ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

22 décembre 2022 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Marché intérieur – Article 114, paragraphe 2, TFUE – Exclusion des dispositions fiscales – Directive 2000/31/CE – Services de la société de l’information – Commerce électronique – Portail télématique d’intermédiation immobilière – Article 1er, paragraphe 5, sous a) – Exclusion du “domaine de la fiscalité” – Directive 2006/123/CE – Services dans le marché intérieur – Article 2, paragraphe 3 – Exclusion de la “matière fiscale” – Directive (UE) 2015/1535 – Article 1er, paragraphe 1, sous e) et f) – Notions de “règle relative aux services” et de “règle technique” – Obligation faite aux prestataires de services d’intermédiation immobilière de collecter et de transmettre au fisc les données de contrats de location et de procéder à la retenue à la source de l’impôt sur les paiements effectués – Obligation de désigner un représentant fiscal faite aux prestataires de services ne disposant pas d’un établissement stable en Italie – Article 56 TFUE – Caractère restrictif – Objectif légitime – Caractère disproportionné de l’obligation de désigner un représentant fiscal – Article 267, troisième alinéa, TFUE – Prérogatives d’une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours juridictionnel de droit interne »

Dans l’affaire C‑83/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), par décision du 26 janvier 2021, parvenue à la Cour le 9 février 2021, dans la procédure

Airbnb Ireland UC plc,

Airbnb Payments UK Ltd

contre

Agenzia delle Entrate,

en présence de :

Presidenza del Consiglio dei Ministri,

Ministero dell’Economia e delle Finanze,

Federazione delle Associazioni Italiane Alberghi e Turismo (Federalberghi),

Renting Services Group Srls,

Coordinamento delle Associazioni e dei Comitati di tutela dell’ambiente e dei diritti degli utenti e dei consumatori (Codacons),

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme A. Prechal, présidente de chambre, Mme M. L. Arastey Sahún, MM. F. Biltgen, N. Wahl (rapporteur) et J. Passer, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. C. Di Bella, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 avril 2022,

considérant les observations présentées :

pour Airbnb Ireland UC plc et Airbnb Payments UK Ltd, par Mes M. Antonini, S. Borocci, A. R. Cassano, M. Clarich, I. Perego, G. M. Roberti, avvocati, et D. Van Liedekerke, advocaat,

pour la Federazione delle Associazioni Italiane Alberghi e Turismo (Federalberghi), par Mes E. Gambaro, A. Manzi et A. Papi Rossi, avvocati,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Me R. Guizzi, avvocato dello Stato,

pour le gouvernement belge, par Mmes M. Jacobs et L. Van den Broeck, en qualité d’agents, assistées de Me C. Molitor, avocat,

pour le gouvernement tchèque, par Mme T. Machovičová, MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

pour le gouvernement espagnol, par M. L. Aguilera Ruiz, en qualité d’agent,

pour le gouvernement français, par Mme N. Vincent et M. T. Stéhelin, en qualité d’agents,

pour le gouvernement néerlandais, par Mme M. K. Bulterman et M. J. Hoogveld, en qualité d’agents,

pour le gouvernement autrichien, par Mme M. Augustin, M. A. Posch et Mme J. Schmoll, en qualité d’agents,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par Mme L. Armati, M. P. Rossi et Mme E. Sanfrutos Cano, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 7 juillet 2022,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 5, sous a), de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique ») (JO 2000, L 178, p. 1), de l’article 2, paragraphe 3, de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (JO 2006, L 376, p. 36), et de l’article 1er, paragraphe 1, sous e) et f), de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil, du 9 septembre 2015, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information (JO 2015, L 241, p. 1), ainsi que de l’article 56 et de l’article 267, troisième alinéa, TFUE.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Airbnb Ireland UC plc et Airbnb Payments UK Ltd à l’Agenzia delle Entrate (administration fiscale, Italie) au sujet de la légalité d’un dispositif de droit italien relatif au régime fiscal des services d’intermédiation immobilière concernant des locations de courte durée.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 2000/31

3

Aux termes du considérant 12 de la directive 2000/31 :

« Il est nécessaire d’exclure du champ d’application de la présente directive certaines activités compte tenu du fait que la libre prestation des services dans ces domaines ne peut être, à ce stade, garantie au regard du traité ou du droit communautaire dérivé existant. Cette exclusion doit être sans préjudice des éventuels instruments qui pourraient s’avérer nécessaires pour le bon fonctionnement du marché intérieur. La fiscalité, notamment la taxe sur la valeur ajoutée frappant un grand nombre des services visés par la présente directive, doit être exclue du champ d’application de la présente directive. »

4

Le considérant 13 de cette directive énonce :

« La présente directive n’a pas pour but d’établir des règles en matière d’obligations fiscales ni ne préjuge de l’élaboration d’instruments communautaires relatifs aux aspects fiscaux du commerce électronique. »

5

L’article 1er de ladite directive, intitulé « Objectif et champ d’application », dispose :

« 1.   La présente directive a pour objectif de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur en assurant la libre circulation des services de la société de l’information entre les États membres.

[...]

5.   La présente directive n’est pas applicable :

a)

au domaine de la fiscalité ;

[...] »

La directive 2006/123

6

Aux termes du considérant 29 de la directive 2006/123 :

« Compte tenu du fait que le traité prévoit des bases juridiques spécifiques en matière de fiscalité, et compte tenu des instruments communautaires déjà adoptés dans ce domaine, il convient d’exclure le domaine de la fiscalité du champ d’application de la présente directive. »

7

L’article 2 de cette directive, intitulé « Champ d’application », dispose, à son paragraphe 3 :

« La présente directive ne s’applique pas en matière fiscale. »

La directive 2015/1535

8

L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2015/1535 énonce :

« 1.   Au sens de la présente directive, on entend par :

[...]

e)

“règle relative aux services”, une exigence de nature générale relative à l’accès aux activités de services [de la société de l’information] et à leur exercice, notamment les dispositions relatives au prestataire de services, aux services et au destinataire de services, à l’exclusion des règles qui ne visent pas spécifiquement [c]es services [...]

Aux fins de la présente définition :

i)

une règle est considérée comme visant spécifiquement les services de la société de l’information lorsque, au regard de sa motivation et du texte de son dispositif, elle a pour finalité et pour objet spécifiques, dans sa totalité ou dans certaines dispositions ponctuelles, de réglementer de manière explicite et ciblée ces services ;

ii)

une règle n’est pas considérée comme visant spécifiquement les services de la société de l’information si elle ne concerne ces services que d’une manière implicite ou incidente ;

f)

“règle technique”, une spécification technique ou autre exigence ou une règle relative aux services, y compris les dispositions administratives qui s’y appliquent, dont l’observation est obligatoire de jure ou de facto, pour la commercialisation, la prestation de services, l’établissement d’un opérateur de services ou l’utilisation dans un État membre ou dans une partie importante de cet État, de même que, sous réserve de celles visées à l’article 7, les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres interdisant la fabrication, l’importation, la commercialisation ou l’utilisation d’un produit ou interdisant de fournir ou d’utiliser un service ou de s’établir comme prestataire de services.

Constituent notamment des règles techniques de facto :

i)

les dispositions législatives, réglementaires ou administratives d’un État membre qui renvoient soit à des spécifications techniques ou à d’autres exigences ou à des règles relatives aux services, soit à des codes professionnels ou de bonne pratique qui se réfèrent eux-mêmes à des spécifications techniques ou à d’autres exigences ou à des règles relatives aux services, dont le respect confère une présomption de conformité aux prescriptions fixées par lesdites dispositions législatives, réglementaires ou administratives ;

ii)

les accords volontaires auxquels l’autorité publique est partie contractante et qui visent, dans l’intérêt général, le respect de spécifications techniques ou d’autres exigences, ou de règles relatives aux services, à l’exclusion des cahiers de charges des marchés publics ;

iii)

les spécifications techniques ou d’autres exigences ou les règles relatives aux services liées à des mesures fiscales ou financières qui affectent la consommation de produits ou de services en encourageant le respect de ces spécifications techniques ou autres exigences ou règles relatives aux services ; ne sont pas concernées les spécifications techniques ou autres exigences ou les règles relatives aux services liées aux régimes nationaux de sécurité sociale.

