Affaire T-198/03

Bank Austria Creditanstalt AG

contre

Commission des Communautés européennes

« Concurrence — Procédure administrative — Publication d'une décision constatant une infraction à l'article 81 CE et infligeant des amendes — Fixation par des banques autrichiennes des taux créditeurs et débiteurs ('club Lombard') — Rejet de la demande d'omettre certains passages »

Arrêt du Tribunal (deuxième chambre) du 30 mai 2006 

Sommaire de l'arrêt

1.     Recours en annulation — Actes susceptibles de recours — Notion — Actes produisant des effets juridiques obligatoires

(Art. 230, al. 4, CE; règlement du Conseil nº 17; décision de la Commission 2001/462, art. 9, al. 3)

2.     Concurrence — Procédure administrative — Informations recueillies par la Commission en application du règlement nº 17 — Secret professionnel

(Art. 287 CE; règlement du Conseil nº 17, art. 19, § 2, et 20, § 2)

3.     Recours en annulation — Intérêt à agir

(Art. 230, al. 4, CE et 287 CE; règlement du Conseil nº 17, art. 20)

4.     Concurrence — Règles communautaires — Infractions — Décision constatant une infraction ou infligeant une amende

(Art. 81, § 1, CE, 82 CE et 83, § 2, a), CE; règlement du Conseil nº 17, art. 3, 15, § 2, et 21, § 1)

5.     Droit communautaire — Principes généraux du droit — Légalité

6.     Actes des institutions — Publicité

(Art. 254 CE et 255 CE; art. 1er UE; règlement du Conseil nº 17, art. 21, § 1)

7.     Concurrence — Procédure administrative — Détermination des informations couvertes par le secret professionnel

(Art. 287 CE; règlements du Parlement européen et du Conseil nºs 45/2001 et 1049/2001; règlement du Conseil nº 17, art. 20, § 2, et 21, § 2)

8.     Concurrence — Règles communautaires — Infractions — Décision constatant une infraction ou infligeant une amende

(Règlements du Parlement européen et du Conseil nº 45/2001 et nº 1049/2001, art. 4; règlement du Conseil nº 17, art. 20)

9.     Concurrence — Règles communautaires — Infractions — Décision constatant une infraction ou infligeant une amende

(Règlement du Conseil nº 17, art. 2, 3, 6, 7, 8 et 21, § 1 et 2)

10.   Concurrence — Amendes — Décision infligeant des amendes

(Règlement du Conseil nº 17)

11.   Recours en annulation — Moyens

(Art. 230, al. 4, CE; règlement du Parlement européen et du Conseil nº 45/2001)

12.   Actes des institutions — Actes de la Commission — Pouvoir d'appréciation de la Commission quant à la publicité à leur donner

1.     Constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation, au sens de l'article 230 CE, les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci.

À cet égard, l'article 9 de la décision 2001/462, relative au mandat des conseillers-auditeurs dans certaines procédures de concurrence, vise à mettre en oeuvre, sur le plan procédural, la protection prévue par le droit communautaire des informations dont la Commission a eu connaissance dans le cadre des procédures d'application des règles de concurrence. Ses deux premiers alinéas, qui se réfèrent à la protection des secrets d'affaires, visent plus particulièrement la divulgation d'informations à des personnes, des entreprises ou des associations d'entreprises aux fins de l'exercice de leur droit d'être entendues dans le cadre d'une procédure d'application des règles de concurrence. S'agissant, en revanche, de la divulgation d'informations au public en général, par le biais de leur publication au Journal officiel des Communautés européennes, ces dispositions ne s'appliquent que mutatis mutandis, conformément à l'article 9, troisième alinéa, de la décision 2001/462. Cela implique notamment que, lorsque le conseiller-auditeur prend une décision au titre de cette disposition, il est tenu de veiller au respect du secret professionnel s'agissant d'informations ne nécessitant pas une protection aussi spéciale que celle accordée aux secrets d'affaires, et notamment des informations qui peuvent être communiquées à des tiers ayant un droit d'être entendus à leur sujet, mais dont le caractère confidentiel s'oppose à une divulgation au public.

De plus, conformément à cette décision, le conseiller-auditeur est également tenu de veiller au respect des dispositions du règlement nº 45/2001, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données, lorsqu'il prend une décision autorisant, au titre de l'article 9 précité, la divulgation d'informations.

Il s'ensuit que, lorsque le conseiller-auditeur prend une décision au titre de l'article 9, troisième alinéa, de la décision 2001/462, il ne doit pas se borner à examiner si la version d'une décision prise au titre du règlement nº 17 et destinée à être publiée contient des secrets d'affaires ou d'autres informations jouissant d'une protection similaire. Il doit également vérifier si cette version contient d'autres informations qui ne peuvent être divulguées au public soit en raison de règles de droit communautaire les protégeant spécifiquement, soit du fait qu'elles relèvent de celles qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel. Dès lors, la décision du conseiller-auditeur produit des effets juridiques dans la mesure où elle se prononce sur le point de savoir si le texte à publier contient de telles informations.

(cf. points 26, 28, 31-34)

2.     L'article 20, paragraphe 2, du règlement nº 17 précise que jouissent notamment de la protection accordée par le droit communautaire aux informations dont la Commission a eu connaissance dans le cadre des procédures d'application des règles de concurrence les informations recueillies en application du règlement nº 17 et qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel, lequel couvre un domaine allant au-delà des secrets d'affaires des entreprises.

À cet égard, une distinction doit être opérée entre la protection qu'il est nécessaire d'accorder à des informations couvertes par le secret professionnel par rapport à des personnes, des entreprises ou des associations d'entreprises bénéficiant d'un droit d'être entendues dans le cadre d'une procédure d'application des règles de concurrence et la protection qu'il convient d'accorder à de telles informations par rapport au public en général.

En effet, l'obligation des fonctionnaires et agents des institutions de ne pas divulguer les informations en leur possession qui sont couvertes par le secret professionnel, énoncée à l'article 287 CE et mise en oeuvre, dans le domaine des règles de concurrence applicables aux entreprises, par l'article 20, paragraphe 2, du règlement nº 17, est atténuée à l'égard des personnes auxquelles l'article 19, paragraphe 2, dudit règlement donne le droit d'être entendues. La Commission peut communiquer à de telles personnes certaines informations couvertes par le secret professionnel, pour autant que cette communication soit nécessaire au bon déroulement de l'instruction. Toutefois, cette faculté ne vaut pas pour les secrets d'affaires, auxquels une protection toute spéciale est assurée. En revanche, des informations couvertes par le secret professionnel ne sauraient être divulguées au public en général, indépendamment du point de savoir s'il s'agit de secrets d'affaires ou d'autres informations confidentielles.

La nécessité d'un tel traitement différencié se justifie dès lors que la notion de secret d'affaires recouvre des informations dont non seulement la divulgation au public, mais également la simple transmission à un sujet de droit différent de celui qui a fourni l'information peut gravement léser les intérêts de celui-ci.

(cf. points 28-30)

3.     L'article 20 du règlement nº 17 et l'article 287 CE relatifs au secret professionnel ont pour objet, notamment, de protéger les personnes visées par une procédure d'application des règles de concurrence au titre du règlement nº 17 du préjudice susceptible de découler de la divulgation des informations que la Commission a obtenues dans le cadre de cette procédure. Partant, une entreprise visée par cette procédure a, en principe, un intérêt à agir à l'encontre de la décision du conseiller-auditeur de publier la version non confidentielle de la décision de la Commission lui infligeant une amende pour infraction aux règles de concurrence.

La publication de la communication des griefs par un tiers est sans incidence sur l'intérêt à agir de cette entreprise. En effet, à supposer même que les informations contenues dans ces documents soient identiques à celles figurant dans les parties litigieuses de la décision infligeant des amendes, la portée de cette dernière est tout à fait différente de celle d'une communication des griefs. Celle-ci vise à donner aux parties intéressées la possibilité de faire connaître leur point de vue sur des éléments retenus provisoirement par la Commission à leur charge. En revanche, la décision infligeant des amendes contient une description des faits que la Commission considère comme établis. Dès lors, la publication de la communication des griefs, pour préjudiciable qu'elle puisse être pour les parties intéressées, ne saurait priver les destinataires de la décision infligeant des amendes de l'intérêt à faire valoir que la version publiée de cette décision contient des informations protégées contre leur divulgation au public.

De même, l'intérêt du destinataire d'une décision à contester celle-ci ne saurait être nié au motif que celle-ci a déjà été exécutée, étant donné que l'annulation d'une telle décision est susceptible, par elle-même, d'avoir des conséquences juridiques, notamment en obligeant la Commission à prendre les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt du Tribunal et en évitant le renouvellement d'une telle pratique de la part de la Commission.

Enfin, le fait que des circonstances ayant amené un requérant à demander un sursis à l'exécution de la décision attaquée ne subsistent plus n'implique pas la disparition de l'intérêt à l'annulation de celle-ci.

