ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

11 septembre 2014 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Sécurité sociale des travailleurs migrants — Règlements (CEE) no 1408/71 et (CE) no 883/2004 — Législation nationale applicable — Détermination de l’État membre compétent pour l’octroi d’une prestation familiale — Situation dans laquelle le travailleur migrant ainsi que sa famille vivent dans un État membre où ils ont leur centre d’intérêt et où une prestation familiale a été perçue — Demande de prestation familiale dans l’État membre d’origine après l’expiration du droit aux prestations dans l’État membre de résidence — Réglementation nationale de l’État membre d’origine prévoyant l’octroi de telles prestations à toute personne ayant un domicile enregistré dans cet État»

Dans l’affaire C‑394/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Nejvyšší správní soud (République tchèque), par décision du 2 mai 2013, parvenue à la Cour le 11 juillet 2013, dans la procédure

Ministerstvo práce a sociálních věcí

contre

B.,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. M. Safjan, président de chambre, Mmes A. Prechal (rapporteur) et K. Jürimäe, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

pour Mme B., par Me V. Soukup, advokát,

pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

pour le gouvernement hellénique, par Mme T. Papadopoulou, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par M. D. Martin et Mme P. Němečková, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 76 du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 592/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008 (JO L 177, p. 1, ci-après le «règlement no 1408/71»), ainsi que de l’article 87 du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO L 166, p. 1, et rectificatif JO L 200, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 988/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009 (JO L 284, p. 43, ci-après le «règlement no 883/2004»).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Ministerstvo práce a sociálních věcí (ministère du Travail et des Affaires sociales) à Mme B. au sujet d’une décision retirant à celle-ci le bénéfice des prestations familiales au motif que la République tchèque serait incompétente pour octroyer ces prestations.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement no 1408/71

3

L’article 1er du règlement no 1408/71, intitulé «Définitions», énonce à son point h) que «le terme ‘résidence’ signifie le séjour habituel».

4

L’article 13 de ce règlement, intitulé «Règles générales», prévoit:

«1.   Sous réserve des articles 14 quater et 14 septies, les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément aux dispositions du présent titre.

2.   Sous réserve des articles 14 à 17:

[...]

f)

la personne à laquelle la législation d’un État membre cesse d’être applicable, sans que la législation d’un autre État membre lui devienne applicable en conformité avec l’une des règles énoncées aux alinéas précédents ou avec l’une des exceptions ou règles particulières visées aux articles 14 à 17, est soumise à la législation de l’État membre sur le territoire duquel elle réside, conformément aux dispositions de cette seule législation.»

5

Sous le titre III, chapitre 7, du même règlement, l’article 76 de ce dernier, intitulé «Règles de priorité en cas de cumul de droits à prestations familiales en vertu de la législation de l’État compétent et en vertu de la législation du pays de résidence des membres de la famille», dispose à son paragraphe 1:

«Lorsque des prestations familiales sont, au cours de la même période, pour le même membre de la famille et au titre de l’exercice d’une activité professionnelle, prévues par la législation de l’État membre sur le territoire duquel les membres de la famille résident, le droit aux prestations familiales dues en vertu de la législation d’un autre État membre, le cas échéant en application des articles 73 ou 74, est suspendu jusqu’à concurrence du montant prévu par la législation du premier État membre.»

Les règlements no 883/2004 et (CE) no 987/2009

6

Le règlement no 1408/71 a été remplacé par le règlement no 883/2004. Ce dernier règlement est applicable, conformément à son article 91, à compter de la date d’entrée en vigueur de son règlement d’application. Le règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement no 883/2004 (JO L 284, p. 1), est entré en vigueur le 1er mai 2010.

7

L’article 1er du règlement no 883/2004, intitulé «Définitions», énonce, à son point j), que «le terme ‘résidence’ désigne le lieu où une personne réside habituellement».

8

L’article 11, intitulé «Règles générales», paragraphes 1 et 3, sous e), dudit règlement, prévoit:

«1.   Les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément au présent titre.

[...]

