CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO Jääskinen

présentées le 16 septembre 2010 (1)

Affaire C‑306/08

Commission européenne

contre

Royaume d’Espagne

«Recours en manquement – Directive 93/37/CEE – Directive 2004/18/CE –Marchés publics de travaux – Marchés publics de services – Concession de service public – Concession de travaux publics – Aménagement du territoire – Lois d’urbanisme et d’aménagement urbain dans la région de Valence»





1.        La Commission européenne a engagé le présent recours en manquement afin que la Cour constate qu’en attribuant des «programmes d’action intégrée» (ci-après les «PAI»), en application, successivement, de la LRAU (2) puis de la LUV (3), le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des directives 93/37/CEE (4) et 2004/18/CE (5) sur la passation des marchés publics.

2.        Cette action permet à la Cour d’examiner, une fois encore, le traitement des mesures d’aménagement du territoire dans le cadre des règles qui régissent la passation des marchés publics et de préciser la signification des expressions «à titre onéreux» et «concessions» qui figurent dans les directives sur les marchés publics en question.

3.        Le présent recours en manquement trouve son origine dans les nombreuses pétitions adressées au Parlement européen déplorant divers aspects de la LRAU, notamment la situation géographique des projets d’aménagement et leur impact sur l’environnement, l’expropriation de propriétaires terriens sans compensation équitable et l’obligation qui leur était faite de payer pour des travaux d’infrastructure qu’ils ne souhaitaient pas ou dont ils n’avaient pas besoin (6). La Commission a étudié les différents griefs et conclu que le seul point sur lequel elle pouvait engager des poursuites était celui du marché public soit parce qu’elle n’était pas compétente (7), soit parce que les bases juridiques du dossier n’étaient pas suffisantes (8). Les principaux griefs des pétitionnaires étant déduits de sujets autres que le respect des règles sur les marchés publics (9), le recours de la Commission, quelle que soit son issue, leur sera de peu de secours.

I –    Cadre juridique

A –    Le droit communautaire (10)

1.      Directive 93/37

4.        La directive 93/37 s’applique aux marchés publics de travaux et aux concessions de travaux publics.

5.        Les marchés publics de travaux sont définis comme étant des «contrats à titre onéreux, conclus par écrit entre, d’une part, un entrepreneur et, d’autre part, un pouvoir adjudicateur […] et ayant pour objet soit l’exécution, soit conjointement l’exécution et la conception des travaux relatifs à une des activités visées à l’annexe II ou d’un ouvrage […], soit la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d’un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur» (11).

6.        Les concessions de travaux publics sont définies comme étant des «contrat(s) présentant les mêmes caractéristiques que ceux visés au point a), à l’exception du fait que la contrepartie des travaux consiste soit uniquement dans le droit d’exploiter l’ouvrage, soit dans ce droit assorti d’un prix» (12).

7.        L’article 6, paragraphe 6, énonce une interdiction générale de discrimination.

8.        L’article 11 exige que les avis de marché public soient publiés in extenso au Journal officiel des Communautés européennes ainsi que dans la banque de données TED.

9.        L’article 12 précise les délais de réception des offres et prévoit, dans le cas des procédures ouvertes, que les offres doivent être déposées dans un délai de 52 jours à compter de la publication de l’avis.

10.      Le chapitre II du titre IV, qui contient les articles 24 à 29 inclus, concerne les critères qualitatifs de sélection. L’article 24 énumère les situations dans lesquelles un entrepreneur peut être exclu de la procédure d’adjudication. C’est le cas notamment des entrepreneurs en faillite ou des entrepreneurs qui ont été condamnés pour un délit affectant leur moralité professionnelle. Les articles 25 à 28 inclus énumèrent les preuves qui peuvent être exigées d’un entrepreneur concernant son inscription au registre professionnel, sa situation financière et économique ainsi que ses capacités techniques. L’article 29 précise la situation des États membres qui ont des listes officielles d’entrepreneurs agréés.

2.      Directive 2004/18

11.      La directive 2004/18 opère une refonte de la directive 93/37, notamment, et couvre désormais tous les marchés publics, qui sont définis comme étant des «contrats à titre onéreux conclus par écrit entre un ou plusieurs opérateurs économiques et un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs et ayant pour objet l’exécution de travaux, la fourniture de produits ou la prestation de services au sens de la présente directive» (13).

12.      Les marchés publics de travaux sont en outre définis comme étant des «marchés publics ayant pour objet soit l’exécution, soit conjointement la conception et l’exécution de travaux relatifs à une des activités mentionnées à l’annexe I ou d’un ouvrage, soit la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d’un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur» (14).

13.      Les marchés publics de services sont en outre définis comme étant des «marchés publics autres que les marchés publics de travaux ou de fournitures portant sur la prestation de services visés à l’annexe II» (15).

14.      La concession de travaux publics est, à son tour, définie comme étant un «contrat présentant les mêmes caractéristiques qu’un marché public de travaux, à l’exception du fait que la contrepartie des travaux consiste soit uniquement dans le droit d’exploiter l’ouvrage, soit dans ce droit assorti d’un prix» (16).

15.      La concession de services est définie, quant à elle, comme étant un «contrat présentant les mêmes caractéristiques qu’un marché public de services, à l’exception du fait que la contrepartie de la prestation des services consiste soit uniquement dans le droit d’exploiter le service, soit dans ce droit assorti d’un prix» (17). La concession de services est exclue du champ d’application de la directive (18).

16.      La directive 2004/18 ne s’applique pas aux marchés publics de services ayant pour objet l’acquisition ou la location, quelles qu’en soient les modalités financières, de terrains, de bâtiments existants ou d’autres biens immeubles ou qui concernent des droits sur ces biens (19).

17.      L’article 2 dispose que, lorsqu’ils adjugent des marchés, les pouvoirs adjudicateurs traitent les opérateurs économiques sur un pied d’égalité, de manière non discriminatoire et agissent avec transparence.

18.      L’article 6 traite de la confidentialité qui doit entourer les secrets techniques et commerciaux ainsi que des autres aspects confidentiels des offres soumises aux pouvoirs adjudicateurs, auxquels il est fait interdiction de divulguer les renseignements que les opérateurs économiques leur communiquent à titre confidentiel.

19.      L’article 24 dispose que les pouvoirs adjudicateurs indiquent dans l’avis de marché s’ils autorisent ou non les variantes et que, lorsqu’ils les autorisent, ils mentionnent dans le cahier des charges les exigences minimales que les variantes doivent respecter ainsi que les modalités de leur soumission. Ils ne prennent en considération que les variantes répondant aux exigences minimales qu’ils ont requises.

20.      L’article 30 concerne les cas justifiant le recours à la procédure négociée avec publication préalable d’un avis de marché. Il esquisse la manière dont ces procédures négociées doivent être menées.

21.      L’article 31, paragraphe 4, sous a), régit les cas justifiant le recours à la procédure négociée sans publication d’un avis de marché et, plus particulièrement, les cas dans lesquels des travaux ou des services complémentaires ne figurant pas dans le projet initialement envisagé sont devenus nécessaires à l’exécution de l’ouvrage ou du service tel qu’il y est décrit.

22.      L’article 48, paragraphe 2, dresse la liste des preuves qui peuvent être fournies en vue d’établir les capacités techniques des opérateurs économiques.

23.      L’article 53 dispose que les critères sur lesquels les pouvoirs publics se fondent pour attribuer les marchés publics sont soit le critère de l’offre économiquement la plus avantageuse du point de vue du pouvoir adjudicateur (lequel critère peut comprendre divers critères liés à l’objet du marché public en question, comme, par exemple, la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les caractéristiques environnementales et la rentabilité, notamment), soit le critère du prix le plus bas. Il fait également obligation au pouvoir adjudicateur de préciser, si possible, la pondération relative qu’il confère à chacun des critères choisis pour déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse ou l’ordre décroissant d’importance des critères.

B –    Le droit national

1.      La législation nationale

24.      En Espagne, les marchés publics relèvent de la compétence législative de l’État. Cette compétence s’étend également aux opérations d’expropriation et au droit de propriété. D’autre part, l’aménagement du territoire et l’occupation du sol relèvent du pouvoir législatif régional dans les limites prévues par la Constitution et la loi de l’État (20). La LRAU et la LUV ont été adoptées sur la base des compétences régionales en matière d’urbanisme, d’occupation du sol et d’aménagement du territoire.

25.      La Constitution espagnole reconnaît le droit à la propriété privée ainsi que le droit d’héritage, mais elle précise néanmoins que leur contenu est limité par leur fonction sociale conformément aux lois (21). La Constitution dispose ainsi que tous les Espagnols ont le droit de disposer d’une demeure digne et appropriée, que les pouvoirs publics créent les conditions nécessaires et établissent les normes pertinentes pour rendre ce droit effectif en réglementant l’utilisation du sol conformément à l’intérêt général pour empêcher la spéculation. Elle ajoute que la collectivité bénéficiera des plus-values qu’engendre l’action urbanistique des personnes publiques (22).