(cf. points 42-45)

4.     L'obligation de la Commission de publier, conformément à l'article 21, paragraphe 1, du règlement nº 17, les décisions qu'elle prend en application de l'article 3 de ce règlement s'applique à toutes les décisions constatant une infraction ou infligeant une amende, sans qu'il soit nécessaire de savoir si elles contiennent également une injonction de mettre fin à l'infraction ou si une telle injonction est justifiée au regard des circonstances de l'espèce.

(cf. point 58)

5.     Le principe de légalité est reconnu, en droit communautaire, en ce sens qu'il exige qu'une sanction, même de caractère non pénal, ne peut être infligée que si elle repose sur une base légale claire et non ambiguë.

On ne saurait, toutefois, déduire du principe de légalité l'interdiction de publier les actes pris par les institutions lorsque cette publication n'est pas explicitement prévue par les traités ou par un autre acte de portée générale. En l'état actuel du droit communautaire, une telle interdiction serait incompatible avec l'article 1er UE, aux termes duquel, au sein de l'Union européenne, « les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d'ouverture ».

(cf. points 68-69)

6.     Le principe d'ouverture, consacré à l'article 1er UE selon lequel « les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d'ouverture », se reflète à l'article 255 CE, qui garantit, sous certaines conditions, un droit d'accès des citoyens aux documents des institutions. Il est en outre exprimé, notamment, par l'article 254 CE, qui subordonne l'entrée en vigueur de certains actes des institutions à leur publication, et par les nombreuses dispositions du droit communautaire qui, à l'instar de l'article 21, paragraphe 1, du règlement nº 17, obligent les institutions à rendre compte, au public, de leurs activités. Conformément à ce principe, et en l'absence de dispositions ordonnant ou interdisant explicitement une publication, la faculté des institutions de rendre publics les actes qu'elles adoptent est la règle, à laquelle il existe des exceptions dans la mesure où le droit communautaire, notamment par le biais des dispositions garantissant le respect du secret professionnel, s'oppose à une divulgation de ces actes ou de certaines informations qu'ils contiennent.

(cf. point 69)

7.     Ni l'article 287 CE ni le règlement nº 17 n'indiquent explicitement quelles informations, en dehors des secrets d'affaires, sont couvertes par le secret professionnel. À cet égard, on ne saurait déduire de l'article 20, paragraphe 2, du règlement nº 17 que tel serait le cas de toutes les informations recueillies en application dudit règlement, à l'exception de celles dont la publication est obligatoire en vertu de son article 21. En effet, à l'instar de l'article 287 CE, l'article 21, paragraphe 2, du règlement nº 17, qui met en oeuvre cette disposition du traité dans le domaine des règles de concurrence applicables aux entreprises, s'oppose uniquement à la divulgation des informations « qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel ».

Pour que des informations tombent, par leur nature, sous le coup du secret professionnel, il est nécessaire, tout d'abord, qu'elles ne soient connues que par un nombre restreint de personnes. Ensuite, il doit s'agir d'informations dont la divulgation est susceptible de causer un préjudice sérieux à la personne qui les a fournies ou à des tiers. Enfin, il est nécessaire que les intérêts susceptibles d'être lésés par la divulgation de l'information soient objectivement dignes de protection. L'appréciation du caractère confidentiel d'une information nécessite ainsi une mise en balance entre les intérêts légitimes qui s'opposent à sa divulgation et l'intérêt général qui veut que les activités des institutions communautaires se déroulent dans le plus grand respect possible du principe d'ouverture.

Une mise en balance de l'intérêt général à la transparence de l'action communautaire et des intérêts susceptibles de s'y opposer a été effectuée par le législateur communautaire dans différents actes de droit dérivé, notamment par le règlement nº 45/2001, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données, et par le règlement nº 1049/2001, relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission. S'il est vrai que la notion de « secret professionnel » relève du droit primaire dans la mesure où elle figure à l'article 287 CE et que le droit dérivé ne peut en aucun cas modifier les dispositions du traité, l'interprétation du traité faite par le législateur communautaire à propos d'une question qui n'y est pas expressément réglée constitue néanmoins un indice important de la façon dont une disposition doit être comprise.

Il s'ensuit que, dans la mesure où de telles dispositions de droit dérivé interdisent la divulgation d'informations au public ou excluent l'accès du public à des documents les contenant, ces informations doivent être considérées comme couvertes par le secret professionnel. En revanche, dans la mesure où le public a un droit d'accès à des documents contenant certaines informations, ces informations ne sauraient être considérées comme étant couvertes, par leur nature, par le secret professionnel.

(cf. points 70-72, 74)

8.     S'agissant de la publication des décisions de la Commission prises en application du règlement nº 17, l'article 20 de ce règlement interdit, outre la divulgation de secrets d'affaires, notamment la publication d'informations qui relèvent des exceptions au droit d'accès aux documents prévues à l'article 4 du règlement nº 1049/2001, relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, ou qui sont protégées en vertu d'autres règles de droit dérivé, telles que le règlement nº 45/2001, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données. En revanche, il ne s'oppose pas à la publication d'informations dont le public a le droit de prendre connaissance par le biais du droit d'accès aux documents.

(cf. point 75)

9.     L'article 21, paragraphe 2, du règlement nº 17 doit être interprété en ce sens qu'il limite l'obligation imposée à la Commission, par le paragraphe premier, de publier ses décisions prises en application des articles 2, 3, 6, 7 et 8, à la mention des parties intéressées et de l'« essentiel » de ces décisions en vue de faciliter la tâche de la Commission d'informer le public de ces dernières, compte tenu notamment des contraintes linguistiques liées à une publication au Journal officiel des Communautés européennes. En revanche, cette disposition ne restreint pas la faculté de la Commission, si elle l'estime opportun et si ses ressources le permettent, de publier le texte intégral de ses décisions, sous réserve du respect du secret professionnel.

Si la Commission est donc soumise à une obligation générale de ne publier que des versions non confidentielles de ses décisions, il n'est pas nécessaire, pour garantir le respect de celle-ci, d'interpréter l'article 21, paragraphe 2, en ce sens qu'il accorderait un droit spécifique aux destinataires des décisions adoptées au titre des articles 2, 3, 6, 7 et 8 du règlement nº 17 leur permettant de s'opposer à la publication par la Commission au Journal officiel (et, le cas échéant, également sur le site Internet de cette institution) des informations qui, quoique non confidentielles, ne sont pas « essentielles » pour la compréhension du dispositif de ces décisions.

Par ailleurs, l'intérêt d'une entreprise membre d'une entente à ce que les détails de son comportement infractionnel ne soient pas divulgués au public ne mérite aucune protection particulière, compte tenu de l'intérêt du public de connaître le plus amplement possible les motifs de toute action de la Commission, de l'intérêt des opérateurs économiques de savoir quels sont les comportements susceptibles de les exposer à des sanctions et de l'intérêt des personnes lésées par l'infraction d'en connaître les détails afin de pouvoir faire valoir, le cas échéant, leurs droits à l'encontre des entreprises sanctionnées.

(cf. points 76-78, 88)

10.   L'inclusion, dans une décision infligeant des amendes, de constatations factuelles ayant trait à une entente ne saurait être subordonnée à la condition que la Commission soit compétente pour constater une infraction y relative ou à celle qu'elle ait effectivement constaté une telle infraction. En effet, il est légitime, pour la Commission, de décrire, dans une décision constatant une infraction et infligeant une sanction, le contexte factuel et historique dans lequel s'insère le comportement incriminé. Il en va de même de la publication de cette description, étant donné qu'elle peut être utile pour permettre au public intéressé de comprendre pleinement les motifs d'une telle décision. À cet égard, il appartient à la Commission de juger de l'opportunité de l'inclusion de pareils éléments.

(cf. point 89)

11.   Le règlement nº 45/2001, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données, vise à protéger les personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel. Une personne morale ne fait pas partie du cercle des personnes dont ce règlement est destiné à assurer la protection et ne saurait donc se prévaloir d'une prétendue violation des règles qu'il établit.

(cf. point 95)

12.   En dehors des obligations de publicité qui lui sont imposées notamment par le règlement nº 17, la Commission dispose d'une marge d'appréciation importante pour apprécier, cas par cas, la publicité qu'il convient de donner à ses actes. Elle n'est aucunement tenue de traiter des actes de même nature de manière identique à cet égard. En particulier, le principe d'égalité n'interdit pas à la Commission de diffuser des textes dont la publication au Journal officiel des Communautés européennes est envisagée, mais dont elle ne dispose pas encore dans l'ensemble des langues officielles, préalablement sur son site Internet dans les langues disponibles ou dans celle(s) la (les) mieux connue(s) par le public intéressé. À cet égard, le fait de disposer uniquement de certaines versions linguistiques constitue une différence suffisante pour justifier ce traitement divergent.

