ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

7 mars 2024 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Environnement – Convention d’Aarhus – Directive 2003/4/CE – Droit d’accès aux informations environnementales – Dérogations – Données relatives à la localisation des placettes-échantillons permanentes utilisées pour l’élaboration d’un inventaire forestier »

Dans l’affaire C‑234/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tallinna Halduskohus (tribunal administratif de Tallinn, Estonie), par décision du 4 avril 2022, parvenue à la Cour le 4 avril 2022, dans la procédure

Roheline Kogukond MTÜ,

Eesti Metsa Abiks MTÜ,

Päästame Eesti Metsad MTÜ,

Sihtasutus Keskkonnateabe Ühendus

contre

Keskkonnaagentuur,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. C. Lycourgos, président de chambre, Mme O. Spineanu‑Matei, MM. J.‑C. Bonichot (rapporteur), S. Rodin et Mme L. S. Rossi, juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour Roheline Kogukond MTÜ, Eesti Metsa Abiks MTÜ, Päästame Eesti Metsad MTÜ et Sihtasutus Keskkonnateabe Ühendus, par Mes I. Kukk et K. Marosov, vandeadvokaadid,

Pour la Keskkonnaagentuur, par Me M. Triipan, vandeadvokaat,

pour le gouvernement estonien, par Mme M. Kriisa, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par M. G. Gattinara et Mme E. Randvere, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 14 septembre 2023,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, point 1, sous a) et b), de l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous d), et paragraphe 2, premier alinéa, sous a), b) et h), et de l’article 8 de la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2003, concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement et abrogeant la directive 90/313/CEE du Conseil (JO 2003, L 41, p. 26).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Roheline Kogukond MTÜ, Eesti Metsa Abiks MTÜ, Päästame Eesti Metsad MTÜ et Sihtasutus Keskkonnateabe Ühendus à la Keskkonnaagentuur (agence pour l’environnement, Estonie) au sujet du refus de cette dernière de faire droit à leur demande d’accès à certaines données servant à l’élaboration de l’inventaire forestier statistique national.

Le cadre juridique

Le droit international

3

La convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 et approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005 (JO 2005, L 124, p. 1, ci-après la « convention d’Aarhus »), dispose, à son article 4 :

« 1.   Chaque partie fait en sorte que, sous réserve des paragraphes suivants du présent article, les autorités publiques mettent à la disposition du public, dans le cadre de leur législation nationale, les informations sur l’environnement qui leur sont demandées, y compris, si la demande leur en est faite et sous réserve du point b) ci-après, des copies des documents dans lesquels ces informations se trouvent effectivement consignées, que ces documents renferment ou non d’autres informations :

[...]

3.   Une demande d’informations sur l’environnement peut être refusée si :

[...]

c)

la demande porte sur des documents qui sont en cours d’élaboration ou concerne des communications internes des autorités publiques à condition que cette exception soit prévue par le droit interne ou la coutume, compte tenu de l’intérêt que la divulgation des informations demandées présenterait pour le public.

4.   Une demande d’informations sur l’environnement peut être rejetée au cas où la divulgation de ces informations aurait des incidences défavorables sur :

a)

le secret des délibérations des autorités publiques, lorsque ce secret est prévu par le droit interne ;

b)

les relations internationales, la défense nationale ou la sécurité publique ;

[...]

h)

le milieu sur lequel portent les informations, comme les sites de reproduction d’espèces rares.

Les motifs de rejet susmentionnés devront être interprétés de manière restrictive compte tenu de l’intérêt que la divulgation des informations demandées présenterait pour le public et selon que ces informations ont trait ou non aux émissions dans l’environnement.

[...] »

Le droit de l’Union

4

Aux termes des considérants 16, 20 et 21 de la directive 2003/4 :

« (16)

Le droit aux informations signifie que la divulgation des informations devrait être la règle générale et que les autorités publiques devraient être autorisées à opposer un refus à une demande d’informations environnementales dans quelques cas particuliers clairement définis. Les motifs de refus devraient être interprétés de façon restrictive, de manière à mettre en balance l’intérêt public servi par la divulgation et l’intérêt servi par le refus de divulguer. Les motifs de refus devraient être communiqués au demandeur dans le délai fixé par la présente directive.

[...]

(20)

Il convient que les autorités publiques s’efforcent de garantir que les informations environnementales collectées par elles ou pour leur compte soient intelligibles, précises et comparables. Dans la mesure où il s’agit d’un élément important pour l’évaluation de la qualité des informations fournies, le mode de collecte devrait aussi être divulgué sur demande.

(21)

Afin de sensibiliser davantage le public aux questions d’environnement et d’améliorer la protection de l’environnement, les autorités publiques devraient, lorsque cela est justifié, mettre à disposition et diffuser les informations relatives à l’environnement qui sont en rapport avec leurs fonctions, en particulier au moyen des technologies de télécommunication informatique et/ou des technologies électroniques lorsque celles-ci sont disponibles. »

5

Aux termes de l’article 1er de cette directive :

« La présente directive a pour objectifs :

a)

de garantir le droit d’accès aux informations environnementales détenues par les autorités publiques ou pour leur compte et de fixer les conditions de base et les modalités pratiques de son exercice, et

b)

de veiller à ce que les informations environnementales soient d’office rendues progressivement disponibles et diffusées auprès du public afin de parvenir à une mise à disposition et une diffusion systématiques aussi larges que possible des informations environnementales auprès du public. À cette fin, il convient de promouvoir l’utilisation, entre autres, des technologies de télécommunication informatique et/ou des technologies électroniques, lorsqu’elles sont disponibles. »

