Affaire T-264/03


Jürgen Schmoldt e.a.
contre
Commission des Communautés européennes


« Recours en annulation – Délai de recours – Personnes physiques ou morales – Actes les concernant individuellement – Décision – Normes d'isolation thermique – Irrecevabilité »

Ordonnance du Tribunal (troisième chambre) du 25 mai 2004
    

Sommaire de l'ordonnance

1.
Recours en annulation – Compétence du juge communautaire – Conclusions tendant à obtenir une injonction adressée à une institution – Irrecevabilité

(Art. 230 CE et 233 CE)

2.
Procédure – Requête introductive d’instance – Exigences de forme – Exposé sommaire des moyens invoqués

[Statut de la Cour de justice, art. 21, al. 1, et 53, al. 1 ; règlement de procédure du Tribunal, art. 44, § 1, c)]

3.
Recours en annulation – Délais – Point de départ – Date de prise de connaissance de l’acte – Caractère subsidiaire – Publication constituant une pratique constante de l’institution – Condition non indispensable pour considérer la date de publication comme point de départ

(Art. 230, al. 5, CE)

4.
Recours en annulation – Personnes physiques ou morales – Actes les concernant directement et individuellement – Décision relative à la publication de la référence de normes d’isolation thermique – Recours introduit par le président d’un comité – Irrecevabilité

(Art. 230, al. 4, CE ; directive du Conseil 89/106, art. 5, § 1 ; décision de la Commission 2003/312)

5.
Recours en annulation – Personnes physiques ou morales – Actes les concernant directement et individuellement – Décision relative à la publication de la référence de normes d’isolation thermique – Obligation de tenir compte de la situation particulière du requérant en vertu d’une disposition de droit supérieur – Absence – Irrecevabilité

(Art. 230, al. 4, CE ; directive du Conseil 89/106, art. 5, § 1)

6.
Recours en annulation – Personnes physiques ou morales – Actes les concernant directement et individuellement – Recours introduit par une association – Prétendu rôle de négociateur de l’association ou d’un de ses membres – Irrecevabilité

(Art. 230, al. 4, CE ; directive du Conseil 89/106, art. 5, § 1)

7.
Recours en annulation – Personnes physiques ou morales – Actes les concernant directement et individuellement – Illégalité manifeste de l’acte attaqué – Absence d’incidence sur l’appréciation de l’affectation individuelle – Irrecevabilité

(Art. 220 CE et 230, al. 2 et 4, CE)

8.
Recours en annulation – Personnes physiques ou morales – Actes les concernant directement et individuellement – Interprétation contra legem de la condition tenant à la nécessité d’être individuellement concernées – Inadmissibilité

(Art. 230, al. 4, CE)

1.
Il n’appartient pas au juge communautaire d’adresser des injonctions aux institutions dans le cadre du contrôle de légalité qu’il exerce. Aux termes de l’article 233 CE, il incombe à l’institution dont émane l’acte annulé de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt prononçant ladite annulation.

(cf. point 42)

2.
Une énonciation abstraite, selon laquelle la communication critiquée « ne comporte ni base juridique, ni motivation », n’explicite pas en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé et ne satisfait donc pas à l’exigence, prévue par l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour applicable à la procédure devant le Tribunal, en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, et par l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, selon laquelle la requête introductive d’instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués.

(cf. point 43)

3.
Il découle du libellé de l’article 230, cinquième alinéa, CE que le critère de la date de prise de connaissance de l’acte en tant que point de départ du délai de recours présente un caractère subsidiaire par rapport à ceux de la publication ou de la notification de l’acte.

S’il est vrai que la circonstance selon laquelle la publication de l’acte, même si elle n’est pas une condition de son applicabilité, relève d’une pratique constante de l’institution concernée a été prise en compte par la Cour et le Tribunal aux fins de conclure que c’est la date de la publication qui fait courir le délai de recours, il ne saurait toutefois en être déduit que l’existence d’une telle pratique constitue une condition indispensable pour que la publication d’un acte constitue le point de départ du délai de recours. Au contraire, la publication de l’acte attaqué est une condition suffisante, l’existence d’une pratique constante en la matière étant uniquement de nature à renforcer cette conclusion.

(cf. points 52, 58-59)

4.
Le fait que la décision 2003/312, relative à la publication de la référence des normes en matière de produits isolants thermiques, géotextiles, installations fixes de lutte contre l’incendie et carreaux de plâtre conformément à la directive 89/106, a, par sa nature et sa portée, un caractère général ne suffit pas en soi pour exclure la possibilité pour un particulier d’introduire un recours en annulation contre celle-ci. Or, un acte de portée générale ne peut concerner individuellement des personnes physiques ou morales que s’il les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’un acte le serait.

Cependant, le fait pour une personne d’intervenir, d’une manière ou d’une autre, dans le processus menant à l’adoption d’un acte communautaire n’est de nature à individualiser cette personne par rapport à l’acte en question que lorsque certaines garanties de procédure ont été prévues pour cette personne par la réglementation communautaire applicable. À cet égard, les garanties prévues par l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/106, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant les produits de construction, telle que modifiée, existent au bénéfice du Comité européen de normalisation et du comité permanent de la construction, et non au bénéfice de certains de leurs membres ou de leur président à titre personnel. Même à supposer que le requérant puisse invoquer, à titre personnel, de telles garanties procédurales, l’atteinte alléguée à la réputation dudit requérant qui aurait résulté de la violation de ces garanties ne saurait, en tant que telle, être de nature à l’individualiser au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE. En effet, les garanties prévues par l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/106 n’ont pas pour objet d’assurer la protection de la réputation des membres des comités visés par cette disposition, en fussent-ils le président, mais uniquement de rendre un avis sur la demande de retrait d’une norme harmonisée introduite par la Commission ou un État membre.

(cf. points 95-96, 100-101, 103)

5.
Il est vrai que la Cour et le Tribunal ont déclaré recevables des recours en annulation introduits contre des actes de portée générale dans la mesure où il existait une disposition de droit supérieur imposant à leur auteur de tenir compte de la situation particulière de la partie requérante, l’existence de contrats conclus par un requérant et affectés par l’acte litigieux pouvant, en certains cas, caractériser une telle situation particulière. Or, l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/106, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant les produits de construction, telle que modifiée, ne prévoit pas l’obligation pour la Commission de tenir compte de la situation particulière des requérants ou de celle de l’État membre ayant soulevé une objection à l’encontre d’une norme harmonisée, mais se borne à indiquer la procédure applicable lorsqu’une telle objection a été soulevée.

(cf. points 116-117)

6.
L’existence de circonstances particulières, telles que le rôle joué par une association dans le cadre d’une procédure ayant conduit à l’adoption d’un acte au sens de l’article 230 CE, peut justifier la recevabilité d’un recours introduit par une association dont les membres ne sont pas directement et individuellement concernés par l’acte litigieux, notamment lorsque la position de négociatrice de cette association a été affectée par ce dernier.

À cet égard, la directive 89/106, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant les produits de construction, telle que modifiée, ne prévoit nullement que la Commission, avant d’adopter une décision fondée sur l’article 5, paragraphe 1, de ladite directive, doit suivre une procédure dans le cadre de laquelle des associations nationales comme la requérante auraient le droit de faire valoir d’éventuels droits ou même d’être entendues. Cette conclusion n’est pas non plus affectée par le prétendu rôle de négociateur ou d’interlocuteur qu’aurait tenu un autre requérant, membre de l’association requérante précédente, en participant à la procédure. Une telle circonstance, à la supposer établie, n’est nullement de nature à établir que la requérante dispose, en tant qu’association, d’un intérêt propre à introduire un recours en annulation sur le fondement de l’article 230, quatrième alinéa, CE. En effet, la recevabilité du recours des associations concernées est fondée sur la qualité de négociatrice desdites associations et non sur le rôle individuel de l’un de leurs membres.

(cf. points 131, 134, 140-141)

7.
L’examen du fond d’un recours n’a aucune incidence sur l’appréciation de l’affectation individuelle des requérants, la recevabilité d’un recours en annulation introduit par une personne physique ou morale et le contrôle de la légalité quant au fond de l’acte attaqué par un tel recours relevant d’un examen distinct effectué au regard, respectivement, de l’article 230, quatrième alinéa, CE et de l’article 230, deuxième alinéa, CE.

Par ailleurs, l’illégalité manifeste éventuelle de l’acte attaqué, à la supposer établie, ne saurait, au motif qu’en vertu de l’article 220 CE le Tribunal assure le respect du droit dans l’interprétation et l’application du traité, justifier une modification, par la voie d’une interprétation juridictionnelle, du système des voies de recours et des procédures établies par ledit traité. En aucun cas, une telle circonstance ne saurait permettre de déclarer recevable un recours en annulation formé par une personne physique ou morale qui ne satisfait pas aux conditions posées par l’article 230, quatrième alinéa, CE.

(cf. points 148-149)

8.
S’il est vrai que la condition de l’intérêt individuel exigée par l’article 230, quatrième alinéa, CE doit être interprétée à la lumière du principe d’une protection juridictionnelle effective en tenant compte des diverses circonstances qui sont de nature à individualiser un requérant, une telle interprétation ne saurait aboutir à écarter la condition en cause, qui est expressément prévue par le traité, sans excéder les compétences attribuées par celui-ci aux juridictions communautaires. L’absence éventuelle de recours, à la supposer établie, ne saurait donc justifier une modification, par la voie de l’interprétation juridictionnelle, du système des voies de recours et des procédures établies par le traité. En aucun cas, elle ne permet de déclarer recevable un recours formé par une personne physique ou morale qui ne satisfait pas aux conditions posées par l’article 230, quatrième alinéa, CE.