(cf. point 102)




ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

30 mai 2006 (*)

« Concurrence – Procédure administrative – Publication d’une décision constatant une infraction à l’article 81 CE et infligeant des amendes – Fixation par des banques autrichiennes des taux créditeurs et débiteurs (‘club Lombard’) – Rejet de la demande d’omettre certains passages »

Dans l’affaire T-198/03,

Bank Austria Creditanstalt AG, établie à Vienne (Autriche), représentée par Mes C. Zschocke et J. Beninca, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par M. S. Rating, puis par M. A. Bouquet, en qualité d’agents, assisté de Mes D. Waelbroeck et U. Zinsmeister, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision du conseiller‑auditeur de la Commission du 5 mai 2003 de publier la version non confidentielle de la décision de la Commission du 11 juin 2002 dans l’affaire COMP/36.571/D-l – Banques autrichiennes (« club Lombard »),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. Pirrung, président, N. J. Forwood et S. Papasavvas, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 29 novembre 2005,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1       L’article 3, paragraphe 1, du règlement nº 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204), dispose que, si la Commission constate une infraction aux dispositions de l’article 81 CE ou de l’article 82 CE, « elle peut obliger par voie de décision les entreprises et associations d’entreprises intéressées à mettre fin à l’infraction constatée ».

2       L’article 20 du règlement nº 17, concernant le secret professionnel, prévoit que les informations recueillies en application de diverses dispositions de ce règlement « ne peuvent être utilisées que dans le but pour lequel elles ont été demandées » (paragraphe 1), que la Commission ainsi que ses fonctionnaires et agents « sont tenus de ne pas divulguer les informations qu’ils ont recueillies en application du présent règlement et qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel » (paragraphe 2) et, enfin, que ces deux premières dispositions « ne s’opposent pas à la publication de renseignements généraux ou d’études ne comportant pas d’indications individuelles sur les entreprises ou associations d’entreprises » (paragraphe 3).

3       Selon l’article 21 du règlement nº 17, la Commission est tenue de publier « les décisions qu’elle prend en application des articles 2, 3, 6, 7 et 8 » (paragraphe 1). Son paragraphe 2 précise que ladite publication « mentionne les parties intéressées et l’essentiel de la décision » et qu’« elle doit tenir compte de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués ».

4       La décision 200l/462/CE, CECA de la Commission, du 23 mai 2001, relative au mandat des conseillers-auditeurs dans certaines procédures de concurrence (JO L 162, p. 21), dispose en son article 9 :

« Lorsqu’il est envisagé de divulguer une information susceptible de constituer un secret d’affaires d’une entreprise, l’entreprise concernée est informée par écrit des intentions et motifs de cette divulgation. Un délai est imparti à l’entreprise concernée pour lui permettre de présenter par écrit ses observations éventuelles.

Lorsque l’entreprise concernée s’oppose à la divulgation de l’information et que l’information est considérée comme non protégée et peut donc être divulguée, cette constatation est exposée dans une décision motivée, qui est notifiée à l’entreprise concernée. La décision précise le délai à l’expiration duquel l’information sera divulguée. Ce délai ne peut être inférieur à une semaine à compter de la date de la notification.

Les premier et deuxième alinéas s’appliquent mutatis mutandis à la divulgation d’informations du fait de leur publication au Journal officiel des Communautés européennes. »

 Faits à l’origine du litige

5       Par décision du 11 juin 2002, rendue dans le cadre de l’affaire COMP/36.571/D-1 – Banques autrichiennes (« club Lombard »), la Commission a constaté que la requérante avait participé, du 1er janvier 1995 au 24 juin 1998, à une entente avec plusieurs autres banques autrichiennes (article 1er) pour laquelle elle a décidé de lui imposer (article 3), comme pour les autres banques concernées par la procédure, une amende (ci-après la « décision infligeant des amendes »).

6       Par courrier du 12 août 2002, la Commission a transmis à la requérante un projet de version non confidentielle de la décision infligeant des amendes et lui a demandé l’autorisation de procéder à la publication de ladite version.

7       Le 3 septembre 2002, la requérante a, à l’instar de la plupart des autres banques concernées, formé un recours en annulation contre la décision infligeant des amendes, enregistré au greffe du Tribunal sous le numéro T‑260/02. Par ce recours, la requérante ne conteste pas les faits constatés par la Commission dans la décision en cause, mais uniquement le montant de l’amende qui lui a été imposée.

8       Par lettre du 10 septembre 2002, la requérante, faisant suite à la demande d’autorisation de publication du 12 août 2002, a demandé à la Commission de publier la décision infligeant des amendes en retirant l’exposé des faits relatifs à l’année 1994 contenu dans sa section 7 et en remplaçant les sections 8 à 12 de cette décision par un bloc de texte qu’elle a proposé.

9       Le 7 octobre 2002, les services concernés de la Commission ont organisé une réunion avec les avocats de tous les destinataires de la décision infligeant des amendes. Un accord concernant la version à publier au regard des griefs avancés par la requérante dans sa lettre du 10 septembre 2002 n’a pas pu être obtenu lors de cette réunion. Se référant à cette demande, le directeur compétent de la direction générale de la concurrence de la Commission a adressé, le 22 octobre 2002, une lettre à la requérante en lui rappelant le point de vue de la Commission concernant la publication de la décision infligeant des amendes et en lui communiquant une version non confidentielle révisée de cette décision.

10     La requérante s’est adressée, le 6 novembre 2002, au conseiller-auditeur en lui demandant de faire droit à sa demande du 10 septembre 2002.

11     Tout en estimant que ladite demande n’était pas fondée, le conseiller-auditeur a, par lettre du 20 février 2003, présenté à la requérante une nouvelle version non confidentielle de la décision infligeant des amendes.

12     Par courrier du 28 février 2003, la requérante a indiqué qu’elle maintenait son opposition à la publication de cette version non confidentielle.

13     Par courrier du 5 mai 2003, le conseiller-auditeur, tout en produisant une version non confidentielle révisée de la décision infligeant des amendes, a décidé de rejeter l’opposition de la requérante à la publication de cette décision (ci-après la « décision attaquée »). Conformément à l’article 9, troisième alinéa, de la décision 2001/462, le conseiller-auditeur a déclaré que cette version de la décision infligeant des amendes (ci-après la « version litigieuse ») ne contenait pas d’information bénéficiant de la garantie de traitement confidentiel prévue par le droit communautaire.

 Procédure et conclusions des parties

14     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 juin 2003, la requérante a introduit, en vertu de l’article 230, quatrième alinéa, CE, le présent recours.

15     Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit, à titre principal, une demande de sursis à l’exécution de la décision attaquée jusqu’au prononcé de la décision par le juge du fond et, à titre subsidiaire, une demande tendant à interdire à la Commission de publier la version litigieuse jusqu’à cette date. Cette demande a été rejetée par ordonnance du président du Tribunal du 7 novembre 2003, Bank Austria Creditanstalt/Commission (T‑198/03 R, Rec. p. II‑4879). La décision infligeant des amendes a été publiée au Journal officiel le 24 février 2004 (JO L 56, p. 1).

16     L’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission, par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 22 juillet 2003, a été jointe au fond par ordonnance de la deuxième chambre du Tribunal du 30 mars 2004.

17     La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision attaquée ;

–       condamner la Commission aux dépens.

18     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       condamner la requérante aux dépens.

 En droit

19     La requérante soulève six moyens à l’appui de son recours, tirés, respectivement, d’une violation de l’article 21, paragraphe 1, du règlement nº 17, d’une violation de l’article 21, paragraphe 2, dudit règlement, de l’illégalité de la publication des parties de la décision infligeant des amendes relatives à l’année 1994, d’une violation du règlement (CE) nº 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO 2001, L 8, p. 1), d’une violation du principe d’égalité de traitement et du règlement nº 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385), du fait de la publication anticipée sur Internet, en langue allemande, de la décision infligeant des amendes, et, enfin, d’une violation de l’obligation de motivation.

20     D’une part, la Commission considère que le recours est irrecevable. Elle fait valoir, en premier lieu, que la décision attaquée n’est pas susceptible de recours, dès lors qu’elle ne produit pas d’effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique et, en deuxième lieu, que la requérante n’a pas d’intérêt à agir. Elle considère, en troisième lieu, que les moyens soulevés par la requérante à l’appui de son recours sont tous irrecevables, ce qui entraîne l’irrecevabilité du recours dans son ensemble. D’autre part, la Commission est d’avis que les moyens soulevés par la requérante ne sont, en tout état de cause, pas fondés.

21     Dans ces conditions, il y a lieu d’examiner, dans un premier temps, les deux premières fins de non-recevoir soulevées par la Commission et, dans un deuxième temps, la recevabilité et le fond des moyens soulevés par la requérante.

