CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME VERICA TRSTENJAK

présentées le 4 juin 2009 ( 1 )

Affaire C-536/07

Commission des Communautés européennes

contre

République fédérale d’Allemagne

Table des matières

 

I — Introduction

 

II — Cadre juridique

 

III — Les faits

 

IV — Procédure précontentieuse

 

V — Procédure devant la Cour et argumentation des parties

 

VI — Principaux arguments des parties

 

A — Sur la recevabilité du recours

 

B — Sur le bien-fondé du recours

 

VII — Appréciation juridique

 

A — Sur la recevabilité du recours

 

B — Sur le bien-fondé du recours

 

1. Remarques introductives

 

2. La position de la ville de Cologne en tant qu’entité adjudicatrice par rapport à la GKM-GbR

 

3. Le contrat principal du 6 août 2004 en tant que marché mixte de travaux et de services

 

4. Détermination de l’objet principal du contrat principal mixte du 6 août 2004

 

5. Conclusion

 

VIII — Sur les dépens

 

IX — Conclusion

«Manquement d’État — Marchés publics de travaux — Directive 93/37/CEE — Contrat entre une entité publique et une entreprise privée portant sur la location, à la première, de halls d’exposition à construire par la seconde — Rémunération de l’entreprise privée par le versement d’un loyer mensuel pendant 30 ans»

I — Introduction

1.

La présente affaire repose sur un recours en manquement formé par la Commission des Communautés européennes en vertu de l’article 226 CE, par lequel celle-ci demande qu’il plaise à la Cour constater que la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées des articles 7 et 11 de la directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux ( 2 ), en ce que la ville de Cologne a conclu avec la Grundstücksgesellschaft Köln Messe 15 bis 18 GbR (ci-après la «GKM-GbR») un contrat portant sur la construction et la jouissance subséquente pour trente ans de quatre halls d’exposition, y compris leurs superstructures et infrastructures, sans effectuer une procédure d’adjudication avec appel d’offres européen conformément auxdites dispositions.

2.

Pour examiner ce recours, il y a lieu tout d’abord de vérifier si les effets de la violation invoquée du droit des marchés publics étaient entièrement épuisés avant l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, ce qui aurait pour conséquence que le recours devrait être rejeté pour irrecevabilité. Ensuite, il convient de vérifier s’il existe un marché public de travaux, au sens du droit des marchés publics, dans lequel la ville de Cologne serait l’entité adjudicatrice.

II — Cadre juridique

3.

Les deuxième et dixième considérants de la directive 93/37 sont libellés comme suit:

«considérant que la réalisation simultanée de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services en matière de marchés publics de travaux, conclus dans les États membres pour le compte de l’État, des collectivités territoriales et d’autres organismes de droit public, comporte, parallèlement à l’élimination des restrictions, une coordination des procédures nationales de passation des marchés publics de travaux;

[…]

considérant que le développement d’une concurrence effective dans le domaine des marchés publics nécessite une publicité communautaire des avis de marchés établis par les pouvoirs adjudicateurs des États membres; que les informations contenues dans ces avis doivent permettre aux entrepreneurs de la Communauté d’apprécier si les marchés proposés les intéressent; que, à cet effet, il convient de leur donner une connaissance suffisante des prestations à fournir et des conditions dont elles sont assorties […]»

4.

L’article 1er de la directive 93/37 dispose:

«Aux fins de la présente directive:

a)

les ‘marchés publics de travaux’ sont des contrats à titre onéreux, conclus par écrit entre, d’une part, un entrepreneur et, d’autre part, un pouvoir adjudicateur défini au point b) et ayant pour objet soit l’exécution, soit conjointement l’exécution et la conception des travaux relatifs à une des activités visées à l’annexe II ou d’un ouvrage défini au point c), soit la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d’un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur;

b)

sont considérés comme ‘pouvoirs adjudicateurs’, l’État, les collectivités territoriales, les organismes de droit public et les associations formées par une ou plusieurs de ces collectivités ou de ces organismes de droit public.

On entend par ‘organisme de droit public’ tout organisme:

créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial

et

doté de la personnalité juridique

et

dont soit l’activité est financée majoritairement par l’État, les collectivités territoriales ou d’autres organismes de droit public, soit la gestion est soumise à un contrôle par ces derniers, soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié est désignée par l’État, les collectivités territoriales ou d’autres organismes de droit public.

[…]

c)

on entend par ‘ouvrage’ le résultat d’un ensemble de travaux de bâtiment ou de génie civil destiné à remplir par lui-même une fonction économique ou technique;

[…]

e)

les ‘procédures ouvertes’ sont les procédures nationales dans lesquelles tout entrepreneur intéressé peut présenter une offre;

f)

les ‘procédures restreintes’ sont les procédures nationales dans lesquelles seuls les entrepreneurs invités par les pouvoirs adjudicateurs peuvent présenter une offre;

g)

les ‘procédures négociées’ sont les procédures nationales dans lesquelles les pouvoirs adjudicateurs consultent les entrepreneurs de leur choix et négocient les conditions du marché avec un ou plusieurs d’entre eux;

[…]»

5.

En vertu de l’article 6 de la directive 93/37, celle-ci ne s’applique pas aux marchés de travaux dont la valeur ne dépasse pas 5000000 d’euros.

6.

Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/37, pour passer leurs marchés publics de travaux, les pouvoirs adjudicateurs appliquent les procédures ouvertes, restreintes et négociées visées à l’article 1er sous une forme adaptée à la directive. L’article 7, paragraphe 2, énumère ensuite les cas dans lesquels les marchés publics de travaux peuvent être passés en ayant recours à la procédure négociée avec publication d’un avis de marché, alors que le paragraphe 3 prévoit les cas dans lesquels les marchés de travaux peuvent être passés en ayant recours à la procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché. Dans tous les autres cas, en vertu de l’article 7, paragraphe 4, de ladite directive, les pouvoirs adjudicateurs passent leurs marchés de travaux en ayant recours à la procédure ouverte ou à la procédure restreinte.

7.

L’article 11 de la directive 93/37 dispose:

«1.   Les pouvoirs adjudicateurs font connaître, au moyen d’un avis indicatif, les caractéristiques essentielles des marchés de travaux qu’ils entendent passer et dont les montants égalent ou dépassent le seuil indiqué à l’article 6 paragraphe 1.

2.   Les pouvoirs adjudicateurs désireux de passer un marché public de travaux par procédure ouverte, restreinte ou négociée dans les cas visés à l’article 7 paragraphe 2 font connaître leur intention au moyen d’un avis. […]»

8.

L’article 1er de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services ( 3 ) dispose:

«Aux fins de la présente directive:

a)

les ‘marchés publics de services’ sont des contrats à titre onéreux, conclus par écrit entre un prestataire de services et un pouvoir adjudicateur, à l’exclusion:

[…]

iii)

des marchés qui ont pour objet l’acquisition ou la location, quelles qu’en soient les modalités financières, de terrains, de bâtiments existants ou d’autres biens immeubles ou qui concernent des droits sur ces biens; toutefois, les contrats de services financiers conclus parallèlement, préalablement ou consécutivement au contrat d’acquisition ou de location, sous quelque forme que ce soit, sont soumis à la présente directive […]»

III — Les faits

9.

Le présent recours en manquement porte sur la construction, à l’initiative de la ville de Cologne, de quatre nouveaux halls d’exposition, y compris leurs superstructures et infrastructures, par une entreprise privée, la GKM-GbR. Il était dès le départ prévu que l’exploitant de ces halls d’exposition serait la Kölnmesse GmbH, une société de droit privé, dont 79 % des parts étaient détenues par la ville de Cologne et 20 % par le Land de Rhénanie du Nord-Westphalie et dont l’objet est, aux termes de ses statuts, l’organisation et la tenue de foires et d’expositions pour promouvoir l’industrie, le commerce et l’artisanat.

10.

Les premiers plans pour la construction des quatre nouveaux halls d’exposition sur le site de la foire avaient déjà été développés par la Kölnmesse GmbH au début des années 1990. Partant de la constatation que les «halls rhénans» (halls d’exposition 1, 2, 3 et 5) utilisés par elle, en tant que successeur («Erbbaurechtnehmer») de la ville de Cologne, pour organiser des foires ne répondaient plus aux exigences, la Kölnmesse GmbH avait élaboré un schéma directeur dans les années 2000/2001 qui prévoyait, entre autres, la construction de quatre nouveaux halls d’exposition d’ici 2012. En 2003, la ville de Cologne s’est ralliée à ce schéma directeur, car elle voulait mettre les halls utilisés par la Kölnmesse GmbH à la disposition de la chaîne de télévision RTL à partir du début 2008 pour empêcher le déménagement annoncé de cette dernière de Cologne. C’est dans ce contexte que la Kölnmesse GmbH et la ville de Cologne ont convenu d’avancer la construction de quatre nouveaux halls d’exposition, y compris leurs superstructures et infrastructures, prévue par le schéma directeur.

11.

Pour le financement de ce projet de construction, la ville de Cologne et la Kölnmesse GmbH ont finalement opté pour un modèle de financement dans lequel, non pas la ville de Cologne ou la Kölnmesse GmbH elles-mêmes, mais une entreprise privée — la GKM-GbR — édifiera, en tant que maître d’ouvrage, les halls d’exposition ainsi que toutes les infrastructures nécessaires, pour ensuite les louer à la ville de Cologne. Dans une deuxième étape, la ville de Cologne sous-louerait les halls d’exposition loués à la Kölnmesse GmbH, laquelle était supposée générer, par l’organisation et la tenue de foires et d’expositions, les revenus nécessaires pour couvrir les montants dus par la ville de Cologne à la GKM-GbR.

12.

Ce modèle de financement a abouti à une structure complexe sur le plan contractuel et du droit immobilier au centre de laquelle se trouvait la ville de Cologne. Le 6 août 2004, cette dernière a conclu avec la GKM-GbR un «contrat de location d’un terrain comprenant 4 halls d’exposition, un ouvrage ‘entrée nord’, un boulevard et une bretelle d’accès devant le parking, 5 installations de liaison entre les halls d’exposition, les parkings et les installations extérieures à Cologne Deutz, Deutz-Müllheimer Strasse e.a.» (ci-après le «contrat principal»), en vertu duquel la GKM-GbR louerait à la ville de Cologne le parc des expositions avec les halls d’exposition nos 8, 9, 10 et 11, y compris leurs bâtiments de communication, infrastructures et au minimum 505 places de stationnement ainsi que les installations extérieures. Il était prévu que la date de début du bail serait le et que celui-ci aurait une durée fixe normale de 30 ans. En contrepartie, la ville de Cologne s’engageait à payer un loyer mensuel de 1725000 euros, les loyers n’étant pas dus pour les treize premiers mois de la durée du bail.

13.

Là-dessus, la ville de Cologne a conclu le 11 août 2004 avec la Kölnmesse GmbH un «contrat de sous-location» ( 4 ) réglant à des conditions largement identiques la location subséquente à la Kölnmesse GmbH de ces halls d’exposition, y compris bâtiments de communication, (ci-après le «contrat de sous-location»). Aux termes de celui-ci, il était prévu la sous-location des halls d’exposition, superstructures et infrastructures comprises, pour une durée totale de 30 ans et moyennant un loyer mensuel de 1730000 euros, les loyers n’étant pas dus pour les treize premiers mois de la durée du bail.

14.

En outre, dans le souci de simplifier l’exécution des relations contractuelles découlant du contrat principal et du contrat de sous-location, la ville de Cologne et la Kölnmesse GmbH ont conclu, les 11 et , une convention d’exécution du contrat de sous-location par laquelle la ville de Cologne donnait à la Kölnmesse GmbH mandat d’exécuter et exercer la plupart des droits et obligations souscrits par la ville de Cologne dans le cadre de ses relations avec la GKM-GbR. Le but de cette convention d’exécution était de simplifier l’exécution des pourparlers de concertation et de remise avec la GKM-GbR, de recevoir les instructions techniques, d’exercer les droits et obligations liés aux travaux restant à exécuter et aux malfaçons et, de manière générale, d’éviter aux parties des conséquences juridiques négatives dans les rapports mutuels. Sont toutefois expressément exclus les «paiements des loyers» qui doivent intervenir séparément dans le cadre des relations contractuelles respectives. En outre, il était prévu que l’exercice par la Kölnmesse GmbH des droits modifiant le lien juridique existant (tels que la dénonciation, la résiliation) de la ville de Cologne nécessitait toujours le consentement préalable de cette dernière.