(cf. points 156-157)




ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)
25 mai 2004(1)

« Recours en annulation – Délai de recours – Personnes physiques ou morales – Actes les concernant individuellement – Décision – Normes d'isolation thermique – Irrecevabilité »

Dans l'affaire T-264/03,

Jürgen Schmoldt, demeurant à Dallgow-Döberitz (Allemagne),Kaefer Isoliertechnik GmbH & Co. KG, établie à Brême (Allemagne),Hauptverband der Deutschen Bauindustrie eV, établie à Berlin (Allemagne),représentés par Me H.-P. Schneider, avocat,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. K. Wiedner, en qualité d'agent, assisté de Me A. Böhlke, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet la demande d'annulation de l'article 1er, en rapport avec le tableau 1 de l'annexe, de la décision 2003/312/CE de la Commission, du 9 avril 2003, relative à la publication de la référence des normes en matière de produits isolants thermiques, géotextiles, installations fixes de lutte contre l'incendie et carreaux de plâtre, conformément à la directive 89/106/CEE du Conseil (JO L 114, p. 50),



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),



composé de MM. J. Azizi, président, M. Jaeger et F. Dehousse, juges,

greffier : M. H. Jung,

rend la présente



Ordonnance




Cadre juridique

1
La directive 89/106/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant les produits de construction (JO 1989, L 40, p. 12), telle que modifiée par la directive 93/68/CEE du Conseil, du 22 juillet 1993, modifiant les directives 87/404/CEE (récipients à pression simples), 88/378/CEE (sécurité des jouets), 89/106/CEE (produits de la construction), 89/336/CEE (compatibilité électromagnétique), 89/392/CEE (machines), 89/686/CEE (équipements de protection individuelle), 90/384/CEE (instruments de pesage à fonctionnement non automatique), 90/385/CEE (dispositifs médicaux implantables actifs), 90/396/CEE (appareils à gaz), 91/263/CEE (équipements terminaux de télécommunications), 92/42/CEE (nouvelles chaudières à eau chaude alimentées en combustibles liquides ou gazeux) et 73/23/CEE (matériels électriques destinés à être employés dans certaines limites de tension) (JO L 220, p. 1) (ci-après la « directive 89/106 »), vise, notamment, à éliminer les entraves à la libre circulation des produits de construction.

2
Selon l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 89/106, est considéré comme un « produit de construction » aux fins de ladite directive « tout produit qui est fabriqué en vue d’être incorporé de façon durable dans des ouvrages de construction, qui couvrent tant les bâtiments que les ouvrages du génie civil ».

3
L’article 2, paragraphe l, de la directive 89/106 prévoit que les produits de construction ne peuvent être mis sur le marché que s’ils sont aptes à l’usage prévu, c’est-à-dire s’ils ont des caractéristiques telles que les ouvrages dans lesquels ils doivent être incorporés, assemblés, utilisés ou installés puissent, à condition d’avoir été convenablement conçus et construits, satisfaire à certaines exigences essentielles, dans les cas où ces ouvrages font l’objet d’une réglementation contenant de telles exigences.

4
L’article 3, paragraphe 1, de la directive 89/106 prévoit que ces exigences essentielles sont énoncées à l’annexe 1 de la directive 89/106 sous la forme d’objectifs. Lesdites exigences essentielles concernent certaines caractéristiques des ouvrages en matière de résistance mécanique et de stabilité, de sécurité en cas d’incendie, d’hygiène, de santé et d’environnement, de sécurité d’utilisation, de protection contre le bruit, d’économie d’énergie et d’isolation thermique.

5
La directive 89/106 prévoit, par ailleurs, l’adoption de « spécifications techniques » communautaires. L’article 4, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 89/106 dispose ainsi que le Comité européen de normalisation (ci-après le « CEN ») ou le Comité européen de normalisation électrotechnique peuvent adopter des « normes » ou des « agréments techniques » applicables aux produits de construction. Ces normes et agréments techniques sont dénommés, collectivement, « normes harmonisées ».

6
Le CEN/TC 88 est la branche du CEN compétente en matière de produits d’isolation thermique.

7
Les normes harmonisées sont adoptées sur mandat donné par la Commission conformément à la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques (JO L 204, p. 37), et sur la base d’un avis émis par le comité permanent de la construction visé à l’article 19 de la directive 89/106.

8
Dès que de telles normes harmonisées ont été adoptées par les organismes européens de normalisation, la Commission en publie les références au Journal officiel de l’Union européenne en application de l’article 7, paragraphe 3, de la directive 89/106.

9
Les produits qui se conforment aux normes nationales transposant les normes harmonisées bénéficient d’une présomption de conformité aux exigences essentielles. Ainsi, selon l’article 4, paragraphe 2, de la directive 89/106, les produits de construction doivent être présumés aptes à l’usage s’ils permettent aux ouvrages pour lesquels ils sont utilisés de satisfaire aux exigences essentielles, à condition que ces ouvrages soient convenablement conçus et construits et que ces produits portent la marque « CE ». La marque « CE » atteste, notamment, que des produits de construction sont conformes aux normes nationales qui transposent les normes harmonisées et dont les références ont été publiées au Journal officiel de l’Union européenne.

10
Enfin, l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/106 prévoit la possibilité, pour un État membre, de contester des normes harmonisées lorsqu’il estime que celles-ci ne satisfont pas aux exigences essentielles. Dans une telle hypothèse, l’État membre concerné saisit le comité permanent de la construction en exposant les raisons qui motivent son objection. Le comité permanent de la construction émet alors un avis d’urgence au vu duquel, après consultation du comité permanent institué par la directive 98/34, la Commission indique aux États membres si les normes concernées doivent être retirées ou non du Journal officiel de l’Union européenne.


Faits à l’origine du litige

11
Le 23 mai 2001, le CEN a adopté dix normes concernant des produits d’isolation thermique, portant les numéros EN 13162:2001 à EN 13171:2001 (ci-après les « normes contestées »).

12
Le 15 décembre 2001, les normes contestées ont été publiées au Journal officiel des Communautés européennes par le biais d’une communication de la Commission dans le cadre de la mise en œuvre de la directive 89/106 (JO C 358, p. 9, ci-après la « communication du 15 décembre 2001 »). Cette communication prévoyait que les normes contestées entreraient en vigueur comme normes harmonisées à partir du 1er mars 2002. Elle prévoyait cependant aussi, jusqu’au 1er mars 2003, une période dite de « coexistence des normes harmonisées et des spécifications techniques nationales ».

13
Par ailleurs, cette même communication précisait, dans sa deuxième note en bas de page, que, d’une part, à l’expiration de cette période de coexistence, la présomption de conformité des produits de construction devait être fondée sur les normes harmonisées et que, d’autre part, la date d’expiration de cette période coïncidait avec la date de retrait des spécifications techniques nationales contradictoires.

14
Par lettre du 9 août 2002, la République fédérale d’Allemagne a déposé, en application de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/106, une objection portant, notamment, sur les normes contestées. Dans ladite objection, la République fédérale d’Allemagne soutenait, en particulier, que les normes contestées ne permettaient pas de présumer que les ouvrages dans lesquels les produits seraient installés répondraient pleinement aux exigences essentielles.

15
Le 22 novembre 2002, un groupe ad hoc du comité permanent de la construction a rendu un rapport indiquant qu’il avait étudié, notamment, les normes contestées et formulé certaines recommandations. Le groupe ad hoc du comité permanent de la construction relevait que, d’une part, les normes contestées pouvaient probablement être améliorées, mais que, d’autre part, aucune raison ne justifiait leur suspension pour l’utilisation de la marque « CE ».

16
Les 28 et 29 janvier 2003, le comité institué par la directive 98/34 s’est réuni et a rendu un avis positif sur un projet de décision de la Commission rejetant l’objection de la République fédérale d’Allemagne.

17
Le 9 avril 2003, la Commission a adopté la décision 2003/312/CE, relative à la publication de la référence des normes en matière de produits isolants thermiques, géotextiles, installations fixes de lutte contre l’incendie et carreaux de plâtre, conformément à la directive 89/106 (JO L 114, p. 50), par laquelle elle rejetait l’objection de la République fédérale d’Allemagne déposée en application de l’article 5, paragraphe l, de ladite directive (ci-après la « décision attaquée »).

18
Dans la décision attaquée, la Commission constate, notamment, que les informations recueillies dans le cadre de la consultation du CEN et des autorités nationales, au sein du comité permanent de la construction et du comité institué par la directive 98/34, n’ont fourni aucune preuve permettant d’établir le bien-fondé du risque allégué par la République fédérale d’Allemagne. À l’article 1er de la décision attaquée, la Commission décide, par conséquent, que les normes contestées, présentées dans le tableau 1 de l’annexe de ladite décision, ne seront pas retirées de la liste des normes publiées au Journal officiel de l’Union européenne.

19
Le 8 mai 2003, la décision attaquée a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne.

20
À une date qui ne ressort pas des pièces du dossier, la République fédérale d’Allemagne a sollicité, auprès du comité permanent de la construction, une prorogation de la période de coexistence des normes contestées et des normes nationales jusqu’au 31 décembre 2003.

21
Les 13 et 14 mai 2003, lors de la 57e réunion du comité permanent de la construction, cette demande de prorogation a été rejetée. Lors de cette même réunion, il a néanmoins été décidé que la période de coexistence des normes contestées et des normes nationales serait prorogée de façon rétroactive jusqu’au 13 mai 2003.

22
Le 22 mai 2003, les normes contestées ont été publiées une nouvelle fois au Journal officiel de l’Union européenne dans une communication de la Commission dans le cadre de la mise en œuvre de la directive 89/106 (JO C 120, p. 17), en même temps que la nouvelle date d’expiration de la période de coexistence des normes contestées et des normes nationales (ci-après la « communication du 22 mai 2003 »).


