ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
6 octobre 2021 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Citoyenneté de l’Union – Droit des citoyens de l’Union de circuler librement sur le territoire des États membres – Article 21 TFUE – Directive 2004/38/CE – Articles 4 et 5 – Obligation d’être muni d’une carte d’identité ou d’un passeport – Règlement (CE) no 562/2006 (code frontières Schengen) – Annexe VI – Franchissement de la frontière maritime d’un État membre à bord d’un navire de plaisance – Régime de sanctions applicable en cas de circulation entre États membres sans carte d’identité ou passeport – Régime pénal de jours-amende – Calcul de l’amende en fonction du revenu mensuel moyen du contrevenant – Proportionnalité – Intensité de la peine par rapport à l’infraction »
Dans l’affaire C‑35/20,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Korkein oikeus (Cour suprême, Finlande), par décision du 21 janvier 2020, parvenue à la Cour le 24 janvier 2020, dans la procédure pénale contre
A
en présence de :
Syyttäjä,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de M. E. Regan, président de chambre, MM. M. Ilešič, E. Juhász, C. Lycourgos (rapporteur) et I. Jarukaitis, juges,
avocat général : M. M. Szpunar,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
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pour A, par Me U. Väänänen, asianajaja, |
– |
pour le gouvernement finlandais, par Mme H. Leppo, en qualité d’agent, |
– |
pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller et R. Kanitz, en qualité d’agents, |
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pour la Commission européenne, par Mme E. Montaguti ainsi que par MM. G. Wils, J. Tomkin et I. Koskinen, en qualité d’agents, |
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 3 juin 2021,
rend le présent
Arrêt
1 |
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 21, paragraphe 1, TFUE, de l’article 4, paragraphe 1, de l’article 5, paragraphe 1, et de l’article 27, paragraphe 2, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77), ainsi que de l’article 21 du règlement (CE) no 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (JO 2006, L 105, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) no 610/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013 (JO 2013, L 182, p. 1). |
2 |
Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre A au sujet du franchissement par celui-ci de la frontière nationale de la Finlande à bord d’un navire de plaisance sans être muni d’une carte d’identité ou d’un passeport. |
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 2004/38
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Aux termes des considérants 1, 7 et 31 de la directive 2004/38 :
[...]
[...]
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L’article 1er de cette directive, intitulé « Objet », énonce : « La présente directive concerne :
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5 |
L’article 3 de ladite directive, intitulé « Bénéficiaires », dispose, à son paragraphe 1 : « La présente directive s’applique à tout citoyen de l’Union qui se rend ou séjourne dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu’aux membres de sa famille, tels que définis à l’article 2, point 2), qui l’accompagnent ou le rejoignent. » |
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L’article 4 de la même directive, intitulé « Droit de sortie », prévoit : « 1. Sans préjudice des dispositions concernant les documents de voyage, applicables aux contrôles aux frontières nationales, tout citoyen de l’Union muni d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité, ainsi que les membres de sa famille qui n’ont pas la nationalité d’un État membre munis d’un passeport en cours de validité, ont le droit de quitter le territoire d’un État membre en vue de se rendre dans un autre État membre. [...] 3. Les États membres, agissant conformément à leur législation, délivrent à leurs citoyens, ou renouvellent, une carte d’identité ou un passeport indiquant leur nationalité. [...] » |
7 |
L’article 5 de la directive 2004/38, intitulé « Droit d’entrée », est ainsi libellé : « 1. Sans préjudice des dispositions concernant les documents de voyage, applicables aux contrôles aux frontières nationales, les États membres admettent sur leur territoire le citoyen de l’Union muni d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité ainsi que les membres de sa famille qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui sont munis d’un passeport en cours de validité. [...] 4. Lorsqu’un citoyen de l’Union ou un membre de la famille qui n’a pas la nationalité d’un État membre ne dispose pas du document de voyage requis ou, le cas échéant, du visa nécessaire, l’État membre concerné accorde à ces personnes tous les moyens raisonnables afin de leur permettre d’obtenir ou de se procurer, dans un délai raisonnable, les documents requis ou de faire confirmer ou prouver par d’autres moyens leur qualité de bénéficiaires du droit de circuler et de séjourner librement, avant de procéder au refoulement. 5. L’État membre peut imposer à l’intéressé de signaler sa présence sur son territoire dans un délai raisonnable et non discriminatoire. Le non-respect de cette obligation peut être passible de sanctions non discriminatoires et proportionnées. » |