 Sur les fins de non-recevoir soulevées par la Commission

 Sur l’existence d’un acte attaquable

–       Arguments des parties

22     La Commission déduit de l’article 9 de la décision 2001/462 (reproduit au point 4 ci-dessus) que la décision du conseiller-auditeur ne peut être considérée comme une mesure produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique que dans la mesure où cette décision autorise la publication de « secrets d’affaires » ou d’autres informations jouissant d’une protection similaire.

23     Elle considère que la décision portant sur l’étendue de la publication de la version non confidentielle d’un acte relève, en revanche, du pouvoir discrétionnaire de la Commission et ne saurait affecter la situation juridique des destinataires de la décision.

24     La Commission fait valoir que la requérante n’a mentionné, ni dans la demande adressée au conseiller-auditeur ni dans la requête, aucun secret d’affaires ni aucune information jouissant d’une protection similaire qui serait contenu dans la version litigieuse. Elle affirme que le conseiller-auditeur n’a, en adoptant la décision attaquée, nullement nié le caractère confidentiel d’une donnée quelle qu’elle soit, et que, par conséquent, cette décision ne peut constituer un acte faisant grief.

25     La requérante est d’avis que la décision attaquée produit des effets juridiques obligatoires vis-à-vis d’elle-même. Selon elle, la portée de la décision attaquée dépasse les constatations relatives à l’absence de secrets d’affaires dans la version litigieuse. Elle expose que la procédure prévue à l’article 9, premier et deuxième alinéas, de la décision 2001/462 garantit la protection des secrets d’affaires, alors que l’article 9, troisième alinéa, de cette décision régit, indépendamment de la question de l’existence de secrets d’affaires, la divulgation d’informations qui doivent être publiées au Journal officiel.

–       Appréciation du Tribunal

26     Selon une jurisprudence constante, constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 230 CE, les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci (arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9 ; arrêt du Tribunal du 18 décembre 1992, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑10/92 à T‑12/92 et T‑15/92, Rec. p. II‑2667, point 28 ; ordonnances du Tribunal du 9 juillet 2003, Commerzbank/Commission, T‑219/01, Rec. p. II‑2843, point 53, et Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 15 supra, point 31).

27     À cet égard, la thèse de la Commission, selon laquelle la décision attaquée, adoptée au titre de l’article 9, troisième alinéa, de la décision 2001/462, ne produit pas d’effets juridiques obligatoires, parce qu’elle ne se prononce pas sur l’existence de secrets d’affaires ou d’autres informations jouissant d’une protection similaire, ne saurait être retenue.

28     L’article 9 de la décision 2001/462 vise à mettre en œuvre, sur le plan procédural, la protection prévue par le droit communautaire des informations dont la Commission a eu connaissance dans le cadre des procédures d’application des règles de concurrence. À cet égard, l’article 20, paragraphe 2, du règlement nº 17 précise que jouissent d’une telle protection, notamment, des informations recueillies en application du règlement nº 17 et qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel.

29     Or, le domaine des informations couvertes par le secret professionnel s’étend au-delà des secrets d’affaires des entreprises (conclusions de l’avocat général M. Lenz sous l’arrêt de la Cour du 24 juin 1986, AKZO Chemie/Commission, 53/85, Rec. p. 1965, 1977). À cet égard, il convient de faire une distinction entre la protection qu’il est nécessaire d’accorder à des informations couvertes par le secret professionnel par rapport à des personnes, des entreprises ou des associations d’entreprises bénéficiant d’un droit d’être entendu dans le cadre d’une procédure d’application des règles de concurrence et la protection qu’il convient d’accorder à de telles informations par rapport au public en général. En effet, l’obligation des fonctionnaires et agents des institutions de ne pas divulguer les informations en leur possession qui sont couvertes par le secret professionnel, énoncée à l’article 287 CE et mise en œuvre, dans le domaine des règles de concurrence applicables aux entreprises, par l’article 20, paragraphe 2, du règlement nº 17, est atténuée à l’égard des personnes auxquelles l’article 19, paragraphe 2, dudit règlement donne le droit d’être entendu. La Commission peut communiquer à de telles personnes certaines informations couvertes par le secret professionnel, pour autant que cette communication soit nécessaire au bon déroulement de l’instruction. Toutefois, cette faculté ne vaut pas pour les secrets d’affaires, auxquels une protection toute spéciale est assurée (voir, en ce sens, arrêt AKZO Chemie/Commission, précité, points 26 à 28). En revanche, des informations couvertes par le secret professionnel ne sauraient être divulguées au public en général, indépendamment du point de savoir s’il s’agit de secrets d’affaires ou d’autres informations confidentielles.

30     La nécessité d’un tel traitement différencié a été rappelée par l’arrêt du Tribunal du 18 septembre 1996, Postbank/Commission (T‑353/94, Rec. p. II‑921, point 87), qui a précisé, quant à la notion de secret d’affaires, qu’il s’agit des informations dont non seulement la divulgation au public, mais également la simple transmission à un sujet de droit différent de celui qui a fourni l’information peut gravement léser les intérêts de celui-ci.

31     Ainsi, les deux premiers alinéas de l’article 9 de la décision 2001/462, qui se réfèrent à la protection des secrets d’affaires, visent plus particulièrement la divulgation d’informations à des personnes, des entreprises ou des associations d’entreprises aux fins de l’exercice de leur droit d’être entendu dans le cadre d’une procédure d’application des règles de concurrence. S’agissant, en revanche, de la divulgation d’informations au public en général, par le biais de leur publication au Journal officiel, ces dispositions ne s’appliquent que mutatis mutandis, conformément à l’article 9, troisième alinéa, de la décision 2001/462. Cela implique notamment que, lorsque le conseiller-auditeur prend une décision au titre de cette disposition, il est tenu de veiller au respect du secret professionnel s’agissant d’informations ne nécessitant pas une protection aussi spéciale que celle accordée aux secrets d’affaires, et notamment des informations qui peuvent être communiquées à des tiers ayant un droit d’être entendu à leur sujet, mais dont le caractère confidentiel s’oppose à une divulgation au public.

32     De plus, aux termes du considérant 9 de la décision 2001/462, « [l]ors de la divulgation d’informations concernant des personnes physiques, une attention particulière est accordée au règlement […] nº 45/2001 ».

33     Le conseiller-auditeur est donc également tenu de veiller au respect des dispositions de ce règlement lorsqu’il prend une décision autorisant, au titre de l’article 9 de la décision 2001/462, la divulgation d’informations.

34     Il s’ensuit que, lorsque le conseiller-auditeur prend une décision au titre de l’article 9, troisième alinéa, de la décision 2001/462, il ne doit pas se borner à examiner si la version d’une décision prise au titre du règlement nº 17 et destinée à être publiée contient des secrets d’affaires ou d’autres informations jouissant d’une protection similaire. Il doit également vérifier si cette version contient d’autres informations qui ne peuvent être divulguées au public soit en raison de règles de droit communautaire les protégeant spécifiquement, soit du fait qu’elles relèvent de celles qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel. Dès lors, la décision du conseiller-auditeur produit des effets juridiques dans la mesure où elle se prononce sur le point de savoir si le texte à publier contient de telles informations.

35     Cette interprétation de l’article 9, troisième alinéa, de la décision 2001/462 est compatible avec l’article 21, paragraphe 2, du règlement nº 17, aux termes duquel « la publication […] doit tenir compte de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués ». En effet, cette disposition, qui met en exergue la protection particulière qu’il est nécessaire de réserver aux secrets d’affaires, ne saurait être interprétée en ce sens qu’elle limite la protection accordée par d’autres règles du droit communautaire, telles que l’article 287 CE, l’article 20, paragraphe 2, du règlement nº 17 et le règlement nº 45/2001, aux autres informations couvertes par le secret professionnel.

36     Il résulte de ce qui précède que la décision attaquée produit des effets juridiques obligatoires à l’égard de la requérante en ce qu’elle constate que la version litigieuse ne contient pas d’informations protégées contre une divulgation au public. Partant, la fin de non-recevoir tirée par la Commission de l’absence d’acte attaquable doit être rejetée.

 Sur l’intérêt à agir de la requérante

–       Arguments des parties

37     La Commission est d’avis que la requérante n’a pas d’intérêt à voir annuler la décision attaquée.

38     En premier lieu, elle s’appuie sur les raisons pour lesquelles elle considère que la décision du conseiller-auditeur n’est pas un acte attaquable.

39     En deuxième lieu, elle expose que la décision infligeant des amendes ne contient aucune information inconnue du public, du fait que les versions non confidentielles de la communication des griefs du 10 septembre 1999 et de la communication des griefs complémentaire du 21 novembre 2000 dans la même affaire avaient été rendues publiques par un tiers. La Commission souligne que, contrairement à d’autres destinataires de la décision infligeant des amendes, la requérante n’a formé aucun recours devant le Tribunal à l’encontre de la transmission de ces versions audit tiers.

