ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

11 mars 2009 ( *1 )

«Aides d’État — Financement de France Télévisions par la redevance audiovisuelle — Examen permanent des aides existantes — Recommandation proposant l’adoption de mesures utiles — Engagements de l’État membre acceptés par la Commission — Décision déclarant l’aide compatible avec le marché commun — Recours en annulation — Délai de recours — Nature de l’acte attaqué — Intérêt à agir — Recevabilité — Droits de la défense — Obligation de motivation — Arrêt Altmark»

Dans l’affaire T-354/05,

Télévision française 1 SA (TF1), établie à Boulogne-Billancourt (France), représentée par Mes J.-P. Hordies et C. Smits, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. C. Giolito, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

soutenue par

République française, représentée par M. G. de Bergues et Mlle A.-L. Vendrolini, en qualité d’agents,

et par

France Télévisions SA, établie à Paris (France), représentée par Mes J.-P. Gunther et D. Tayar, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C(2005) 1166 final de la Commission, du 20 avril 2005, relative à l’aide accordée à France Télévisions [aide E 10/2005 (ex C 60/1999) — France, Redevance radiodiffusion],

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. M. Vilaras (rapporteur), président, M. Prek et V. M. Ciucă, juges,

greffier: Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 octobre 2008,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1

L’article 86, paragraphe 2, CE dispose:

«Les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux règles du présent traité, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de la Communauté.»

2

L’article 87, paragraphe 1, CE dispose:

«Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.»

3

L’article 88 CE dispose:

«1.   La Commission procède avec les États membres à l’examen permanent des régimes d’aides existant dans ces États. Elle propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché commun.

2.   Si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu’une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d’État n’est pas compatible avec le marché commun aux termes de l’article 87, ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu’elle détermine.

[…]

3.   La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu’un projet n’est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l’article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L’État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale.»

4

L’article 1er du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1), dispose:

«Aux fins du présent règlement, on entend par:

[…]

b)

‘aide existante’:

i)

[…] toute aide existant avant l’entrée en vigueur du traité dans l’État membre concerné, c’est-à-dire les régimes d’aides et aides individuelles mis à exécution avant, et toujours applicables après, ladite entrée en vigueur […] »

5

L’article 17 du règlement no 659/1999 dispose:

«1.   La Commission obtient tous les renseignements nécessaires de l’État membre concerné pour l’examen des régimes d’aides existants auquel elle procède, en coopération avec l’État membre, en application de l’article [88], paragraphe 1, [CE].

2.   Si la Commission considère qu’un régime d’aides existant n’est pas, ou n’est plus, compatible avec le marché commun, elle informe l’État membre concerné de cette conclusion préliminaire et l’invite à présenter ses observations dans un délai d’un mois. Dans certains cas dûment justifiés, la Commission peut proroger ce délai.»

6

L’article 18 du règlement no 659/1999 dispose:

«Si, à la lumière des informations que lui a transmises l’État membre en application de l’article 17, la Commission parvient à la conclusion qu’un régime d’aides existant n’est pas, ou n’est plus, compatible avec le marché commun, elle adresse à l’État membre concerné une recommandation proposant l’adoption de mesures utiles. Cette recommandation peut notamment proposer:

a)

de modifier sur le fond le régime d’aides en question, ou

b)

d’introduire un certain nombre d’exigences procédurales, ou

c)

de supprimer le régime d’aides en question.»

7

L’article 19 du règlement no 659/1999 dispose:

«1.   Si l’État membre concerné accepte les mesures proposées et en informe la Commission, cette dernière en prend acte et en informe l’État membre. L’État membre est tenu, par cette acceptation, de mettre en oeuvre les mesures utiles.

2.   Si l’État membre concerné n’accepte pas les mesures proposées et que la Commission, après examen des arguments qu’il présente, continue de penser que ces mesures sont nécessaires, elle ouvre la procédure visée à l’article 4, paragraphe 4. Les articles 6, 7 et 9 s’appliquent mutatis mutandis.»

8

L’article 26, paragraphe 1, du règlement no 659/1999 dispose:

«La Commission publie au Journal officiel des Communautés européennes une communication succincte des décisions qu’elle prend en application de […] l’article 18 en liaison avec l’article 19, paragraphe 1. Cette communication mentionne la possibilité de se procurer un exemplaire de la décision dans la ou les versions linguistiques faisant foi.»

Faits à l’origine du litige

9

Par lettre du 10 mars 1993, la requérante, Télévision française 1 SA, propriétaire de la chaîne privée de télévision commerciale TF1, a déposé une plainte auprès de la Commission concernant les modes de financement et d’exploitation de France 2 et de France 3, deux chaînes publiques de télévision françaises. Cette plainte, qui a fait l’objet d’un complément de plainte le , faisait état de violations de l’article 81 CE, de l’article 86, paragraphe 1, CE et de l’article 87 CE. La requérante soutenait dans cette plainte que, parmi d’autres mesures, le reversement de la redevance audiovisuelle par la République française à France 2 et à France 3 constituait une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

10

Par décision du 27 septembre 1999, publiée au Journal officiel des Communautés européennes du (JO C 340, p. 57), la Commission a ouvert la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, en ce qui concerne les subventions d’investissement perçues par France 2 et France 3 ainsi que les dotations en capital reçues par France 2 entre 1988 et 1994. Cette procédure ne portait pas sur la redevance, cette dernière mesure étant, à titre préliminaire, considérée comme une aide existante devant faire l’objet d’une procédure d’examen séparée au titre des articles 17 et suivants du règlement no 659/1999.

11

En 2000, France 2 et France 3 ont été apportées par la République française à la société holding publique France Télévisions SA, créée par la loi française 2000-719, du 1er août 2000, modifiant la loi 86-1067, du , relative à la liberté de communication (JORF no 177, du , p. 11903), et chargée de coordonner l’activité des chaînes publiques françaises.

12

Par décision 2004/838/CE, du 10 décembre 2003, relative aux aides d’État mises à exécution par la France en faveur de France 2 et de France 3 (JO 2004, L 361, p. 21, ci-après la «décision du »), la Commission a décidé que les subventions d’investissement perçues par France 2 et France 3 ainsi que les dotations en capital effectuées en faveur de France 2 entre 1988 et 1994 constituaient des aides d’État compatibles avec le marché commun en vertu de l’article 86, paragraphe 2, CE. La décision du a fait l’objet d’un recours en annulation de la part de la requérante, enregistré au greffe du Tribunal sous la référence T-144/04 et rejeté par ordonnance du Tribunal du , TF1/Commission (T-144/04, Rec. p. II-761).

13

Par lettre du 10 décembre 2003, adressée à la République française sur la base de l’article 17 du règlement no 659/1999 (ci-après la «lettre du »), la Commission a, par ailleurs, dans le cadre de l’examen permanent des aides existantes, exposé à la République française son analyse concernant le système français de la redevance audiovisuelle.

14

Par lettres en date des 20 février et , les autorités françaises ont répondu à la lettre du . Elles ont rencontré les représentants de la Commission le . Par lettres en date du et des , et , elles ont formulé des engagements en réponse à l’analyse de la Commission contenue dans la lettre du .

15

Par décision C(2005) 1166 final, du 20 avril 2005, relative à l’aide accordée à France Télévisions [aide E 10/2005 (ex C 60/1999) — France, Redevance radiodiffusion] (ci-après la «décision attaquée»), notifiée le à la République française, la Commission a informé cet État membre que, sur la base des engagements pris par les autorités françaises dans le cadre de la procédure d’examen permanent du régime de la redevance au bénéfice de France Télévisions, elle considérait ce régime comme compatible avec le marché commun au titre de l’article 86, paragraphe 2, CE et décidait donc de clore la procédure concernant ce régime portant sur une aide existante (paragraphes 1 et 72 de la décision attaquée).

16

Le 29 juin 2005, la décision attaquée a été communiquée par la Commission à la requérante par télécopie.

17

Le 30 septembre 2005, la décision attaquée a fait l’objet d’une publication sommaire au Journal officiel de l’Union européenne (JO C 240, p. 20) comportant un renvoi au site Internet de la Commission permettant l’accès au texte intégral de cette décision.

Procédure et conclusions des parties

18

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 septembre 2005, la requérante a introduit le présent recours.

19

Par actes déposés au greffe du Tribunal les 5 et , la République française et France Télévisions ont demandé à intervenir au soutien de la Commission. Il a été fait droit à ces demandes par ordonnances du président de la cinquième chambre du Tribunal du .

20

En réponse à une demande de production de documents du Tribunal du 25 janvier 2006, la Commission a, par lettre du , produit la décision du mais a répondu ne pas pouvoir produire les courriers échangés avec la République française dans le cadre de l’examen permanent de la redevance. Par lettres du , le Tribunal a informé les parties que la production de ces documents pourrait être ordonnée au cas où ce dernier l’estimerait nécessaire.

21

En réponse à une question du Tribunal du 23 mai 2008, la Commission a, par lettre du , informé le Tribunal des mesures prises par la République française en exécution de la décision attaquée.

22

Par lettre du 9 octobre 2008 adressée au greffe du Tribunal et versée au dossier, la requérante a indiqué qu’elle ferait état, lors de l’audience, de faits juridiques nouveaux, à savoir l’arrêt du Tribunal du , SIC/Commission (T-442/03, Rec. p. II-1161), et la décision C(2008) 3506 final de la Commission, du , relative à l’aide accordée à France Télévisions (aide N 279/2008 — France, dotation en capital pour France Télévisions).

23

La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

déclarer le recours recevable;

annuler la décision attaquée;

condamner la Commission aux dépens et statuer comme de droit, sur ce point, à l’égard des intervenantes.

24

La Commission, soutenue par la République française et par France Télévisions, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

rejeter le recours comme irrecevable;

subsidiairement, rejeter le recours comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit;

condamner la requérante aux dépens.

Sur la recevabilité

Sur le respect du délai de recours

Arguments des parties

25

La Commission, soutenue par France Télévisions, s’interroge sur la recevabilité du recours eu égard à la date de son introduction.

26

La décision attaquée aurait été adressée à la requérante par lettre recommandée avec demande d’avis de réception le 20 juin 2005 et reçue par elle le . La requérante en aurait donc eu pleine connaissance à cette date et, en tout cas, au plus tard le , date à laquelle elle aurait demandé à la Commission de lui envoyer par télécopie à nouveau la décision attaquée au motif que le courrier recommandé du se serait égaré.

27

Le recours serait donc tardif.

28

La Commission déclare ne pas ignorer la jurisprudence selon laquelle, dans le cas des actes qui, selon une pratique constante et, a fortiori, en exécution d’une obligation légale, sont publiés au Journal officiel de l’Union européenne, le délai de recours commence à courir à compter de la date de publication, mais elle constate que la décision attaquée ne correspond pas exactement aux actes visés par l’article 26, paragraphe 1, du règlement no 659/1999. En effet, la décision attaquée comporterait à la fois la recommandation proposant l’adoption de mesures utiles, visée à l’article 18 de ce règlement, et l’acceptation de l’État membre, visée à l’article 19, paragraphe 1, de ce règlement. La Commission se demande donc si la décision attaquée devait être publiée en vertu de l’article 26, paragraphe 1, de ce règlement et s’en remet à la sagesse du Tribunal sur ce point.

29

La Commission s’interroge toutefois sur la pertinence de cette jurisprudence dans les cas où l’acte a été notifié à la requérante. Appliquer cette jurisprudence en l’espèce reviendrait à enlever toute signification à la communication prévue à l’article 20 du règlement no 659/1999 et à étendre, de manière injustifiée, les délais de recours des principaux intéressés, en l’espèce les concurrents des entreprises bénéficiaires de l’aide.

