ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

11 novembre 2021 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑425/21 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 12 juillet 2021,

Sun Stars & Sons Pte Ltd, établie à Singapour (Singapour), représentée par Me M. Maček, odvetnica,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

Carpathian Springs SA, établie à Vatra Dornei (Roumanie), représentée par Mes M. Stănescu, D. S. Bogdan et G. Bozocea, avocați,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de M. L. Bay Larsen, vice‑président de la Cour, MM. I. Jarukaitis (rapporteur) et M. Ilešič, juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. P. Pikamäe, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Sun Stars & Sons Pte Ltd demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 mai 2021, Sun Stars & Sons/EUIPO – Carpathian Springs (AQUA CARPATICA) (T‑637/19, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:255), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 6 août 2019 (affaire R 317/2018-4), relative à une procédure d’opposition entre Sun Stars & Sons et Carpathian Springs.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, dudit règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, lequel soulève deux moyens, tirés, respectivement, d’un défaut de motivation de l’arrêt attaqué et d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), la requérante invoque cinq arguments, par lesquels elle fait valoir qu’il y a lieu d’admettre son pourvoi aux fins d’assurer l’unité et la cohérence du droit de l’Union.

7        Premièrement, la requérante soutient que, au point 33 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu à tort qu’aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause l’appréciation de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO, selon laquelle le public pertinent de l’Union a un niveau d’attention, tout au plus, moyen à l’égard des produits en cause. Le Tribunal aurait omis de prendre en considération les arguments de la requérante selon lesquels le niveau d’attention du consommateur moyen pour l’eau en bouteille est faible et aurait insuffisamment motivé sa position à cet égard. En statuant ainsi, il aurait dénaturé les éléments de preuve, manqué à son obligation de motiver l’arrêt attaqué et appliqué de manière erronée l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

8        Deuxièmement, la requérante fait grief au Tribunal d’avoir considéré, au point 67 de l’arrêt attaqué, que la forme de la bouteille VODAVODA n’est pas de nature à constituer une indication de l’origine commerciale, sans avoir procédé à un examen concret de l’impression d’ensemble produite par l’apparence de cette bouteille. Ce faisant, le Tribunal aurait méconnu sa jurisprudence constante, issue notamment de l’arrêt du 3 octobre 2018, Wajos/EUIPO (Forme d’un contenant) (T‑313/17, non publié, EU:T:2018:638, points 26, 31 et 34), relative aux marques tridimensionnelles, entaché l’arrêt attaqué d’un défaut de motivation, dénaturé les éléments de preuve et procédé à une application incorrecte de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

9        Troisièmement, la requérante reproche au Tribunal d’avoir apprécié de manière erronée la similitude visuelle des signes en conflit en se limitant, aux points 87 et 88 de l’arrêt attaqué, à l’examen des éléments verbaux « voda » et « aqua », sans se concentrer sur d’autres éléments, tels que la forme des bouteilles en cause, ce qui serait contraire à la jurisprudence constante issue notamment de l’arrêt du 14 avril 2010, Laboratorios Byly/OHMI – Ginis (BILLY’S Products) (T‑514/08, non publié, EU:T:2010:143, points 28 et 29). L’arrêt attaqué nuirait donc à l’unité et à la cohérence du droit de l’Union.

10      Quatrièmement, la requérante estime que le Tribunal a constaté à tort que les services relevant de la classe 39 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, désignés par la marque demandée, et les produits relevant de la classe 32 au sens de l’arrangement de Nice, désignés par la marque antérieure, ne sont pas similaires au point de donner lieu à un risque de confusion. Ce constat serait contraire à la jurisprudence constante issue, notamment, de l’arrêt du 11 mai 2011, Flaco-Geräte/OHMI – Delgado Sánchez (FLACO) (T‑74/10, non publié, EU:T:2011:207, point 40), selon laquelle des produits ou des services sont complémentaires lorsqu’il existe un lien étroit entre eux, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de leur fabrication ou de leur fourniture incombe à la même entreprise. Une telle contradiction nuirait à l’unité et à la cohérence du droit de l’Union.