15.

Dans le cadre de la préparation de la conclusion de ces contrats, la ville de Cologne ainsi que la Kölnmesse GmbH avaient, dès la fin de l’année 2003, vendu à l’investisseur privé les terrains nécessaires à l’édification des quatre nouveaux halls d’exposition, de sorte que, à la date de la conclusion des «contrats de location», la GKM-GbR était déjà propriétaire de ces terrains.

16.

Le 30 novembre 2005, les halls d’exposition ont été officiellement remis par la GKM-GbR à la ville de Cologne.

IV — Procédure précontentieuse

17.

Après qu’une plainte selon laquelle le droit communautaire aurait été violé lors de l’attribution du marché de travaux portant sur les quatre nouveaux halls d’exposition à Cologne a été reçue le 7 septembre 2005, la Commission a, par lettre en date du , informé la République fédérale d’Allemagne de ce qu’elle était susceptible d’avoir manqué aux dispositions combinées des articles 7 et 11 de la directive 93/37, en ce que le pouvoir adjudicateur impliqué dans ce projet de travaux aurait omis de soumettre à une procédure européenne ouverte ou restreinte d’appel d’offres le marché concernant la construction et la location ou toute autre mise à disposition des halls d’exposition. Le gouvernement de la République fédérale d’Allemagne a donc été invité, conformément à l’article 226 CE, à s’exprimer sur ce point et à communiquer les contrats conclus ainsi que tout autre document pertinent dans un délai de deux mois.

18.

Dans sa réponse du 15 février 2006, la République fédérale d’Allemagne a fait savoir que la Kölnmesse GmbH n’était pas un pouvoir adjudicateur, au sens de l’article 1er, sous b), de la directive 93/37, et qu’il n’y avait donc pas manquement au droit communautaire. En réponse à une lettre de mise en demeure complémentaire de la Commission en date du , par laquelle la République fédérale d’Allemagne était invitée à fournir de plus amples renseignements et les documents pertinents, celle-ci a, dans une lettre en date du , réaffirmé en substance son point de vue quant à la qualité de pouvoir adjudicateur de la Kölnmesse GmbH et ajouté que la ville de Cologne n’avait, en rapport avec ce projet de construction, conclu que des actes juridiques ne relevant pas du droit des marchés publics. La République fédérale d’Allemagne a également indiqué ne pas avoir accès aux contrats et autres documents de la Kölnmesse GmbH, car il s’agissait d’un agent économique de droit privé. En conséquence, la République fédérale d’Allemagne n’a produit que le contrat principal, le contrat de sous-location, la convention d’exécution, un rapport de la Bezirksregierung Köln du ainsi qu’une lettre de confort du établie par la ville de Cologne au profit de la Kölnmesse GmbH.

19.

Par lettre du 18 octobre 2006, conformément à l’article 226, premier alinéa, CE, la Commission a adressé à la République fédérale d’Allemagne un avis motivé. En réponse à cet avis motivé, dans un courrier en date du , la République fédérale d’Allemagne a réaffirmé son point de vue quant à l’absence d’un manquement matériel au droit communautaire et a invoqué un nouvel argument selon lequel le contrat de vente du terrain, conclu en amont entre la Kölnmesse GmbH et la GKM-GbR le , comprenait également l’obligation pour la GKM-GbR d’édifier les constructions en cause sur le parc des expositions vendu. Elle a en outre exposé que le marché de travaux de la Kölnmesse GmbH avait épuisé ses effets par l’achèvement et la remise des halls d’exposition le , donc avant l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé. Selon elle, en admettant même qu’il y ait eu manquement au droit des marchés publics, l’introduction et la poursuite d’un recours en manquement seraient irrecevables en raison de l’achèvement antérieur de l’opération de construction contestée. Simultanément, la République fédérale d’Allemagne a produit un extrait de 5 pages d’un acte de vente notarié en date du .

20.

Se référant à une promesse verbale faite par le maire de la ville de Cologne à M. Mc Creevy, membre de la commission responsable du marché intérieur, «de renoncer, à l’avenir, à de tels montages contractuels et de procéder, conformément au droit en vigueur, à un appel d’offres européen pour tout marché dépassant les seuils fixés par les directives en matière de marchés publics», la République fédérale d’Allemagne a, dans un courrier ultérieur en date du 18 avril 2007, prié la Commission de mettre un terme à la procédure.

V — Procédure devant la Cour et argumentation des parties

21.

Dans sa requête reçue par le greffe le 30 novembre 2007, la Commission demande qu’il plaise à la Cour:

constater que, la ville de Cologne ayant conclu avec la société Grundstücksgesellschaft Köln Messe 15 bis 18 GbR le contrat du 6 août 2004 sans appliquer de procédure de passation avec appel d’offres européen conformément aux dispositions visées ci-après, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 7, en liaison avec l’article 11, de la directive 93/37;

condamner la République fédérale d’Allemagne aux dépens de l’instance.

22.

Dans son mémoire en réponse reçu le 25 février 2008, la République fédérale d’Allemagne a demandé qu’il plaise à la Cour:

rejeter le recours,

condamner la Commission aux dépens.

23.

Après le dépôt du mémoire en réplique de la Commission le 30 avril 2008 et du mémoire en duplique de la République fédérale d’Allemagne le , la procédure écrite a été clôturée.

24.

Lors de l’audience du 25 mars 2009, les représentants de la Commission et du gouvernement de la République fédérale d’Allemagne ont présenté des observations orales.

VI — Principaux arguments des parties

25.

Selon la Commission, le contrat principal du 6 août 2004 ayant été conclu par la ville de Cologne, en qualité de pouvoir adjudicateur, sans publication préalable d’un avis de marché et en relation économique directe avec la conclusion antérieure du contrat de vente immobilière entre la KölnMesse GmbH et la GKM-GbR, la République fédérale d’Allemagne a enfreint les articles 7 et 11 de la directive 93/37.

26.

La République fédérale d’Allemagne soulève plusieurs moyens tirés de l’irrecevabilité du recours et considère celui-ci en outre comme mal fondé.

A — Sur la recevabilité du recours

27.

La République fédérale d’Allemagne soulève tout d’abord l’irrecevabilité du recours au motif que la violation invoquée du droit des marchés publics aurait cessé avant l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé. Selon elle, à l’expiration de ce délai, toutes les prestations de travaux auraient déjà été achevées et mises à la disposition de la ville de Cologne en tant que locataire principal. Selon elle, ce faisant, les «effets pertinents» du contrat ou marché de travaux contestés étaient épuisés avant l’expiration du délai, de sorte que le recours exercé par la suite par la Commission doit être rejeté pour irrecevabilité, conformément à la jurisprudence constante de la Cour.

28.

Selon la République fédérale d’Allemagne, il convient dans le cadre de l’examen de la recevabilité d’opérer une distinction entre, d’une part, les effets «potentiellement contraires au droit des marchés publics» et, d’autre part, les effets «licites» du marché litigieux, seuls les premiers présentant une pertinence à l’égard de l’appréciation du respect du délai imparti dans l’avis motivé. Font notamment partie de ces effets «potentiellement contraires au droit des marchés publics» les prestations de travaux qui doivent être fournies par le soumissionnaire. À l’opposé, les effets «licites» qui ne présentent pas de pertinence à l’égard de l’appréciation de la recevabilité englobent les obligations financières du pouvoir adjudicateur, lesquelles devraient, selon la République fédérale d’Allemagne, être qualifiées de neutres. Selon elle, du fait que, dans la présente affaire, les prestations de travaux auraient été entièrement fournies avant l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, le recours en manquement devrait être rejeté pour irrecevabilité. Selon la République fédérale d’Allemagne, le fait que la ville de Cologne soit encore tenue, après l’expiration de ce délai, à des obligations de paiements «neutres» n’aurait aucune incidence dans le cadre de l’appréciation de la recevabilité du recours.

29.

La Commission réplique à ce moyen d’irrecevabilité en arguant de ce que la République fédérale d’Allemagne devrait encore établir la preuve de ce que la GKM-GbR a bien fourni l’ensemble des prestations de travaux pertinentes avant l’expiration du délai. En outre, selon la Commission, le contrat principal du 6 août 2004 prévoirait une série d’obligations contractuelles, pesant tant sur la GKM-GbR que sur la ville de Cologne, qui devraient être exécutées au cours de l’exécution du contrat et donc après l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé. Selon la Commission, un recours en manquement au droit des marchés publics ne serait irrecevable en raison de la cessation du manquement avant l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé que lorsque la totalité des effets du contrat litigieux sont déjà épuisés à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, ce qui ne serait manifestement pas le cas en l’espèce.

B — Sur le bien-fondé du recours

30.

En outre, la République fédérale d’Allemagne estime que le recours en manquement est mal fondé, car le contrat litigieux du 6 août 2004 ne serait pas un marché de travaux, mais — d’un point de vue fonctionnel — uniquement un contrat visant à garantir financièrement un contrat conclu entre la GKM-GbR et la Kölnmesse GmbH ayant pour objet la jouissance des halls d’exposition à édifier, la Kölnmesse GmbH ne pouvant, ce faisant, pas être qualifiée d’organisme de droit public soumis aux directives en matière de marchés publics. Selon la République fédérale d’Allemagne, même en ne suivant pas cette analyse fonctionnelle, le contrat principal litigieux devrait, de par sa forme et sa teneur, être qualifié de contrat de location. Selon elle, en fonction de l’approche adoptée, l’objet principal du contrat du consiste en un bail ou une prestation de financement, ce qui, par la force des choses, exclurait ce contrat du champ d’application de la directive 93/37.

31.

La Commission réplique à cela que le contrat principal du 6 août 2004 vise pour l’essentiel la fourniture d’une prestation de travaux — et notamment l’édification des halls d’exposition, y compris ses superstructures et infrastructures — et devrait en conséquence être qualifié de marché de travaux, la ville de Cologne devant ce faisant, en tant que cocontractante directe de la GKM-GbR, être considérée comme le pouvoir adjudicateur. La conclusion du contrat du constituerait donc, selon la Commission, un marché public de travaux ayant été attribué par la ville de Cologne en violation du droit des marchés publics pour n’avoir pas donné lieu à un appel d’offres à l’échelle européenne exigé pour une telle attribution.

VII — Appréciation juridique

A — Sur la recevabilité du recours

32.

La République fédérale d’Allemagne fait essentiellement valoir que le recours en manquement formé par la Commission serait irrecevable au motif que la violation du droit des marchés publics invoquée aurait entièrement cessé avant l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé.

33.

En vertu de la jurisprudence constante, un recours en manquement sur le fondement de l’article 226 CE ne peut être exercé que lorsque l’État membre en cause ne s’est pas conformé à l’avis motivé dans le délai imparti dans ce dernier. L’existence d’un manquement doit, ce faisant, être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme de ce délai ( 5 ).

34.

En vertu de ces règles générales, un recours en manquement doit être rejeté lorsqu’il s’avère que le manquement invoqué a épuisé tous ses effets à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé ( 6 ). Selon sa finalité, la procédure précontentieuse vise, en effet, à éliminer une violation du droit communautaire avant la procédure contentieuse, de sorte que — dans l’esprit de la logique sous-tendant cette procédure —, lorsque cette violation a été entièrement éliminée avant l’expiration du délai imparti pour le faire, un motif pour poursuivre le recours en manquement fait défaut ( 7 ).

35.

Ce principe est confirmé par une analyse plus détaillée du libellé de l’article 226, second alinéa, CE, en vertu duquel la Commission peut saisir la Cour si l’État ne s’est pas conformé à l’avis de la Commission dans le délai imparti par cette dernière. Il s’ensuit a contrario que la Commission n’est plus habilitée à former un recours en manquement lorsqu’il a été mis fin dans le délai imparti par la Commission à la violation invoquée ( 8 ).

36.