30

La requérante considère que la décision attaquée lui a été communiquée dans son intégralité non le 23 juin 2005, mais seulement le . Le dépôt de la requête étant intervenu le , le recours serait donc recevable. En outre, si le délai n’avait couru qu’à compter de la publication de la décision attaquée, le recours serait d’autant plus recevable.

Appréciation du Tribunal

31

Il convient, d’emblée, de relever que la décision attaquée, dont l’État membre concerné, en l’espèce la République française, est le seul destinataire (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 13 mai 2008, SNIV/Commission, T-327/04, non publiée au Recueil, point 33), n’a pas été notifiée, mais a uniquement été communiquée à la requérante.

32

En vertu de l’article 230, cinquième alinéa, CE, le recours en annulation doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance.

33

Il découle du libellé même de cette disposition que le critère de la date de prise de connaissance de l’acte en tant que point de départ du délai de recours présente un caractère subsidiaire par rapport à ceux de la publication ou de la notification de l’acte (ordonnances du Tribunal du 21 novembre 2005, Tramarin/Commission, T-426/04, Rec. p. II-4765, point 48; SNIV/Commission, point 31 supra, point 21, et TF1/Commission, point 12 supra, point 19).

34

En outre, s’agissant des actes qui, selon une pratique constante de l’institution concernée, font l’objet d’une publication au Journal officiel de l’Union européenne, bien que cette publication ne soit pas une condition de leur applicabilité, la Cour et le Tribunal ont admis que le critère de la date de prise de connaissance n’était pas applicable et que c’était la date de la publication qui faisait courir le délai de recours. Dans de telles circonstances, en effet, le tiers concerné peut légitimement escompter que l’acte en question sera publié (ordonnances Tramarin/Commission, point 33 supra, point 49; SNIV/Commission, point 31 supra, point 22, et TF1/Commission, point 12 supra, point 20). Cette solution, qui vise la sécurité juridique et s’applique à tous les tiers intéressés, vaut, notamment, lorsque, comme en l’espèce, le tiers intéressé auteur du recours a connaissance de l’acte avant sa publication.

35

Enfin, le fait pour la Commission de donner aux tiers un accès intégral au texte d’une décision placée sur son site Internet, combiné à la publication d’une communication succincte au Journal officiel permettant aux intéressés d’identifier la décision en question et les avisant de cette possibilité d’accès par Internet, doit être considéré comme une publication au sens de l’article 230, cinquième alinéa, CE (arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Olsen/Commission, T-17/02, Rec. p. II-2031, point 80; ordonnances du Tribunal du , Air Bourbon/Commission, T-321/04, Rec. p. II-3469, point 34, et Tramarin/Commission, point 33 supra, point 53).

36

L’article 26, paragraphe 1, du règlement no 659/1999 dispose que la Commission publie au Journal officiel des Communautés européennes une communication succincte des «décisions qu’elle prend en application de […] l’article 18 en liaison avec l’article 19, paragraphe 1».

37

Pour déterminer si la décision attaquée, laquelle n’est fondée sur aucune base juridique expresse, correspond à ce que l’article 26, paragraphe 1, du règlement no 659/1999 vise par l’expression rappelée au point précédent, il convient, premièrement, de revenir sur les étapes de la procédure suivie par la Commission en l’espèce et, deuxièmement, de préciser le sens de ladite expression.

38

Premièrement, il ressort du paragraphe 64 de la décision attaquée que, par la lettre du 10 décembre 2003, qualifiée par la Commission de «lettre article 17» (paragraphe 15 de la décision attaquée), cette institution ne s’est pas contentée d’informer la République française de la conclusion préliminaire selon laquelle le régime de la redevance n’était pas ou plus compatible avec le marché commun et d’inviter cet État membre à présenter ses observations.

39

Dans cette lettre, la Commission a indiqué «que, à titre préliminaire, des modifications au système existant devaient être apportées afin de garantir la compatibilité du système français de redevance avec les règles communautaires applicables aux aides d’État» (paragraphe 64 de la décision attaquée). La Commission a «estim[é] que les autorités françaises devraient adopter les mesures nécessaires pour assurer le respect [de certains] principes» concernant, en substance, la proportionnalité de la compensation étatique par rapport aux coûts du service public (paragraphe 64, premier tiret, de la décision attaquée) et l’exploitation par les radiodiffuseurs de service public de leurs activités commerciales aux conditions du marché (paragraphe 64, deuxième et troisième tirets, de la décision attaquée).

40

Ce faisant, la Commission a, dès la lettre du 10 décembre 2003, décidé d’adresser à l’État membre concerné une «recommandation proposant l’adoption de mesures utiles» qui n’intervient pourtant, en principe, qu’au stade prévu à l’article 18 du règlement no 659/1999, c’est-à-dire «à la lumière des informations que lui a transmises l’État membre».

41

Dans la décision attaquée, la Commission, après avoir rappelé les termes de cette recommandation (paragraphe 64 de la décision attaquée) et examiné les engagements pris par la République française en réponse à celle-ci (paragraphes 65 et suivants de la décision attaquée), a «considér[é] que les engagements des autorités françaises concernant le principe de l’absence de surcompensation [étaient] satisfaisants» (paragraphe 68 de la décision attaquée) et que ceux «concernant le comportement commercial des chaînes publiques répond[ai]ent de manière satisfaisante aux recommandations qu’elle [avait] formul[ées]» (paragraphe 70 de la décision attaquée). Elle a également pris acte de l’engagement des autorités françaises de procéder, «dans les deux ans à compter de la présente lettre», aux modifications législatives et réglementaires nécessaires pour l’exécution de ces engagements et de lui fournir, dans le même délai, un rapport à cet égard (paragraphe 71 de la décision attaquée).

42

Sur la base de ces différents engagements des autorités françaises et de sa constatation qu’ils satisfaisaient à sa recommandation, la Commission a décidé de clore la présente procédure (paragraphes 1 et 72 de la décision attaquée), tout en rappelant que la décision attaquée ne préjugeait en rien de son pouvoir de procéder à l’examen permanent des régimes d’aides existants, prévu à l’article 88, paragraphe 1, CE (paragraphe 73, premier alinéa, de la décision attaquée).

43

Il résulte de la description qui précède que, en l’espèce, la Commission a, dès le stade procédural prévu à l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 659/1999, décidé d’adresser à la République française la «recommandation proposant l’adoption de mesures utiles» prévue à l’article 18 de ce règlement. Puis, à la réception des engagements de la République française, la Commission les a examinés, les a considérés comme répondant à cette recommandation et les a, en conséquence, acceptés. Cette acceptation, qui se fonde sur un examen préalable des engagements et va, ce faisant, au-delà du simple fait d’en prendre acte, peut toutefois être assimilée, tout au moins en première analyse et afin de correspondre, autant que possible, aux étapes procédurales littéralement prévues par les termes du règlement no 659/1999, au fait de «prendre acte» au sens de l’article 19, paragraphe 1, de ce règlement.

44

Deuxièmement, il convient de déterminer le sens de l’expression «décision [prise] en application […] de l’article 18 en liaison avec l’article 19, paragraphe 1», contenue à l’article 26, paragraphe 1, du règlement no 659/1999.

45

Cette expression signifie que l’obligation de publication édictée par cette disposition ne porte pas d’emblée et seulement sur la «décision [prise] en application […] de l’article 18» du règlement no 659/1999 d’adresser à l’État membre une recommandation proposant l’adoption de mesures utiles, mais que cette obligation de publication ne naît que dans l’hypothèse où la recommandation de la Commission est acceptée par l’État membre, ce qui correspond au cas visé par l’article 19, paragraphe 1, du même règlement.

46

Ainsi, l’article 26, paragraphe 1, du règlement no 659/1999 fait, en définitive, obligation à la Commission, si et lorsque sa recommandation proposant l’adoption de mesures utiles est acceptée par l’État membre, de procéder à la publication du contenu de cette recommandation que cette institution avait décidé d’adresser à l’État membre et du fait que cette recommandation a été acceptée par l’État membre. Les tiers sont ainsi informés non d’un état seulement intermédiaire de la procédure d’examen, mais de son état final.

47

En l’espèce, la décision attaquée, même si elle intervient à la suite d’une procédure qui a vu la recommandation prévue à l’article 18 du règlement no 659/1999 être présentée dès le stade de la lettre adressée au titre de l’article 17 (voir points 38 à 40 ci-dessus), correspond, en réalité, à ce que ce règlement désigne, dans son article 26, paragraphe 1, par l’expression «décision [prise] en application […] de l’article 18 en liaison avec l’article 19, paragraphe 1».

48

La décision attaquée correspondant bien à l’un des actes visés par l’article 26, paragraphe 1, du règlement no 659/1999 et étant, donc, soumise à publication, c’est, conformément aux dispositions de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, «à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de la publication de l’acte au Journal officiel de l’Union européenne», soit à partir du 14 octobre 2005 à minuit, qu’a commencé de courir le délai de recours. Ce faisant et en application des dispositions combinées de l’article 230, cinquième alinéa, CE, de l’article 101 et de l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, le délai de recours a expiré le mardi à minuit.

49

Le présent recours ayant été introduit le 9 septembre 2005, il est recevable.

Sur la nature de la décision attaquée

Arguments des parties

50

La Commission, soutenue par les intervenantes, fait valoir que la décision attaquée, en ce qu’elle contient une recommandation acceptée par les autorités françaises, ne produit pas d’effet obligatoire et n’est donc pas un acte attaquable.

51

Il s’agirait d’une lettre adressée à la République française lors de la phase d’examen permanent d’une aide existante. Or, selon le libellé même de l’article 88, paragraphe 1, CE, les mesures utiles ne constitueraient que des propositions. Ce ne serait que dans l’hypothèse où l’État membre déciderait de ne pas adopter ces propositions que la Commission devrait, si elle l’estime opportun, prendre une décision en vertu de l’article 88, paragraphe 2, CE, afin d’exiger la modification du régime d’aides en cause, et seule cette décision comporterait un caractère obligatoire. La Commission ne disposerait pas d’un pouvoir de contrainte à l’égard de l’État membre dans le cadre de l’examen préliminaire d’une mesure étatique. La Commission invoque au soutien de sa position l’arrêt du Tribunal du 22 octobre 1996, Salt Union/Commission (T-330/94, Rec. p. II-1475, point 35), et l’ordonnance Tramarin/Commission, point 33 supra.

52

La procédure dite des «mesures utiles» s’apparenterait donc à un processus quasi contractuel. En cas d’acceptation par l’État membre des propositions de mesures utiles de la Commission, celui-ci serait tenu de les mettre en œuvre. En cas de refus, la Commission ouvrirait la procédure formelle d’examen.

53

Cependant, à ce stade de la procédure des mesures utiles, qui n’aurait d’ailleurs aucun effet suspensif, la République française pourrait continuer de verser les aides sur la base du régime existant pendant encore deux années à compter de la notification de la décision attaquée. Les seules contraintes consisteraient dans la menace d’une ouverture de la procédure formelle d’examen en cas de non-respect des engagements et dans le fait que, à compter des deux ans et à défaut de respect des engagements, l’aide litigieuse ne serait plus existante, mais nouvelle. Seule une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen pourrait éventuellement comporter un caractère obligatoire.

54

En outre, la seule obligation qui pèserait sur l’État membre serait de respecter ses engagements et cette obligation résulterait de sa propre acceptation unilatérale des propositions de la Commission, et non de la décision attaquée, qui se contenterait de prendre acte de ces engagements.

55

Par ailleurs, la Commission n’aurait pas la possibilité, sur le seul fondement du non-respect des engagements, d’engager une procédure en manquement sur le fondement de l’article 88, paragraphe 2, CE, ou de l’article 226 CE.

