Affaire C-485/07

Raad van bestuur van het Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen

contre

H. Akdas e.a.

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Centrale Raad van Beroep)

«Association CEE-Turquie — Sécurité sociale des travailleurs migrants — Levée des clauses de résidence — Portée — Complément à la pension d’invalidité versé par l’État membre d’accueil aux fins d’assurer le minimum vital aux bénéficiaires — Modification de la législation nationale — Suppression dudit complément en cas de résidence du bénéficiaire en dehors du territoire de l’État membre concerné»

Sommaire de l'arrêt

1.        Accords internationaux — Accord d'association CEE-Turquie — Sécurité sociale des travailleurs migrants

(Décision nº 3/80 du conseil d'association CEE-Turquie, art. 6, § 1, al. 1)

2.        Accords internationaux — Accord d'association CEE-Turquie — Sécurité sociale des travailleurs migrants

(Décision nº 3/80 du conseil d'association CEE-Turquie, art. 6, § 1, al. 1)

3.        Accords internationaux — Accord d'association CEE-Turquie — Sécurité sociale des travailleurs migrants

(Protocole additionnel à l'Accord d'association CEE-Turquie, art. 59; règlement du Conseil nº 1408/71, art. 10 bis, § 1; décision nº 3/80 du conseil d'association CEE-Turquie, art. 6, § 1, al. 1)

4.        Accords internationaux — Accord d'association CEE-Turquie — Interdiction de discrimination en raison de la nationalité — Portée dans le domaine de la sécurité sociale

(Accord d'association CEE-Turquie, art. 9; décision nº 3/80 du conseil d'association CEE-Turquie, art. 3, § 1, et 6, § 1, al. 1)

1.        L’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision nº 3/80 du conseil d’association CEE-Turquie, relative à l’application des régimes de sécurité sociale des États membres des Communautés européennes aux travailleurs turcs et aux membres de leur famille, doit être interprété en ce sens qu’il a un effet direct, de sorte que les ressortissants turcs auxquels cette disposition s’applique ont le droit de s’en prévaloir directement devant les juridictions des États membres pour faire écarter l’application des règles de droit interne qui lui sont contraires.

En effet, ladite disposition prescrit une obligation de résultat précise, à savoir l’interdiction de toute limitation imposée en ce qui concerne l’exportation des droits acquis par les ressortissants turcs concernés au titre de la réglementation d’un État membre. Une telle obligation est, dès lors, susceptible d’être invoquée par un justiciable devant une juridiction nationale pour lui demander d’écarter les dispositions contraires de la réglementation d’un État membre, sans que l’adoption de mesures d’application complémentaires soit requise à cet effet.

(cf. points 69, 74, disp. 1)

2.        L’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision nº 3/80 du conseil d’association CEE-Turquie, relative à l’application des régimes de sécurité sociale des États membres des Communautés européennes aux travailleurs turcs et aux membres de leur famille, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre qui supprime le bénéfice d’une prestation telle que le complément à la pension d’invalidité, accordée au titre de la législation nationale, à l’égard d’anciens travailleurs migrants turcs dès lors que ceux-ci sont retournés en Turquie après avoir perdu leur droit de séjour dans l’État membre d’accueil en raison de la circonstance qu’ils ont été atteints d’invalidité dans celui-ci.

(cf. point 96, disp. 2)

3.        La constatation que des ressortissants turcs peuvent valablement se fonder sur l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision nº 3/80 du conseil d’association CEE-Turquie, relative à l’application des régimes de sécurité sociale des États membres des Communautés européennes aux travailleurs turcs et aux membres de leur famille, pour exiger que la prestation complémentaire qu’ils perçoivent au titre de la législation nationale d'un État membre continue à leur être versée en Turquie n'est pas affectée par la circonstance que, s’agissant d’une prestation sociale telle que la prestation complémentaire, le régime actuellement prévu par le règlement nº 1408/71 diffère de celui mis en place par ladite décision, ni par le fait que, sur ce fondement, l'État membre en cause a procédé à la suppression, pour les ressortissants de l'Union, du bénéfice de la prestation complémentaire dès lors que les bénéficiaires ne résident pas sur le territoire dudit État membre.

Une telle situation ne saurait être considérée comme incompatible avec les exigences de l’article 59 du protocole additionnel annexé à l'accord d'association CEE-Turquie, selon lequel les ressortissants turcs ne doivent pas être placés dans une situation plus avantageuse que celle des ressortissants de l’Union. En effet, la situation d'anciens travailleurs migrants turcs qui sont retournés en Turquie après avoir perdu leur droit de séjour dans l’État membre d’accueil, en raison de la circonstance qu’ils ont été atteints d’invalidité dans celui-ci, ne peut pas, pour les besoins de l’application dudit article 59, être utilement comparée à celle des ressortissants de l’Union dans la mesure où ceux-ci, étant titulaires du droit de circuler ainsi que de séjourner librement sur le territoire des États membres et conservant ainsi leur droit de séjour dans l’État membre qui octroie la prestation en cause, d’une part, peuvent choisir de quitter le territoire de cet État en perdant, de ce fait, le bénéfice de cette prestation et, d’autre part, ont le droit de revenir à tout moment dans l’État membre concerné.

(cf. points 82-83, 87-88, 95)

4.        L'article 3, paragraphe 1, de la décision nº 3/80 du conseil d’association CEE-Turquie, relative à l’application des régimes de sécurité sociale des États membres des Communautés européennes aux travailleurs turcs et aux membres de leur famille, constitue la mise en œuvre et la concrétisation, dans le domaine particulier de la sécurité sociale, du principe général de non-discrimination en raison de la nationalité énoncé à l’article 9 dudit accord d’association. Ainsi qu'il ressort de son libellé même, ledit article 3, paragraphe 1, s'applique sous réserve des dispositions particulières de ladite décision.

Or, l'article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la même décision constitue une telle disposition particulière. Par conséquent, l'article 9 de l'accord d'association CEE-Turquie ne trouve pas à s'appliquer à une situation qui relève du champ d'application dudit article 6, paragraphe 1, premier alinéa.