Cela implique, en ce qui concerne les recours en manquement au droit des marchés publics en vertu de l’article 226 CE, qu’un tel recours doit être rejeté pour irrecevabilité si, à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, le contrat, conclu en violation des dispositions de la directive en matière de marchés publics applicable, avait déjà épuisé tous ses effets ( 9 ). En revanche, le fait que la procédure de passation de marché elle-même ait entièrement été achevée avant l’expiration du délai fixé ne présente aucune pertinence ( 10 ).

37.

Ce qui est décisif pour apprécier l’exception d’irrecevabilité soulevée par la République fédérale d’Allemagne, c’est donc de savoir si le contrat principal du 6 août 2004 critiqué par la Commission se trouvait ou non encore au stade de l’exécution à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, à savoir le .

38.

Nous sommes convaincue que l’exécution juridiquement pertinente du contrat principal n’était pas encore achevée le 18 décembre 2006.

39.

Quand bien même, en vertu de la jurisprudence constante, c’est à la Commission qu’il incombe, dans le cadre d’une procédure en manquement, d’établir l’existence du manquement allégué et d’apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence de ce manquement ( 11 ); dans le cadre de l’examen de l’exception d’irrecevabilité, tirée d’une cessation dans les délais du manquement, soulevée par un État membre, en vertu de l’adage reus in exceptione fit actor, il y a en principe renversement de la charge de la preuve.

40.

À titre de preuve de ce que les travaux de construction étaient matériellement achevés au 1er décembre 2005, la République fédérale d’Allemagne a produit un «procès-verbal de remise du bien locatif ‘extension nord’ de la Kölnmesse à Cologne» en date du ainsi que plusieurs articles de presse relatifs à l’ouverture d’une foire le .

41.

Certes, ces documents établissent qu’à cette date les travaux sur les halls d’exposition, leurs superstructures et leurs infrastructures étaient en grande partie achevés, il n’en reste toutefois pas moins que le procès-verbal de remise fait état de toute une série de travaux restant à effectuer et de malfaçons. En outre, il est fait référence dans ce procès-verbal à d’autres «procès-verbaux relatifs à la constatation des prestations en date des 30.10 et » qui n’y sont pas joints et contiennent également des informations sur des travaux restant à effectuer et des malfaçons. Les documents produits ne contiennent aucune indication concrète sur la date d’achèvement de ces travaux restant à effectuer. À cet égard, il est uniquement indiqué dans le procès-verbal de remise que le bailleur aspire à procéder avant le au plus grand nombre possible de travaux restant à effectuer et de corrections des malfaçons. En outre, la ville de Cologne avait attiré l’attention sur le fait que, en raison de la tenue de foires, dans la période allant du au , il ne serait pas possible de procéder à la correction des malfaçons et à des travaux restant à effectuer, ou tout au moins seulement dans une mesure très restreinte et après en avoir préalablement convenu, ce qui constitue un indice de ce que l’exécution des travaux restant à effectuer allait s’étaler au moins sur plusieurs mois.

42.

Le contrat principal prévoit également une série d’obligations d’entretien et de réparation «des façades aux toitures» pesant sur la GKM-GbR, en vertu desquelles celle-ci peut être tenue, pendant toute la durée du contrat, d’effectuer des travaux de plus ou moins grande ampleur sur les éléments porteurs de l’ouvrage, les façades, les toits des halls d’exposition et leurs installations ainsi que sur l’étanchéité des parties de cet ouvrage posées sur le sol. Eu égard au fait que le ravalement et l’entretien des façades, l’étanchéité ainsi que les travaux sur les toitures sont expressément classés dans l’annexe II de la directive 93/37 parmi les activités «bâtiment et génie civil», et notamment celles de «Construction d’immeubles», ces travaux prévus par le contrat doivent également être considérés comme des «travaux», au sens de l’article 1er, sous a), de la directive 93/37 et présentent donc une pertinence dans le cadre de l’examen de la recevabilité.

43.

Au vu des informations ressortant du dossier, il ne saurait donc être exclu que, même après l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, la GKM-GbR a encore réalisé des travaux de réparations de plus ou moins grande ampleur se rattachant à l’activité de construction ou qu’elle puisse contractuellement être tenue d’effectuer ce type de travaux à l’avenir.

44.

Il convient, de plus, de souligner que la contrepartie contractuellement due par la ville de Cologne — à savoir le règlement mensuel d’une somme d’argent — devait être fournie de manière continue à compter du 1er janvier 2007 pour une durée de près de 29 années, et donc bien au-delà du délai fixé dans l’avis motivé.

45.

Il y a lieu de rejeter l’argument de la République fédérale d’Allemagne selon lequel, dans le cadre de l’examen de la recevabilité d’un recours en manquement au droit des marchés publics de travaux, seule importe la date de l’achèvement par le soumissionnaire des travaux de construction contraires au droit des marchés publics, alors que la date de la fourniture de la contrepartie calculée en argent par le pouvoir adjudicateur ne présenterait à cet égard pas de pertinence.

46.

Une telle distinction entre les effets «contraires au droit des marchés publics» et les effets «juridiquement neutres» d’un contrat conclu en violation du droit des marchés publics ne résulte ni du libellé de l’article 1er de la directive 93/37 ni de la jurisprudence de la Cour.

47.

Aux termes de l’article 1er, sous a), de la directive 93/37, un marché public de travaux est un contrat à titre onéreux entre une entreprise et un pouvoir adjudicateur portant sur la fourniture de prestations de travaux déterminées. Le marché public de travaux devant par conséquent être qualifié de contrat essentiellement synallagmatique, il n’est pas possible, dans le cadre de l’examen de la recevabilité, d’opérer d’un point de vue systématique une distinction entre les prestations de travaux dues par l’entrepreneur et les obligations de paiement du pouvoir adjudicateur. En effet, c’est précisément cette obligation de paiement du pouvoir adjudicateur qui aboutit à ce que les prestations dues par l’entreprise tombent sous le coup du droit des marchés publics. Dans ce contexte, l’avocat général Léger a, à juste titre, constaté dans ses conclusions dans l’affaire Ordine degli Architetti e.a. ( 12 ) que les attributions discriminatoires de marchés publics par les pouvoirs adjudicateurs sont illégales au regard des directives en matière de marchés publics précisément parce qu’elles emportent des paiements au profit des entreprises retenues.

48.

Il convient, de plus, de souligner que la directive 93/37 — ainsi que cela résulte de son dixième considérant — vise à promouvoir une réelle concurrence dans le domaine des marchés publics de travaux. Lorsqu’un marché public est attribué en dehors de la procédure applicable d’attribution de marché public et donc sans mise en concurrence préalable, le pouvoir adjudicateur paiera généralement un montant plus élevé que s’il avait procédé à un appel d’offres conforme au droit des marchés publics. C’est précisément à travers des obligations de paiement pesant sur le pouvoir adjudicateur que se manifestent les conséquences d’une violation du droit des marchés publics, de sorte que ces obligations peuvent difficilement être qualifiées d’effet «neutre» au regard du droit des marchés publics du contrat conclu en violation de ce dernier.

49.

Dans le cadre de l’examen de la question de savoir si un contrat a déjà épuisé ses effets à l’expiration du délai fixé par la Commission, la contrepartie (en argent) due par le pouvoir adjudicateur ne peut donc pas être qualifiée de «neutre au regard du droit des marchés publics». En conséquence, la persistance de l’existence d’une obligation contractuelle de paiement pesant sur le pouvoir adjudicateur doit également être considérée comme un effet juridiquement pertinent du contrat conclu en violation de la directive en matière de marchés publics applicable.

50.

Cette appréciation est étayée par la jurisprudence existante de la Cour concernant la recevabilité des recours en manquement au droit des marchés publics, dans laquelle un rattachement est expressément opéré à la date de l’exécution complète du contrat conclu en violation du droit des marchés publics ( 13 ) ou à la date à laquelle ce contrat ou l’appel d’offres litigieux ont épuisé tous leurs effets ( 14 ). Ce critère s’applique indépendamment du point de savoir s’il s’agit de l’attribution d’un marché de fourniture, d’un marché de services ou d’un marché de travaux et a, en ce sens, incontestablement un caractère général au regard du droit des marchés publics.

51.

Au vu de ce critère, la persistance de l’existence du manquement invoqué ne saurait en principe plus être remise en cause lorsqu’une prestation de travaux convenue en violation du droit des marchés publics n’a pas encore été entièrement fournie à l’expiration du délai fixé par la Commission, et ce indépendamment de l’ampleur des travaux restant à effectuer. La fourniture de prestations de travaux après l’expiration du délai fixé implique donc en soi la persistance de l’existence de l’infraction invoquée, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de présenter pour cela des indices ou, preuves supplémentaires, même lorsqu’il s’agit là seulement de prestations de travaux d’une ampleur relativement minime ( 15 ). En revanche, lorsque les prestations de travaux dues ont été intégralement fournies, il convient de vérifier si le contrat produit encore d’autres effets juridiquement pertinents.

52.

Une confirmation explicite de ce principe selon lequel, dans le cadre de l’examen de la recevabilité, tout dépend des effets du contrat dans son ensemble, se trouve dans l’arrêt du 11 octobre 2007 dans l’affaire Commission/Grèce ( 16 ). Dans cette affaire, la Cour devait statuer, dans le cadre d’un recours en manquement au droit des marchés publics relatif à l’application de la directive 92/50, sur un accord-cadre en date du conclu entre les autorités grecques compétentes et la confédération panhellénique des unions de coopératives agricoles ainsi que sur les contrats d’exécution de celui-ci conclus entre les membres de cette confédération et les autorités grecques. Ces contrats d’exécution prévoyaient notamment que les unions locales de coopératives agricoles informeraient les agriculteurs concernés sur les nouveaux systèmes de gestion et de contrôle des aides d’État et les assisteraient dans la préparation et le dépôt de leurs demandes d’aides. La confédération panhellénique des unions de coopératives agricoles était tenue de coordonner les travaux de ses membres. La violation du droit des marchés publics invoquée par la Commission ne concernait, ce faisant, que l’assistance apportée par les unions des coopératives agricoles pour la préparation des demandes d’aides au titre de l’année 2001, alors que le délai fixé dans l’avis motivé n’avait expiré que le . Dans le cadre de l’examen de la recevabilité du recours en manquement, la Cour a commencé par rappeler le principe général selon lequel un tel recours est irrecevable si, à la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, le contrat en question avait déjà épuisé tous ses effets. Partant, il y a lieu de vérifier si, à la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, les contrats litigieux étaient, à tout le moins en partie, encore en cours d’exécution. Dans le cadre de son analyse des faits de l’espèce, la Cour a souligné que ces contrats contenaient une clause aux termes de laquelle ceux-ci cessent d’être en vigueur lorsque la totalité des aides financières ont été versées aux agriculteurs qui en ont fait la demande. Du fait que la totalité des aides demandées au titre de l’année 2001 avaient été versées l’année suivante, donc avant l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, et que les contrats avaient en conséquence entièrement cessé d’être en vigueur, la Cour a constaté que tous les effets de l’accord-cadre et des contrats d’exécution litigieux étaient déjà épuisés à l’expiration du délai imparti, de sorte que le recours en manquement a été rejeté pour irrecevabilité.

53.

Dans cet arrêt du 11 octobre 2007, la Cour ne s’est donc pas rattachée à la date d’exécution par le soumissionnaire de ses prestations, mais au contraire à la cessation complète du contrat, intervenue seulement après le paiement des aides demandées.

54.

Le fait de se rattacher, dans le cadre de l’examen de la recevabilité d’un recours en manquement au droit des marchés publics de travaux, au contrat dans son ensemble permet également de tenir compte de ce que, de nos jours, même des marchés de travaux très importants peuvent être mis en œuvre dans une très large mesure dans un laps de temps relativement court, alors que la Commission n’est souvent informée qu’à la suite d’une plainte, et donc avec retard, de la violation concernée du droit des marchés publics. Dans la présente affaire aussi, il ressort du dossier que la Commission n’a été informée d’une éventuelle violation du droit des marchés publics concernant la construction des halls d’exposition que par une plainte en date du 7 septembre 2005, alors même que ces halls ont commencé à être exploités dès décembre 2005, soit seulement quelques mois plus tard. Cet exemple montre nettement qu’un examen trop restrictif de la recevabilité dans le cadre duquel le critère se limiterait aux prestations de travaux à fournir par le soumissionnaire nuirait à l’application effective des directives en matière de marchés publics de travaux.