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L’article 27 de cette directive, intitulé « Principes généraux », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 : « 1. Sous réserve des dispositions du présent chapitre, les États membres peuvent restreindre la liberté de circulation et de séjour d’un citoyen de l’Union ou d’un membre de sa famille, quelle que soit sa nationalité, pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Ces raisons ne peuvent être invoquées à des fins économiques. 2. Les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné. [...] [...] » |
9 |
Aux termes de l’article 36 de ladite directive, intitulé « Sanctions » : « Les États membres déterminent le régime des sanctions applicable aux violations des dispositions nationales prises en application de la présente directive, et prennent toute mesure nécessaire pour en assurer l’exécution. Les sanctions ainsi prévues doivent être effectives et proportionnées. [...] » |
Le règlement no 562/2006
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L’article 1er du règlement no 562/2006, intitulé « Objet et principes », énonçait : « Le présent règlement prévoit l’absence de contrôle aux frontières des personnes franchissant les frontières intérieures entre les États membres de l’Union européenne. Il établit les règles applicables au contrôle aux frontières des personnes franchissant les frontières extérieures des États membres de l’Union européenne. » |
11 |
L’article 2 de ce règlement, intitulé « Définitions », disposait : « Aux fins du présent règlement, on entend par :
[...] » |
12 |
L’article 4 dudit règlement, intitulé « Franchissement des frontières extérieures », disposait : « 1. Les frontières extérieures ne peuvent être franchies qu’aux points de passage frontaliers et durant les heures d’ouverture fixées. Les heures d’ouverture sont indiquées clairement aux points de passage frontaliers qui ne sont pas ouverts 24 heures sur 24. [...] 2. Par dérogation au paragraphe 1, des exceptions à l’obligation de franchir les frontières extérieures aux points de passage frontaliers et durant les heures d’ouverture fixées peuvent être prévues : [...]
[...] » |
13 |
Aux termes de l’article 7 du règlement no 562/2006, intitulé « Vérifications aux frontières portant sur les personnes » : « 1. Les mouvements transfrontaliers aux frontières extérieures font l’objet de vérifications de la part des garde-frontières. [...] [...] 2. Toutes les personnes font l’objet d’une vérification minimale visant à établir leur identité sur production ou sur présentation de leurs documents de voyage. Cette vérification minimale consiste en un examen simple et rapide de la validité du document autorisant son titulaire légitime à franchir la frontière et de la présence d’indices de falsification ou de contrefaçon, le cas échéant en recourant à des dispositifs techniques et en consultant, dans les bases de données pertinentes, les informations relatives, exclusivement, aux documents volés, détournés, égarés et invalidés. [...] 6. Les vérifications portant sur des personnes jouissant du droit à la libre circulation au titre du droit de l’Union sont effectuées conformément à la directive [2004/38]. [...] » |
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L’article 18 de ce règlement, intitulé « Modalités relatives aux différents types de frontières et aux moyens de transport utilisés pour le franchissement des frontières extérieures », disposait : « Les modalités spécifiques de vérification décrites à l’annexe VI s’appliquent aux vérifications faites aux différents types de frontières et à l’égard des différents moyens de transport utilisés pour le franchissement des frontières extérieures. Ces modalités spécifiques peuvent contenir des dérogations aux articles 4, 5 et 7 à 13. » |
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L’article 20 dudit règlement, intitulé « Franchissement des frontières intérieures », prévoyait : « Les frontières intérieures peuvent être franchies en tout lieu sans que des vérifications aux frontières soient effectuées sur les personnes, quelle que soit leur nationalité. » |
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L’article 21 du même règlement, intitulé « vérifications à l’intérieur du territoire », énonçait : « La suppression du contrôle aux frontières intérieures ne porte pas atteinte :
[...] » |
17 |