Procédure et conclusions des parties

23
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 juillet 2003, les requérants, M. J. Schmoldt (ci-après le « premier requérant »), Kaefer Isoliertechnik GmbH & Co. KG (ci-après la « deuxième requérante ») et l’Hauptverband der Deutschen Bauindustrie eV (ci-après la « troisième requérante »), ont déposé le présent recours en annulation contre la décision attaquée. Le premier requérant est président du comité CEN/TC 88, membre du groupe ad hoc du comité permanent de la construction et gérant de la troisième requérante. La deuxième requérante est une entreprise allemande utilisatrice de produits d’isolation thermique qui est membre de la troisième requérante. La troisième requérante est une association qui représente les intérêts de l’industrie du bâtiment en Allemagne.

24
Le même jour, les requérants ont également déposé, par acte séparé, une demande en référé fondée sur l’article 243 CE visant à ce que le juge des référés ordonne à la Commission de prolonger, jusqu’à l’arrêt du Tribunal, la période de coexistence des normes nationales et des normes contestées.

25
Par acte déposé au greffe du Tribunal le 27 août 2003, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Les requérants ont déposé leurs observations sur cette exception le 20 octobre 2003.

26
Par requête déposée au greffe le 25 novembre 2003, Fachvereinigung Mineralfaserindustrie eV a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la défenderesse.

27
Par ordonnance du 28 novembre 2003, le président du Tribunal a rejeté la demande en référé introduite par les requérants (ordonnance du président du Tribunal du 28 novembre 2003, Schmoldt e.a./Commission, T-264/03 R, non encore publiée au Recueil).

28
Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler l’article 1er de la décision attaquée, en rapport avec le tableau 1 de l’annexe de ladite décision, de sorte que soient retirées du Journal officiel de l’Union européenne la communication du 15 décembre 2001 et la communication du 22 mai 2003 ;

condamner la Commission aux dépens.

29
Au terme de son exception d’irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme irrecevable ;

condamner les requérants aux dépens.


En droit

30
En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par l’examen des pièces du dossier pour statuer sur la demande présentée par la Commission sans ouvrir la procédure orale.

31
Par son exception d’irrecevabilité, la Commission fait valoir, d’une part, que le présent recours est tardif et, d’autre part, que les requérants ne sont pas individuellement concernés au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

32
À titre liminaire, il convient toutefois de préciser d’abord l’objet du recours, celui-ci faisant l’objet d’une contestation entre les parties.

Sur l’objet du recours

Arguments des parties

33
La Commission soutient que l’objet du litige ne saurait être étendu aux communications des 15 décembre 2001 et 22 mai 2003, le retrait de celles-ci étant une conséquence inéluctable et indirecte du recours et non son objet, lequel réside uniquement dans la demande d’annulation de l’article 1er de la décision attaquée.

34
Selon les requérants, le présent recours a pour objet le retrait des normes contestées publiées le 15 décembre 2001, en ce compris le retrait de la communication du 22 mai 2003 par laquelle la Commission fixe au 13 mai 2003 la fin de la période de coexistence des normes nationales et communautaires.

35
Les requérants rappellent que l’objet du recours porte d’abord sur l’article 1er de la décision attaquée, en combinaison avec le tableau 1 de l’annexe de cette même décision, par laquelle la Commission, rejetant l’opposition formée par la République fédérale d’Allemagne en vertu de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/106, a décidé que les normes contestées ne seront pas retirées de la liste des normes publiées au Journal officiel de l’Union européenne.

36
Toutefois, les requérants soulignent que, par la suite, la Commission a publié à nouveau les normes contestées dans une communication du 22 mai 2003, rendant ainsi caduque la première communication du 15 décembre 2001.

37
Les requérants expliquent que la mention de la communication du 15 décembre 2001 dans la requête a été faite pour des raisons de clarification. En effet, s’il avait été demandé que, en cas de succès du recours en annulation de la décision attaquée, seules les normes contenues dans la communication du 22 mai 2003 soient retirées, il aurait pu être considéré que ce retrait n’englobait pas la communication du 15 décembre 2001 et que les normes contenues dans celle-ci conservaient leur efficacité juridique.

38
Les requérants considèrent que la communication du 22 mai 2003 constitue non seulement une conséquence juridique de la décision attaquée, mais également une nouvelle exécution de la publication requise par l’article 7, paragraphe 3, de la directive 89/l06.

Appréciation du Tribunal

39
Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 1er de la décision attaquée, la Commission a décidé de ne pas retirer les normes contestées, qui sont présentées dans le tableau 1 de l’annexe à ladite décision, de la liste des normes publiées dans la communication du 15 décembre 2001.

40
Il est constant que, s’agissant des normes contestées, la liste publiée dans la communication du 22 mai 2003 est, sous réserve de la modification de la date d’expiration de la période de coexistence entre ces normes et les normes nationales, identique aux listes publiées en annexe à la décision attaquée et dans la communication du 15 décembre 2001.

41
Dans ces circonstances, pour autant que les requérants viseraient à obtenir l’annulation de la communication du 22 mai 2003 en ce qu’elle publie à nouveau les normes contestées, leur recours se confond avec leur demande d’annulation de l’article 1er de la décision attaquée et, partant, il sera examiné dans ce cadre.

42
Toutefois, en ce que les requérants demanderaient, dans ce cadre, que les communications des 15 décembre 2001 et 22 mai 2003 soient retirées du Journal officiel de l’Union européenne en cas d’annulation de l’article 1er de la décision attaquée, cette demande devrait être rejetée comme irrecevable. En effet, selon la jurisprudence, il n’appartient pas au juge communautaire d’adresser des injonctions aux institutions dans le cadre du contrôle de légalité qu’il exerce. Aux termes de l’article 233 CE, il incombe à l’institution dont émane l’acte annulé de prendre les mesures que comporte l’exécution de son arrêt (voir, notamment, arrêt de la Cour du 22 janvier 2004, Mattila/Conseil et Commission, C‑353/01 P, non encore publié au Recueil, point 15, et ordonnance du Tribunal du 15 octobre 2003, Internationaler Hilfsfonds/Commission, T-372/02, non encore publiée au Recueil, points 48 et 49).

43
Par ailleurs, pour autant que les requérants viseraient à contester la modification de la date d’expiration de la période de coexistence entre les normes contestées et les normes nationales prévues par la communication du 22 mai 2003, il doit être relevé que leur requête se borne, sur ce point, à indiquer que ladite communication « ne comporte ni base juridique, ni motivation ». Force est de constater qu’une telle énonciation abstraite, qui n’explicite pas en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, ne satisfait pas à l’exigence, prévue par l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour applicable à la procédure devant le Tribunal, en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, et par l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, selon laquelle la requête introductive d’instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués (arrêts du Tribunal du 5 mars 2003, Ineichen/Commission, T-293/01, non encore publié au Recueil, point 84, et du 17 juin 2003, Seiller/BEI, T‑385/00, non encore publié au Recueil, point 40). Partant, la requête est également irrecevable sur ce point.

44
En conséquence, le présent recours doit uniquement être examiné en ce que les requérants sollicitent l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée.

Sur le caractère tardif du recours

Arguments des parties

45
La Commission rappelle que, selon la jurisprudence, la date de prise de connaissance d’un acte en tant que point de départ du délai de recours constitue un critère subsidiaire par rapport à ceux de la publication ou de la notification de cet acte (arrêt de la Cour du 10 mars 1998, Allemagne/Conseil, C-122/95, Rec. p. I‑973, point 35). Ce serait le cas, en particulier, dans l’hypothèse où la publication d’un acte fait l’objet d’une pratique constante, dans la mesure où le requérant peut alors légitimement compter sur le fait que l’acte sera publié (arrêt Allemagne/Conseil, précité, point 37).

46
Or, en l’espèce, la prise de connaissance de la décision attaquée ne présenterait pas un tel caractère subsidiaire, dans la mesure où sa publication au Journal officiel de l’Union européenne n’était pas prescrite. Le délai de recours contre ladite décision aurait donc bien commencé à courir, formellement, le jour où les requérants en ont pris connaissance, et non le jour de sa publication. Cette circonstance empêcherait, par voie de conséquence, l’application de l’article 102, paragraphe l, du règlement de procédure, lequel prévoit que, lorsqu’un délai pour l’introduction d’un recours contre un acte d’une institution commence à courir à partir de la publication de l’acte, ce délai est à compter à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de la publication de l’acte au Journal officiel de l’Union européenne.

47
Partant, selon la Commission, dès lors que la décision attaquée, qui a été adoptée le 9 avril 2003, a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 8 mai 2003, c’est à cette date, au plus tard, que les requérants en ont pris connaissance. Par voie de conséquence, le recours au principal, qui a été déposé le 28 juillet 2003, aurait été déposé dix jours trop tard, même en tenant compte du délai de distance prévu par le règlement de procédure.

48
Les requérants estiment que leur recours n’est pas tardif.

49
À cet égard, les requérants font observer qu’il n’est pas contesté par la Commission que la décision attaquée ne leur a pas été notifiée. Or, ils n’auraient été informés de la décision en cause que lors de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, le 8 mai 2003. Dès lors, le présent recours ayant été déposé le 28 juillet 2003, le délai de deux mois courant à compter de la fin du quatorzième jour après la publication prévu par l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure aurait été respecté, compte tenu du délai de distance de dix jours.

50
Il n’existe, de l’avis des requérants, aucune publication de mesure ou de décision des organes communautaires réellement effectuée qui ne déclenche pas le délai prévu par l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Appréciation du Tribunal

51
Aux termes de l’article 230, cinquième alinéa, CE, les recours prévus à cet article doivent être formés dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance.