55.

Dans ces conditions, il convient également de souligner, dans une perspective procédurale, que l’expiration du délai fixé par la Commission dans l’avis motivé et l’introduction subséquente d’un recours n’aboutissent pas obligatoirement à ce que les travaux de construction contestés soient arrêtés. Lorsqu’à l’expiration du délai fixé par la Commission, un ouvrage est achevé à 85 % par exemple et que le pouvoir adjudicateur conteste l’existence d’une violation du droit des marchés publics, les travaux de construction seront en règle générale totalement terminés à la date du prononcé de l’arrêt rendu à l’issue de la procédure de recours en manquement. À cet égard, une telle hypothèse ne se distingue finalement pas, d’un point de vue purement concret, de celle dans laquelle les prestations de travaux ont déjà été entièrement fournies à l’expiration du délai fixé par la Commission, mais que le pouvoir adjudicateur n’a pas encore exécuté ses obligations de paiement et que, de ce fait, le contrat a continué à produire des effets après l’expiration du délai fixé.

56.

Au vu de ce qui précède, nous parvenons à la conclusion que, dans le cadre de l’examen de la recevabilité d’un recours en manquement du droit des marchés publics de travaux, il est nécessaire de vérifier si tous les effets du contrat conclu en violation du droit des marchés publics sont épuisés à l’expiration du délai fixé par la Commission. Fait également partie de ces effets la contrepartie consistant en le paiement par le pouvoir adjudicateur d’une somme d’argent.

57.

En résumé, il convient donc de retenir que l’exception d’irrecevabilité, tirée d’une cessation avant l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé du manquement, doit être rejetée si, au terme de ce délai, le contrat était à tout le moins en partie encore en cours d’exécution, l’exécution de la contrepartie (en argent) due par le pouvoir adjudicateur devant, ce faisant, être considérée comme une modalité pertinente de l’exécution du contrat.

58.

Dans ces conditions, dans la présente affaire, le fait que la ville de Cologne a fourni ou était tenue de fournir la contrepartie (en argent) due mensuellement après l’expiration du délai fixé suffit pour retenir que, à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, le contrat du 6 août 2004 était à tout le moins en partie encore en cours d’exécution et qu’il produisait donc des effets juridiquement pertinents.

59.

Eu égard aux considérations qui précèdent, l’exception d’irrecevabilité soulevée par la République fédérale d’Allemagne, tirée d’une cessation avant l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé du manquement invoqué, ne saurait prospérer. Selon nous, rien ne fait donc obstacle à la recevabilité du recours.

B — Sur le bien-fondé du recours

1. Remarques introductives

60.

Les arguments avancés par la République fédérale d’Allemagne sur le caractère mal fondé du présent recours en manquement reposent en substance sur la thèse selon laquelle il n’aurait pas été attribué à la GKM-GbR un marché public de travaux, au sens de l’article 1er, sous a), de la directive 93/37, et — à titre subsidiaire —, qu’en tout état de cause, le marché n’a pas été attribué par la ville de Cologne par le contrat litigieux du 6 août 2004. La République fédérale d’Allemagne étaie ces arguments principaux en qualifiant le contrat principal du de contrat de location ou de financement.

61.

Il est certain que, compte tenu de la jouissance pour une longue durée déterminée qui y est convenue, ce contrat contient un élément important propre à la prestation de services. Il conviendra donc de vérifier si et dans quelle mesure ce contrat répond par ailleurs également aux critères de la définition d’un marché public de travaux et si les éléments établis propres à un tel marché suffisent pour faire entrer la totalité de ce contrat (mixte) dans le champ d’application de la directive 93/37. Avant de se pencher sur ce point, il convient toutefois d’examiner au préalable l’argument de la République fédérale d’Allemagne selon lequel, en l’espèce, ce n’est pas la ville de Cologne, mais au contraire la Kölnmesse GmbH, qui doit être considérée, du point de vue du droit des marchés publics, comme la véritable entité adjudicatrice.

2. La position de la ville de Cologne en tant qu’entité adjudicatrice par rapport à la GKM-GbR

a) La ville de Cologne doit être qualifiée d’entité adjudicatrice par rapport à la GKM-GbR

62.

Il n’est pas contesté que le contrat principal du 6 août 2004 a été conclu par la ville de Cologne avec la GKM-GbR et que la ville de Cologne a ensuite conclu avec la Kölnmesse GmbH un «sous-contrat de location». En se référant à l’interprétation fonctionnelle de la notion de «pouvoir adjudicateur» dans la jurisprudence de la Cour ainsi qu’à la volonté de la Cour qui s’en dégage de procéder à une analyse globale complète de montages complexes en matière de droit des marchés publics afin de pouvoir déterminer la véritable nature des marchés et d’en contrôler ensuite la légalité, la République fédérale d’Allemagne fait néanmoins valoir que la Kölnmesse GmbH devrait, en l’espèce, du point de vue fonctionnel et d’après un examen du contexte global, être considérée comme la véritable entité adjudicatrice par rapport à la GKM-GbR.

63.

Même s’il est exact que la Cour a déjà jugé très tôt que la notion de pouvoir adjudicateur ne doit pas être interprétée formellement, mais fonctionnellement ( 17 ), il convient cependant de souligner que cette jurisprudence ne repose pas sur un principe général du droit des marchés publics selon lequel l’élément «pouvoir adjudicateur» devrait être examiné de manière purement fonctionnelle et sans tenir compte du montage contractuel pour attribuer le marché. Cette jurisprudence témoigne au contraire de la volonté de la Cour de rompre les marchés nationaux fermés et de les ouvrir — conformément aux objectifs énoncés dans les considérants des directives en matière de marchés publics — au marché commun ( 18 ). C’est dans ce contexte que la Cour a opté pour une interprétation fonctionnelle de la notion de «pouvoir adjudicateur» selon laquelle il importe peu, pour pouvoir qualifier un organisme national de pouvoir adjudicateur, au sens du droit communautaire des marchés publics, que cette qualité se rattache dans les législations nationales concernées à des caractéristiques institutionnelles déterminées ( 19 ).

64.

Même dans les affaires dans lesquelles la Cour a accepté de prendre en considération, dans le cadre de l’examen du bien-fondé du recours, les raisons d’être d’un montage complexe au regard du droit des marchés publics, elle l’a toujours fait pour garantir l’application des directives en matière de marchés publics concernées à la lumière de la réalisation simultanée de la liberté d’établissement et de la libre circulation des services dans le domaine des marchés publics ( 20 ).

65.

En l’espèce, rien ne laisse apparaître qu’il conviendrait, dans le cadre d’une interprétation téléologique de la directive 93/37, de ne pas prendre en compte le montage contractuel pour lequel la GKM-GbR, la ville de Cologne et la Kölnmesse GmbH ont opté et dans lequel la ville de Cologne est le principal adjudicateur.

66.

Il convient en effet, d’une part, de souligner que la ville de Cologne n’a pas transféré à la Kölnmesse GmbH ses droits et obligations découlant du «contrat de location» du 6 août 2004 de sorte qu’il n’existe pas de relation contractuelle directe entre la Kölnmesse GmbH et la GKM-GbR ( 21 ). Certes, les obligations découlant du contrat du se reflètent en substance dans le «sous-contrat de location» conclu entre la ville de Cologne et la Kölnmesse GmbH, et la convention d’exécution contient des stipulations destinées à coordonner et simplifier l’exécution du contrat principal et du contrat de sous-location; néanmoins, en fin de compte, à l’égard de la GKM-GbR, seule la ville de Cologne est directement tenue d’obligations et bénéficiaire de droits en vertu du contrat du  ( 22 ). En outre, il avait déjà été convenu, avant la conclusion de ces contrats, que la prise en charge de facto par la Kölnmesse GmbH des obligations de paiement de la ville de Cologne serait annulée à compter de 2012 s’il s’avérait que la Kölnmesse GmbH ne parvenait pas à générer, par l’organisation de foires, des revenus suffisants pour financer les montants dus mensuellement ( 23 ).

67.

D’un autre côté, cela irait à l’encontre de la réalisation de la liberté d’établissement et de la libre circulation des services en matière de marchés publics si, par une interprétation trop large de la notion fonctionnelle de pouvoir adjudicateur, il était offert aux pouvoirs adjudicateurs la possibilité de dissimuler, grâce à des montages contractuels complexes, l’identité du véritable adjudicateur et d’en tirer un avantage procédural. Il existe souvent, en ce qui concerne les recours en manquement au droit des marchés publics, une répartition asymétrique de l’information, la Commission ne disposant pas toujours immédiatement de toutes les données nécessaires pour déchiffrer les montages contractuels choisis par les intéressés. Si une interprétation fonctionnelle de la notion de pouvoir adjudicateur du droit des marchés publics aboutissait à ce qu’une partie ne tirant pas directement ses droits du contrat par lequel le marché a été attribué puisse se présenter comme le «véritable adjudicateur (fonctionnel)» au lieu et place de la «partie au contrat ayant officiellement attribué le marché», alors de nombreux recours en manquement au droit des marchés publics risqueraient d’être voués à l’échec du fait de l’interdiction procédurale de modifier ou élargir l’objet du litige — laquelle est appliquée de manière particulièrement stricte dans le cadre des recours en manquement ( 24 ) —, par exemple parce que la procédure précontentieuse était fondée sur le «mauvais» adjudicateur ou le «mauvais» contrat d’attribution de marché ( 25 ).

68.

Dans la présente affaire également, l’argumentation développée par la République fédérale d’Allemagne quant à la qualité d’adjudicateur de la Kölnmesse GmbH revient, en fin de compte, à faire valoir le moyen de procédure selon lequel la Commission ne s’est pas reposée dans son recours sur une éventuelle violation par la Kölnmesse GmbH de la directive en matière de marchés publics. L’étendue de l’examen par la Cour dans le cadre d’un recours en manquement se limitant aux griefs que la Commission a clairement exposés dans sa requête, selon l’argumentation développée par la République fédérale d’Allemagne, la question de savoir si, en tant que véritable adjudicateur, la Kölnmesse GmbH aurait dû lancer un appel d’offres pour le contrat litigieux ne ferait pas l’objet du présent recours en manquement.

69.

Pour les motifs déjà évoqués, l’argumentation de la République fédérale d’Allemagne quant à la qualité d’adjudicateur de la Kölnmesse GmbH ne saurait prospérer. La position de la ville de Cologne en tant que cocontractante et adjudicateur de la GKM-GbR ne peut être contestée ni par référence à l’interprétation fonctionnelle de la notion de «pouvoir adjudicateur», ni dans le cadre d’une interprétation téléologique de la directive 93/37.

70.

Eu égard aux considérations qui précédent, nous parvenons à la conclusion qu’en l’espèce ce n’est pas la Kölnmesse GmbH, mais au contraire la ville de Cologne qui, dans les rapports avec la GKM-GbR, doit être qualifiée d’entité adjudicatrice.

b) Subsidiairement: dans l’hypothèse où la Kölnmesse GmbH devrait être qualifiée de «véritable» entité adjudicatrice à l’égard de la GKM-GbR

71.

Dans l’hypothèse où la Cour devait parvenir à une appréciation différente sur la qualité d’adjudicateur de la Kölnmesse GmbH, nous exposons ci-dessous brièvement, à titre subsidiaire, les conséquences qui en découlent.

72.

En vertu de la jurisprudence constante, il résulte de l’article 38, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour que toute requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens, et que cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et à la Cour d’exercer son contrôle. Il en découle que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours est fondé doivent ressortir d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même et que les conclusions de cette dernière doivent être formulées de manière non équivoque afin d’éviter que la Cour ne statue ultra petita ou bien n’omette de statuer sur un grief ( 26 ).

73.

Tant dans la procédure précontentieuse que dans sa requête, la Commission a fait valoir que, la ville de Cologne ayant conclu avec la GKM-GbR le contrat principal du 6 août 2004 sans appliquer de procédure de passation avec appel d’offres européen conformément aux dispositions visées ci-après, la République fédérale d’Allemagne aurait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 7, en liaison avec l’article 11, de la directive 93/37. Ce faisant, la Commission a clairement fixé ses demandes en ce sens que seul ce contrat conclu le par la ville de Cologne constitue l’objet du recours en manquement pendant.