L’annexe VI du règlement no 562/2006, intitulé « Modalités relatives aux différents types de frontières et aux moyens de transport utilisés pour le franchissement des frontières extérieures », contenait une rubrique intitulée « Navigation de plaisance », libellée comme suit : « 3.2.5. Par dérogation aux articles 4 et 7, les personnes à bord de navires de plaisance en provenance ou à destination d’un port situé dans un État membre ne sont pas soumises aux vérifications aux frontières et peuvent entrer dans un port qui n’est pas un point de passage frontalier. Toutefois, en fonction de l’analyse du risque en matière d’immigration illégale, et notamment si les côtes d’un pays tiers sont situées à proximité immédiate du territoire de l’État membre concerné, des vérifications sur les personnes et/ou une fouille physique du navire de plaisance sont effectuées. [...] 3.2.7. Un document reprenant l’ensemble des caractéristiques techniques du navire ainsi que le nom des personnes qui se trouvent à bord doit être présenté à l’occasion des vérifications. Une copie de ce document est remise aux autorités des ports d’entrée et de sortie. Tant que le navire reste dans les eaux territoriales d’un des États membres, un exemplaire de ce document figure parmi les documents de bord. » |
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Ce règlement, applicable à la date des faits au principal, a été abrogé et remplacé par le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (JO 2016, L 77, p. 1). |
Le droit finlandais
La réglementation sur les documents de voyage
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L’article 1er de la passilaki (671/2006) [loi sur les passeports (671/2006)] prévoit : « Les ressortissants finlandais ont le droit de quitter le pays conformément aux dispositions prévues dans cette loi. Les ressortissants finlandais ne peuvent pas être empêchés d’entrer sur le territoire. » |
20 |
L’article 2 de la loi sur les passeports énonce : « Les ressortissants finlandais ont le droit de quitter, et d’entrer sur, le territoire munis d’un passeport, sous réserve des exceptions énoncées dans la présente loi, dans le droit de l’Union ou dans un accord international liant la Finlande. Sans passeport, les ressortissants finlandais peuvent se rendre en Islande, en Norvège, en Suède et au Danemark. Un règlement adopté en conseil des ministres détermine les autres pays vers lesquels les ressortissants finlandais peuvent voyager en utilisant, en tant que document de voyage, non pas un passeport, mais une carte d’identité [...] » |
21 |
Aux termes de l’article 28, premier alinéa, de la loi sur les passeports : « Si un ressortissant finlandais doit être muni d’un passeport ou d’une carte d’identité lors de son voyage, il doit, lorsqu’il quitte le pays et lorsqu’il arrive dans le pays, montrer ce document à l’autorité de surveillance des frontières si celle-ci le lui demande. » |
22 |
L’article 1er du valtioneuvoston asetus matkustusoikeuden osoittamisesta eräissä tapauksissa (660/2013) [règlement adopté en conseil des ministres relatif à la preuve du droit de voyager dans certains cas précis (660/2013)] dispose : « Les ressortissants finlandais peuvent voyager depuis la Finlande vers les pays suivants en utilisant comme document de voyage, à la place d’un passeport, une carte d’identité [...] : Pays-Bas, Belgique, Bulgarie, Espagne, Irlande, Royaume-Uni, Italie, Autriche, Grèce, Croatie, Chypre, Lettonie, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Malte, Portugal, Pologne, France, Roumanie, Allemagne, Saint-Marin, Slovaquie, Slovénie, Suisse, République tchèque, Hongrie et Estonie. » |
Le code pénal
23 |
L’article 7, intitulé « Infraction au respect des frontières », du chapitre 17, intitulé « Infractions à l’ordre public », de la rikoslaki (39/1889) [code pénal (39/1889)] dispose : « Quiconque
[...] commet une infraction au respect des frontières passible d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement d’un an maximum. » |
24 |
L’article 7a du même chapitre 17 de ce code, intitulé « Infraction mineure au respect des frontières », énonce : « Le contrevenant est puni d’une amende pour infraction mineure au respect des frontières si, au vu de la courte durée du séjour ou de la circulation irrégulière, de la nature de l’acte interdit ou des autres circonstances de l’infraction, l’infraction au respect des frontières est jugée mineure dans son ensemble. » |
25 |
Aux termes de l’article 1er, premier alinéa, du chapitre 2a du code pénal : « L’amende est infligée sous forme de jours-amende dont le nombre minimal est d’un jour-amende et le nombre maximal est de 120 jours-amende. » |
26 |