40     En troisième lieu, la Commission est d’avis que la requérante a perdu tout intérêt à l’annulation de la décision attaquée du fait de la publication, au Journal officiel, de la version litigieuse. Elle affirme que, selon les arguments avancés par la requérante à l’appui de sa demande de sursis à l’exécution de la décision attaquée, le but du présent recours était de retarder aussi longtemps que possible la publication de la décision infligeant des amendes à une époque où son directeur général était menacé par les conséquences pénales de la participation de la requérante à l’entente dite « club Lombard ». Les poursuites pénales engagées contre les membres des directoires des participants à cette entente ayant été abandonnées entre-temps, la requérante a perdu, selon la Commission, toute raison de contester la publication de la version litigieuse.

41     La requérante conteste ces arguments en faisant valoir, en premier lieu, que la décision attaquée enfreint à plusieurs égards des dispositions visant à protéger ses intérêts individuels. Elle expose notamment que la version litigieuse se fonde sur des informations que la Commission a obtenues en application du règlement nº 17 et qui sont couvertes par le secret professionnel en vertu de l’article 20 de ce même règlement et de l’article 287 CE.

–       Appréciation du Tribunal

42     Les dispositions relatives au secret professionnel invoquées par la requérante ont pour objet, notamment, de protéger les personnes visées par une procédure d’application des règles de concurrence au titre du règlement nº 17 du préjudice susceptible de découler de la divulgation des informations que la Commission a obtenues dans le cadre de cette procédure. Partant, il ne saurait être nié que la requérante a, en principe, un intérêt à agir à l’encontre de la décision attaquée.

43     Il convient de relever ensuite que la publication des communications des griefs, visées au point 39 ci-dessus, par un tiers est sans incidence sur l’intérêt à agir de la requérante. En effet, à supposer même que les informations contenues dans ces documents soient identiques à celles figurant dans les parties litigieuses de la décision infligeant des amendes, la portée de cette dernière est tout à fait différente de celle d’une communication des griefs. Celle-ci vise à donner aux parties intéressées la possibilité de faire connaître leur point de vue sur des éléments retenus provisoirement par la Commission à leur charge. En revanche, la décision infligeant des amendes contient une description des faits que la Commission considère comme établis. Dès lors, la publication de la communication des griefs et de son complément, pour préjudiciable qu’elle puisse être pour les parties intéressées, ne saurait priver les destinataires de la décision infligeant des amendes de l’intérêt à faire valoir que la version publiée de cette décision contient des informations protégées contre leur divulgation au public.

44     Quant à la publication de la décision infligeant des amendes intervenue postérieurement à l’introduction du recours, il convient de rappeler que l’intérêt du destinataire d’une décision à contester celle-ci ne saurait être nié au motif que celle-ci a déjà été exécutée, étant donné que l’annulation d’une telle décision est susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques, notamment en obligeant la Commission à prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du Tribunal et en évitant le renouvellement d’une telle pratique de la part de la Commission (arrêts de la Cour AKZO Chemie/Commission, point 29 supra, point 21, et du 26 avril 1988, Apesco/Commission, 207/86, Rec. p. 2151, point 16 ; arrêt du Tribunal du 9 novembre 1994, Scottish Football/Commission, T‑46/92, Rec. p. II‑1039, point 14 ; ordonnance du Tribunal du 1er février 1999, BEUC/Commission, T‑256/97, Rec. p. II‑169, point 18).

45     Enfin, l’argumentation de la Commission selon laquelle la requérante, en introduisant le présent recours en annulation, a eu pour seul but de retarder la publication de la décision infligeant des amendes afin d’éviter que les informations que contenait cette décision puissent être utilisées dans le cadre des poursuites pénales visant son directeur général, de sorte qu’elle aurait perdu tout intérêt à agir après l’abandon desdites procédures par les autorités judiciaires autrichiennes, n’est pas corroborée par les éléments du dossier. À cet égard, il résulte notamment de l’ordonnance Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 15 supra (points 44 à 47), que la référence auxdites procédures pénales ne constitue que l’un des éléments invoqués par la requérante pour démontrer que la condition relative à l’urgence du sursis à l’exécution de la décision attaquée était remplie. Or, d’une part, la requérante a allégué, dans sa demande de référé, que la décision attaquée lui causerait des préjudices à d’autres égards également. D’autre part, le fait que des circonstances ayant amené un requérant à demander un sursis à l’exécution de la décision attaquée ne subsistent plus n’implique pas la disparition de l’intérêt à l’annulation de celle-ci.

46     Partant, la fin de non-recevoir tirée par la Commission de l’absence d’intérêt à agir doit également être rejetée.

 Sur les moyens avancés par la requérante

47     Il convient d’examiner, d’abord, les deux premiers moyens de la requérante, tirés d’une violation de l’article 21, paragraphes 1 et 2, du règlement nº 17, ensuite, les troisième et sixième moyens, tirés de l’illégalité de la publication de la description des faits concernant l’année 1994, puis le quatrième moyen, tiré d’une violation du règlement nº 45/2001, et, enfin, le cinquième moyen, tiré de l’illégalité de la publication anticipée, sur Internet, du texte allemand de la décision infligeant des amendes.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 21, paragraphe 1, du règlement nº 17

–       Arguments des parties

48     La requérante fait valoir que la décision infligeant des amendes ne fait pas partie des décisions dont la publication est obligatoire au titre de l’article 21, paragraphe 1, du règlement nº 17. Elle affirme que, aux termes de cette disposition, seules les décisions prises en application des articles 2, 3, 6, 7, et 8 de ce règlement doivent être publiées, et que l’article 20 du règlement nº 17, relatif à la protection du secret professionnel, interdit la publication de toute autre décision prise sur la base de ce règlement. Selon elle, les dispositions du règlement nº 17 visant la protection du secret des affaires par la Commission (article 20, paragraphe 2, du règlement nº 17) constituent la règle et celles relatives à la publication de décisions (article 21 du règlement nº 17) l’exception.

49     La requérante souligne que l’article 3 du règlement nº 17 concerne les décisions par lesquelles la Commission oblige les entreprises intéressées à mettre fin à l’infraction constatée. Elle fait valoir que la décision infligeant des amendes ne saurait être assimilée à de telles décisions, dès lors que l’infraction avait pris fin bien avant son adoption. L’injonction de mettre fin à l’infraction figurant à l’article 2 du dispositif de la décision infligeant des amendes est donc, selon la requérante, sans objet, voire inexistante. Cette dernière en déduit que la publication de la décision infligeant des amendes est interdite, dans son intégralité, par l’article 20 du règlement nº 17.

50     La Commission conteste la recevabilité du présent moyen en faisant valoir, en premier lieu, que la publication de la décision infligeant des amendes ne résulte pas de la décision attaquée, mais de l’article 21, paragraphe 1, du règlement nº 17. En deuxième lieu, la Commission fait observer que la requérante ne peut plus faire valoir, par le présent recours, que l’injonction de mettre fin à l’infraction que contient l’article 2 de la décision infligeant des amendes est illégale, dans la mesure où ce grief, qui ne vise pas la décision attaquée, mais la décision infligeant des amendes, a été soulevé de manière tardive. En troisième lieu, la Commission affirme que l’exposé du présent moyen figurant dans la requête ne remplit pas les exigences de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal.

51     La Commission fait valoir que, en tout état de cause, l’exposé de la requérante n’est pas fondé en droit dans la mesure où, d’une part, celle-ci affirme qu’une injonction valable de mettre fin à l’infraction est la condition sine qua non de la publication de la décision infligeant des amendes sans contester que celle-ci contient une telle injonction et, d’autre part, elle affirme que l’article 21 du règlement nº 17 prévoit une dérogation au principe de la protection du secret professionnel sans prétendre que la protection du secret professionnel a été violée.

–       Appréciation du Tribunal

52     S’agissant de la recevabilité du moyen, il résulte, en premier lieu, des développements figurant aux points 27 à 36 ci-dessus, que les arguments de la Commission selon lesquels la publication de la version litigieuse ne résulte pas de la décision attaquée et que la requérante n’a aucun intérêt à contester le contenu de cette version ne sont pas fondés. En effet, en soulevant ces arguments, la Commission méconnaît le raisonnement de la requérante qui vise précisément à faire valoir que la version litigieuse contient des informations qui, étant couvertes par le secret professionnel au titre de l’article 20, paragraphe 2, du règlement nº 17, ne peuvent être publiées. Or, la publication des passages en cause, à la divulgation desquels la requérante s’était opposée au motif qu’ils contiendraient des informations couvertes par le secret professionnel, résulte de l’adoption de la décision attaquée.