3.   Sous réserve des articles 12 à 16:

[...]

e)

les personnes autres que celles visées aux points a) à d) sont soumises à la législation de l’État membre de résidence, sans préjudice d’autres dispositions du présent règlement qui leur garantissent des prestations en vertu de la législation d’un ou de plusieurs autres États membres.»

9

L’article 87 du même règlement, intitulé «Dispositions transitoires», dispose à ses paragraphes 1, 3 et 8:

«1.   Le présent règlement n’ouvre aucun droit pour la période antérieure à la date de son application.

[...]

3.   Sous réserve du paragraphe 1, un droit est ouvert en vertu du présent règlement, même s’il se rapporte à une éventualité réalisée antérieurement à la date de son application dans l’État membre concerné.

[...]

8.   Si, en conséquence du présent règlement, une personne est soumise à la législation d’un État membre autre que celui à la législation duquel elle est soumise en vertu du titre II du règlement [no 1408/71], cette personne continue d’être soumise à cette dernière législation aussi longtemps que la situation qui a prévalu reste inchangée, mais en tout cas pas plus de dix ans à compter de la date d’application du présent règlement, à moins qu’elle n’introduise une demande en vue d’être soumise à la législation applicable en vertu du présent règlement. [...]»

10

L’article 11 du règlement no 987/2009, intitulé «Éléments pour la détermination de la résidence», énonce:

«1.   En cas de divergence de vues entre les institutions de deux États membres ou plus au sujet de la détermination de la résidence d’une personne à laquelle le règlement de base s’applique, ces institutions établissent d’un commun accord le centre d’intérêt de la personne concernée en procédant à une évaluation globale de toutes les informations disponibles concernant les faits pertinents, qui peuvent inclure, le cas échéant:

a)

la durée et la continuité de la présence sur le territoire des États membres concernés;

b)

la situation de l’intéressé, y compris:

i)

la nature et les spécificités de toute activité exercée, notamment le lieu habituel de son exercice, son caractère stable ou la durée de tout contrat d’emploi;

ii)

sa situation familiale et ses liens de famille;

iii)

l’exercice d’activités non lucratives;

iv)

lorsqu’il s’agit d’étudiants, la source de leurs revenus;

v)

sa situation en matière de logement, notamment le caractère permanent de celui-ci;

vi)

l’État membre dans lequel la personne est censée résider aux fins de l’impôt.

2.   Lorsque la prise en compte des différents critères fondés sur les faits pertinents tels qu’ils sont énoncés au paragraphe 1 ne permet pas aux institutions concernées de s’accorder, la volonté de la personne en cause, telle qu’elle ressort de ces faits et circonstances, notamment les raisons qui l’ont amenée à se déplacer, est considérée comme déterminante pour établir le lieu de résidence effective de cette personne.»

Le droit tchèque

11

Il ressort de la décision de renvoi que, selon les articles 3 et 31, paragraphe 1, deuxième phrase, de la loi no 117/1995, relative à l’assistance sociale (zákon č. 117/1995 Sb., o státní sociální podpoře), telle qu’en vigueur à la date d’adoption de la décision administrative en cause au principal, toute personne physique ayant fait procéder à l’enregistrement de son domicile sur le territoire tchèque conformément aux articles 10 et 10a de la loi no 133/2000 relative au registre de la population et au numéro de registre national, portant modification de certaines lois [zákon č. 133/2000 Sb., o evidenci obyvatel a rodných číslech a o změně některých zákonů (zákon o evidenci obyvatel)] peut prétendre au bénéfice de l’allocation parentale.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

12

Mme B. est une ressortissante tchèque qui vit en France avec son mari et sa fille mineure, née en France. Mme B. et son mari ont toutefois chacun une résidence en République tchèque dont l’adresse a été enregistrée conformément à l’article 10 de la loi no 133/2000 relative au registre de la population et au numéro de registre national, portant modification de certaines lois.

13

Mme B. a perçu des prestations de chômage en France et son mari y exerce une activité professionnelle. L’ensemble de la famille bénéficie de l’assurance maladie en France. Au cours de la période allant du 9 février au 30 mai 2009, Mme B. a été en congé de maternité et, à ce titre, a perçu, en France, une allocation de maternité. Par la suite, au cours de la période allant du 1er juin au 30 novembre 2009, Mme B. a perçu dans cet État membre une prestation familiale complémentaire dénommée «prestation d’accueil du jeune enfant», ou «PAJE», dont le montant est fonction des revenus du bénéficiaire. Une fois épuisé son droit à ladite prestation, Mme B. a introduit une demande en République tchèque en vue d’obtenir une prestation familiale.