6

L’article 2 de ladite directive, intitulé « Définitions », dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

1)

“information environnementale”: toute information disponible sous forme écrite, visuelle, sonore, électronique ou toute autre forme matérielle, concernant :

a)

l’état des éléments de l’environnement, tels que l’air et l’atmosphère, l’eau, le sol, les terres, les paysages et les sites naturels, y compris les biotopes humides, les zones côtières et marines, la diversité biologique et ses composantes, y compris les organismes génétiquement modifiés, ainsi que l’interaction entre ces éléments ;

b)

des facteurs, tels que les substances, l’énergie, le bruit, les rayonnements ou les déchets, y compris les déchets radioactifs, les émissions, les déversements et autres rejets dans l’environnement, qui ont ou sont susceptibles d’avoir des incidences sur les éléments de l’environnement visés au point a) ;

[...] »

7

L’article 4 de la même directive, intitulé « Dérogations », est libellé comme suit :

« 1.   Les États membres peuvent prévoir qu’une demande d’information environnementale peut être rejetée dans les cas où :

[...]

d)

la demande concerne des documents en cours d’élaboration ou des documents et données inachevés ;

[...]

2.   Les États membres peuvent prévoir qu’une demande d’informations environnementales peut être rejetée lorsque la divulgation des informations porterait atteinte :

a)

à la confidentialité des délibérations des autorités publiques, lorsque cette confidentialité est prévue en droit ;

b)

aux relations internationales, à la sécurité publique ou à la défense nationale ;

[...]

h)

à la protection de l’environnement auquel se rapportent ces informations, telles que la localisation d’espèces rares.

Les motifs de refus visés aux paragraphes 1 et 2 sont interprétés de manière restrictive, en tenant compte dans le cas d’espèce de l’intérêt que présenterait pour le public la divulgation de l’information. Dans chaque cas particulier, l’intérêt public servi par la divulgation est mis en balance avec l’intérêt servi par le refus de divulguer. Les États membres ne peuvent, en vertu du paragraphe 2, points a), d), f), g) et h), prévoir qu’une demande soit rejetée lorsqu’elle concerne des informations relatives à des émissions dans l’environnement.

[...] »

8

Aux termes de l’article 8 de la directive 2003/4, intitulé « Qualité des informations environnementales » :

« 1.   Les États membres veillent à ce que, dans la mesure où cela leur est possible, toute information compilée par eux ou pour leur compte soit à jour, précise et comparable.

2.   Sur demande, les autorités publiques répondent aux demandes d’informations visées à l’article 2, point 1[, sous] b), en indiquant, le cas échéant, l’endroit où les indications concernant les procédés de mesure, y compris les procédés d’analyse, de prélèvement et de préparation des échantillons, utilisés pour la compilation des informations, peuvent être trouvées ou en faisant référence à une procédure standardisée. »

Le droit estonien

9

L’article 34, paragraphe 1, de la riikliku statistika seadus (loi sur les statistiques nationales), du 10 juin 2010, prévoit que les données qui permettent l’identification directe ou indirecte d’une unité statistique et, par ce moyen, la divulgation de données à caractère personnel sont des données confidentielles.

10

L’article 35, paragraphe 1, points 3 et 19, et paragraphe 2, point 2, de l’avaliku teabe seadus (loi sur l’information publique), du 15 novembre 2000, dispose :

« (1)   Le détenteur de l’information est tenu de reconnaître comme étant des informations réservées à un usage interne :

[...]

3)

les informations dont la divulgation porterait atteinte aux relations internationales ;

[...]

19)

autres informations prévues dans la loi.

(2)   La personne qui se trouve à la tête d’une autorité publique ou d’une collectivité territoriale, ou d’une personne morale de droit public, peut qualifier d’informations à usage interne :

[...]

2)

un projet de document et les documents qui l’accompagnent, avant leur adoption ou leur signature ».

11

La directive 2003/4 a été transposée en droit estonien par la keskkonnaseadustiku üldosa seadus (loi portant partie générale du code de l’environnement), du 16 février 2011.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

12

Les requérantes au principal, qui sont quatre associations à but non lucratif agissant dans le domaine de la protection de l’environnement en Estonie, ont demandé à l’agence pour l’environnement de leur communiquer les données relatives aux placettes-échantillons permanentes servant à l’élaboration de l’inventaire forestier statistique national, y compris leurs coordonnées de localisation, faisant valoir, en substance, que, sans ces dernières, les mesures effectuées à partir de ces placettes-échantillons ne pourraient être correctement interprétées ni permettre de tirer aucune conclusion quant à l’état de la forêt.

13

L’agence pour l’environnement a fait partiellement droit à cette demande, mais n’a pas communiqué aux associations requérantes au principal les données de localisation des placettes-échantillons permanentes, ces données étant, selon elle, soumises à des restrictions d’accès en vertu de l’article 34, paragraphe 1, de la loi sur les statistiques nationales et de l’article 35, paragraphe 1, point 3, et paragraphe 2, point 2, de la loi sur l’information publique. Elle a maintenu le refus de divulguer ces données de localisation après que l’Andmekaitseinspektsioon (autorité en charge de la protection des données, Estonie) lui a enjoint, le 7 décembre 2020, de réexaminer cette demande et de permettre aux requérantes au principal d’accéder aux informations demandées.