53     En deuxième lieu, en affirmant qu’une décision contenant une injonction de mettre fin à l’infraction, alors que celle-ci a déjà pris fin, ne relève pas de celles dont la publication est obligatoire au titre de l’article 21 du règlement nº 17, la requérante ne conteste pas uniquement la légalité de l’injonction figurant à l’article 2 de la décision infligeant des amendes, mais également l’interprétation de l’article 21 du règlement nº 17 sur laquelle repose la décision attaquée. Compris en ce sens, son grief ne saurait être écarté pour avoir été soulevé de manière tardive. Par ailleurs, il ne serait pas souhaitable, pour des raisons d’économie de la procédure, de subordonner la recevabilité du présent moyen à la condition préalable que le destinataire de la décision infligeant des amendes souhaitant contester la publication de celle-ci ait formé un recours contre l’injonction qu’elle contient.

54     En troisième lieu, l’exposé du premier moyen dans la requête est suffisamment clair et cohérent, dès lors qu’il a permis à la Commission de préparer une argumentation circonstanciée pour se défendre et que le Tribunal estime pouvoir se prononcer sur ces moyens. Partant, l’exposé de ce moyen satisfait aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure.

55     Le premier moyen soulevé par la requérante est donc recevable.

56     S’agissant du bien-fondé de ce moyen, l’interprétation de l’article 21, paragraphe 1, du règlement nº 17 préconisée par la requérante, selon laquelle celui-ci n’envisage que la publication de décisions contenant une injonction de mettre fin à l’infraction, ne saurait cependant être retenue. En effet, le règlement nº 17 a pour objet, comme il résulte de ses considérants ainsi que de l’article 83, paragraphe 2, sous a), CE, d’assurer le respect des règles de concurrence par les entreprises et d’habiliter, à cet effet, la Commission à obliger les entreprises à mettre fin à l’infraction constatée ainsi qu’à infliger des amendes et des astreintes en cas d’infraction. Le pouvoir de prendre des décisions à cet effet implique nécessairement celui de constater l’infraction dont il s’agit (arrêt de la Cour du 2 mars 1983, GVL/Commission, 7/82, Rec. p. 483, point 23). La Commission peut donc adopter, au titre de l’article 3 du règlement nº 17, une décision se bornant à constater une infraction qui a déjà pris fin, pourvu qu’elle ait un intérêt légitime à le faire (arrêt GVL/Commission, précité, points 24 à 28). De même, en vertu d’une jurisprudence constante, elle peut infliger des amendes en raison d’un comportement infractionnel ayant déjà cessé (arrêt de la Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661, point 175, et arrêt du Tribunal du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission, T‑22/02 et T‑23/02, non encore publié au Recueil, points 37, 38 et 131). Or, une décision infligeant des amendes prise au titre de l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 implique nécessairement une constatation de l’infraction au titre de l’article 3 du même règlement (voir, en ce sens, arrêt GVL/Commission, précité, point 23, et arrêt Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission, précité, point 36).

57     Il y a lieu d’ajouter que la mission de surveillance que confèrent à la Commission l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 82 CE ne comprend pas seulement la tâche d’instruire et de réprimer des infractions individuelles, mais comporte également le devoir de poursuivre une politique générale visant à appliquer en matière de concurrence les principes fixés par le traité et à orienter en ce sens le comportement des entreprises (arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, non encore publié au Recueil, point 170). Or, il est indispensable pour l’accomplissement de cette mission que les opérateurs économiques soient informés, par la publication des décisions constatant des infractions et infligeant des amendes, des comportements ayant donné lieu à des interventions répressives de la Commission.

58     Il s’ensuit que l’obligation de la Commission de publier, conformément à l’article 21, paragraphe 1, du règlement nº 17, les décisions qu’elle prend en application de l’article 3 de ce règlement s’applique à toutes les décisions constatant une infraction ou infligeant une amende, sans qu’il soit nécessaire de savoir si elles contiennent également une injonction de mettre fin à l’infraction ou si une telle injonction est justifiée au regard des circonstances de l’espèce.

59     Il s’ensuit que le premier moyen n’est pas fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 21, paragraphe 2, du règlement nº 17

–       Arguments des parties

60     La requérante invoque le principe de légalité de l’action administrative, dont il découle, selon elle, que la Commission ne peut prendre des décisions individuelles qu’en vertu et en conformité d’une norme qui constitue la base juridique de son action. Elle affirme que, selon l’article 21 du règlement nº 17, qui est la base juridique justifiant la publication des décisions d’application des règles de concurrence, seul l’« essentiel de la décision » peut être publié. Elle déduit du rapport entre l’article 20 du règlement nº 17, qui constitue la règle, et l’article 21 du même règlement, qui est l’exception (voir point 48 ci-dessus), que la protection du secret professionnel couvre l’ensemble de la décision infligeant des amendes et que cette dernière ne doit pas être publiée. Elle est donc d’avis que l’article 21 du règlement nº 17 ne peut justifier la publication du texte intégral de la décision infligeant des amendes.

61     Elle relève, à cet égard, que, en l’espèce, la version litigieuse ne se distingue de l’original que par la suppression des noms des salariés des banques concernées et que cela ne constitue pas une reproduction de l’« essentiel » de la décision infligeant des amendes. Elle rappelle, en outre, qu’une grande partie des informations figurant dans la version litigieuse a été rendue accessible à la Commission du fait de la coopération volontaire de la requérante.

62     Elle reproche à la Commission d’avoir rejeté, de manière non motivée, la proposition de publication de l’« essentiel » de la décision infligeant des amendes qu’elle a présentée, et d’avoir assimilé, ce faisant, de manière juridiquement erronée la décision complète à son contenu essentiel.

63     La requérante s’oppose à l’argumentation selon laquelle la publication de la version litigieuse était nécessaire pour exposer, d’abord, la nature, l’ampleur, la portée et l’institutionnalisation de l’entente, ensuite, pour illustrer la gravité et la durée de cette dernière ainsi que la prétendue intention délictueuse des parties intéressées et, enfin, la prétendue capacité de l’entente à porter atteinte au commerce intracommunautaire. Elle conteste que la Commission soit en droit de poursuivre lesdits objectifs en publiant illégalement la décision infligeant des amendes, dès lors que l’article 21 du règlement nº 17 ne prévoit expressément que la publication de l’essentiel de cette décision. À titre subsidiaire, elle affirme que lesdits objectifs auraient pu également être atteints en exposant l’« essentiel » de ladite décision.

64     Selon la requérante, les articles 20 et 21 du règlement nº 17 privaient la Commission de tout pouvoir discrétionnaire quant à la faculté de publier une décision en texte intégral ou d’en reproduire l’essentiel. La requérante reconnaît que la Commission peut disposer d’une liberté d’appréciation pour déterminer ce qui constitue l’« essentiel » d’une décision, mais souligne qu’aucune décision sur ce point n’a été prise en l’espèce.

65     Enfin, la requérante affirme qu’une éventuelle pratique décisionnelle de la défenderesse consistant à publier intégralement les décisions infligeant des amendes est illégale et ne saurait justifier la décision attaquée.

66     La Commission considère le présent moyen comme irrecevable. Quant au fond, elle fait valoir que la thèse selon laquelle l’article 21, paragraphe 2, du règlement nº 17 interdit la publication de versions non confidentielles et intégrales de décisions, fondée exclusivement sur la conclusion a contrario non motivée selon laquelle toute publication à laquelle la Commission n’est pas expressément tenue serait illégale, est erronée. Selon elle, l’article 21, paragraphe 2, du règlement nº 17 ne constitue pas une disposition destinée à protéger les personnes concernées par une décision à publier, mais découle du principe de publicité des actes juridiques propre à un État de droit. Elle affirme, en outre, que la décision attaquée indique, de façon motivée, que la publication de la version litigieuse est « nécessaire » et légale, car ladite version ne contient ni secrets d’affaires ni d’éventuelles autres informations confidentielles dignes de protection.

–       Appréciation du Tribunal

67     Le présent moyen est basé sur la prémisse erronée selon laquelle toute publication d’une décision prise en application du règlement nº 17 qui n’est pas obligatoire en vertu de l’article 21 dudit règlement est illégale.

68     À cet égard, il convient de relever que le principe de légalité invoqué par la requérante à l’appui de sa thèse est reconnu, en droit communautaire, en ce sens qu’il exige qu’une sanction, même de caractère non pénal, ne peut être infligée que si elle repose sur une base légale claire et non ambiguë (arrêt de la Cour du 25 septembre 1984, Könecke, 117/83, Rec. p. 3291, point 11).