[...] »

9

L’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive dispose :

« Sous réserve de l’article 7, les États membres communiquent immédiatement à la Commission [européenne] tout projet de règle technique, sauf s’il s’agit d’une simple transposition intégrale d’une norme internationale ou européenne, auquel cas une simple information quant à la norme concernée suffit ; ils adressent également à la Commission une notification concernant les raisons pour lesquelles l’établissement d’une telle règle technique est nécessaire, à moins que ces raisons ne ressortent déjà du projet. »

Le droit italien

10

L’article 4 du decreto-legge n. 50 – Disposizioni urgenti in materia finanziaria, iniziative a favore degli enti territoriali, ulteriori interventi per le zone colpite da eventi sismici e misure per lo sviluppo (décret-loi no 50, portant dispositions urgentes en matière financière, initiatives en faveur des organismes territoriaux, interventions supplémentaires en faveur des zones touchées par des séismes et mesures de développement), du 24 avril 2017 (supplément ordinaire à la GURI no 95 du 24 avril 2017), converti en loi, avec des modifications, par la loi no 96, du 21 juin 2017 (supplément ordinaire à la GURI no 144 du 23 juin 2017), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « régime fiscal de 2017 »), intitulé « Régime fiscal des locations de courte durée », est libellé comme suit :

« 1.   Aux fins du présent article, on entend par locations de courte durée les contrats de location d’immeubles à usage d’habitation d’une durée maximale de 30 jours, y compris ceux qui prévoient la prestation de services de fourniture de linge de maison et de nettoyage des locaux, conclus par des personnes physiques, en dehors de l’exercice d’une activité d’entreprise, directement ou par l’intermédiaire de personnes qui exercent des activités d’intermédiation immobilière, ou de personnes qui gèrent des portails télématiques, en mettant en contact des personnes à la recherche d’un immeuble avec des personnes disposant d’unités de bâtiment à louer.

2.   À compter du 1er juin 2017, les revenus dérivant des contrats de location de courte durée conclus à partir de cette date sont soumis aux dispositions de l’article 3 du decreto legislativo n. 23 – Disposizioni in materia di federalismo Fiscale Municipale (décret législatif no 23, portant dispositions relatives au fédéralisme fiscal municipal), du 14 mars 2011 (GURI n °67, du 23 mars 2011), au taux de 21 % en cas d’option pour l’impôt de substitution sous la forme de l’impôt cédulaire par prélèvement libératoire.

3.   Les dispositions du paragraphe 2 sont également applicables aux montants bruts dérivant des contrats de sous-location et des contrats à titre onéreux conclus par le commodataire qui ont pour objet la jouissance de l’immeuble par des tiers, lorsqu’ils sont conclus aux conditions prévues au paragraphe 1.

[...]

4.   Les personnes qui exercent des activités d’intermédiation immobilière, ainsi que celles qui gèrent des portails télématiques, en mettant en contact des personnes à la recherche d’un immeuble avec des personnes qui disposent d’unités de bâtiment à louer, transmettent les données relatives aux contrats visés aux paragraphes 1 et 3 conclus par leur intermédiaire avant le 30 juin de l’année qui suit celle à laquelle ces données font référence. L’absence de communication desdites données ainsi que la communication incomplète ou inexacte de celles-ci sont passibles de la sanction prévue à l’article 11, paragraphe 1, du decreto legislativo n. 471 [– Riforma delle sanzioni tributarie non penali in materia di imposte dirette, di imposta sul valore aggiunto e di riscossione dei tributi, a norma dell’articolo 3, comma 133, lettera q), della legge 23 dicembre 1996, n. 662] [décret législatif no 471, portant réforme des sanctions fiscales non pénales dans le domaine des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et du recouvrement des impôts, en application de l’article 3(133)(q) de la loi no 662 du 23 décembre 1996], du 18 décembre 1997 [supplément ordinaire à la GURI no°5, du 8 janvier 1998]. La sanction est réduite de moitié si la transmission est effectuée dans les quinze jours suivant la date limite ou si, dans le même délai, la transmission correcte des données est effectuée.

5.   Les personnes résidentes sur le territoire de l’État qui exercent des activités d’intermédiation immobilière, ainsi que celles qui gèrent des portails télématiques, en mettant en contact des personnes à la recherche d’un immeuble avec des personnes qui disposent d’unités de bâtiment à louer, lorsqu’elles encaissent les loyers ou les contreparties relatifs aux contrats visés aux paragraphes 1 et 3, ou lorsqu’elles interviennent dans le cadre du paiement de ces loyers et contreparties, opèrent, en qualité de collecteurs de l’impôt, une retenue de 21 % sur le montant des loyers et contreparties lors du paiement au bénéficiaire et procèdent au versement de celle-ci [...]. Dans le cas de figure où il n’est pas opté pour l’application du régime visé au paragraphe 2, cette retenue est considérée comme étant opérée à titre d’acompte.

5 bis   Les personnes non résidentes visées au paragraphe 5 qui possèdent un établissement stable en Italie, au sens de l’article 162 du texte unique relatif aux impôts sur le revenu, résultant du decreto del Presidente della Repubblica n. 917 [– Approvazione del testo unico delle imposte sui redditi (décret du Président de la République no 917, portant approbation du texte de l’impôt sur le revenu consolidé)], du 22 décembre 1986 [supplément ordinaire à la GURI no 302, du 31 décembre 1986], lorsqu’elles encaissent les loyers ou les contreparties relatifs aux contrats visés aux paragraphes 1 et 3, ou lorsqu’elles interviennent dans le cadre du paiement de ces loyers ou contreparties, remplissent les obligations découlant du présent article par le truchement de leur établissement stable. Aux fins du respect des obligations découlant du présent article, les personnes non résidentes considérées comme étant dépourvues d’établissement stable en Italie désignent, en leur qualité de responsables de l’impôt, un représentant fiscal choisi parmi les personnes énumérées à l’article 23 du decreto del Presidente della Repubblica n. 600 [– Disposizioni comuni in materia di accertamento delle imposte sui redditi (décret du Président de la République no 600, portant dispositions communes sur l’évaluation de l’impôt sur le revenu)], du 29 septembre 1973 [supplément ordinaire à la GURI no°268, du 16 octobre 1973].

5 ter   La personne qui encaisse les loyers ou les contreparties, ou qui intervient dans le cadre du paiement de ces loyers ou de ces contreparties, est responsable du paiement de la taxe de séjour visée à l’article 4 du décret législatif no 23, du 14 mars 2011, et de la taxe de séjour [...], ainsi que des autres obligations prévues par la loi et par le règlement communal.

6.   Les dispositions de mise en œuvre des paragraphes 4, 5 et 5 bis du présent article, y compris celles qui sont relatives à la transmission et à la conservation des données par l’intermédiaire, sont établies par décision du directeur de l’administration fiscale, adoptée dans les 90 jours à compter de l’entrée en vigueur du présent décret. »

11

Le régime fiscal de 2017 a été modifié par le decreto-legge 30 aprile 2019, n. 34 – Misure urgenti di crescita economica e per la risoluzione di specifiche situazioni di crisi (décret-loi no 34, du 30 avril 2019, relatif aux mesures urgentes en faveur de la croissance économique et pour la résolution des situations spécifiques en période de crise, GURI n. 100 du 30 avril 2019, ci-après le « décret-loi de 2019 »), converti, avec des modifications, en loi du 28 juin 2019 (legge del 28 giugno 2019 n. 58, supplément ordinaire à la GURI no 151, du 29 juin 2019).