26.      La législation de l’État espagnol sur l’urbanisme et l’occupation des sols a subi plusieurs changements depuis l’adoption de la LRAU, le cadre législatif actuel figurant dans le TRLS (23). Il est utile d’expliquer certains principes de base de cette législation qui figuraient également dans les actes législatifs antérieurs applicables au cours de la période qui a précédé le litige.

27.      Conformément au TRLS, l’urbanisme et l’aménagement du territoire sont des missions de service public non commerciales visant à organiser l’utilisation du territoire et des sols conformément à l’intérêt général en fixant les prérogatives et les obligations afférentes au droit de propriété conformément à la destination du sol. La définition de cette destination ne confère aucun droit d’exiger une indemnisation, sauf dans les cas expressément prévus par la loi. La législation sur l’urbanisme et l’aménagement du territoire doit garantir que les pouvoirs publics compétents dirigent et contrôlent le processus d’aménagement lors de ses différentes phases, de l’occupation à la viabilisation, à la construction, à l’édification et à l’utilisation par quelque personne que ce soit, privée ou publique. Cette législation doit assurer également que la communauté bénéficie des plus-values résultant des mesures adoptées par les pouvoirs publics (24).

28.      Les particuliers, qu’ils soient ou non propriétaires de terrains, peuvent, dans le cadre de la libre entreprise, exécuter des travaux d’aménagement du territoire lorsque l’autorité compétente demeure en défaut de le faire. L’autorisation d’exécuter de tels travaux doit être soumise à une procédure d’adjudication publique faisant appel à la concurrence de manière à permettre à la communauté de bénéficier dûment des plus-values résultant de l’aménagement du territoire (25).

29.      Les actions de promotion de l’aménagement urbain peuvent nécessiter: 1) la mise à la disposition de l’administration compétente des terrains réservés aux routes, aux espaces libres, aux espaces verts et aux autres terrains communs, de même que, dans certaines limites correspondant au degré de constructibilité créé par l’action, de terrains destinés au domaine public; 2) le financement et l’exécution de tous les travaux d’aménagement urbain prévus dans le cadre de l’action en cause ainsi que des infrastructures nécessaires et 3) le transfert de la propriété des ouvrages et des infrastructures à l’administration compétente en même temps que les terrains sur lesquels ils sont construits (26).

2.      La législation régionale

a)      Définition du PAI

30.      Conformément à la LRAU et à la LUV, l’aménagement du territoire (27) dans la région autonome de Valence peut être réalisé sous un régime d’action isolée (en cas de parcelle de terrain unique) ou sous un régime d’action intégrée (lorsque deux ou plusieurs parcelles doivent être reliées à un réseau de services) (28).

31.      Les actions intégrées sont toujours des actions entreprises par les pouvoirs publics (29) et peuvent être exécutées directement ou indirectement. Les pouvoirs publics locaux qui souhaitent aménager le terrain en question sous le régime des actions intégrées ont le choix des procédures à engager (30). S’ils optent pour la procédure de gestion directe, les travaux et investissements seront financés au moyen de fonds publics (31) et seront gérés par le pouvoir adjudicateur (32). S’ils décident d’utiliser la procédure de gestion indirecte, les pouvoirs publics désignent un promoteur, les propriétaires des terrains devant alors lui rembourser les coûts d’aménagement en proportion de la surface de terrain que chacun d’entre eux apporte à la réalisation du projet.

b)      La procédure PAI

32.      Une des manières de mettre une action intégrée en œuvre est d’engager la procédure PAI (33). Aussi bien dans le cas de la LRAU que dans celui de la LUV, la procédure PAI comporte quatre étapes: l’initiative, la sélection, le remembrement et la viabilisation (34).

33.      La procédure PAI peut être mise en branle par les pouvoirs publics locaux ou à la demande de quiconque, propriétaire terrien ou non (35). Un plan détaillé de développement doit être approuvé par les pouvoirs publics locaux (36). Le PAI comporte un choix définitif entre les différentes possibilités d’affectation du sol pour la zone déclarée constructible par le plan en vigueur.

34.      La LRAU permet à toute personne d’engager la procédure PAI en demandant au maire de soumettre à enquête publique une autre solution technique que celle prévue par un PAI existant (37). Dans sa demande, elle devra identifier la zone à aménager, indiquer les plans détaillés ou structurels à mettre en œuvre par le PAI et énoncer une proposition d’affectation du sol comportant son intégration dans les zones environnantes (38). La municipalité pourra soit rejeter la demande, soit la soumettre à enquête publique en la publiant dans les journaux officiels régionaux (39), assortie d’observations ou non (40). Au cours des consultations publiques, tout un chacun peut présenter des observations ou proposer d’autres solutions techniques. Des plans de financement peuvent également être soumis à ce moment-là (41), qui détermineront les conditions légales, économiques et financières du PAI (42). La municipalité approuve alors un PAI en choisissant une offre technique et une proposition de financement (l’une et l’autre ne devant pas nécessairement émaner de la même personne) (43). La LRAU prévoit également une procédure simplifiée conformément à laquelle la première offre technique présentée par l’initiateur ne doit pas être approuvée par la municipalité, mais uniquement actée devant notaire (44).

35.      Sous le régime de la LUV, la procédure PAI est mise en route lorsqu’une personne dépose l’un des documents figurant dans la liste établie par cette loi (45). Ces documents feront alors partie des spécifications en vue de l’attribution du PAI (46) et c’est sur la base de celles-ci que les offres ultérieures seront évaluées (47). Une fois les documents déposés devant elle, le pouvoir adjudicateur doit se prononcer sur le choix de la procédure de gestion directe ou indirecte (48). Le choix de la procédure de gestion indirecte implique l’approbation des spécifications qui figurent dans les documents qui ont été déposés (49), approbation implicite (50) ou explicite. La procédure d’adjudication du PAI commence avec la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne et dans les journaux officiels régionaux (51). Si le PAI modifie le développement structurel, il ne pourra être approuvé par le pouvoir adjudicateur qu’après approbation définitive par le gouvernement régional (52).

c)      Les objectifs du PAI

36.      Le PAI a pour objet d’identifier la portée de l’action intégrée en définissant les travaux à effectuer, les délais dans lesquels ils devront l’être ainsi que les bases technique et économique de la gestion de l’action (53). Son but est d’aménager deux ou plusieurs parcelles en vue de les transformer en terrains viabilisés en les rattachant au réseau de services existant (54).

37.      Tant la LRAU que la LUV prévoient que le PAI doit atteindre les objectifs indispensables suivants (55):

–        rattacher les nouveaux lots (viabilisés) aux réseaux existants d’infrastructures, de communications et de services publics;

–        construire de nouvelles infrastructures et aménager des espaces publics;

–        terminer la viabilisation de l’espace et réaliser les travaux publics complémentaires nécessaires;

–        acquérir les terrains nécessaires à la réalisation du PAI;

–        obtenir un permis de construire et

–        réunir les moyens financiers nécessaires à la bonne fin du PAI.

38.      En sus de ces obligations, la réglementation régionale esquisse les objectifs suivants dont la réalisation facultative peut également être obtenue grâce au PAI (56):

–        effectuer des apports fonciers en faveur de la municipalité (57);

–        réaliser d’autres travaux et

–        construire des logements sociaux.

d)      Répartition des pouvoirs conformément au PAI

39.      La procédure PAI est placée sous le contrôle de la municipalité, à laquelle il incombe de choisir un promoteur lorsqu’elle opte pour la procédure de gestion indirecte (58) et d’approuver le PAI en suggérant les modifications qu’elle jugerait nécessaires (59). Lorsque le PAI est arrivé à son terme, les ouvrages réalisés sont livrés à la municipalité trois mois après avoir été formellement proposés au conseil local dans l’hypothèse où celui-ci ne réagirait pas ou à partir de la date à laquelle ils sont ouverts au public (60). Après la réception des travaux, c’est la municipalité qui assume les obligations d’entretien. Le pouvoir adjudicateur peut accepter d’être payé en argent plutôt que de recevoir le terrain correspondant à la marge bénéficiaire d’urbanisation de 10 % à laquelle il a droit (61).

40.      Quand la municipalité opte pour la procédure de gestion directe, elle assume elle-même le rôle de promoteur, alors que, lorsqu’elle retient la procédure de gestion indirecte, elle le sélectionne par appel d’offres. Le promoteur est défini dans la réglementation régionale comme étant l’agent public responsable de la conception et de l’exécution du PAI (62).