L’article 2 de ce même chapitre 2a du code pénal dispose : « Le montant du jour-amende est fixé de manière raisonnable, compte tenu de la capacité de paiement du contrevenant. Le montant du jour-amende est considéré comme raisonnable s’il correspond à un soixantième du revenu mensuel moyen du contrevenant, déduction faite des impôts et taxes qui sont déterminés par règlement adopté en conseil des ministres ainsi que d’un montant fixe correspondant aux dépenses de consommation courante. L’obligation alimentaire dont est redevable le contrevenant peut réduire le montant du jour-amende. Les revenus indiqués dans la dernière fiche d’imposition fournie par le contrevenant sont la base principale de calcul dudit revenu mensuel. Si les revenus du contrevenant ne peuvent être déterminés de façon suffisamment fiable à partir des données d’imposition ou qu’ils ont notablement évolué depuis la dernière fiche d’imposition fournie, ils peuvent être déterminés sur la base d’un autre document accessible. [...] Un règlement adopté en conseil des ministres réglemente plus précisément le calcul du revenu mensuel moyen, la manière d’arrondir le montant du jour-amende, le montant fixe correspondant aux dépenses de consommation courante, la prise en compte de l’obligation alimentaire ainsi que le montant minimal du jour-amende. » |
27 |
L’article 5 du valtioneuvoston asetus päiväsakon rahamäärästä (609/1999) [règlement adopté en conseil des ministres relatif au montant du jour-amende (609/1999)] énonce : « Le montant du jour-amende ne peut être inférieur à 6 euros. » |
Le litige au principal et les questions préjudicielles
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Le 25 août 2015, A, ressortissant finlandais, a effectué un voyage aller-retour entre la Finlande et l’Estonie à bord d’un navire de plaisance. Tant le lieu de départ que le lieu de retour de ce voyage étaient situés en Finlande. Pendant ledit voyage, A a traversé une zone maritime internationale située entre les deux États membres. |
29 |
Tout en étant titulaire d’un passeport finlandais en cours de validité, A n’était pas muni de celui-ci lors du voyage. Par conséquent, à l’occasion d’un contrôle aux frontières effectué à Helsinki au moment de son retour, A n’a pas pu présenter ce passeport ni aucun autre document de voyage. Toutefois, l’identité de A a pu être établie sur la base du permis de conduire dont il était porteur. |
30 |
Des poursuites ont été engagées par le syyttäjä (procureur, Finlande) contre A devant le Helsingin käräjäoikeus (tribunal de première instance de Helsinki, Finlande) pour infraction mineure au respect des frontières. |
31 |
Par décision du 5 décembre 2016, le Helsingin käräjäoikeus (tribunal de première instance de Helsinki) a constaté que A avait commis une infraction en ayant franchi la frontière finlandaise sans être muni d’un document de voyage, et a précisé que la circonstance que l’intéressé était titulaire d’un passeport en cours de validité était dépourvue de pertinence à cet égard. |
32 |
Ce tribunal n’a, toutefois, pas prononcé de peine, au motif que l’infraction était mineure et que, en cas de condamnation au paiement d’une amende, le montant de celle-ci, calculé selon le régime pénal des jours-amende en fonction du revenu mensuel moyen de A, aurait été excessif. |
33 |
Le procureur a interjeté appel de cette décision devant le Helsingin hovioikeus (cour d’appel de Helsinki, Finlande). De son côté, A a formé un appel incident contre la même décision. |
34 |
Par arrêt du 15 juin 2018, le Helsingin hovioikeus (cour d’appel de Helsinki), tout en constatant qu’il était dûment établi que A n’était pas muni, lors du franchissement de la frontière finlandaise, d’un document de voyage, a rejeté les poursuites. Cette juridiction a en effet estimé que l’infraction mineure au respect des frontières n’était pas caractérisée en l’occurrence. |
35 |
Le procureur a formé un pourvoi contre cet arrêt devant le Korkein oikeus (Cour suprême, Finlande). |
36 |
Cette juridiction estime que l’affaire doit être examinée sous l’angle du droit de l’Union. |
37 |
Elle rappelle que la Cour a jugé, au point 45 de l’arrêt du 21 septembre 1999, Wijsenbeek (C‑378/97, EU:C:1999:439), que ce droit ne s’opposait pas à ce qu’un État membre oblige, sous peine de sanctions pénales, une personne à établir sa nationalité lors de son entrée sur le territoire de cet État membre, pourvu que les sanctions soient comparables à celles qui s’appliquent à des infractions nationales similaires et ne soient pas disproportionnées. |
38 |
La juridiction de renvoi se pose toutefois la question de savoir si cette jurisprudence est toujours applicable, compte tenu des modifications apportées au droit de l’Union postérieurement à cet arrêt. |
39 |
En effet, s’il ressort effectivement du code frontières Schengen que tout État membre peut prévoir une obligation pour les citoyens de l’Union d’être muni d’un document de voyage en cours de validité, la juridiction de renvoi se demande si et, dans l’affirmative, dans quelles conditions le non-respect de cette obligation peut faire l’objet d’une sanction, puisqu’il ne serait pas exclu que l’imposition d’une sanction porte atteinte au droit à la libre circulation, prévu à l’article 21, paragraphe 1, TFUE. |