(cf. points 98-101, disp. 3)







ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

26 mai 2011 (*)

«Association CEE-Turquie – Sécurité sociale des travailleurs migrants – Levée des clauses de résidence – Portée – Complément à la pension d’invalidité versé par l’État membre d’accueil aux fins d’assurer le minimum vital aux bénéficiaires – Modification de la législation nationale – Suppression dudit complément en cas de résidence du bénéficiaire en dehors du territoire de l’État membre concerné»

Dans l’affaire C‑485/07,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Centrale Raad van Beroep (Pays-Bas), par décision du 1er novembre 2007, parvenue à la Cour le 5 novembre 2007, dans la procédure

Raad van bestuur van het Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen

contre

H. Akdas,

H. Agartan,

Z. Akbulut,

M. Bas,

K. Yüzügüllüer,

E. Keskin,

C. Topaloglu,

A. Cubuk,

S. Sariisik,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. J.-J. Kasel (rapporteur), A. Borg Barthet, M. Ilešič et Mme M. Berger, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 21 octobre 2010,

considérant les observations présentées:

–        pour le Raad van bestuur van het Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen, par M. F. Keunen et Mme I. Eijkhout, en qualité d’agents,

–        pour M. Akdas, par Me C. de Roy van Zuydewijn, advocaat,

–        pour M. Agartan, par Me D. Schaap, advocaat,

–        pour M. Bas, par Me N. Türkkol, advocaat,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. Wissels, C. ten Dam et M. Noort, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme Z. Bryanston-Cross, en qualité d’agent, assistée de MM. J. Coppel et T. Ward, barristers,

–        pour la Commission européenne, par MM. M. van Beek et V. Kreuschitz, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 9 de l’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, qui a été signé le 12 septembre 1963 à Ankara par la République de Turquie, d’une part, ainsi que par les États membres de la CEE et la Communauté, d’autre part, et qui a été conclu, approuvé et confirmé au nom de cette dernière par la décision 64/732/CEE du Conseil, du 23 décembre 1963 (JO 1964, 217, p. 3685, ci-après l’«accord d’association»), de l’article 59 du protocole additionnel, signé le 23 novembre 1970 à Bruxelles et conclu, approuvé et confirmé au nom de la Communauté par le règlement (CEE) n° 2760/72 du Conseil, du 19 décembre 1972 (JO L 293, p. 1, ci-après le «protocole additionnel»), ainsi que des articles 3, paragraphe 1, et 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision n° 3/80 du conseil d’association, du 19 septembre 1980, relative à l’application des régimes de sécurité sociale des États membres des Communautés européennes aux travailleurs turcs et aux membres de leur famille (JO 1983, C 110, p. 60, ci-après la «décision n° 3/80»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Raad van bestuur van het Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen (ci-après l’«Uwv») à M. Akdas et à huit autres anciens travailleurs migrants turcs au sujet du retrait d’un complément à la pension d’invalidité (ci-après la «prestation complémentaire») versé à ces derniers au titre de la réglementation néerlandaise.

 Le cadre juridique

 La réglementation de l’Union

 L’association CEE-Turquie

–        L’accord d’association

3        Conformément à son article 2, paragraphe 1, l’accord d’association a pour objet de promouvoir le renforcement continu et équilibré des relations commerciales et économiques entre les parties contractantes, y compris dans le domaine de la main-d’œuvre, par la réalisation graduelle de la libre circulation des travailleurs (article 12 de l’accord d’association) ainsi que par l’élimination des restrictions à la liberté d’établissement (article 13 dudit accord) et à la libre prestation des services (article 14 du même accord), en vue d’améliorer le niveau de vie du peuple turc et de faciliter ultérieurement l’adhésion de la République de Turquie à la Communauté (quatrième considérant du préambule et article 28 de cet accord).

4        À cet effet, l’accord d’association comporte une phase préparatoire, permettant à la République de Turquie de renforcer son économie avec l’aide de la Communauté (article 3 de cet accord), une phase transitoire, au cours de laquelle sont assurés la mise en place progressive d’une union douanière et le rapprochement des politiques économiques (article 4 dudit accord), et une phase définitive qui est fondée sur l’union douanière et implique le renforcement de la coordination des politiques économiques des parties contractantes (article 5 du même accord).

5        L’article 6 de l’accord d’association est libellé comme suit:

«Pour assurer l’application et le développement progressif du régime d’association, les Parties contractantes se réunissent au sein d’un Conseil d’association qui agit dans les limites des attributions qui lui sont conférées par l’accord.»

6        Aux termes de l’article 8 de l’accord d’association, inséré dans le titre II de celui‑ci, intitulé «Mise en œuvre de la phase transitoire»:

«Pour la réalisation des objectifs énoncés à l’article 4, le Conseil d’association fixe, avant le début de la phase transitoire, et selon la procédure prévue à l’article premier du protocole provisoire, les conditions, modalités et rythmes de mise en œuvre des dispositions propres aux domaines visés par le [traité CE] qui devront être pris en considération, notamment ceux visés au présent titre, ainsi que toute clause de sauvegarde qui s’avérerait utile.»

7        L’article 9 de l’accord d’association, inséré dans le même titre II de ce dernier, est libellé comme suit:

«Les Parties contractantes reconnaissent que dans le domaine d’application de l’accord, et sans préjudice des dispositions particulières qui pourraient être établies en application de l’article 8, toute discrimination exercée en raison de la nationalité est interdite en conformité du principe énoncé dans l’article [12 CE].»

8        L’article 12 de l’accord d’association, qui figure également sous le titre II de celui-ci, chapitre 3, intitulé «Autres dispositions de caractère économique», prévoit:

«Les Parties contractantes conviennent de s’inspirer des articles [39 CE], [40 CE] et [41 CE] pour réaliser graduellement la libre circulation des travailleurs entre elles.»

9        Aux termes de l’article 22, paragraphe 1, de l’accord d’association:

«Pour la réalisation des objets fixés par l’accord [d’association] et dans les cas prévus par celui ci, le Conseil d’association dispose d’un pouvoir de décision. Chacune des deux parties est tenue de prendre les mesures que comporte l’exécution des décisions prises. [...]»

–      Le protocole additionnel

10      Le protocole additionnel, qui, conformément à son article 62, fait partie intégrante de l’accord d’association, arrête, aux termes de son article 1er, les conditions, modalités et rythmes de réalisation de la phase transitoire visée à l’article 4 dudit accord.

11      Le protocole additionnel comporte un titre II, intitulé «Circulation des personnes et des services», dont le chapitre I vise «[l]es travailleurs».

12      L’article 36 du protocole additionnel, qui fait partie dudit chapitre I, prévoit que la libre circulation des travailleurs entre les États membres de la Communauté et la Turquie sera réalisée graduellement, conformément aux principes énoncés à l’article 12 de l’accord d’association, entre la fin de la douzième et de la vingt-deuxième année après l’entrée en vigueur de celui-ci, et que le conseil d’association décidera des modalités nécessaires à cet effet.

13      L’article 39 du protocole additionnel est libellé comme suit:

«1.      Avant la fin de la première année après l’entrée en vigueur du présent protocole, le Conseil d’association arrête des dispositions en matière de sécurité sociale en faveur des travailleurs de nationalité turque qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté et de leur famille résidant à l’intérieur de la Communauté.

2.      Ces dispositions devront permettre aux travailleurs de nationalité turque, selon des modalités à fixer, la totalisation des périodes d’assurance ou d’emploi accomplies dans les différents États membres pour ce qui concerne les pensions et rentes de vieillesse, de décès et d’invalidité, ainsi que les soins de santé du travailleur et de sa famille résidant à l’intérieur de la Communauté. Ces dispositions ne pourront pas établir une obligation pour les États membres de la Communauté de prendre en considération les périodes accomplies en Turquie.