56

L’argumentation de la requérante relative à l’incitation faite aux États membres de ne pas coopérer loyalement avec la Commission serait spécieuse. Il serait vrai que l’État membre pourrait décider de ne pas coopérer et de refuser toutes les propositions de mesures utiles. Mais cela se traduirait par une ouverture immédiate de la procédure formelle d’examen, suivie d’une décision unilatérale de la Commission exigeant la modification immédiate du régime d’aides. La procédure de coopération suivie en l’espèce permettrait d’éviter l’ouverture de la procédure formelle d’examen tout en laissant le temps à l’État membre de mettre en œuvre ses engagements à un rythme convenu mais pas dans des délais plus longs. Le système encouragerait donc la coopération entre la Commission et les États membres sans inciter ces derniers à se comporter de manière déloyale.

57

Quant à l’argument tiré de l’absence de contrôle juridictionnel de l’action de la Commission en cas d’absence, à l’issue du délai imparti à l’État membre, de décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, il serait inexact. Le non-respect de ses engagements par la République française permettrait à la requérante de demander, devant le juge national, la suspension du versement de l’aide nouvelle que deviendrait alors la redevance. De plus, la requérante pourrait adresser une invitation à agir, puis introduire un recours en carence à l’encontre de la Commission, si cette dernière institution n’ouvrait pas immédiatement la procédure formelle d’examen. Enfin, la procédure formelle s’achèverait par une décision finale de la Commission, attaquable par la requérante.

58

Enfin, la Commission n’aurait pas entretenu, dans le libellé du paragraphe 73 de la décision attaquée, une confusion quant à la nature de la décision attaquée, laquelle nature dépendrait de la substance de ce document.

59

La requérante conteste la position de la Commission.

Appréciation du Tribunal

60

Selon une jurisprudence constante, seuls les actes produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci, peuvent faire l’objet d’un recours en annulation au titre de l’article 230, quatrième alinéa, CE (arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9; arrêts du Tribunal du , Assicurazioni Generali et Unicredito/Commission, T-87/96, Rec. p. II-203, point 37; du , Coca-Cola/Commission, T-125/97 et T-127/97, Rec. p. II-1733, point 77, et du , M6 e.a./Commission, T-112/99, Rec. p. II-2459, point 35; ordonnance du Tribunal du , Kronoply/Commission, T-130/02, Rec. p. II-4857, point 43).

61

Pour déterminer si un acte ou une décision produit de tels effets, il y a lieu de s’attacher à sa substance (arrêt IBM/Commission, point 60 supra, point 9, et ordonnance de la Cour du 13 juin 1991, Sunzest/Commission, C-50/90, Rec. p. I-2917, point 12; arrêt Coca-Cola/Commission, point 60 supra, point 78, et ordonnance Kronoply/Commission, point 60 supra, point 44).

62

Dans le domaine des aides d’État, les règles de procédure que le traité établit varient selon que les mesures constituent des aides existantes ou des aides nouvelles. Tandis que les premières sont soumises à l’article 88, paragraphes 1 et 2, CE, les secondes sont régies par les paragraphes 2 et 3 de la même disposition (arrêt de la Cour du 30 juin 1992, Italie/Commission, C-47/91, Rec. p. I-4145, point 22).

63

En ce qui concerne les aides existantes, l’article 88, paragraphe 1, CE, donne compétence à la Commission pour procéder à leur examen permanent avec les États membres. Dans le cadre de cet examen, la Commission propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché commun. Le paragraphe 2 de cet article dispose ensuite que, si après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu’une aide n’est pas compatible avec le marché commun aux termes de l’article 87 CE, ou que cette aide est appliquée de manière abusive, elle décide que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu’elle détermine (arrêt Italie/Commission, point 62 supra, point 23; arrêt de la Cour du 9 août 1994, Namur-Les assurances du crédit, C-44/93, Rec. p. I-3829, point 11).

64

Selon l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 659/1999, si la Commission considère qu’un régime d’aides existant n’est pas, ou n’est plus, compatible avec le marché commun, elle informe l’État membre concerné de cette conclusion préliminaire et l’invite à présenter ses observations dans un délai d’un mois.

65

Selon l’article 18 du règlement no 659/1999, si, à la lumière des informations transmises par l’État membre en application de l’article 17 susvisé, la Commission parvient à la conclusion qu’un régime d’aides existant n’est pas, ou n’est plus, compatible avec le marché commun, elle adresse à l’État membre concerné une recommandation proposant l’adoption de mesures utiles. Il ne saurait être contesté que cette recommandation, laquelle ne constitue qu’une proposition, n’est pas, prise isolément, un acte attaquable (voir, en ce sens, arrêt Salt Union/Commission, point 51 supra, point 35, première phrase).

66

Selon l’article 19, paragraphe 2, du règlement no 659/1999, si l’État membre concerné n’accepte pas les mesures proposées et que la Commission, après examen des arguments qu’il présente, continue de penser que ces mesures sont nécessaires, elle ouvre la procédure visée à l’article 4, paragraphe 4, de ce règlement.

67

Selon l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, si l’État membre concerné accepte les mesures proposées et en informe la Commission, cette dernière en prend acte et en informe l’État membre.

68

S’agissant de ce dernier cas de figure, pertinent en l’espèce, il convient de rejeter l’approche défendue, en substance, par la Commission et qui consiste, sur la base d’une lecture isolée et littérale de l’article 19, paragraphe 1, susvisé, à prétendre qu’elle ne prend aucune décision dans le cas d’une procédure d’examen d’une aide existante aboutissant à l’acceptation par l’État membre des mesures utiles proposées, ou encore à réduire la procédure de l’article 17, de l’article 18 et de l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 659/1999 à un processus quasi contractuel.

69

En effet, une telle approche méconnaît les termes et l’objet de cette procédure, laquelle constitue, par sa nature même, une procédure décisionnelle, ainsi que l’indique d’ailleurs l’article 26, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, à travers l’expression «décision [prise] en application de […] l’article 18 en liaison avec l’article 19, paragraphe 1».

70

Certes, la Commission et l’État membre peuvent discuter au sujet des mesures utiles proposées. Mais en définitive, ce n’est que lorsque la Commission décide, dans l’exercice de sa compétence exclusive pour apprécier la compatibilité des aides d’État avec le marché commun, d’accepter les engagements de l’État comme répondant à ses préoccupations, que la procédure d’examen prend fin par la décision mentionnée au point précédent.

71

En l’espèce, la Commission a examiné les engagements de la République française, a considéré qu’ils répondaient à sa recommandation et permettaient donc d’assurer la compatibilité du régime de la redevance avec le marché commun et, partant, a décidé de clore la présente procédure (paragraphes 1 et 72 de la décision attaquée), tout en rappelant que la décision attaquée ne préjugeait en rien de son pouvoir de procéder à l’examen permanent des régimes d’aides existants, prévu à l’article 88, paragraphe 1, CE (paragraphe 73, premier alinéa, de la décision attaquée).

72

Ce faisant, la Commission, loin de prendre passivement acte des engagements de la République française, a adopté une décision à leur égard, sans laquelle la procédure d’examen de la redevance n’aurait pas pris fin, mais aurait suivi son cours, que ce soit par la poursuite d’échanges dans le but d’obtenir des engagements satisfaisants pour la Commission ou par l’ouverture de la procédure formelle d’examen en application de l’article 19, paragraphe 2, du règlement no 659/1999.

73

Quant aux effets juridiques obligatoires de la décision attaquée, il suffit de relever que, conformément à l’article 19, paragraphe 1, in fine, du règlement no 659/1999, l’État membre concerné, qui, lors de la publication prévue à l’article 26, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, a nécessairement accepté les mesures utiles, est «tenu […] de mettre en œuvre» ces mesures (voir, pour la reconnaissance par la Cour d’un tel effet juridique obligatoire, dans des affaires antérieures à l’entrée en vigueur du règlement no 659/1999, arrêts de la Cour du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C-313/90, Rec. p. I-1125, point 36; du , Ijssel-Vliet, C-311/94, Rec. p. I-5023, points 42 et 43, et du , Allemagne/Commission, C-288/96, Rec. p. I-8237, point 65, in fine).

74

Ces considérations ne sont pas remises en cause par la référence opérée par la Commission à l’ordonnance Tramarin/Commission, point 33 supra, et à l’arrêt Salt Union/Commission, point 51 supra.

75

S’agissant de l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance Tramarin/Commission, point 33 supra, elle concerne un cas d’examen préliminaire d’une aide nouvelle. Cet examen préliminaire doit déboucher, conformément à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, sur l’adoption d’une décision au titre des paragraphes 2, 3 ou 4 de cet article, laquelle décision est susceptible, le cas échéant, de faire l’objet d’un recours en annulation. C’est dans ce contexte que le Tribunal a considéré que la lettre par laquelle la Commission avait, dans le cadre de l’examen préliminaire, invité la République italienne à renoncer à une proposition de règle transitoire entre le régime d’aides en vigueur et le régime d’aides notifié constituait un acte préparatoire de la décision finale et ne pouvait donc pas faire l’objet d’un recours.

76

Or, dans le cadre de l’examen permanent des aides existantes et dans l’hypothèse d’une mise en œuvre conforme par l’État membre de ses engagements, la Commission n’a plus, après sa décision visée à l’article 26, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, à adopter d’autre décision. Le seul acte dont disposent alors les tiers intéressés — et, en l’espèce, la requérante — est non, comme dans l’affaire Tramarin/Commission, un acte préparatoire d’une décision finale à intervenir, mais la décision visée à la disposition susvisée du règlement no 659/1999, laquelle décision produit l’effet juridique obligatoire mentionné au point 73 ci-dessus.

77

La référence à l’arrêt Salt Union/Commission, point 51 supra, n’est pas non plus de nature à justifier la position de la Commission. En effet, l’hypothèse expressément envisagée par le Tribunal, au point 35 de cet arrêt, était celle d’un refus par l’État membre d’accepter une proposition de la Commission de mesures utiles, laquelle proposition ne constitue effectivement pas, prise isolément et ainsi qu’il a été relevé au point 65 ci-dessus, un acte attaquable. Cependant, la situation en l’espèce est différente, puisqu’elle correspond à une acceptation des mesures utiles par l’État membre.

78

Il résulte des considérations qui précèdent que ni l’ordonnance Tramarin/Commission, point 33 supra, ni l’arrêt Salt Union/Commission, point 51 supra, ne viennent au soutien de la position de la Commission.

79

Enfin, quant à la question de savoir si les effets juridiques obligatoires produits par la décision attaquée sont de nature à affecter les intérêts de la requérante, il y a lieu de relever que cette décision entérine, dans un cadre juridique et temporel contraignant propre au mécanisme d’examen permanent des aides existantes, des engagements de la République française pouvant être considérés comme inadaptés pour assurer la compatibilité du régime de la redevance avec le marché commun. La décision attaquée permet donc à la République française de continuer, pendant deux ans, à mettre en œuvre le régime d’aides en cause.

80

La décision attaquée permet, en outre et surtout, le maintien dudit régime d’aides, au-delà de ce délai de deux ans et moyennant certaines adaptations.

81

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la décision attaquée produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante et constitue, partant, un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation au titre de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

Sur l’intérêt à agir de la requérante

Arguments des parties

82

La Commission, soutenue par les intervenantes, ne conteste nullement la qualité pour agir de la requérante, mais fait valoir que la requérante, en sa qualité de concurrente d’une entreprise bénéficiaire d’une aide mise volontairement en conformité avec le droit communautaire, aurait obtenu satisfaction et n’aurait donc aucun intérêt à agir en annulation de la décision attaquée. En cas d’annulation, la situation de la requérante serait moins satisfaisante que celle résultant de la décision attaquée, laquelle tendrait à modifier le régime d’aides dans un sens plus favorable à l’intérêt commun.