14

Par décision du 14 juin 2010, l’Úřad práce (agence pour l’emploi) d’Ostrava a décidé de lui octroyer ladite prestation à dater du 1er décembre 2009.

15

Considérant que le droit de Mme B. à une prestation familiale devait faire l’objet d’une nouvelle appréciation à dater de l’entrée en application du règlement no 883/2004, à savoir le 1er mai 2010, le Krajský úřad Moravskoslezského kraje (autorité régionale de la région de Moravie-Silésie), dont les pouvoirs ont été transférés au Ministerstvo práce a sociálních věcí, a, par sa décision du 16 novembre 2010, décidé de lui retirer le bénéfice de la prestation en cause, à dater du 1er mai 2010, aux motifs que la République tchèque n’était plus l’État membre compétent dès lors que le centre d’intérêt de Mme B. et de sa famille était localisé en France.

16

La juridiction de renvoi éprouve des doutes quant à la compétence de la République tchèque en matière d’octroi des prestations familiales à Mme B. Elle estime que, dans l’hypothèse où il est considéré que la République tchèque a été compétente pour l’octroi de telles prestations familiales, il est douteux que celle-ci le soit restée postérieurement au 1er mai 2010 compte tenu des nouvelles règles relatives à la résidence figurant dans le règlement no 987/2009.

17

Dans ces conditions, le Nejvyšší správní soud (Cour administrative suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Convient-il d’interpréter l’article 76 du règlement [no 1408/71] en ce sens que, dans les circonstances de l’espèce, à savoir que la requérante, son mari et son enfant vivent en France, que son mari y travaille, qu’ils y ont leur centre d’intérêt et que la requérante a intégralement perçu en France la prestation familiale PAJE (prestation d’accueil du jeune enfant), la République tchèque est l’État [membre] compétent pour octroyer une prestation familiale-allocation parentale?

En cas de réponse affirmative à la première question:

2)

Convient-il d’interpréter les dispositions transitoires du règlement [no 883/2004] en ce sens qu’elles imposent à la République tchèque d’octroyer une prestation familiale après le 30 avril 2010, bien que la compétence d’un État puisse être influencée, à dater du 1er mai 2010, par la nouvelle définition de la résidence fournie par le règlement [no 987/2009] (articles 22 et suivants)?

En cas de réponse négative à la première question:

3)

Convient-il d’interpréter le règlement [no 883/2004], en particulier l’article 87, en ce sens que, dans des circonstances telles que celles de l’espèce, la République tchèque est, à dater du 1er mai 2010, l’État [membre] compétent pour l’octroi d’une prestation familiale?»

Sur la recevabilité

18

Mme B. fait valoir que les questions sont dépourvues de pertinence au regard de l’affaire au principal au motif qu’elles portent sur son droit aux prestations familiales à partir du 1er décembre 2009, alors qu’il n’est pas contesté que ces prestations lui sont dues pour la période allant du 1er décembre 2009 au 1er mai 2010, cette affaire ne concernant que la perte de ce droit à compter de cette dernière date.

19

Il importe de rappeler que, dans le cadre de la procédure instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer. La présomption de pertinence qui s’attache aux questions posées à titre préjudiciel par les juridictions nationales ne peut être écartée qu’à titre exceptionnel, s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, notamment, arrêt Iberdrola Distribución Eléctrica, C‑300/13, EU:C:2014:188, point 16).

20

En l’occurrence, il n’apparaît pas que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union par la juridiction de renvoi n’ait aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal ni que le problème soulevé par elle fût de nature hypothétique. Dès lors, la Cour disposant par ailleurs des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées, celles-ci, contrairement à ce que soutient Mme B., sont recevables.

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

21

À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises (arrêts Krüger, C‑334/95, EU:C:1997:378, points 22 et 23, ainsi que Hewlett-Packard Europe, C‑361/11, EU:C:2013:18, point 35).