3.      Les dispositions visées ci-dessus doivent permettre d’assurer le paiement des allocations familiales lorsque la famille du travailleur réside à l’intérieur de la Communauté.

4.      Les pensions et rentes de vieillesse, de décès et d’invalidité, acquises en vertu des dispositions prises en application du paragraphe 2, devront pouvoir être exportées vers la Turquie.

5.      Les dispositions visées au présent article ne portent pas atteinte aux droits et obligations découlant des accords bilatéraux existant entre la Turquie et les États membres de la Communauté, dans la mesure où ceux-ci prévoient, en faveur des ressortissants turcs, un régime plus favorable.»

14      L’article 59 du protocole additionnel dispose:

«Dans les domaines couverts par le présent protocole, la Turquie ne peut bénéficier d’un traitement plus favorable que celui que les États membres s’accordent entre eux en vertu du [traité CE].»

–        La décision n° 3/80

15      La décision n° 3/80, qui a été adoptée par le conseil d’association sur le fondement de l’article 39 du protocole additionnel, vise à coordonner les régimes de sécurité sociale des États membres en vue de faire bénéficier les travailleurs turcs occupés ou ayant été occupés dans l’un ou plusieurs des États membres de la Communauté, ainsi que les membres de la famille de ces travailleurs et leurs survivants, de prestations dans les branches traditionnelles de la sécurité sociale. À cet effet, les dispositions de cette décision sont reprises, pour l’essentiel, de certaines dispositions du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté (JO L 149, p. 2).

16      Aux termes de l’article 2 de la décision n° 3/80, intitulé «Champ d’application personnel»:

«La présente décision s’applique:

–        aux travailleurs qui sont ou ont été soumis à la législation de l’un ou de plusieurs des États membres et qui sont des ressortissants de la Turquie,

–        aux membres de la famille de ces travailleurs, qui résident sur le territoire de l’un des États membres,

–        aux survivants de ces travailleurs.»

17      L’article 3, paragraphe 1, de la décision n° 3/80, intitulé «Égalité de traitement» et qui reprend le libellé de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71, dispose:

«Les personnes qui résident sur le territoire de l’un des États membres et auxquelles les dispositions de la présente décision sont applicables sont soumises aux obligations et sont admises au bénéfice de la législation de tout État membre dans les mêmes conditions que les ressortissants de celui-ci sous réserve des dispositions particulières de la présente décision.»

18      L’article 4 de la décision n° 3/80, intitulé «Champ d’application matériel», prévoit à ses paragraphes 1 et 2:

«1.      La présente décision s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent:

a)      les prestations de maladie et de maternité;

b)      les prestations d’invalidité, y compris celles qui sont destinées à maintenir ou à améliorer la capacité de gain;

c)      les prestations de vieillesse;

d)      les prestations de survivants;

e)      les prestations d’accident du travail et de maladie professionnelle;

f)      les allocations de décès;

g)      les prestations de chômage;

h)      les prestations familiales.

2.      La présente décision s’applique aux régimes de sécurité sociale généraux et spéciaux, contributifs et non contributifs […]»

19      L’article 6 de la décision n° 3/80, intitulé «Levée des clauses de résidence […]» et qui correspond à l’article 10 du règlement n° 1408/71, énonce ce qui suit à son paragraphe 1, premier alinéa:

«À moins que la présente décision n’en dispose autrement, les prestations en espèces d’invalidité, de vieillesse ou des survivants ainsi que les rentes d’accidents du travail et de maladies professionnelles, acquises au titre de la législation d’un ou de plusieurs États membres ne peuvent subir aucune réduction, ni modification, ni suspension, ni suppression, ni confiscation du fait que le bénéficiaire réside en Turquie ou sur le territoire d’un État membre autre que celui où se trouve l’institution débitrice.»

20      Le titre III de la décision n° 3/80, intitulé «Dispositions particulières aux différentes catégories de prestations», comprend des dispositions de coordination, inspirées du règlement n° 1408/71, relatives notamment aux prestations d’invalidité, de vieillesse et de décès (pensions).

21      Aux termes de l’article 32 de la décision n° 3/80:

«La Turquie et la Communauté prennent, chacune en ce qui la concerne, les mesures que comporte l’exécution des dispositions de la présente décision.»

22      Le 8 février 1983, la Commission des Communautés européennes a présenté une proposition de règlement (CEE) du Conseil visant à appliquer, dans la Communauté économique européenne, la décision n° 3/80 (JO C 110, p. 1), aux termes de laquelle celle-ci «est applicable dans la Communauté» (article 1er) et qui établit les «modalités d’application complémentaires» de cette décision.

23      En l’état, cette proposition n’a cependant pas abouti à l’adoption d’un règlement du Conseil de l’Union européenne.

Le règlement n° 1408/71

24      Le règlement n° 1408/71 comporte un article 3, intitulé «Égalité de traitement», dont le paragraphe 1 dispose:

«Les personnes qui résident sur le territoire de l’un des États membres et auxquelles les dispositions du présent règlement sont applicables sont soumises aux obligations et sont admises au bénéfice de la législation de tout État membre dans les mêmes conditions que les ressortissants de celui-ci, sous réserve de dispositions particulières contenues dans le présent règlement.»

25      L’article 4, paragraphes 1 et 2, dudit règlement définit le champ d’application matériel de celui-ci dans les termes suivants:

«1.      Le présent règlement s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent:

a)      les prestations de maladie et de maternité;

b)      les prestations d’invalidité, y compris celles qui sont destinées à maintenir ou à améliorer la capacité de gain;

c)      les prestations de vieillesse;

d)      les prestations de survivants;

e)      les prestations d’accident du travail et de maladie professionnelle;

f)      les allocations de décès;

g)      les prestations de chômage;

h)      les prestations familiales.

2.      Le présent règlement s’applique aux régimes de sécurité sociale généraux et spéciaux, contributifs et non contributifs […]»

26      L’article 1er, point 2, du règlement (CEE) n° 1247/92 du Conseil, du 30 avril 1992, modifiant le règlement n° 1408/71 (JO L 136, p. 1), entré en vigueur le 1er juin 1992, a ajouté à l’article 4 de ce dernier un paragraphe 2 bis ainsi libellé:

«Le présent règlement s’applique aux prestations spéciales à caractère non contributif relevant d’une législation ou d’un régime autre que ceux qui sont visés au paragraphe 1 ou qui sont exclus au titre du paragraphe 4, lorsque ces prestations sont destinées:

a)      soit à couvrir, à titre supplétif, complémentaire ou accessoire, les éventualités correspondant aux branches visées au paragraphe 1 points a) à h);

b)      soit uniquement à assurer la protection spécifique des handicapés.»

27      L’article 1er, point 2, du règlement n° 647/2005 a modifié ledit article 4, paragraphe 2 bis, lequel énonce dorénavant:

«Le présent article s’applique aux prestations spéciales en espèces à caractère non contributif relevant d’une législation qui, de par son champ d’application personnel, ses objectifs et/ou ses conditions d’éligibilité, possède les caractéristiques à la fois de la législation en matière de sécurité sociale visée au paragraphe 1, et de l’assistance sociale.