11      Cinquièmement, la requérante reproche au Tribunal d’avoir, au point 99 de l’arrêt attaqué, conclu à l’absence de risque de confusion sans avoir procédé à un examen concret de ce risque et sans avoir indiqué clairement les motifs pour lesquels il est parvenu à cette conclusion. Cela serait contraire à la jurisprudence de la Cour issue de l’arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO (C‑766/18 P, EU:C:2020:170, points 69, 70 et 86), selon laquelle le Tribunal est tenu d’examiner si le faible degré de similitude des marques en conflit est compensé par l’identité des produits désignés par ces marques, ce qui serait le cas en l’espèce. Ce faisant, le Tribunal aurait entaché l’arrêt attaqué d’un défaut de motivation, dénaturé les éléments de preuve et procédé à une application incorrecte de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

12      À titre liminaire, il convient de rappeler que c’est à la requérante qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 13 et jurisprudence citée).

13      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut vise à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 14 et jurisprudence citée).

14      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser en quoi cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été violée par l’arrêt sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la violation de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 15 et jurisprudence citée).

15      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et jurisprudence citée).

16      En l’occurrence, il y a lieu de constater, en premier lieu, que, en tant que, par ses cinq arguments avancés au soutien de sa demande d’admission du pourvoi, résumés aux points 7 à 11 à de la présente ordonnance, la requérante fait valoir de manière générale qu’il y a lieu d’admettre son pourvoi aux fins d’assurer l’unité et la cohérence du droit de l’Union ou que l’arrêt attaqué nuit à cette unité et à cette cohérence, elle n’explique pas ni, en tout état de cause, ne démontre, d’une manière respectant l’ensemble des exigences énoncées au point 14 de la présente ordonnance, en quoi son pourvoi soulève une question importante au regard de ces critères qui justifierait l’admission du pourvoi.

17      En effet, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, le requérant au pourvoi doit démontrer que, indépendamment des questions de droit qu’il invoque dans son pourvoi, ce dernier soulève une ou plusieurs questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, la portée de ce critère dépassant le cadre de l’arrêt sous pourvoi et, en définitive, celui de son pourvoi. Ainsi, cette démonstration implique d’établir tant l’existence que l’importance de telles questions, au moyen d’éléments concrets et propres au cas d’espèce, et non pas simplement des arguments d’ordre général (ordonnance du 4 juin 2020, Société des produits Nestlé/Amigüitos pets & life et EUIPO, C‑97/20 P, non publiée, EU:C:2020:442, point 18 et jurisprudence citée).

18      Or, les simples allégations formulées par la requérante et selon lesquelles le Tribunal aurait manqué à son obligation de motivation, dénaturé des éléments de preuve et appliqué de manière erronée l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, qu’elles soient prises isolément ou ensemble, sont manifestement trop générales pour être de nature à constituer une telle démonstration.

19      En deuxième lieu, dans la mesure où la requérante reproche au Tribunal d’avoir méconnu sa propre jurisprudence et celle de la Cour, il y a lieu de constater que, si la requérante a identifié, s’agissant de ses deuxième, troisième et cinquième arguments, les points de l’arrêt attaqué qu’elle met en cause et ceux des décisions du Tribunal et de la Cour qui auraient été méconnus, elle n’a pas exposé les raisons concrètes pour lesquelles elle considère que les méconnaissances ou contradictions alléguées, à les supposer établies, soulèveraient une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, mais se contente d’affirmations générales. Il y a lieu, dès lors, de constater que la requérante n’a pas respecté l’ensemble des exigences énoncées au point 14 de la présente ordonnance.

20      S’agissant de son quatrième argument, force est de constater que, dans la mesure où une contradiction avec la jurisprudence du Tribunal y est alléguée, il est entaché des mêmes insuffisances que celles relevées au point précédent relatives aux deuxième, troisième et cinquième arguments et que, en outre, la requérante n’identifie même pas le point de l’arrêt attaqué qu’elle met en cause.

21      En troisième lieu, il convient de relever que, dans la mesure où, par ses premier à quatrième arguments, la requérante conteste, respectivement, le niveau d’attention des consommateurs moyens d’eau en bouteille, retenu par la quatrième chambre de recours de l’EUIPO puis par le Tribunal, le degré de caractère distinctif de la bouteille VODAVODA constaté par le Tribunal, le degré de similitude visuelle des signes en conflit retenu dans l’arrêt attaqué, ainsi que le constat du Tribunal selon lequel les produits et les services désignés par les marques en conflit ne sont pas similaires au point de donner lieu à un risque de confusion, elle cherche, en réalité, à remettre en cause des appréciations de nature factuelle effectuées par le Tribunal. Or, un telle argumentation ne saurait soulever une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 24 juin 2021, Olimp Laboratories/EUIPO, C‑219/21 P, non publiée, EU:C:2021:522, point 20 et jurisprudence citée).

22      Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

23      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

24      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

25      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Sun Stars & Sons Pte Ltd supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.