ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

24 octobre 2018 ( *1 )

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative 42 BELOW – Marque nationale figurative antérieure non enregistrée VODKA 42 – Motif relatif de refus – Article 8, paragraphe 4, du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 4, du règlement (UE) 2017/1001] – Usage dans la vie des affaires – Application du droit national par l’EUIPO »

Dans l’affaire T‑435/12,

Bacardi Co. Ltd, établie à Vaduz (Liechtenstein), représentée initialement par Me M. Reinisch, puis par Mes A. Parassina, L. Rigas et L. Lorenc, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté initialement par M. P. Geroulakos, puis par M. D. Gája et Mme D. Walicka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Palírna U zeleného stromu a. s., anciennement Granette & Starorežná Distilleries a.s., établie à Ústí nad Labem (République tchèque), représentée par Me T. Chleboun, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 9 juillet 2012 (affaire R 2100/2011-2), relative à une procédure d’opposition entre Granette & Starorežná Distilleries et Bacardi,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen (rapporteur), président, Mme I. Pelikánová et M. E. Buttigieg, juges,

greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 24 septembre 2012,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 5 février 2013,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 30 janvier 2013,

vu la réplique déposée au greffe du Tribunal le 12 mars 2013,

vu la duplique de l’EUIPO déposée au greffe du Tribunal le 2 août 2013,

vu la duplique de l’intervenante déposée au greffe du Tribunal le 20 août 2013,

vu les questions écrites du Tribunal aux parties et les réponses de la requérante et de l’EUIPO à ces questions déposées au greffe du Tribunal respectivement le 13 et le 20 mai 2015,

vu la demande de suspension de la procédure déposée au greffe du Tribunal par la requérante le 29 avril 2015 et les observations relatives à cette demande déposées par l’EUIPO et l’intervenante respectivement les 6 et 13 mai 2015,

vu l’ordonnance du président de la première chambre (ancienne formation) du 10 juin 2015 de suspendre la procédure,

vu la reprise de la procédure le 10 novembre 2015,

vu la demande de suspension de la procédure déposée au greffe du Tribunal par la requérante le 11 décembre 2015 et les observations relatives à cette demande déposées par l’EUIPO le 7 janvier 2016,

vu la décision du président de la première chambre (ancienne formation) du 20 janvier 2016 de suspendre la procédure,

vu la reprise de la procédure le 20 juin 2016,

vu la demande de suspension de la procédure déposée au greffe du Tribunal par la requérante le 22 août 2016 et les observations relatives à cette demande déposées par l’EUIPO et l’intervenante respectivement les 26 août et 8 septembre 2016,

vu la décision du président de la première chambre (ancienne formation) du 12 septembre 2016 de suspendre la procédure,

vu la reprise de la procédure le 13 mars 2017,

vu les réponses des parties déposées les 16 et 17 mai 2017 aux questions posées par le Tribunal à titre de mesures d’organisation de la procédure,

à la suite de l’audience du 7 novembre 2017,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1

Le 26 juin 2009, la requérante, Bacardi Co. Ltd, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2

La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

Image

3

Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 33, au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Boissons alcoolisées (à l’exception des bières), y compris vodka, boissons à base de vodka et aromatisées à la vodka ».

4

La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 59/2009, du 14 décembre 2009.

5

Le 11 mars 2010, l’intervenante, Granette & Starorežná Distilleries a.s., devenue Palírna U zeleného stromu a.s., a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6

L’opposition était fondée, notamment, sur la marque non enregistrée, utilisée en République tchèque et en Slovaquie, pour des « boissons alcooliques, à savoir [la] vodka » (ci-après la « marque non enregistrée »), reproduite ci-après :

Image

7

Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 4, du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 4, du règlement 2017/1001].

8

Le 12 août 2011, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 4, du règlement no 207/2009, et a condamné l’intervenante à supporter les dépens afférents à la procédure d’opposition.

9

Le 10 octobre 2011, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition.

10

Par décision du 9 juillet 2012 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a accueilli le recours de l’intervenante.

11

En premier lieu, la chambre de recours a rappelé les conditions cumulatives posées à l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009.

12

En deuxième lieu, la chambre de recours a observé que, en République tchèque, l’article 7, paragraphe 1, sous g), de la loi no 441/2003 Sb., du 3 décembre 2003 (ci-après la « loi tchèque sur les marques ») conférait aux titulaires des marques non enregistrées utilisées dans la vie des affaires, avant le dépôt d’une demande d’enregistrement, dont la portée n’était pas seulement locale, le droit d’interdire des marques plus récentes si les signes étaient identiques ou similaires et couvraient des produits ou services similaires.

13

En troisième lieu, la chambre de recours a estimé que, en l’espèce, l’intervenante avait démontré à suffisance, d’une part, que les produits visés par la marque non enregistrée avaient été commercialisés en différents lieux, à tout le moins du territoire tchèque et, d’autre part, que cette commercialisation avait eu lieu avant la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque demandée et dans le contexte d’une activité commerciale visant à obtenir un avantage économique.

14

La chambre de recours a conclu que les droits à la marque non enregistrée avaient été acquis par suite de l’usage qu’en avait fait l’intervenante pour « des boissons alcooliques, à savoir [la] vodka », avant la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque demandée.

15

En quatrième lieu, la chambre de recours a examiné si la marque non enregistrée conférait à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation de la marque demandée et, dans ce cadre, a vérifié si les conditions posées à l’article 7, paragraphe 1, sous g), de la loi tchèque sur les marques étaient réunies.

16

À cet égard, la chambre de recours a relevé, tout d’abord, que les produits en cause s’adressaient au grand public résidant sur le territoire tchèque.

17

Ensuite, la chambre de recours a estimé, d’une part, que les produits en cause étaient identiques ou hautement similaires et, d’autre part, que les signes en conflit étaient globalement similaires d’un point de vue visuel, phonétique et conceptuel.

18

Par ailleurs, la chambre de recours a considéré que la marque non enregistrée jouissait d’un caractère distinctif moyen intrinsèque.

19

Eu égard à qui précède, la chambre de recours a conclu que, en l’espèce, il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

20

Enfin, la chambre de recours a estimé, en substance, que l’EUIPO était incompétent pour se prononcer sur l’argument de la requérante, selon lequel l’usage de la marque non enregistrée constituait un acte de concurrence déloyale ainsi qu’une violation de ses droits d’auteur, celui-ci ne pouvant, en tant que tel, remettre en cause l’existence et la validité de cette marque.