83

La requérante conteste la position de la Commission.

Appréciation du Tribunal

84

Selon une jurisprudence constante, la recevabilité d’un recours en annulation est subordonnée à la condition que la personne physique ou morale qui en est l’auteur ait un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Cet intérêt doit être né et actuel et s’apprécie au jour où le recours est formé (arrêts du Tribunal du 14 avril 2005, Sniace/Commission, T-141/03, Rec. p. II-1197, point 25, et du , Salvat père & fils e.a./Commission, T-136/05, Rec. p. II-4063, point 34).

85

Un tel intérêt suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques ou, selon une autre formule, que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du Tribunal du 28 septembre 2004, MCI/Commission, T-310/00, Rec. p. II-3253, point 44, et la jurisprudence citée). Une décision qui donne entièrement satisfaction au demandeur n’est, par définition, pas susceptible de lui faire grief (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du , Allemagne/Commission, C-242/00, Rec. p. I-5603, point 46; arrêt du Tribunal du , NBV et NVB/Commission, T-138/89, Rec. p. II-2181, point 32) et ce demandeur n’a pas d’intérêt à en demander l’annulation.

86

À l’inverse, dès lors que le demandeur fait valoir que l’acte en cause, même s’il lui est éventuellement partiellement favorable, ne protège pas pour autant de façon adéquate sa situation juridique, il doit se voir reconnaître un intérêt à agir pour faire vérifier, par le juge communautaire, la légalité de cette décision. L’appréciation du caractère favorable ou non de l’acte attaqué relève alors du fond, et non de la recevabilité du recours (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général M. Tesauro sous l’arrêt de la Cour du 9 novembre 1989, Katsoufros/Cour de justice, 55/88, Rec. p. 3579, 3585 à 3587).

87

Dans la décision attaquée, la Commission, auprès de laquelle la requérante avait déposé une plainte visant, notamment, le régime de la redevance audiovisuelle, a estimé qu’un certain nombre d’engagements de la République française était de nature à assurer la compatibilité de ce régime avec le marché commun. La requérante, quant à elle, considère ces engagements comme inadaptés à cette fin et attaque la décision attaquée précisément parce qu’elle les entérine et, ce faisant, violerait, à son détriment, les dispositions du traité en matière d’aides d’État.

88

Force est de constater que l’argument de la Commission, selon lequel la requérante n’aurait pas d’intérêt à demander l’annulation de la décision attaquée au motif qu’elle constituerait une décision qui lui serait favorable, repose sur la prémisse que les contestations de la requérante quant au fond, c’est-à-dire, en particulier, quant au caractère manifestement inadapté de ces engagements, sont erronées.

89

Or, la requérante avait, en sa qualité d’opérateur de télévision concurrent de France 2 et de France 3, clairement intérêt à soumettre au juge communautaire la question de savoir si c’est légalement que cette institution a considéré, dans la décision attaquée, que les engagements souscrits par la République française permettaient d’assurer la compatibilité du régime français de la redevance avec le marché commun.

90

En outre et contrairement à ce que soutient la Commission, une annulation de la décision attaquée qui serait motivée par une erreur manifeste de cette institution dans la détermination des mesures utiles à mettre en œuvre, ou par une motivation insuffisante de l’adéquation de ces mesures aux problèmes identifiés, ne placerait pas la requérante dans une situation moins favorable que celle résultant de la décision attaquée.

91

En effet, une annulation pour l’un ou l’autre de ces motifs signifierait que la décision attaquée était soit caractérisée, soit susceptible d’être caractérisée, par des engagements inadéquats et était donc défavorable à la requérante. À la suite de cette annulation, il incomberait à la Commission, au vu des conditions présentes de financement de France 2 et de France 3, d’apprécier, dans le cadre de l’examen permanent des aides existantes, l’opportunité de proposer d’autres mesures utiles pour l’avenir.

92

Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la Commission, la requérante a un intérêt à agir en annulation de la décision attaquée.

93

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est recevable.

Sur le fond

94

Le présent recours comporte cinq moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’obligation de motivation. Le deuxième moyen est tiré d’une violation des droits de la défense. Le troisième moyen est tiré de la portée insuffisante des engagements de la République française. Le quatrième moyen est tiré d’un détournement de procédure. Le cinquième moyen est tiré d’une interprétation erronée de l’arrêt de la Cour du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C-280/00, Rec. p. I-7747, ci-après l’«arrêt Altmark»).

95

Il convient d’examiner, d’abord, les moyens tirés de la violation des droits de la défense et du détournement de procédure. Seront ensuite examinés le moyen tiré d’une interprétation erronée de l’arrêt Altmark, point 94 supra, puis les deux moyens tirés, respectivement, de la violation de l’obligation de motivation et de la portée insuffisante des engagements.

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense

Arguments des parties

96

La requérante, tout en reconnaissant que la procédure administrative en matière d’aides d’État est seulement ouverte à l’encontre des États membres, fait valoir que, lors de la phase d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, la Commission doit mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations. La requérante s’étonne de n’avoir pu débattre avec la Commission sur l’opportunité et la portée des engagements de la République française, dès lors que, sur leur base, la Commission a validé le maintien d’un système constitutif d’une aide d’État contraire à l’article 87 CE. Le débat se serait d’autant plus imposé que le dialogue entre la requérante et la Commission, qui aurait abouti à la conclusion que le système de la redevance était une aide d’État au sens de l’article 87 CE, se serait brutalement interrompu quand il se serait agi d’apprécier la compatibilité de ce système avec le marché commun.

97

La requérante estime que la place qui lui a été réservée dans la procédure en l’espèce est peu compatible avec la jurisprudence selon laquelle, même en l’absence d’une disposition écrite, la Communauté ne peut porter atteinte à la situation d’une personne si celle-ci n’a pas été mise en mesure d’exprimer son point de vue. Eu égard au pouvoir d’appréciation de la Commission lorsqu’elle adopte une décision en application de l’article 88, paragraphe 1, CE, le respect du droit d’être entendu devrait d’autant plus être garanti. L’interruption du dialogue entre la Commission et la requérante constituerait une violation des droits de la défense de cette dernière.

98

La Commission, soutenue par les intervenantes, conteste la position de la requérante.

Appréciation du Tribunal

99

Il convient de rappeler que la procédure de contrôle des aides d’État est, compte tenu de son économie générale, une procédure ouverte à l’égard de l’État membre responsable, au regard de ses obligations communautaires, de l’octroi de l’aide (arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, T-198/01, Rec. p. II-2717, point 61, et du , Saxonia Edelmetalle/Commission, T-111/01 et T-133/01, Rec. p. II-1579, point 47).

100

Cette considération, développée par la jurisprudence dans le contexte du contrôle par la Commission des aides nouvelles, est également valable dans celui de l’examen permanent des aides existantes.

101

Il en découle que, si rien n’interdit à une partie de transmettre à la Commission des informations dénonçant l’incompatibilité avec le marché commun d’une aide d’État, qu’il s’agisse d’une aide nouvelle ou d’une aide existante, cette faculté ne confère à cette partie aucun droit de la défense. La Commission n’est nullement tenue d’engager avec cette partie un débat contradictoire.

102

Il est vrai que, dans le cadre de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, premier alinéa, CE et à l’article 6 du règlement no 659/1999, laquelle procédure est susceptible d’être engagée, s’agissant du contrôle des aides nouvelles, par une décision prise en application de l’article 4, paragraphe 4, du règlement no 659/1999 et, s’agissant de l’examen permanent des aides existantes, par une décision prise en application de l’article 19, paragraphe 2, du même règlement, la Commission «invite […] les […] parties intéressées à présenter leurs observations» (article 6, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement no 659/1999). Toutefois, force est de constater qu’en l’espèce la décision attaquée n’a pas été prise à l’issue d’une telle procédure formelle d’examen, mais à l’issue d’une proposition de mesures utiles acceptée par l’État membre concerné, c’est-à-dire dans le cadre de l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 659/1999.

103

À ce stade de la procédure d’examen permanent des aides existantes, la Commission n’avait pas à inviter la requérante à lui transmettre ses observations. C’est donc à tort que la requérante revendique le bénéfice de droits de la défense et se prévaut de leur violation par la Commission.

104

Il convient, dans ces conditions, de rejeter le présent moyen.

Sur le quatrième moyen, tiré d’un détournement de procédure

Arguments des parties

105

Selon la requérante, la Commission semble renvoyer aux autorités nationales la charge, relevant pourtant de sa compétence exclusive, de la détection d’une aide d’État. La requérante ne voit pas comment la Commission pourrait ainsi déléguer cette compétence et, partant, reconnaître un effet direct à l’article 87 CE, par la voie d’une simple décision accueillant des engagements, alors qu’un règlement a été nécessaire pour prévoir l’effet direct de l’article 88, paragraphe 3, CE.

106

La Commission conteste la position de la requérante.

Appréciation du Tribunal

107

En premier lieu, il faut constater que, contrairement à ce que semble dénoncer le présent moyen, la décision attaquée n’a nullement pour objet de renvoyer aux autorités nationales la charge, incombant prétendument exclusivement à la Commission, de la détection d’une aide d’État éventuelle, étant entendu, au demeurant, que, comme la Cour l’a relevé, le juge national est, de toute manière, compétent pour constater, le cas échéant, l’existence d’une aide d’État (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 mars 1977, Steinike & Weinlig, 78/76, Rec. p. 595, point 14).

108

En second lieu, et dans la mesure où, par le présent moyen, la requérante vise à dénoncer un prétendu transfert par la Commission aux autorités nationales de sa compétence exclusive pour apprécier la compatibilité d’une aide d’État avec le marché commun, force est de constater que la décision attaquée ne procède nullement à un tel transfert de compétence.

109

C’est, au contraire, dans l’exercice de sa compétence exclusive pour apprécier la compatibilité des aides d’État avec le marché commun que la Commission, par la décision attaquée, a obtenu de la République française certains engagements visant à assurer la compatibilité du régime de la redevance avec ce marché. En outre, la décision attaquée, ainsi que le rappelle son paragraphe 73, ne préjuge en rien du pouvoir de la Commission, sur la base de l’article 88, paragraphe 1, CE, de procéder à l’examen permanent des régimes d’aides existants et de proposer les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché commun.

110

Il convient, dans ces conditions, de rejeter le présent moyen.

Sur le cinquième moyen, tiré d’une interprétation erronée de l’arrêt Altmark

Arguments des parties

111

La requérante considère que la Commission a commis une erreur de droit quant à l’applicabilité de l’article 86, paragraphe 2, CE en cas d’aide résultant d’une surcompensation du coût des obligations de service public.

112

Dans l’arrêt Altmark, point 94 supra, la Cour aurait opté pour l’approche dite «compensatoire». Le choix de cette approche compensatoire aurait encore été confirmé dans la jurisprudence ultérieure tant de la Cour que du Tribunal.

113

La requérante fait valoir que, contrairement à ce qu’affirme la Commission, la Cour, dans l’arrêt Altmark, point 94 supra, ne confirme pas implicitement qu’une aide qui compense, ou plutôt surcompense, les coûts encourus par une entreprise pour la fourniture d’un service d’intérêt économique général (ci-après le «SIEG») peut être déclarée compatible avec le marché commun si les conditions de l’article 86, paragraphe 2, CE sont remplies.

114

En effet, il n’appartiendrait pas à la Cour de répondre, même implicitement, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, à une question qui ne lui est pas posée.