12

Aux termes de l’article 13 quater, paragraphe 1, du décret-loi de 2019, l’article 4, paragraphe 5 bis, du régime fiscal de 2017 est complété comme suit :

« En l’absence de désignation d’un représentant fiscal, les personnes résidentes sur le territoire de l’État qui appartiennent à la même catégorie que les personnes visées ci-dessus sont solidairement responsables avec ces dernières de la mise en œuvre et du versement de la retenue sur le montant des loyers et des contreparties relatifs aux contrats visés aux paragraphes 1 et 3. »

13

L’article 13 quater, paragraphe 4, de ce décret-loi dispose :

« Afin d’améliorer la qualité de l’offre touristique, d’assurer la protection des touristes et de lutter contre les formes irrégulières d’hébergement, ainsi qu’à des fins fiscales, il est institué [...] une base de données spéciale des structures d’hébergement et des immeubles destinés aux locations de courte durée présents sur le territoire national, lesquels sont identifiés au moyen d’un code alphanumérique, ci-après le “code d’identification”, à utiliser dans toute communication relative à l’offre et à la promotion des services aux utilisateurs. »

14

Aux termes de l’article 13 quater, paragraphe 7, dudit décret-loi, « [l]es propriétaires des structures d’hébergement, les personnes qui exercent des activités d’intermédiation immobilière et les personnes qui gèrent des portails télématiques, en mettant en contact des personnes à la recherche d’un immeuble ou de portions d’un immeuble avec des personnes qui disposent d’unités de bâtiment ou de portions d’unités de bâtiment à louer, sont tenues de publier le code d’identification dans les communications relatives à l’offre et à la promotion ».

15

Enfin, aux termes de l’article 13 quater, paragraphe 8, du décret-loi de 2019, « [l]e non-respect des dispositions visées au paragraphe 7 entraîne l’application d’une amende de 500 à 5000 euros » et, « [e]n cas de répétition de l’infraction, la sanction est majorée du double du montant dû ».

Le litige au principal et les questions préjudicielles

16

Les requérantes au principal gèrent le portail télématique d’intermédiation immobilière Airbnb, qui permet de mettre en relation, d’une part, des bailleurs disposant de lieux d’hébergement et, d’autre part, des personnes recherchant ce type d’hébergement, en percevant du client le paiement afférent à la mise à disposition du logement avant le début de la location et en transférant ce paiement au bailleur après que la location a débuté, s’il n’y a pas eu de contestation de la part du locataire.

17

Les requérantes au principal ont présenté un recours devant le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional du Latium, Italie), tendant à l’annulation, premièrement, de la décision no 132395 du directeur de l’administration fiscale, du 12 juillet 2017, mettant en œuvre le régime fiscal de 2017, et, deuxièmement, de la circolare interpretativa n. 24 dell’Agenzia delle Entrate – Regime fiscale delle locazioni brevi – Art[icolo] 4 [del regime fiscale del 2017] (circulaire interprétative no 24 de l’administration fiscale, mentionnant comme objet « Régime fiscal des baux de courte durée – Art[icle] 4 [du régime fiscal de 2017] »), du 12 octobre 2017, dans sa version applicable au litige au principal, relative à l’application de ce régime fiscal.

18

Par un jugement du 18 février 2019, cette juridiction a rejeté ce recours, jugeant que, premièrement, le régime fiscal de 2017 n’avait pas introduit de « règle technique » ou de « règle relative aux services », deuxièmement, l’obligation de transmettre les données des contrats et d’appliquer une retenue à la source ne violait ni le principe de libre prestation des services ni le principe de libre concurrence et, troisièmement, l’obligation de désigner un représentant fiscal, lorsqu’une personne gérant un portail télématique d’intermédiation immobilière n’est pas résidente ou établie en Italie, était conforme aux exigences de proportionnalité et de nécessité fixées par la jurisprudence de la Cour en matière de libre prestation des services.

19

Les requérantes au principal ont introduit un pourvoi contre ce jugement devant la juridiction de renvoi, le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie).

20

Par une décision du 11 juillet 2019, parvenue à la Cour le 30 septembre 2019, la juridiction de renvoi a soumis à la Cour trois questions préjudicielles concernant plusieurs dispositions du droit de l’Union.

21

Par l’ordonnance du 30 juin 2020, Airbnb Ireland et Airbnb Payments UK (C‑723/19, non publiée, EU:C:2020:509), la Cour a déclaré manifestement irrecevable cette demande de décision préjudicielle, tout en précisant que la juridiction de renvoi était à même de lui soumettre une nouvelle demande de décision préjudicielle assortie des indications lui permettant d’apporter une réponse utile aux questions posées.

22

C’est dans ces conditions que le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a de nouveau décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Comment convient-il d’interpréter les expressions “règle technique” des services de la société de l’information et “règle relative aux services” de la société de l’information qui figurent dans la directive [2015/1535] et, en particulier, ces expressions doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles couvrent également des mesures de nature fiscale qui ne visent pas directement à réglementer le service spécifique de la société de l’information, mais qui sont de nature à régler l’exercice concret de l’activité sur le territoire de l’État membre, notamment en mettant à la charge de tous les prestataires de services d’intermédiation immobilière, y compris, par conséquent, ceux qui ne sont pas établis dans cet État et qui fournissent leurs services en ligne, des obligations qui ont pour fonction de contribuer à l’efficacité du recouvrement des impôts dus par les bailleurs, telles que :

a)

la collecte et la communication ultérieure aux autorités fiscales de l’État membre des données relatives aux contrats de location de courte durée conclus à la suite de l’activité de l’intermédiaire ;

b)

la retenue de la quote-part due au fisc des sommes versées par les preneurs aux bailleurs et le versement ultérieur de ces sommes au Trésor public [?]

2)

a)

Le principe de libre prestation des services énoncé à l’article 56 TFUE ainsi que, s’ils sont jugés applicables dans le domaine en cause, les principes analogues résultant des directives [2006/123] et [2000/31] s’opposent-ils à une mesure nationale qui prévoit, à la charge des intermédiaires immobiliers actifs en Italie – y compris, par conséquent, les opérateurs non établis qui fournissent leurs services en ligne – des obligations de collecte des données relatives aux contrats de location de courte durée conclus par leur intermédiaire et de communication ultérieure de ces données à l’administration fiscale, aux fins du recouvrement des impôts directs dus par les utilisateurs du service ?

b)

Le principe de libre prestation des services énoncé à l’article 56 TFUE ainsi que, s’ils sont jugés applicables dans le domaine en cause, les principes analogues résultant des directives [2006/123] et [2000/31] s’opposent-ils à une mesure nationale qui prévoit, à la charge des intermédiaires immobiliers actifs en Italie – y compris, par conséquent, les opérateurs non établis qui fournissent leurs services en ligne – qui interviennent au cours de la phase du paiement afférent aux contrats de location de courte durée conclus par leur intermédiaire, l’obligation d’opérer, aux fins du recouvrement des impôts directs dus par les utilisateurs du service, une retenue sur ces paiements et de la verser ensuite au Trésor public ?

c)

En cas de réponse affirmative aux questions qui précèdent, l’application du principe de libre prestation des services énoncé à l’article 56 TFUE ainsi que, s’ils sont jugés applicables dans le domaine en cause, des principes analogues résultant des directives [2006/123] et [2000/31] peut-elle néanmoins être restreinte, conformément au droit de l’Union, par des mesures nationales telles que celles décrites ci-dessus, sous a) et b), compte tenu de l’inefficacité, dans le cas contraire, du prélèvement fiscal relatif aux impôts directs dus par les utilisateurs du service ?

d)

L’application du principe de libre prestation des services énoncé à l’article 56 TFUE ainsi que, s’ils sont jugés applicables dans le domaine en cause, des principes analogues résultant des directives [2006/123] et [2000/31] peut-elle être restreinte, conformément au droit de l’Union, par une mesure nationale qui impose aux intermédiaires immobiliers non établis en Italie l’obligation de désigner un représentant fiscal tenu d’exécuter, au nom et pour le compte de l’intermédiaire non établi, les mesures nationales décrites ci-dessus, sous b), eu égard à l’inefficacité, dans le cas contraire, du prélèvement fiscal relatif aux impôts directs dus par les utilisateurs du service ?