21

En conclusion, la chambre de recours a, d’une part, accueilli le recours et, partant, fait droit à l’opposition sur la base de la marque non enregistrée et, d’autre part, condamné la requérante à supporter les frais exposés aux fins des procédures d’opposition et de recours en application de l’article 85, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 (devenu article 109, paragraphe 1, du règlement 2017/1001).

Conclusions des parties

22

Dans la requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée ;

rejeter l’opposition à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée ;

transmettre à l’EUIPO l’arrêt à intervenir ;

condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

23

Après avoir renoncé, dans la réplique, aux deuxième et troisième chefs de conclusions, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée ;

condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

24

L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens.

25

L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens.

En droit

Sur la recevabilité

26

L’EUIPO prétend, en substance, que le chef de conclusions de la requérante visant à l’annulation de la décision attaquée est irrecevable au motif que, hormis l’allégation selon laquelle la chambre de recours a commis une erreur en estimant que les preuves de l’usage de la marque non enregistrée étaient suffisantes pour faire droit à l’opposition, la requête ne contiendrait pas d’arguments ou d’explications suffisamment claires des raisons pour lesquelles l’appréciation de ladite chambre serait erronée.

27

La requérante soutient avoir fourni suffisamment d’explications à cet égard dans la requête et avoir démontré que, en application du droit tchèque, la chambre de recours aurait dû exiger que l’intervenante apporte des preuves supplémentaires visant à établir l’usage continu de la marque non enregistrée.

28

À titre liminaire, il convient de constater que, dans sa fin de non-recevoir, l’EUIPO critique le caractère vague et général d’un argument invoqué et l’absence d’autres arguments au soutien du grief selon lequel, en substance, la condition de l’usage dans la vie des affaires, visée à l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, n’était pas remplie en l’espèce.

29

Il ressort d’une jurisprudence constante que, en vertu de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit indiquer l’objet du litige, les moyens et arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l'appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un argument soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir, en ce sens, ordonnance du 25 juillet 2000, RJB Mining/Commission, T‑110/98, EU:T:2000:199, point 23 et jurisprudence citée, et arrêt du 10 avril 2003, Travelex Global and Financial Services et Interpayment Services/Commission, T‑195/00, EU:T:2003:111, point 26).

30

Or, en l’espèce, les éléments de fait et de droit qui fondent l’argument de la requérante, selon lequel la chambre de recours a considéré, à tort, que les éléments de preuve de l’usage de la marque non enregistrée étaient suffisants pour faire droit à l’opposition, ressortent clairement de la requête.

31

En effet, au point B. III de la requête, la requérante prétend, en substance, que la condition relative à l’usage dans la vie des affaires, visée à l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, n’était pas remplie s’agissant de la marque non enregistrée, car l’intervenante n’aurait pas apporté la preuve de l’usage continu, non interrompu et actuel de ce signe jusqu’à la date d’adoption de la décision de la division d’opposition, à savoir jusqu’au 12 août 2011.

32

Or un tel argument est suffisamment clair et précis pour permettre à l’EUIPO de préparer sa défense et au Tribunal d’exercer son contrôle. Il convient donc de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par l’EUIPO.

Sur le fond

33

La requérante invoque en substance deux moyens. Le premier est tiré de la violation de la règle 50, paragraphe 2, sous g), du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1). Le second moyen est tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009.

Sur le premier moyen, tiré de la violation de la règle 50, paragraphe 2, sous g), du règlement no 2868/95

34

La requérante considère que la chambre de recours a effectué un résumé incorrect des faits de l’affaire. Selon elle, cette chambre a procédé à un résumé incomplet des arguments qu’elle a invoqués devant la division d’opposition ainsi que devant cette chambre. Tout d’abord, les arguments qui concernent le droit tchèque et, notamment, ceux afférents à la concurrence déloyale et aux droits d’auteur n’auraient pas été repris. Ensuite, le résumé des arguments, figurant au point 14 de la décision attaquée, concernerait uniquement ceux afférents à la marque tchèque no 263350 déposée le 10 septembre 2003 et sur laquelle aurait été fondée l’opposition de l’intervenante et ne reprendrait aucun des arguments relatifs à la marque non enregistrée. Enfin, la requérante fait valoir que la chambre de recours a omis d’examiner les arguments visant à démontrer que ladite marque ne bénéficiait d’aucune protection en droit tchèque, dès lors que celle-ci constituait un acte de concurrence déloyale et violait ses droits d’auteur sur le signe 42 BELOW. En conséquence, elle invoque une violation de l’article 50, paragraphe 2, sous g), du règlement no 2868/95, ainsi qu’un examen insuffisant de ses arguments, dont une partie aurait été ignorée.

35

L’EUIPO et l’intervenante contestent le bien-fondé du présent moyen.

36

À titre liminaire, il importe de rappeler que, en vertu de la règle 50, paragraphe 2, sous g), du règlement no 2868/95, la décision de la chambre de recours doit contenir un résumé des faits.

37

Il convient donc d’examiner le contenu de la décision attaquée pour vérifier si celle-ci contient un résumé des faits et notamment des arguments exposés par la requérante lors de la procédure administrative

38

D’une part, ainsi qu’il ressort du point 7 de la décision attaquée, la chambre de recours a résumé, de manière particulièrement détaillée, les arguments invoqués par la requérante devant la division d’opposition. Elle a, notamment au point 7, septième et huitième tirets, de la décision attaquée, fait état des arguments de la requérante concernant le droit tchèque relatif à la concurrence déloyale ainsi qu’aux droits d’auteur. Par ailleurs, au point 69 de la décision attaquée, elle a rappelé l’argument de la requérante selon lequel, en substance, l’usage, par l’intervenante, de la marque non enregistrée était illégal au motif qu’il constituait un acte de concurrence déloyale et violait les droits d’auteur de la requérante.

39

D’autre part, ainsi qu’il ressort du point 14 de la décision attaquée, la chambre de recours a résumé les arguments de la requérante qui visaient, en substance, au rejet du recours de l’intervenante contre la décision de la division d’opposition. En particulier, elle a rappelé l’argument de la requérante selon lequel si la marque demandée et la marque non enregistrée étaient considérées comme étant globalement similaires par l’intervenante, celle-ci ne pouvait faire valoir une similitude phonétique, étant donné que les mots « below » et « vodka » avaient un son totalement différent.

40

Ce faisant, la chambre de recours a bien résumé l’ensemble des arguments exposés par la requérante.

41

Dès lors, le premier moyen doit être rejeté.

Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009

42

La requérante prétend, en substance, que la chambre de recours a violé l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, en ce que celle-ci a conclu que la marque non enregistrée remplissait les conditions posées audit article et, partant, permettait de faire échec à l’enregistrement de la marque demandée.

43

En vertu de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, le titulaire d’une marque non enregistrée ou d’un signe autre qu’une marque peut s’opposer à l’enregistrement d’une marque de l’Union si cette marque non enregistrée ou ce signe remplit cumulativement quatre conditions : il doit être utilisé dans la vie des affaires ; il doit avoir une portée qui n’est pas seulement locale ; le droit à cette marque ou à ce signe doit avoir été acquis conformément au droit de l’État membre où il était utilisé avant la date de dépôt de la demande de marque de l’Union européenne ; enfin, cette marque ou ce signe doit reconnaître à son titulaire la faculté d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que, lorsqu’une marque non enregistrée ou un signe ne remplit pas l’une de ces conditions, l’opposition fondée sur l’existence d’une marque non enregistrée ou d’autres signes utilisés dans la vie des affaires, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, ne peut aboutir [voir arrêt du 12 octobre 2017, Moravia Consulting/EUIPO – Citizen Systems Europe (SDC‑888TII RU), T‑317/16, non publié, EU:T:2017:718, point 38 et jurisprudence citée].

44

Les deux premières conditions, c’est-à-dire celles relatives à l’usage et à la portée du signe ou de la marque invoqués, cette dernière ne devant pas être seulement locale, résultent du libellé même de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 et doivent donc être interprétées à la lumière du droit de l’Union. Ainsi, ce règlement établit des standards uniformes, relatifs à l’usage des signes et à leur portée, qui sont cohérents avec les principes qui inspirent le système mis en place par ce règlement [arrêts du 24 mars 2009, Moreira da Fonseca/OHMI – General Óptica (GENERAL OPTICA), T‑318/06 à T‑321/06, EU:T:2009:77, point 33 ; du 4 juillet 2014, Construcción, Promociones e Instalaciones/OHMI – Copisa Proyectos y Mantenimientos Industriales (CPI COPISA INDUSTRIAL), T‑345/13, non publié, EU:T:2014:614, point 41, et du 12 octobre 2017, SDC‑888TII RU, T‑317/16, non publié, EU:T:2017:718, point 39].

45

En revanche, il résulte de la locution « lorsque et dans la mesure où, selon le droit de l’État membre qui est applicable à ce signe », que les deux autres conditions, énoncées ensuite à l’article 8, paragraphe 4, sous a) et b), du règlement no 207/2009, constituent des conditions fixées par le règlement qui, à la différence des précédentes, s’apprécient au regard des critères fixés par le droit qui régit le signe invoqué. Ce renvoi au droit qui régit le signe invoqué est justifié, étant donné que le règlement no 207/2009 reconnaît à des signes étrangers au système de marque de l’Union la possibilité d’être invoqués à l’encontre d’une marque de l’Union. Dès lors, seul le droit qui régit le signe invoqué permet d’établir si celui‑ci est antérieur à la marque de l’Union et s’il peut justifier d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente (arrêts du 24 mars 2009, GENERAL OPTICA, T‑318/06 à T‑321/06, EU:T:2009:77, point 34, et du 12 octobre 2017, SDC‑888TII RU, T‑317/16, non publié, EU:T:2017:718, point 40).

46

En l’espèce, il n’est pas contesté que la marque non enregistrée a une portée qui n’est pas seulement locale. En revanche, la requérante considère que la chambre de recours n’a pas correctement apprécié si la condition de l’usage dans la vie des affaires était remplie. En effet, selon elle, la chambre de recours devait établir que ladite marque avait été utilisée de manière continue jusqu’à la date à laquelle la division d’opposition avait rendu la décision du 12 août 2011. Par ailleurs, elle fait grief à la chambre de recours de ne pas avoir procédé à un examen exhaustif du droit tchèque et d’avoir ainsi conclu, sur le fondement de dispositions dudit droit qui n’étaient pas pertinentes en l’espèce, d’une part, que l’intervenante disposait de droits sur cette marque et, d’autre part, que cette marque lui conférait le droit d’interdire l’utilisation de la marque demandée. Enfin, elle reproche à la chambre de recours de s’être estimée incompétente pour apprécier la validité de la même marque et, partant, d’avoir fait droit à l’opposition sur la base d’un signe invalide.

47

En substance, le second moyen se subdivise en trois branches. La première branche est tirée d’une erreur commise par la chambre de recours lors de l’appréciation de la condition relative à l’usage dans la vie des affaires d’une marque non enregistrée, posée à l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009. La deuxième branche est tirée d’une erreur commise par la chambre de recours en n’examinant pas les dispositions du droit tchèque pertinentes en l’espèce aux fins de l’application de ladite disposition. La troisième branche est tirée d’une erreur commise par la chambre de recours en se déclarant incompétente pour apprécier la validité de la marque non enregistrée au regard des dispositions du droit tchèque sur la concurrence déloyale et sur les droits d’auteur.

– Sur la première branche du second moyen

48

La requérante estime que la chambre de recours a commis une erreur en considérant que, en l’espèce, la condition relative à l’usage de la marque non enregistrée dans la vie des affaires, visée à l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, était remplie. Elle soutient, d’une part, que cette condition devait être appréciée à la date à laquelle la division d’opposition a adopté sa décision, à savoir le 12 août 2011, et, d’autre part, que l’intervenante devait démontrer l’usage continu, non interrompu et actuel de la marque non enregistrée jusqu’à cette date. Elle estime que, dès lors que la question de savoir si cette marque existe dépend du droit national, en l’occurrence du droit tchèque, il convient également d’établir l’existence continue de la marque en question. À cet égard, la requérante fait observer que l’intervenante avait cessé d’utiliser la marque non enregistrée vers le mois de janvier 2011, celle-ci ayant été remplacée par le logo VODKA 42 BLENDED.

49

L’EUIPO conclut au rejet de cette branche. D’une part, la date à prendre en considération, en application du droit de l’Union, aux fins d’apprécier l’usage de la marque non enregistrée serait celle du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque demandée, à savoir, en l’espèce, le 26 juin 2009. D’autre part, la condition relative à l’usage continu d’un signe non enregistré, prévue en droit tchèque, ne serait pas pertinente aux fins de déterminer la date à laquelle il y aurait lieu d’apprécier l’usage d’une marque non enregistrée antérieure.