115

De plus, la Cour se serait référée à son arrêt du 22 novembre 2001, Ferring (C-53/00, Rec. p. I-9067, ci-après l’«arrêt Ferring»). Or dans cet arrêt, la Cour aurait expressément exclu l’application de l’article 86, paragraphe 2, CE en déclarant qu’un avantage qui excède les surcoûts résultant de la mission d’intérêt général «ne saurait, en tout état de cause, être regardé comme nécessaire afin de permettre à ces opérateurs d’accomplir leur mission particulière».

116

Ensuite, l’application de l’article 86, paragraphe 2, CE, supposerait la réunion de conditions liées à la définition, au mandat et au contrôle de la mission de service public ainsi qu’au caractère proportionnel de la compensation financière accordée en contrepartie de ce service. Or, la Cour, dans l’arrêt Altmark, point 94 supra, aurait fait de ces mêmes conditions des critères d’appréciation cumulatifs non de la compatibilité mais bien de l’existence même de l’aide, par la première, la deuxième et la troisième des quatre conditions définies au point 95 et dans le dispositif de cet arrêt (ci-après, prises ensemble, les «conditions Altmark»). En d’autres termes, le contrôle de la proportionnalité s’exercerait, selon la Cour, au stade de la qualification de l’aide, c’est-à-dire à un stade antérieur à celui auquel la Commission entendrait l’appliquer.

117

Enfin, dans sa pratique, la Commission aurait appliqué l’article 86, paragraphe 2, CE à des situations dans lesquelles la deuxième et la quatrième condition Altmark n’étaient pas remplies, avec la conséquence implicite que, lorsque les première et troisième conditions Altmark ne sont pas remplies, le sauvetage de la mesure par le biais de son examen au titre de l’article 86, paragraphe 2, CE serait exclu. Or, en l’espèce, dès lors que la Commission aurait constaté elle-même que la troisième condition Altmark n’était pas remplie, cela aurait dû nécessairement la conduire à la conclusion qu’il s’agissait bien d’une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, sans qu’il y ait lieu de s’interroger sur son éventuelle compatibilité.

118

La Commission aurait donc commis une erreur de droit en recherchant si une mesure étatique de compensation des coûts du service public pouvait être justifiée au titre de l’article 86, paragraphe 2, CE, alors qu’elle aurait elle-même constaté que ladite mesure ne remplissait pas les conditions Altmark permettant d’échapper à la qualification d’aide d’État.

119

Dans la réplique, la requérante conteste mettre en cause la compétence exclusive de la Commission pour se prononcer sur la compatibilité d’une aide avec le marché commun, comme le confirmerait d’ailleurs son dépôt de plainte. Elle contesterait plutôt les conditions dans lesquelles la Commission procède à un tel examen.

120

En effet, la requérante rappelle que la Cour, dans l’arrêt Ferring, point 115 supra, ne se réfère pas à l’article 86, paragraphe 2, CE comme justification de la solution adoptée. Bien plus, après avoir posé le principe qu’une compensation respectant la condition d’équivalence n’est pas une aide, la Cour ajouterait que, «s’il s’avère que les grossistes répartiteurs tirent du non-assujettissement à la taxe sur les ventes directes de médicaments un avantage qui excède les surcoûts qu’ils supportent pour l’accomplissement des obligations de service public qui leur sont imposées par la réglementation nationale, cet avantage, pour la partie qui excède lesdits surcoûts, ne saurait, en tout état de cause, être regardé comme nécessaire afin de permettre à ces opérateurs d’accomplir leur mission particulière». Par conséquent, selon la Cour, «il convien[drait] de répondre que l’article [86], paragraphe 2, [CE] doit être interprété en ce sens qu’il ne couvre pas un avantage fiscal dont bénéficient des entreprises chargées de la gestion d’un service public telles que celles en cause au principal, dans la mesure où cet avantage excède les surcoûts du service public».

121

Il serait donc clair que la Cour exclurait toute application de la dérogation de l’article 86, paragraphe 2, CE en faveur d’une compensation qui excéderait les surcoûts liés à l’accomplissement des obligations de service public, avec pour conséquence que de telles aides devraient être évaluées uniquement sur la base de l’article 87 CE. Dans ce cas, l’examen de la compatibilité de l’aide avec le marché commun continuerait de relever de la compétence de la Commission mais, faute de pouvoir faire application de la dérogation de l’article 86, paragraphe 2, CE, cet examen ne pourrait conduire en pratique qu’à une conclusion négative.

122

Du reste, la Cour, dans l’arrêt Altmark, point 94 supra, n’infirmerait pas cette analyse. En effet, la Cour n’exclurait pas expressément une application de l’article 86, paragraphe 2, CE, mais ne la confirmerait pas non plus.

123

La Commission, soutenue par la République française et par France Télévisions, conteste les arguments avancés par la requérante. Elle fait valoir, en substance, que, par ce moyen, la requérante confond deux questions pourtant bien distinctes et que l’arrêt Altmark, point 94 supra, a contribué à clarifier. La première serait de savoir quand on est en présence d’une aide d’État, au sens du traité, et la seconde quand une telle aide peut être déclarée compatible avec le marché commun.

Appréciation du Tribunal

124

Par le présent moyen, la requérante soutient, en substance, que la Commission aurait commis une erreur de droit en concluant à la compatibilité du système de la redevance audiovisuelle avec le marché commun, alors même que cette institution aurait considéré que certaines des conditions Altmark n’étaient pas respectées.

125

Cette argumentation ne peut être retenue en ce qu’elle résulte d’une interprétation erronée de l’arrêt Altmark, point 94 supra.

126

Dans l’arrêt Altmark, point 94 supra, la Cour a rappelé que, selon une jurisprudence constante, la qualification d’aide requiert que toutes les conditions visées à l’article 87, paragraphe 1, CE soient remplies (point 74 de l’arrêt) et que cette disposition énonce les conditions suivantes. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (point 75 de l’arrêt).

127

S’agissant de la condition tenant à l’existence d’un avantage consenti à son bénéficiaire, la Cour a relevé qu’il découle de la jurisprudence et, en particulier, de l’arrêt Ferring, point 115 supra, que, dans la mesure où une intervention étatique doit être considérée comme une compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public, de sorte que ces entreprises ne profitent pas, en réalité, d’un avantage financier et que ladite intervention n’a donc pas pour effet de mettre ces entreprises dans une position concurrentielle plus favorable par rapport aux entreprises qui leur font concurrence, une telle intervention ne tombe pas sous le coup de l’article 87, paragraphe 1, CE (arrêt Altmark, point 94 supra, point 87).

128

La Cour a ajouté que, cependant, pour que, dans un cas concret, une telle compensation puisse échapper à la qualification d’aide d’État, un certain nombre de conditions doivent être réunies (arrêt Altmark, point 94 supra, point 88):

premièrement, l’entreprise bénéficiaire a effectivement été chargée de l’exécution d’obligations de service public et ces obligations ont été clairement définies (première condition Altmark);

deuxièmement, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation ont été préalablement établis de façon objective et transparente (deuxième condition Altmark);

troisièmement, la compensation ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations (troisième condition Altmark);

quatrièmement, lorsque le choix de l’entreprise à charger de l’exécution d’obligations de service public n’est pas effectué dans le cadre d’une procédure de marché public, le niveau de la compensation nécessaire a été déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations (quatrième condition Altmark).

129

La Cour a conclu qu’une intervention étatique qui ne répond pas à une ou plusieurs desdites conditions devra être considérée comme une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

130

Il résulte des termes dépourvus de toute équivoque de l’arrêt Altmark, point 94 supra, que les quatre conditions susvisées ont donc pour seul et unique objet la qualification de la mesure en cause d’aide d’État, et plus précisément la détermination de l’existence d’un avantage.

131

La Cour a, ce faisant, repris et précisé la solution retenue dans l’arrêt Ferring, point 115 supra, que la requérante invoque à plusieurs reprises dans ses écritures, afin de permettre aux États membres de mieux apprécier si leur intervention au profit d’une entité chargée de l’exécution d’obligations de service public constitue une aide d’État, entraînant une obligation de notification de la mesure à la Commission, dans l’hypothèse d’une aide nouvelle, ou de coopération avec cette institution, dans le cas d’une aide existante.

132

Il importe de souligner que l’argumentation de la requérante est également contredite par les points 104 et 105 de l’arrêt Altmark, point 94 supra, dans lesquels la Cour répond à la deuxième branche de la question préjudicielle par laquelle la juridiction de renvoi demande, notamment, si l’article 73 CE peut être appliqué à des subventions publiques qui compensent les surcoûts exposés pour l’exécution d’obligations de service public.

133

Dans les points précités, la Cour indique que, pour autant que les subventions en cause au principal sont à considérer comme une compensation représentant la contrepartie des prestations de transport effectuées pour exécuter des obligations de service public et répondant aux quatre conditions Altmark, ces subventions ne tomberaient pas sous le coup de l’article 87 CE, de sorte qu’il n’y aurait pas lieu d’invoquer la dérogation à cette disposition prévue à l’article 73 CE. Il s’ensuit, selon la Cour, que les dispositions du droit primaire concernant les aides d’État, en l’occurrence celles de l’article 73 CE, ne seraient applicables auxdites subventions que dans la mesure où toutes les conditions précitées ne seraient pas réunies et où lesdites subventions ne relèveraient pas des dispositions du règlement (CEE) no 1191/69 du Conseil, du 26 juin 1969, relatif à l’action des États membres en matière d’obligations inhérentes à la notion de service public dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO L 156, p. 1), tel que modifié par le règlement (CEE) no 1893/91 du Conseil, du (JO L 169, p. 1).

134

Il apparaît ainsi clairement que la Cour opère une distinction entre la question de la qualification d’une mesure comme aide d’État, qui résulterait en l’occurrence de l’absence de réunion des quatre conditions Altmark, et celle de sa compatibilité avec le marché commun. Ce raisonnement de la Cour relatif à l’application de l’article 73 CE est pleinement transposable en l’espèce, s’agissant de l’applicabilité de l’article 86, paragraphe 2, CE.

135

Les décisions de la Cour et du Tribunal ayant, depuis l’arrêt Altmark, point 94 supra, fait référence aux conditions énoncées dans cet arrêt ne remettent pas en cause le fait que ces conditions concernent la qualification d’aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE et elles n’indiquent pas que la Cour aurait voulu, en énonçant ces conditions, mettre fin à l’application de l’article 86, paragraphe 2, CE pour l’appréciation de la compatibilité avec le marché commun des mesures étatiques de financement des SIEG (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 27 novembre 2003, Enirisorse, C-34/01 à C-38/01, Rec. p. I-14243, points 31 à 40; du , Servizi Ausiliari Dottori Commercialisti, C-451/03, Rec. p. I-2941, points 61 à 72; du , Laboratoires Boiron, C-526/04, Rec. p. I-7529, points 50 à 57, et du , Essent Netwerk Noord e.a., C-206/06, Rec. p. I-5497, points 79 à 88; arrêts du Tribunal du , Danske Busvognmænd/Commission, T-157/01, Rec. p. II-917, points 97 et 98; du , Valmont/Commission, T-274/01, Rec. p. II-3145, points 130 et 131; du , Corsica Ferries France/Commission, T-349/03, Rec. p. II-2197, point 310, et du , BUPA e.a./Commission, T-289/03, Rec. p. II-81, point 258).