52
Selon la jurisprudence, il découle du libellé même de cette disposition que le critère de la date de prise de connaissance de l’acte en tant que point de départ du délai de recours présente un caractère subsidiaire par rapport à ceux de la publication ou de la notification de l’acte (arrêt Allemagne/Conseil, point 45 supra, point 35 ; arrêt du Tribunal du 12 décembre 2000, Alitalia/Commission, T‑296/97, Rec. p. II‑3871, point 61).

53
En l’espèce, la décision ayant fait l’objet d’une publication au Journal officiel de l’Union européenne du 8 mai 2003, c’est, par conséquent, cette dernière date qui a fait courir le délai de recours à l’égard des requérants et non la date à laquelle ils ont pu en avoir connaissance.

54
Conformément à l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, dès lors que le délai commence à courir à partir de la date de la publication de l’acte attaqué, il est à compter à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de publication de l’acte au Journal officiel de l’Union européenne.

55
Contrairement à ce que soutient la Commission, l’application de ce délai supplémentaire ne saurait être écartée au motif que, la publication de la décision attaquée n’étant pas obligatoire et ne relevant pas d’une pratique constante de l’institution, la date de la publication ne peut pas être prise en compte en tant que telle mais uniquement en tant que date de la prise de connaissance de la décision attaquée.

56
Il résulte en effet de l’arrêt Allemagne/Conseil, point 45 supra, que le critère de la prise de la connaissance de l’acte en tant que point de départ du délai de recours revêt un caractère subsidiaire par rapport à celui de la publication. En conséquence, dès lors que la décision attaquée a été effectivement publiée au Journal officiel de l’Union européenne, le critère de la prise de connaissance est, de ce fait même, écarté et ne saurait dès lors trouver application.

57
Par ailleurs, le délai de recours au titre de l’article 230 CE ayant été institué en vue d’assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques et d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice (arrêts de la Cour du 15 janvier 1987, Misset/Conseil, 152/85, Rec. p. 223, point 11, et du 23 janvier 1997, Coen, C-246/95, Rec. p. I-403, point 21 ; arrêt du Tribunal du 18 septembre 1997, Mutual Aid Administration Services/Commission, T‑121/96 et T-151/96, Rec. p. II-1355, point 38), la détermination du point de départ dudit délai ne saurait dépendre du caractère constant de la pratique de l’institution concernée en la matière.

58
Certes, il ressort de la jurisprudence précitée que la circonstance selon laquelle la publication de l’acte, même si elle n’est pas une condition de son applicabilité, relève d’une pratique constante de l’institution concernée a été prise en compte par la Cour et le Tribunal aux fins de conclure que c’est la date de la publication qui fait courir le délai de recours, le requérant pouvant, dans un tel cas, légitimement escompter la publication de cet acte (arrêts Allemagne/Conseil, point 45 supra, points 36 à 38, et Alitalia/Commission, point 52 supra, point 62).

59
Toutefois, il ne saurait en être déduit que l’existence d’une telle pratique constitue une condition indispensable pour que la publication d’un acte constitue le point de départ du délai de recours. Bien au contraire, il ressort de la jurisprudence que la publication de l’acte attaqué est une condition suffisante à cet égard, l’existence d’une pratique constante en la matière étant uniquement de nature à renforcer cette conclusion (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 15 septembre 1998, BP Chemicals/Commission, T‑11/95, Rec. p. II‑3235, point 49 ; du 6 octobre 1999, Salomon/Commission, T‑123/97, Rec. p. II‑2925, point 43, et du 27 novembre 2003, Regione Siciliana/Commission, T‑190/00, non encore publié au Recueil, points 30 et 31). À cet égard, il convient de rappeler que les dispositions du traité concernant le droit d’agir des justiciables ne sauraient être interprétées restrictivement (arrêt de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 222).

60
En outre, il convient d’observer que le délai supplémentaire de quatorze jours prévu par l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure s’applique, selon ses propres termes, « lorsqu’un délai pour l’introduction d’un recours contre un acte d’une institution commence à courir à partir de la publication de l’acte », et non uniquement lorsque ladite publication revêt un caractère obligatoire pour l’applicabilité de l’acte ou relève d’une pratique constante de l’institution concernée.

61
Partant, c’est à tort que la Commission soutient que l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure n’est pas applicable en l’espèce.

62
En conséquence, il convient de conclure que, dès lors que le présent recours, qui a été déposé le 28 juillet 2003, l’a été, en tenant compte du délai de quatorze jours et du délai de distance forfaitaire de dix jours prévus, respectivement, par le premier et par le deuxième paragraphe de l’article 102 du règlement de procédure, dans les deux mois à compter de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne le 8 mai 2003, l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission tirée de la tardiveté du recours doit être rejetée.

Sur l’affectation individuelle des requérants

Arguments des parties

63
La Commission soutient que les requérants ne sont pas individuellement concernés par la décision attaquée.

64
À cet égard, la Commission fait valoir, en substance, que le premier requérant a déposé son recours non pas en tant que représentant officiel du CEN/TC 88, mais en son nom propre, que la deuxième requérante, même si elle est grandement concernée par la décision attaquée, ne l’est, cependant, nullement à titre individuel et, enfin, que la troisième requérante ne peut tirer sa qualité pour agir ni de celle de la deuxième requérante, qui n’est pas individuellement concernée par la décision attaquée, ni de sa simple participation à la préparation de la demande déposée par la République fédérale d’Allemagne en application de l’article 5, paragraphe l, de la directive 89/106.

65
Les requérants estiment qu’ils sont individuellement concernés par la décision attaquée.

66
En premier lieu, les requérants font valoir que, le présent recours étant manifestement fondé, l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission constitue un abus de droit.

67
À cet égard, les requérants relèvent que, depuis l’entrée en vigueur du traité de Nice le 1er février 2003, le principe de l’État de droit est devenu un fondement exprès de l’Union européenne (article 6 UE). Par ailleurs, la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée à Nice le 7 décembre 2000 (JO C 364, p. 1), accorderait à toute personne le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l’Union (article 41), et toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés aurait droit à un recours effectif devant un tribunal (article 47).

68
Dans ce cadre, les requérants soulignent que le Tribunal a également pour mission première, en vertu de l’article 220 CE, d’assurer le respect du droit dans l’interprétation et l’application du traité CE.

69
Or, les requérants estiment que, par la décision attaquée, la Commission exige, en violation manifeste des règles de procédure et de forme, l’application de normes européennes qui, du fait de la multitude des vices, contradictions internes et lacunes qu’elle comporte, rendent impossible une application uniforme dans l’Union européenne.

70
En deuxième lieu, les requérants allèguent que, faute d’avoir la moindre possibilité – même théorique – de faire contrôler autrement par un juge l’acte communautaire de portée générale attaqué, ils ne peuvent faire valoir leur droit à une protection juridictionnelle effective que dans le cadre d’un recours individuel en vertu de l’article 230, quatrième alinéa, CE et ils doivent donc être considérés comme étant individuellement concernés.

71
À cet égard, les requérants précisent qu’ils peuvent contester la décision attaquée uniquement devant le Tribunal, aucune action devant les juridictions nationales n’étant en l’espèce possible.

72
Or, lorsqu’une personne physique ou morale est directement affectée par un acte communautaire de portée générale et lorsque toute autre forme de protection juridictionnelle effective contre cet acte est objectivement exclue en dehors de l’article 230, quatrième alinéa, CE, parce que soit le droit communautaire ne prévoit aucune voie de recours ou procédure pour ce cas, soit l’acte en cause, par nature, ne relève pas de la compétence des juridictions des États membres et pareille voie de recours ne peut être créée en modifiant le droit processuel national, il résulterait de l’arrêt de la Cour du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil (C‑50/00 P, Rec. p. I‑6677), qu’un recours individuel ne peut, dans de tels cas exceptionnels, être déclaré irrecevable au motif que le requérant n’est pas individuellement concerné. Les requérants estiment dès lors que toute personne qui peut prétendre avoir été directement atteinte par un acte communautaire dans ses droits ou ses intérêts juridiquement protégés doit être considérée comme individuellement concernée lorsqu’elle ne dispose d’aucune autre voie de recours contre ledit acte du fait de la nature de ce dernier, même en essayant d’interpréter ou de modifier le droit national en ce sens.

73
Selon les requérants, la recevabilité de tels recours devant le Tribunal n’entraîne pas la disparition de la condition exigeant que le requérant soit individuellement concerné, mais démontre au contraire l’utilité et la pertinence de cette condition. En effet, cette recevabilité serait précisément importante dans les situations où une personne physique ou morale directement concernée par une action communautaire, pour des raisons qui ne peuvent objectivement être modifiées ni par elle, ni par l’État membre concerné, ni par ses tribunaux, ne peut obtenir une quelconque protection juridictionnelle autrement.

74
Les requérants estiment que seule cette option est de nature à consacrer effectivement une protection juridictionnelle efficace sur le plan européen ainsi qu’un système complet de voies de recours et de procédures destiné à assurer le contrôle de légalité des actes des institutions communautaires, ainsi que la Cour l’a indiqué aux points 39 et 40 de l’arrêt Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, point 72 supra.

75
En troisième lieu, les requérants font valoir que chacun d’entre eux est individuellement concerné par la décision attaquée.

76
S’agissant, d’abord, du premier requérant, les requérants relèvent, d’une part, que, en tant que président du CEN/TC 88, sa participation à l’adoption de la décision attaquée dans le cadre du groupe ad hoc du comité permanent de la construction concernant les normes contestées n’a pas été sollicitée et, d’autre part, que sa participation au rapport du groupe ad hoc du comité permanent de la construction a été simulée.