69     On ne saurait, toutefois, déduire du principe de légalité l’interdiction de publier les actes pris par les institutions lorsque cette publication n’est pas explicitement prévue par les traités ou par un autre acte de portée générale. En l’état actuel du droit communautaire, une telle interdiction serait incompatible avec l’article 1er UE, aux termes duquel, au sein de l’Union européenne, « les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture ». Ce principe se reflète à l’article 255 CE, qui garantit, sous certaines conditions, un droit d’accès des citoyens aux documents des institutions. Il est en outre exprimé, notamment, par l’article 254 CE, qui subordonne l’entrée en vigueur de certains actes des institutions à leur publication, et par les nombreuses dispositions du droit communautaire qui, à l’instar de l’article 21, paragraphe 1, du règlement nº 17, obligent les institutions à rendre compte, au public, de leurs activités. Conformément à ce principe, et en l’absence de dispositions ordonnant ou interdisant explicitement une publication, la faculté des institutions de rendre publics les actes qu’elles adoptent est la règle, à laquelle il existe des exceptions dans la mesure où le droit communautaire, notamment par le biais des dispositions garantissant le respect du secret professionnel, s’oppose à une divulgation de ces actes ou de certaines informations qu’ils contiennent.

70     Il y a lieu de préciser, dans ce contexte, que ni l’article 287 CE ni le règlement nº 17 n’indiquent explicitement quelles informations, en dehors des secrets d’affaires, sont couvertes par le secret professionnel. Contrairement à ce que soutient la requérante, on ne saurait déduire, de l’article 20, paragraphe 2, du règlement nº 17, que tel serait le cas de toutes les informations recueillies en application dudit règlement, à l’exception de celles dont la publication est obligatoire en vertu de son article 21. En effet, à l’instar de l’article 287 CE, l’article 20, paragraphe 2, du règlement nº 17, qui met en œuvre cette disposition du traité dans le domaine des règles de concurrence applicables aux entreprises, s’oppose uniquement à la divulgation des informations « qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel ».

71     Pour que des informations tombent, par leur nature, sous le coup du secret professionnel, il est nécessaire, tout d’abord, qu’elles ne soient connues que par un nombre restreint de personnes. Ensuite, il doit s’agir d’informations dont la divulgation est susceptible de causer un préjudice sérieux à la personne qui les a fournies ou à des tiers. Enfin, il est nécessaire que les intérêts susceptibles d’être lésés par la divulgation de l’information soient objectivement dignes de protection. L’appréciation du caractère confidentiel d’une information nécessite ainsi une mise en balance entre les intérêts légitimes qui s’opposent à sa divulgation et l’intérêt général qui veut que les activités des institutions communautaires se déroulent dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture.

72     Une mise en balance de l’intérêt général à la transparence de l’action communautaire et des intérêts susceptibles de s’y opposer a été effectuée par le législateur communautaire dans différents actes de droit dérivé, notamment par le règlement nº 45/2001 et par le règlement (CE) nº 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43). S’il est vrai que la notion de « secret professionnel » relève du droit primaire dans la mesure où elle figure à l’article 287 CE et que le droit dérivé ne peut en aucun cas modifier les dispositions du traité, l’interprétation du traité faite par le législateur communautaire à propos d’une question qui n’y est pas expressément réglée constitue néanmoins un indice important de la façon dont une disposition doit être comprise (conclusions du juge M. Kirschner faisant fonction d’avocat général sous l’arrêt du Tribunal du 10 juillet 1990, Tetra Pak/Commission, T‑51/89, Rec. p. II‑309, II‑312, point 34).

73     Il y a lieu d’ajouter que, si le considérant 9 de la décision 2001/462 se réfère au règlement nº 45/2001 (voir points 32 et 33 ci-dessus), le considérant 10 prévoit que « [l]a présente décision doit être sans préjudice des règles générales sur l’accès aux documents de la Commission ». En adoptant cette décision, la Commission n’entendait donc ni restreindre ni élargir les conditions dans lesquelles le public peut accéder aux documents ayant trait à l’application des règles de concurrence et aux informations qu’ils contiennent, par rapport à ce qui est prévu par ces règlements.

74     Il s’ensuit que, dans la mesure où de telles dispositions de droit dérivé interdisent la divulgation d’informations au public ou excluent l’accès du public à des documents les contenant, ces informations doivent être considérées comme couvertes par le secret professionnel. En revanche, dans la mesure où le public a un droit d’accès à des documents contenant certaines informations, ces informations ne sauraient être considérées comme étant couvertes, par leur nature, par le secret professionnel.

75     S’agissant de la publication des décisions de la Commission prises en application du règlement nº 17, il résulte de ce qui précède que l’article 20 du règlement nº 17 interdit, outre la divulgation de secrets d’affaires, notamment la publication d’informations qui relèvent des exceptions au droit d’accès aux documents prévues à l’article 4 du règlement nº 1049/2001 ou qui sont protégées en vertu d’autres règles de droit dérivé, telles que le règlement nº 45/2001. En revanche, il ne s’oppose pas à la publication d’informations dont le public a le droit de prendre connaissance par le biais du droit d’accès aux documents.

76     Il convient, ensuite, de rappeler que l’article 21, paragraphe 1, du règlement nº 17 impose à la Commission l’obligation de publier ses décisions prises en application des articles 2, 3, 6, 7 et 8 de ce règlement. Compte tenu des considérations qui précèdent, il y a lieu d’interpréter l’article 21, paragraphe 2, du règlement nº 17 en ce sens qu’il limite cette obligation à la mention des parties intéressées et de l’« essentiel » de ces décisions en vue de faciliter la tâche de la Commission d’informer le public de ces dernières, compte tenu notamment des contraintes linguistiques liées à une publication au Journal officiel. En revanche, cette disposition ne restreint pas la faculté de la Commission, si elle l’estime opportun et si ses ressources le permettent, de publier le texte intégral de ses décisions, sous réserve du respect du secret professionnel tel que défini ci-dessus.

77     Si la Commission est donc soumise à une obligation générale de ne publier que des versions non confidentielles de ses décisions, il n’est pas nécessaire, pour garantir le respect de celle-ci, d’interpréter l’article 21, paragraphe 2, en ce sens qu’il accorderait un droit spécifique aux destinataires des décisions adoptées au titre des articles 2, 3, 6, 7 et 8 du règlement nº 17 leur permettant de s’opposer à la publication par la Commission au Journal officiel (et, le cas échéant, également sur le site Internet de cette institution) des informations qui, quoique non confidentielles, ne sont pas « essentielles » pour la compréhension du dispositif de ces décisions.

78     Par ailleurs, l’intérêt d’une entreprise à laquelle la Commission a infligé une amende pour violation du droit de la concurrence à ce que les détails du comportement infractionnel qui lui est reproché ne soient pas divulgués au public ne mérite aucune protection particulière, compte tenu de l’intérêt du public de connaître le plus amplement possible les motifs de toute action de la Commission, de l’intérêt des opérateurs économiques de savoir quels sont les comportements susceptibles de les exposer à des sanctions et de l’intérêt des personnes lésées par l’infraction d’en connaître les détails afin de pouvoir faire valoir, le cas échéant, leurs droits à l’encontre des entreprises sanctionnées et vue la possibilité dont dispose cette entreprise de soumettre une telle décision à un contrôle juridictionnel.

79     Partant, l’article 21, paragraphe 2, du règlement nº 17 ne vise pas à restreindre la liberté de la Commission de publier volontairement une version de sa décision plus complète que le minimum nécessaire et d’y inclure également des informations dont la publication n’est pas requise, dans la mesure où la divulgation de celles-ci n’est pas incompatible avec la protection du secret professionnel.

80     Il s’ensuit que le présent moyen doit être rejeté sans que le Tribunal ait à se prononcer sur sa recevabilité.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’illégalité de la publication des parties de la décision infligeant des amendes relatives à l’année 1994, et sur le sixième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

–       Arguments des parties

81     Par son troisième moyen, la requérante soutient que la publication des parties de la décision infligeant des amendes qui se rapportent à l’année 1994 est illégale au motif, d’une part, que la Commission n’était pas compétente pour connaître de l’infraction commise en Autriche par la requérante en 1994, et, d’autre part, que le dispositif de la décision infligeant des amendes ne se prononce pas sur les pratiques constatées au cours de l’année 1994. Elle estime qu’elle a un intérêt à agir en ce qui concerne ce moyen, parce que ces éléments contiennent des informations qui la concernent et qui sont couvertes par le secret professionnel.

82     La requérante expose que, en 1994, ce n’était pas l’article 81 CE qui s’appliquait en Autriche, mais l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (ci-après l’« EEE »). Or, l’article 56 EEE attribuerait compétence à l’Autorité de surveillance AELE, et non à la Commission, pour contrôler le respect de l’article 53 EEE, lorsque les entreprises concernées réalisent plus de 33 % de leur chiffre d’affaires dans l’AELE, ce qui était le cas de la requérante. Elle en déduit que la Commission ne pouvait appliquer le règlement nº 17 à des infractions à l’article 53 EEE commises en 1994 puisque, d’une part, elle n’était pas compétente pour cette période et, d’autre part, les points de l’exposé des faits de la décision infligeant des amendes qui se rapportent à l’année 1994 ne sont pas pertinents au regard du dispositif de cette même décision.