136

En particulier, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Servizi Ausiliari Dottori Commercialisti, point 135 supra, la Cour a répondu à une question préjudicielle par laquelle la juridiction de renvoi demandait si la rémunération perçue par les centres d’assistance fiscale pour l’élaboration et la transmission d’une déclaration fiscale, conformément à la législation nationale, constituait une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

137

Dans son arrêt, la Cour a rappelé les quatre conditions Altmark, en soulignant que leur réunion permet à une intervention étatique, considérée comme une compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public, d’échapper à la qualification d’aide d’État.

138

Après avoir observé que l’examen des deux dernières conditions relatives au niveau de la rémunération en question nécessitait une appréciation des faits du litige au principal et rappelé qu’elle n’était pas compétente à cet égard, la Cour a indiqué qu’il appartenait donc à la juridiction nationale d’apprécier, à la lumière desdits faits, si la rémunération en cause constituait une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

139

Il importe de souligner que la Cour a pris soin d’ajouter, dans ce contexte, que la juridiction nationale n’est pas compétente pour apprécier la compatibilité des mesures d’aides ou d’un régime d’aides avec le marché commun, cette appréciation relevant de la compétence exclusive de la Commission, agissant sous le contrôle du juge communautaire (arrêt Servizi Ausiliari Dottori Commercialisti, point 135 supra, point 71).

140

Cette dernière considération de la Cour démontre clairement que le présent moyen repose sur une confusion de la requérante entre le test Altmark, qui vise à déterminer l’existence d’une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, et le test de l’article 86, paragraphe 2, CE, qui permet d’établir si une mesure constitutive d’une aide d’État peut être considérée comme compatible avec le marché commun.

141

Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que la Commission n’a, en l’espèce, commis aucune erreur de droit.

142

En effet, dans la décision attaquée, la Commission a, tout d’abord, examiné si le système de la redevance constituait une aide d’État. Après avoir constaté que la condition d’existence d’une aide d’État relative à l’utilisation de ressources d’État était remplie (paragraphe 21 de la décision attaquée), la Commission a vérifié la condition relative à l’existence d’un avantage sélectif (paragraphes 22 à 25 de la décision attaquée) et a considéré, dans ce cadre, que les deuxième et quatrième conditions Altmark n’étaient pas respectées (paragraphes 24 et 25 de la décision attaquée), sans se prononcer sur les autres conditions Altmark. La Commission a, enfin, constaté que le système de la redevance audiovisuelle affectait les échanges entre États membres (paragraphe 26 de la décision attaquée).

143

En conséquence, la Commission a conclu que ce système constituait une aide d’État (paragraphe 27 de la décision attaquée).

144

Cette institution a, ensuite, examiné si, ainsi qu’elle l’avait considéré à titre préliminaire dès la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen du 27 septembre 1999 (voir point 10 ci-dessus), le système de la redevance audiovisuelle était bien une aide d’État existante. Après avoir constaté que ce système avait été établi avant l’entrée en vigueur du traité et qu’il n’avait pas fait l’objet de modifications substantielles (paragraphes 28 à 35 de la décision attaquée), la Commission a conclu qu’il constituait une aide d’État existante, au titre de l’article 1er, sous b), i), du règlement no 659/1999 (paragraphe 36 de la décision attaquée).

145

La Commission a, enfin et à juste titre, examiné la mesure en cause au regard de l’article 86, paragraphe 2, CE pour, finalement, décider de clore la procédure eu égard aux engagements pris, par les autorités françaises, de modifications de la législation destinées à offrir des garanties suffisantes contre une éventuelle surcompensation des coûts générés par le service public.

146

Ce faisant, la Commission n’a pas, contrairement aux affirmations de la requérante, méconnu les termes de l’arrêt Altmark, point 94 supra.

147

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le cinquième moyen soulevé par la requérante doit être rejeté comme non fondé.

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

Arguments des parties

148

La requérante fait valoir que la décision attaquée ne donne aucune indication permettant de comprendre le choix de la Commission de subordonner la compatibilité de la mesure dénoncée aux engagements proposés par la République française. Contrairement à ce que prétendrait la Commission, la requérante ne confondrait pas critique de la motivation et critique du bien-fondé de la décision attaquée, mais elle se limiterait à faire valoir que la décision attaquée est, sur l’aspect particulier des engagements, insuffisamment motivée. Tout au plus insisterait-t-elle ensuite sur le caractère d’autant plus regrettable de ce défaut de motivation que celui-ci couronnerait une procédure entamée il y a plus de dix ans. La requérante indique qu’elle se borne, sans aborder la question de leur bien-fondé, à constater l’indigence des explications fournies dans la décision attaquée, laquelle, après 65 paragraphes consacrés à la constatation que le régime de la redevance ne présente pas de garanties suffisantes pour assurer sa compatibilité avec le marché commun, accepte sans autre explication, en sept paragraphes, les engagements pris par la République française.

149

Compte tenu de ce que l’exigence de motivation devrait être appréciée, notamment, en fonction de l’intérêt des destinataires ou d’autres personnes concernées à recevoir des explications, ce serait à tort que la Commission tenterait de circonscrire l’appréciation du caractère suffisant de la motivation de la décision attaquée aux seules relations entre elle et la République française. Cela reviendrait à réduire à néant les droits des tiers intéressés dans la procédure d’annulation des décisions en matière d’aides d’État.

150

L’insuffisance de motivation serait d’autant plus caractérisée à la lumière de l’intérêt manifesté par la requérante dans ce dossier et reflété par les nombreux contacts et courriers échangés.

151

Une motivation dans laquelle la Commission se contenterait d’un rappel formel des critères d’appréciation de l’existence d’une aide d’État, pour ensuite constater, au paragraphe 24 de la décision attaquée, que «la deuxième condition posée par l’arrêt Altmark, point 94 supra, n’est pas remplie», au motif que «la loi de 1986 n’identifie pas de paramètres objectifs et transparents sur la base desquels la compensation des coûts de service public serait calculée» ne saurait être qualifiée de suffisante, dès lors que ce défaut de motivation affecterait la possibilité d’apprécier la pertinence des engagements pris par la République française.

152

Pour les mêmes raisons, une analyse qui se bornerait à constater que la législation française n’est pas de nature à empêcher une surcompensation des obligations de service public ou des subventions croisées anticoncurrentielles, sans pour autant déterminer le montant de celles-ci, ne saurait davantage être qualifiée de suffisante.

153

Le fait que la Commission ait adressé une lettre de proposition de mesures utiles à la République française et ait suivi l’approche annoncée dans la communication de la Commission concernant l’application aux services publics de radiodiffusion des règles relatives aux aides d’État (JO 2001, C 320, p. 5, ci-après la «communication sur la radiodiffusion») ne modifierait pas l’analyse de la requérante. En effet, l’insuffisance de motivation de la décision attaquée ne pourrait être palliée par la motivation contenue dans la lettre du 10 décembre 2003, dont la requérante ne serait pas destinataire. Par ailleurs, la requérante ne remettrait pas en cause l’analyse de la Commission aboutissant à la constatation que le régime de la redevance constitue une aide d’État qui ne présente pas de garanties suffisantes pour assurer sa compatibilité avec le marché commun. La requérante resterait cependant en défaut de pouvoir apprécier le bien-fondé des engagements acceptés par la Commission, faute pour cette institution de s’expliquer sur son choix d’accepter lesdits engagements.

154

La Commission, soutenue par les intervenantes, conteste la position de la requérante.

Appréciation du Tribunal

155

Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts de la Cour du 13 mars 1985, Pays-Bas et Leeuwarder Papierwarenfabriek/Commission, 296/82 et 318/82, Rec. p. 809, point 19; du , Delacre e.a./Commission, C-350/88, Rec. p. I-395, points 15 et 16; du , Belgique/Commission, C-56/93, Rec. p. I-723, point 86, et du , Commission/Sytraval et Brink’s France, C-367/95 P, Rec. p. I-1719, point 63).

156

Dans la décision attaquée, la Commission, après avoir, premièrement, rappelé la procédure à l’origine de cette décision (paragraphes 2 à 16 de la décision attaquée), deuxièmement, décrit le régime de la redevance et conclu à sa nature d’aide d’État existante (paragraphes 17 à 36 de la décision attaquée), troisièmement, constaté que la condition d’application de l’article 86, paragraphe 2, CE, relative à l’existence d’un SIEG (paragraphes 41 à 50 de la décision attaquée) ainsi que celle relative au mandat et au contrôle (paragraphes 51 à 55 de la décision attaquée) étaient remplies et, quatrièmement, engagé l’examen de la condition de proportionnalité de la compensation aux besoins du service public (paragraphes 56 et suivants de la décision attaquée), a considéré, dans le cadre de ce dernier examen, que «la législation française ne présent[ait] pas de garanties suffisantes contre une éventuelle surcompensation des coûts générés par le service public» (paragraphe 60 de la décision attaquée).

157

Dans les paragraphes 61 à 63 de la décision attaquée, la Commission a expliqué en quoi, selon elle, la législation française ne présentait pas de telles garanties.

158

Dans le paragraphe 64 de la décision attaquée, la Commission a décrit la recommandation proposant l’adoption de mesures utiles qu’elle avait, par conséquent, adressée à la République française par la lettre du 10 décembre 2003.

159

Puis, la Commission a évoqué les échanges intervenus avec les autorités françaises et a décrit et examiné les engagements présentés par ces autorités en réponse à sa recommandation proposant l’adoption de mesures utiles. Constatant que ces engagements répondaient à cette recommandation, la Commission a décidé de clore la procédure d’examen de la redevance (paragraphes 65 à 72 de la décision attaquée).

160

Il y a lieu de constater, tout d’abord, que la motivation de la décision attaquée, ainsi rappelée, fait ressortir, de manière claire et compréhensible, le raisonnement de la Commission ayant fondé sa décision de clore la procédure d’examen de la redevance.

161

Par ailleurs, lorsque, dans son recours, la requérante prétend que la décision attaquée ne lui donne aucune indication qui lui permettrait de comprendre le choix de la Commission de finalement subordonner la compatibilité de la mesure dénoncée aux engagements proposés par la République française, la requérante ne fournit aucun élément précis au soutien de cette affirmation. Ainsi, bien qu’elle mentionne, à plusieurs reprises dans ses écritures, l’existence de sa plainte ainsi que celle d’échanges avec la Commission, la requérante n’indique nullement en quoi, à la lumière de certains éléments précis de cette plainte, de ces échanges ou encore d’autres informations qui auraient été en possession de la Commission, cette institution aurait été tenue de motiver la décision attaquée plus qu’elle ne l’a fait.

162

La requérante se limite à évoquer globalement les circonstances que la procédure devant la Commission aurait duré plus de dix ans, que la Commission aurait bénéficié d’un complément de plainte ainsi que de nombreux contacts avec la requérante, que cette institution aurait eu recours à une étude externe, qu’elle aurait publié la communication sur la radiodiffusion à laquelle la décision attaquée se contenterait de faire référence et, enfin, que seuls sept paragraphes sur 72 de la décision attaquée seraient consacrés à la justification de la clôture de la procédure. À la lumière de ces généralités, la requérante, selon ses propres termes, «se borne […] à constater l’indigence des explications fournies par la Commission» sur l’aspect particulier des engagements.

163

Force est de constater que la requérante, par ces considérations, ne fournit aucun élément de nature à établir l’insuffisance de la motivation de la décision attaquée en ce qui concerne ledit aspect.

164

S’agissant, ensuite, du grief visant la motivation du paragraphe 24 de la décision attaquée relative à la deuxième condition Altmark, il convient de rappeler que la Commission, audit paragraphe, a constaté que cette condition n’était pas remplie, ce que la requérante ne conteste pas. La Commission a motivé cette constatation par le fait que «la loi de 1986 n’identifie pas de paramètres objectifs et transparents sur la base desquels la compensation des coûts de service public serait calculée». Il y a lieu de considérer que cette motivation, exposée pour les besoins de la qualification de la redevance comme une aide d’État, est suffisante.