14

Le 19 avril 2021, les requérantes au principal ont formé un recours contre le refus de l’agence pour l’environnement de divulguer les données de localisation litigieuses devant le Tallinna Halduskohus (tribunal administratif de Tallin, Estonie), la juridiction de renvoi, afin qu’il soit enjoint à cette agence de leur communiquer ces données.

15

La juridiction de renvoi indique que, d’une part, l’agence pour l’environnement soutient que la divulgation desdites données affecterait la fiabilité de l’inventaire forestier statistique national et nuirait, par conséquent, à la capacité de la République d’Estonie de produire des statistiques fiables et reconnues au niveau international. D’autre part, les requérantes au principal invoquent l’impossibilité de s’assurer de la fiabilité de ces statistiques en l’absence de publication des mêmes données. Cette juridiction relève que l’accès aux informations environnementales est régi par la directive 2003/4 et la convention d’Aarhus, qui est revêtue de la force obligatoire, de sorte qu’une interprétation du droit de l’Union est nécessaire pour statuer sur le recours dont elle est saisie.

16

Dans ces conditions, le Tallinna Halduskohus (tribunal administratif de Tallin) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Des données telles que les données relatives à la localisation des placettes-échantillons permanentes de l’inventaire forestier statistique, en cause au principal, peuvent-elles être considérées comme étant des informations environnementales au sens de l’article 2, [point] 1, sous a) ou b), de la directive [2003/4] ?

2)

S’il résulte de la réponse donnée à la première question que ces données sont des informations environnementales,

a)

L’article 4, paragraphe 1, [premier alinéa,] sous d), de la directive [2003/4] doit-il être interprété en ce sens que les données relatives à la localisation des placettes-échantillons permanentes de l’inventaire forestier statistique sont des documents en cours d’élaboration ou des documents et données inachevés ?

b)

L’article 4, paragraphe 2, [premier alinéa,] sous a), de la directive [2003/4] doit-il être interprété en ce sens que la condition d’application de cette disposition – à savoir que la confidentialité soit prévue en droit – est remplie si l’exigence de confidentialité n’est pas prévue en droit pour un type particulier d’information, mais peut être déduite par interprétation des dispositions d’un acte juridique à caractère général, telle que la loi sur l’information publique ou la loi sur les statistiques nationales ?

c)

Dans le cadre de l’application de l’article 4, paragraphe 2, [premier alinéa,] sous b), de la directive [2003/4], est-il nécessaire d’établir une atteinte réelle aux relations internationales de l’État, rendue possible par la publication de l’information demandée, ou la constatation d’un risque en ce sens est-elle suffisante ?

d)

Le motif de refus prévu à l’article 4, paragraphe 2, [premier alinéa,] sous h), de la directive [2003/4] à des fins de “protection de l’environnement” justifie-t-il une restriction de l’accès à l’information environnementale ayant pour objectif de garantir la fiabilité des statistiques nationales ?

3)

S’il résulte de la réponse donnée à la première question que des données telles que les données relatives à la localisation des placettes-échantillons permanentes de l’inventaire forestier statistique, en cause au principal, ne sont pas des informations environnementales, convient-il de considérer une demande d’information concernant de telles données comme étant une demande d’information au sens de l’article 2, [point] 1, sous b), de la directive [2003/4], qu’il convient de traiter conformément à l’article 8, paragraphe 2 ?

4)

En cas de réponse positive à la troisième question, des données telles que les données relatives à la localisation des placettes‑échantillons permanentes de l’inventaire forestier statistique, en cause au principal, doivent-elles être considérées comme étant des indications concernant les procédés d’analyse, de prélèvement et de préparation des échantillons utilisés pour la compilation des informations, au sens de l’article 8, paragraphe 2, de la directive [2003/4] ?

5) a)

En cas de réponse positive à la quatrième question, l’accès à de telles informations, tel que prévu à l’article 8, paragraphe 2, de la directive [2003/4], peut-il être limité pour tout motif important résultant du droit national ?

b)

L’absence de communication d’une information environnementale visée à l’article 8, paragraphe 2, de la directive [2003/4] peut-elle être atténuée par d’autres mesures, par exemple en permettant à des organismes de recherche ou développement, ou, à des fins d’audit, à la Riigikontroll (Cour des comptes[, Estonie]), d’avoir accès à l’information demandée ?

6)

Le refus de communiquer les données relatives à la localisation des placettes-échantillons permanentes de l’inventaire forestier statistique, en cause au principal, peut-il être fondé sur l’objectif de garantir la qualité de l’information environnementale, tel que défini à l’article 8, paragraphe 1, de la directive [2003/4] ?

7)

Une base juridique pour la communication des données relatives à la localisation des placettes-échantillons permanentes de l’inventaire forestier statistique découle-t-elle du considérant 21 de la directive [2003/4] ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

17

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour si l’article 2, point 1, sous a) ou b), de la directive 2003/4 doit être interprété en ce sens que les coordonnées de localisation de placettes-échantillons permanentes servant à l’élaboration d’un inventaire forestier statistique national constituent des informations environnementales au sens de l’une ou l’autre de ces dispositions.