On entend par ‘prestations spéciales en espèces à caractère non contributif’, les prestations:

a)      qui sont destinées:

i)      à couvrir à titre complémentaire, subsidiaire ou de remplacement, les risques correspondants aux branches de la sécurité sociale visées au paragraphe 1, et à garantir aux intéressés un revenu minimal de subsistance eu égard à l’environnement économique et social dans l’État membre concerné, ou

ii)      uniquement à assurer la protection spécifique des personnes handicapées, en étant étroitement liées à l’environnement social de ces personnes dans l’État membre concerné, et

b)      qui sont financées exclusivement par des contributions fiscales obligatoires destinées à couvrir des dépenses publiques générales et dont les conditions d’attribution et les modalités de calcul ne sont pas fonction d’une quelconque contribution pour ce qui concerne leurs bénéficiaires. Les prestations servies à titre de complément d’une prestation contributive ne sont toutefois pas considérées, pour ce seul motif, comme des prestations contributives, et

c)      qui sont énumérées à l’annexe II bis

28      Aux termes de l’article 10, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1408/71:

«À moins que le présent règlement n’en dispose autrement, les prestations en espèces d’invalidité, de vieillesse ou des survivants, les rentes d’accident du travail ou de maladie professionnelle et les allocations de décès acquises au titre de la législation d’un ou de plusieurs États membres ne peuvent subir aucune réduction, ni modification, ni suspension, ni suppression, ni confiscation du fait que le bénéficiaire réside sur le territoire d’un État membre autre que celui où se trouve l’institution débitrice.»

29      L’article 1er, point 4, du règlement n° 1247/92 a également inséré dans le règlement n° 1408/71 un nouvel article 10 bis, dont le paragraphe 1 est libellé comme suit:

«Nonobstant les dispositions de l’article 10 et du titre III, les personnes auxquelles le présent règlement est applicable bénéficient des prestations spéciales en espèces à caractère non contributif visées à l’article 4 paragraphe 2 bis exclusivement sur le territoire de l’État membre dans lequel elles résident et au titre de la législation de cet État, pour autant que ces prestations soient mentionnées à l’annexe II bis. Les prestations sont servies par l’institution du lieu de résidence et à sa charge.»

30      L’article 1er, point 5, du règlement n° 647/2005 a modifié le paragraphe 1 dudit article 10 bis, qui énonce dorénavant:

«Les dispositions de l’article 10 et du titre III ne sont pas applicables aux prestations spéciales en espèces à caractère non contributif visées à l’article 4, paragraphe 2 bis. Les personnes auxquelles le présent règlement est applicable bénéficient de ces prestations exclusivement sur le territoire de l’État membre dans lequel elles résident et au titre de la législation de cet État, pour autant que ces prestations soient mentionnées à l’annexe II bis. Les prestations sont servies par l’institution du lieu de résidence et à sa charge.»

31      Aux termes de l’article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1247/92:

«1.      L’application de l’article 1er ne peut avoir pour effet la suppression de prestations qui étaient accordées antérieurement à l’entrée en vigueur du présent règlement par les institutions compétentes des États membres en application du titre III du règlement […] n° 1408/71 et auxquelles est applicable l’article 10 de ce dernier règlement.

2.      L’application de l’article 1er ne peut avoir pour effet le refus de la demande d’une prestation spéciale à caractère non contributif, accordée à titre de complément d’une pension, faite par l’intéressé qui remplissait les conditions d’octroi de ladite prestation avant l’entrée en vigueur du présent règlement, même s’il réside sur le territoire d’un État membre autre que l’État compétent, sous réserve que la demande de prestation soit faite dans un délai de cinq ans à compter de l’entrée en vigueur du présent règlement.»

32      Les modalités d’application du règlement n° 1408/71 ont été fixées par le règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972 (JO L 74, p. 1).

 La réglementation nationale

33      Aux Pays-Bas, la loi relative au régime général de l’assurance contre l’incapacité de travail (Wet op de arbeidsongeschiktheidsverzekering, ci-après la «WAO»), en vigueur depuis 1966, prévoit l’assurance des travailleurs salariés contre l’incapacité de travail.

34      La loi relative aux suppléments (Toeslagenwet), du 6 novembre 1986 (ci-après la «TW»), entrée en vigueur le 1er janvier 1987, vise à accorder aux personnes qui perçoivent, au titre d’une assurance sociale telle que celle mise en œuvre par la WAO (au même titre que, notamment, l’assurance contre le chômage, celle contre la maladie et celle contre les accidents du travail), une allocation de perte de salaire inférieure au salaire minimum, la prestation complémentaire destinée à porter leur revenu de remplacement à un niveau qui, au maximum, atteint celui du salaire minimum en vigueur aux Pays-Bas. À la date des faits du litige au principal, cette prestation complémentaire était plafonnée à 30 % de ce salaire minimum, de sorte que les ayants droit percevant une allocation d’invalidité inférieure à 70 % dudit salaire avaient un revenu inférieur à celui-ci. L’Uwv détermine, sur demande de la personne concernée, l’existence d’un droit au supplément au titre de la TW.

35      La loi portant limitation de l’exportation des allocations (Wet beperking export uitkeringen), du 27 mai 1999 (ci-après la «BEU»), a introduit dans la TW un nouvel article 4 a, dont le paragraphe 1 prévoit qu’une personne qui remplit les conditions pour bénéficier des allocations au titre de cette dernière loi n’a pas droit à celles-ci pour la période pendant laquelle elle ne réside pas aux Pays-Bas. Il est précisé que l’exportation des prestations en cause n’est possible que dans la mesure où une convention bilatérale conclue avec l’État de résidence de l’intéressé garantit la bonne application de la réglementation néerlandaise.

36      Ainsi qu’il ressort de l’exposé des motifs de la BEU, cette modification de la TW visait à substituer au principe de personnalité celui de territorialité aux fins d’améliorer les conditions du suivi des allocations versées aux bénéficiaires résidant à l’étranger. Le législateur néerlandais a, dans ce contexte, également invoqué au soutien de ladite modification la nature de la prestation complémentaire destinée à assurer le minimum vital aux Pays-Bas et le fait que le financement de celle-ci est assuré par le budget de l’État.

37      La modification susmentionnée de la TW est entrée en vigueur le 1er janvier 2000.

38      Un régime transitoire a cependant été instauré, en vertu duquel les personnes qui ont droit, au jour précédant l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, aux allocations prévues par la TW et qui, à cette date, ne résident pas aux Pays-Bas:

«1°      reçoivent le paiement [intégral] de la somme à laquelle elles auraient droit si elles vivaient aux Pays-Bas au cours de la première année après l’entrée en vigueur de cette loi [soit pendant l’année 2000];

2°      reçoivent le paiement des deux tiers de la somme à laquelle elles auraient droit si elles vivaient aux Pays-Bas durant la deuxième année après l’entrée en vigueur de cette loi [soit pendant l’année 2001];

3°      reçoivent le paiement d’un tiers de la somme à laquelle elles auraient droit si elles vivaient aux Pays-Bas durant la troisième année après l’entrée en vigueur de cette loi [soit pendant l’année 2002]».