165

Pour autant que ce grief de motivation concerne la compatibilité du régime de la redevance avec le marché commun, il doit être rejeté comme dépourvu de pertinence, dès lors que, ainsi qu’il a déjà été relevé, le test Altmark et la motivation contenue au paragraphe 24 de la décision attaquée concernent la qualification de la mesure comme aide d’État et non la compatibilité de cette aide avec le marché commun.

166

S’agissant, enfin, du grief tiré, en substance, de ce que la Commission aurait dû chercher, dans la décision attaquée, à déterminer l’existence et le montant d’une prétendue surcompensation, grief qui constitue, à la lumière de la position de la requérante selon laquelle le système de la redevance aurait induit une surcompensation, moins un grief de motivation qu’un grief de fond tiré d’une violation de l’obligation d’examen, il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, l’examen des aides existantes ne peut aboutir qu’à des mesures pour l’avenir (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 15 juin 2000, Alzetta e.a./Commission, T-298/97, T-312/97, T-313/97, T-315/97, T-600/97 à T-607/97, T-1/98, T-3/98 à T-6/98 et T-23/98, Rec. p. II-2319, points 147 et 148; du , Regione autonoma Friuli-Venezia Giulia/Commission, T-288/97, Rec. p. II-1169, point 91, et du , Diputación Foral de Álava/Commission, T-127/99, T-129/99 et T-148/99, Rec. p. II-1275, point 172). Ce n’est donc que si la Commission considère que le système de financement en cause présente un risque de surcompensation pour l’avenir qu’elle peut être amenée à proposer des mesures utiles.

167

Dans ces conditions, s’il est possible que la recherche, dans le cadre de l’examen permanent d’une aide existante, d’une éventuelle surcompensation pour le passé puisse éventuellement, selon les circonstances particulières du cas d’espèce, présenter un intérêt pour l’appréciation de la compatibilité de cette aide existante avec le marché commun, il n’en demeure pas moins qu’une telle recherche n’est pas, en soi, forcément indispensable pour une appréciation correcte de la nécessité de proposer des mesures utiles pour l’avenir et pour la détermination de ces mesures. Le risque ou l’absence de risque de surcompensation pour l’avenir dépend, en définitive, essentiellement des modalités concrètes du régime de financement lui-même, et non de la circonstance que ce régime aurait, en pratique, occasionné une surcompensation dans le passé.

168

Or, il ne ressort pas du dossier et la requérante n’établit nullement que, dans les circonstances de l’espèce, la Commission aurait dû, pour les besoins de l’examen du système de la redevance au titre de l’article 88, paragraphe 1, CE, procéder, au-delà de l’examen des caractéristiques propres de ce système, à la comparaison de l’ensemble des sources de financement du service public avec les coûts de ce service, aux fins de rechercher l’existence, pour le passé, d’une éventuelle surcompensation par la République française desdits coûts.

169

À cet égard, il est constant que la Commission avait, au demeurant, déjà effectué, dans la décision du 10 décembre 2003 et à la suite de la plainte de la requérante, un tel examen pour la période 1988-1994 et qu’elle avait conclu à l’absence de surcompensation des coûts du service public pour cette période.

170

En outre, la requérante ne prétend nullement qu’elle aurait déposé une plainte dénonçant une surcompensation au titre de la période postérieure à 1994.

171

Tout au plus la requérante a-t-elle déposé, en mars 1997, un complément à sa plainte du 10 mars 1993. Indépendamment du fait que ce complément de plainte ne pourrait, en tout état de cause, présenter de pertinence que pour la période antérieure à son dépôt, il y a lieu de relever que la requérante, au-delà d’une mention brève et sans signification particulière de ce document dans la requête, n’y fait absolument aucune autre référence ou renvoi, même général, dans ses écritures devant le Tribunal et n’en tire donc aucun argument particulier au soutien de son grief selon lequel la Commission aurait dû examiner, dans la décision attaquée, la question de l’existence d’une surcompensation pour le passé.

172

Il s’ensuit que la requérante n’établit nullement que, dans les circonstances de l’espèce, la Commission aurait dû, pour les besoins de l’examen de la redevance au titre des aides existantes et d’une éventuelle proposition de mesures utiles, examiner si ce mécanisme de financement avait induit, ensemble avec les autres sources de financement de France 2 et de France 3, une surcompensation des coûts du service public durant la période ayant précédé l’adoption de la décision attaquée. Comme le relève la Commission, la requérante n’avance, dans son recours, aucun élément de preuve de ce que cette institution aurait manqué à son obligation d’examen diligent et impartial.

173

En outre et pour autant qu’il faudrait comprendre le grief de la requérante comme comportant un reproche fait à la Commission de ne pas avoir cherché, dans la décision attaquée, à déterminer le montant de surcompensation susceptible de survenir dans l’avenir en l’absence de proposition de mesures utiles, force est de constater qu’une telle recherche, outre son caractère purement spéculatif, n’est, de toute manière, pas nécessaire pour la constatation de l’existence d’un risque de surcompensation et la formulation d’une proposition de mesures utiles.

174

Il résulte des considérations qui précèdent qu’il convient de rejeter le présent moyen, tiré de l’insuffisance de motivation, ainsi que le grief de fond, exprimé à l’occasion de ce moyen et tiré, en substance, d’une prétendue violation par la Commission de son obligation d’examen, s’agissant de l’existence et du montant d’une surcompensation pour le passé ou pour le futur.

Sur le troisième moyen, tiré de la portée insuffisante des engagements de la République française

Arguments des parties

175

Selon la requérante, les engagements de la République française sont inaptes à garantir la compatibilité du système français de la redevance avec les règles communautaires en matière d’aides d’État. En effet, l’absence de surcompensation des obligations de service public, l’exploitation des activités commerciales de France Télévisions conformément aux pratiques du marché, la vente d’espaces publicitaires au prix du marché, la mise en place d’une autorité indépendante pour assurer le respect de ces règles seraient autant d’objectifs qui auraient déjà pu être atteints par d’autres voies ou sur d’autres bases juridiques.

176

Ces engagements seraient purement formels et se limiteraient, pour l’essentiel, à un toilettage législatif n’apportant pas d’amélioration notable par rapport aux instruments existants, lesquels se seraient avérés impuissants à éviter la surcompensation et la prestation d’activités commerciales dans des conditions ne correspondant pas à celles du marché. La mention expresse, dans la loi française, de principes de droit communautaire en tout état de cause déjà applicables ne saurait avoir plus d’effet que n’ont eu lesdits principes eux-mêmes.

177

La requérante s’étonne, en particulier, que la Commission, après avoir constaté, au paragraphe 24 de la décision attaquée, l’absence de paramètres objectifs et transparents sur la base desquels la compensation des coûts de service public doit être calculée, s’abstienne de préciser quels devraient être ces paramètres ou, à tout le moins, d’obtenir des engagements concrets de la République française à cet égard.

178

La Commission aurait plutôt dû proposer la suppression de la redevance en ce qu’elle surcompenserait le coût des obligations de service public et serait constitutive d’une subvention anticoncurrentielle.

179

Cela aurait été d’autant plus nécessaire que les engagements de la République française seraient loin d’être en voie de mise en oeuvre pour 2006, et ce en violation de l’obligation de coopération loyale de cet État membre. En effet, pour 2006, France Télévisions Publicité se serait engagée à situer un de ses coûts GRP [Gross Rating Point (indicateur de pression des médias)] à 25% du coût GRP de la requérante et du radiodiffuseur commercial M6, ce qui serait peu compatible avec l’engagement de la République française de faire, par l’introduction d’une disposition légale à cette fin, respecter par France Télévisions les conditions de marché dans ses activités commerciales.

180

La Commission, soutenue par les intervenantes, déduit de l’affirmation de la requérante, selon laquelle le respect des règles en matière d’aides d’État est un objectif qui aurait déjà pu être atteint par d’autres voies ou sur d’autres bases juridiques, que la mise en place de nouvelles garanties par la voie des mesures utiles était bien nécessaire et elle relève que cette affirmation de la requérante ne démontre en rien que les engagements de la République française auraient eu une portée insuffisante.

181

Selon la Commission, il n’est pas correct d’affirmer que les engagements de la République française ne sont pas efficaces, parce que prétendument pas nécessaires.

182

La requérante ne ferait qu’affirmer, sans fournir aucun commencement de preuve, que ces engagements ne sont pas susceptibles de satisfaire aux exigences du droit communautaire.

183

Ces engagements ne porteraient pas sur un simple toilettage législatif, mais sur l’inscription dans l’ordre juridique français, de façon à les rendre contraignantes selon la norme juridique française, de dispositions garantissant que le financement des chaînes de service public françaises respecte les principes de la communication sur la radiodiffusion.

184

Quant à l’argumentation selon laquelle de nombreux textes communautaires s’imposeraient déjà dans l’ordre juridique national, la Commission fait remarquer que, s’il fallait suivre ce raisonnement jusqu’à son terme, les procédures de contrôle des aides existantes et des aides nouvelles au moyen de décisions individuelles deviendraient inutiles, les règles horizontales étant suffisantes.

185

Contrairement à ce que soutiendrait la requérante s’agissant de l’absence de paramètres objectifs et transparents constatée dans la décision attaquée permettant de vérifier l’absence de surcompensation, les autorités françaises auraient pris les engagements nécessaires. La Commission évoque, à cet égard, le paragraphe 67 de la décision attaquée.

186

L’argument relatif aux pratiques tarifaires des chaînes publiques en 2006, soulevé dans la réplique, serait nouveau et donc irrecevable. En tout état de cause, les pratiques alléguées sembleraient toujours relever de la procédure d’examen des aides existantes tant que le délai de deux ans ne serait pas écoulé. Dès lors, on ne pourrait s’appuyer sur elles pour démontrer l’inefficacité prétendue des engagements. Surtout, sur le fond, la requérante n’apporterait pas la preuve que les pratiques alléguées relèveraient d’un dumping sur les prix.

Appréciation du Tribunal

187

Selon l’article 18 du règlement no 659/1999, la Commission, si elle parvient à la conclusion qu’un régime d’aides existant n’est pas ou n’est plus compatible avec le marché commun, «adresse à l’État membre concerné une recommandation proposant l’adoption de mesures utiles». Selon la même disposition, «[c]ette recommandation peut notamment proposer […] de modifier sur le fond le régime d’aides en question, ou […] d’introduire un certain nombre d’exigences procédurales, ou […] de supprimer ledit régime». Selon l’article 19, paragraphe 1, du même règlement, «si l’État membre concerné accepte les mesures proposées et en informe la Commission, cette dernière en prend acte».

188

Il ressort du libellé de l’article 18 du règlement no 659/1999 que la Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation dans l’exercice de sa compétence pour prendre, selon les termes de l’article 26, paragraphe 1, du même règlement, une décision au titre «de l’article 18 en liaison avec l’article 19, paragraphe 1», de ce règlement et, dans ce cadre, pour déterminer les mesures utiles à même de répondre à sa conclusion selon laquelle le régime d’aides existant en cause n’est pas ou n’est plus compatible avec le marché commun.

189

Dans ces conditions, il n’appartient pas au Tribunal de substituer sa propre appréciation à celle de la Commission, son contrôle devant se limiter à vérifier que cette institution n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que les engagements pris étaient de nature à résoudre les problèmes de concurrence que posait le régime d’aides en cause (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 5 novembre 1997, Ducros/Commission, T-149/95, Rec. p. II-2031, point 63; du , Keller et Keller Meccanica/Commission, T-35/99, Rec. p. II-261, point 77; voir également, par analogie, arrêts du Tribunal du , Royal Philips Electronics/Commission, T-119/02, Rec. p. II-1433, point 78; du , ARD/Commission, T-158/00, Rec. p. II-3825, point 329, et du , easyJet/Commission, T-177/04, Rec. p. II-1931, point 128).