3)

L’article 267, troisième alinéa, TFUE doit-il être interprété en ce sens que, en présence d’une question d’interprétation du droit de l’Union (primaire ou dérivé) soulevée par l’une des parties au principal et assortie de l’indication précise du texte des questions, le juge conserve néanmoins la faculté de procéder à la formulation autonome de ces questions, en indiquant de manière discrétionnaire, en son âme et conscience, les dispositions de référence du droit de l’Union, les dispositions nationales qui sont potentiellement contraires à celles-ci et le libellé exact des questions, pourvu qu’elles demeurent dans le cadre de l’objet du litige, ou est-il tenu de reprendre les questions telles qu’elles ont été formulées par la partie demandant le renvoi ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur les première et deuxième questions préjudicielles

Sur l’applicabilité des directives 2000/31, 2006/123 et 2015/1535 aux mesures de nature fiscale

23

Par sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi interroge la Cour, en substance, sur la question de savoir si les expressions « règle technique » des services de la société de l’information et « règle relative aux services » de la société de l’information qui figurent dans la directive 2015/1535 doivent être comprises en ce sens qu’elles couvrent également des mesures de nature fiscale qui ne visent pas directement à réglementer un service spécifique de la société de l’information, mais qui sont de nature à régler l’exercice concret de l’activité en cause sur le territoire de l’État membre concerné.

24

Dans le cadre de sa deuxième question préjudicielle, sous a) à d), la juridiction de renvoi mentionne les directives 2000/31 et 2006/123, à supposer que les principes qu’elles énoncent soient « jugés applicables dans le domaine en cause ».

25

S’agissant, en premier lieu, de la directive 2000/31, ainsi que la Cour a eu l’occasion de le souligner aux points 27 à 30 de l’arrêt du 27 avril 2022, Airbnb Ireland (C‑674/20, ci-après l’« arrêt Airbnb Ireland , EU:C:2022:303), cette directive, premièrement, a été adoptée sur le fondement, notamment, de l’article 95 CE, dont les termes ont été repris à l’article 114 TFUE, qui exclut de son champ d’application, à son paragraphe 2, les « dispositions fiscales », ces termes couvrant non seulement tous les domaines de la fiscalité, mais aussi tous les aspects de cette matière. Deuxièmement, cette interprétation ressort également du fait que l’article 114, paragraphe 2, TFUE fait partie d’un chapitre 3, intitulé « Le rapprochement des législations », qui suit un chapitre 2, intitulé « Dispositions fiscales », au sein du titre VII du traité FUE, ayant pour objet « [l]es règles communes sur la concurrence, la fiscalité et le rapprochement des législations », de telle sorte que tout ce qui a trait à ce chapitre 3, à savoir le rapprochement des législations, ne porte pas sur ce qui relève de ce chapitre 2, à savoir les dispositions fiscales. Troisièmement, ce raisonnement prévaut s’agissant du droit dérivé adopté sur le fondement de l’article 95 CE, puis de l’article 114 TFUE, ledit raisonnement étant conforté par l’interprétation littérale des termes vastes employés à l’article 1er, paragraphe 5, sous a), de la directive 2000/31, à savoir le « domaine de la fiscalité ». Quatrièmement, ces considérations sont corroborées par les considérants 12 et 13 de la directive 2000/31.

26

S’agissant, en deuxième lieu, de la directive 2006/123, il convient, d’une part, d’indiquer que celle-ci exclut de son champ d’application, selon les termes figurant à l’article 2, paragraphe 3, de cette directive, la « matière fiscale ».

27

D’autre part, le considérant 29 de ladite directive est explicite quant au motif de l’exclusion en question, puisqu’il rappelle que le traité FUE prévoit des bases juridiques spécifiques en matière de fiscalité et que, compte tenu des instruments du droit de l’Union déjà adoptés dans ce domaine, il convient d’exclure le domaine de la fiscalité du champ d’application de la même directive.

28

Compte tenu de la généralité des termes « matière fiscale » et « domaine de la fiscalité », ainsi que des bases juridiques expresses prévues à cet égard par le traité FUE, les considérations énoncées au point 25 du présent arrêt valent donc également s’agissant de l’exclusion de la « matière fiscale » de la directive 2006/123.

29

S’agissant, en troisième lieu, de la directive 2015/1535, il importe de relever que celle-ci vise « le traité [FUE], et notamment ses articles 114, 337 et 43 ». Ainsi, il convient d’emblée de relever que l’exclusion prévue à l’article 114, paragraphe 2, TFUE concernant les « dispositions fiscales » s’applique également à propos de cette directive, pour les motifs exposés au point 25 du présent arrêt.

30

En outre, la teneur de la directive 2015/1535 confirme indirectement l’exclusion des « dispositions fiscales » de son champ d’application, puisque le libellé de l’article 1er, paragraphe 1, sous f), iii), de cette directive mentionne, au nombre des règles techniques de facto, les spécifications techniques ou d’autres exigences ou les règles relatives aux services « liées à des mesures fiscales ou financières ». Il ne s’agit donc pas de mesures de nature fiscale en tant que telles, mais uniquement de mesures liées à des mesures fiscales (voir, en ce sens, arrêt du 8 octobre 2020, Admiral Sportwetten e.a., C‑711/19, EU:C:2020:812, point 38), ces dernières demeurant, par conséquent, en tant que telles, hors du champ d’application de ladite directive.

31

Partant, il convient de déterminer si des mesures telles que celles introduites dans le droit italien par le régime fiscal de 2017 relèvent du « domaine de la fiscalité », au sens de l’article 1er, paragraphe 5, sous a), de la directive 2000/31, de la « matière fiscale », au sens de l’article 2, paragraphe 3, de la directive 2006/123, et sont donc des « dispositions fiscales », au sens de l’article 114 TFUE, que vise expressément la directive 2015/1535.

32

Ainsi qu’il ressort du point 10 du présent arrêt, le régime fiscal de 2017 modifie la législation fiscale italienne relative aux locations de courte durée, que ces locations soient effectuées, selon les termes de l’article 4, paragraphe 1, de ce régime, « directement ou par l’intermédiaire de personnes qui exercent des activités d’intermédiation immobilière, ou de personnes qui gèrent des portails télématiques ».

33

Pèsent désormais sur l’ensemble des personnes susmentionnées trois types d’obligations, à savoir, tout d’abord, l’obligation de collecte et de communication aux autorités fiscales des données relatives aux contrats de location conclus à la suite de leur intermédiation, ensuite, compte tenu de leur intervention dans le paiement du loyer, l’obligation de retenue de l’impôt dû sur les sommes versées par les preneurs aux bailleurs et de versement de cet impôt au Trésor public, soit à titre libératoire, soit à titre d’acompte en fonction du choix effectué par les bailleurs, et, enfin, à défaut d’établissement stable en Italie, l’obligation d’y désigner un représentant fiscal.