39      Pour les années subséquentes, la prestation est entièrement supprimée à l’égard des personnes qui ne résident pas aux Pays-Bas.

40      Le règlement n° 647/2005 a ajouté la TW, telle que modifiée en 2000 par la BEU, à la liste figurant à l’annexe II bis du règlement n° 1408/71, tel que modifié par le règlement n° 1247/92, des prestations spéciales à caractère non contributif au sens de l’article 4 bis du règlement n° 1408/71, auxquelles l’obligation d’exportation prévue à l’article 10 du règlement n° 1408/71 ne s’applique pas, conformément à l’article 10 bis de ce dernier règlement.

41      Par la suite, il a été ajouté à la TW, avec effet au 7 décembre 2006, une nouvelle disposition transitoire au profit des personnes résidant non pas aux Pays-Bas, mais dans un autre État membre de l’Union européenne, dans un État de l’Espace économique européen ou en Suisse, en vertu de laquelle ces personnes, pour autant qu’elles ont droit, au jour précédant l’entrée en vigueur du règlement n° 647/2005, aux allocations au titre de l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71,

–      reçoivent, durant l’année 2007, le paiement intégral de la somme à laquelle elles auraient droit si elles vivaient aux Pays-Bas;

–      reçoivent, durant l’année 2008, le paiement des deux tiers de la somme à laquelle elles auraient droit si elles vivaient aux Pays‑Bas;

–      reçoivent, durant l’année 2009, le paiement d’un tiers de la somme à laquelle elles auraient droit si elles vivaient aux Pays-Bas.

42      Pour lesdites personnes, la prestation est entièrement supprimée avec effet au 1er janvier 2010.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

43      Il ressort de la décision de renvoi que les défendeurs au principal sont des ressortissants turcs ayant exercé durant une certaine période des activités salariées aux Pays-Bas.

44      Atteints d’invalidité, ils ont, avant l’année 2000, sollicité et obtenu le bénéfice d’une allocation au titre de la WAO versée par l’État néerlandais.

45      Étant donné que le montant de ladite allocation était inférieur au salaire minimum, les défendeurs au principal ont également obtenu, en application de la TW dans sa version en vigueur avant l’année 2000, le versement de la prestation complémentaire, laquelle était destinée à leur assurer un revenu dont le niveau est le plus proche possible du salaire minimum.

46      En raison de leur incapacité physique de continuer à travailler, les défendeurs au principal sont par la suite retournés en Turquie auprès de leur famille, tout en conservant le bénéfice de ces deux prestations, en application de l’article 39, paragraphe 4, du protocole additionnel. Le paiement était toujours effectué sous la forme d’un versement unique n’opérant aucune distinction entre le montant de la pension d’invalidité et celui de la prestation complémentaire.

47      À la suite de la modification de la TW par la BEU, entrée en vigueur le 1er janvier 2000, les autorités néerlandaises compétentes ont décidé, en application du régime transitoire visé au point 38 du présent arrêt, la suppression progressive, à concurrence d’un tiers par an à compter du 1er janvier 2001, de la prestation complémentaire qui leur était versée jusqu’alors.

48      Les défendeurs au principal ont introduit des recours contre cette suppression progressive.

49      Par décision du 14 mars 2003, le Centrale Raad van Beroep a considéré que ladite suppression violait l’obligation selon laquelle l’exportation des prestations doit être permise, inscrite à l’article 5, paragraphe 1, de la convention 118 concernant l’égalité de traitement des nationaux et des non-nationaux en matière de sécurité sociale, adoptée à Genève le 28 juin 1964 par l’Organisation internationale du travail (ci‑après la «convention 118 de l’OIT»).

50      Le 18 août 2003, l’Uwv a alors décidé d’accorder aux défendeurs au principal une prestation complémentaire complète pour la période allant du 1er janvier 2001 au 30 juin 2003. En revanche, à partir du 1er juillet 2003, le versement de cette prestation a été définitivement supprimé.

51      Les réclamations introduites par les défendeurs au principal contre ces décisions de suppression ont été rejetées.

52      Par jugements des 19 mars 2004 et 23 août 2004, le Rechtbank te Amsterdam a déclaré fondés les recours juridictionnels introduits par les défendeurs au principal et annulé lesdites décisions, en considérant que la suppression de la prestation complémentaire dont bénéficiaient ces derniers est incompatible non seulement avec l’article 5, paragraphe 1, de la convention 118 de l’OIT, mais aussi avec l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision n° 3/80 et avec le principe de non-discrimination en raison de la nationalité énoncé à l’article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH»), lu conjointement avec l’article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signé à Paris le 20 mars 1952 (ci-après le «premier protocole additionnel»), ainsi qu’avec l’article 26 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté le 16 décembre 1966 par l’Assemblée générale des Nations unies et entré en vigueur le 23 mars 1976.

53      L’Uwv a alors interjeté appel desdits jugements devant le Centrale Raad van Beroep.

54      Après avoir constaté, à l’instar du Rechtbank te Amsterdam et en l’absence de contestation des parties au litige pendant devant lui, que la prestation complémentaire versée au titre de la WAO, dont l’octroi ne dépend pas d’une appréciation individuelle des besoins personnels du demandeur, doit être assimilée à une prestation d’invalidité au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision n° 3/80 et relève ainsi du champ d’application matériel de cette dernière, le Centrale Raad van Beroep s’interroge toutefois, d’une part, sur l’effet direct ainsi que sur la portée de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de cette décision, dans la mesure où l’interdiction des clauses de résidence y est énoncée de manière absolue, alors que, après la date à laquelle ladite décision a été adoptée, le règlement n° 1408/71 a été modifié en ce sens que cette même interdiction ne trouve pas à s’appliquer, sous certaines conditions, aux prestations spéciales à caractère non contributif.

55      D’autre part, la juridiction de renvoi éprouve certains doutes quant à l’interprétation du principe de non-discrimination en raison de la nationalité dans le cadre de l’association CEE-Turquie.

56      À cet égard, ainsi que le Rechtbank te Amsterdam l’a déjà jugé, la règle d’égalité de traitement inscrite à l’article 3, paragraphe 1, de la décision n° 3/80 ne pourrait pas être utilement invoquée en l’occurrence, en ce que cette disposition ne s’applique qu’aux «personnes qui résident sur le territoire de l’un des États membres», alors que les défendeurs au principal ont désormais leur résidence en Turquie. Cependant, il en irait différemment de l’article 9 de l’accord d’association, lequel ne comporte pas de réserve similaire.