18

Aux termes de l’article 2, point 1, sous a), de la directive 2003/4, constituent des informations environnementales toutes les informations relatives à « l’état des éléments de l’environnement, tels que l’air et l’atmosphère, l’eau, le sol, les terres, les paysages et les sites naturels, [...] la diversité biologique et ses composantes [...] ainsi que l’interaction entre ces éléments ».

19

Il ressort de la décision de renvoi que les placettes-échantillons permanentes, dont les coordonnées de localisation sont demandées par les requérantes au principal, sont des unités d’échantillonnage servant au recueil périodique de données en vue d’établir, par extrapolation, des rapports statistiques sur les peuplements forestiers en Estonie ainsi que sur l’affectation des sols et leur évolution. Ces placettes-échantillons sont situées sur les côtés de parcelles carrées d’une superficie de 64 hectares, choisies pour leur caractère représentatif de l’état de la forêt et des sols.

20

Ainsi que cela a été indiqué par les parties intéressées ayant présenté des observations dans le cadre de la présente procédure, il y a lieu de relever que les données recueillies à partir des placettes-échantillons permanentes constituent des informations environnementales au sens de l’article 2, point 1, sous a), de la directive 2003/4, en ce qu’elles sont relatives à l’état de l’environnement et, plus particulièrement, à l’état du sol, des sites naturels et de la diversité biologique, au sens de cette disposition.

21

Contrairement à ce que soutiennent le gouvernement estonien et l’agence pour l’environnement, il en va de même des coordonnées de localisation de ces placettes-échantillons permanentes, qui sont indispensables à l’interprétation des données collectées à partir de ces placettes-échantillons et sont, par conséquent, indissociables de ces dernières.

22

Dès lors qu’elles constituent des informations environnementales au sens de l’article 2, point 1, sous a), de la directive 2003/4, ces coordonnées de localisation ne sauraient en revanche être regardées comme relevant également de l’article 2, point 1, sous b), de cette directive, qui concerne les facteurs ayant ou étant susceptibles d’avoir des incidences sur les éléments de l’environnement visés à cet article 2, point 1, sous a), ces deux dispositions étant exclusives l’une de l’autre.

23

Il résulte de ce qui précède qu’il convient de répondre à la première question que l’article 2, point 1, sous a), de la directive 2003/4 doit être interprété en ce sens que les coordonnées de localisation de placettes‑échantillons permanentes servant au recueil périodique de données en vue de l’élaboration d’un inventaire forestier statistique national constituent, avec les données collectées à partir de ces placettes-échantillons, dont elles sont indissociables, des informations environnementales au sens de cette disposition.

Sur la deuxième question

24

Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour si l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous d), et paragraphe 2, premier alinéa, sous a), b) et h), de la directive 2003/4 doit être interprété en ce sens qu’une autorité administrative peut, sur le fondement de l’une ou l’autre des dérogations prévues à cette disposition, refuser de divulguer au public les coordonnées de localisation de placettes-échantillons permanentes servant à l’élaboration d’un inventaire forestier statistique national.

25

La Commission européenne soutient que les interrogations formulées dans le cadre de la deuxième question sont irrecevables en tant qu’elles concernent l’interprétation des dérogations prévues à l’article 4, paragraphe 2, premier alinéa, sous a) et b), de la directive 2003/4, relatives aux informations environnementales dont la divulgation porterait atteinte, respectivement, à la confidentialité des délibérations des autorités publiques et aux relations internationales des États membres.

26

En vertu d’une jurisprudence constante, les demandes préjudicielles adressées à la Cour bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de droit ou de fait nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, en ce sens, arrêt du 24 juillet 2023, Lin, C‑107/23 PPU, EU:C:2023:606, point 62 ainsi que jurisprudence citée).

27

Il convient également de rappeler que, lorsqu’il n’apparaît pas de manière manifeste que l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, l’objection tirée de l’inapplicabilité de cette disposition à l’affaire au principal n’a pas trait à la recevabilité de la demande de décision préjudicielle, mais relève du fond des questions soulevées (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2023, BMW Bank e.a., C-38/21, C-47/21 et C-232/21, EU:C:2023:1014, point 114 ainsi que jurisprudence citée).

28

Il ressort de la demande de décision préjudicielle que le litige au principal porte sur le refus d’accès opposé à plusieurs associations agissant dans le domaine de la protection de l’environnement aux coordonnées de localisation des placettes-échantillons permanentes servant au recueil de données pour l’élaboration d’un inventaire forestier statistique national en Estonie, et que, à l’occasion de ce litige, est notamment débattue la portée de plusieurs des dérogations au droit d’accès aux informations environnementales prévu par la directive 2003/4.

29

Dans ce contexte, le fait que les coordonnées de localisation dont la communication est en litige au principal ne relèvent manifestement pas, selon la Commission, des dérogations prévues à l’article 4, paragraphe 2, premier alinéa, sous a) et b), de la directive 2003/4 n’est pas de nature à renverser la présomption de pertinence dont bénéficie la question posée, mais se rapporte à l’analyse du bien-fondé des arguments en présence.

30

Il s’ensuit que la deuxième question est recevable dans son ensemble.