50

L’intervenante considère que l’argument tiré de l’absence d’usage de la marque non enregistrée à compter de l’année 2011 n’a pas été soulevé dans le cadre de la procédure d’opposition et, partant, ne pouvait pas être pris en considération par l’EUIPO en application de l’article 76, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001). Par ailleurs, elle soutient que la seule question qui compte est celle de savoir si elle utilisait cette marque à la date du dépôt de son opposition ou, au plus tard, à la date limite de présentation des éléments de preuve à l’EUIPO.

51

Tout d’abord, il convient de relever que la requérante a excipé de l’irrecevabilité des éléments de preuve de l’usage de la marque non enregistrée communiqués par l’intervenante en annexe à son mémoire en réponse. La requérante a indiqué que ces éléments avaient été produits pour la première fois devant le Tribunal. En réponse à une question posée à l’audience par le Tribunal, l’EUIPO, au même titre que la requérante, a déclaré que les éléments de preuve communiqués par l’intervenante dans son mémoire en réponse étaient irrecevables. En revanche, l’intervenante a soutenu que les éléments qu’elle avait produits devant le Tribunal étaient recevables et, en tout état de cause, s’en est remise à la décision du Tribunal.

52

À cet égard, il est de jurisprudence constante qu’un recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 65 du règlement no 207/2009 (devenu article 72 du règlement 2017/1001). Il découle de cette disposition que des faits non invoqués par les parties devant les instances de l’EUIPO ne peuvent plus l’être au stade du recours introduit devant le Tribunal et que le Tribunal ne saurait réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, la légalité d’une décision d’une chambre de recours de l’EUIPO doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont elle pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée [arrêts du 18 juillet 2006, Rossi/OHMI, C‑214/05 P, EU:C:2006:494, points 50 à 52 ; du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, EU:C:2008:739, points 136 à 138, et du 16 janvier 2014, Optilingua/OHMI – Esposito (ALPHATRAD), T‑538/12, non publié, EU:T:2014:9, point 19].

53

En l’espèce, l’intervenante a produit, en annexe à son mémoire en réponse, des factures visant à démontrer l’usage continu de sa marque sur le territoire tchèque depuis 2007 jusqu’à la date de la décision de la division d’opposition, voire au-delà de cette date.

54

Or, il est constant que ces éléments de preuve ont été produits pour la première fois devant le Tribunal. Eu égard à la jurisprudence rappelée au point 52 ci-dessus, il convient donc de les déclarer irrecevables.

55

Ensuite, il convient de relever que la chambre de recours a considéré, au point 31 de la décision attaquée, que la période pertinente à laquelle les éléments de preuve de l’usage de la marque non enregistrée devaient essentiellement se rapporter était « égale ou antérieure à la date de dépôt de la demande contestée, à savoir le 26 juin 2009 ». En outre, au point 39 de la décision attaquée, ladite chambre a conclu que le droit à cette marque avait été acquis par l’intervenante « avant la date de dépôt de la demande de marque [de l’Union européenne] ».

56

Il y a lieu de constater que, en l’espèce, la requérante ne conteste pas que la marque non enregistrée ait été utilisée dans la vie des affaires en République tchèque entre 2008 et 2009, à savoir avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque demandée.

57

En revanche, la requérante soutient que la chambre de recours aurait dû exiger de l’intervenante qu’elle apporte la preuve de l’usage continu, ininterrompu et actuel de la marque non enregistrée jusqu’à la date de la décision de la division d’opposition, à savoir jusqu’au 12 août 2011. À cet égard, elle soutient que l’intervenante n’a produit aucune preuve de l’usage de la marque non enregistrée pour les années 2010 et 2011. En outre, elle affirme que l’intervenante aurait cessé d’utiliser cette marque vers le mois de janvier 2011.

58

Les arguments soulevés par la requérante conduisent à déterminer à quelle date la chambre de recours devait apprécier la condition de l’usage dans la vie des affaires posée à l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009.

59

Il ressort de la jurisprudence citée aux points 43 et 44 ci-dessus que la première condition visée à l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, à savoir la condition relative à l’usage du signe non enregistré dans la vie des affaires, doit être interprétée à la lumière du droit de l’Union.

60

En outre, il y a lieu d’appliquer à la condition de l’usage dans la vie des affaires du signe invoqué au soutien de l’opposition, le même critère temporel que celui expressément prévu à l’article 8, paragraphe 4, sous a), du règlement no 207/2009 pour ce qui concerne l’acquisition du droit à ce signe, à savoir celui de la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque de l’Union (arrêts du 29 mars 2011, Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, C‑96/09 P, EU:C:2011:189, point 166, et du 4 juillet 2014, CPI COPISA INDUSTRIAL, T‑345/13, non publié, EU:T:2014:614, point 47).

61

Ainsi, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en appréciant la condition relative à l’usage de la marque non enregistrée à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque demandée.

62

Enfin, il convient de constater que les arguments de la requérante ne permettent pas d’infirmer cette conclusion.

63

La requérante soutient, en substance, que la chambre de recours devait exiger de l’intervenante qu’elle établisse l’usage continu de la marque non enregistrée, cette exigence étant posée par le droit tchèque et, en particulier, par une décision du Nejvyšší soud du 19 avril 2012 (no 23 Cdo 3412/2010) (Cour suprême, République tchèque).

64

À cet égard, il convient de distinguer la condition relative à l’usage dans la vie des affaires, laquelle s’apprécie à la lumière du droit de l’Union, comme il a été relevé au point 44 ci-dessus, de celle visée à l’article 8, paragraphe 4, sous a), du règlement no 207/2009, concernant l’acquisition du droit au signe non enregistré, qui s’apprécie à la lumière du droit de l’État membre où le signe était utilisé avant la date de dépôt de la demande de marque de l’Union européenne, ainsi qu’il a été souligné au point 45 ci-dessus.

65

En l’espèce, le fait que le droit tchèque pose comme condition de l’existence d’un signe non enregistré la preuve de son usage continu n’a aucune incidence sur la date à laquelle il y a lieu d’apprécier l’usage de la marque non enregistrée qui, en application de la jurisprudence rappelée au point 60 ci-dessus, est celle du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque de l’Union.

66

L’argument de la requérante doit être en conséquence rejeté.

67

Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter la première branche du second moyen, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres arguments soulevés par la requérante relatifs à l’absence d’utilisation continue de la marque non enregistrée, en ce que la marque non enregistrée aurait été modifiée en janvier 2011 par l’adjonction du mot « blended » à la fin du signe. De même n’est-il pas besoin de se prononcer sur les arguments de l’intervenante qui tendent à contester la recevabilité de l’allégation tirée de l’absence de preuve de l’usage de cette marque à compter de l’année 2011.

