Affaire T-264/03
Jürgen Schmoldt e.a.
contre
Commission des Communautés européennes
« Recours en annulation – Délai de recours – Personnes physiques ou morales – Actes les concernant individuellement – Décision – Normes d'isolation thermique – Irrecevabilité »
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| Ordonnance du Tribunal (troisième chambre) du 25 mai 2004 |
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Sommaire de l'ordonnance
- 1.
- Recours en annulation – Compétence du juge communautaire – Conclusions tendant à obtenir une injonction adressée à une institution – Irrecevabilité
(Art. 230 CE et 233 CE)
- 2.
- Procédure – Requête introductive d’instance – Exigences de forme – Exposé sommaire des moyens invoqués
[Statut de la Cour de justice, art. 21, al. 1, et 53, al. 1 ; règlement de procédure du Tribunal, art. 44, § 1, c)]
- 3.
- Recours en annulation – Délais – Point de départ – Date de prise de connaissance de l’acte – Caractère subsidiaire – Publication constituant une pratique constante de l’institution – Condition non indispensable pour considérer la date de publication comme point de départ
(Art. 230, al. 5, CE)
- 4.
- Recours en annulation – Personnes physiques ou morales – Actes les concernant directement et individuellement – Décision relative à la publication de la référence de normes d’isolation thermique – Recours introduit par le président d’un comité – Irrecevabilité
(Art. 230, al. 4, CE ; directive du Conseil 89/106, art. 5, § 1 ; décision de la Commission 2003/312)
- 5.
- Recours en annulation – Personnes physiques ou morales – Actes les concernant directement et individuellement – Décision relative à la publication de la référence de normes d’isolation thermique – Obligation de tenir compte de la situation particulière du requérant en vertu d’une disposition de droit supérieur – Absence – Irrecevabilité
(Art. 230, al. 4, CE ; directive du Conseil 89/106, art. 5, § 1)
- 6.
- Recours en annulation – Personnes physiques ou morales – Actes les concernant directement et individuellement – Recours introduit par une association – Prétendu rôle de négociateur de l’association ou d’un de ses membres – Irrecevabilité
(Art. 230, al. 4, CE ; directive du Conseil 89/106, art. 5, § 1)
- 7.
- Recours en annulation – Personnes physiques ou morales – Actes les concernant directement et individuellement – Illégalité manifeste de l’acte attaqué – Absence d’incidence sur l’appréciation de l’affectation individuelle – Irrecevabilité
(Art. 220 CE et 230, al. 2 et 4, CE)
- 8.
- Recours en annulation – Personnes physiques ou morales – Actes les concernant directement et individuellement – Interprétation contra legem de la condition tenant à la nécessité d’être individuellement concernées – Inadmissibilité
(Art. 230, al. 4, CE)
- 1.
Il n’appartient pas au juge communautaire d’adresser des injonctions aux institutions dans le cadre du contrôle de légalité
qu’il exerce. Aux termes de l’article 233 CE, il incombe à l’institution dont émane l’acte annulé de prendre les mesures que
comporte l’exécution de l’arrêt prononçant ladite annulation.
(cf. point 42)
- 2.
Une énonciation abstraite, selon laquelle la communication critiquée « ne comporte ni base juridique, ni motivation », n’explicite
pas en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé et ne satisfait donc pas à l’exigence, prévue par l’article
21, premier alinéa, du statut de la Cour applicable à la procédure devant le Tribunal, en vertu de l’article 53, premier alinéa,
dudit statut, et par l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, selon laquelle la requête
introductive d’instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués.
(cf. point 43)
- 3.
Il découle du libellé de l’article 230, cinquième alinéa, CE que le critère de la date de prise de connaissance de l’acte
en tant que point de départ du délai de recours présente un caractère subsidiaire par rapport à ceux de la publication ou
de la notification de l’acte.
S’il est vrai que la circonstance selon laquelle la publication de l’acte, même si elle n’est pas une condition de son applicabilité,
relève d’une pratique constante de l’institution concernée a été prise en compte par la Cour et le Tribunal aux fins de conclure
que c’est la date de la publication qui fait courir le délai de recours, il ne saurait toutefois en être déduit que l’existence
d’une telle pratique constitue une condition indispensable pour que la publication d’un acte constitue le point de départ
du délai de recours. Au contraire, la publication de l’acte attaqué est une condition suffisante, l’existence d’une pratique
constante en la matière étant uniquement de nature à renforcer cette conclusion.
(cf. points 52, 58-59)
- 4.
Le fait que la décision 2003/312, relative à la publication de la référence des normes en matière de produits isolants thermiques,
géotextiles, installations fixes de lutte contre l’incendie et carreaux de plâtre conformément à la directive 89/106, a, par
sa nature et sa portée, un caractère général ne suffit pas en soi pour exclure la possibilité pour un particulier d’introduire
un recours en annulation contre celle-ci. Or, un acte de portée générale ne peut concerner individuellement des personnes
physiques ou morales que s’il les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de
fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle
dont le destinataire d’un acte le serait.