31

S’agissant de la réponse à apporter à cette question, il convient de rappeler à titre liminaire que, en adoptant la directive 2003/4, le législateur a entendu assurer la compatibilité du droit de l’Union avec la convention d’Aarhus en prévoyant un régime général tendant à garantir que tout demandeur, au sens de l’article 2, point 5, de cette directive, ait un droit d’accès aux informations environnementales détenues par les autorités publiques ou pour le compte de celles-ci sans qu’il soit obligé de faire valoir un intérêt [voir, en ce sens, arrêts du 14 février 2012, Flachglas Torgau, C‑204/09, EU:C:2012:71, point 31, et du 20 janvier 2021, Land Baden-Württemberg (Communications internes), C‑619/19, EU:C:2021:35, point 28].

32

L’article 1er de la directive 2003/4 précise, en particulier, qu’elle vise à garantir le droit d’accès aux informations environnementales détenues par les autorités publiques et à ce que ces informations soient d’office rendues progressivement disponibles et diffusées auprès du public (arrêt du 14 février 2012, Flachglas Torgau, C‑204/09, EU:C:2012:71, point 39).

33

Le législateur de l’Union a cependant prévu que les États membres peuvent instaurer des dérogations au droit d’accès aux informations environnementales dans les cas limitativement énumérés à l’article 4 de cette directive, comme en témoigne le considérant 16 de cette dernière. Dans la mesure où de telles dérogations ont été effectivement transposées en droit national, il est loisible aux autorités publiques de les invoquer afin de refuser l’accès à certaines de ces informations [voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2021, Land Baden-Württemberg (Communications internes), C‑619/19, EU:C:2021:35, point 31].

34

Ainsi qu’il ressort de l’économie de la directive 2003/4 et, notamment, de son article 4, paragraphe 2, deuxième alinéa, le droit aux informations signifie que la divulgation des informations devrait être la règle générale et que les autorités publiques ne devraient être autorisées à opposer un refus à une demande d’informations environnementales que dans quelques cas particuliers clairement définis. Les dérogations au droit d’accès doivent, par conséquent, faire l’objet d’une interprétation restrictive et l’intérêt public servi par la divulgation doit, dans chaque cas particulier, être mis en balance avec l’intérêt servi par le refus de divulguer, sauf dans les situations prévues à l’article 4, paragraphe 2, deuxième alinéa, troisième phrase, de la directive 2003/4 concernant les informations relatives à des émissions dans l’environnement [voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2021, Land Baden-Württemberg (Communications internes), C‑619/19, EU:C:2021:35, point 33 et jurisprudence citée].

35

La mise en œuvre des dérogations prévues à l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive 2003/4 suppose, par ailleurs, que la divulgation au public des informations demandées soit de nature à porter concrètement et effectivement atteinte aux intérêts protégés par cette directive, le risque d’une telle atteinte devant être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique [voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2021, Land Baden-Württemberg (Communications internes), C‑619/19, EU:C:2021:35, point 69].

36

C’est à l’aune de ces considérations qu’il convient de répondre à la question posée, divisée en quatre sous-questions.

37

La juridiction de renvoi s’interroge, en premier lieu, sur le point de savoir si la divulgation des coordonnées de localisation des placettes‑échantillons permanentes servant au recueil périodique de données en vue de l’élaboration d’un inventaire forestier statistique national peut être refusée sur le fondement de l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous d), de la directive 2003/4, qui permet aux États membres de rejeter une demande d’informations environnementales visant des documents en cours d’élaboration ou des documents et des données inachevés.

38

Bien que les notions de « documents en cours d’élaboration » et de « documents et données inachevés » ne soient pas définies par cette directive, il ressort des explications relatives à l’article 4 de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l’accès du public à l’information environnementale, présentée par la Commission le 29 juin 2000 [COM(2000) 402 final] (JO 2000, C 337 E, p. 156), que cette dérogation vise à répondre au besoin des autorités publiques de disposer d’un espace protégé afin de poursuivre des réflexions et de mener des débats internes [voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2021, Land Baden-Württemberg (Communications internes), C‑619/19, EU:C:2021:35, point 44]. La Cour a par ailleurs jugé que, à la différence du motif de refus d’accès prévu à l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous e), de la directive 2003/4 relatif aux communications internes, celui prévu à l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous d), de cette directive se rapporte à l’élaboration ou à la rédaction de documents et revêt, par suite, un caractère temporaire [voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2021, Land Baden-Württemberg (Communications internes), C‑619/19, EU:C:2021:35, point 56].

39

Cette interprétation est corroborée par celle de l’article 4, paragraphe 3, sous c), de la convention d’Aarhus, qui prévoit une dérogation au droit d’accès aux informations environnementales s’agissant des documents en cours d’élaboration, et par les explications figurant dans le document intitulé « La convention d’Aarhus, guide d’application » (deuxième édition, 2014) publié par la Commission économique pour l’Europe de l’Organisation des Nations unies, qui, bien que dépourvu de valeur normative, fait partie des éléments pouvant guider l’interprétation de cette convention (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2012, Solvay e.a., C‑182/10, EU:C:2012:82, point 27).

40

Or, les coordonnées de localisation de placettes-échantillons permanentes ayant servi au recueil de données en vue de l’élaboration d’un inventaire forestier statistique national ne peuvent être regardées comme des documents en cours d’élaboration ou comme des documents et données inachevés dès lors qu’elles se rapportent à l’état de la forêt à une date donnée.

