, point 29, et la jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, ordonnance de la Cour du 26 octobre 2000, Molkerei Großbraunshain et Bene Nahrungsmittel/Commission, C‑447/98 P, Rec. p. I‑9097, point 64).

191   Il résulte de ce qui précède que les requérants ne peuvent pas être considérés comme individuellement concernés par les dispositions litigieuses de l’accord, de sorte que leur recours doit également être rejeté comme irrecevable à ce titre.

192   L’argument des requérants tiré du droit à une protection juridictionnelle effective ne saurait modifier cette conclusion, la Cour ayant clairement établi, s’agissant de la condition de l’intérêt individuel exigée par l’article 230, quatrième alinéa, CE, que, s’il était vrai que cette dernière devait être interprétée à la lumière du principe d’une protection juridictionnelle effective, en tenant compte des diverses circonstances qui étaient de nature à individualiser un requérant, une telle interprétation ne saurait aboutir à écarter la condition en cause, qui était expressément prévue par le traité, sans excéder les compétences attribuées par celui-ci aux juridictions communautaires (arrêt de la Cour du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, Rec. p. I‑6677, point 44).

2.     Sur les conclusions en indemnité

 Arguments des parties

193   Les requérants soutiennent que la décision attaquée constitue une violation du droit de propriété, du droit au libre exercice d’une activité professionnelle ainsi que du principe de proportionnalité de nature à engager la responsabilité extracontractuelle de la Communauté.

194   Cette violation leur causerait un dommage résultant, d’une part, des frais qu’ils devraient supporter pour pénétrer le marché du vin sous une autre dénomination que la dénomination « champagne » et, d’autre part, du manque à gagner consécutif à la baisse prévisible, de l’ordre de 4 CHF, du prix par bouteille du vin qu’ils produisent si les 150 000 bouteilles vendues actuellement par an sous l’appellation « champagne » devaient se voir priver de cette dénomination. Les requérants se réservent néanmoins la possibilité de soumettre au Tribunal des données chiffrées plus spécifiques lorsque les premiers effets de la décision attaquée se seront manifestés à leur égard.

195   Le lien de causalité entre le comportement reproché aux institutions et le dommage subi résiderait en ce que la République française aurait amené le Conseil et la Commission à négocier les dispositions litigieuses de l’accord. Or, sans la pression de cet État membre, la Confédération suisse n’aurait jamais consenti à ces dispositions, ce à quoi elle aurait cependant été contrainte en vue d’obtenir la signature des sept accords bilatéraux.

196   Les autorités suisses étant obligées d’adopter les mesures nécessaires en vue de mettre en œuvre les dispositions litigieuses de l’accord, le dommage serait imputable à la Communauté, de manière analogue à ce qui aurait été jugé dans l’arrêt du Tribunal du 11 janvier 2002, Biret International/Conseil (T‑174/00, Rec. p. II‑17, points 33 et 34).

197   Il serait indifférent, à cet égard, que, du fait de sa qualité de partie à l’accord, la Confédération suisse soit coresponsable du dommage, dès lors que toutes les conditions requises pour l’indemnisation du dommage des requérants seraient remplies (arrêt de la Cour du 17 décembre 1959, Feram/Haute Autorité, 23/59, Rec. p. 501).

198   Le Conseil et la Commission considèrent qu’aucune des conditions d’engagement de la responsabilité de la Communauté n’est remplie en l’espèce. Ils soutiennent, en particulier, que, dès lors que la décision attaquée ne produit pas d’effets juridiques sur la situation des requérants, le lien de causalité entre le dommage prétendument subi et l’illégalité alléguée de la décision attaquée fait défaut. En effet, d’une part, la décision attaquée ne créerait aucune obligation nouvelle à la charge des requérants sur le territoire communautaire et, d’autre part, l’éventuel préjudice que les requérants pourraient subir sur le territoire de la Suisse résulterait de l’action des autorités suisses soit lorsqu’elles déclareraient l’accord applicable sur leur territoire, soit lorsqu’elles approuveraient la législation mettant en œuvre les engagements auxquels elles auraient consenti en vertu de l’accord, ce dernier leur laissant le choix des modalités à cet égard.