34

En premier lieu, concernant l’obligation de collecte et de communication aux autorités fiscales des données relatives aux contrats de location conclus à la suite de l’intermédiation immobilière, il importe de souligner que, s’il est exact qu’une telle mesure s’adresse non pas en elle-même aux redevables de l’impôt, mais aux personnes physiques ou morales ayant joué un rôle d’intermédiaire dans les locations de courte durée, et que son objet est la fourniture d’informations à l’administration fiscale, sous peine d’amende, il n’en demeure pas moins que, premièrement, l’administration destinataire de ces informations est l’administration fiscale, deuxièmement, cette mesure fait partie d’une législation fiscale, à savoir le régime fiscal de 2017, et, troisièmement, les informations faisant l’objet de l’obligation de transmission sont indissociables, quant à leur substance, de cette législation, puisqu’elles seules sont de nature à identifier le redevable effectif de l’impôt, grâce à l’indication du lieu des locations et de l’identité des bailleurs, à permettre de déterminer l’assiette de cet impôt, en fonction des sommes perçues, et, par conséquent, d’en fixer le montant (voir, par analogie, arrêt Airbnb Ireland, point 33).

35

Cette obligation relève donc des « dispositions fiscales », au sens de l’article 114 TFUE.

36

En deuxième lieu, concernant l’obligation de retenue à la source de l’impôt dû sur les sommes versées par les preneurs aux bailleurs et de versement de cet impôt au Trésor public, soit à titre libératoire au taux préférentiel de 21 %, soit à titre d’acompte d’une imposition alors établie à un taux supérieur, en fonction du choix effectué par les bailleurs, force est de constater qu’il s’agit là, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 52 de ses conclusions, de mesures présentant « par excellence un caractère fiscal », puisqu’elles consistent à prélever l’impôt au nom de l’administration fiscale, puis à reverser à cette dernière la somme prélevée.

37

En troisième lieu, concernant l’obligation faite aux prestataires de services d’intermédiation immobilière non établis en Italie de désigner un représentant fiscal, il convient d’observer qu’il s’agit également d’une mesure fiscale, puisqu’elle tend à assurer la perception efficace des impôts se rapportant au prélèvement à la source effectué en qualité de « responsable de l’impôt » par les prestataires de services établis dans un autre État membre, en particulier ceux gérant des portails télématiques.

38

Il résulte de ce qui précède que les trois types d’obligations introduites par le régime fiscal de 2017 dans le droit italien relèvent du « domaine de la fiscalité », au sens de l’article 1er, paragraphe 5, sous a), de la directive 2000/31, de la « matière fiscale », au sens de l’article 2, paragraphe 3, de la directive 2006/123, et sont donc des « dispositions fiscales », au sens de l’article 114 TFUE, que vise expressément la directive 2015/1535. Ces mesures sont, par conséquent, exclues du champ d’application respectif de ces trois directives.

39

La réponse à apporter aux première et deuxième questions préjudicielles suppose donc uniquement d’examiner la légalité de mesures telles que le régime fiscal de 2017 au regard de l’interdiction posée à l’article 56 TFUE.

40

Il y a lieu d’en conclure que, par ces questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si cette disposition doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à des mesures telles que les trois types d’obligations exposés au point 33 du présent arrêt.

Sur la légalité de mesures telles que celles découlant du régime fiscal de 2017 au regard de l’interdiction posée à l’article 56 TFUE

41

À titre liminaire, il importe de rappeler que le respect de l’article 56 TFUE s’impose aux États membres même dans le cadre de l’adoption d’une législation telle que le régime fiscal de 2017, malgré le fait que ce dernier ait trait aux impôts directs. En effet, en vertu d’une jurisprudence constante, si la fiscalité directe relève de la compétence des États membres, ces derniers doivent toutefois exercer celle-ci dans le respect du droit de l’Union (arrêt du 23 janvier 2014, Commission/Belgique, C‑296/12, EU:C:2014:24, point 27 et jurisprudence citée).

42

Il convient donc d’envisager tour à tour les trois types d’obligations imposées par le régime fiscal de 2017.

43

En premier lieu, concernant l’obligation de collecte et de communication aux autorités fiscales des données relatives aux contrats de location conclus à la suite de l’intermédiation immobilière, il ressort, tout d’abord, du libellé du régime fiscal de 2017 que celui-ci impose cette obligation à l’ensemble des tiers s’étant entremis sur le territoire italien dans un processus de location immobilière de courte durée, qu’il s’agisse de personnes physiques ou morales, que ces dernières résident ou soient établies sur ce territoire ou pas et qu’elles interviennent par voie numérique ou selon d’autres modes de mise en relation. La réforme concrétisée par le régime fiscal de 2017 porte, ainsi qu’il résulte des motifs ayant présidé à son adoption, sur le traitement fiscal de l’ensemble des locations de courte durée et s’inscrit, ainsi qu’il ressort du dossier soumis à la Cour, dans une stratégie globale de lutte contre l’évasion fiscale dans ce secteur, qui y est fréquente, au moyen, notamment, de l’introduction d’une telle obligation.

44

Une telle législation n’est donc pas discriminatoire et ne porte pas, en tant que telle, sur les conditions de la prestation de services d’intermédiation, mais fait seulement obligation aux prestataires de services, une fois cette prestation réalisée, d’en conserver les données aux fins de l’exacte perception de l’impôt se rapportant à la location des biens en cause auprès des propriétaires concernés (voir, par analogie, arrêt Airbnb Ireland, point 41).

45

À ce sujet, il ressort d’une jurisprudence constante qu’une législation nationale opposable à tous les opérateurs exerçant des activités sur le territoire national, n’ayant pas pour objet de régler les conditions concernant l’exercice de la prestation des services des entreprises concernées et dont les effets restrictifs qu’elle pourrait produire sur la libre prestation des services sont trop aléatoires et trop indirects pour que l’obligation qu’elle édicte puisse être regardée comme étant de nature à entraver cette liberté, ne se heurte pas à l’interdiction posée à l’article 56 TFUE (arrêt Airbnb Ireland, point 42 et jurisprudence citée).

46

Les requérantes au principal objectent à cela que la quasi-totalité des plateformes en ligne concernées, et plus particulièrement celles qui gèrent également les paiements, sont établies dans d’autres États membres que l’Italie et que, partant, le régime fiscal de 2017 affecte plus particulièrement des services d’intermédiation tels que ceux qu’elles assurent. Elles ont ajouté, lors de l’audience, que, en réalité, ce régime fiscal avait été envisagé pour les plateformes qui gèrent les paiements et exclusivement pour celles-ci.

47

À cet égard, il est vrai que l’évolution des moyens technologiques ainsi que la configuration actuelle du marché de la prestation de services d’intermédiation immobilière aboutissent au constat que les intermédiaires fournissant leurs prestations au moyen d’un portail télématique sont susceptibles de faire face, en application d’une législation telle que celle en cause au principal, à une obligation de transmission de données à l’administration fiscale plus fréquente et plus importante que celle pesant sur d’autres intermédiaires. Toutefois, cette obligation plus grande n’est que le reflet d’un nombre de transactions plus important auxquelles ces intermédiaires procèdent et de leur part de marché respective (arrêt Airbnb Ireland, point 44).

48

En outre, en l’occurrence, contrairement à ce qu’avait constaté la Cour dans l’arrêt du 12 septembre 2019, VG Media (C‑299/17, EU:C:2019:716, point 37), le libellé du régime fiscal de 2017 n’est pas uniquement neutre en apparence, puisqu’il vise effectivement l’ensemble des prestataires de services d’intermédiation immobilière, en particulier, comme la Commission l’a rappelé lors de l’audience, les agences immobilières.

49

Ensuite, la Cour a eu l’occasion de souligner que ne sont pas visées à l’article 56 TFUE des mesures dont le seul effet est d’engendrer des coûts supplémentaires pour la prestation concernée et qui affectent de la même manière la prestation de services entre les États membres et celle interne à un État membre (arrêt Airbnb Ireland, point 46 et jurisprudence citée).