41.      C’est le promoteur qui a la responsabilité d’établir les documents techniques requis par les spécifications ainsi que de concevoir et de gérer le remembrement des terrains (63). C’est également à lui qu’il incombe de choisir un sous-traitant qui exécutera les travaux (64). Le promoteur est celui dont le plan de financement a été retenu au terme de la procédure PAI. C’est lui qui devra mettre en œuvre la proposition technique approuvée, qui n’est pas nécessairement celle qu’il avait lui-même présentée. La LUV impose au promoteur de sous-traiter la réalisation des travaux publics prévus par le PAI conformément aux règles sur les marchés publics, sauf si la valeur du programme n’atteint pas le seuil légal, si les terrains concernés appartiennent à un seul propriétaire ou, lorsqu’il y en a plusieurs, s’ils donnent leur accord unanime au promoteur et l’autorisent à exécuter les travaux lui-même. Le promoteur est rétribué par les propriétaires des parcelles, qui lui cèdent une partie du terrain viabilisé ainsi qu’une soulte s’il appartient (65).

42.      Le propriétaire terrien peut choisir entre une expropriation et une participation au PAI. S’il opte pour l’expropriation, il recevra un prix calculé sur la base de la valeur originelle du terrain concerné (66). L’expropriation sera réalisée aux bons soins de la municipalité et c’est le promoteur qui devra verser la contrepartie (67). Si le propriétaire préfère participer au PAI, il devra payer une partie des coûts de viabilisation soit en cédant une partie de ses terrains au promoteur, soit en lui versant directement une somme d’argent (68). En contrepartie, il recevra une parcelle de terrain viabilisé.

43.      Le propriétaire terrien est tenu de payer les coûts suivants en proportion de la superficie de terrain qu’il a apportée au projet (69):

–        les coûts de viabilisation et les indemnités afférentes aux investissements nécessaires à la réalisation des objectifs du PAI;

–        la marge bénéficiaire du promoteur afférente au PAI (marge plafonnée à 10 % par la LUV, plafonnement inexistant sous le régime de la LRAU) et

–        les coûts de gestion associés.

II – Procédure précontentieuse

44.      Le 21 mars 2005, la Commission a adressé aux autorités espagnoles une lettre de mise en demeure les avertissant que plusieurs dispositions de la LRAU relatives à l’attribution des PAI étaient incompatibles avec la directive 93/37. Dans leur réponse, celles-ci ont contesté que le PAI soit un marché public au sens de la directive et l’ont avisée qu’un projet de nouvelle loi, la LUV, avait été déposé.

45.      Après un échange de correspondance, la Commission, que les réponses des autorités n’avaient pas convaincue, leur a envoyé, le 15 décembre 2005, un avis motivé dans lequel elle leur enjoignait de prendre, dans un délai de trois semaines, expirant le 6 janvier 2006, les mesures nécessaires à la mise en conformité de la LRAU avec la directive 93/37.

46.      Dans l’avis motivé, la Commission affirmait que l’attribution des PAI suivant les règles de la LRAU était incompatible: 1) avec la directive 93/37, «et en particulier avec les articles 1er, 11 à 13 (et, à titre subsidiaire, avec les articles 3 et 15) ainsi qu’avec le chapitre 2 du titre IV»; 2) avec la directive 92/50 (70), «et en particulier avec ses articles 1er, 15 à 19 et avec le chapitre II de son titre VI», et 3) avec «les articles 43 à 55 du traité et avec des principes généraux tels que définis par la Cour».

47.      Le 26 janvier 2006, le Royaume d’Espagne a répondu que la LUV, qui devait entrer en vigueur le 1er février 2006, allait remplacer la LRAU.

48.      Estimant que les autorités espagnoles n’avaient pas mis fin à l’infraction et que le délai de mise en œuvre de la directive 2004/18 avait expiré, la Commission, après un nouvel échange de correspondance, leur a adressé une nouvelle lettre de mise en demeure le 10 avril 2006.

49.      Le 12 octobre 2006, la Commission a adressé aux autorités espagnoles un nouvel avis motivé déplorant: 1) que l’attribution des PAI telle que prévue par la LUV était incompatible avec la directive 2004/18 et avec «certains principes généraux du droit de l’Union résultant du traité CE» et 2) que la LRAU (pour la période comprise entre le 21 mars 2005 et le 31 janvier 2006) était incompatible avec les articles 2, 6, 24, 30, 31, paragraphe 4, sous a), 36, 48, paragraphe 2, et 53 de la directive 2004/18 et avec «les principes de l’égalité de traitement et de non-discrimination tels qu’ils résultent du traité CE et de la jurisprudence de la Cour, ainsi qu’avec les articles 10 CE et 49 CE)» et, à titre subsidiaire, avec le titre III de la directive 2004/18, relatif aux concessions de travaux.

50.      Les réponses fournies par le Royaume d’Espagne au nouvel avis motivé ne l’ayant pas satisfaite, la Commission a décidé d’engager le présent recours et elle a conclu à ce qu’il plaise à la Cour dire pour droit 1) que, en attribuant les PAI conformément à la LRAU, le Royaume d’Espagne «a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la [directive 93/37] et en particulier en vertu de son article 1er, de son article 6, paragraphe 6, de ses articles 11 et 12 ainsi que de son chapitre 2 du titre IV» et 2) que, en attribuant les PAI conformément à la LUV (telle que mise en œuvre par le décret régional valencien n° 67/2006, du 12 mai 2006, portant approbation du règlement d’aménagement et de gestion du territoire et de l’urbanisme (71)), le Royaume d’Espagne «a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2, 6, 24, 30 et 31, paragraphe 4, sous a), de l’article 48, paragraphe 2, et de l’article 53 de la directive 2004/18».

III – Portée de l’affaire

51.      Au cours de la procédure précontentieuse ainsi que dans les observations écrites qu’elle a présentées à la Cour, la Commission a abordé un certain nombre de questions qui ne relèvent pas de la portée du recours en manquement tel qu’il est défini dans les conclusions de celui-ci. C’est la raison pour laquelle il importe de définir l’étendue exacte du présent recours en manquement.

52.      Bien que la Commission n’ait pas explicitement exclu les PAI en gestion directe des conclusions de son recours en manquement, celui-ci doit être interprété comme visant uniquement les PAI en gestion indirecte, dès lors que les griefs qu’il soulève, qui ont trait à la manière dont le promoteur est choisi, ne peuvent, logiquement, concerner que la procédure de gestion indirecte (72). C’est la raison pour laquelle la Cour est tenue d’analyser si ce rapport relève du champ d’application des directives en question et, dans l’affirmative, si elle les enfreint.

53.      Si la Cour devait considérer que l’attribution du marché au promoteur ne relève pas du champ d’application des directives en question, j’estime qu’elle n’a pas à analyser si les PAI en gestion indirecte enfreignent le traité, puisque la Commission ne lui a pas demandé de déclarer que les PAI sont incompatibles avec le traité ou avec des principes généraux en particulier (73). S’il est vrai que, dans les avis motivés, la Commission a soulevé la question de l’incompatibilité potentielle des PAI avec le traité et les principes généraux tels qu’ils résultent de la jurisprudence de la Cour, elle n’en a rien fait devant celle-ci.

54.      Il est évidemment loisible à la Commission de limiter la portée de son recours lorsqu’elle s’adresse à la Cour, mais, lorsqu’elle le fait, celle-ci ne peut pas statuer sur des questions qui ne sont pas couvertes par les conclusions du recours en manquement telles que la Commission les a exposées (74). La Cour est tenue d’observer le principe ne eat iudex ultra petita partium. Il est particulièrement important de lire méticuleusement les conclusions que la Commission a prises dans sa requête en manquement, parce que la procédure précontentieuse a été relativement longue et compliquée, que le dossier est volumineux et que les observations des parties couvrent un éventail de problèmes plus large que ceux qui sont formulés dans les conclusions de la requête.

55.      Étant donné que la Commission a uniquement soulevé la question de la compatibilité de la LRAU avec la directive 93/37 et de la LUV avec la directive 2004/18, la compatibilité de la LRAU avec la directive 92/50 (75) excède le petitum de la requête en manquement tout comme sa compatibilité avec le traité.

56.      Il convient également d’observer que la première conclusion de la requête, qui a trait à la LRAU et à la directive 93/37, est rédigée de manière ouverte, alors que la liste qui figure dans la deuxième conclusion, qui a trait à la LUV et à la directive 2004/18, est exhaustive. C’est la raison pour laquelle, en ce qui concerne la deuxième conclusion, la Cour peut examiner l’infraction alléguée uniquement au regard des articles de la directive 2004/18 qui sont expressément mentionnés.