199   La Commission ajoute que l’éventuelle pression de la République française en vue de l’inclusion de la clause champagne est sans pertinence. Les négociations ne seraient que des actes préparatoires et ne pourraient être la cause d’un préjudice, seul l’acte normatif qui en est l’aboutissement pouvant être susceptible de faire l’objet d’un droit à réparation. La Confédération suisse ayant ratifié l’accord en tant qu’État souverain, les requérants qui s’estiment lésés par ledit accord devraient s’adresser aux autorités suisses.

 Appréciation du Tribunal

200   Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêt de la Cour du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, Rec. p. 3057, point 16 ; arrêts du Tribunal du 11 juillet 1996, International Procurement Services/Commission, T‑175/94, Rec. p. II‑729, point 44 ; du 16 octobre 1996, Efisol/Commission, T‑336/94, Rec. p. II‑1343, point 30, et du 11 juillet 1997, Oleifici Italiani/Commission, T‑267/94, Rec. p. II‑1239, point 20). Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours en indemnité doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions d’engagement de ladite responsabilité (arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, Rec. p. I‑4199, point 19, et arrêt du Tribunal du 20 février 2002, Förde-Reederei/Conseil et Commission, T‑170/00, Rec. p. II‑515, point 37).

201   En l’espèce, il convient d’examiner d’abord les conclusions en indemnité au regard de la troisième de ces conditions, relative à l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué. S’agissant de cette condition, la jurisprudence exige que le préjudice invoqué soit le résultat direct du comportement allégué (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 4 octobre 1979, Dumortier frères e.a./Conseil, 64/76 et 113/76, 167/78 et 239/78, 27/79, 28/79 et 45/79, Rec. p. 3091, point 21 ; arrêts du Tribunal du 18 septembre 1995, Blackspur e.a./Conseil et Commission, T‑168/94, Rec. p. II‑2627, point 49, et du 29 octobre 1998, TEAM/Commission, T‑13/96, Rec. p. II‑4073, point 74).

202   Les requérants considèrent que le préjudice, constitué par les frais qu’ils devront exposer afin de pénétrer le marché du vin sous une autre dénomination que la dénomination « champagne » et par le manque à gagner consécutif à la baisse prévisible du prix de leur production lorsque celle-ci se verra privée de cette dénomination, résulte de manière directe de l’adoption, par le Conseil et la Commission, de la décision attaquée, laquelle approuve les dispositions litigieuses de l’accord.

203   De manière analogue à ce qui a été exposé dans le cadre des conclusions en annulation, il convient d’examiner successivement la situation des requérants sur le territoire communautaire et sur le territoire de la Suisse.

204   Sur le territoire communautaire, il ressort des points 130 à 139 ci-dessus que les dispositions litigieuses de l’accord n’ont pas eu d’incidence sur la situation des requérants, lesquels étaient déjà empêchés, lors de l’entrée en vigueur de l’accord, de commercialiser leur production sous la dénomination « champagne » en vertu du règlement n° 2392/89. Conformément à ce qui a été exposé aux points 140 à 150 ci-dessus, cette impossibilité résulte également du règlement n° 753/2002, devenu applicable à partir du 1er août 2003.

205   Il s’ensuit que, sur le territoire communautaire, la décision attaquée ne saurait être à l’origine du préjudice que les requérants prétendent avoir subi, celui-ci, tel qu’identifié par les requérants, résultant déjà de la réglementation communautaire applicable. À cet égard, il convient d’ailleurs de relever que, à l’occasion de la vente de leurs produits sous la dénomination « arquebuse » en Belgique, les requérants ont déjà dû s’implanter sur le marché communautaire en faisant usage d’une dénomination différente, avant l’entrée en vigueur de l’accord.

206   Sur le territoire de la Suisse, il ressort du point 91 ci-dessus que les effets prétendument préjudiciables que l’accord produit à l’égard des requérants trouvent leur unique source dans la circonstance que, en décidant souverainement de signer et de ratifier ledit accord, la Confédération suisse a consenti à y être liée et s’est engagée, conformément à l’article 14 dudit accord, à prendre les mesures propres à assurer l’exécution des obligations en résultant, parmi lesquelles celles découlant des dispositions litigieuses de l’accord.