40 |
Afin de déterminer s’il est porté atteinte à ce droit, il y aurait lieu de tenir compte des articles 4 et 5 de la directive 2004/38 ainsi que de l’article 21 du règlement no 562/2006, ce dernier règlement étant le code frontières Schengen applicable à l’affaire au principal. |
41 |
Il serait également nécessaire de préciser, au regard des articles 2, 4, 7, 20 et 21 du règlement no 562/2006 ainsi que du point 3.2.5 de l’annexe VI de celui-ci quelle pertinence revêt le fait que le citoyen de l’Union concerné s’est déplacé entre deux États membres à bord d’un navire de plaisance et en traversant une zone maritime internationale. |
42 |
À supposer que le droit de l’Union ne s’oppose pas à l’obligation, sous peine de sanction, d’être muni d’un document de voyage en cours de validité, la juridiction de renvoi se demande encore si un régime de jours-amende, tel que celui prévu par le code pénal, est compatible avec le principe de proportionnalité. |
43 |
Elle indique que, au cours de l’année 2014, le montant moyen d’un jour-amende était de 16,70 euros pour un revenu mensuel moyen net de 1257 euros. Elle précise, par ailleurs, qu’une infraction aux règles de franchissement des frontières telle que celle en cause au principal est normalement passible de quinze jours-amende. |
44 |
Or, compte tenu du revenu mensuel moyen de A, le montant d’un jour-amende s’élèverait, dans son cas, à 6350 euros, de sorte que le montant total de l’amende susceptible de lui être infligée serait de 95250 euros. Un tel montant s’expliquerait par le fait que, si la réglementation applicable au principal fixe un niveau minimal de 6 euros pour le montant du jour-amende, elle ne prévoit en revanche aucun plafond à ce montant. |
45 |
Dans ces conditions, le Korkein oikeus (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
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Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
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Dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises. Il y a lieu, à cet égard, d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale les éléments de droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2021, Granarolo, C‑617/19, EU:C:2021:338, points 32 et 33 ainsi que jurisprudence citée). |
47 |
En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que l’affaire au principal porte sur un voyage entre la Finlande et l’Estonie effectué par un ressortissant finlandais à bord d’un navire de plaisance, avec des lieux de départ et de retour en Finlande et traversée d’une zone maritime internationale. Il résulte également de cette décision que l’intéressé fait l’objet de poursuites pénales pour non-respect de la réglementation finlandaise qui oblige les ressortissants finlandais à être munis d’une carte d’identité ou d’un passeport lorsqu’ils voyagent entre la Finlande et d’autres États membres, dont la République d’Estonie. |
48 |
Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance, d’une part, si le droit des citoyens de l’Union à la libre circulation prévu à l’article 21, paragraphe 1, TFUE et précisé dans la directive 2004/38 doit, eu égard aux dispositions relatives au franchissement des frontières énoncées par le règlement no 562/2006, être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale par laquelle un État membre oblige, sous peine de sanctions pénales, ses ressortissants à être munis d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité lorsqu’ils effectuent un voyage vers un autre État membre et, d’autre part, si le fait qu’un tel voyage soit effectué à bord d’un navire de plaisance et en traversant une zone maritime internationale a une incidence à cet égard. |
49 |
Aux termes de l’article 21, paragraphe 1, TFUE, tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par les traités et par les dispositions prises pour leur application. |
50 |
Ainsi que l’énonce l’article 1er de la directive 2004/38, celle-ci a notamment pour objet de fixer les conditions d’exercice de ce droit ainsi que les limitations à celui-ci. |
51 |
À ce titre, l’article 4, paragraphe 1, de cette directive énonce que, sans préjudice des dispositions concernant les documents de voyage, applicables aux contrôles aux frontières, tout citoyen de l’Union muni d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité a le droit de quitter le territoire d’un État membre en vue de se rendre dans un autre État membre. |
52 |
Comme l’a relevé M. l’avocat général aux points 54 à 57 de ses conclusions, il découle de l’incise « muni d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité », contenue dans cette disposition, que l’exercice, par les ressortissants d’un État membre, de leur droit de se rendre dans un autre État membre est soumis à la condition qu’ils portent sur eux une carte d’identité ou un passeport en cours de validité. |