77
Les requérants expliquent à cet égard que le groupe ad hoc devait rendre un avis de spécialiste sur l’opposition qu’avait formée la République fédérale d’Allemagne sur le fondement de l’article 5, paragraphe l, de la directive 89/106, mais que ledit comité ne s’est en fait pas réuni. Néanmoins, la Commission aurait présenté un rapport dudit groupe ad hoc sur cette question, faisant faussement croire à l’approbation du CEN/TC 88 qui, en réalité, n’a pas été saisi.

78
Dans ce contexte, les requérants soutiennent que, si le CEN/TC 88 avait régulièrement participé au rapport du groupe ad hoc du comité permanent de la construction, le premier requérant aurait été directement concerné par la procédure en tant que président du CEN/TC 88. Par ailleurs, ils soulignent que le premier requérant avait été nommé membre du groupe ad hoc du comité permanent de la construction et qu’il était le seul membre de ce groupe capable de donner des renseignements autorisés sur d’éventuelles prises de position du CEN/TC 88.

79
Le premier requérant aurait dès lors qualité pour agir contre la décision attaquée dans la mesure où non seulement il a été atteint dans ses droits procéduraux, mais, en outre, la prétendue consultation du CEN/TC 88 a porté atteinte à sa réputation en tant qu’expert internationalement reconnu dans le domaine de la normalisation relative aux matériaux isolants thermiques, le lésant de ce fait dans ses droits personnels.

80
Par ailleurs, les requérants mentionnent que le premier requérant est gérant du service technique fédéral « Isolation thermique, calorifugeage, isolation acoustique et ignifugeante » de la troisième requérante.

81
S’agissant, ensuite, de la deuxième requérante, les requérants relèvent que, en tant qu’utilisatrice importante de produits d’isolation thermique tant en Allemagne qu’en Europe, où elle est, respectivement, première et deuxième utilisatrice principale, la décision attaquée a des effets considérables sur ses contrats en cours et ne tient pas compte de ses obligations juridiques spécifiques. En effet, cette requérante serait placée dans une situation de conflit normatif entre le droit allemand et le droit communautaire. En outre, elle s’exposerait à la mise en jeu de sa garantie par ses clients. Il en résulterait que la deuxième requérante serait considérablement désavantagée par rapport à ses concurrents dans d’autres États membres. De plus, en vertu de l’article 95, paragraphe 3, CE, il incomberait plus particulièrement aux utilisateurs de matériaux, qui doivent assurer la bonne exécution des travaux, d’offrir un niveau de protection élevé en matière de protection de l’environnement et de protection des consommateurs.

82
Par ailleurs, en sa qualité de membre du service technique fédéral « Isolation thermique, calorifugeage, isolation acoustique et ignifugeante » de la troisième requérante, la deuxième requérante aurait participé de façon déterminante à la décision du comité préparatoire allemand à l’harmonisation communautaire de déposer une objection conformément à l’article 5, paragraphe l, de la directive 89/106 à l’encontre des normes contestées.

83
S’agissant, enfin, de la troisième requérante, les requérants soulignent que celle-ci est, d’une part, membre de comités nationaux en matière de normalisation, et participe de ce fait directement aux travaux du CEN/TC 88, et, d’autre part, membre du comité préparatoire allemand à l’harmonisation communautaire au sein duquel le ministère allemand compétent détermine, au niveau national, la position qu’il défendra au sein du comité permanent de la construction.

84
Selon les requérants, en raison de la décision attaquée, la troisième requérante perd la possibilité d’intervenir, dans l’intérêt des entreprises qu’elle représente, en faveur d’une nouvelle conception ou, tout au moins, d’une amélioration des normes communautaires en matière de produits d’isolation thermique. Par ailleurs, même si l’on considérait que les entreprises représentées par elle ne lui transmettent pas leur qualité pour agir, le fait qu’elle est individuellement concernée résulterait de ce qu’elle est directement impliquée, par l’un de ses gérants, le premier requérant, dans la procédure ayant mené à l’adoption de la décision attaquée. Or, le premier requérant, qui préside le CEN/TC 88, aurait souligné, dans sa lettre du 28 novembre 2002 à la Commission, qu’il n’est pas seulement intervenu en tant que membre du groupe ad hoc du comité permanent de la construction pour solliciter une participation régulière de cette instance, mais également en sa qualité de directeur du service technique fédéral « Isolation thermique, calorifugeage, isolation acoustique et ignifugeante » de la troisième requérante. Si, selon les requérants, le premier requérant, en sa double qualité de membre du groupe ad hoc et de gérant de la troisième requérante, n’a pas seulement mené des négociations et des pourparlers avec la Commission, mais aurait dû être personnellement appelé par elle à participer à une procédure formelle particulière, la troisième requérante doit être considérée comme une association directement et individuellement concernée.

85
Pour ces motifs, les requérants estiment qu’ils sont recevables à introduire le présent recours.

Appréciation du Tribunal

86
En vertu de l’article 230, quatrième alinéa, CE, « [t]oute personne physique ou morale peut former [...] un recours contre les décisions dont elle est le destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l’apparence d’un règlement ou d’une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement ».

87
Selon une jurisprudence constante, le critère de distinction entre un règlement et une décision doit être recherché dans la portée générale ou non de l’acte en question (ordonnances de la Cour du 23 novembre 1995, Asocarne/Conseil, C‑10/95 P, Rec. p. I-4149, point 28, et du 24 avril 1996, CNPAAP/Conseil, C‑87/95 P, Rec. p. I-2003, point 33 ; ordonnances du Tribunal du 26 mars 1999, Biscuiterie-confiserie LOR et Confiserie du Tech/Commission, T‑114/96, Rec. p. II-913, point 26, et du 6 mai 2003, DOW AgroSciences/Parlement et Conseil, T‑45/02, non encore publiée au Recueil, point 31).

88
Un acte a une portée générale s’il s’applique à des situations déterminées objectivement et s’il produit ses effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite (arrêt du Tribunal du 10 juillet 1996, Weber/Commission, T‑482/93, Rec. p. II‑609, point 55, et la jurisprudence citée).

89
À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le fait que l’identité des opérateurs économiques auxquels s’appliquent ces actes était connue de la Commission au moment où ceux-ci ont été adoptés ne suffit pas à mettre en cause leur nature réglementaire, tant qu’il est constant que cette application s’effectue en vertu d’une situation objective de droit ou de fait, définie par l’acte en relation avec la finalité de ce dernier (arrêt de la Cour du 18 mai 1994, Codorniu/Conseil, C-309/89, Rec. p. I-1853, point 18 ; arrêt du Tribunal du 14 septembre 1995, Antillean Rice Mills e.a./Commission, T-480/93 et T-483/93, Rec. p. II‑2305, point 65, et ordonnance du Tribunal du 30 avril 2003, Villiger Söhne/Conseil, T-154/02, non encore publiée au Recueil, point 49).

90
En l’espèce, la décision attaquée est adressée aux États membres et rejette une demande d’un État membre visant à ce que certaines normes harmonisées adoptées en application de la directive 89/106 soient retirées de la liste des normes publiées au Journal officiel de l’Union européenne.

91
Or, en application de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 89/106, c’est, notamment, par référence aux normes nationales qui transposent les normes harmonisées et dont les références ont été publiées au Journal officiel de l’Union européenne que les produits de construction doivent être présumés aptes à l’usage et peuvent, par voie de conséquence, être mis sur le marché dans l’Union européenne.

92
Les normes harmonisées adoptées en application de la directive 89/106 ont donc pour objet de définir les caractéristiques des produits que ces opérateurs économiques peuvent, respectivement, commercialiser et acheter. Elles produisent donc des effets, notamment, sur tous les producteurs et utilisateurs de produits de construction dans l’Union européenne.

93
Par conséquent, la décision attaquée, qui a pour effet de refuser le retrait de normes harmonisées, s’applique elle-même à des situations déterminées objectivement et produit des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite, à savoir, notamment, tous les producteurs et utilisateurs de produits de construction dans l’Union européenne.

94
Partant, il convient de constater que la décision attaquée revêt, par sa nature et par sa portée, un caractère général.

95
Toutefois, le fait que la décision attaquée a, par sa nature et sa portée, un caractère général ne suffit pas en soi à exclure la possibilité pour un particulier d’introduire un recours en annulation contre celle-ci (arrêts de la Cour du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil, C-358/89, Rec. p. I-2501, point 13, et Codorniu/Conseil, point 89 supra, point 19 ; arrêt Antillean Rice Mills e.a./Commission, point 89 supra, point 66 ; ordonnances du Tribunal du 21 mars 2003, Établissements Toulorge/Parlement et Conseil, T-167/02, non encore publiée au Recueil, point 26, et Villiger Söhne/Conseil, point 89 supra, point 40).

96
Selon une jurisprudence constante, un acte de portée générale ne peut concerner individuellement des personnes physiques ou morales que s’il les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’un acte le serait (arrêts de la Cour Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, point 72 supra, point 36, et du 10 avril 2003, Commission/Nederlandse Antillen, C-142/00 P, Rec. p. I‑3483, point 65 ; ordonnance de la Cour du 12 décembre 2003, Bactria/Commission, C-258/02 P, non encore publiée au Recueil, point 34 ; ordonnance Villiger Söhne/Conseil, point 89 supra, point 44 ; arrêt du Tribunal du 21 octobre 2003, Solvay Pharmaceuticals/Conseil, T-392/02, non encore publié au Recueil, point 78).

97
Il y a donc lieu de vérifier si, en l’espèce, les requérants sont concernés par la décision attaquée en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou s’il existe une situation de fait qui les caractérise, au regard de ladite décision, par rapport à toute autre personne.

Sur la recevabilité du recours du premier requérant

98
Afin de démontrer que le premier requérant est individuellement concerné par la décision attaquée, les requérants invoquent, en premier lieu, sa qualité de président du CEN/TC 88 et le fait qu’il devait faire partie du groupe ad hoc du comité permanent de la construction.