– Sur la deuxième branche du second moyen

68

Dans le cadre de l’opposition, l’intervenante a indiqué, en substance, que la marque non enregistrée lui conférait le droit de s’opposer à l’utilisation de la marque demandée sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous g), de la loi tchèque sur les marques, ainsi que des articles 44, 46, 47 et 53 du code de commerce tchèque, tel qu’il a été institué par la loi tchèque no 513/1991 Sb.

69

L’article 7, paragraphe 1, sous g), de la loi tchèque sur les marques prévoit :

« Le signe demandé n’est pas enregistré au registre sur opposition à l’enregistrement de la marque au registre (ci-après désignée « l’opposition ») déposée auprès de l’Office par

[…]

g)

le titulaire d’un signe non enregistré ou d’un autre signe utilisé dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale, pour des produits et services identiques ou similaires, si ce signe est identique ou similaire au signe demandé, si les droits à ce signe ont été acquis avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement. »

70

L’article 44 du code de commerce tchèque disposait :

« La concurrence déloyale est un comportement dans la concurrence commerciale ou dans des relations commerciales qui contrevient aux bonnes mœurs de la concurrence et qui est propre à causer un préjudice aux autres concurrents, aux consommateurs ou à d’autres clients. La concurrence déloyale est interdite. »

71

Selon l’article 46 du code de commerce tchèque :

« Le marquage trompeur de produits et de services

(1)

Le marquage de façon trompeuse des produits ou des services consiste à marquer des produits et services d’une façon qui crée sur le marché une impression erronée du pays, de la région ou du lieu d’où viennent les produits ou services ainsi marqués, ou donnent l’impression erronée qu’ils proviennent d’un certain producteur, ou qu’ils possèdent certaines caractéristiques ou qualités […]

[…] »

72

L’article 47 du code de commerce tchèque prévoyait les cas de risque de confusion du fait, notamment, de l’utilisation d’un signe spécial.

73

L’article 53 du code de commerce tchèque disposait :

« Les personnes qui sont ou risquent d’être lésées dans leurs droits du fait d’une concurrence déloyale peuvent demander, à l’égard de celui qui lèse leurs droits, à ce qu’il s’abstienne de ce comportement et qu’il mette fin à la situation qui porte atteinte à leurs droits […] »

74

La requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur en ce que, aux fins de vérifier si les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 4, sous a) et b), du règlement no 207/2009 étaient remplies, elle n’a pas examiné de manière exhaustive les dispositions du droit tchèque pertinentes en l’espèce, alors qu’elle en avait l’obligation. Selon elle, la chambre de recours a vérifié si la marque non enregistrée conférait à son titulaire le droit d’interdire l’usage d’une marque plus récente uniquement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous g), de la loi tchèque sur les marques, alors que cette chambre devait opérer cette vérification au regard des conditions posées aux articles 44 et suivants du code de commerce tchèque, relatifs à la concurrence déloyale.

75

L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

76

À cet égard, il convient de relever que, en l’espèce, la chambre de recours n’a pas examiné si la marque non enregistrée bénéficiait d’une protection en application des articles 44 et suivants du code de commerce tchèque, alors même que, d’une part, l’intervenante avait fondé son opposition notamment sur ces dispositions et, d’autre part, la requérante avait expressément indiqué que les dispositions de la loi tchèque sur les marques n’étaient pas pertinentes.

77

Pour la requérante, cette absence d’examen affecte la légalité de la décision attaquée au motif que, en substance, l’EUIPO avait l’obligation d’examiner le droit tchèque sous un angle de vue large afin de déterminer si la marque non enregistrée conférait à l’intervenante le droit d’interdire une marque plus récente et, partant, si les conditions posées à l’article 8, paragraphe 4, sous a) et b), du règlement no 207/2009, étaient remplies en l’espèce. Selon elle, cette obligation ressortirait clairement de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, des directives concernant les procédures devant l’EUIPO dans leur version applicable à la date de la décision attaquée (ci-après les « directives de l’EUIPO ») et de l’arrêt du 29 mars 2011, Anheuser-Busch/Budějovický Budvar (C‑96/09 P, EU:C:2011:189).

78

Premièrement, il est utile de rappeler que, s’agissant des demandes en nullité fondées sur un droit antérieur, acquis en vertu d’une règle de droit national, il a déjà été jugé que, en ce qui concerne la répartition des rôles entre le demandeur en nullité, les instances compétentes de l’EUIPO et le Tribunal, que la règle 37 du règlement no 2868/95 prévoit qu’il incombe au demandeur de fournir des éléments démontrant qu’il est habilité, en vertu de la législation nationale applicable, à faire valoir un droit antérieur, protégé dans le cadre juridique national. Cette règle fait peser sur le demandeur la charge de présenter à l’EUIPO non seulement les éléments démontrant qu’il remplit les conditions requises, conformément à la législation nationale dont il demande l’application, afin de pouvoir faire interdire l’usage d’une marque de l’Union européenne en vertu d’un droit antérieur, mais aussi les éléments établissant le contenu de cette législation (voir, en ce sens, arrêts du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, points 49 et 50 ; du 27 mars 2014, OHMI/National Lottery Commission, C‑530/12 P, EU:C:2014:186, point 34, et du 5 avril 2017, EUIPO/Szajner, C‑598/14 P, EU:C:2017:265, point 35).

79

Deuxièmement, s’agissant, plus spécifiquement, des obligations auxquelles est soumis l’EUIPO, la Cour a jugé que, dans le cas où une demande en nullité d’une marque de l’Union européenne était fondée sur un droit antérieur protégé par une règle du droit national, il incombait, en premier lieu, aux instances compétentes de l’EUIPO d’apprécier l’autorité et la portée des éléments présentés par le demandeur afin d’établir le contenu de ladite règle. En outre, la décision des instances compétentes de l’EUIPO pouvant avoir pour effet de priver le titulaire de la marque d’un droit qui lui a été conféré, la portée d’une telle décision implique nécessairement que l’instance qui prend celle‑ci ne soit pas limitée à un rôle de simple validation du droit national tel que cela a été présenté par le demandeur en nullité (voir, en ce sens, arrêts du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 51 ; du 27 mars 2014, OHMI/National Lottery Commission, C‑530/12 P, EU:C:2014:186, points 35 et 43, et du 5 avril 2017, EUIPO/Szajner, C‑598/14 P, EU:C:2017:265, point 36).