207   Il s’ensuit que l’éventuel préjudice que les requérants pourraient subir, sur le territoire de la Suisse, du fait des mesures prises par les autorités suisses en exécution de l’accord ne peut être considéré comme imputable à la Communauté, de sorte que le Tribunal n’est pas compétent pour connaître d’une action visant à en obtenir la réparation.

208   S’il est certes exact que, dès lors que la Confédération suisse a signé et ratifié l’accord, elle s’est engagée, conformément au droit international, à en assurer la pleine exécution, dans le cadre de laquelle elle ne dispose pas d’un pouvoir discrétionnaire, il n’en demeure pas moins que cette obligation procède, en amont, de l’expression par la Confédération suisse d’un choix souverain dans la conduite des négociations ayant abouti à la conclusion de l’accord et, plus loin, de ses relations extérieures.

209   L’argument des requérants selon lequel la Confédération suisse n’aurait eu, en définitive, d’autre choix que d’accepter les dispositions litigieuses de l’accord sous peine de voir échouer la conclusion des sept accords sectoriels ne saurait donc conduire à considérer que le préjudice allégué est imputable à la Communauté. En effet, à supposer même que cet argument repose sur une réalité établie, il convient de relever que l’acceptation par la Confédération suisse desdites dispositions s’inscrit dans le cadre de négociations fondées sur des concessions et avantages réciproques, à l’issue desquelles cet État a pu décider librement et souverainement de renoncer à la défense de l’appellation communale « champagne », compte tenu de l’intérêt qu’il avait globalement à obtenir la conclusion tant de l’accord que, plus généralement, des sept accords sectoriels.

210   Cette circonstance est, au demeurant, corroborée par la lettre du chef du département fédéral des Affaires étrangères adressée le 24 mars 1999 à l’association des vignerons-encaveurs, dans laquelle celui-ci souligne ce qui suit :

« Selon votre interprétation, l’agriculture ‘ferait les frais de mauvais accords’ conclus avec l’U[nion européenne] au profit des autres secteurs de notre économie. Le Conseil fédéral ne partage pas cette analyse, l’examen détaillé des accords qui ont été paraphés le 26 février 1999 ayant démontré que l’accord conclu dans le secteur agricole est, en soi, équilibré et offrira des opportunités d’exportation intéressantes pour l’agriculture suisse dans le marché de plus de 370 millions de consommateurs que représente l’U[nion européenne]. »

211   La question de savoir si la position de la Communauté dans le cadre des négociations des dispositions litigieuses de l’accord trouve son origine dans la volonté de la République française de protéger l’appellation d’origine contrôlée française « champagne » est totalement dépourvue de pertinence à cet égard. En effet, il est juridiquement indifférent de connaître la position qu’a pu avoir la République française durant les négociations de l’accord dès lors que seules la Communauté et la Confédération suisse y sont parties.

212   Enfin, il convient d’observer que, dès lors que le préjudice prétendument subi sur le territoire de la Suisse est, en définitive, imputable aux autorités de cet État, c’est aux juridictions suisses compétentes qu’il appartient de se prononcer sur l’éventuel droit à réparation du préjudice que lesdites autorités leur auraient causé.

213   Ainsi, sans même qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les fins de non-recevoir soulevées par le Conseil et la Commission (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, Rec. p. I‑1873, point 52, et du 23 mars 2004, France/Commission, C‑233/02, Rec. p. I‑2759, point 26), il convient de rejeter les présentes conclusions en indemnité comme manifestement non fondées en droit, pour autant qu’elles concernent le préjudice prétendument subi sur le territoire communautaire, et pour défaut de compétence du Tribunal, pour autant qu’elles concernent le préjudice prétendument subi sur le territoire de la Suisse.

214   Le recours doit donc être rejeté dans son ensemble, sans qu’il y ait lieu de faire droit au cinquième chef de conclusions des requérants.

3.     Sur les moyens nouveaux produits en cours d’instance

215   Par lettre du 7 mars 2007, les requérants ont sollicité de la part du Tribunal le droit de déposer des moyens nouveaux sur le fondement de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.