IV – Recevabilité

57.      Le Royaume d’Espagne soutient que le premier chef du recours est irrecevable pour deux raisons principales: premièrement, lorsque la Commission a lancé la procédure en manquement, elle savait que la directive 93/37 était en fin de vie et qu’elle allait être remplacée par la directive 2004/18, dont le texte avait déjà été publié au moment où la mise en demeure a été envoyée. Étant donné que la loi régionale a été abrogée deux ans avant l’introduction du recours, il n’y a aucun intérêt à poursuivre l’analyse. Deuxièmement, la Commission a disposé de plus de dix ans pour mettre en branle la procédure en manquement et elle a choisi de le faire juste avant la date d’expiration de la directive 93/37.

58.      Ces deux griefs peuvent être écartés sans longs discours. Il est de jurisprudence constante que la Commission ne doit pas avoir un intérêt spécifique à introduire un recours en manquement et qu’elle peut le faire lorsqu’elle le juge opportun (76).

59.      De surcroît, selon une jurisprudence constante, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé (77). Il ne peut généralement pas être tenu compte de lois, de réglementations ou de dispositions administratives adoptées après la date d’expiration de ce délai.

60.      C’est donc au regard de la législation en vigueur à la date du 6 janvier 2006, date à laquelle le délai prescrit dans l’avis motivé du 15 décembre 2005 a expiré, qu’il convient de déterminer si le Royaume d’Espagne s’est rendu coupable du manquement allégué dans la requête. À cette date-là, aussi bien la LRAU que la directive 93/37 étaient toujours en vigueur, même si elles étaient appelées à expirer peu de temps après (78).

61.      Dans son mémoire en défense, le gouvernement espagnol soulève néanmoins un autre point intéressant, à savoir que le délai de trois semaines que la Commission lui a fixé juste avant la période de Noël pour qu’il puisse répondre au premier avis motivé était anormalement bref (79).

62.      Or, la Commission est tenue de fixer un délai raisonnable dans son avis motivé (80). Pour apprécier le caractère raisonnable de ce délai, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances qui caractérisent la situation d’espèce (81). Des délais plus brefs peuvent parfois être autorisés lorsque la nécessité de remédier à l’infraction est urgente. La Commission n’a pas démontré qu’il existait une telle urgence dans le présent recours en manquement.

63.      Un délai de trois semaines (82) ne me paraît pas raisonnable. La Commission ne pouvait exiger du Royaume d’Espagne qu’il adapte la LRAU à la directive 93/37 en si peu de temps ou qu’il cesse d’attribuer de nouveaux PAI en application de cette même LRAU, ce qu’il aurait dû faire pour se conformer à l’avis motivé. Il me paraît, effectivement, que la seule explication plausible d’un délai d’exécution aussi bref est que la Commission savait qu’aussi bien la directive 93/37 que la LRAU étaient en fin de vie, et qu’elle voulait les englober dans l’objet de son recours en manquement.

64.      La Cour a dit pour droit que des délais très courts peuvent se justifier dans des situations particulières, notamment lorsque l’État membre concerné a pleine connaissance du point de vue de la Commission bien avant le début de la procédure (83). Le gouvernement espagnol connaissait la position que la Commission allait adopter dans la présente procédure, puisque l’avis motivé lui avait été adressé le 21 mars 2005.

65.      En tout état de cause, le bref délai qui lui a été imparti ne semble pas avoir eu la moindre conséquence négative pour le Royaume d’Espagne. Son gouvernement a répondu à l’avis motivé le 26 janvier 2006 et, bien que cette date se situât après l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, la Commission a tenu compte de la défense qu’il avait présentée. Il a également été autorisé à présenter des observations supplémentaires dans une lettre du 17 mars 2006. En l’absence de conséquences négatives, la Cour juge que de tels recours sont recevables, même si elle considère que les délais ne sont pas raisonnables (84).

66.      Le recours est donc parfaitement recevable.

V –    Les directives sur les marchés publics s’appliquent-elles aux PAI?

A –    Les accords d’utilisation du sol et les marchés publics

67.      Avant d’analyser la classification juridique des PAI au regard de la directive 2004/18, il est important de signaler leur nature spécifique d’accords de coopération entre le secteur public et le secteur privé destinés à permettre aux pouvoirs publics de s’acquitter de leurs obligations d’une manière efficace en encourageant l’initiative privée dans le domaine de l’urbanisme, tout en imposant en contrepartie au promoteur l’obligation de réaliser des infrastructures publiques au cours de l’exécution du chantier (85).

68.      L’utilisation du sol et l’urbanisme relèvent principalement de la compétence des États membres. Dans ceux-ci, la planification et l’établissement des plans de secteurs, l’utilisation du sol et le développement urbain relèvent généralement des prérogatives publiques. Il est néanmoins fréquent que des propriétaires terriens, des investisseurs immobiliers et des entreprises de construction possèdent des intérêts dans des zones d’expansion immobilière qui n’ont pas fait l’objet d’un processus de planification détaillé et qu’ils souhaitent avoir la possibilité d’exploiter des droits de construire potentiels afférents à ces terrains. De leur côté, les pouvoirs publics peuvent tirer profit de l’initiative privée en ce qu’ils ne devront pas investir leurs maigres ressources financières et administratives. Cette situation a entraîné l’apparition de différentes formes d’arrangements de coopération (les «accords d’utilisation du sol») entre les pouvoirs locaux et les opérateurs économiques privés.

69.      Les accords d’utilisation du sol visent à permettre l’exercice d’activités de construction dans la zone qu’ils spécifient. Lorsqu’ils signent un tel accord, les pouvoirs locaux donnent des garanties concernant l’utilisation de prérogatives publiques en matière de planification (comme, par exemple, la promesse de définir les droits de construction d’une certaine manière) en échange de contreparties que les opérateurs économiques en question s’engagent à fournir. En d’autres termes, l’adoption d’un plan détaillé comportant certaines spécifications concernant la quantité, la situation et l’usage envisagé des droits de construction est accordée en échange (86) de l’engagement du promoteur qui s’oblige à financer et à réaliser les infrastructures prévues par le plan détaillé et, le cas échéant, à construire les bâtiments nécessaires à des fins collectives telles que des services publics ou du logement social.

70.      Le PAI est un exemple d’accord d’utilisation du sol, mais dont la logique est basée sur une relation où l’initiative émane d’une personne privée, ce qui pose un problème (87). Lorsqu’il a adopté la LRAU et la LUV, le législateur régional entendait mettre fin à la stagnation du développement urbain (et donc à la stagnation de la construction d’infrastructures publiques qui va de pair avec les projets de développement en Espagne) en mettant l’accent sur l’initiative privée et en s’adressant aux promoteurs immobiliers, dont l’activité se distingue tant de la propriété terrienne que de l’activité administrative publique. Les PAI constituent donc, en substance, un système de sélection d’un autre mode de développement urbain (88) en faisant appel à un promoteur chargé de réaliser celui-ci de la manière la plus efficace.

71.      Dans le domaine des marchés publics, et en particulier en ce qui concerne l’exécution des équipements publics afférents aux projets, cela a, cependant, pour effet, comme la Commission l’a indiqué, qu’un tel système est intrinsèquement discriminatoire en raison de la position privilégiée qu’il confère à l’opérateur privé qui prend l’initiative par rapport aux soumissionnaires ultérieurs (89).

72.      Cela explique pourquoi le système des PAI est très difficile à insérer dans le cadre des règles sur les marchés publics.

73.      Chaque fois qu’elle a examiné ce qui est compatible avec ce cadre, la Cour a jusqu’à présent toujours adopté dans sa jurisprudence une approche relativement large, favorable aux marchés publics (90). Sa position a suscité un débat sur le point de savoir si les accords d’utilisation du sol sont des marchés publics ou, plus précisément, des marchés publics de travaux, ou devraient être considérés comme tels, dès lors qu’ils comportent souvent, directement ou indirectement, l’exécution de travaux publics par le promoteur ou par les propriétaires des terrains (91). La question qui s’est avérée particulièrement problématique est celle de l’intérêt pécuniaire ou, plus précisément, celle de savoir si, lorsqu’ils lui attribuent de nouveaux droits de construction, les pouvoirs publics apportent au promoteur la contrepartie financière des infrastructures qu’il est tenu de construire pour eux (92).

74.      Dans l’arrêt Helmut Müller qu’elle a rendu récemment (93), la Cour a cependant refusé de suivre l’interprétation fonctionnelle préconisée par la Commission dans cette affaire, interprétation qui aurait pu soumettre aux règles applicables aux marchés publics de travaux une part considérable des pouvoirs et des activités traditionnellement réservés aux autorités locales en matière de planification et de droit de la construction. La Cour a déclaré que la réglementation sur la passation des marchés publics a pour objet d’appliquer les règles du droit de l’Union à la passation des marchés conclus pour le compte de l’État, des collectivités territoriales et d’autres organismes de droit public (94). Lorsqu’il exerce ses compétences de régulation en matière d’urbanisme en vue de la réalisation de l’intérêt général, le pouvoir adjudicateur ne cherche pas à obtenir une prestation contractuelle ni à satisfaire son intérêt économique direct, ainsi que l’exige la directive 2004/18 (95).