22

En l’occurrence, par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le règlement no 1408/71 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre soit considéré comme l’État compétent pour octroyer une prestation familiale, conformément à son droit national, à une personne du seul fait que cette dernière a un domicile enregistré sur son territoire sans que celle-ci et les membres de sa famille travaillent ou résident habituellement dans cet État membre.

23

Selon une jurisprudence constante de la Cour, les dispositions du titre II de ce règlement tendent notamment à ce que les intéressés soient, en principe, soumis au régime de sécurité sociale d’un seul État membre, de sorte que les cumuls de législations nationales applicables et les complications qui peuvent en résulter soient évités. Ce principe trouve son expression notamment à l’article 13, paragraphe 1, dudit règlement (voir, notamment, arrêt Hudzinski et Wawrzyniak, C‑611/10 et C‑612/10, EU:C:2012:339, point 41).

24

En l’occurrence, il y a lieu de constater que la législation applicable à la situation de Mme B. pour ce qui concerne son droit à des prestations familiales est déterminée par l’article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement no 1408/71. En effet, à une personne qui a cessé toute activité salariée sur le territoire d’un État membre et qui, par conséquent, ne remplit plus les conditions de l’article 13, paragraphe 2, sous a), de ce règlement et ne remplit pas non plus les conditions d’aucune autre disposition dudit règlement pour relever de la législation d’un État membre, est applicable, en vertu de l’article 13, paragraphe 2, sous f), du même règlement, la législation de l’État où elle a préalablement exercé une activité salariée lorsqu’elle continue à y avoir sa résidence (voir, en ce sens, arrêt Kuusijärvi, C‑275/96, EU:C:1998:279, points 29 et 34).

25

En application de cette dernière disposition, Mme B. est ainsi demeurée soumise à la législation de l’État membre sur le territoire duquel elle a préalablement exercé une activité salariée et sur lequel se trouve toujours sa résidence, à savoir, au vu des éléments qui ressortent de la décision de renvoi, la législation française.

26

À cet égard, il convient en effet de rappeler que, en vertu de l’article 1er, sous h), du règlement no 1408/71, le terme «résidence» au sens de ce règlement signifie le séjour habituel, à savoir le lieu où les personnes concernées résident habituellement et où se trouve également le centre habituel de leurs intérêts, et constitue dès lors une notion autonome et propre au droit de l’Union (voir arrêt Swaddling, C‑90/97, EU:C:1999:96, points 28 et 29). Or, il résulte des faits établis par la juridiction de renvoi et reproduits aux points 12 et 13 du présent arrêt que le séjour habituel et le centre habituel d’intérêt de Mme B. se situent en France.

27

Mme B. étant soumise à la législation française en vertu de l’article 13 dudit règlement, se pose encore la question de savoir si les dispositions du même règlement s’opposent à ce que les prestations familiales en cause au principal soient octroyées en vertu du droit national d’un État membre qui n’est pas l’État membre compétent au sens du règlement no 1408/71. En effet, il ressort de la décision de renvoi que, en vertu de la législation tchèque, Mme B. peut bénéficier de cette prestation du seul fait qu’elle a enregistré un domicile sur le territoire de la République tchèque.

28

À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’un État membre non compétent conserve la possibilité d’octroyer des prestations familiales s’il existe un rattachement précis et particulièrement étroit entre le territoire de cet État et la situation en cause, à condition que la prévisibilité et l’effectivité des règles de coordination dudit règlement ne soient pas affectées de manière démesurée (voir, en ce sens, arrêt Hudzinski et Wawrzyniak, EU:C:2012:339, points 65 à 67).

29

Toutefois, le simple enregistrement par Mme B. d’un domicile permanent en République tchèque, sans qu’elle vive dans cet État membre, tandis qu’elle paraît résider habituellement en France avec sa famille, où elle a perçu des prestations de chômage, une allocation de maternité à compter du 9 février 2009, puis une prestation familiale semblable à celle dont elle a par la suite réclamé le paiement à la République tchèque, ne semble pas, sous réserve des vérifications finales de la juridiction de renvoi, de nature à créer entre Mme B. et la République tchèque un tel rattachement.