74.

Si la Cour devait parvenir à la conclusion que la Kölnmesse GmbH doit être considérée comme le véritable adjudicateur, le recours en manquement formé par la Commission dans la présente procédure devrait être rejeté.

75.

En effet, dans ce cas, il devrait être répondu à un grand nombre d’autres questions de droit et de fait qui n’ont pas été, ou à peine, prises en considération par les parties, comme par exemple celle de savoir si, en tant que société organisatrice de foires, la Kölnmesse GmbH répond aux critères de la définition d’un pouvoir adjudicateur, au sens de l’article 1er, sous b), de la directive 93/37, de sorte que les règles du droit européen des marchés publics s’appliqueraient également indirectement à elle.

76.

En principe, il ne peut être répondu à la question de la qualification d’une société organisatrice de foires en tant que pouvoir adjudicateur, au sens des dispositions des directives en matière de marchés publics que dans une décision au cas par cas et en tenant compte de toutes les circonstances concrètes de l’espèce. En ce qui concerne la Kölnmesse GmbH, il y a lieu toutefois de constater que le dossier contient plusieurs éléments qui paraissent en principe ouvrir la possibilité de la qualifier de pouvoir adjudicateur, au sens de l’article 1er, sous b), de la directive 93/37.

77.

En vertu de l’article 1er, sous b), de la directive 93/37, on entend par organisme de droit public, et donc par pouvoir adjudicateur, tout organisme doté de la personnalité juridique qui a été créé pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial qui est majoritairement financé ou contrôlé par l’État, les collectivités territoriales ou d’autres organismes de droit public.

78.

Dans le cadre de l’examen du point de savoir si une société organisatrice de foires telle que la Kölnmesse GmbH répond aux trois principaux critères de la définition de la notion de pouvoir adjudicateur, les conditions tenant à l’existence d’une personnalité juridique et d’un contrôle par les pouvoirs publics ne devraient pas soulever beaucoup de questions. En outre, dans son arrêt Agorà et Excelsior, la Cour a jugé que les activités visant à l’organisation de foires, d’expositions et d’autres initiatives semblables doivent être considérées comme satisfaisant à des besoins d’intérêt général ( 27 ).

79.

Même si la notion d’organisme public doit recevoir une interprétation fonctionnelle ( 28 ) et doit être de manière générale largement interprétée ( 29 ), il sera moins évident qu’une société organisatrice de foires telle que la Kölnmesse GmbH puisse également remplir le critère du caractère autre qu’industriel et commercial, ne serait-ce déjà parce que, dans son arrêt Agorà et Excelsior, la Cour a exclu que l’«office responsable de la foire internationale de Milan» puisse être qualifié d’organisme de droit public, au sens de l’article 1er, sous b), de la directive 92/50, car il exerce des activités à caractère commercial ( 30 ).

80.

À cet égard toutefois, l’analyse sur laquelle repose l’arrêt Agorà et Excelsior ne paraît pas être d’emblée transposable aux sociétés allemandes organisatrices de foires telle la Kölnmesse GmbH, ne serait-ce déjà parce que, dans sa jurisprudence la plus récente sur le critère du caractère autre qu’industriel et commercial des organismes de droit public — en particulier dans les arrêts Ing. Aigner ( 31 ) et Korhonen e.a. ( 32 ) —, la Cour met l’accent sur le point de savoir si les organismes en cause exercent ou non leurs activités en situation de concurrence. À cet égard, peut constituer de forts indices du caractère industriel ou commercial des activités exercées le fait que l’organisme concerné opère dans des conditions normales de marché, qu’il poursuit un but lucratif et qu’il supporte les pertes liées à l’exercice de son activité ( 33 ).

81.

Dans ce contexte, en ce qui concerne les sociétés allemandes organisatrices de foires, il convient tout d’abord de manière générale de souligner qu’elles sont en règle générale mises en place par les Länder et les communes en tant qu’instrument de promotion de l’économie régionale afin de renforcer l’attractivité d’un pôle économique. À cet égard, elles sont particulièrement similaires aux sociétés pour la promotion de l’économie qui sont expressément désignées dans l’annexe I, section III, point 2, de la directive 93/37 comme des organismes de droit public visés par l’article 1er, sous b), de ladite directive ( 34 ).

82.

Dans la mesure où les sociétés organisatrices de foires qui sont détenues par les pouvoirs publics sont utilisées comme des instruments de promotion de l’économie, leurs activités n’ont pas exclusivement pour but une maximisation des profits de l’entreprise ( 35 ). Dans ces conditions, les villes et les communes exercent une influence sur le marché allemand des foires en accordant des subventions et en se portant caution pour les sociétés organisatrices de foires, de sorte que ces dernières jouissent finalement d’une position particulière en terme de concurrence ( 36 ).

83.

Dans le cadre d’une interprétation téléologique des directives en matière de marchés publics, c’est essentiellement cette position particulière en terme de concurrence des sociétés allemandes organisatrices de foires détenues par les pouvoirs publics qui constitue — au vu des arrêts Ing. Aigner et Korhonen e.a. — un très fort indice du caractère autre qu’industriel ou commercial de leurs activités ( 37 ).

84.

En vertu de la jurisprudence constante, l’objectif des directives en matière de passation des marchés publics est d’exclure à la fois le risque qu’une préférence soit donnée aux soumissionnaires ou candidats nationaux lors de toute passation de marché effectuée par les pouvoirs adjudicateurs et la possibilité qu’un organisme financé ou contrôlé par l’État, les collectivités territoriales ou d’autres organismes de droit public se laisse guider par des considérations autres qu’économiques ( 38 ).

85.

S’il devait s’avérer dans un cas concret qu’une société organisatrice de foires n’opère pas dans les conditions normales du marché et qu’elle ne supporte pas elle-même entièrement les pertes liées à son activité, il existerait un risque réel que des considérations autres qu’économiques jouent un rôle dans la procédure de passation de marché et que celle-ci se déroule donc dans des conditions économiquement injustifiées ( 39 ). Dans un tel cas, selon nous, les activités d’une telle société organisatrice de foires devraient être considérées comme étant autres qu’industrielles ou commerciales, de sorte que celle-ci — les autres critères de la définition étant par ailleurs remplis — devrait être qualifiée de pouvoir adjudicateur, au sens des directives en matière de marchés publics.

3. Le contrat principal du 6 août 2004 en tant que marché mixte de travaux et de services

86.

Comme nous l’avons déjà expliqué, en l’espèce, du point de vue du droit des marchés publics, la ville de Cologne doit être considérée comme l’adjudicateur et le cocontractant de la GKM-GbR ( 40 ). Il convient donc désormais de vérifier si le contrat principal du 6 août 2004 conclu entre la ville de Cologne et la GKM-GbR répond aux critères essentiels de la définition d’un marché public de travaux, au sens de l’article 1er, sous a), de la directive 93/37.

87.

En vertu de la jurisprudence constante, la définition d’un marché public de travaux, au sens de l’article 1er, sous a), de la directive 93/97 relève du domaine du droit communautaire ( 41 ). Par conséquent, pour répondre à la question de savoir si un marché public de travaux a été attribué à la GKM-GbR, ni le droit allemand ni la qualification juridique du contrat par les parties ne présentent de pertinence.

88.

À cet égard, force est de constater que la présente affaire se rattache en outre à la problématique du contrat simulé, la qualification juridique de tels contrats reposant également, dans les ordres juridiques nationaux, très largement sur la teneur concrète du contrat ( 42 ).

89.

Aux termes de l’article 1er, sous a), de la directive 93/37, l’existence d’un marché public de travaux suppose dans les faits qu’il ait été conclu, par écrit et à titre onéreux, entre un entrepreneur et un pouvoir adjudicateur, un contrat ayant pour objet l’exécution ou l’exécution et la conception de prestations de construction déterminées définies plus précisément dans ladite directive, par quelque moyen que ce soit, répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur.

90.

Cette notion de marché public de travaux doit être interprétée à la lumière des objectifs de la directive 93/37, laquelle vise — ainsi que cela résulte de ses considérants — à éliminer les restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services en matière de marchés publics de travaux ( 43 ) et à ouvrir ces marchés à une concurrence effective ( 44 ). Ces objectifs peuvent tout autant être compromis dans le cas où le pouvoir adjudicateur commande un ouvrage sur lequel il se verra accorder après son édification des droits réels ou personnels — plus ou moins étendus. Le risque qu’un traitement préférentiel accordé à certains opérateurs de marché entraîne une distorsion de la concurrence existe en effet dès lors qu’un pouvoir adjudicateur décide de charger un entrepreneur de travaux, quels que soient les raisons et le contexte de la réalisation de l’ouvrage et quelle qu’en soit la destination ( 45 ).

91.

La circonstance que la GKM-GbR a réalisé le projet de construction en tant que maître d’ouvrage sur un terrain lui appartenant, alors que la ville de Cologne ne se voit en première ligne accorder qu’un droit de jouissance de longue durée sur l’ouvrage en cause n’est donc pas déterminante pour répondre à la question de savoir si, par le contrat principal du 6 août 2004, la ville de Cologne a confié à la GKM-GbR un marché relevant du droit des marchés publics portant sur l’édification des halls d’exposition ( 46 ). Il est tout aussi peu déterminant que la ville de Cologne ou la Kölnmesse GmbH bénéficie d’une option de rachat sur le terrain, y compris les halls d’exposition, pouvant être invoquée en justice ( 47 ).

92.

Ainsi, dans son arrêt Auroux e.a., la Cour a jugé que la convention par laquelle la ville française de Roanne avait confié à une société d’économie mixte d’aménagement urbain la réalisation d’un pôle de loisir constituait un marché public de travaux, au sens de l’article 1er, sous a), de la directive 93/37 en dépit de ce que des éléments importants de ce pôle étaient destinés à être vendus à des tiers et que les éléments destinés à la ville ne lui seraient cédés qu’après leur achèvement. L’argument selon lequel ni la partie du pôle destinée à être vendue à des tiers ni celle qui devait être cédée à la ville après achèvement ne pouvaient constituer l’objet d’un marché public de travaux, au sens de l’article 1er, sous a), de la directive 93/37 a été rejeté par la Cour au motif qu’il importait peu qu’il eut été prévu que la commune de Roanne soit ou devienne propriétaire de tout ou partie de cet ouvrage ( 48 ).

93.

En conséquence, ce qui est déterminant pour répondre à la question de savoir si un contrat répond aux critères essentiels d’un marché de travaux relevant du droit des marchés publics, c’est la constatation objective que ce contrat a pour objet l’édification à titre onéreux d’un ouvrage.

94.

En l’espèce, la question déterminante pour la qualification au regard du droit des marchés publics du contrat principal du 6 août 2004 est celle de savoir si ce contrat — à côté de ses éléments locatifs — règle également la réalisation (et la conception) des halls d’exposition répondant aux besoins précisés par la ville de Cologne.

95.

Quand bien même le contrat principal du 6 août 2004 a été intitulé par les parties «contrat de location sur un terrain comprenant 4 halls d’exposition, un ouvrage ‘entrée nord’, un boulevard et une bretelle d’accès devant les parkings, 5 installations de liaison entre les halls d’exposition, les parkings et les installations extérieures à Cologne Deutz, Deutz-Müllheimer Strasse e.a.» et une obligation pour la GKM-GbR d’édifier l’ouvrage en cause n’y est pas expressément formulée, l’exécution des obligations découlant du bail suppose nécessairement de réaliser préalablement l’ensemble de l’ouvrage. À la date de la conclusion du contrat, les ouvrages «loués» restaient devoir être entièrement édifiés, de sorte que l’obligation d’édifier les halls concernés, y compris leurs superstructures et infrastructures, avait été, certes implicitement mais néanmoins incontestablement, convenue dans le contrat principal.

96.

Cette analyse est confortée par différents renvois, plus ou moins explicites, aux obligations relatives à la réalisation matérielle de la construction pesant sur la GKM-GbR qui sautent aux yeux lors d’une analyse plus précise du libellé du contrat principal du 6 août 2004.

97.