216   Ils invoquent l’adoption de la décision 2006/232/CE du Conseil, du 20 décembre 2005, relative à la conclusion de l’accord entre la Communauté européenne et les États-Unis d’Amérique sur le commerce du vin (JO 2006, L 87, p. 1), dont il ressortirait que les dénominations qualifiées dans cet État de semi-génériques peuvent continuer à figurer sur les étiquettes des produits qu’elles désignent à condition qu’elles fassent partie d’un ensemble qui a fait l’objet d’une homologation. Les requérants prétendent ainsi que certains viticulteurs des États-Unis pourront, sous certaines conditions, utiliser sur leur territoire la dénomination « champagne ». Cette circonstance démontrerait le caractère disproportionné et discriminatoire de la décision attaquée.

217   À cet égard, il suffit de constater que les arguments des requérants ont trait exclusivement au fond du recours, de sorte qu’ils ne sauraient remettre en cause ni l’irrecevabilité du recours en annulation ni l’incompétence partielle du Tribunal pour statuer sur le recours en réparation du préjudice prétendument subi sur le territoire de la Suisse constatées précédemment. Par ailleurs, dans la mesure où ces arguments visent à démontrer l’éventuelle faute commise par la Communauté à l’origine du préjudice que les requérants prétendent avoir subi sur le territoire communautaire, ils ne sont pas non plus susceptibles de remettre en cause l’absence, constatée précédemment, de lien de causalité, sur le territoire communautaire, entre ce préjudice et la faute alléguée.

218   Sans même qu’il soit besoin de déterminer si les conditions de recevabilité prévues à l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure sont remplies en l’espèce, les arguments des requérants fondés sur la décision 2006/232 doivent donc, en tout état de cause, être rejetés.

 Sur les dépens

219   Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé en leurs conclusions, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par le Conseil et la Commission, conformément aux conclusions de ces derniers.

220   La République française supportera ses propres dépens, conformément à l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Les conclusions en annulation sont rejetées comme irrecevables.

2)      Les conclusions en indemnité sont rejetées.

3)      Les requérants supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil et par la Commission.

4)      La République française supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 3 juillet 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger

ANNEXE

Jacqueline Gonin Péroset-Grandson, demeurant à Champagne (Suisse),

De Rahm et Cie SA, établie à Lausanne (Suisse),

Françoise Grin, demeurant à Champagne,

Janine Payot, demeurant à Champagne,

Rose-Marie Richard, demeurant à Morges (Suisse),

Yolande Richardet, demeurant Les Tuileries-de-Grandson (Suisse),

Antoinette Schopfer, demeurant à Yverdon-les-Bains (Suisse),

Huguette Verraires-Banderet, demeurant à Renens (Suisse),

Dominique Dagon, demeurant à Onnens (Suisse),

Susy Dagon, demeurant à Champagne,

Élisabeth Giroud, demeurant à Champagne,

Huguette Giroud, demeurant à Champagne,

Serge Gonin Péroset-Grandson, demeurant à Champagne,

Gilbert Guilloud, demeurant à Champagne,

Claude Loup, demeurant à Champagne,

Charles Madörin, demeurant à Champagne,

Claude Madörin, demeurant à Jongny (Suisse),

Rudolf Moser-Perrin, demeurant à Payerne (Suisse),

Marc Perdrix, demeurant à Champagne,

René Perdrix, demeurant à Giez (Suisse),

Éric Schopfer, demeurant à Champagne,

Denis Tharin, demeurant à Champagne,

José Tharin, demeurant à Champagne,

Maxime Tharin, demeurant à Champagne,

Albert Banderet, demeurant à Champagne,

Gilbert Banderet, demeurant à Champagne,

Jean-Pierre Banderet, demeurant à Yverdon-les-Bains,

Emmanuel Borgeaud, demeurant à Champagne,

Paul André Cornu, demeurant à Champagne,

Ronald Dagon, demeurant à Champagne,

Jean-Michel Duvoisin, demeurant à Bonvillars (Suisse),

Daniel Forestier, demeurant à Bonvillars,

Michel Forestier, demeurant à Champagne,

Edgar Giroud, demeurant à Torgon (Suisse),

Edmond Giroud, demeurant à Champagne,

Georges Giroud, demeurant à Champagne,

Cofigo SA, établie à Morges,

Jean Vogel, demeurant à Grandvaux (Suisse),

Commune d’Yverdon (Suisse).


* Langue de procédure : le français.