75.      La notion de marchés publics de travaux est une notion autonome et objective du droit de l’Union (96). Selon moi, néanmoins, la Cour devrait faire preuve d’une certaine réserve si une interprétation large d’une notion de droit de l’Union semble avoir pour effet, en pratique, qu’un instrument de droit national perdrait sa raison d’être ou qu’un acte législatif circonstancié du droit de l’Union deviendrait applicable à des situations que le législateur n’avait pas envisagées lorsqu’il a rédigé son texte.

76.      Qualifier les PAI de marchés publics de travaux dans la présente procédure en manquement aurait pour conséquence pratique de décourager les initiatives privées en matière de planification et d’aménagement du territoire, car, s’ils devaient être considérés comme relevant du champ d’application des directives sur la passation des marchés publics, les PAI s’avéreraient incompatibles avec l’objectif principal de la réglementation des marchés publics, à savoir l’égalité de traitement de tous les participants. La seule option qui demeurerait disponible en droit de l’aménagement du territoire serait le modèle classique suivant lequel les pouvoirs publics établissent et adoptent tous les documents relatifs à la planification et à l’utilisation du sol, financent et organisent directement l’exécution et la mise en œuvre des plans au moyen de fonds publics.

77.      C’est pourquoi, lorsqu’elle examinera le point de savoir si la présente affaire soulève des questions relatives à la passation des marchés publics, c’est-à-dire si la réglementation litigieuse relève des directives en la matière, la Cour devrait se garder d’accorder une importance excessive à certains critères des directives sur les marchés publics dans le but de faire rentrer les PAI dans le champ d’application de la réglementation sur les marchés publics. Si elle tombait dans cet écueil, elle se comporterait à la manière d’un «Procuste» (97).

B –    Les conditions d’application des directives

78.      Nul ne conteste en l’espèce que les municipalités qui attribuent des PAI sont des pouvoirs adjudicateurs, que les promoteurs sont des opérateurs économiques et qu’un contrat écrit est conclu entre ces deux parties, au sens des directives 93/37 et 2004/18. De surcroît, le recours de la Commission est dirigé uniquement contre les PAI qui dépassent le seuil prévu par ces deux directives 93/37 et 2004/18.

79.      Ce qui divise les parties, en revanche, c’est le point de savoir si le contrat en question est conclu à titre onéreux au sens des directives applicables.

1.      Le pouvoir adjudicateur conclut-il ce contrat à titre onéreux?

80.      La Cour a interprété la notion de titre onéreux de manière large au regard des objectifs poursuivis par les directives sur la passation des marchés publics, à savoir l’ouverture des marchés publics nationaux à la concurrence et la suppression des entraves à l’exercice des libertés fondamentales reconnues par le traité (98).

81.      Bien que la notion de titre onéreux n’inclue donc pas uniquement des intérêts pécuniaires (99), la question est celle de savoir si c’est le pouvoir adjudicateur lui-même qui doit avoir un intérêt pécuniaire ou bien s’il suffit que cet intérêt pécuniaire existe, de quelque côté que ce soit. Cette dernière interprétation impliquerait que les dispositions concernant les marchés publics de travaux s’appliqueraient également lorsqu’un opérateur privé finance et réalise des travaux publics sur un terrain qui lui appartient en accord avec le pouvoir adjudicateur et avec son autorisation sans en retirer un bénéfice économique correspondant et sans que le pouvoir adjudicateur ait aucune obligation légale quant à l’exécution de ces travaux (100).

82.      Dans l’arrêt Ordine degli Architetti e.a., la Cour a dit pour droit qu’il existait un intérêt pécuniaire dans cette affaire, bien que ce fût le propriétaire du terrain, qui était en même temps le promoteur, qui devait supporter les coûts d’aménagement parce que la municipalité avait l’obligation d’exécuter les travaux d’infrastructures nécessaires.

83.      Je considère que cette affaire-là est différente de celle qui nous occupe aujourd’hui. En renonçant aux droits qui étaient généralement facturés pour le plan de lotissement en pareilles situations, le pouvoir adjudicateur avait subi un préjudice économique, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

84.      Dans son arrêt Parking Brixen, la Cour a jugé que, pour qu’il y ait un marché public de services, il fallait que celui-ci comporte une contrepartie payée directement par le pouvoir adjudicateur au fournisseur de services (101). Elle a donc estimé que le service en question dans cette affaire (à savoir la gestion d’un parking public payant) n’était pas un marché public de services, parce que la rémunération ne provenait pas de l’autorité publique concernée, mais des montants versés par les tiers pour l’usage du parking en cause (102).

85.      Dans les conclusions qu’il a présentées récemment dans l’affaire Helmut Müller, l’avocat général Mengozzi a considéré que la notion de contrat à titre onéreux est fondée sur l’idée d’un échange de services entre le pouvoir adjudicateur, qui paie un prix, et l’adjudicataire, appelé à réaliser des travaux ou des ouvrages. Selon lui, les marchés publics sont donc clairement des contrats synallagmatiques (103).

86.      Je partage son opinion. Selon moi, pour qu’il y ait un contrat à titre onéreux, il faut que le pouvoir adjudicateur supporte la charge économique soit positivement, sous la forme d’une obligation de paiement à l’opérateur économique, soit négativement, sous la forme d’une perte de revenus ou de ressources auxquels il aurait normalement eu droit.

87.      Contrairement à ce que soutient la Commission, la simple possibilité pour le pouvoir adjudicateur d’exiger d’un tiers qu’il paie les travaux ou les services ne saurait être suffisante en soi lorsqu’il n’y a pas de relation synallagmatique de la nature d’un échange de prestations ayant une valeur économique tangible entre le pouvoir adjudicateur et les opérateurs économiques qui réalisent les travaux ou exécutent les services en question.

88.      Cette conclusion est corroborée par le fait qu’un des objectifs des directives sur les marchés publics est de garantir l’absence de distorsion de la concurrence lorsque des pouvoirs adjudicateurs dépensent de l’argent dans des marchés publics (104). Il en résulte que, lorsque le pouvoir adjudicateur n’utilise pas de fonds publics, il n’existe aucun risque de distorsion de la concurrence au sens des directives 93/37 et 2004/18 (105).

89.      La condition exigeant que le contrat ait été conclu à titre onéreux implique donc que le pouvoir adjudicateur utilise ses propres ressources soit directement, soit indirectement (106). Il financera les travaux ou services en cause directement lorsqu’il utilisera des fonds publics pour les payer. Il les financera indirectement lorsque sa méthode de financement des travaux ou des services entraînera pour lui un désavantage économique.

90.      Dans la présente procédure en manquement, c’est au promoteur immobilier qu’il incombe de financer le projet en cas de procédure PAI indirecte, mais il a le droit de se faire rembourser ses impenses par les propriétaires terriens. Ce sont donc ces derniers qui paient les travaux publics qu’exige le projet.

91.      La condition qu’il s’agisse d’un contrat à titre onéreux n’étant pas remplie dans la présente action en manquement, la seule possibilité que les directives 93/37 et 2004/18 s’appliquent à la réglementation régionale est qu’elles puissent être considérées comme équivalant à des concessions de travaux publics, puisque les concessions de services publics sont exclues du champ d’application de ces directives (107).

2.      Y a-t-il concession de travaux publics?

92.      La présente procédure en manquement suscite un important débat concernant la question de savoir si le PAI a pour objet principal un service ou l’exécution de travaux publics, car l’un comme l’autre éléments sont manifestement présents (108). Nous n’examinerons cependant pas cette question, parce que, selon moi, la situation présente ne peut pas être assimilée à une concession de travaux publics et parce que le recours en manquement ne concerne pas les concessions de service public.

93.      Une concession de travaux publics est un contrat présentant les mêmes caractéristiques qu’un marché public, à l’exception du fait que la contrepartie des travaux consiste soit uniquement dans le droit d’exploiter l’ouvrage, soit dans ce droit assorti d’un prix (109). Dans la situation présente, le promoteur (qui est le concessionnaire en l’espèce) n’a pas le droit d’exploiter l’ouvrage.