99
À cet égard, il convient de souligner d’emblée que, dans une lettre adressée à la Commission le 11 août 2003, le secrétaire général du CEN a informé la Commission que le premier requérant n’était pas habilité à représenter cet organisme dans le cadre du recours au principal, circonstance qui n’a été contestée par aucun des requérants. Par conséquent, il apparaît que c’est à titre purement personnel que le premier requérant a déposé le présent recours et c’est dès lors en fonction de ses seules qualités personnelles qu’il convient d’examiner s’il a qualité pour agir contre la décision attaquée, sans qu’il soit, par ailleurs, besoin de se prononcer sur la recevabilité éventuelle du CEN à agir en ce sens.

100
Or, il convient de rappeler que le fait pour une personne d’intervenir, d’une manière ou d’une autre, dans le processus menant à l’adoption d’un acte communautaire n’est de nature à individualiser cette personne par rapport à l’acte en question que lorsque certaines garanties de procédure ont été prévues pour cette personne par la réglementation communautaire applicable (ordonnances du Tribunal du 3 juin 1997, Merck e.a./Commission, T‑60/96, Rec. p. II-849, point 73 ; du 15 septembre 1998, Molkerei Großbraunshain et Bene Nahrungsmittel/Commission, T-109/97, Rec. p. II‑3533, points 67 et 68, et du 29 avril 2002, Bactria/Commission, T‑339/00, Rec. p. II‑2287, point 51 ; arrêt du Tribunal du 7 février 2001, Sociedade Agrícola dos Arinhos e.a./Commission, T‑38/99 à T‑50/99, Rec. p. II-585, point 46).

101
En l’espèce, il convient d’observer que les garanties prévues par l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/106 existent au bénéfice du CEN et du comité permanent de la construction, et non au bénéfice de certains de leurs membres ou de leur président à titre personnel.

102
En conséquence, sans qu’il soit besoin, à ce stade, de déterminer si les garanties prévues par l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/106 sont de nature à individualiser les bénéficiaires de celles-ci, il convient de constater que le premier requérant ne peut invoquer, à titre personnel, aucune garantie de procédure ni aucune disposition de la directive 89/106 dont la méconnaissance pourrait être de nature à l’individualiser en sa qualité, d’une part, de président du CEN/TC 88 à l’époque de l’adoption de la décision attaquée et, d’autre part, de membre du groupe ad hoc du comité permanent de la construction.

103
En tout état de cause, à supposer que le premier requérant puisse invoquer, à titre personnel, de telles garanties procédurales, il doit être souligné que l’atteinte alléguée à la réputation dudit requérant qui aurait résulté de la violation de ces garanties ne saurait, en tant que telle, être de nature à l’individualiser au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE. En effet, les garanties prévues par l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/106 n’ont pas pour objet d’assurer la protection de la réputation des membres des comités visés par cette disposition, en fussent-ils le président, mais uniquement de rendre un avis sur la demande de retrait d’une norme harmonisée introduite par la Commission ou un État membre.

104
Partant, il convient de conclure que le premier requérant n’est pas recevable à introduire le présent recours, à titre personnel, en tant que président du CEN/TC 88 ou de membre du groupe ad hoc du comité permanent de la construction.

105
En second lieu, les requérants font état, aux fins de démontrer que le premier requérant est individuellement concerné, de sa qualité de gérant de la troisième requérante.

106
Toutefois, dans la mesure où, à la supposer établie, cette qualité pour agir se confond avec celle de la troisième requérante, c’est seulement dans l’hypothèse où cette dernière requérante serait elle-même individuellement concernée par la décision attaquée que le premier requérant pourrait, éventuellement, faire valoir qu’il est lui aussi concerné de façon individuelle par ladite décision. C’est donc dans le cadre de l’examen de la qualité pour agir de la troisième requérante que cette question sera examinée.

107
Par conséquent, sous réserve de l’examen de la qualité pour agir de la troisième requérante, il doit être conclu que le premier requérant n’est pas individuellement concerné par la décision attaquée au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

Sur la recevabilité du recours de la deuxième requérante

108
Les requérants soutiennent, en premier lieu, que la deuxième requérante est individuellement concernée par la décision attaquée en raison de son statut d’utilisatrice importante de produits de construction et de sa position de première et de deuxième plus grande entreprise, respectivement en Allemagne et en Europe, dans le secteur des travaux d’isolation.

109
À cet égard, il convient de rappeler que la décision attaquée a pour effet de refuser le retrait des normes harmonisées contestées qui ont été adoptées en application de la directive 89/106. Or, ces normes harmonisées, qui ont pour objet de définir les caractéristiques des produits de construction, s’appliquent à tous les producteurs et utilisateurs de tels produits dans l’Union européenne.

110
Dans ces circonstances, force est de constater que la décision attaquée ne concerne la deuxième requérante qu’en sa qualité objective d’opérateur économique agissant dans le secteur de la fabrication des produits concernés, et cela au même titre que tout autre opérateur se trouvant dans la même situation. Or, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, cette seule qualité ne suffit pas pour établir que la deuxième requérante est concernée de façon individuelle par ladite décision (arrêts de la Cour du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission, 11/82, Rec. p. 207, point 14, et du 22 novembre 2001, Antillean Rice Mills/Conseil, C‑451/98, Rec. p. I-8949, point 51 ; ordonnance Villiger Söhne/Conseil, point 89 supra, point 47).

111
À cet égard, il convient de souligner, s’agissant du fait allégué que la deuxième requérante est une utilisatrice importante sur le marché concerné, que, selon la jurisprudence, le fait qu’un acte général puisse avoir des effets concrets différents pour les divers sujets de droit auxquels il s’applique n’est pas de nature à les caractériser par rapport à tous les autres opérateurs concernés, dès lors que l’application de cet acte s’effectue en vertu d’une situation objectivement déterminée (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 22 février 2000, ACAV e.a./Conseil, T‑138/98, Rec. p. II‑341, point 66, et la jurisprudence citée ; ordonnance Établissements Toulorge/Parlement et Conseil, point 95 supra, point 63). Or, en l’espèce, c’est bien en raison de sa situation objective d’utilisatrice de produits de construction que la deuxième requérante est concernée par la décision attaquée.

112
De même, le fait de figurer parmi les 62 entreprises allemandes de l’industrie du bâtiment qui utilisent des produits d’isolation et qui sont regroupées, au niveau national, au sein du service technique fédéral « Isolation thermique, calorifugeage, isolation acoustique et ignifugeante » n’individualise pas davantage la deuxième requérante. Il est en effet de jurisprudence constante, ainsi qu’il est indiqué au point 89 ci-dessus, que la possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des sujets de droit auxquels s’applique une mesure n’implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme étant individuellement concernés par cette mesure, tant qu’il est constant que, comme en l’espèce, cette application s’effectue en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en cause. Par ailleurs, ainsi que les requérants le soulignent eux-mêmes, les normes contestées s’appliquent non seulement aux utilisateurs de produits de construction, mais également aux États membres, aux fabricants de produits de construction et aux organismes de contrôle.

113
Quant au fait que la décision attaquée aurait pour effet de désavantager la deuxième requérante par rapport à ses concurrents dans d’autres États membres, notamment eu égard à un prétendu risque de mise en œuvre de sa garantie par les clients, voire de l’engagement de sa responsabilité pénale, il convient de constater que, même si le caractère inéluctable de ce prétendu risque, à première vue peu probable, était établi, il n’est nullement de nature à individualiser cette requérante au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, dès lors que l’ensemble de ses nombreux concurrents en Allemagne se trouvent dans la même situation.

114
De la même manière, le fait allégué que, en vertu de l’article 95, paragraphe 3, CE, il incomberait plus particulièrement aux utilisateurs de matériaux, qui doivent assurer la bonne exécution des travaux, d’offrir un niveau de protection élevé en matière de protection de l’environnement et des consommateurs n’est nullement de nature à individualiser la deuxième requérante, puisque, à supposer qu’une telle obligation existe, cette requérante serait, à cet égard, dans la même situation que l’ensemble de ses concurrents en Allemagne et dans d’autres États membres de l’Union européenne.

115
Enfin, s’agissant du fait que les contrats en cours de la deuxième requérante seraient affectés de manière considérable par la décision attaquée, il doit être constaté non seulement que ce fait n’est étayé par aucun élément probant et ne peut dès lors être considéré comme établi, mais en outre qu’il ne constitue pas une situation de fait caractérisant cette requérante par rapport aux autres utilisateurs de produits de construction ayant également de tels contrats en cours.

116
Il est vrai que la Cour et le Tribunal ont déclaré recevables des recours en annulation introduits contre des actes de portée générale dans la mesure où il existait une disposition de droit supérieur imposant à leur auteur de tenir compte de la situation particulière de la partie requérante, l’existence de contrats conclus par un requérant et affectés par l’acte litigieux pouvant, en certains cas, caractériser une telle situation particulière (arrêts Commission/Nederlandse Antillen, point 96 supra, points 72 et 75, et Antillean Rice Mills e.a./Commission, point 89 supra, points 67 et 74).

117
Toutefois, la présente espèce se distingue de celles ayant donné lieu aux arrêts mentionnés, en ce qu’une telle obligation imposée par une disposition de droit supérieur n’existe pas en l’occurrence (arrêt Sociedade Agrícola dos Arinhos e.a./Commission, point 100 supra, point 51). À cet égard, il doit être observé que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/106 ne prévoit pas l’obligation pour la Commission de tenir compte de leur situation particulière ou de celle de l’État membre ayant soulevé une objection à l’encontre d’une norme harmonisée, mais se borne à indiquer la procédure applicable lorsqu’une telle objection a été soulevée.