Un indice important résulte déjà de l’intitulé du paragraphe 2 de ce contrat, à savoir «Réalisation, aménagement et jouissance du bien locatif». Ce faisant, la notion de «réalisation du bien locatif» renvoie sans équivoque à la réalisation due par la GKM-GbR de la construction des halls d’exposition selon les spécifications décrites dans cette partie du contrat. Cela résulte notamment de l’article 2, point 1, du contrat où il est certes, dans la phrase introductive, uniquement question de la «mise à disposition» de l’objet en question, mais où il est néanmoins fait état, après les constatations relatives à l’aménagement, la taille, la nature et les caractéristiques des halls d’exposition, de ce que la GKM-GbR est tenue d’une «réalisation de nature et de qualité au moins moyenne», ce qui bien évidemment vise la réalisation de la construction. Par conséquent, les «indications relatives aux caractéristiques» particulièrement détaillées ( 49 ) énumérées dans cette partie du contrat doivent, en réalité, être considérées comme des spécifications du maître d’ouvrage relatives à la réalisation de l’ouvrage due par la GKM-GbR.

98.

Certes, il est également fait état à l’article 2, point 1, du contrat de ce que les descriptions détaillées des prestations et les documents de conception ont été élaborés de concert par les cocontractants, il ressort toutefois clairement de l’exposé des faits par la République fédérale d’Allemagne que la GKM-GbR a édifié les halls d’exposition, y compris leurs installations et infrastructures, conformément aux spécifications qui lui ont été imposées et donc «sur commande» ( 50 ).

99.

De plus, le fait que l’entreprise générale engagée par la GKM-GbR pour exécuter les travaux de construction soit désignée comme un «préposé» («Erfüllungsgehilfe») de la GKM-GbR dans les rapports avec la ville de Cologne ( 51 ) confirme clairement, ainsi que la Commission l’a exprimé à juste titre, l’existence d’une obligation contractuelle de la GKM-GbR à l’égard de la ville de Cologne d’édifier l’ouvrage.

100.

À notre avis, le contrat principal du 6 août 2004 contient donc des stipulations détaillées sur la réalisation de la construction de halls d’exposition, y compris leurs superstructures et infrastructures, répondant aux besoins précisés par la ville de Cologne, de sorte que ce contrat prévoit une obligation de la GKM-GbR, antérieure à celles découlant du bail, dont le contenu est réglé jusque dans les détails, d’édifier les halls d’exposition et les autres ouvrages conformément aux stipulations contractuelles.

101.

Par conséquent, le contrat principal du 6 août 2004 répond aux critères essentiels de la définition d’un marché public de travaux, au sens de l’article 1er, sous a), de la directive 93/37.

102.

Il ne faut toutefois pas perdre de vue que ce contrat principal règle également expressément, à côté de l’obligation de réaliser les travaux de construction pesant sur la GKM-GbR, l’obligation de cette dernière de mettre à la disposition de la ville de Cologne pour une durée déterminée les ouvrages à réaliser, laquelle est elle aussi réglée dans les détails. Cette forme de cession de jouissance pour une longue durée déterminée doit être qualifiée de bail et donc de prestation de services, de sorte que le contrat principal contient à la fois des éléments propres à la réalisation de travaux et des éléments propres à la prestation de services.

103.

À titre de conclusion intermédiaire, il convient de constater que le contrat principal du 6 août 2004 a pour objet à la fois, la fourniture de travaux de construction et la prestation de services, et doit donc être qualifié, au regard du droit des marchés publics, de contrat mixte ou complexe.

4. Détermination de l’objet principal du contrat principal mixte du 6 août 2004

104.

Lorsqu’un contrat contient à la fois des éléments ayant trait à un marché public de travaux et des éléments ayant trait à la prestation d’un service, en vertu de la jurisprudence constante de la Cour, c’est l’objet principal du contrat qui détermine quelle directive communautaire de marchés publics trouve en principe à s’appliquer ( 52 ). Cette exigence de prendre en considération le centre de gravité du contrat pour délimiter le champ d’application matériel de la directive 93/37 relative aux marchés publics de travaux par rapport à celui de la directive 92/50 relative aux marchés publics de services a été explicitement fixée dans le seizième considérant de cette dernière directive en soulignant qu’un contrat ne peut être considéré comme un marché public de travaux que si son objet consiste à réaliser un ouvrage et que, pour autant que ces travaux sont accessoires et ne forment pas l’objet du contrat, ils ne peuvent justifier la classification du contrat comme marché public de travaux ( 53 ).

105.

Contrairement à ce qui est le cas pour un marché mixte portant à la fois sur des produits et des services pour lequel, en vertu de l’article 2 de la directive 92/50, la détermination du centre de gravité repose exclusivement sur la valeur des prestations respectives ( 54 ), en présence d’un marché mixte portant à la fois sur des services et des travaux, il convient de procéder également, à côté d’une comparaison des coûts respectifs, à une analyse objective du marché considéré dans son ensemble ( 55 ).

106.

En l’espèce, il est certes relativement simple — sans tenir compte de futures «augmentations de loyer» — d’évaluer en chiffres absolus à la somme de 598575000 euros la valeur globale de la contrepartie due sur une durée de 30 ans par la ville de Cologne. En revanche, en l’absence dans le contrat de critères objectifs de rattachement, ventiler avec précision cette somme, en fonction des éléments ayant trait à un marché public de travaux et des éléments ayant trait à la prestation d’un service figurant dans le contrat principal du 6 août 2004, s’avère quasiment impossible.

107.

Néanmoins, le dossier comprend suffisamment d’autres critères de rattachement pour permettre de déterminer l’objet principal du contrat du 6 août 2004 dans le cadre d’un examen objectif de l’ensemble du marché.

108.

Il est établi que, dès le début des années 1990, la Kölnmesse GmbH avait travaillé sur des plans pour la construction de nouveaux halls d’exposition et que ceux-ci, du fait d’une série d’événements survenus en 2003, avaient très rapidement pris concrètement forme. C’est dans ce contexte que, pressées par le temps, la Kölnmesse GmbH et la ville de Cologne ont recherché ensemble un modèle adapté de financement ou d’investissement afin de financer l’édification rapide des halls d’exposition et ont finalement opté pour le contrat principal du 6 août 2004 conclu avec la GKM-GbR ( 56 ). La raison d’être de la conclusion du contrat était donc une édification rapide des halls d’exposition conformément aux spécifications de la ville de Cologne, et c’est donc bien la réalisation de travaux par la GKM-GbR qui se trouve au premier plan.

109.

Ce faisant, il convient de souligner que les spécifications de la ville de Cologne quant à l’édification par la GKM-GbR des halls d’exposition — pour autant que cela ressort du dossier — vont bien au-delà des exigences habituelles d’un locataire à l’égard d’un nouvel immeuble, ce qui, à nouveau, ramène le centre de gravité du contrat vers un marché public de travaux ( 57 ).

110.

En outre, le dossier contient des indices très nets de l’existence d’un accord entre les parties intéressées, en vertu duquel il était ménagé à la Kölnmesse GmbH, au terme de la durée du contrat de 30 ans, la possibilité de racheter le terrain, y compris les halls d’exposition, moyennant un prix déjà fixé avant la conclusion du contrat principal de 70 millions d’euros qui représenterait la valeur future estimée du terrain (sans superstructures). Certes les arrangements en cause n’ont pas été expressément confirmés dans le contrat du 6 août 2004, il ressort toutefois clairement des déclarations publiques relatives aux pourparlers contractuels faites par le responsable financier de la ville de Cologne ( 58 ) ainsi que d’un rapport de la Bezirksregierung Köln en date du sur la construction des nouveaux halls d’exposition ( 59 ) que la ville de Cologne était convaincue d’avoir juridiquement assuré à la Kölnmesse GmbH un droit de rachat moyennant un prix préalablement fixé également à la somme de 70 millions d’euros.

111.

Il ressort notamment du rapport du 27 janvier 2006 de la Bezirksregierung Köln sur la construction des nouveaux halls d’exposition, lequel contient entre autres un tableau chronologique des pourparlers contractuels avec la GKM-GbR, qu’à la fin de l’année 2003, il a été négocié un «projet de contrat de location» d’une durée de 30 ans moyennant un «loyer» de 20,7 millions d’euros par an — et donc de 1,725 million d’euros par mois — dans lequel avait été calculé en même temps «dans le coût actualisé de l’offre un prix de reprise en 2036 de 70 millions d’euros». Quand bien même cette option d’achat n’est jamais devenue un élément obligatoire du contrat, il n’en reste pas moins établi que le «loyer» de 1,725 million d’euros visé dans ce projet a finalement été convenu dans le contrat principal du . En conséquence, la stipulation du contrat principal relative à la contrepartie due par la ville de Cologne se fonde clairement sur le calcul sur lequel reposait le projet de contrat et selon lequel, à l’expiration de la durée du contrat, la GKM-GbR céderait le site de la foire à la Kölnmesse GmbH moyennant un prix d’environ 70 millions d’euros ( 60 ). Cette analyse n’est pas non plus remise en cause par la dispense de loyers pendant treize mois — laquelle a manifestement été convenue a posteriori —, ne serait-ce déjà, parce que la République fédérale d’Allemagne n’en a fait état ni dans le cadre de la discussion sur cette dispense de loyer ni dans le cadre de son analyse exhaustive des possibilités de rachat ou de préemption. Selon l’argumentation développée par la République fédérale d’Allemagne — tant dans son mémoire en duplique qu’à l’audience —, l’octroi d’une telle dispense de loyer serait une opération absolument courante par laquelle le rendement d’un bien locatif pourrait être formellement augmenté dans l’intérêt du bailleur.

112.

Au fond, il n’est pas nécessaire de déterminer si la Kölnmesse GmbH s’est finalement bien vu accorder un droit de préemption juridiquement opposable moyennant un prix (du terrain) préalablement fixé à 70 millions d’euros. Ce qui importe est que la ville de Cologne et la GKM-GbR ont conclu le contrat principal, manifestement dans la perspective qu’à l’expiration du contrat, le site de la foire — qui avait été peu de temps auparavant acheté non bâti à la ville de Cologne ou à la Kölnmesse GmbH moyennant un prix d’environ 67 millions d’euros — serait racheté, halls d’exposition compris, par la Kölnmesse GmbH moyennant un prix de 70 millions d’euros, de sorte que le montage contractuel qui doit en l’espèce être apprécié repose finalement sur cette perspective.

113.

Selon nous, il en résulte que la contrepartie due mensuellement par la ville de Cologne doit, en première ligne, être considérée comme des paiements échelonnés des prestations de construction fournies par la GKM-GbR. Au vu des stipulations financières convenues entre les parties, le contrat principal du 6 août 2004 paraît donc être, compte tenu de son centre de gravité, un marché de travaux à paiements échelonnés, la cession simultanée de la jouissance étant par essence conditionnée par la durée des paiements échelonnés et découlant donc nécessairement du réel objet du contrat principal, à savoir un marché de travaux.

114.

Cette analyse est étayée par la stipulation contractuelle relative à la répartition d’éventuels surcoûts ou économies de construction qui pourraient nécessairement résulter d’adaptations des plans d’agrément et d’exécution des constructions du fait des exigences des autorités, de l’ingénieur d’analyse des contraintes ou des entreprises d’approvisionnement ou de collecte. Aux termes du contrat principal ( 61 ), la ville de Cologne et la GKM-GbR doivent convenir d’une compensation de ces surcoûts et économies, ce qui implique en fin de compte une répartition économique des risques correspondant à la répartition des risques entre le pouvoir adjudicateur et le soumissionnaire dans le cadre d’un marché public de travaux.

115.

Dans le cadre d’un examen objectif de l’ensemble du marché et en particulier du montage contractuel négocié dans la présente affaire, au vu de tous ce qui précède, la conclusion qui s’impose est que la finalité principale du contrat conclu entre la GKM-GbR et la ville de Cologne n’était pas tant la cession de la jouissance des ouvrages à édifier, mais bien plutôt l’édification de ces ouvrages. En conséquence, la conclusion du contrat principal du 6 août 2004 visait au premier chef à procurer à la ville de Cologne des prestations de travaux, la cession de la jouissance des ouvrages à édifier n’étant en substance qu’un outil destiné à financer cette prestation de travaux. Ce faisant, le «loyer» mensuel de 1,725 million d’euros doit être considéré au premier chef comme la contrepartie des prestations de construction fournies par la GKM-GbR, la durée de 30 ans de ce paiement et de la cession de jouissance qui y est liée s’expliquant essentiellement par des considérations liées à la technique de financement.