50

Enfin, même si l’obligation faite à tous les prestataires de services d’intermédiation immobilière de collecter et de fournir des informations à l’administration fiscale concernant les données relatives aux contrats de location conclus à la suite de leur intermédiation peut engendrer des coûts supplémentaires, notamment liés à la recherche et au stockage des données concernées, il convient de remarquer, surtout dans le cas de services d’intermédiation fournis par voie numérique, que les données concernées sont mémorisées et digitalisées par des intermédiaires tels que les requérantes au principal, de telle sorte que, en toute hypothèse, le coût supplémentaire qu’engendre cette obligation pour ces intermédiaires apparaît réduit.

51

Ce premier type d’obligations ne comporte donc pas de restriction à la libre prestation de services telle que garantie par l’article 56 TFUE.

52

En deuxième lieu, concernant l’obligation de retenue à la source de l’impôt dû sur les sommes versées par les preneurs aux bailleurs et de versement de cet impôt au Trésor public, il convient de relever, d’une part, pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 43 à 48 du présent arrêt, que le régime fiscal de 2017 concerne, à cet égard, l’ensemble des tiers s’étant entremis dans un processus de location immobilière de courte durée, qu’il s’agisse de personnes physiques ou morales, que ces dernières résident ou soient établies sur le territoire italien ou pas et qu’elles interviennent par voie numérique ou selon d’autres modes de mise en relation, dès lors qu’elles ont choisi, dans le cadre de leur prestation de services, d’encaisser les loyers ou les contreparties relatifs aux contrats visés par le régime fiscal de 2017, ou bien d’intervenir dans la perception de ces loyers ou contreparties.

53

D’autre part, il est vrai, toutefois, ainsi que la Commission l’indique dans ses observations, que, lorsque le prestataire de services est établi dans un autre État membre que l’Italie, il agit en tant que « responsable de l’impôt », conformément à l’article 4, paragraphe 5 bis, du régime fiscal de 2017, tandis que, lorsqu’il est établi en Italie, il a la qualité, selon l’article 4, paragraphe 5, de ce régime, de « collecteur de l’impôt », c’est-à-dire de substitut fiscal, ce qui a pour conséquence, à l’égard du Trésor public, de le substituer au contribuable et de le rendre redevable de l’impôt.

54

Même s’il convient de considérer, à l’instar de M. l’avocat général au point 56 de ses conclusions, que ce deuxième type d’obligations cause aux prestataires de services d’intermédiation immobilière une charge bien plus importante que celle se rapportant à une simple obligation d’information, ne serait-ce que du fait de la responsabilité financière qu’elle engendre non seulement envers l’État d’imposition, mais également envers les clients, il ne ressort pas du régime fiscal de 2017, sous réserve de l’appréciation de la juridiction de renvoi, que cette charge soit plus pesante pour les prestataires de services d’intermédiation immobilière établis dans un autre État membre que l’Italie, qu’elle ne l’est pour les entreprises qui y ont un établissement, nonobstant leur dénomination différente. En effet, ce régime fiscal leur impose les mêmes obligations de retenue à la source au nom de l’administration fiscale et de paiement de l’impôt cédulaire de 21 % à cette dernière, le prélèvement étant effectué à titre libératoire lorsque le propriétaire du bien immeuble concerné a opté pour le taux préférentiel et à titre d’acompte lorsque tel n’est pas le cas.

55

Il n’apparaît donc pas, s’agissant du deuxième type d’obligations, qu’une législation telle que le régime fiscal de 2017, dont le seul effet est d’engendrer des coûts supplémentaires pour la prestation en cause et qui affecte de la même manière la prestation de services entre les États membres et celle interne à un État membre, puisse être considérée comme interdisant, gênant ou rendant moins attrayant l’exercice de la libre prestation des services (voir, en ce sens, arrêt du 3 mars 2020, Google Ireland, C‑482/18, EU:C:2020:141, points 25 et 26 ainsi que jurisprudence citée).

56

En troisième lieu, concernant l’obligation de désigner un représentant fiscal en Italie, il résulte du libellé même de l’article 4, paragraphes 5 et 5 bis, du régime fiscal de 2017 que celle-ci pèse uniquement sur certains prestataires de services d’intermédiation immobilière dépourvus d’un établissement stable en Italie, qualifiés de « responsables de l’impôt », tandis que les prestataires de tels services établis en Italie, qualifiés de « collecteurs de l’impôt », c’est-à-dire de substituts fiscaux, n’y sont pas soumis.

57

Il importe, à cet égard, de préciser que ce troisième type d’obligations ne concerne pas l’ensemble des prestataires de services d’intermédiation immobilière non établis en Italie et s’entremettant dans le processus de location de courte durée de biens immeubles qui y sont situés. En effet, l’obligation de désigner un représentant fiscal dépend du choix fait par ces prestataires d’encaisser ou non les loyers ou les contreparties relatifs aux contrats visés par le régime fiscal de 2017, ou bien d’intervenir ou non dans la perception de ces loyers ou contreparties, c’est-à-dire de se soumettre, en pratique, au deuxième type d’obligations et d’effectuer à ce titre un prélèvement sur les sommes perçues, à titre libératoire lorsque le propriétaire du bien immeuble concerné a opté pour le taux préférentiel de 21 % et à titre d’acompte lorsque tel n’est pas le cas.

58

Toutefois, force est de constater que le régime fiscal de 2017 traite différemment, selon qu’ils disposent ou non d’un établissement stable en Italie, les prestataires de services d’intermédiation immobilière effectuant ces encaissements ou ces interventions.

59

Ainsi, il n’est pas contestable que, en obligeant les prestataires de services d’intermédiation immobilière ne disposant pas d’un établissement stable en Italie, et désireux d’intégrer dans leurs prestations de services de tels encaissements ou de telles interventions, à désigner dans cet État membre un représentant fiscal, le régime fiscal de 2017 leur impose d’effectuer des démarches ainsi que de supporter, en pratique, le coût de la rémunération de ce représentant. De telles contraintes créent, pour ces opérateurs, une gêne de nature à les dissuader d’effectuer des services d’intermédiation immobilière en Italie, en tout cas selon les modalités correspondant à leur souhait. Il en résulte que cette obligation doit être regardée comme une restriction à la libre prestation des services prohibée, en principe, par l’article 56 TFUE (voir, par analogie, arrêt du 5 mai 2011, Commission/Portugal, C‑267/09, EU:C:2011:273, point 37).

60

Cela étant, c’est à juste titre que la juridiction de renvoi a indiqué que la Cour n’avait pas, dans sa jurisprudence, énoncé un principe d’incompatibilité entre l’obligation de désigner un représentant fiscal posée par une législation ou une réglementation nationale envers les personnes physiques ou morales résidant ou établies dans un autre État membre que celui de l’imposition et la libre prestation des services, dès lors que, dans chaque cas d’espèce, la Cour a examiné, au vu des caractéristiques propres de l’obligation en cause, si la restriction que celle-ci comportait pouvait être justifiée au regard des raisons impérieuses d’intérêt général poursuivies par la réglementation nationale en cause telles qu’invoquées devant la Cour par l’État membre concerné (arrêts du 5 juillet 2007, Commission/Belgique, C‑522/04, EU:C:2007:405, points 47 à 58 ; du 5 mai 2011, Commission/Portugal, C‑267/09, EU:C:2011:273, points 38 à 46, ainsi que du 11 décembre 2014, Commission/Espagne, C‑678/11, EU:C:2014:2434, points 42 à 62).

61

Il convient, par conséquent, de procéder à l’examen de l’obligation faite aux « responsables de l’impôt » de désigner un représentant fiscal à l’aune de la jurisprudence rappelée au point 60 du présent arrêt.

62

Premièrement, s’agissant des motifs mis en avant par l’État membre concerné pour justifier la restriction relevée au point 59 du présent arrêt, ceux-ci relèvent de la lutte contre l’évasion fiscale dans le secteur des locations de courte durée, ce dernier présentant, selon les termes de la juridiction de renvoi, un « taux structurellement élevé d’évasion fiscale ». À cet égard, il y a lieu de souligner que la Cour a jugé à maintes reprises que la lutte contre l’évasion fiscale et l’efficacité des contrôles fiscaux pouvaient être invoquées pour justifier des restrictions à l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité FUE (arrêt du 11 décembre 2014, Commission/Espagne, C‑678/11, EU:C:2014:2434, point 45 et jurisprudence citée).