94.      Dans les PAI, une fois terminés, tous les ouvrages publics définis dans le marché (à savoir les routes et leur revêtement, les emplacements de parking, la signalisation routière, les réseaux de distribution d’eau, de gaz et d’électricité, le réseau d’égouttage et l’aménagement d’espaces verts, y compris l’aménagement de parcs et la plantation d’arbres) deviennent la propriété du pouvoir adjudicateur (110). En tant que tels, ils peuvent être utilisés gratuitement (les rues, les parcs, les bâtiments publics) ou contre une somme d’argent définie par le pouvoir adjudicateur ou par l’organisme auquel ont été confiés la gestion et l’entretien des infrastructures. Les promoteurs n’obtiennent pas le droit d’exploiter ces ouvrages publics, parce qu’ils n’ont pas la possibilité de recouvrer le prix d’utilisation auprès des utilisateurs des infrastructures dans ces cas-là. En revanche, les propriétaires des terrains les rémunèrent en argent ou au moyen de parcelles de terrains. Néanmoins, recevoir des parcelles de terrains ne peut pas être considéré comme étant une exploitation des ouvrages publics, puisque les travaux publics définis par un PAI consistent dans la construction d’infrastructures ainsi que les connexions nécessaires aux réseaux existants (111). Ces parcelles sont leur propriété et ils peuvent donc les exploiter, mais ils le feront non pas en qualité de concessionnaires, mais en qualité de propriétaires.

95.      Il résulte de ce qui précède qu’il n’existe aucun droit d’exploiter les travaux réalisés en exécution du PAI et que le marché ne peut pas être assimilé à une concession de travaux publics, même si l’on considère que l’objectif principal du marché est l’exécution de travaux.

96.      Si les PAI devaient être considérés comme portant essentiellement sur un service, la question se poserait de savoir si le promoteur a le droit d’exploiter son propre service (112). La réponse à cette question n’a pas une valeur décisive pour résoudre le présent recours en manquement dès lors que, si les PAI devaient être assimilés à des concessions de services, ils tomberaient en dehors du champ d’application des directives mentionnées dans les conclusions de la requête de la Commission.

97.      Néanmoins, même en admettant que transférer la propriété du terrain au promoteur peut être considéré comme équivalant à l’octroi d’un droit d’exploitation (ce qui n’est pas le cas, selon moi), un tel droit est accordé pour une période indéterminée et est, dès lors, incompatible avec la définition d’une concession que la Cour a donnée dans les arrêts Helmut Müller et Pressetext Nachrichtenagentur (113).

98.      C’est la raison pour laquelle je considère que les directives 93/37 et 2004/18 ne s’appliquent pas à la présente situation et que le recours de la Commission doit, dès lors, être rejeté.

VI – Conclusion

99.      Je propose à la Cour de rejeter le recours de la Commission européenne et de la condamner aux dépens.


1 – Langue originale: anglais.


2 – Loi n° 6/1994, du 15 novembre 1994, énonçant les règles de l’activité urbanistique dans la Communauté de Valence (Ley 6/1994, de 15 noviembre, Reguladora de la Actividad Urbanística de la Communidad Valenciana, ci-après la «LRAU»).


3 – La LRAU a été abrogée avec effet au 1er février 2006 par la loi n° 16/2005, du 30 décembre 2005, instituant le code de l’urbanisme de la Communauté de Valence (Ley 16/2005, de 30 diciembre, Urbanística Valenciana, ci-après la «LUV»).


4 – Directive du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 199, p. 54), telle que modifiée par la directive 97/52/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 1997 (JO L 328, p. 1), et par la directive 2001/78/CE de la Commission, du 13 septembre 2001 (JO L 285, p. 1).


5 – La directive 93/37 a été remplacée, à partir du 31 janvier 2006, par la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO L 134, p. 114).


6 – Commission des pétitions du Parlement européen, note aux membres, 25 janvier 2007 (CM\650375, PE341.524/REVII, ci-après le «rapport PE»).


7 – Par exemple, en ce qui concerne le caractère équitable de l’expropriation ou l’obligation faite aux propriétaires terriens de payer pour les infrastructures, matière qui relève de la compétence des États membres conformément à l’article 295 CE (rapport PE, p. 7 et 14).


8 – Notamment en ce qui concerne le dommage subi par l’environnement, dès lors que la Commission considérait que les autorités espagnoles effectuaient des études d’impact sur l’environnement pour tous les plans généraux, comme la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO L 175, p. 40), leur imposait de le faire (rapport PE, p. 7 et 12 à 14).


9 – Rapport du Parlement européen intitulé: «On the alleged abuse of the Valencian Land Law known as the LRAU and its effect on European citizens» (Fourtou), A6-0382/2005, p. 5, paragraphe I (http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//NONSGML+REPORT+A6-2005-0382+0+DOC+PDF+VO//EN&LANGUAGE=EN).


10 – Le présent recours en manquement ayant été introduit avant l’entrée en vigueur du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JO 2008, C 115, p. 47), nous conserverons les références aux articles du traité instituant la Communauté européenne (JO 2002, C 325, p. 33) tout au long des présentes conclusions.


11 – Article 1er, sous a), de la directive 93/37.


12 – Article 1er, sous b), de la directive 93/37.


13 – Article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 2004/18.


14 – Article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive 2004/18.


15 – Article 1er, paragraphe 2, sous d), de la directive 2004/18.


16 – Article 1er, paragraphe 3, de la directive 2004/18.


17 – Article 1er, paragraphe 4, de la directive 2004/18.


18 – Article 17 de la directive 2004/18. L’article 17 s’applique sans préjudice des dispositions de l’article 3, qui a trait à l’octroi de droits spéciaux ou exclusifs d’exercer une activité de service public. L’article 3 n’a toutefois aucune pertinence aux fins de la présente affaire.


19 – Article 16, sous a), de la directive 2004/18.


20 – Article 148, paragraphe 1, de la Constitution espagnole de 1978.


21 – Article 33 de la Constitution espagnole de 1978.


22 – Article 47 de la Constitution espagnole de 1978.


23 – Décret royal législatif n° 2/2008 approuvant le texte codifié de la loi sur l’occupation du sol (Real Decreto Legislativo 2/2008 por el que se aprueba el texto refundido de la ley del suelo, ci-après le «TRLS», BOE n° 154, du 26 juin 2008).


24 – Article 3 du TRLS.


25 – Article 6, sous a), du TRLS.


26 – Article 16 du TRLS.


27 – Lequel requiert un plan général d’occupation du sol («Plan General de Ordenación Urbana»), qui répartit la totalité du territoire municipal en trois catégories de terrains: les terrains urbains existants, les terrains à aménager à l’avenir et les terrains ou zones rurales qui ne peuvent pas l’être. Voir Muñoz Gielen, D., et Korthals Altes, W., «Lessons from Valencia: Separating infrastructure provision from land ownership», Town and Planning Review 2007, volume 78(1), p. 61 et 62. L’aménagement urbain implique le transfert de terrains de la deuxième catégorie vers la première. L’urbanisation («urbanizacíon») implique la planification, le remembrement, des études d’ingénierie et la viabilisation des terrains (Muñoz Gielen, D., et Korthals Altes, W., ibidem, p. 62).


28 – Article 6, paragraphe 2, de la LRAU ainsi qu’articles 14 et 15 de la LUV.


29 – Article 7, paragraphe 2, de la LRAU ainsi qu’articles 3 et 117, paragraphe 4, de la LUV.


30 – Article 7, paragraphe 2, de la LRAU et article 130, paragraphe 3, de la LUV.


31 – Les propriétaires des terrains portent la responsabilité économique sous la forme de taxes d’aménagement particulières dans ces cas également.


32 – Article 7 de la LRAU et article 117, paragraphe 4, de la LUV.


33 – L’article 12 de la LRAU établit la liste de différents plans de développement urbain. Le PAI figure dans cette liste sous g).


34 – Muñoz Gielen, D., et Korthals Altes, W., op. cit. note 27, p. 67.


35 – Article 44 de la LRAU et articles 118 et 130 de la LUV.


36 – Article 29 de la LRAU et article 151 de la LUV.


37 – Articles 45, paragraphe 1, et 32 de la LRAU.


38 – Article 125, paragraphe 2, de la LUV, qui correspond à l’article 32 de la LRAU. L’article 126 de la LUV dresse la liste des postes qui doivent être inclus dans l’offre technique.


39 – À savoir tout journal d’information générale publié dans la région de Valence ainsi que le Diario Oficial de la Generalidad Valenciana (journal officiel de la Communauté de Valence).


40 – Article 45, paragraphe 2, de la LRAU.


41 – Article 46 de la LRAU.


42 – Article 125, paragraphe 3, de la LUV, qui correspond à l’article 32 de la LRAU. L’article 127 de la LUV dresse la liste des sujets qui doivent être inclus dans le plan de financement. La proposition de financement détermine, par exemple, les coûts de développement, le coefficient d’échange, qui détermine la proportion entre le terrain avant son aménagement et le nombre de droits de construction que les propriétaires recevront, ainsi que les modalités de financement du PAI.


43 – Article 47, paragraphe 1, de la LRAU.


44 – Article 48 de la LRAU.


45 – Article 130 de la LUV. La liste des documents qui doivent être déposés figure à l’article 131, paragraphe 2, de la LUV.


46 – Article 131, paragraphe 2, de la LUV.


47 – Article 135 de la LUV.


48 – Article 130, paragraphe 3, de la LUV.