80

Troisièmement, conformément à l’article 65, paragraphes 1 et 2, du règlement no 207/2009, le Tribunal est compétent pour exercer un plein contrôle de légalité sur l’appréciation portée par l’EUIPO sur les éléments présentés par le demandeur pour établir le contenu de la législation nationale dont il invoque la protection (voir, en ce sens, arrêts du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 52 ; du 27 mars 2014, OHMI/National Lottery Commission, C‑530/12 P, EU:C:2014:186, point 36, et du 5 avril 2017, EUIPO/Szajner, C‑598/14 P, EU:C:2017:265, point 37).

81

Par ailleurs, dans la mesure où l’application du droit national, dans le contexte procédural en cause, peut avoir pour effet de priver le titulaire d’une marque de l’Union européenne de son droit, il est impératif que le Tribunal, malgré d’éventuelles lacunes dans les documents produits à titre de preuve du droit national applicable, puisse réellement exercer un contrôle effectif. À cet effet, il doit donc pouvoir vérifier, au-delà des documents produits, la teneur, les conditions d’application et la portée des règles de droit invoquées par le demandeur en nullité. Par conséquent, le contrôle juridictionnel exercé par le Tribunal doit satisfaire aux exigences du principe de protection juridictionnelle effective (arrêts du 27 mars 2014, OHMI/National Lottery Commission, C‑530/12 P, EU:C:2014:186, point 44, et du 5 avril 2017, EUIPO/Szajner, C‑598/14 P, EU:C:2017:265, point 38).

82

Il importe de souligner que le contrôle exercé par l’EUIPO et par le Tribunal doit être effectué à la lumière de l’exigence de garantir l’effet utile du règlement no 207/2009, qui est d’assurer la protection de la marque de l’Union européenne (arrêts du 27 mars 2014, OHMI/National Lottery Commission, C‑530/12 P, EU:C:2014:186, point 40, et du 5 avril 2017, EUIPO/Szajner, C‑598/14 P, EU:C:2017:265, point 39).

83

S’agissant des demandes d’opposition fondées sur un droit antérieur, tiré d’une règle de droit national, il convient de constater que des considérations similaires à celles exposées aux points 78 à 82 ci-dessus peuvent être retenues en ce qui concerne la charge de la preuve et la répartition des rôles entre les parties, les instances compétentes de l’EUIPO et le Tribunal.

84

En effet, il ressort de la jurisprudence qu’il incombe à l’opposant de démontrer que la marque non enregistrée ou le signe en cause entre dans le champ d’application du droit de l’État membre invoqué et qu’il permet d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente [arrêt du 29 mars 2011, Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, C‑96/09 P, EU:C:2011:189, point 190 ; voir également, en ce sens, arrêt du 20 avril 2005, Atomic Austria/OHMI – Fabricas Agrupadas de Muñecas de Onil (ATOMIC BLITZ), T‑318/03, EU:T:2005:136, point 33].

85

Par ailleurs, il incombe à l’EUIPO d’examiner si, dans le cadre d’une procédure d’opposition, les conditions d’application d’un motif de refus d’enregistrement invoqué sont réunies. Dans ce cadre, il est tenu d’apprécier la matérialité des faits invoqués et la force probante des éléments présentés par les parties. Il peut être appelé à tenir compte, notamment, du droit national de l’État membre dans lequel le signe antérieur sur lequel est fondée l’opposition jouit d’une protection. Dans ce cas, il doit s’informer d’office, par les moyens qui lui paraissent utiles à cet effet, sur le droit national de l’État membre concerné si de telles informations sont nécessaires à l’appréciation des conditions d’application d’un motif de refus d’enregistrement en cause et, notamment, de la matérialité des faits avancés ou de la force probante des pièces présentées (arrêt du 20 avril 2005, ATOMIC BLITZ, T‑318/03, EU:T:2005:136, points 34 et 35).

86

Il est utile de mentionner qu’il ressort du point 5.3.6 de la partie C « Procédure d’opposition », chapitre 4 « Droits en vertu de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 », des directives de l’EUIPO, mentionnées par la requérante, que :

« [i]l est nécessaire de prouver, de manière abstraite, qu’en vertu du droit national applicable, [les signes non enregistrés] peuvent faire l’objet d’une exécution à titre conservatoire contre des marques plus récentes [et qu’il] est aussi nécessaire de prouver que, dans l’affaire en cause, les conditions pour obtenir une ordonnance de référé étaient réunies (étendue de la protection), si la demande de marque [de l’Union européenne] contestée était utilisée sur le territoire en question.

En ce qui concerne la première question (la protection dans l’abstrait), elle sera généralement réglée en utilisant la liste en annexe, dans laquelle figurent les droits antérieurs applicables.

En ce qui concerne la seconde question, elle devra également être réglée en fonction du droit national applicable […] »

87

Selon le point 5.3.6 des directives de l’EUIPO, il y a donc lieu, aux fins d’appliquer l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, d’une part, de prouver que le droit de l’État membre concerné confère une protection aux signes non enregistrés et, d’autre part, que les conditions posées à cet effet par la législation nationale sont remplies.

88

Il convient d’ajouter qu’il est précisé, au point 5.4 de la même partie C, chapitre 4, des directives de l’EUIPO, que :

« […] il revient à la partie se fondant sur une proposition ou conséquence particulière de fournir à l’Office les allégations, faits et arguments nécessaires pour étayer les conclusions avancées.

[…]

En ce qui concerne les faits nécessaires pour établir les conséquences juridiques, par exemple, la réputation ou l’usage concret, le principe général de l’article 74[, paragraphe 1, du règlement no 207/2009] s’applique dès le début.

Ces faits ont trait à des aspects tels que :

[…]

L’étendue de la protection (similitude des signes et des produits et services, risque de confusion) (norme nationale).

Le droit des États membres applicable en vertu de l’article 8, paragraphe 4, sera considéré par l’Office de la même manière qu’une question de fait. L’Office n’est pas en mesure de déterminer d’office et avec précision quelle est la réglementation de tous les États membres concernant les droits entrant dans le cadre de l’article 8, paragraphe 4. La considération de cet aspect comme une question de fait, que la partie qui invoque ce droit doit étayer par des preuves, coïncide avec les critères appliqués par les tribunaux des États membres en matière de droit étranger suivant leurs principes de droit international privé.

Ainsi, en ce qui concerne les questions de droit, à savoir les règles et normes des différents droits nationaux applicables à une espèce particulière, l’Office demandera généralement à l’opposant de fournir les éléments nécessaires pour lui permettre de statuer.

Une telle preuve ne sera pas nécessaire dans le seul cas où ces éléments ont été préalablement établis par l’Office, par exemple par leur insertion dans la liste figurant en annexe. Les parties à la procédure sont toutefois libres de produire des preuves démontrant que l’information contenue dans la liste ou établie autrement par l’Office ne sont plus correctes ou ne sont plus à jour.