53 |
Ainsi, et alors qu’il appartient aux États membres, en vertu de l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2004/38, de délivrer à leurs citoyens, ou de renouveler, une carte d’identité ou un passeport, le législateur de l’Union, en subordonnant, conformément à l’article 4, paragraphe 1, de cette directive, le droit d’un citoyen de l’Union à se rendre dans un autre État membre à la condition qu’il soit muni d’un tel document, a entendu définir une formalité liée à la libre circulation, au sens du considérant 7 de ladite directive. Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 58 de ses conclusions, cette formalité vise à faciliter l’exercice du droit à la libre circulation en garantissant que toute personne bénéficiant de ce droit soit sans difficulté identifiée comme telle dans le cadre d’une éventuelle vérification (voir, en ce sens, arrêts du 21 septembre 1999, Wijsenbeek, C‑378/97, EU:C:1999:439, point 43, ainsi que du 17 février 2005, Oulane, C‑215/03, EU:C:2005:95, points 21 et 22). |
54 |
Cette condition liée à l’exercice du droit à la libre circulation s’applique, conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/38, à tout citoyen de l’Union qui se rend dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité. |
55 |
Il s’ensuit qu’un État membre qui oblige ses ressortissants à se munir de leur carte d’identité ou de leur passeport lorsqu’ils franchissent la frontière nationale pour se déplacer vers un autre État membre, contribue, ce faisant, au respect d’une formalité dont l’exercice du droit à la libre circulation est, en vertu de la directive 2004/38, assorti. Une telle règle de droit national relève, dès lors, de la mise en œuvre de cette directive. |
56 |
Conformément à l’article 36 de ladite directive, chaque État membre est investi du pouvoir de déterminer le régime des sanctions applicable aux violations des dispositions nationales prises en application de celle-ci. |
57 |
En l’absence d’harmonisation de ces sanctions, les États membres demeurent compétents pour choisir celles qui leur semblent appropriées, pourvu qu’ils exercent cette compétence dans le respect du droit de l’Union et de ses principes généraux [voir, par analogie, arrêt du 11 février 2021, K. M. (Sanctions infligées au capitaine de navire), C‑77/20, EU:C:2021:112, point 36 et jurisprudence citée]. |
58 |
Par conséquent, et nonobstant l’évolution dont il a fait l’objet depuis le prononcé de l’arrêt du 21 septembre 1999, Wijsenbeek (C‑378/97, EU:C:1999:439), le droit de l’Union préserve toujours, en son état actuel, l’autonomie des États membres s’agissant des sanctions susceptibles d’être infligées à un citoyen de l’Union qui ne respecte pas une formalité liée à l’exercice du droit à la libre circulation. Ainsi que la Cour l’a relevé au point 45 dudit arrêt, les États membres peuvent, dans un tel cas de figure, prévoir des sanctions pénales, à la condition que celles-ci respectent, notamment, le principe de proportionnalité. Ce principe est, désormais, consacré à l’article 49, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), aux termes duquel l’intensité des peines ne doit pas être disproportionnée par rapport à l’infraction. |
59 |
Il convient, par ailleurs, de rappeler que les dispositions législatives pénales nationales ne peuvent opérer une discrimination à l’égard de personnes auxquelles le droit de l’Union confère le droit à l’égalité de traitement ni restreindre les libertés fondamentales garanties par le droit de l’Union (arrêt du 19 novembre 2020, ZW, C‑454/19, EU:C:2020:947, point 27 et jurisprudence citée). |
60 |
La légitimité, sous réserve du respect des principes généraux du droit de l’Union, de l’obligation imposée par un État membre à ses ressortissants d’être munis, sous peine de sanction pénale, d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité lorsqu’ils franchissent la frontière nationale en vue de se déplacer vers un autre État membre n’est pas infirmée par la précision figurant à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2004/38, selon laquelle cette disposition est « sans préjudice des dispositions concernant les documents de voyage, applicables aux contrôles aux frontières nationales ». |
61 |
Certes, il découle de cette précision que toute règle relative aux contrôles aux frontières nationales, telle que celle figurant à l’article 20 du règlement no 562/2006, qui prévoit la suppression de ces contrôles aux frontières intérieures de l’espace Schengen, doit pleinement s’appliquer. Dès lors, un contrôle ne peut, en principe, être effectué au passage de ces frontières. |
62 |