49 – Article 131, paragraphe 2, de la LUV.


50 – En cas de silence de l’administration; article 130, paragraphe 5, de la LUV.


51 – Article 132, paragraphe 2, de la LUV.


52 – Article 137, paragraphe 5, de la LUV.


53 – Article 29, paragraphe 2, de la LRAU et article 117 de la LUV.


54 – Article 6, paragraphe 3, de la LRAU et article 14 de la LUV.


55 – Article 30 de la LRAU et article 124 de la LUV.


56 – Article 30, paragraphe 2, de la LRAU et article 124, paragraphe 2, de la LUV.


57 – Selon Muñoz Gielen, D., et Korthals Altes, W., op. cit. note 27, p. 67, cela peut inclure la construction de bâtiments publics (tels qu’une piscine et des installations sportives). Le coût de ceux-ci ne peut pas être inclus dans les coûts d’urbanisation et doit être financé sur les marges bénéficiaires du promoteur.


58 – Article 47 de la LRAU.


59 – Article 47 de la LRAU et article 137 LUV.


60 – Article 188, paragraphe 2, de la LUV.


61 – Article 23 de la LUV.


62 – Article 29, paragraphe 6, de la LRAU et article 119 de la LUV.


63 – Cela implique que, conformément à la LUV, le promoteur doit diviser la totalité du terrain à aménager et redistribuer les parcelles aux différents propriétaires et à la municipalité lorsque les travaux sont terminés, de sorte que les propriétaires reçoivent des terrains viabilisés dans la même proportion (par rapport aux autres propriétaires) que la superficie qu’ils ont apportée à l’opération d’aménagement. Cet échange peut se faire uniquement au moyen de terrains ou au moyen de terrains et d’argent.


64 – Article 119 de la LUV.


65 – Article 71 de la LRAU.


66 – Article 29, paragraphe 9, sous c), de la LRAU ainsi qu’articles 28, paragraphe 2, 32 et 162, paragraphe 3, de la LUV.


67 – Muñoz Gielen, D., et Korthals Altes, W., op. cit. note 27, p. 68.


68 – Article 29, paragraphe 9, sous b), de la LRAU et article 162 LUV.


69 – Article 67 de la LRAU et article 168 de la LUV – travaux de viabilisation et autres ouvrages nécessaires; restauration de bâtiments; rédaction et gestion de projets techniques; coûts de gestion; honoraires afférents aux rapports techniques, etc.


70 – Directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1).


71 – Il me semble que le texte du décret n° 67/2006 ne figure pas dans le dossier.


72 – C’est du libellé de la requête que la Cour peut inférer telle prétention particulière du requérant. Voir l’arrêt qu’elle a rendu le 10 décembre 1957 dans l’affaire ALMA/Haute Autorité (8/56, Rec. p. 179, points 99 et 100), et celui qu’elle a prononcé le 1er juillet 1964 dans l’affaire Degreef/Commission (80/63, Rec. p. 767, point 408).


73 – Voir l’arrêt que la Cour a rendu le 23 octobre 2007 dans l’affaire Commission/Allemagne (C‑112/05, Rec. p. I‑8995).


74 – La Cour est tenue par l’objet du litige tel qu’il est défini dans la requête (voir l’arrêt que la Cour a rendu le 25 septembre 1979 dans l’affaire Commission/France (232/78, Rec. p. I‑2729, point 3). La Cour doit être en mesure de définir l’objet du litige avec précision sur la base de la requête (arrêts du 27 février 1980, Commission/France, 168/78, Rec. p. 347, points 17 à 25, et du 28 janvier 1986, Commission/France, 270/83, Rec. p. 273, points 7 à 10).


75 – Déjà citée à la note 70.


76 – Arrêts du 10 avril 2003, Commission/Allemagne (C‑20/01 et C‑28/01, Rec. p. I‑3609, point 29 et jurisprudence citée), et du 2 juin 2005, Commission/Grèce (C‑394/02, Rec. p. I‑4713, point 16).


77 – Arrêts du 10 avril 2003, Commission/France (C‑114/02, Rec. p. I‑3783, point 9), et du 14 juillet 2005, Commission/Allemagne (C‑433/03, Rec. p. I‑6985, point 32).


78 – La directive 2004/18 a été adoptée le 31 mars 2004. Son délai de mise en œuvre a expiré le 31 janvier 2006 et la directive 93/37 a été abrogée le même jour. La LUV, adoptée par le Parlement de la Communauté autonome de Valence le 22 décembre 2005, est, elle aussi, entrée en vigueur le 31 janvier 2006.


79 – Conformément à la copie de la LUV qui a été versée au dossier, cette loi devait entrer en vigueur le 12 janvier 2006. Le dossier ne contient aucune information concernant le moment auquel cette date a été postposée jusqu’au 31 janvier 2006 ni la raison pour laquelle elle l’a été.


80 – Voir arrêt du 2 février 1988, Commission/Belgique (293/85, Rec. p. 305, point 14).


81 – Ibidem, point 14.


82 – Il est également intéressant d’observer que, jusqu’au mois de février 2005, le manuel de procédure (document interne de la Commission) prévoyait que, durant les périodes de congé, y compris la période de Noël, tout délai fixé devait être prorogé d’un mois. Il semble que cette règle officieuse a été abrogée et supprimée du nouveau manuel de procédure que la Commission a adopté en février 2005. Voir Eberhard et Riedl, Kommentar zu EU- und EG-Vertrag, Mayer (éd.), article 226 CEE, points 42 et 52.


83 – Arrêt Commission/Belgique, déjà cité à la note 80, point 14.


84 – Voir arrêt du 31 janvier 1984, Commission/Irlande (74/82, Rec. p. 317, points 12 et 13).


85 – Sur la manière dont les initiatives privées peuvent contribuer à la mise en place de services publics présentant un rapport coût/efficacité satisfaisant, voir Bovis, C., EC Public Procurement: Case Law and Regulation, OUP, 2006 (réédité en 2009), chapitre 10: «Public Procurement and Public-Private Partnerships». Pour plus de détails sur la façon dont des initiatives privées ont aidé à relancer le processus de développement urbanistique à Valence, voir Muñoz Gielen, D., et Korthals Altes, W., op. cit. note 27.


86 – Dans de nombreux systèmes juridiques, cependant, les droits de construction ne sont pas conçus comme étant créés par les décisions de planification adoptées par les pouvoirs publics, mais ils préexistent, d’une certaine manière, en tant que droits de propriété des propriétaires de terrains non viabilisés, même s’ils ne peuvent pas être exercés avant l’adoption d’un plan détaillé. Tel semble être le point de départ de la loi espagnole également (Muñoz Gielen, D., et Korthals Altes, W., op. cit. note 27, p. 61 et 62). D’un point de vue juridique, il est fréquent que l’éventuel contenu d’un plan détaillé soit soumis à un cadre de droit public qui restreint la possibilité pour les pouvoirs locaux de s’engager à adopter un plan déterminé en échange d’engagements pris par une entreprise privée.


87 – Bien que, d’un point de vue technique, aussi bien les pouvoirs locaux que l’opérateur privé peuvent prendre l’initiative du PAI. C’est pour augmenter le nombre d’initiatives privées dans les projets d’urbanisation qu’au cours des années 1990, le législateur a opté, dans la LRAU, pour un modèle qui place l’accent sur le rôle central du promoteur. Pour plus d’informations à ce sujet, voir Muñoz Gielen, D., et Korthals Altes, W., op. cit. note 27, p. 65.


88 – Le Royaume d’Espagne a expliqué que la sélection d’une initiative PAI peut impliquer, par exemple, un choix entre construire un centre commercial ou des logements.


89 – Toutefois, la LUV a introduit une distinction entre le promoteur et le constructeur d’ouvrages publics en obligeant le premier, sauf dans quelques cas exceptionnels, à engager un constructeur conformément aux règles de l’Union européenne en matière de marchés publics.


90 – Voir la solution qu’elle a adoptée dans l’arrêt du 12 juillet 2001, Ordine degli Architetti e.a. (C‑399/98, Rec. p. I‑5409), et qu’elle a appliquée également dans les arrêts du 20 octobre 2005, Commission/France (C‑264/03, Rec p. I‑8831, points 56 à 58); du 18 janvier 2007, Auroux e.a. (C‑220/05, Rec. p. I‑385), et du 21 février 2008, Commission/Italie (C‑412/04, Rec. p. I‑619, points 70 à 75).


91 – À propos de ce débat, voir Hakkola, E., Hankintalainsäädäntö ja maankäyttösopimukset, «Public procurement legislation and land-use agreements», Lakimies 5/2007, p. 723 à 745, et Paradissis, J., «Planning agreements and EC public procurement law», Journal of Planning & Environment Law, 2003, p. 666 à 677.


92 – Hakkola, E., p. 741, et Paradissis, J., p. 669 à 672, op. cit.