83     La requérante précise que la Commission n’était pas en droit de publier les constatations de fait portant sur l’année 1994, car elle a obtenu les informations y relatives sur le fondement des articles 11 et 14 du règlement nº 17 et qu’elle était tenue, en vertu de l’article 287 CE et de l’article 20 du règlement nº 17, de préserver le secret professionnel. Elle expose que la version litigieuse comporte des informations confidentielles du fait qu’elle cite de nombreux documents internes de la requérante que la Commission a obtenus en application du règlement nº 17.

84     Par son sixième moyen, la requérante fait valoir que la décision attaquée enfreint l’article 253 CE, parce qu’elle n’indique pas les raisons justifiant la publication des passages de la décision infligeant des amendes qui portent sur l’année 1994. Elle souligne que, alors que sa demande d’occulter ces passages est citée à deux reprises dans la décision attaquée, cette dernière ne prend pas position sur cette demande particulière ni sur l’argumentation qui la soutient, et se borne à répondre à l’argument selon lequel seul l’« essentiel » de la décision infligeant des amendes peut être publié. La requérante souligne qu’il y a lieu de distinguer ce dernier argument de celui concernant les éléments relatifs à l’année 1994.

85     La Commission conteste la recevabilité du troisième moyen en faisant valoir, tout d’abord, que les griefs concernant l’inapplicabilité du règlement nº 17 et l’incompétence de la Commission, qui portent sur la légalité de la décision infligeant des amendes, ont été soulevés de manière tardive. Ensuite, s’agissant du grief concernant l’absence de pertinence des éléments concernant l’année 1994, elle estime que la requérante ne possède aucun intérêt à agir. La Commission est d’avis que la requérante n’a pas non plus d’intérêt à agir au regard du sixième moyen.

86     La Commission affirme que les deux moyens ne sont, en tout état de cause, pas fondés.

–       Appréciation du Tribunal

87     À l’instar du deuxième moyen, le troisième moyen repose sur la prémisse erronée selon laquelle seules les informations dont la publication est requise par l’article 21 du règlement nº 17 peuvent être publiées, alors que toutes les autres informations recueillies conformément au règlement nº 17 ne peuvent pas l’être.

88     La Commission est, au contraire, libre de publier le texte intégral de sa décision dans la mesure où celui-ci ne contient pas d’informations relevant de la protection du secret professionnel tel que défini ci-dessus dans le cadre de l’examen du deuxième moyen.

89     À cet égard, l’inclusion, dans une décision infligeant des amendes, de constatations factuelles ayant trait à une entente ne saurait être subordonnée à la condition que la Commission soit compétente pour constater une infraction y relative ou à celle qu’elle ait effectivement constaté une telle infraction. En effet, il est légitime, pour la Commission, de décrire, dans une décision constatant une infraction et infligeant une sanction, le contexte factuel et historique dans lequel s’insère le comportement incriminé. Il en va de même de la publication de cette description, étant donné qu’elle peut être utile pour permettre au public intéressé de comprendre pleinement les motifs d’une telle décision. À cet égard, il appartient à la Commission de juger de l’opportunité de l’inclusion de pareils éléments.

90     En l’espèce, il ne saurait, en tout état de cause, être nié que la description des antécédents historiques de l’entente, y compris celle des comportements ayant eu lieu en 1994, permet d’illustrer la nature et le fonctionnement de l’entente et contribue ainsi utilement à la compréhension de la décision infligeant des amendes.

91     S’agissant du sixième moyen, il résulte des considérations qui précèdent que la décision d’inclure les éléments concernant l’année 1994 dans la version litigieuse ne nécessitait aucune motivation particulière.

92     Il s’ensuit que les troisième et sixième moyens ne sont pas fondés. Ces moyens doivent donc être écartés sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur leur recevabilité.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du règlement nº 45/2001

–       Arguments des parties

93     La requérante fait valoir que, dans de nombreux passages, la version litigieuse permet d’identifier les personnes physiques qui ont participé, pour son compte, à des rencontres dont l’objet était de restreindre la concurrence. Selon elle, la publication de ces informations contrevient à des dispositions du règlement nº 45/2001. La requérante affirme qu’elle est en droit d’invoquer cette violation du règlement nº 45/2001 en son nom propre, dans la mesure où elle peut se voir opposer des demandes en réparation de la part des personnes concernées et qu’elle est tenue, par le droit du travail, de porter assistance aux membres de son personnel.

94     La Commission est d’avis que la requérante n’a pas d’intérêt à agir en ce qui concerne le présent moyen, faute de violation, même alléguée, de ses propres droits.

–       Appréciation du Tribunal

95     Le règlement nº 45/2001 vise à protéger les personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel. La requérante, qui est une personne morale, ne fait pas partie du cercle des personnes dont ce règlement est destiné à assurer la protection. Elle ne saurait donc se prévaloir d’une prétendue violation des règles qu’il établit (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 30 juin 1983, Schloh/Conseil, 85/82, Rec. p. 2105, point 14, et du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C‑69/89, Rec. p. I‑2069, points 49 et 50, ainsi que les conclusions de l’avocat général M. Van Gerven sous l’arrêt de la Cour du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., C‑137/92 P, Rec. p. I‑2555, I‑2559, points 55 et 56).

96     Les arguments tirés par la requérante de ses prétendues obligations envers ses dirigeants et employés en vertu du droit autrichien ne sont pas susceptibles d’infirmer cette conclusion, étant donné qu’il s’agit de simples affirmations non étayées. Ces arguments sont donc insuffisants pour démontrer l’existence d’un intérêt personnel de la requérante à invoquer la violation du règlement nº 45/2001.

97     Il s’ensuit que le présent moyen doit être écarté.

 Sur le cinquième moyen, tiré de l’illégalité de la publication préalable de la décision infligeant des amendes en allemand sur le site Internet de la Commission

–       Arguments des parties

98     La requérante expose que la Commission a annoncé, dans la décision attaquée, son intention de faire paraître sur Internet la version litigieuse en langue allemande. Selon elle, une telle publication anticipée dans une seule langue est contraire au principe d’égalité et viole le régime linguistique des Communautés. Elle est d’avis que cela lèse ses intérêts légitimes, puisque le fait de ne publier au préalable qu’en langue allemande la version litigieuse affecte plus tôt et plus sévèrement ses intérêts.

99     La Commission est d’avis que la requérante n’a pas suffisamment étayé ce moyen et qu’elle n’a pas exposé en quoi les violations du droit communautaire invoquées lui feraient grief.

–       Appréciation du Tribunal

100   Par le présent moyen, la requérante met en cause un aspect de la décision attaquée différent de la détermination du contenu de la version litigieuse, à savoir la diffusion de cette version, en langue allemande, sur Internet avant sa publication, dans toutes les langues officielles de l’Union, au Journal officiel.

101   La diffusion préalable de la décision infligeant des amendes en langue allemande sur le site Internet de la Commission n’est cependant pas susceptible de modifier la situation juridique de la requérante. Partant, l’aspect de la décision attaquée mis en cause par le présent moyen ne constitue pas un acte attaquable. Le recours est donc irrecevable en ce qui le concerne.

102   Par ailleurs et en tout état de cause, ce moyen n’est pas fondé. En dehors des obligations de publicité qui lui sont imposées notamment par le règlement nº 17, la Commission dispose d’une marge d’appréciation importante pour apprécier, cas par cas, la publicité qu’il convient de donner à ses actes. Elle n’est aucunement tenue de traiter des actes de même nature de manière identique à cet égard. En particulier, le principe d’égalité n’interdit pas à la Commission de diffuser des textes dont la publication au Journal officiel est envisagée, mais dont elle ne dispose pas encore dans l’ensemble des langues officielles, préalablement sur son site Internet dans les langues disponibles ou dans celle(s) la (les) mieux connue(s) par le public intéressé. À cet égard, le fait de disposer uniquement de certaines versions linguistiques constitue une différence suffisante pour justifier ce traitement divergent.

103   Quant à l’obligation de publier le Journal officiel dans l’ensemble des langues officielles, inscrite à l’article 5 du règlement nº 1, tel que modifié en dernier lieu par le règlement (CE) nº 920/2005 du Conseil, du 13 juin 2005 (JO L 156, p. 3), elle ne saurait être enfreinte par une diffusion qui n’a pas lieu par le biais du Journal officiel.

104   L’ensemble des moyens de la requérante devant être écartés, il y a lieu de rejeter le recours.

 Sur les dépens

105   Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la défenderesse.

Par ces motifs,


LE TRIBUNAL (deuxième chambre)


déclare et arrête :


1)      Le recours est rejeté.

2)      La partie requérante est condamnée aux dépens.

Pirrung

Forwood

Papasavvas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 mai 2006.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      J. Pirrung


* Langue de procédure : l’allemand.