118
Partant, les arguments des requérants tirés de l’existence de contrats en cours ne peuvent, en tout état de cause, être retenus aux fins d’individualiser la deuxième requérante.

119
Il en résulte que la deuxième requérante, en sa qualité d’utilisatrice importante de produits de construction, n’est pas individuellement concernée par la décision attaquée.

120
En second lieu, les requérants font valoir que la deuxième requérante est individuellement concernée par la décision attaquée en raison du rôle déterminant qu’elle a joué, en sa qualité de membre du service technique fédéral « Isolation thermique, calorifugeage, isolation acoustique et ignifugeante » de la troisième requérante, dans l’adoption, par la République fédérale d’Allemagne, de la décision de déposer une objection portant sur les normes contestées sur le fondement de l’article 5, paragraphe l, de la directive 89/106.

121
À cet égard, ainsi qu’il a déjà été jugé au point 100 ci-dessus, il doit être rappelé que le fait pour une personne d’intervenir, d’une manière ou d’une autre, dans le processus menant à l’adoption d’un acte communautaire n’est de nature à individualiser cette personne par rapport à l’acte en question que lorsque certaines garanties de procédure ont été prévues pour cette personne par la réglementation communautaire applicable.

122
Or, en l’espèce, la directive 89/106 ne prévoit nullement que la Commission, avant d’adopter une décision fondée sur l’article 5, paragraphe l, de ladite directive, doit respecter une procédure dans le cadre de laquelle des entreprises comme la deuxième requérante ou les associations nationales compétentes en matière de normalisation auraient le droit de faire valoir d’éventuels droits ou même d’être entendues.

123
En effet, ainsi qu’il a déjà été constaté au point 101 ci-dessus, les garanties prévues par l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/106 existent uniquement au bénéfice du CEN et du comité permanent de la construction, et non au bénéfice d’entreprises individuelles ou d’associations nationales.

124
Partant, la deuxième requérante ne saurait être considérée comme étant individuellement concernée par la décision attaquée en sa qualité de membre du service technique fédéral « Isolation thermique, calorifugeage, isolation acoustique et ignifugeante » de la troisième requérante.

125
Par conséquent, il doit être conclu que la deuxième requérante n’est pas individuellement concernée par la décision attaquée au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

Sur la recevabilité du recours de la troisième requérante

126
Les requérants ont soutenu, en ce qui concerne le caractère individuellement concerné de la troisième requérante, que celle-ci représentait l’industrie de la construction en Allemagne et que sa qualité pour agir contre la décision attaquée découlait, d’une part, de la qualité pour agir de la deuxième requérante, l’un de ses membres, et, d’autre part, de sa participation à la procédure ayant mené à l’adoption de la décision attaquée, par l’intermédiaire du premier requérant.

127
S’agissant, en premier lieu, de la qualité pour agir de la troisième requérante en raison de la propre qualité pour agir de ses membres, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une association constituée pour promouvoir les intérêts collectifs d’une catégorie de justiciables ne saurait être considérée comme étant individuellement concernée, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, par un acte affectant les intérêts généraux de cette catégorie et, par conséquent, n’est pas recevable à introduire un recours en annulation au nom de ses membres lorsque ceux-ci ne sauraient le faire à titre individuel (arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Greenpeace e.a./Commission, C-321/95 P, Rec. p. I-1651, points 14 et 29 ; arrêt du Tribunal du 6 juillet 1995, AITEC e.a./Commission, T-447/93 à T‑449/93, Rec. p. II-1971, point 62 ; ordonnances du Tribunal du 24 janvier 2001, Iberotam e.a./Commission, T-112/00 et T-122/00, Rec. p. II‑97, point 74, et du 14 janvier 2002, Association contre l’heure d’été/Parlement et Conseil, T-84/01, Rec. p. II-99, point 25).

128
Or, à cet égard, il convient de rappeler qu’il n’existe pas, ainsi qu’il a été constaté au point 125 ci-dessus, d’éléments permettant de conclure à la recevabilité du recours de la deuxième requérante.

129
Par ailleurs, les requérants n’ont pas non plus fait état d’éléments permettant de considérer que d’autres membres de la troisième requérante seraient, pour leur part, individuellement concernés par la décision attaquée.

130
Il y a donc lieu de conclure que la troisième requérante ne peut utilement soutenir qu’elle est individuellement concernée par la décision attaquée compte tenu du fait que ses membres seraient eux-mêmes recevables à introduire un recours en annulation contre ladite décision.

131
S’agissant, en second lieu, de la participation de la troisième requérante au processus d’élaboration de la décision attaquée, il est vrai que l’existence de circonstances particulières, telles que le rôle joué par une association dans le cadre d’une procédure ayant conduit à l’adoption d’un acte au sens de l’article 230 CE, peut justifier la recevabilité d’un recours introduit par une association dont les membres ne sont pas directement et individuellement concernés par l’acte litigieux, notamment lorsque la position de négociatrice de cette association a été affectée par ce dernier (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 2 février 1988, Van der Kooy e.a./Commission, 67/85, 68/85 et 70/85, Rec. p. 219, points 21 à 24, et du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, Rec. p. I-1125, points 28 à 30).

132
Il ressort de la jurisprudence que, dans de telles circonstances, une association qui n’est pas destinataire de l’acte attaqué dispose d’un intérêt propre à introduire un recours en annulation contre un tel acte, même si ses membres ne sauraient le faire à titre individuel (arrêt du Tribunal du 13 décembre 1995, Exporteurs in Levende Varkens e.a./Commission, T-481/93 et T-484/93, Rec. p. II-2941, point 64 ; ordonnances Iberotam e.a./Commission, point 127 supra, point 75, et Association contre l’heure d’été/Parlement et Conseil, point 127 supra, point 25).

133
Dans ces circonstances, il y a lieu de vérifier si la participation alléguée de la troisième requérante, par l’intermédiaire du premier requérant, à la préparation de l’objection déposée par la République fédérale d’Allemagne constitue une circonstance particulière susceptible de conférer à cette association une qualité propre pour agir en tant qu’association professionnelle représentant les intérêts de ses membres, au sens de la jurisprudence citée.

134
À cet égard, ainsi qu’il a déjà été jugé aux points 122 et 123 ci-dessus, il convient de constater que la directive 89/106 ne prévoit nullement que la Commission, avant d’adopter une décision fondée sur l’article 5, paragraphe 1, de ladite directive doit suivre une procédure dans le cadre de laquelle des associations nationales comme la troisième requérante auraient le droit de faire valoir d’éventuels droits ou même d’être entendues.

135
Dans ces conditions, la troisième requérante ne saurait faire valoir l’existence d’un intérêt individuel propre et distinct de celui de ses membres pour justifier sa qualité pour agir.

136
À cet égard, il convient d’ajouter que la lettre envoyée par la troisième requérante, par l’intermédiaire du premier requérant, à la Commission en date du 28 novembre 2002 n’a été adressée qu’à titre d’information, eu égard au fait que la Commission n’était obligée ni de consulter ni d’entendre la troisième requérante dans le cadre de la procédure prévue par l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/106 (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 9 août 1995, Greenpeace e.a./Commission, T‑585/93, Rec. p. II‑2205, point 63).

137
Par ailleurs, les requérants ne sauraient soutenir, ainsi qu’ils le font dans leurs écrits, que, dans l’arrêt Van der Kooy e.a./Commission, point 131 supra, pour admettre la recevabilité de l’association requérante, la Cour s’est fondée sur le simple rôle d’interlocuteur d’un groupe d’intérêts constitué en association qui avait soumis des observations écrites à la Commission en se maintenant en contact étroit avec celle-ci tout au long de la procédure. En effet, dans cet arrêt, la Cour a également, et surtout, souligné, au point 23, d’une part, que l’association requérante figurait parmi les signataires de l’accord ayant établi le tarif préférentiel contesté par la Commission dans l’acte attaqué au regard des règles communautaires relatives aux aides d’État et, d’autre part, que, à ce titre, cette association avait été obligée, pour mettre à exécution ledit acte, d’entamer de nouvelles négociations tarifaires avec l’opérateur concerné et de conclure un nouvel accord. Force est de constater que de telles circonstances font défaut en l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 11 février 1999, Arbeitsgemeinschaft Deutscher Luftfahrt‑Unternehmen et Hapag-Lloyd/Commission, T-86/96, Rec. p. II‑179, point 62).

138
De même, la situation de la troisième requérante ne saurait être comparée à celle de l’association requérante dans l’arrêt CIRFS e.a./Commission, point 131 supra. Certes, il apparaît que la troisième requérante, et ceci n’est pas contesté, est membre, d’une part, de comités nationaux en matière de normalisation, et participe de ce fait aux travaux du CEN/TC 88, et, d’autre part, du comité préparatoire allemand à l’harmonisation communautaire au sein duquel le ministère allemand compétent détermine, au niveau national, la position qu’elle défendra au sein du comité permanent de la construction. Toutefois, une telle participation indirecte d’une association nationale à la procédure communautaire d’élaboration des normes harmonisées ne présente qu’un lien ténu avec l’objet de la décision attaquée. Elle ne saurait en aucun cas être assimilée à la situation d’une association réunissant les principaux producteurs internationaux du secteur économique en cause qui, comme dans l’arrêt CIRFS e.a./Commission, point 131 supra, occupait une position de négociatrice clairement circonscrite et intimement liée à l’objet même de la décision, la mettant dans une situation de fait qui la caractérisait par rapport à toute autre personne (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 23 mai 2000, Comité d’entreprise de la Société française de production e.a./Commission, C‑106/98 P, Rec. p. I‑3659, points 45 et 53 ; arrêt Arbeitsgemeinschaft Deutscher Luftfahrt-Unternehmen et Hapag-Lloyd/Commission, point 137 supra, point 63). À cet égard, il doit être souligné que, en tout état de cause, les requérants n’ont apporté aucun élément de nature à distinguer la troisième requérante des associations nationales d’autres États membres participant de la même manière à la procédure communautaire d’élaboration des normes harmonisées (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 17 juin 1998, UEAPME/Conseil, T‑135/96, Rec. p. II‑2335, point 111).