Cependant, le fait pour une personne d’intervenir, d’une manière ou d’une autre, dans le processus menant à l’adoption d’un
acte communautaire n’est de nature à individualiser cette personne par rapport à l’acte en question que lorsque certaines
garanties de procédure ont été prévues pour cette personne par la réglementation communautaire applicable. À cet égard, les
garanties prévues par l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/106, relative au rapprochement des dispositions législatives,
réglementaires et administratives des États membres concernant les produits de construction, telle que modifiée, existent
au bénéfice du Comité européen de normalisation et du comité permanent de la construction, et non au bénéfice de certains
de leurs membres ou de leur président à titre personnel. Même à supposer que le requérant puisse invoquer, à titre personnel,
de telles garanties procédurales, l’atteinte alléguée à la réputation dudit requérant qui aurait résulté de la violation de
ces garanties ne saurait, en tant que telle, être de nature à l’individualiser au sens de l’article 230, quatrième alinéa,
CE. En effet, les garanties prévues par l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/106 n’ont pas pour objet d’assurer la
protection de la réputation des membres des comités visés par cette disposition, en fussent-ils le président, mais uniquement
de rendre un avis sur la demande de retrait d’une norme harmonisée introduite par la Commission ou un État membre.
(cf. points 95-96, 100-101, 103)
- 5.
Il est vrai que la Cour et le Tribunal ont déclaré recevables des recours en annulation introduits contre des actes de portée
générale dans la mesure où il existait une disposition de droit supérieur imposant à leur auteur de tenir compte de la situation
particulière de la partie requérante, l’existence de contrats conclus par un requérant et affectés par l’acte litigieux pouvant,
en certains cas, caractériser une telle situation particulière. Or, l’article 5, paragraphe 1, de la directive 89/106, relative
au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant les produits
de construction, telle que modifiée, ne prévoit pas l’obligation pour la Commission de tenir compte de la situation particulière
des requérants ou de celle de l’État membre ayant soulevé une objection à l’encontre d’une norme harmonisée, mais se borne
à indiquer la procédure applicable lorsqu’une telle objection a été soulevée.
(cf. points 116-117)
- 6.
L’existence de circonstances particulières, telles que le rôle joué par une association dans le cadre d’une procédure ayant
conduit à l’adoption d’un acte au sens de l’article 230 CE, peut justifier la recevabilité d’un recours introduit par une
association dont les membres ne sont pas directement et individuellement concernés par l’acte litigieux, notamment lorsque
la position de négociatrice de cette association a été affectée par ce dernier.
À cet égard, la directive 89/106, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives
des États membres concernant les produits de construction, telle que modifiée, ne prévoit nullement que la Commission, avant
d’adopter une décision fondée sur l’article 5, paragraphe 1, de ladite directive, doit suivre une procédure dans le cadre
de laquelle des associations nationales comme la requérante auraient le droit de faire valoir d’éventuels droits ou même d’être
entendues. Cette conclusion n’est pas non plus affectée par le prétendu rôle de négociateur ou d’interlocuteur qu’aurait tenu
un autre requérant, membre de l’association requérante précédente, en participant à la procédure. Une telle circonstance,
à la supposer établie, n’est nullement de nature à établir que la requérante dispose, en tant qu’association, d’un intérêt
propre à introduire un recours en annulation sur le fondement de l’article 230, quatrième alinéa, CE. En effet, la recevabilité
du recours des associations concernées est fondée sur la qualité de négociatrice desdites associations et non sur le rôle
individuel de l’un de leurs membres.
(cf. points 131, 134, 140-141)
- 7.
L’examen du fond d’un recours n’a aucune incidence sur l’appréciation de l’affectation individuelle des requérants, la recevabilité
d’un recours en annulation introduit par une personne physique ou morale et le contrôle de la légalité quant au fond de l’acte
attaqué par un tel recours relevant d’un examen distinct effectué au regard, respectivement, de l’article 230, quatrième alinéa,
CE et de l’article 230, deuxième alinéa, CE.
Par ailleurs, l’illégalité manifeste éventuelle de l’acte attaqué, à la supposer établie, ne saurait, au motif qu’en vertu
de l’article 220 CE le Tribunal assure le respect du droit dans l’interprétation et l’application du traité, justifier une
modification, par la voie d’une interprétation juridictionnelle, du système des voies de recours et des procédures établies
par ledit traité. En aucun cas, une telle circonstance ne saurait permettre de déclarer recevable un recours en annulation
formé par une personne physique ou morale qui ne satisfait pas aux conditions posées par l’article 230, quatrième alinéa,
CE.
(cf. points 148-149)
- 8.
S’il est vrai que la condition de l’intérêt individuel exigée par l’article 230, quatrième alinéa, CE doit être interprétée
à la lumière du principe d’une protection juridictionnelle effective en tenant compte des diverses circonstances qui sont
de nature à individualiser un requérant, une telle interprétation ne saurait aboutir à écarter la condition en cause, qui
est expressément prévue par le traité, sans excéder les compétences attribuées par celui-ci aux juridictions communautaires.
L’absence éventuelle de recours, à la supposer établie, ne saurait donc justifier une modification, par la voie de l’interprétation
juridictionnelle, du système des voies de recours et des procédures établies par le traité. En aucun cas, elle ne permet de
déclarer recevable un recours formé par une personne physique ou morale qui ne satisfait pas aux conditions posées par l’article
230, quatrième alinéa, CE.
(cf. points 156-157)