41

La circonstance que, pour mesurer l’évolution de l’état des ressources forestières et des sols, ces placettes-échantillons soient utilisées pour l’élaboration d’inventaires forestiers statistiques successifs ou pour d’autres rapports ne remet pas en cause cette conclusion. L’interprétation contraire reviendrait à permettre l’application sans limitation dans le temps de la dérogation prévue à l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous d), de la directive 2003/4, alors que cette dernière revêt, ainsi qu’il a été rappelé ci-dessus, un caractère temporaire.

42

En ce qui concerne, en deuxième lieu, le motif de refus d’accès tenant à la préservation de la confidentialité des délibérations des autorités publiques, prévu à l’article 4, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la directive 2003/4, la juridiction de renvoi demande si la condition selon laquelle cette confidentialité doit être prévue en droit est remplie lorsque cette confidentialité résulte non pas de dispositions spécifiques, mais d’un acte à caractère général, tel qu’une loi sur l’information publique ou une loi sur les statistiques.

43

Il ressort de la demande de décision préjudicielle que, ce faisant, cette juridiction part de la prémisse selon laquelle ce motif de refus pourrait s’appliquer à des informations telles que les coordonnées de localisation de placettes-échantillons permanentes servant au recueil de données en vue de l’élaboration d’un inventaire forestier statistique national.

44

Or, à cet égard, il convient de rappeler que le terme « délibérations » employé à l’article 4, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la directive 2003/4 renvoie aux étapes finales des processus décisionnels des autorités publiques qui sont clairement désignées comme étant des délibérations par le droit national et dont la confidentialité doit être prévue en droit (voir, en ce sens, arrêts du 14 février 2012, Flachglas Torgau, C‑204/09, EU:C:2012:71, points 63 et 64, ainsi que du 23 novembre 2023, Right to Know, C‑84/22, EU:C:2023:910, point 43).

45

En l’occurrence, bien qu’elles concernent les placettes-échantillons servant au recueil de données en vue de l’élaboration d’un inventaire forestier statistique national et entretiennent ainsi un lien indirect avec la prise de décision publique en matière environnementale, les coordonnées de localisation demandées par les requérantes au principal ne se rapportent pas, en tant que telles, aux étapes finales des processus décisionnels en cette matière et donc à des « délibérations », au sens de l’article 4, paragraphe 2, premier alinéa, sous a), de la directive 2003/4.

46

Il s’ensuit qu’une demande tendant à l’accès à de telles coordonnées de localisation ne saurait, en tout état de cause, relever de la dérogation prévue à cette disposition, sans qu’il soit besoin d’examiner le point de savoir si la confidentialité de telles informations peut être regardée comme prévue en droit, au sens de cette dernière, lorsqu’elle résulte d’un texte de portée générale, tel qu’une loi sur l’information publique ou une loi sur les statistiques.

47

En troisième lieu, la juridiction de renvoi s’interroge sur la portée de l’article 4, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), de la directive 2003/4, en vertu duquel les États membres peuvent rejeter une demande d’informations environnementales dont la divulgation porterait atteinte aux relations internationales, à la sécurité publique ou à la défense nationale. À cet égard, elle demande, en substance, si la dégradation de la fiabilité des données servant de base à l’élaboration d’un tel inventaire forestier, résultant de la divulgation de ces coordonnées, est de nature à porter atteinte aux relations internationales d’un État membre, au sens de cette disposition.

48

L’article 4, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), de la directive 2003/4 vise à assurer la compatibilité du droit de l’Union avec l’article 4, paragraphe 4, sous b), de la convention d’Aarhus, selon lequel peuvent être exclues du droit d’accès aux informations environnementales celles de ces informations dont la divulgation aurait des « incidences défavorables » sur les relations internationales ou la défense nationale ou la sécurité publique de l’État partie concerné.

49

Il ne ressort pas des termes de l’article 4, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), de la directive 2003/4, pas plus que de ceux de l’article 4, paragraphe 4, sous b), de la convention d’Aarhus, que l’application de cette dérogation suppose, dans tous les cas, que la divulgation d’une information environnementale soit, par elle-même, contraire à un engagement international.

50

Ainsi qu’il a été rappelé aux points 34 et 35 du présent arrêt, la mise en œuvre de cette dérogation est en revanche subordonnée à la mise en balance de l’intérêt public justifiant la divulgation de l’information environnementale en cause avec l’intérêt servi par le refus de la divulguer, ainsi qu’au constat qu’une telle divulgation soit susceptible de porter concrètement et effectivement atteinte aux intérêts protégés par la directive 2003/4, le risque d’une telle atteinte devant être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique.

51

Il appartiendra à la juridiction de renvoi de procéder à ces appréciations en l’espèce. Dans ce cadre, il lui reviendra, en particulier, de vérifier si l’éventuelle violation des engagements internationaux de la République d’Estonie qui résulterait de la divulgation des coordonnées de localisation en cause au principal aurait des conséquences défavorables suffisamment concrètes et prévisibles pour porter effectivement atteinte à ses intérêts ou à la coopération internationale en matière forestière, ou si, comme le laissent penser les éléments soumis à la Cour, de telles conséquences ne sont, en l’occurrence, qu’hypothétiques.

52

En quatrième lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la divulgation de coordonnées de localisation de placettes-échantillons permanentes peut relever de la dérogation prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier alinéa, sous h), de la directive 2003/4 relative au cas où la divulgation des informations demandées porterait atteinte à la protection de l’environnement auquel celles-ci se rapportent. Elle demande, plus particulièrement, si la dégradation de la fiabilité des données servant de base à l’élaboration d’un tel inventaire forestier, résultant de la divulgation de ces coordonnées, est de nature à porter atteinte à la protection de l’environnement, au sens de cette disposition.