Cependant, la suppression des contrôles aux frontières intérieures ne porte pas atteinte à la possibilité, énoncée à l’article 21 du règlement no 562/2006, pour les États membres, d’effectuer des contrôles d’identité à l’intérieur du territoire et de prévoir à cet effet l’obligation de détention et de port de titres et de documents (voir, en ce sens, arrêt du 19 juillet 2012, Adil, C‑278/12 PPU, EU:C:2012:508, point 63 et jurisprudence citée). |
63 |
Par ailleurs, si le point 3.2.5 de l’annexe VI du règlement no 562/2006 pose, à son premier alinéa, la règle selon laquelle les personnes qui se trouvent à bord d’un navire de plaisance en provenance ou à destination d’un port situé dans un État membre et qui franchissent une frontière extérieure de l’espace Schengen ne sont pas soumises aux vérifications d’identité, ce même point énonce, à son second alinéa, une exception à cette règle, exception selon laquelle ces personnes peuvent néanmoins être soumises à des vérifications « en fonction de l’analyse du risque en matière d’immigration illégale ». |
64 |
Au regard du pouvoir ainsi réservé aux États membres de vérifier, dans diverses situations précisées au règlement no 562/2006, l’identité des personnes, il y a lieu de considérer qu’un État membre ne porte pas atteinte au droit à la libre circulation lorsqu’il oblige, sous peine de sanctions, le cas échéant, de nature pénale, à la fois dissuasives et conformes aux principes généraux du droit de l’Union, ses ressortissants à se munir de leur carte d’identité ou de leur passeport lorsqu’ils quittent le territoire national en vue de se rendre, par quelques moyen de transport et itinéraire que ce soient, vers un autre État membre. Une telle obligation garantit, en effet, que ces ressortissants sont en mesure de démontrer leur identité, leur nationalité et, par conséquent, leur statut de citoyen de l’Union lorsque l’une desdites situations prévues par le règlement no 562/2006 se présente et donne lieu à une vérification. |
65 |
Partant, il y a lieu de répondre à la première question posée que le droit des citoyens de l’Union à la libre circulation prévu à l’article 21 TFUE et précisé par la directive 2004/38 doit, eu égard aux dispositions relatives au franchissement des frontières énoncées par le règlement no 562/2006, être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale par laquelle un État membre oblige, sous peine de sanctions pénales, ses ressortissants à être munis d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité lorsqu’ils effectuent, par quelques moyen de transport et itinéraire que ce soient, un voyage vers un autre État membre, pourvu que les modalités de ces sanctions soient conformes aux principes généraux du droit de l’Union, dont ceux de proportionnalité et de non-discrimination. |
Sur la deuxième question
66 |
Au regard des éléments exposés au point 47 du présent arrêt, la deuxième question vise, en substance, à déterminer, d’une part, si le droit des citoyens de l’Union à la libre circulation prévu à l’article 21, paragraphe 1, TFUE et précisé par la directive 2004/38 doit, eu égard aux dispositions relatives au franchissement des frontières énoncées par le règlement no 562/2006, être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale par laquelle un État membre oblige, sous peine de sanctions pénales, ses ressortissants à être munis d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité lorsqu’ils entrent sur son territoire en arrivant d’un autre État membre et, d’autre part, si le fait que le voyage est effectué à bord d’un navire de plaisance et en traversant une zone maritime internationale a une incidence à cet égard. |
67 |
Il y a lieu de relever d’emblée qu’une situation dans laquelle un citoyen de l’Union franchit, en arrivant d’un autre État membre, la frontière de l’État membre dont il est ressortissant n’est pas régie par la directive 2004/38. |
68 |
En effet, conformément à son article 3, paragraphe 1, cette directive régit uniquement les conditions d’entrée et de séjour d’un citoyen de l’Union dans les États membres autres que celui dont il a la nationalité (arrêt du 14 novembre 2017, Lounes, C‑165/16, EU:C:2017:862, points 33 et 34). |
69 |
Compte tenu de la délimitation ainsi apportée au champ d’application de la directive 2004/38 et dès lors qu’il découle d’un principe de droit international, réaffirmé à l’article 3 du protocole no 4 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, qu’un État membre ne saurait refuser à ses propres ressortissants le droit d’avoir accès à son territoire et d’y séjourner (voir, en ce sens, arrêts du 4 décembre 1974, van Duyn, 41/74, EU:C:1974:133, point 22, et du 5 mai 2011, McCarthy, C‑434/09, EU:C:2011:277, point 29), l’entrée d’un citoyen de l’Union sur le territoire de l’État membre dont il est ressortissant ne relève pas des conditions relatives au droit d’entrée énoncées à l’article 5 de cette directive. |
70 |