63

De même, la nécessité de garantir l’efficacité du recouvrement de l’impôt constitue une raison impérieuse d’intérêt général, susceptible de justifier une restriction à la libre prestation des services (arrêt du 11 décembre 2014, Commission/Espagne, C‑678/11, EU:C:2014:2434, point 46 et jurisprudence citée).

64

C’est précisément dans la poursuite de cet objectif que s’inscrit l’obligation faite aux prestataires de services d’intermédiation immobilière effectuant les encaissements ou les interventions mentionnés au point 58 du présent arrêt et dépourvus d’un établissement stable en Italie d’y désigner un représentant fiscal. En effet, dans la mesure où, en tant que « responsables de l’impôt », ces prestataires sont chargés d’effectuer le prélèvement à la source au nom des autorités italiennes, ces dernières souhaitent, par l’intermédiaire du représentant fiscal, s’assurer que cette tâche a été menée à bien et que les montants perçus, dûment prélevés, ont ensuite été correctement reversés à l’administration fiscale, étant rappelé que ce travail de contrôle est facilité pour des prestataires de services d’intermédiation immobilière établis en Italie, puisque, dès lors qu’ils effectuent de tels prélèvements, ils acquièrent ipso jure, ainsi que cela ressort du point 53 du présent arrêt, la qualité de « collecteurs de l’impôt », c’est-à-dire de substituts fiscaux.

65

Il est, au demeurant, paradoxal que les requérantes au principal fassent grief aux autorités italiennes d’avoir, en adoptant le régime fiscal de 2017, instauré une présomption générale d’évasion ou de fraude fiscale fondée sur la circonstance qu’un prestataire de services est établi dans un autre État membre, présomption bannie par l’article 56 TFUE (arrêt du 19 juin 2014, Strojírny Prostějov et ACO Industries Tábor, C‑53/13 et C‑80/13, EU:C:2014:2011, point 56 et jurisprudence citée), alors que ce régime leur confère, au contraire, la tâche d’effectuer, au nom de l’administration fiscale, le prélèvement à la source de la somme correspondant à l’impôt dû et d’en effectuer le versement au Trésor public, tâche dont le législateur italien a cherché à faciliter le contrôle par l’intermédiaire de la désignation d’un représentant fiscal en Italie.

66

Il convient donc de considérer qu’une mesure fiscale telle que le troisième type d’obligations résultant du régime fiscal de 2017 poursuit un objectif légitime compatible avec le traité FUE et est justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général.

67

Deuxièmement, il n’est pas contestable que ce type d’obligations est, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, propre à garantir la réalisation de l’objectif de lutte contre l’évasion fiscale.

68

Il importe, en particulier, de mettre en avant le fait que, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, aux points 2 et 3 de ses conclusions, le recours à des prestataires de services d’intermédiation immobilière gérant un portail télématique, tels que les requérantes au principal, a connu un développement exponentiel et que ces prestations de services, qui, fournies par Internet, peuvent donc, par principe, être transfrontalières, correspondent toutefois à des opérations de location qui, elles, ont une localisation physique précise et, par conséquent, sont à même de revêtir un caractère imposable en fonction du droit fiscal de l’État membre concerné.

69

En outre, que les prestations de services d’intermédiation immobilière dont il s’agit soient le fait de prestataires exerçant leur activité au moyen de portails télématiques, tels que les requérantes au principal, ou qu’elles soient effectuées par des opérateurs économiques plus traditionnels, tels que des agences immobilières, force est de relever que ces locations sont souvent de courte durée, au sens de l’article 4, paragraphe 1, du régime fiscal de 2017. Par conséquent, quel que soit le mode d’entremise des prestataires de services concernés, un même bien immeuble sis en Italie peut être loué de nombreuses fois au cours d’un exercice fiscal par un bailleur donné au profit de preneurs possiblement résidents d’autres États membres, par l’intermédiaire de prestataires de services eux-mêmes, le cas échéant, établis sur le territoire d’un autre État membre, lesquels sont, nonobstant, chargés de prélever à la source la somme correspondant au montant de l’impôt dû par le bailleur et de la reverser à l’administration fiscale. Il y a donc lieu de considérer que l’obligation faite aux prestataires de services d’intermédiation immobilière dépourvus d’un établissement stable en Italie d’y désigner un représentant fiscal est propre à garantir la réalisation de l’objectif de lutte contre l’évasion fiscale et à permettre l’exact recouvrement de l’impôt.

70

Troisièmement, il importe de vérifier si une mesure telle que le troisième type d’obligations résultant du régime fiscal de 2017 ne va pas au–delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

71

Tout d’abord, l’examen de la proportionnalité d’une telle mesure amène à constater que, à la différence des affaires ayant donné lieu aux arrêts cités au point 60 du présent arrêt, dans lesquelles les personnes physiques ou morales concernées par l’obligation de désignation d’un représentant fiscal sur le territoire de l’État membre d’imposition étaient des contribuables, cette obligation vise, en l’occurrence, des prestataires de services ayant agi en tant que responsables de l’impôt et ayant déjà, à ce titre, prélevé le montant correspondant à l’impôt dû par les contribuables, à savoir les propriétaires des biens immeubles concernés, pour le compte du Trésor public. Il n’en demeure pas moins que, même dans un tel cas de figure, le caractère proportionné d’une telle obligation implique qu’il n’existe pas de mesures propres à satisfaire l’objectif de lutte contre la fraude fiscale et d’exacte perception de cet impôt par l’administration fiscale concernée qui soient moins attentatoires à la libre prestation des services que l’obligation de désigner un représentant fiscal résidant ou établi sur le territoire de l’État membre d’imposition.

72

Ensuite, puisque cette obligation s’applique indifféremment à l’ensemble des prestataires de services d’intermédiation immobilière dépourvus d’un établissement stable en Italie et ayant choisi, dans le cadre de leurs prestations, d’encaisser les loyers ou les contreparties relatifs aux contrats visés par le régime fiscal de 2017, ou bien d’intervenir dans la perception de ces loyers ou contreparties, sans distinction en fonction, par exemple, du volume de recettes fiscales prélevé ou susceptible d’être prélevé annuellement pour le compte du Trésor public par ces prestataires, il convient de considérer que le troisième type d’obligations résultant du régime fiscal de 2017 excède ce qui était nécessaire pour atteindre les objectifs de ce régime.

73

Enfin, même s’il est exact que le grand nombre de transactions et de biens immeubles susceptibles de faire l’objet d’une transaction par l’entremise des prestataires d’intermédiation immobilière concernés rend complexe la tâche des autorités fiscales de l’État membre d’imposition, il n’implique pas pour autant, contrairement à ce que soutient le gouvernement italien, le recours à une mesure telle que l’obligation de désignation d’un représentant fiscal résidant ou établi sur le territoire de cet État étant donné, en premier lieu, que le premier type d’obligations vise précisément à fournir à ces autorités fiscales toutes les informations permettant à la fois d’identifier les contribuables redevables de l’impôt et de déterminer l’assiette de ce dernier, en deuxième lieu, que le deuxième type d’obligations permet d’assurer le prélèvement à la source de cet impôt et, en troisième lieu, que le législateur italien n’a pas retenu la possibilité que ce représentant fiscal, auprès duquel il puisse s’assurer de l’exacte perception des impôts par ces prestataires de services et de la bonne transmission au Trésor italien des sommes correspondantes, ait la possibilité de résider ou d’être établi dans un autre État membre que l’Italie.