53

Il ressort des termes mêmes de l’article 4, paragraphe 2, premier alinéa, sous h), de la directive 2003/4 que, en édictant cette dérogation, le législateur de l’Union a autorisé les États membres à s’abstenir de divulguer des informations environnementales dont la diffusion représenterait un danger pour l’environnement, telles que les données permettant la localisation d’espèces rares.

54

La même faculté ressort de l’article 4, paragraphe 4, sous h), de la convention d’Aarhus, qui prévoit la possibilité, pour les États parties à cette convention, de rejeter les demandes portant sur des informations environnementales dont la divulgation aurait des incidences défavorables sur le milieu sur lequel elles portent, comme les sites de reproduction d’espèces rares.

55

Dans la présente affaire, le gouvernement estonien et l’agence pour l’environnement font valoir que la divulgation des coordonnées de localisation des placettes-échantillons permanentes serait susceptible de nuire à la représentativité et à la fiabilité de l’inventaire forestier statistique national, et donc à la qualité de la prise de décision publique en matière environnementale. En particulier, cette divulgation ouvrirait la voie, selon eux, à de possibles manipulations des données statistiques de la part des différents acteurs de l’économie forestière, qui pourraient, par exemple, intervenir uniquement sur des parcelles autres que celles à partir desquelles des données sont recueillies, contribuant ainsi à donner une image faussée de l’état de la forêt.

56

Dans la mesure où il est susceptible de porter atteinte à la qualité de l’élaboration d’un inventaire forestier statistique national, et donc à la protection de l’environnement auquel se rapportent les informations demandées, un tel risque est de nature à justifier l’application de la dérogation prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier alinéa, sous h), de la directive 2003/4.

57

La circonstance que ne soit pas en cause la localisation d’espèces rares n’est pas de nature à remettre en cause cette conclusion, l’article 4, paragraphe 2, premier alinéa, sous h), de la directive 2003/4 visant, de manière générale, tous les cas dans lesquels la divulgation d’informations environnementales est susceptible de porter atteinte à la protection de l’environnement et ne mentionnant la protection de la localisation d’espèces rares qu’à titre d’exemple.

58

Il convient toutefois de rappeler que, comme l’ensemble des motifs de refus d’accès énoncés à l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, et paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2003/4, à l’exception de celui visé à l’article 4, paragraphe 2, deuxième alinéa, troisième phrase, de cette directive concernant les informations relatives à des émissions dans l’environnement, la mise en œuvre de cette dérogation est subordonnée à la mise en balance par les autorités publiques, sous le contrôle du juge, de l’intérêt public servi par la divulgation avec l’intérêt servi par le refus de divulguer, ainsi qu’au constat qu’une telle divulgation est susceptible de porter concrètement et effectivement atteinte aux intérêts protégés par ladite directive, le risque d’une telle atteinte devant être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique.

59

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la deuxième question que l’article 4 de la directive 2003/4 doit être interprété en ce sens que :

les coordonnées de localisation de placettes-échantillons permanentes servant au recueil périodique de données en vue de l’élaboration d’un inventaire forestier statistique national ne constituent pas des documents en cours d’élaboration ou des documents et données inachevés au sens de son paragraphe 1, premier alinéa, sous d), ou, en tout état de cause, des informations environnementales dont la divulgation pourrait porter atteinte à la confidentialité des délibérations des autorités publiques, au sens de son paragraphe 2, premier alinéa, sous a) ;

la dégradation de la fiabilité des données servant de base à l’élaboration d’un tel inventaire forestier, résultant de la divulgation de ces coordonnées, est de nature à porter atteinte aux relations internationales, au sens de son paragraphe 2, premier alinéa, sous b), ou à la protection de l’environnement auquel se rapportent les informations demandées, au sens de son paragraphe 2, premier alinéa, sous h), pour autant que de tels risques soient raisonnablement prévisibles et non purement hypothétiques.

Sur la sixième question

60

Par sa sixième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour si l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2003/4 doit être interprété en ce sens qu’une autorité administrative peut refuser, sur le fondement de cette disposition, de divulguer au public les coordonnées de localisation de placettes-échantillons permanentes servant à l’élaboration d’un inventaire forestier statistique national.

61

En vertu de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2003/4, « [l]es États membres veillent à ce que, dans la mesure où cela leur est possible, toute information compilée par eux ou pour leur compte soit à jour, précise et comparable ».

62

Il ressort de ses termes mêmes que cette disposition énonce seulement une exigence de qualité des informations environnementales. Elle ne saurait, à elle seule, servir de fondement au refus de faire droit à une demande d’informations environnementales dès lors que, ainsi qu’il a été indiqué au point 33 du présent arrêt, les dérogations au droit d’accès à de telles informations sont limitativement énumérées à l’article 4 de cette directive.

63

L’article 8, paragraphe 1, de la directive 2003/4 n’énonce donc pas de motif supplémentaire de dérogation au droit d’accès aux informations environnementales par rapport à ceux énoncés à l’article 4 de cette directive.

64

Il appartient toutefois aux autorités publiques de tenir compte de l’exigence de qualité des informations environnementales énoncée à l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2003/4 pour déterminer si la divulgation d’informations environnementales est susceptible de porter atteinte à l’un ou l’autre des intérêts visés à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2003/4, et plus particulièrement à la protection de l’environnement auquel elles se rapportent, au sens de l’article 4, paragraphe 2, premier alinéa, sous h), de cette directive.