[…] »

89

En l’espèce, il convient donc de vérifier si, à la lumière de ce que les parties ont communiqué au Tribunal, la chambre de recours a pris en compte les dispositions nationales pertinentes et si elle a correctement examiné, au regard de celles-ci, les conditions d’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009.

90

S’agissant de la charge de la preuve du droit antérieur et de la portée d’un tel droit, il ressort de la requête que, pour la marque non enregistrée, la requérante reproche à la chambre de recours de s’être limitée à examiner l’article 7, paragraphe 1, sous g), de la loi tchèque sur les marques et, partant, de ne pas avoir examiné si cette marque remplissait les conditions pour obtenir une protection sur le fondement des articles 44 et suivants du code de commerce tchèque. Selon la requérante, la chambre de recours n’a pas vérifié si, en application de ces derniers articles, l’intervenante était bien le titulaire d’un droit non enregistré lui conférant le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.

91

À cet égard, il convient au premier chef de relever que, dans la liste figurant en annexe à la partie C, chapitre 4, des directives de l’EUIPO, est mentionné, parmi les droits nationaux constituant des droits antérieurs au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, l’article 7, paragraphe 1, sous g), de la loi tchèque sur les marques. Les articles 44 et suivants du code de commerce tchèque ne sont en revanche pas mentionnés dans cette annexe.

92

Dès lors que la requérante entendait contester que l’article 7, paragraphe 1, sous g), de la loi tchèque sur les marques puisse créer un droit sur les marques non enregistrées, la charge de la preuve lui incombait. Elle devait aussi démontrer, puisqu’elle entendait s’en prévaloir, que le droit aux marques non enregistrées était consacré, en droit tchèque, par d’autres dispositions que l’article 7, paragraphe 1, sous g), de la loi tchèque sur les marques et, notamment, par les articles 44 et suivants du code de commerce tchèque, relatifs à la concurrence déloyale et à la violation des droits d’auteur.

93

Il importe d’ajouter que, dans la mesure où le Tribunal devait s’informer, même d’office, par les moyens qui lui paraissaient utiles, sur le droit national de l’État membre concerné pour savoir si de telles informations étaient nécessaires à l’appréciation des conditions d’application d’un motif de refus d’enregistrement en cause et, notamment, de la matérialité des faits avancés ou de la force probante des pièces présentées, il a été adressé des mesures d’organisation de la procédure notamment à la requérante pour obtenir des informations relatives aux dispositions du droit tchèque qu’elle revendiquait et notamment la communication de l’intégralité du commentaire sur l’article 7, paragraphe 1, sous g), de la loi tchèque sur les marques [Horáček, R. a kol. Práva na označení (zákon o ochranných známkách a zákon o ochraně označení původu a zeměpisnych označení) Komentář – Prague, C.H.Beck 2004], dont elle avait cité un extrait dans sa requête, ainsi que la version intégrale de plusieurs décisions de justice nationales citées également dans la requête.

94

Or il ne ressort pas des éléments du dossier et des réponses apportées par les parties que la chambre de recours a commis une quelconque erreur en considérant, pour l’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, que, d’une part, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous g), de la loi tchèque sur les marques, les titulaires de marques non enregistrées utilisées dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale ont le droit de s’opposer à l’enregistrement de nouvelles marques si les signes sont identiques ou similaires et s’ils désignent des produits ou services identiques ou similaires et, d’autre part, les dispositions du code de commerce tchèque invoquées en l’espèce étaient dénuées de pertinence, car les questions de concurrence déloyale et de violation des droits d’auteur sur lesquelles elles portaient ne relevaient pas de la compétence de l’EUIPO.

95

En effet, en premier lieu, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous g), de la loi tchèque sur les marques, l’opposition à l’enregistrement d’une marque tchèque peut être effectuée par « le titulaire d’une marque non enregistrée ou d’un autre signe utilisé dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale, pour des produits et services identiques ou similaires, si ce signe est identique ou similaire au signe demandé, si les droits à ce signe ont été acquis avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ».

96

L’article 7, paragraphe 1, sous g), de la loi tchèque sur les marques définit donc bien les conditions en vertu desquelles une marque non enregistrée peut empêcher l’enregistrement d’une marque plus récente.

97

S’agissant de la question de savoir si, aux points 25 et 30 de la décision attaquée, la chambre de recours a pu, à bon droit, retenir que les marques non enregistrées devaient avoir été acquises par l’usage dans la vie des affaires avant la date de la demande d’enregistrement et si, au point 39 de ladite décision, elle a pu procéder à l’analyse des preuves pour déterminer si le droit à la marque non enregistrée avait été acquis par suite de l’usage fait par l’intervenante, il convient de rappeler que, selon l’annexe de la partie C, chapitre 4, des directives de l’EUIPO, le fondement de la protection d’une marque non enregistrée est, pour ce qui concerne le droit de la République tchèque, l’article 7, paragraphe 1, sous g), de la loi tchèque sur les marques.

98

Si, dans la requête, la requérante a soutenu que les directives de l’EUIPO n’avaient pas de force contraignante, cela ne saurait remettre en cause le fait que l’article 7, paragraphe 1, sous g), de la loi tchèque sur les marques confère une protection aux signes non enregistrés en ce qu’il consacre expressément le droit, pour leurs titulaires, de s’opposer à l’enregistrement d’une marque postérieure, ni le fait que, en République tchèque, l’usage dans la vie des affaires est une condition nécessaire pour l’acquisition des droits sur un signe non enregistré, qui découle de cette disposition.

99

À la lumière des documents et des réponses apportées par les parties, il ne ressort pas que la chambre de recours ait commis d’erreur en considérant que l’article 7, paragraphe 1, sous g), de la loi tchèque sur les marques confèrerait une protection aux signes non enregistrés et qu’il découlait de cette disposition que l’acquisition du droit sur un signe non enregistré, dont la portée n’était pas seulement locale, s’acquerrait par l’usage dans le cadre de la vie des affaires, avant le dépôt de la demande d’enregistrement d’une marque plus récente.

100

Il importe d’ajouter que, en s’opposant à l’enregistrement d’une marque plus récente, les titulaires de droits sur des signes antérieurs visent à obtenir une protection efficace contre toute utilisation future de ladite marque.