190

Par le présent moyen, la requérante soutient, en substance, que les engagements de la République française, pris en réponse aux propositions de mesures utiles de la Commission et acceptés par cette institution, ne comportent aucune amélioration notable par rapport à des instruments existants qui se seraient révélés impuissants à éviter une surcompensation.

191

Il convient de constater que, outre le fait que l’affirmation de la requérante, selon laquelle le système de la redevance aurait induit une surcompensation, n’est nullement étayée, cette affirmation est, en tout état de cause, dépourvue de pertinence.

192

En effet, pour les besoins du contrôle par le Tribunal de la légalité de la décision attaquée, la question pertinente n’est pas celle de savoir si le système de la redevance a ou non induit une surcompensation pour la période ayant précédé l’adoption de cette décision, mais seulement celle de savoir si, dans les circonstances particulières de l’espèce, la Commission aurait dû, pour l’examen de ce système de financement et la proposition de mesures utiles, rechercher l’existence d’une telle surcompensation.

193

Or, ainsi qu’il a déjà été constaté (voir points 172 et 173 ci-dessus), la Commission n’a pas manqué à son obligation d’examen en ne procédant pas, dans les circonstances de l’espèce, à cette recherche dans la décision attaquée.

194

Dans la mesure où la requérante se prévaut, dans ses mémoires (voir point 179 ci-dessus) mais aussi dans sa lettre du 9 octobre 2008, d’éléments postérieurs à la décision attaquée, il convient de les rejeter. En effet, selon une jurisprudence constante, la légalité d’un acte communautaire s’apprécie en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été pris (arrêt de la Cour du , France/Commission, 15/76 et 16/76, Rec. p. 321, point 7; arrêts du Tribunal du , Altmann e.a./Commission, T-177/94 et T-377/94, Rec. p. II-2041, point 119, et du , Roquette Frères/Commission, T-322/01, Rec. p. II-3137, point 325). Par conséquent, est exclue la prise en compte, lors de l’appréciation de la légalité de cet acte, d’éléments postérieurs à la date à laquelle celui-ci a été adopté (arrêt Roquette Frères/Commission, précité, point 25; voir également, en ce sens, arrêts du Tribunal du , Deutsche Bahn/Commission, T-229/94, Rec. p. II-1689, point 102, et du , Vounakis/Commission, T-165/04, RecFP p. I-A-2-155 et II-A-2-735, point 114).

195

En outre, s’agissant, plus particulièrement, des documents produits par la requérante dans sa lettre du 9 octobre 2008 et présentés par elle comme des faits juridiques nouveaux, il y a lieu de constater que, lors de l’audience, la requérante n’a pas, sur la base de ces documents, établi l’existence de faits antérieurs à la décision attaquée, qui auraient été connus de la Commission mais ignorés de la requérante et dont ces documents auraient permis la révélation. Par ailleurs, s’agissant, plus particulièrement, de l’arrêt SIC/Commission, point 22 supra, la requérante n’a pas établi et il n’apparaît pas que cet arrêt aurait éclairé ou précisé la signification d’une disposition du droit communautaire telle qu’elle aurait dû être comprise depuis son entrée en vigueur, avec pour conséquence que la décision attaquée apparaîtrait, à la lumière de cette disposition et de sa signification ainsi précisée, entachée d’illégalité.

196

Il résulte des considérations qui précèdent que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la question qui se pose n’est pas de savoir si les mesures proposées constituaient une amélioration notable par rapport à des instruments existants qui se seraient révélés impuissants à éviter la surcompensation, mais de savoir si ces mesures et les engagements pris par la République française répondaient adéquatement aux problèmes identifiés par la Commission dans le cadre de son examen de la compatibilité de la redevance avec le marché commun, étant rappelé que, en l’absence de tout indice de ce que la Commission aurait manqué à son obligation d’examen diligent et impartial (voir point 172 ci-dessus), la qualité de cette identification des problèmes par la Commission n’est pas en cause.

197

Il convient, pour cet examen, de revenir aux termes de la décision attaquée.

198

Au paragraphe 56 de la décision attaquée, la Commission entame son examen de la proportionnalité en indiquant qu’elle «doit s’assurer que le mécanisme [de financement] présente des garanties contre une éventuelle surcompensation des coûts générés par le service public».

199

Au paragraphe 60 de la décision attaquée, la Commission annonce qu’elle «considère que la législation française ne présente pas de garanties suffisantes contre une éventuelle surcompensation», puis elle explicite, dans les paragraphes 61 à 63 de cette décision, ses préoccupations.

200

En substance, la Commission reproche à la législation française, premièrement, de «ne cont[enir] aucune disposition stipulant explicitement que la compensation par l’État du coût des activités de service public d’une chaîne investie de missions de service public ne doit pas dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir ce coût, en tenant compte du bénéfice net des activités commerciales de cette chaîne» (paragraphe 61 de la décision attaquée), deuxièmement, de «n’indique[r] jamais explicitement que [ces] activités commerciales […] doivent être exploitées conformément aux pratiques de marché» (paragraphe 62 de la décision attaquée), troisièmement, de «[ne pas] dispose[r] explicitement que toute exploitation commerciale d’un programme de télévision relevant des missions de service public ainsi que la vente d’espaces publicitaires par une chaîne de télévision investie de missions de service public doivent être effectuées aux prix du marché» (paragraphe 63 de la décision attaquée).

201

Il ressort de ce qui précède que les difficultés identifiées par la Commission, fondant sa considération selon laquelle la législation française ne présente pas de garanties suffisantes et motivant, donc, sa proposition de mesures utiles, tiennent au fait que cette législation ne reprend pas explicitement, dans son corps même, certaines exigences formulées en droit communautaire.

202

Il y a lieu de constater que les propositions de mesures utiles exposées par la Commission dans la suite de la décision attaquée rencontrent pleinement ces préoccupations.

203

Ainsi, lorsque, au paragraphe 64 de la décision attaquée, la Commission indique que les autorités françaises devraient adopter les mesures nécessaires pour assurer le respect de certains principes, cette institution libelle ces principes, au nombre de trois, en des termes répondant exactement aux trois préoccupations exprimées par elle aux paragraphes 61 à 63 de la décision attaquée.

204

En outre et au-delà de cet appel à respecter certains principes et à adopter les mesures nécessaires en ce sens, la Commission indique, dans sa proposition de mesures utiles, qu’une autorité indépendante devra périodiquement vérifier le respect par les chaînes du service public de leurs obligations d’exercer leurs activités commerciales conformément aux pratiques du marché et, notamment, de ne pas pratiquer de dumping sur le prix de vente des espaces publicitaires (paragraphe 64, deuxième et troisième tirets, in fine, de la décision attaquée).

205

Quant aux engagements proposés par les autorités françaises et décrits par la Commission aux paragraphes 67, 69 et 71 de la décision attaquée, ils visent à répondre aux préoccupations et aux propositions de mesures utiles de cette institution.

206

Le premier engagement vise à répondre à la préoccupation (voir paragraphe 61 de la décision attaquée) et à la proposition (voir paragraphe 64, premier tiret, de la décision attaquée) relatives à la surcompensation des coûts nets du service public. Ainsi, les autorités françaises «se sont engagées à veiller à ce que, dans le cadre de l’élaboration de la loi de finances, le montant des moyens financiers qu’il est proposé […] d’allouer au groupe France Télévisions ne couvre que le coût d’exécution des obligations de service public» (paragraphe 67 de la décision attaquée). Les autorités françaises «ont également indiqué que ‘les bénéfices éventuellement constatés en fin d’exercice sont […] intégralement réinvestis dans [les] activités [des chaînes publiques], plus précisément aux fins de renouvellement ou de modernisation de leur appareil de production’ » et que cet éventuel bénéfice serait pris en compte dans l’élaboration du budget de l’exercice suivant (paragraphe 67 de la décision attaquée). Toujours au même paragraphe, les autorités françaises se sont engagées à inscrire dans la réglementation française le principe de l’absence de surcompensation des coûts du service public.

207

Le second engagement vise à répondre aux préoccupations (voir paragraphes 62 et 63 de la décision attaquée) et aux propositions (voir paragraphe 64, deuxième et troisième tirets, de la décision attaquée) relatives au comportement commercial des chaînes publiques et vise à modifier, à cette fin, le libellé de la législation française (paragraphe 69 de la décision attaquée).

208

La République française a, en outre, en réponse à la proposition de mesures utiles de la Commission relative à un contrôle périodique, pris l’engagement de faire contrôler annuellement, par un organisme d’audit indépendant dont le rapport est transmis au Parlement, le respect par les chaînes publiques de leur obligation d’exercer leurs activités commerciales aux conditions du marché (voir paragraphe 69, dernière phrase, de la décision attaquée).

209

Au vu de ce qui précède, il y a donc une parfaite correspondance entre les préoccupations de la Commission exprimées aux paragraphes 61 à 63 de la décision attaquée et ses propositions de mesures utiles, ainsi qu’entre ces propositions et les engagements de la République française.

210

Quant au grief de la requérante fondé sur le paragraphe 24 de la décision attaquée et présenté, pour la première fois, au stade de la réplique, sans pour autant qu’il résulte d’éléments de droit ou de fait révélés pendant la procédure ni qu’il constitue l’ampliation d’un moyen exposé dans la requête, il convient de le rejeter comme irrecevable en application de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure. En tout état de cause, ce grief est non fondé, dans la mesure où il s’appuie sur un paragraphe de la décision attaquée qui concerne uniquement la qualification du régime de la redevance comme aide d’État.

211

Partant, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation, que ce soit lors de la formulation par elle des propositions de mesures utiles ou lors de son acceptation des engagements de la République française.

212

Il convient, dans ces conditions, de rejeter le présent moyen.

213

La requérante ayant succombé en l’ensemble de ses moyens, il convient de rejeter le présent recours comme non fondé.

Sur les dépens

214

Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens de la Commission et de France Télévisions, conformément aux conclusions de ces dernières.

215

Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du même règlement, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. La République française supportera donc ses propres dépens.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête:

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

Télévision française 1 SA (TF1) est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission et par France Télévisions SA.

 

3)

La République française supportera ses propres dépens.

 

Vilaras

Prek

Ciucă

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 mars 2009.

Signatures

Table des matières

 

Cadre juridique

 

Faits à l’origine du litige

 

Procédure et conclusions des parties

 

Sur la recevabilité

 

Sur le respect du délai de recours

 

Arguments des parties

 

Appréciation du Tribunal

 

Sur la nature de la décision attaquée

 

Arguments des parties

 

Appréciation du Tribunal

 

Sur l’intérêt à agir de la requérante

 

Arguments des parties

 

Appréciation du Tribunal

 

Sur le fond

 

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense

 

Arguments des parties

 

Appréciation du Tribunal

 

Sur le quatrième moyen, tiré d’un détournement de procédure

 

Arguments des parties

 

Appréciation du Tribunal

 

Sur le cinquième moyen, tiré d’une interprétation erronée de l’arrêt Altmark

 

Arguments des parties

 

Appréciation du Tribunal

 

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

 

Arguments des parties

 

Appréciation du Tribunal

 

Sur le troisième moyen, tiré de la portée insuffisante des engagements de la République française

 

Arguments des parties

 

Appréciation du Tribunal

 

Sur les dépens


( *1 ) Langue de procédure: le français.