65

Il résulte de ce qui précède qu’il convient de répondre à la sixième question que l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2003/4 doit être interprété en ce sens qu’une autorité administrative ne peut pas refuser de divulguer au public les coordonnées de localisation de placettes‑échantillons permanentes servant à l’élaboration d’un inventaire forestier statistique national sur le seul fondement de cette disposition.

Sur les troisième à cinquième questions

66

Par sa troisième à cinquième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, en cas de réponse négative à la première question, les coordonnées de localisation des placettes-échantillons permanentes servant à l’élaboration d’un inventaire forestier statistique national relèvent des informations mentionnées à l’article 2, point 1, sous b), de la directive 2003/4, dont les demandes doivent être traitées conformément à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive. Dans l’affirmative, cette juridiction interroge également la Cour sur le point de savoir si de telles données constituent des informations relatives à des procédés de mesure, au sens de cet article 8, paragraphe 2, ainsi que, si tel est le cas, si des motifs importants prévus par le droit national permettent de les soustraire à l’accès du public et si d’autres mesures, telles que leur mise à disposition d’organismes de recherches et de contrôle, peuvent atténuer le refus de procéder à leur communication.

67

Il ressort de la réponse à la première question que les coordonnées de localisation de placettes-échantillons permanentes servant au recueil de données en vue de l’élaboration d’un inventaire forestier statistique national constituent des informations environnementales, au sens de l’article 2, point 1, sous a), de la directive 2003/4 et qu’elles ne relèvent pas de l’article 2, point 1, sous b), de cette directive, auquel renvoie l’article 8, paragraphe 2, de cette dernière. Compte tenu de cette réponse, il n’y a pas lieu de répondre aux troisième à cinquième questions.

Sur la septième question

68

Par sa septième et dernière question, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour, si le considérant 21 de la directive 2003/4 peut servir de base juridique autonome à la communication au public des coordonnées de localisation de placettes-échantillons permanentes servant au recueil de données en vue de l’élaboration d’un inventaire forestier statistique national.

69

Aux termes du considérant 21 de la directive 2003/4, dans un objectif de sensibilisation à la protection de l’environnement, « les autorités publiques devraient, lorsque cela est justifié, mettre à disposition et diffuser les informations relatives à l’environnement qui sont en rapport avec leurs fonctions ».

70

Les considérants d’une directive n’ayant qu’une valeur interprétative des dispositions de cette dernière (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Puppinck e.a./Commission, C‑418/18 P, EU:C:2019:1113, point 76), le considérant 21 de la directive 2003/4 ne saurait servir de fondement juridique autonome à une obligation d’accès aux informations environnementales ou de diffusion au public de telles informations distincte de celles prévues aux articles 3 et 7 de cette directive.

71

Il résulte de ce qui précède qu’il convient de répondre à la septième question que le considérant 21 de la directive 2003/4 ne peut servir de base juridique autonome à la communication au public des coordonnées de localisation de placettes-échantillons permanentes servant au recueil de données en vue de l’élaboration d’un inventaire forestier statistique national.

Sur les dépens

72

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

 

1)

L’article 2, point 1, sous a), de la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2003, concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement et abrogeant la directive 90/313/CEE du Conseil,

doit être interprété en ce sens que :

les coordonnées de localisation de placettes-échantillons permanentes servant au recueil périodique de données en vue de l’élaboration d’un inventaire forestier statistique national constituent, avec les données collectées à partir de ces placettes-échantillons, dont elles sont indissociables, des informations environnementales au sens de cette disposition.

 

2)

L’article 4 de la directive 2003/4

doit être interprété en ce sens que :

les coordonnées de localisation de placettes-échantillons permanentes servant au recueil périodique de données en vue de l’élaboration d’un inventaire forestier statistique national ne constituent pas des documents en cours d’élaboration ou des documents et données inachevés, au sens de son paragraphe 1, premier alinéa, sous d), ou, en tout état de cause, des informations environnementales dont la divulgation pourrait porter atteinte à la confidentialité des délibérations des autorités publiques, au sens de son paragraphe 2, premier alinéa, sous a) ;

la dégradation de la fiabilité des données servant de base à l’élaboration d’un tel inventaire forestier, résultant de la divulgation de ces coordonnées, est de nature à porter atteinte aux relations internationales au sens de son paragraphe 2, premier alinéa, sous b), ou à la protection de l’environnement auquel se rapportent les informations demandées, au sens de son paragraphe 2, premier alinéa, sous h), pour autant que de tels risques soient raisonnablement prévisibles et non purement hypothétiques.

 

3)

L’article 8, paragraphe 1, de la directive 2003/4

doit être interprété en ce sens que :

une autorité administrative ne peut pas refuser de divulguer au public les coordonnées de localisation de placettes-échantillons permanentes servant à l’élaboration d’un inventaire forestier statistique national sur le seul fondement de cette disposition.

 

4)

Le considérant 21 de la directive 2003/4

doit être interprété en ce sens que :

il ne peut servir de base juridique autonome à la communication au public des coordonnées de localisation de placettes-échantillons permanentes servant au recueil de données en vue de l’élaboration d’un inventaire forestier statistique national.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’estonien.