93 – Arrêt du 25 mars 2010 (C‑451/08, non encore publié au Recueil).


94 – Ibidem, point 46.


95 – Ibidem, point 57.


96 – La Cour a appliqué les directives sur la passation des marchés publics à différents régimes de planification chaque fois qu’elle a considéré qu’ils remplissaient les conditions objectives de la directive (voir arrêts Ordine degli Architetti e.a., Auroux e.a. et du 20 octobre 2005, Commission/France, tous précités à la note 90). Dans sa jurisprudence antérieure, elle avait considéré que les objectifs poursuivis par les pouvoirs publics étaient dénués de pertinence (voir arrêts Ordine degli Architetti e.a. et Commission/Italie, précités à la note 90, point 70), mais a centré son attention sur le point de savoir si les critères permettant de conclure à l’existence d’un marché public étaient remplis.


97 – Dans la mythologie grecque, Procuste était un odieux bandit d’Attique, forgeron de son état, qui capturait les voyageurs et les attachait sur un lit, les écartelant s’ils étaient trop petits ou les mutilant s’ils étaient trop grands de façon à ce qu’ils aient la taille du lit.


98 – Deuxième considérant de la directive 2004/18; point 57 des conclusions que l’avocat général Kokott a présentées dans l’affaire Auroux e.a., précitée à la note 90.


99 – C’est le seul aspect sur lequel la Cour s’est penchée jusqu’à ce jour lorsqu’elle a examiné la notion de «titre onéreux».


100 – Tel serait le cas conformément à l’article 120, paragraphe 7, de la LUV, qui exonère le promoteur de l’obligation de lancer un appel d’offres pour la sélection de l’entreprise qui réalisera les travaux publics prévus par le PAI lorsque le terrain appartient à une seule personne ou lorsque les propriétaires des terrains et le promoteur ont abouti à un accord unanime.


101 – Arrêt du 13 octobre 2005 (C‑458/03, Rec. p. I‑8585, point 39).


102 – Ibidem, point 40.


103 – Point 77 des conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Helmut Müller, déjà citée à la note 93.


104 – Comme cela peut être déduit de l’objectif général de prévention de toute distorsion de la concurrence qui figure dans le deuxième considérant. Voir également Bovis, C., op. cit. à la note 85, p. 14 à 22.


105 – Cette situation est analogue à celles dans lesquelles les règles du droit de l’Union relatives aux aides d’État ne s’appliquent pas parce qu’aucune charge pour le Trésor public ne correspond à l’avantage créé par les règles nationales applicables, dès lors que l’avantage est financé par des moyens privés. Voir, par exemple, arrêts du 17 mars 1993, Sloman Neptun (C‑72/91 et C‑73/91, Rec. p. I-887, points 19 et 21), et du 13 mars 2001, PreussenElektra (C‑379/98, Rec. p. I-2099, points 59 à 61).


106 – Au point 20 de l’arrêt qu’elle a rendu le 18 novembre 2004 dans l’affaire Commission/Allemagne (C‑126/03, Rec. p. I‑11197), la Cour a dit pour droit que l’emploi de ressources publiques n’est pas un élément déterminant l’existence ou non d’un marché public au sens des articles 8 et 11 de la directive 92/50. Dans cette affaire-là, l’autorité publique (la ville de Munich) s’était vu adjuger un marché public de services par un autre pouvoir adjudicateur et la question se posait de savoir si la ville de Munich avait agi légalement lorsqu’elle avait confié par avance à une entreprise privée la responsabilité d’un service compris dans le marché public susvisé sans lancer un appel d’offres conformément à la directive en question. Dans ce contexte, il existait de toute évidence un échange économique entre la ville et l’entreprise privée, même si cet échange était manifestement financé au moyen de revenus «privés» que la ville percevait pour le marché public de services qui lui avait été adjugé. Je ne crois pas que la Cour avait l’intention de déclarer que la notion de contrat à titre onéreux ne serait pas un élément essentiel d’un marché public ou qu’un tel intérêt pécuniaire ne doit pas trouver son origine, directe ou indirecte, dans les ressources du pouvoir adjudicateur. Toute la ratio legis des règles de l’Union européenne sur les marchés publics est de créer des conditions concurrentielles, transparentes et non discriminatoires dans les échanges économiques entre les pouvoirs publics et les entreprises, et non pas de réguler les relations économiques entre entreprises qui se fournissent réciproquement des biens ou des services.


107 – La directive 93/37 s’applique aux travaux, tandis que l’article 17 de la directive 2004/18 exclut les services du champ d’application de celle-ci. L’article 17 s’applique sans préjudice des dispositions de l’article 3 de cette directive 2004/18, mais cet article est dénué de pertinence aux fins de la présente espèce.


108 – En l’espèce, la réponse à la question concernant l’objet principal du marché dépend du point de savoir si l’accent est mis sur la structure des coûts du projet ou sur le profit engendré par un PAI. Selon les informations éparses que contient le dossier, la composante travaux publics est manifestement plus importante que la composante services dans les coûts du projet. Néanmoins, le Royaume d’Espagne souligne que les PAI ont le caractère de services en matière d’investissement dans la propriété immobilière et il se réfère en cela au fait que les travaux publics n’ont qu’un caractère incident par rapport à l’objectif global d’un PAI, qui est de créer des parcelles constructibles pour des activités privées de construction. D’un point de vue économique, le PAI doit donc procurer aux propriétaires terriens des opportunités économiques dont la valeur excède les coûts des travaux publics et autres coûts d’aménagement, en ce compris la rémunération du promoteur. Dans les deux PAI auxquels D. Muñoz Gielen et W. Korthals Altes se réfèrent à la page 69 de l’ouvrage cité à la note 27, les coûts d’aménagement par mètre carré de droits de construction s’élevaient à 89 euros et à 54 euros respectivement, alors que le prix du marché pour les terrains viabilisés par mètre carré de droits de construction s’élevait respectivement à 512 euros et à 500 euros environ. Cet élément peut corroborer la thèse suivant laquelle l’objet économique et juridique d’un PAI est celui d’un service public fourni par le promoteur aux propriétaires terriens, et non pas l’exécution de travaux publics pour le compte du pouvoir adjudicateur.


109 – Article 1er, paragraphe 3, de la directive 2004/18 et article 1er, sous d), de la directive 93/37.


110 – Conformément à l’article 16 du TRLS, les propriétaires des terrains sont tenus de fournir aux autorités compétentes les terrains nécessaires à la construction de routes, à l’aménagement d’espaces verts et autres espaces collectifs, de même qu’une part comprise entre 5 et 15 % de leur(s) terrain(s) qui seront affectés à des fins publiques. Cet article est mis en œuvre par l’article 23 de la LUV, qui fait aux propriétaires de terrains l’obligation de céder gratuitement du terrain à des fins publiques dans le cadre d’un projet de lotissement. (On rappellera que les parcelles constructibles que reçoivent les propriétaires de terrains ne sont pas nécessairement situées sur les terrains qu’ils possédaient avant le PAI.) Conformément à l’article 180, paragraphe 2, de la LUV, le remembrement («reparcelación forzosa») implique la cession de ces parcelles au pouvoir local concerné. L’article 188, paragraphe 2, de la LUV précise le moment où les travaux d’aménagement urbain seront réputés avoir été reçus par l’administration ainsi que le moment où l’obligation d’en assurer l’entretien lui a été transférée. Il résulte de tout ce qui précède que, si les PAI devaient être qualifiés de marchés publics de services, ils seraient exclus du champ d’application de la directive 2004/18, dès lors qu’ils concernent l’acquisition de terrains ou d’autres droits de propriété immobilière.


111 – Conformément à l’article 11 de la LUV, les parcelles viabilisées («solares») sont des parcelles qui ont été aménagées et disposent au moins des services suivants: i) accès par une ou plusieurs routes ouvertes au public, ii) approvisionnement en eau potable et en électricité en quantités suffisantes pour répondre à la demande prévisible, iii) réseau d’égouttage, iv) accès piétons avec des rues pavées et éclairées. Les parcelles viabilisées doivent, en outre, avoir été raccordées aux infrastructures nécessaires ainsi qu’aux services publics du secteur environnant.


112 – Le Royaume d’Espagne soutient que le PAI devrait être considéré comme une concession de services lorsque le concessionnaire acquiert le droit de fournir et d’exploiter un service public.


113 – Arrêts Helmut Müller, déjà cité à la note 93, point 79, et du 19 juin 2008, Pressetext Nachrichtenagentur, (C‑454/06, Rec. p. I‑4401, point 74). La Cour y a dit pour droit que l’octroi d’une concession pour une période indéterminée peut avoir pour effet, à terme, d’entraver la concurrence et serait dès lors incompatible avec l’objectif essentiel des règles en matière de marchés publics.