116.

Au vu des considérations qui précèdent, nous parvenons à la conclusion que les éléments propres à un marché public de travaux constituent l’objet principal de ce contrat, de sorte que celui-ci tombe sous le coup du champ d’application matériel de la directive 93/37.

5. Conclusion

117.

Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient donc de supposer que le contrat principal du 6 août 2004, objet du litige, doit être qualifié de marché public de travaux, au sens de l’article 1er, sous a), de la directive 93/37 que la ville de Cologne, en qualité de pouvoir adjudicateur, aurait par conséquent dû attribuer, conformément aux dispositions de l’article 7, paragraphe 4, de ladite directive, dans le cadre d’une procédure ouverte ou restreinte de passation de marché en respectant les règles en matière de publication fixées à l’article 11.

VIII — Sur les dépens

118.

Conformément à l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. La République fédérale d’Allemagne ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de condamner cette dernière aux dépens.

IX — Conclusion

119.

Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de:

1)

constater que la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées des articles 7 et 11 de la directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, en ce que la ville de Cologne a directement conclu avec la société Grundstücksgesellschaft Köln Messe 15 bis 18 GbR le contrat du sans avoir conduit de procédure de passation de marché à l’échelle européenne conformément auxdites dispositions et dans le respect des règles de publication qui s’y appliquent;

2)

condamner la République fédérale d’Allemagne aux dépens.


( 1 ) Langue originale: l’allemand.

( 2 ) JO L 199, p. 54.

( 3 ) JO L 209, p. 1.

( 4 ) L’intitulé complet de ce contrat est «contrat de sous-location ayant pour objet la location d’un terrain comprenant quatre halls d’exposition, un ouvrage ‘entrée nord’, un boulevard et une bretelle d’accès devant le parking, 5 installations de liaison entre les halls d’exposition, les parkings et les installations extérieures à Cologne Deutz, Deutz-Müllheimer Strasse e.a.».

( 5 ) Voir arrêts du 3 juillet 1997, Commission/France (C-60/96, Rec. p. I-3827, point 15); du , Commission/Pays-Bas (C-3/96, Rec. p. I-3031, point 36); du , Commission/Espagne (C-29/01, Rec. p. I-2503, point 11); du , Commission/Italie (C-525/03, Rec. p. I-9405, points 13 et suiv.); du , Commission/Italie (C-412/04, Rec. p. I-619, point 42); du , Commission/Luxembourg (C-319/06, Rec. p. I-4323, point 72), et du , Commission/Autriche (C-311/07, point 26).

( 6 ) Voir arrêt du 27 octobre 2005, Commission/Italie (précité à la note 5, point 16).

( 7 ) Voir, en ce sens déjà, conclusions de l’avocat général Lenz dans l’affaire Commission/Italie (arrêt du 31 mars 1992, C-362/90, Rec. p. I-2353), points 11 et suiv.

( 8 ) Voir, en ce sens également, conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Commission/Grèce (arrêt du 11 octobre 2007, C-237/05, Rec. p. I-8203), point 62.

( 9 ) Arrêt Commission/Grèce (précité à la note 8, point 29), concernant la directive 92/50. Voir également arrêt du 2 juin 2005, Commission/Grèce (C-394/02, Rec. p. I-4713), concernant la directive 93/38/CEE du Conseil, du , portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications (JO L 199, p. 84). Voir également, en ce sens, Lenaerts, K., Arts, D., et Maselis, I., Procedural Law of the European Union, deuxième édition, Londres, 2006, p. 159 et suiv., point 5-052.

( 10 ) La Cour a fermement écarté l’approche purement formaliste selon laquelle il y aurait lieu de considérer le droit communautaire des marchés publics comme des règles de nature purement procédurale, de sorte que tous les effets d’une violation de ces règles seraient épuisés au moment où cette violation est commise; voir arrêt du 10 avril 2003, Commission/Allemagne (C-20/01 et C-28/01, Rec. p. I-3609, points 31 à 37).

( 11 ) Voir arrêts du 25 mai 1982, Commission/Pays-Bas (96/81, Rec. p. 1791, point 6), et du , Commission/France (C-159/94, Rec. p. I-5815, point 102).

( 12 ) Arrêt du 12 juillet 2001 (C-399/98, Rec. p. I-5409), point 94 des conclusions.

( 13 ) Voir arrêt Commission/Allemagne (précité à la note 10, points 35 et suiv.).

( 14 ) Voir arrêts du 31 mars 1992, Commission/Italie (précité à la note 7, point 11), et du , Commission/Autriche (C-328/96, Rec. p. I-7479, points 42 à 45).

( 15 ) C’est en ce sens qu’il convient de comprendre l’arrêt du 2 juin 2005, Commission/Grèce (précité à la note 9). La Cour a commencé par confirmer qu’un recours en manquement est irrecevable lorsque le contrat en cause a épuisé tous ses effets à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé. C’est parce que, dans l’affaire en cause, les travaux contractuellement convenus n’avaient été achevés qu’à 85 % à l’expiration de ce délai que l’exception d’irrecevabilité a été rejetée.

( 16 ) Précité à la note 8, points 29 et suiv.

( 17 ) Voir arrêts du 20 septembre 1988, Beentjes (31/87, Rec. p. 4635, point 11); du , BFI Holding (C-360/96, Rec. p. I-6821, point 62); du , Commission/France (C-237/99, Rec. p. I-939, point 43), et du , Universal-Bau e.a. (C-470/99, Rec. p. I-11617, point 53).

( 18 ) Voir Marx, F., et Priess, H., in Jestaedt, Kemper, Marx et Priess, Das Recht der Auftragsvergabe, Neuwied, 1999, p. 16.

( 19 ) Voir arrêt Beentjes (précité à la note 17, point 11), dans lequel la Cour a souligné que la notion d’État visée à l’article 1er de la directive 71/305/CEE du Conseil, du 26 juillet 1971, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 185, p. 5), doit recevoir une interprétation fonctionnelle, car le but de ladite directive, qui vise à la réalisation effective de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services en matière de marchés publics de travaux, serait en effet compromis si l’application de la directive devait être exclue du seul fait qu’un marché public de travaux est adjugé par un organisme qui, tout en ayant été créé pour exécuter des tâches que la loi lui confère, n’est pas formellement intégré à l’administration de l’État.

( 20 ) Voir, notamment, arrêt du 10 novembre 2005, Commission/Autriche (C-29/04, Rec. p. I-9705).

( 21 ) La situation pourrait être éventuellement appréciée différemment si la ville de Cologne avait, dès le départ, agi pour le compte de la Kölnmesse GmbH et lui avait transféré par la suite l’ensemble de ses droits et obligations découlant du contrat du 6 août 2004. À cet égard, dans son arrêt du , Mannesmann Anlagenbau Austria e.a. (C-44/96, Rec. p. I-73, points 42 et suiv.), la Cour a jugé qu’un marché public de travaux passé par un pouvoir adjudicateur n’est plus soumis aux dispositions de la directive 93/37 lorsque, avant l’achèvement de l’ouvrage, le pouvoir adjudicateur transfère les droits et obligations qui lui incombent dans le cadre d’un appel d’offres à une entreprise qui n’est pas un pouvoir adjudicateur, pour autant qu’il résulte du contexte global que le marché a été passé pour le compte de cette entreprise et qu’il porte en outre sur un projet qui, dès l’origine, relevait dans son intégralité de l’objet social de l’entreprise concernée. Voir également, Bovis, C., «Case C-44/96, Mannesmann Anlagenbau AG», Common Market Law Review, 1999, p. 205.

( 22 ) Aux termes de la convention d’exécution, la ville de Cologne a donné mandat à la Kölnmesse GmbH d’exécuter et exercer tous les droits et obligations souscrits par la ville de Cologne dans le cadre de ses relations avec la GKM-GbR, l’exercice des droits modifiant le lien juridique existant nécessitant toutefois toujours le consentement préalable de la ville de Cologne. Il ne résulte donc pas de ce montage contractuel que la ville de Cologne a transféré ses droits et obligations à la Kölnmesse GmbH, mais uniquement que cette dernière peut assumer, au nom de la ville de Cologne, ces droits et obligations vis-à-vis de la GKM-GbR. En outre, la ville de Cologne s’est réservé le droit de dénoncer, à tout moment, en totalité ou en partie, la convention d’exécution et d’interdire à la Kölnmesse GmbH d’assumer en son nom les droits et obligations contractuels à l’égard de la GKM-GbR.

( 23 ) Cette stipulation ressort notamment d’une «letter of intent» en date du 8 décembre 2003 adressée par la ville de Cologne à la Kölnmesse GmbH, dans laquelle il a été expressément déterminé que les loyers dus par la Kölnmesse GmbH à la ville de Cologne devraient être adaptés à la modification de la situation économique de l’entreprise si la Kölnmesse GmbH ne devait pas parvenir, après 2012, à compenser le surcoût en générant plus de manifestations. Cette promesse a été expressément confirmée dans une «letter of intent» en date du , adressée par la ville de Cologne à la Kölnmesse GmbH, aux termes de laquelle la ville de Cologne se déclarait prête à s’engager, sous certaines conditions économiques déterminées, à adapter les (sous-) loyers dus par la Kölnmesse GmbH pour les nouveaux halls d’exposition à édifier.

( 24 ) Voir Rengeling, H.-W., Middeke, A. et Gellermann, M., Handbuch des Rechtsschutzes in der Europäischen Union, Münich, 2003, § 23, point 37, p. 426.

( 25 ) En vertu de la jurisprudence constante, l’objet du recours introduit en vertu de l’article 226 CE est circonscrit par la procédure précontentieuse prévue par ledit article, de sorte que l’avis motivé de la Commission et le recours doivent être fondés sur des griefs identiques. Cette exigence n’implique certes pas nécessairement que le libellé du recours doit coïncider parfaitement avec les griefs soulevés dans la lettre de mise en demeure ou dans le dispositif de l’avis motivé, toutefois toujours à la condition que l’objet du litige ne soit pas étendu ou modifié. En revanche, l’objet du litige peut être restreint (voir arrêts du 9 novembre 1999, Commission/Italie, C-365/97, Rec. p. I-7773, points 23 et 25; du , Commission/Finlande, C-229/00, Rec. p. I-5727, points 44 et 46, et du , Commission/Allemagne, C-433/03, Rec. p. I-6985, point 28). Il est également permis à la Commission de préciser ses griefs initiaux dans sa requête, bien évidemment toujours à la condition qu’elle ne modifie pas l’objet du litige (voir arrêt du , Commission/Finlande, C-195/04, Rec. p. I-3351, point 18 et jurisprudence citée).

( 26 ) Voir arrêts du 21 février 2008, Commission/Italie (précité à la note 5, point 103), et du , Commission/Finlande (précité à la note 25, point 22). Voir également, dans le même sens, arrêts du , Meroni/Haute Autorité (46/59 et 47/59, Rec. p. 783, 801), et du , Commission/France (C-296/01, Rec. p. I-13909, point 121).

( 27 ) Arrêt du 10 mai 2001 (C-223/99 et C-260/99, Rec. p. I-3605, points 33 et suiv.). La Cour a exposé pour en justifier que l’organisateur de telles manifestations, en réunissant en un même lieu géographique des fabricants et des commerçants, n’agit pas seulement dans l’intérêt particulier de ces derniers, qui bénéficient ainsi d’un espace de promotion pour leurs produits et marchandises, mais procure également aux consommateurs qui fréquentent ces manifestations une information permettant à ceux-ci d’effectuer leurs choix dans des conditions optimales. L’impulsion pour les échanges qui en résulte peut être considérée comme relevant de l’intérêt général.

( 28 ) Arrêt du 13 décembre 2007, Bayerischer Rundfunk e.a. (C-337/06, Rec. p. I-11173, points 36 et suiv.).

( 29 ) Arrêt du 27 février 2003, Adolf Truley (C-373/00, Rec. p. I-1931, point 43). Voir, en ce sens également, conclusions de l’avocat général Mazák du dans l’affaire Hans & Christophorus Oymanns (C-300/07, pendante devant la Cour), point 27.