30

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question préjudicielle que le règlement no 1408/71, et notamment son article 13, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre soit considéré comme l’État compétent pour octroyer une prestation familiale à une personne du seul fait que cette dernière a un domicile enregistré sur le territoire de cet État membre, sans que celle-ci et les membres de sa famille travaillent ou résident habituellement dans ledit État membre. L’article 13 de ce règlement doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose également à ce qu’un État membre qui n’est pas l’État compétent à l’égard d’une personne considérée octroie des prestations familiales à celle-ci, à moins qu’il n’existe un rattachement précis et particulièrement étroit entre la situation en cause et le territoire de ce premier État membre.

Sur la deuxième question

31

Eu égard à la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la deuxième question.

Sur la troisième question

32

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le règlement no 883/2004 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre soit considéré, à dater du 1er mai 2010, comme l’État compétent pour octroyer une prestation familiale, conformément à son droit national, à une personne du seul fait que cette dernière a un domicile enregistré sur son territoire sans que celle-ci et les membres de sa famille travaillent ou résident habituellement dans cet État membre.

33

Eu égard à la jurisprudence de la Cour rappelée au point 21 du présent arrêt, il convient en l’occurrence de relever d’emblée que l’article 11 dudit règlement, dont le libellé correspond à celui de l’article 13 du règlement no 1408/71, prévoit que les personnes auxquelles le règlement no 883/2004 est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre, l’État compétent. Or, en application de l’article 11, paragraphe 3, sous e), de ce dernier règlement, et pour des motifs analogues à ceux exposés aux points 24 à 26 du présent arrêt, Mme B. reste soumise à la législation de l’État membre de résidence.

34

À cet égard, il convient de relever que la notion de «résidence» est définie, à l’article 1er, sous j), du règlement no 883/2004, comme le lieu où une personne réside habituellement. L’article 11 du règlement d’application no 987/2009 assimile la résidence au centre d’intérêt de la personne concernée. Cet article codifie également les éléments élaborés par la jurisprudence de la Cour qui peuvent être pris en compte pour déterminer ledit centre d’intérêt, comme la durée et la continuité de la présence sur le territoire des États membres concernés ou la situation familiale et les liens de famille (voir, en ce sens, arrêt Wencel, C‑589/10, EU:C:2013:303, point 50).

35

Dans ces conditions, et sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les dispositions transitoires énoncées à l’article 87 du règlement no 883/2004, il suffit de constater que ce règlement n’a introduit aucun changement pertinent par rapport au règlement no 1408/71 en ce qui concerne les dispositions relatives à la désignation de l’État membre compétent et à la notion de résidence, qui régissent la solution de l’affaire au principal. La République tchèque n’est donc pas, dans cette affaire, l’État compétent en vertu des règles pertinentes du règlement no 883/2004.

36

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la troisième question préjudicielle que le règlement no 883/2004, et notamment son article 11, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre soit considéré comme l’État compétent pour octroyer une prestation familiale à une personne du seul fait que cette dernière a un domicile enregistré sur le territoire de cet État membre sans que celle-ci et les membres de sa famille travaillent ou résident habituellement dans ledit État membre.

Sur les dépens

37

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit:

 

1)

Le règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) no 592/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, et notamment son article 13, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre soit considéré comme l’État compétent pour octroyer une prestation familiale à une personne du seul fait que cette dernière a un domicile enregistré sur le territoire de cet État membre, sans que celle-ci et les membres de sa famille travaillent ou résident habituellement dans ledit État membre. L’article 13 de ce règlement doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose également à ce qu’un État membre qui n’est pas l’État compétent à l’égard d’une personne considérée octroie des prestations familiales à celle-ci, à moins qu’il n’existe un rattachement précis et particulièrement étroit entre la situation en cause et le territoire de ce premier État membre.

 

2)

Le règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, tel que modifié par le règlement (CE) no 988/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, et notamment son article 11, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre soit considéré comme l’État compétent pour octroyer une prestation familiale à une personne du seul fait que cette dernière a un domicile enregistré sur le territoire de cet État membre sans que celle-ci et les membres de sa famille travaillent ou résident habituellement dans ledit État membre.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le tchèque.