74

À cet égard, la simple affirmation que la condition de résidence constitue la meilleure garantie que les obligations d’ordre fiscal incombant au représentant fiscal soient remplies de manière efficace n’est pas pertinente. Si le contrôle d’un tel représentant par les autorités fiscales d’un État membre peut effectivement s’avérer plus difficile lorsque celui-ci se situe dans un autre État membre, il ressort toutefois de la jurisprudence que des difficultés administratives ne constituent pas un motif susceptible de justifier une entrave à une liberté fondamentale garantie par le droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2014, Commission/Espagne, C‑678/11, EU:C:2014:2434, point 61 et jurisprudence citée).

75

Dans ces conditions, il n’apparaît pas que le contrôle du respect des obligations pesant sur les prestataires de services concernés en qualité de responsables de l’impôt ne pourrait être assuré par des moyens moins attentatoires à l’article 56 TFUE que la nomination d’un représentant fiscal résidant en Italie.

76

Par suite, il y a lieu d’indiquer, à l’instar de M. l’avocat général au point 82 de ses conclusions, que l’obligation de désigner un représentant fiscal est, dans des circonstances telles que celles du régime fiscal de 2017, contraire à l’article 56 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 5 juillet 2007, Commission/Belgique, C‑522/04, EU:C:2007:405, et du 11 décembre 2014, Commission/Espagne, C‑678/11, EU:C:2014:2434).

77

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux première et deuxième questions préjudicielles que l’article 56 TFUE doit être interprété en ce sens que :

premièrement, il ne s’oppose pas à une législation d’un État membre imposant aux prestataires de services d’intermédiation immobilière, indépendamment de leur lieu d’établissement et de la manière dont ils s’entremettent, s’agissant de locations d’une durée maximale de 30 jours portant sur des biens immeubles sis sur le territoire de cet État membre, de recueillir puis de communiquer à l’administration fiscale nationale les données relatives aux contrats de location conclus à la suite de leur intermédiation, et, si ces prestataires ont encaissé les loyers ou les contreparties correspondants ou bien sont intervenus dans leur perception, de prélever à la source le montant de l’impôt dû sur les sommes versées par les preneurs aux bailleurs et de le verser au Trésor public dudit État membre ;

deuxièmement, il s’oppose à une législation d’un État membre imposant aux prestataires de services d’intermédiation immobilière, s’agissant de locations d’une durée maximale de 30 jours portant sur des biens immeubles sis sur le territoire de cet État membre, lorsque ces prestataires ont encaissé les loyers ou les contreparties correspondants ou bien sont intervenus dans leur perception et qu’ils résident ou sont établis sur le territoire d’un autre État membre que celui d’imposition, de désigner un représentant fiscal résidant ou établi sur le territoire de l’État membre d’imposition.

Sur la troisième question préjudicielle

78

Par sa troisième question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande si l’article 267 TFUE doit être interprété en ce sens que, en présence d’une question d’interprétation du droit de l’Union soulevée par l’une des parties au principal, le juge national dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne conserve la faculté de procéder à la formulation autonome des questions préjudicielles à adresser à la Cour ou s’il est tenu de reprendre les questions telles qu’elles ont été formulées par la partie au principal demandant le renvoi.

79

Ainsi que la Cour a eu récemment l’occasion de le rappeler, lorsqu’il n’existe aucun recours juridictionnel de droit interne contre la décision d’une juridiction nationale, cette dernière est, en principe, tenue de saisir la Cour, au sens de l’article 267, troisième alinéa, TFUE, dès lors qu’une question relative à l’interprétation du droit de l’Union est soulevée devant elle (arrêt du 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi, C‑561/19, EU:C:2021:799, point 32 ainsi que jurisprudence citée).

80

Une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne ne saurait être libérée de cette obligation que lorsqu’elle a constaté que la question soulevée n’est pas pertinente ou que la disposition du droit de l’Union concernée a déjà fait l’objet d’une interprétation de la part de la Cour ou que l’interprétation correcte du droit de l’Union s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable (arrêt du 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi, C‑561/19, EU:C:2021:799, point 33 ainsi que jurisprudence citée).

81

À cet égard, il convient de rappeler qu’il découle du rapport entre les deuxième et troisième alinéas de l’article 267 TFUE que les juridictions visées par ce troisième alinéa jouissent du même pouvoir d’appréciation que toutes autres juridictions nationales en ce qui concerne le point de savoir si une décision sur un point de droit de l’Union est nécessaire pour leur permettre de rendre leur décision. Ces juridictions ne sont, dès lors, pas tenues de renvoyer une question d’interprétation du droit de l’Union soulevée devant elles si la question n’est pas pertinente, c’est‑à‑dire dans les cas où la réponse à cette question, quelle qu’elle soit, ne pourrait avoir aucune influence sur la solution du litige (arrêt du 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi, C‑561/19, EU:C:2021:799, point 34 ainsi que jurisprudence citée).

82

Il appartient donc au seul juge national, qui est saisi du litige et doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour (arrêt du 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi, C‑561/19, EU:C:2021:799, point 35 ainsi que jurisprudence citée).

83

À cet égard, il convient de rappeler que le système de coopération directe entre la Cour et les juridictions nationales, instauré par l’article 267 TFUE, est étranger à toute initiative des parties au principal. Ces dernières ne sauraient priver les juridictions nationales de leur indépendance dans l’exercice du pouvoir d’appréciation rappelé aux points 81 et 82 du présent arrêt, notamment en les obligeant à présenter une demande de décision préjudicielle (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi, C‑561/19, EU:C:2021:799, point 53 ainsi que jurisprudence citée).

84

Il s’ensuit que la détermination et la formulation des questions à soumettre à la Cour n’appartiennent qu’à la juridiction nationale et que les parties au principal ne sauraient en imposer ou en changer la teneur (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi, C‑561/19, EU:C:2021:799, points 54 et 55 ainsi que jurisprudence citée).

85

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la troisième question préjudicielle que l’article 267 TFUE doit être interprété en ce sens que, en présence d’une question d’interprétation du droit de l’Union soulevée par l’une des parties au principal, la détermination et la formulation des questions à soumettre à la Cour n’appartiennent qu’à la juridiction nationale et ces parties ne sauraient en imposer ou en changer la teneur.

Sur les dépens

86

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :

 

1)

L’article 56 TFUE doit être interprété en ce sens que :

premièrement, il ne s’oppose pas à une législation d’un État membre imposant aux prestataires de services d’intermédiation immobilière, indépendamment de leur lieu d’établissement et de la manière dont ils s’entremettent, s’agissant de locations d’une durée maximale de 30 jours portant sur des biens immeubles sis sur le territoire de cet État membre, de recueillir puis de communiquer à l’administration fiscale nationale les données relatives aux contrats de location conclus à la suite de leur intermédiation, et, si ces prestataires ont encaissé les loyers ou les contreparties correspondants ou bien sont intervenus dans leur perception, de prélever à la source le montant de l’impôt dû sur les sommes versées par les preneurs aux bailleurs et de le verser au Trésor public dudit État membre ;

deuxièmement, il s’oppose à une législation d’un État membre imposant aux prestataires de services d’intermédiation immobilière, s’agissant de locations d’une durée maximale de 30 jours portant sur des biens immeubles sis sur le territoire de cet État membre, lorsque ces prestataires ont encaissé les loyers ou les contreparties correspondants ou bien sont intervenus dans leur perception et qu’ils résident ou sont établis sur le territoire d’un autre État membre que celui d’imposition, de désigner un représentant fiscal résidant ou établi sur le territoire de l’État membre d’imposition.

 

2)

L’article 267 TFUE doit être interprété en ce sens que, en présence d’une question d’interprétation du droit de l’Union soulevée par l’une des parties au principal, la détermination et la formulation des questions à soumettre à la Cour n’appartiennent qu’à la juridiction nationale et ces parties ne sauraient en imposer ou en changer la teneur.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’italien.