139
C’est dès lors à tort que les requérants font valoir que la troisième requérante dispose, dans le cadre de la procédure d’application de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/106, d’une position, vis-à-vis de la Commission, de négociatrice ou d’interlocutrice qui serait affectée par la décision attaquée au sens de la jurisprudence précitée.

140
Cette conclusion n’est pas affectée par le prétendu rôle de négociateur ou d’interlocuteur qu’aurait tenu le premier requérant en raison du fait que ce dernier, qui est président du CEN/TC 88, aurait participé à la préparation de l’objection déposée par la République fédérale d’Allemagne en application de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/106, en sa double qualité de membre du groupe ad hoc du comité permanent de la construction et de gérant de la troisième requérante.

141
En effet, une telle circonstance, à la supposer établie, n’est nullement de nature à établir que la troisième requérante dispose, en tant qu’association, d’un intérêt propre à introduire un recours en annulation sur le fondement de l’article 230, quatrième alinéa, CE. À cet égard, contrairement à ce que les requérants suggèrent, il convient d’observer que, dans les arrêts Van der Kooy e.a./Commission, point 131 supra (points 21 à 24), et CIRFS e.a./Commission, point 131 supra (points 29 et 30), la Cour, pour conclure à la recevabilité du recours des associations concernées, s’est fondée sur la qualité de négociatrice desdites associations et non sur le rôle individuel de l’un de leurs membres.

142
Par ailleurs, il convient de rappeler qu’il a déjà été constaté au point 101 ci-dessus que les garanties prévues par l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/106 existent uniquement au bénéfice du CEN et du comité permanent de la construction, et non au bénéfice de leurs membres ou de leur président à titre personnel.

143
Partant, la troisième requérante ne saurait être considérée comme étant individuellement concernée par la décision attaquée au titre de sa participation à la préparation à l’objection déposée par la République fédérale d’Allemagne en application de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/106.

144
Par conséquent, il doit être conclu que la troisième requérante n’est pas individuellement concernée par la décision attaquée au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE. Il s’ensuit que, de ce fait, le premier requérant ne saurait être individuellement concerné par ladite décision en sa qualité de gérant de la troisième requérante.

145
Il résulte de ce qui précède qu’aucun des requérants ne saurait être considéré comme recevable à introduire le présent recours en annulation au sens de la jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal.

146
Il convient toutefois encore d’examiner si, comme le soutiennent les requérants, cette conclusion est susceptible d’être remise en cause, d’une part, par le caractère manifestement fondé du recours et, d’autre part, par l’exigence d’une protection juridictionnelle effective.

147
S’agissant, en premier lieu, du caractère manifestement fondé du recours, les requérants soutiennent, en substance, que, eu égard à l’illégalité patente de la décision attaquée, l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission constitue un abus de droit.

148
À cet égard, il suffit de constater que l’argument selon lequel le présent recours est manifestement fondé est dépourvu de toute pertinence dans le cadre de l’examen de la recevabilité du recours. En effet, l’examen du fond du recours n’a aucune incidence sur l’appréciation de l’affectation individuelle des requérants, la recevabilité d’un recours en annulation introduit par une personne physique ou morale et le contrôle de la légalité quant au fond de l’acte attaqué par un tel recours relevant d’un examen distinct effectué au regard, respectivement, de l’article 230, quatrième alinéa, CE et de l’article 230, deuxième alinéa, CE (voir, en ce sens, ordonnance du 29 avril 2002, Bactria/Commission, point 100 supra, point 53).

149
Par ailleurs, il convient de souligner que l’illégalité manifeste éventuelle de l’acte attaqué, à la supposer établie, ne saurait, au motif qu’en vertu de l’article 220 CE le Tribunal assure le respect du droit dans l’interprétation et l’application du traité CE, justifier une modification, par la voie d’une interprétation juridictionnelle, du système des voies de recours et des procédures établies par ledit traité. En aucun cas, une telle circonstance ne saurait permettre de déclarer recevable un recours en annulation formé par une personne physique ou morale qui ne satisfait pas aux conditions posées par l’article 230, quatrième alinéa, CE (voir, en ce sens, arrêts Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, point 72supra, point 44 ; ACAV e.a./Conseil, point 111 supra, point 68, et ordonnance du 29 avril 2002, Bactria/Commission, point 100 supra, point 54).

150
Partant, les arguments des requérants tirés du caractère manifestement fondé du recours doivent être rejetés.

151
S’agissant, en second lieu, de l’exigence d’une protection juridictionnelle effective, il convient de rappeler que la Cour a indiqué dans son arrêt Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, point 72 supra (point 40), que le traité CE, par ses articles 230 et 241, d’une part, et par son article 234, d’autre part, a établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à assurer le contrôle de la légalité des actes des institutions, en le confiant au juge communautaire. Dans ce système, des personnes physiques ou morales ne pouvant pas, en raison des conditions de recevabilité visées à l’article 230, quatrième alinéa, CE, attaquer directement des actes communautaires de portée générale ont la possibilité, selon les cas, de faire valoir l’invalidité de tels actes soit, de manière incidente en vertu de l’article 241 CE, devant le juge communautaire, soit devant les juridictions nationales, et d’amener celles-ci, qui ne sont pas compétentes pour constater elles‑mêmes l’invalidité desdits actes, à interroger à cet égard la Cour par voie de questions préjudicielles.

152
Ainsi, selon la Cour, il incombe aux États membres de prévoir un système complet de voies de recours et de procédures permettant d’assurer le respect du droit à une protection juridictionnelle effective (arrêt Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, point 72 supra, point 41).

153
Contrairement à ce que font valoir les requérants, il n’en résulte toutefois nullement que l’absence alléguée de voie de recours ouverte devant les juridictions nationales pourrait être retenue aux fins de déclarer un recours en annulation recevable devant les juridictions communautaires.

154
Bien au contraire, au point 43 de l’arrêt Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, point 72 supra, la Cour a jugé qu’une interprétation des règles de recevabilité énoncées à l’article 230 CE, selon laquelle le recours en annulation devrait être déclaré recevable lorsqu’il est démontré, après un examen concret par le juge communautaire des règles procédurales nationales, que celles-ci n’autorisent pas un particulier à introduire un recours en lui permettant de mettre en cause la validité de l’acte communautaire contesté, n’était pas admissible.

155
Selon la Cour, un recours direct en annulation devant le juge communautaire ne saurait être ouvert même s’il pouvait être démontré, après un examen concret par ce dernier des règles procédurales nationales, que celles-ci n’autorisent pas le particulier à introduire un recours lui permettant de mettre en cause la validité de l’acte communautaire contesté (ordonnance du 12 décembre 2003, Bactria/Commission, point 96 supra, point 58). En effet, un tel régime exigerait dans chaque cas concret que le juge communautaire examine et interprète le droit procédural national, ce qui excéderait sa compétence dans le cadre du contrôle de la légalité des actes communautaires (arrêt Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, point 72 supra, point 43).

156
En outre, en toute hypothèse, la Cour a clairement établi (arrêt Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, point 72 supra, point 44), s’agissant de la condition de l’intérêt individuel exigée par l’article 230, quatrième alinéa, CE, que, s’il est vrai que cette dernière doit être interprétée à la lumière du principe d’une protection juridictionnelle effective en tenant compte des diverses circonstances qui sont de nature à individualiser un requérant, une telle interprétation ne saurait aboutir à écarter la condition en cause, qui est expressément prévue par le traité, sans excéder les compétences attribuées par celui-ci aux juridictions communautaires.

157
L’absence éventuelle de recours, à la supposer établie, ne saurait donc justifier une modification, par la voie de l’interprétation juridictionnelle, du système des voies de recours et des procédures établies par le traité. En aucun cas, elle ne permet de déclarer recevable un recours formé par une personne physique ou morale qui ne satisfait pas aux conditions posées par l’article 230, quatrième alinéa, CE (ordonnance de la Cour du 1er février 2001, Area Cova e.a./Conseil et Commission, C-301/99 P, Rec. p. I‑1005, point 47, et la jurisprudence citée ; arrêt ACAV e.a./Conseil, point 111 supra, point 68 ; ordonnance du 29 avril 2002, Bactria/Commission, point 100 supra, point 54, et ordonnance Villiger Söhne/Conseil, point 89 supra, point 61).

158
Les requérants ne sauraient dès lors se prévaloir de ce que, si le recours en annulation devait être déclaré irrecevable, ils seraient privés de tout moyen d’action pour défendre leurs droits devant une juridiction, fait dont ils n’apportent au demeurant pas la preuve.

159
L’exigence d’une protection juridictionnelle effective n’est donc pas de nature à remettre en cause la conclusion selon laquelle le recours doit être rejeté comme irrecevable, les requérants n’étant pas individuellement concernés par l’acte attaqué.

160
Compte tenu de tout ce qui précède, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les requérants sont directement concernés par la décision attaquée, il y a lieu de rejeter leur recours comme irrecevable.

161
Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande en intervention de Fachvereinigung Mineralfaserindustrie.


Sur les dépens

162
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter les dépens de l’instance, y compris ceux afférents à la procédure en référé T-264/03 R, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)
Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)
Les requérants supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la défenderesse, y compris ceux afférents à la procédure en référé T-264/03 R.

Fait à Luxembourg, le

Le greffier

Le président

H. Jung

J. Azizi


1
Langue de procédure : l'allemand.