57      Il serait constant entre les parties au principal que ce dernier article possède un effet direct. En outre, il serait de jurisprudence constante qu’il prohibe non seulement les discriminations directes fondées sur la nationalité, mais également toutes les formes indirectes de discrimination qui, par application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat.

58      En l’espèce, le Centrale Raad van Beroep relève l’existence de deux formes différentes de distinction indirecte en raison de la nationalité découlant de l’article 4 a de la TW, lesquelles devraient être appréciées séparément en ce qui concerne leur éventuelle justification.

59      Premièrement, il serait vraisemblable que le nombre d’ayants droit d’une nationalité autre que néerlandaise, parmi lesquels figure un groupe important de ressortissants turcs, qui n’auront plus droit à la prestation complémentaire au titre de la TW parce qu’ils ne résident plus aux Pays-Bas, sera supérieur à celui des ayants droit de nationalité néerlandaise, qui auront le plus souvent continué de résider sur le territoire néerlandais.

60      À cet égard, les justifications invoquées par le Royaume des Pays-Bas pour mettre fin à la possibilité d’exporter la prestation complémentaire versée au titre de la TW seraient le suivi prétendument problématique aux fins de la vérification de la situation personnelle et patrimoniale des bénéficiaires ne résidant pas aux Pays-Bas, le financement de cette prestation par le budget de l’État, le souhait du législateur national de revenir à la vocation première des assurances sociales, à savoir l’allocation de subventions aux résidents, ainsi que la nature particulière de la TW, destinée à compléter une prestation de sécurité sociale pour atteindre le salaire minimum aux Pays-Bas.

61      S’agissant des conditions du suivi, la juridiction de renvoi souligne l’existence d’une convention bilatérale conclue avec la République de Turquie, laquelle prévoit des possibilités de contrôle dans cet État. Partant, le Centrale Raad van Beroep se demande si les autres raisons, liées essentiellement à des motifs d’ordre financier, peuvent constituer une justification suffisante de la différence de traitement en cause dans le litige dont il est saisi.

62      Deuxièmement, il existerait une distinction indirecte en raison de la nationalité, en ce que la prestation complémentaire versée aux défendeurs au principal a été entièrement supprimée à compter du 1er juillet 2003 en raison du fait que les intéressés résident en Turquie, alors que l’application du régime transitoire aux fins de la suppression progressive de cette prestation allouée aux ayants droit possédant la nationalité d’un État membre de l’Union et de certains États tiers, mais résidant sur le territoire de l’Union, n’a débuté qu’en 2007.

63      Dans ce contexte, l’Uwv aurait soutenu que la distinction en cause doit être analysée au regard des objectifs limités de l’accord d’association, consistant à réaliser graduellement la libre circulation des travailleurs turcs et à renforcer de façon continue et équilibrée les relations économiques entre les États membres et la Turquie. Partant, il ne serait pas possible d’accorder à l’article 9 de l’accord d’association la même portée que celle conférée à l’article 12 CE.

64      La juridiction de renvoi doute cependant que ce motif constitue une justification suffisante de la différence de traitement constatée. Elle ajoute que, dans le cadre de l’interprétation de l’article 9 de l’accord d’association, elle souhaite également être éclairée sur les éléments pertinents destinés à lui permettre d’apprécier la conformité de la réglementation nationale en cause avec les droits fondamentaux dont la Cour assure le respect, tels que ceux garantis par la CEDH et le premier protocole additionnel.

65      C’est dans ces conditions que le Centrale Raad van Beroep a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Eu égard à ses termes ainsi qu’à l’objet et à la nature de la décision n° 3/80 et de l’accord [d’association], la disposition de l’article 6, paragraphe 1, [premier alinéa,] de la décision n° 3/80 comporte-t-elle une obligation claire et précise qui n’est subordonnée, dans son exécution ou dans ses effets, à l’intervention d’aucun acte ultérieur, en sorte que cette disposition est susceptible d’avoir un effet direct?

2)      Si la première question appelle une réponse affirmative:

a)      Dans l’application de l’article 6, paragraphe 1, de la décision n° 3/80, faut-il prendre en compte d’une manière ou d’une autre les modifications apportées au règlement n° 1408/71 après le 19 septembre 1980 à l’endroit des prestations spéciales à caractère non contributif?

b)      L’article 59 du protocole additionnel annexé à l’accord d’association a-t-il une incidence à cet égard?

3)      Faut-il interpréter l’article 9 de l’accord d’association en ce sens qu’il s’oppose à l’application de la législation d’un État membre, telle que l’article 4 a de la TW néerlandaise, qui aboutit à une distinction indirecte en raison de la nationalité,

–        premièrement, en ce que, de ce fait, le nombre de personnes de nationalité autre que néerlandaise, dont un groupe important de ressortissants turcs, qui n’auront pas (plus) droit à un supplément parce qu’elles ne résident plus aux Pays-Bas sera supérieur à celui des personnes de nationalité néerlandaise et,

–        deuxièmement, en ce que les suppléments des ressortissants turcs résidant en Turquie sont supprimés depuis le 1er juillet 2003, alors que les suppléments des personnes ayant la nationalité d’un État membre de l’Union européenne et de certains [États] tiers, pour autant qu’elles résident sur le territoire de l’Union européenne, ne sont supprimés (graduellement) qu’à partir du 1er janvier 2007?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

66      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande si l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision n° 3/80 produit un effet direct dans les États membres.

67      Selon la jurisprudence constante de la Cour, une disposition d’un accord conclu par la Communauté avec des États tiers doit être considérée comme étant d’application directe lorsque, eu égard à ses termes ainsi qu’à l’objet et à la nature de l’accord, elle comporte une obligation claire et précise qui n’est subordonnée, dans son exécution ou dans ses effets, à l’intervention d’aucun acte ultérieur. Les mêmes conditions s’appliquent lorsqu’il s’agit de déterminer si les dispositions d’une décision du conseil d’association peuvent avoir un effet direct (voir, notamment, arrêt du 4 mai 1999, Sürül, C‑262/96, Rec. p. I‑2685, point 60 et jurisprudence citée).

68      Au regard de son libellé, l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision n° 3/80 consacre, dans des termes clairs, précis et inconditionnels, l’interdiction pour les États membres de réduire, de modifier, de suspendre, de supprimer ou de confisquer les prestations que cette disposition énumère au motif que l’ayant droit réside en Turquie ou sur le territoire d’un État membre autre que celui où se trouve l’institution débitrice.

69      Ainsi que l’a souligné à juste titre la Commission européenne, cette règle prescrit une obligation de résultat précise, à savoir l’interdiction de toute limitation imposée en ce qui concerne l’exportation des droits acquis par les ressortissants turcs concernés au titre de la réglementation d’un État membre. Une telle obligation est, dès lors, susceptible d’être invoquée par un justiciable devant une juridiction nationale pour lui demander d’écarter les dispositions contraires de la réglementation d’un État membre, sans que l’adoption de mesures d’application complémentaires soit requise à cet effet (voir, par analogie, arrêt Sürül, précité, point 63).