( 30 ) Arrêt précité à la note 27, points 35 et suiv.. À cet égard, la Cour a notamment exposé que l’organisation de foires, d’expositions et d’autres initiatives semblables est une activité économique qui consiste à offrir des services sur le marché. Ces services sont fournis contre versement d’une contrepartie et satisfont à des besoins de nature commerciale. Même si la foire en question ne poursuit pas de but lucratif, elle fonctionne, comme cela ressort de l’article 1er de ses statuts, selon des critères de rendement, d’efficacité et de rentabilité et, aucun mécanisme n’étant prévu pour compenser d’éventuelles pertes financières, elle supporte elle-même le risque économique de ses activités. Ce qui était également déterminant pour la Cour, c’était le fait que la foire opère dans un environnement concurrentiel. Sur ces critères, voir Brown, A., «Cases C-223/99 and C-260/99: the definition of contracting authorities and of needs in the general interest that lack a commercial character», PPLR 2001, p. 107.

( 31 ) Arrêt du 10 avril 2008 (C-393/06, Rec. p. I-2339, point 41).

( 32 ) Arrêt du 22 mai 2003 (C-18/01, Rec. p. I-5321, point 49). Voir, également, arrêt du , Commission/Espagne (C-283/00, Rec. p. I-11697, points 81 et suiv.).

( 33 ) Arrêt Korhonen e.a. (précité à la note 32, point 51).

( 34 ) Voir, en ce sens, Marx, F., in Motzke, Pietzcker et Prieß, Beck’scher VOB-Kommentar Verdingungsordnung für Bauleistungen Teil A, première édition, «§ 98 Auftraggeber», point 32; Werner, M., in Byok, J., Jaeger, W., Kommentar zum Vergaberecht, Heidelberg, 2000, «§ 98», point 313; Byok, J., et Goodarzi, R., «Messegesellschaften und Auftragsvergabe», NVwZ 2006, p. 281. Voir également Dreher, M., in Dreher, M., et Stockmann, K, Kartellvergaberecht, quatrième édition, Munich, § 98, point 136, selon lequel les sociétés organisatrices de foires doivent donc être généralement qualifiées d’organismes de droit public.

( 35 ) Voir en ce sens Marx, F., et Priess, H., op. cit. note 18, p. 38, qui soulignent que la tenue de marchés et de foires fait partie des activités de nature publique et ne peut, en règle générale, être financée que par la mise en œuvre de fonds publics considérables. Selon ces auteurs, ce qui serait déterminant pour la qualification en tant que pouvoir adjudicateur de ces sociétés organisatrices de foires, c’est qu’elles ne sont précisément pas des entreprises industrielles ou commerciales visant exclusivement à maximiser les profits.

( 36 ) Byok, J., et Goodarzy, R., op. cit. note 34, p. 281, donnant de nombreux exemples démontrant cette positon particulière en terme de concurrence.

( 37 ) Voir Dreher, M., op. cit. note 34, point 77, lequel souligne que l’absence de caractère industriel ou commercial a finalement la même signification que l’existence d’une position particulière sur le marché d’origine étatique. Voir, également, conclusions de l’avocat général Léger dans l’affaire Mannesmann Anlagenbau Austria e.a., précitée à la note 21, point 69, dans lesquelles il avait souligné que le législateur communautaire a souhaité que la directive en matière de marchés publics s’applique aux organismes poursuivant la satisfaction de besoins d’intérêt général dont l’activité échappe, en tout ou partie, à la logique du marché.

( 38 ) Voir, notamment, arrêts Korhonen e.a. (précité à la note 32, point 52) et Universale-Bau e.a. (précité à la note 17, point 52).

( 39 ) Voir, également, point 32 des conclusions de l’avocat général Geelhoed dans l’affaire Commission/Allemagne (arrêt du 18 novembre 2004, C-126/04, Rec. p. I-11197) dans lesquelles il est souligné qu’un organisme qui poursuit un but lucratif et supporte lui-même les risques liés à son activité ne s’engagera normalement pas dans une procédure de passation de marché à des conditions qui ne seraient pas économiquement justifiées.

( 40 ) Voir ci-dessus, points 62 et suiv.

( 41 ) Arrêt du 18 janvier 2007, Auroux e.a. (C-220/05, Rec. p. I-385, point 40). Voir, concernant la directive 92/50, arrêt du , Commission/France (C-264/03, Rec. p. I-8831, point 36).

( 42 ) L’appréciation selon laquelle, en présence d’un contrat simulé, sa qualification juridique est opérée en fonction de la teneur concrète des conventions apparaît déjà dans l’adage du droit romain plus valere quod agitur, quam quod simulate concipitur (Code de Justinien, livre IV, titre 22). À cet égard, l’article 117, paragraphe 2, du code civil allemand prévoit également que, lorsque l’acte apparent dissimule un autre acte, les dispositions valant pour l’acte déguisé s’appliquent. Il en résulte, qu’en ce qui concerne les actes soumis à aucune condition de forme, conformément à l’adage falsa demonstratio non nocet, c’est l’acte déguisé voulu d’un commun accord qui vaut (voir Larenz, K., et Wolf, M., Allgemeiner Teil des deutschen bürgerlichen Rechts, neuvième édition, Munich, 2004, § 35, point 34). Une disposition similaire à cette règle allemande figure également à l’article 50, paragraphe 2, du code slovène des obligations [voir Dolen, M., in Juhart, M., et Plavsăk, N. (éd.), Obligacijski zakonik s komentarjem, livre 1, GV zalo ba, Ljubljana, 2003, commentaire de l’article 50, p. 207]. Dans le même sens, l’article 916, paragraphe 1, deuxième phrase, du code civil autrichien prévoit qu’un éventuel acte simulé doit être apprécié selon sa véritable nature. Cette orientation de principe se retrouve également dans les ordres juridiques français et belge, dans lesquels les juridictions peuvent écarter, dans le cadre de la qualification juridique des contrats, la désignation du contrat choisie par les parties pour déterminer la véritable nature juridique du contrat en cause et donc le droit applicable (en ce qui concerne la France, voir Le Tourneau, P., Droit de la responsabilité et des contrats, sixième édition, Paris, 2006, point 3615; en ce qui concerne la Belgique, voir Cornelis, L., Algemene theorie van de verbintenis, Anvers, 2000, point 229). En vertu de l’article 1281, paragraphe 2, du code civil espagnol également, en cas de contradiction, l’intention manifeste des parties l’emporte sur le libellé du contrat en cause. Dans son arrêt du 28 mai 1990 (résumé in Moreno Gil, O., Código civil y jurisprudencia concordada, quatrième édition, Madrid, 2006, point 4.230), le Tribunal Supremo a déduit de cette disposition que ce n’est pas la désignation du contrat choisie par les parties, mais les obligations contractuelles convenues qui présentent une pertinence pour qualifier le contrat.

( 43 ) Deuxième considérant de la directive 93/37.

( 44 ) Dixième considérant de la directive 93/37.

( 45 ) Voir, en ce sens, point 43 des conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Auroux e.a., précitée à la note 41.

( 46 ) Voir également Franke, H., in Grabitz et Hilf, Das Recht der Europäischen Union, tome 4, Munich, 30e mise à jour juin 2006, B. 8, Bauaufträge, point 11; Egger, A., Europäisches Vergaberecht, première édition, Vienne, 2008, point 719, qui souligne, à cet égard, que la définition de la notion de marché public de travaux englobe précisément l’édification «par quelque moyen que ce soit» et qu’elle s’applique donc aux contrats de leasing immobilier lorsque le bailleur édifie l’ouvrage conformément aux spécifications de l’adjudicateur/locataire.

( 47 ) En revanche, dans le cadre de la détermination de l’objet principal sur le plan qualitatif d’un marché mixte de services et de travaux, la constatation que les parties ont conclu leur contrat dans la perspective d’une telle possibilité de rachat peut revêtir une grande importance. Voir ci-après, points 110 et suiv.

( 48 ) Arrêt précité, point 47.

( 49 ) À cet égard, il est renvoyé notamment aux descriptions et listes des prestations figurant en annexe ainsi qu’aux plans des édifices, schémas et autres plans joints en tant qu’annexes — de plusieurs milliers de pages — au contrat.

( 50 ) La République fédérale d’Allemagne a ainsi explicitement confirmé, au point 67 de son mémoire en défense, que «les halls d’exposition ont été édifiés pour répondre aux besoins précisés par la Kölnmesse GmbH, au sens de l’article 1er, point a) de la directive 93/37/CEE».

( 51 ) Voir article 17, point 2, du contrat principal.

( 52 ) Arrêts du 21 février 2008, Commission/Italie (précité à la note 5, point 47), et Auroux e.a. (précité à la note 41, point 37). Voir, également, arrêt du , Gestión Hotelera Internacional (C-331/92, Rec. p. I-1329, point 29).

( 53 ) Le libellé de ce considérant a été repris dans le dixième considérant de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO L 134, p. 114), et confirmé dans les termes suivants: «[…]Les marchés publics de services, notamment dans le domaine des services de gestion de propriétés, peuvent, dans certains cas, inclure des travaux. Toutefois, ces travaux, pour autant qu’ils sont accessoires et ne constituent, donc, qu’une conséquence éventuelle ou un complément à l’objet principal du contrat, ne peuvent justifier la classification du contrat comme marché public de travaux».

( 54 ) Voir arrêts du 18 novembre 1999, Teckal (C-107/98, Rec. p. I-8121, point 38), et du , Carbotermo et Consorzio Alibei (C-340/04, Rec. p. I-4137, point 31).

( 55 ) Arrêt du 21 février 2008, Commission/Italie (précité à la note 5, point 48).

( 56 ) Voir ci-dessus, points 10 et suiv.

( 57 ) Voir Trepte, P., Public procurement in the EU. A Practitioner’s Guide, deuxième édition, Oxford, 2007, p. 246 et suiv., selon lequel ce qui est déterminant pour pouvoir qualifier de marché public de travaux un contrat visant à conférer la jouissance d’un bien immobilier, c’est le fait que l’ouvrage a été édifié conformément aux spécifications détaillées du pouvoir adjudicateur et que le maître d’ouvrage n’aurait pas édifié l’ouvrage concerné sans acceptation préalable du pouvoir adjudicateur. Voir, dans le même sens, Eschenbruch, K., «Immobilienleasing und neues Vergaberecht», BB-Beilage Nr 5, 2000, p. 8, selon lequel il convient, en présence d’un «leasing immobilier», de retenir l’existence d’un marché public de travaux lorsque le pouvoir adjudicateur exerce, sous une forme déterminante, une influence sur l’architecture (la conception) de l’immeuble ou bien s’il intervient, de toute autre manière déterminante, sur celle-ci et ne se limite pas à imposer des spécifications particulières propres à l’utilisateur.

( 58 ) Était jointe en tant qu’annexe 1 de la requête de la Commission une interview, publiée les 5 et , accordée par le responsable financier de la ville de Cologne au Kölner Stadt-Anzeiger, dont la teneur a été discutée et expliquée en détail par la Commission et la République fédérale d’Allemagne. Dans cette interview, le responsable a confirmé que la Stadtsparkasse, qui avait présenté la GKM-GbR, maintiendrait se déclarer prête à garantir à la Kölnmesse GmbH un droit de rachat du site de la foire moyennant 70 millions d’euros et que cette dernière pourrait tirer des droits de cette promesse. Ce faisant, il a insisté sur le fait qu’«il ne saurait être question dans 30 ans de tordre le cou à la Foire, que ce soit économiquement ou juridiquement».

( 59 ) Rapport de la Bezirksregierung Köln, «Messe Köln: Neubau der Messehallen. Ergebnis der vergabe- und kommunarechtlichen Bewertung», du 27 janvier 2006, dans lequel a été décrit, entre autres, le déroulement des pourparlers contractuels.

( 60 ) Lors de l’audience, la République fédérale d’Allemagne a admis, en réponse à une question qui lui avait été posée, qu’elle n’était pas en mesure d’expliquer objectivement pour quelle raison la disparition invoquée par elle de l’option de rachat n’avait pas eu d’incidence sur le calcul du loyer.

( 61 ) Voir article 2, point 3, sous d), du contrat principal du 6 août 2004.