101

Ainsi que l’a relevé à juste titre la requérante, dans la requête, l’article 7, paragraphe 1, sous g), de la loi tchèque sur les marques permet au titulaire d’un droit antérieur valable de contester une demande de marque avant son enregistrement, au lieu de devoir saisir une juridiction pour faire déclarer illégale l’utilisation de la marque et faire annuler la marque en application de l’article 31, paragraphe 2, de ladite loi.

102

Aussi le droit de s’opposer à l’enregistrement d’une marque plus récente en application de l’article 7, paragraphe 1, sous g), de la loi tchèque sur les marques comprend-il, implicitement mais nécessairement, le droit de s’opposer à l’utilisation de ladite marque.

103

En second lieu, s’agissant de la question de savoir s’il existe d’autres dispositions, que celles de l’article 7, paragraphe 1, sous g), de la loi tchèque sur les marques, qui permettraient aux titulaires d’un signe non enregistré d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente après qu’elle a été enregistrée, tels les articles 44 et suivants du code de commerce tchèque, et si la chambre de recours a commis une erreur en omettant d’examiner si les conditions d’acquisition d’un droit sur la marque non enregistrée, qui seraient posées auxdits articles, étaient réunies en l’espèce, il convient de relever que les éléments communiqués par les parties ne permettent pas de démontrer que la chambre de recours a commis une erreur en considérant que ces articles portaient sur des questions qui ne relevaient pas de la compétence de l’EUIPO.

104

En effet, les articles 44 et suivants du code de commerce tchèque portent sur la concurrence déloyale, les marques trompeuses et la violation des droits d’auteurs et il ne découle pas des documents communiqués relatifs à l’article 7, paragraphe 1, sous g), de la loi tchèque sur les marques que cette dernière disposition devrait être lue conjointement avec ces articles, nonobstant le fait que l’article 47 dudit code de commerce vise les cas de création d’un risque de confusion.

105

Il découle de tout ce qui précède que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur dans son appréciation des conditions d’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 au regard des dispositions du droit tchèque.

– Sur la troisième branche du second moyen

106

La requérante soutient que le signe faisant l’objet de la marque demandée a été utilisé en République tchèque avant la marque non enregistrée de l’intervenante qui, de ce fait, constitue un acte de concurrence déloyale commis à son détriment, ainsi qu’une violation de ses droits d’auteurs et, partant, n’est pas valide au regard du droit tchèque. Dans ce contexte, elle fait grief à la chambre de recours, en substance, d’avoir fait droit à l’opposition et de s’être déclarée incompétente pour examiner, ainsi qu’elle y était invitée, si cette marque non enregistrée était valide au regard du droit tchèque. À cet égard, elle reproche à la chambre de recours d’avoir affirmé qu’il lui revenait de prouver que le droit de l’intervenante n’était pas valable ou qu’il ne pouvait pas être invoqué à son égard. En effet, il incomberait à l’intervenante d’établir qu’elle a des droits fondés sur le droit national, et à l’EUIPO d’examiner leur validité.

107

L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

108

Il ressort de la jurisprudence que, pour qu’un opposant puisse, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, empêcher l’enregistrement d’une marque de l’Union, il faut et il suffit que, à la date à laquelle l’EUIPO vérifie que toutes les conditions de l’opposition sont remplies, puisse être invoquée l’existence d’un droit antérieur qui n’a pas été invalidé par une décision juridictionnelle devenue définitive (arrêt du 29 mars 2011, Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, C‑96/09 P, EU:C:2011:189, point 94).

109

Dans ces conditions, s’il incombe à l’EUIPO, lorsqu’il se prononce sur une opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, de prendre en considération les décisions des juridictions des États membres concernés portant sur la validité ou sur la qualification des droits antérieurs revendiqués afin de s’assurer que ceux-ci produisent toujours les effets exigés par cette disposition, il ne lui appartient pas de substituer son appréciation à celle des juridictions nationales compétentes, pouvoir que le règlement no 207/2009 ne lui confère d’ailleurs pas (arrêt du 29 mars 2011, Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, C‑96/09 P, EU:C:2011:189, point 95).

110

Par ailleurs, la validité d’une marque nationale ne peut pas être mise en cause dans le cadre d’une procédure d’enregistrement d’une marque de l’Union, mais uniquement dans le cadre d’une procédure de nullité entamée dans l’État membre concerné [voir arrêt du 13 décembre 2007, Xentral/OHMI – Pages jaunes (PAGESJAUNES.COM), T‑134/06, EU:T:2007:387, point 36 et jurisprudence citée]. En outre, s’il appartient à l’EUIPO de vérifier, sur la base des preuves, qu’il incombe à l’opposant de produire, l’existence de la marque nationale invoquée au soutien de l’opposition, il ne lui appartient pas de trancher un conflit entre cette marque et une autre marque sur le plan national, lequel conflit relève de la compétence des autorités nationales [arrêts du 21 avril 2005, PepsiCo/OHMI – Intersnack Knabber-Gebäck (RUFFLES), T‑269/02, EU:T:2005:138, point 26, et du 13 décembre 2007, PAGESJAUNES.COM, T‑134/06, EU:T:2007:387, point 36].

111

Dès lors, aussi longtemps que la marque nationale antérieure sera effectivement protégée, l’existence d’un enregistrement national antérieur ou d’un autre droit antérieur à cette dernière ne sera pas pertinente dans le cadre de l’opposition formée contre une demande de marque de l’Union européenne, même si la marque demandée est identique à une marque nationale antérieure de l’entreprise à l’origine de la demande d’enregistrement ou à un autre droit antérieur à la marque nationale fondant l’opposition (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2007, PAGESJAUNES.COM, T‑134/06, EU:T:2007:387, point 37 et jurisprudence citée).

112

Rien ne permet de conclure que de telles considérations ne seraient pas applicables dans un cas comme celui de l’espèce où l’opposition est fondée sur une marque nationale antérieure non enregistrée.

113

Dans ce contexte, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en affirmant, au point 69 de la décision attaquée, qu’elle n’était pas compétente pour apprécier la validité de la marque non enregistrée et, partant, pour se prononcer sur l’existence d’une éventuelle violation, par l’intervenante, des droits d’auteurs de la requérante ou d’un éventuel acte de concurrence déloyale commis à son détriment.

114

En conséquence, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en estimant, en substance, qu’il revenait à la requérante de démontrer que la marque non enregistrée était invalide en produisant, le cas échéant, des décisions juridictionnelles ou administratives devenues définitives ayant statué en ce sens.

115

Compte tenu de tout ce qui précède, le recours doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

116

Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

117

La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

Bacardi Co. Ltd est condamnée aux dépens.

 

Kanninen

Pelikánová

Buttigieg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 octobre 2018.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.