70      L’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision n° 3/80 revêt ainsi une nature qui le distingue nettement de celle caractérisant des dispositions techniques de coordination de différentes législations nationales en matière de sécurité sociale telles que les règles figurant aux articles 12 et 13 de la même décision, qui étaient en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 10 septembre 1996, Taflan-Met e.a. (C‑277/94, Rec. p. I‑4085), et à propos desquels la Cour a jugé qu’ils n’ont pas d’effet direct sur le territoire des États membres tant que les mesures complémentaires indispensables de mise en œuvre n’ont pas été adoptées par le Conseil.

71      L’interprétation qui précède n’est pas remise en cause par le fait que l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision n° 3/80 précise que l’interdiction des clauses de résidence qu’il énonce produit ses effets «à moins que la présente décision n’en dispose autrement». En effet, il suffit de relever à cet égard que cette décision ne prévoit aucune dérogation ou restriction à l’interdiction des clauses de résidence énoncée à ladite disposition.

72      En outre, pour des motifs identiques à ceux énoncés aux points 70 à 72 de l’arrêt Sürül, précité, la constatation que l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision n° 3/80 est susceptible de régir directement la situation des particuliers n’est pas contredite par l’examen de l’objet et de la nature de l’accord d’association auquel cette disposition se rattache.

73      Il s’ensuit que l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision n° 3/80 établit une règle précise et inconditionnelle suffisamment opérationnelle pour être appliquée par un juge national et, dès lors, susceptible de régir la situation juridique des particuliers.

74      Il convient dès lors de répondre à la première question que l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision n° 3/80 doit être interprété en ce sens qu’il a un effet direct, de sorte que les ressortissants turcs auxquels cette disposition s’applique ont le droit de s’en prévaloir directement devant les juridictions des États membres pour faire écarter l’application des règles de droit interne qui lui sont contraires.

 Sur la deuxième question

75      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision n° 3/80 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre, telle que celle figurant à l’article 4 a de la TW, en tant qu’elle supprime le bénéfice de la prestation complémentaire, accordée au titre de la législation nationale, dès lors que les bénéficiaires de cette prestation ne résident plus sur le territoire dudit État.

76      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision n° 3/80 consacre le principe de l’interdiction des clauses de résidence en ce qui concerne les prestations de sécurité sociale qu’elle vise, parmi lesquelles figurent les prestations en espèces d’invalidité.

77      Or, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, il est admis par les parties en cause au principal qu’une prestation sociale telle que la prestation complémentaire, versée au titre d’un régime d’assurance sociale tel que celui établi par la WAO, doit être assimilée à une prestation d’invalidité au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision n° 3/80 et relève, dès lors, du champ d’application matériel de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de cette même décision.

78      En outre, il est constant que les défendeurs au principal sont des ressortissants turcs qui ont légalement séjourné et travaillé sur le territoire d’un État membre. À la suite de l’exercice d’une activité salariée pendant une certaine période, ils ont acquis le droit à des prestations sociales au titre de la réglementation de l’État membre d’accueil. En l’occurrence, il s’agissait d’une pension d’invalidité, les intéressés s’étant trouvés dans l’incapacité de continuer à travailler, ainsi que de la prestation complémentaire prévue par la TW, puisque le montant de la pension auquel ils avaient droit était inférieur au salaire minimum. Ces deux prestations leur ont été effectivement servies pendant un certain laps de temps, y compris en Turquie après qu’ils y furent revenus, conformément à l’article 39, paragraphe 4, du protocole additionnel qui prévoit la possibilité d’exporter les pensions et rentes de vieillesse, d’invalidité et de décès acquises dans les États membres.

79      Dans ces conditions, les défendeurs au principal relèvent du champ d’application personnel de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision n° 3/80 en tant que travailleurs de nationalité turque qui sont bénéficiaires de prestations en espèces d’invalidité acquises au titre de la législation d’un État membre et qui résident désormais en Turquie.

80      Il convient d’ajouter que, ainsi qu’il a déjà été dit au point 71 du présent arrêt, la décision n° 3/80 ne prévoit aucune dérogation ou restriction à l’interdiction des clauses de résidence énoncée à son article 6, paragraphe 1, premier alinéa.

81      Au vu de ce qui précède, toutes les conditions requises pour l’application de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision n° 3/80 à une situation telle que celle en cause au principal se trouvent réunies.

82      Il s’ensuit que des ressortissants turcs tels que les défendeurs au principal peuvent valablement se fonder sur l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision n° 3/80 pour exiger que la prestation complémentaire qu’ils perçoivent au titre de la WAO continue à leur être versée en Turquie.

83      La constatation qui précède n’est pas affectée par la circonstance que, s’agissant d’une prestation sociale telle que la prestation complémentaire, le régime actuellement prévu par le règlement n° 1408/71 diffère de celui mis en place par la décision n° 3/80.

84      Le règlement n° 1408/71 a en effet été modifié depuis l’adoption du règlement n° 1247/92. Ainsi, depuis l’entrée en vigueur de ce dernier règlement le 1er juin 1992, des prestations spéciales en espèces à caractère non contributif du même type que la prestation complémentaire ont été expressément incluses dans le champ d’application matériel du règlement n° 1408/71, en vertu de l’article 4, paragraphe 2 bis, sous a), de celui-ci.

85      En outre, à compter de la même date, le règlement n° 1247/92 a inséré dans le règlement n° 1408/71 un nouvel article 10 bis qui a introduit une exception à l’obligation d’exportation des prestations prévue à l’article 10, paragraphe 1, de ce dernier règlement.

86      Par ailleurs, le règlement n° 647/2005 a ajouté la TW, telle que modifiée en 2000 par la BEU, à la liste figurant à l’annexe II bis du règlement n° 1408/71, tel que modifié par le règlement n° 1247/92, des prestations spéciales à caractère non contributif au sens de l’article 4 bis du règlement n° 1408/71, auxquelles l’obligation d’exportation prévue à l’article 10 de ce dernier règlement ne s’applique pas, conformément à l’article 10 bis de celui-ci.

87      C’est sur ce fondement que le Royaume des Pays-Bas a procédé à la suppression, pour les ressortissants de l’Union, du bénéfice de la prestation complémentaire prévue précédemment par la TW, dès lors que les bénéficiaires ne résident pas sur le territoire néerlandais.

88      Toutefois, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, une situation dans laquelle d’anciens travailleurs migrants turcs retournés en Turquie continuent à bénéficier, en application de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision n° 3/80, d’une prestation sociale telle que la prestation complémentaire, alors que celle-ci est supprimée pour les ressortissants de l’Union qui ne résident pas sur le territoire de l’État membre qui l’a octroyée, ne saurait être considérée comme incompatible avec les exigences de l’article 59 du protocole additionnel, selon lequel les ressortissants turcs ne doivent pas être placés dans une situation plus avantageuse que celle des ressortissants de l’Union (voir en ce sens, notamment, arrêt du 19 février 2009, Soysal et Savatli, C‑228/06, Rec. p. I‑1031, point 61).

89      En effet, d’une part, l’article 39, paragraphe 4, du même protocole additionnel prévoit expressément l’exportation vers la Turquie de certaines prestations de sécurité sociale, dont les pensions et rentes d’invalidité acquises par les travailleurs de nationalité turque au titre de la réglementation d’un ou de plusieurs États membres.

90      D’autre part, l’article 2, premier tiret, de la décision n° 3/80 englobe dans le champ d’application de celle-ci les travailleurs turcs qui «ont été soumis» à la législation de l’un ou de plusieurs États membres, sans autre précision, alors que, s’agissant des membres de la famille de ces travailleurs, il est exigé, au deuxième tiret du même article 2, que ces membres de la famille «résident sur le territoire de l’un des États membres».

91      En outre, appliquer, dans le cadre de la décision n° 3/80, le régime actuellement en vigueur au titre du règlement n° 1408/71 en ce qui concerne les prestations spéciales non contributives reviendrait à modifier ladite décision, alors qu’une telle compétence est réservée au seul conseil d’association, conformément aux articles 8 et 22 de l’accord d’association.

92      Enfin, force est de constater que les défendeurs au principal sont rentrés en Turquie après avoir été atteints d’invalidité dans l’État membre d’accueil.

93      Or, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, un ressortissant turc, qui a appartenu au marché régulier de l’emploi d’un État membre au sens de l’article 6 de la décision n° 1/80, du 19 septembre 1980, relative au développement de l’association, adoptée par le conseil d’association institué par l’accord d’association, ne saurait tirer de cette décision un droit de continuer à séjourner sur le territoire de cet État après qu’il a été victime d’un accident de travail ayant entraîné une incapacité permanente de travail l’écartant définitivement du marché de l’emploi (voir arrêt du 6 juin 1995, Bozkurt, C‑434/93, Rec. p. I‑1475, point 42).

94      Il ne saurait, dans ces circonstances, être valablement soutenu que les intéressés auraient quitté le territoire de l’État membre d’accueil de leur propre gré et sans motifs légitimes et qu’un tel comportement aurait entraîné la perte des droits acquis au titre de l’association CEE-Turquie (voir, notamment, arrêt du 4 février 2010, Genc, C‑14/09, non encore publié au Recueil, point 42).

95      Partant, la situation d’anciens travailleurs migrants turcs tels que les défendeurs au principal, pour autant qu’ils sont retournés en Turquie après avoir perdu leur droit de séjour dans l’État membre d’accueil en raison de la circonstance qu’ils ont été atteints d’invalidité dans celui-ci, ne peut pas, pour les besoins de l’application de l’article 59 du protocole additionnel, être utilement comparée à celle des ressortissants de l’Union dans la mesure où ceux-ci, étant titulaires du droit de circuler ainsi que de séjourner librement sur le territoire des États membres et conservant ainsi leur droit de séjour dans l’État membre qui octroie la prestation en cause, d’une part, peuvent choisir de quitter le territoire de cet État en perdant, de ce fait, le bénéfice de cette prestation et, d’autre part, ont le droit de revenir à tout moment dans l’État membre concerné (voir, par analogie, arrêts du 18 juillet 2007, Derin, C‑325/05, Rec. p. I‑6495, point 68, ainsi que du 22 décembre 2010, Bozkurt, C‑303/08, non encore publié au Recueil, point 45).

96      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la deuxième question que l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision n° 3/80 doit être interprété en ce sens que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, il s’oppose à une réglementation d’un État membre qui, tel l’article 4 a de la TW, supprime le bénéfice d’une prestation telle que la prestation complémentaire, accordée au titre de la législation nationale, à l’égard d’anciens travailleurs migrants turcs dès lors que ceux-ci sont retournés en Turquie après avoir perdu leur droit de séjour dans l’État membre d’accueil en raison de la circonstance qu’ils ont été atteints d’invalidité dans celui-ci.

 Sur la troisième question

97      La troisième question posée par la juridiction de renvoi porte en substance sur l’incidence, dans un cas de figure tel que celui en cause au principal, du principe d’égalité de traitement tel que consacré à l’article 9 de l’accord d’association, qui interdit toute discrimination exercée en raison de la nationalité «sans préjudice des dispositions particulières qui pourraient être établies [par le conseil d’association] en application de l’article 8» du même accord.

98      Selon la jurisprudence de la Cour, l’article 3, paragraphe 1, de la décision n° 3/80 constitue la mise en œuvre et la concrétisation, dans le domaine particulier de la sécurité sociale, du principe général de non-discrimination en raison de la nationalité énoncé à l’article 9 de l’accord d’association (voir arrêts Sürül, précité, point 64; du 14 mars 2000, Kocak et Örs, C‑102/98 et C‑211/98, Rec. p. I‑1287, point 36, ainsi que du 28 avril 2004, Öztürk, C‑373/02, Rec. p. I‑3605, point 49).

99      Ainsi qu’il ressort de son libellé même, l’article 3, paragraphe 1, de la décision n° 3/80, quant à lui, s’applique «sous réserve des dispositions particulières de la[dite] décision».

100    Or, l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la même décision constitue une telle disposition particulière sur la portée de laquelle la Cour a déjà statué dans le cadre des première et deuxième questions.

101    Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la troisième question que l’article 9 de l’accord d’association ne trouve pas à s’appliquer à une situation telle que celle en cause au principal.

 Sur les dépens

102    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

1)      L’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision n° 3/80 du conseil d’association, du 19 septembre 1980, relative à l’application des régimes de sécurité sociale des États membres des Communautés européennes aux travailleurs turcs et aux membres de leur famille, doit être interprété en ce sens qu’il a un effet direct, de sorte que les ressortissants turcs auxquels cette disposition s’applique ont le droit de s’en prévaloir directement devant les juridictions des États membres pour faire écarter l’application des règles de droit interne qui lui sont contraires.

2)      L’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision n° 3/80 doit être interprété en ce sens que, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, il s’oppose à une réglementation d’un État membre qui, tel l’article 4 a de la loi relative aux suppléments (Toeslagenwet), du 6 novembre 1986, supprime le bénéfice d’une prestation telle que le complément à la pension d’invalidité, accordée au titre de la législation nationale, à l’égard d’anciens travailleurs migrants turcs dès lors que ceux-ci sont retournés en Turquie après avoir perdu leur droit de séjour dans l’État membre d’accueil en raison de la circonstance qu’ils ont été atteints d’invalidité dans celui-ci.

3)      L’article 9 de l’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, qui a été signé le 12 septembre 1963 à Ankara par la République de Turquie, d’une part, ainsi que par les États membres de la CEE et la Communauté, d’autre part, et qui a été conclu, approuvé et confirmé au nom de cette dernière par la décision 64/732/CEE du Conseil, du 23 décembre 1963, ne trouve pas à s’appliquer à une situation telle que celle en cause au principal.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.