Il reste que le retour d’un citoyen de l’Union sur le territoire de l’État membre dont il a la nationalité relève de l’article 21, paragraphe 1, TFUE si ce citoyen a préalablement exercé, dans un État membre autre que son État membre d’origine, son droit à la libre circulation prévu à cette disposition (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2018, Coman e.a., C‑673/16, EU:C:2018:385, point 31 ainsi que jurisprudence citée). |
71 |
Il convient, dès lors, d’examiner si l’obligation imposée par un État membre à ses ressortissants d’être munis d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité lorsqu’ils entrent sur son territoire en arrivant d’un autre État membre est de nature à entraver l’exercice du droit à la libre circulation prévu à l’article 21 TFUE. |
72 |
Sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, il ressort des éléments du dossier dont dispose la Cour que les ressortissants finlandais non munis de leur carte d’identité ou de leur passeport lors de leur retour en Finlande sont autorisés à entrer sur le territoire de cet État membre dès l’instant où ils sont en mesure de prouver leur identité par un autre moyen. |
73 |
Il apparaît ainsi que l’obligation d’être muni d’une carte d’identité ou d’un passeport ne conditionne pas le droit d’entrée mais constitue une formalité visant à uniformiser et, ainsi, à faciliter les contrôles d’identité qui peuvent, dans les cas circonscrits par le règlement no 562/2006, être effectués. |
74 |
Dès lors que chaque citoyen de l’Union est titulaire d’une carte d’identité ou d’un passeport et doit être muni de ce document lorsqu’il se rend dans un État membre autre que celui dont il a nationalité, l’obligation, imposée par une réglementation nationale, d’être muni de ce même document lors du retour dans l’État membre d’origine n’est ni onéreuse ni importune et ne saurait, partant, être considérée comme ayant pour effet de dissuader l’exercice du droit à la libre circulation, étant en outre précisé que cette obligation ne conditionne pas le droit d’entrée sur le territoire de l’État membre d’origine, pourvu, cependant, que les sanctions prévues en cas de méconnaissance de cette obligation soient compatibles avec le principe de proportionnalité consacré à l’article 49, paragraphe 3, de la Charte ainsi qu’avec les autres principes généraux du droit de l’Union, dont celui de non-discrimination, l’ensemble de ces principes étant applicables dans le cadre de l’appréciation d’une réglementation nationale à l’aune de l’article 21, paragraphe 1, TFUE (voir, à ce dernier égard, arrêt du 8 juin 2017, Freitag, C‑541/15, EU:C:2017:432, points 31 et 42 ainsi que jurisprudence citée). |
75 |
Par ailleurs, le fait que le voyage concerné est effectué à bord d’un navire de plaisance et que celui-ci traverse une zone maritime internationale ne fait pas obstacle à ce qu’il soit procédé à la vérification de l’identité des occupants de ce navire. |
76 |
En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 63 du présent arrêt, le point 3.2.5, second alinéa, de l’annexe VI du règlement no 562/2006 autorise, « en fonction de l’analyse du risque en matière d’immigration illégale », les vérifications sur les personnes à bord de navires de plaisance en provenance ou à destination d’un port situé dans un État membre et qui franchissent une frontière extérieure de l’espace Schengen. Il serait porté atteinte à l’effet utile de cette disposition si elle était interprétée en ce sens que les autorités compétentes doivent, lors de ces vérifications, se limiter à contrôler le document reprenant l’ensemble des caractéristiques techniques du navire ainsi que le nom des personnes qui se trouvent à bord, visé au point 3.2.7 de cette annexe, sans pouvoir contrôler, par la vérification des documents d’identité, l’exactitude de la liste des noms qui figure dans ce document. |
77 |
En l’occurrence, il ressort du dossier dont dispose la Cour que le navire en cause au principal a traversé, lors de son voyage, la zone maritime internationale située entre les eaux territoriales de la Finlande et de l’Estonie, de sorte qu’il doit être regardé comme ayant franchi une frontière extérieure, au sens de l’article 2, point 2, du règlement no 562/2006. En outre, le voyage a été effectué au mois d’août 2015, période reconnue par les parties au principal comme ayant présenté un risque accru d’immigration illégale. Ainsi, sous réserve des vérifications qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’effectuer, il apparaît que les autorités compétentes finlandaises se trouvaient dans un cas où elles pouvaient légitimement procéder à la vérification de l’identité des personnes se trouvant à bord dudit navire lors du retour de celui-ci dans les eaux territoriales finlandaises. |
78 |
Ainsi qu’il a été relevé aux points 73 et 74 du présent arrêt, le droit à la libre circulation ne s’oppose pas à ce qu’un État membre oblige, afin d’uniformiser et, ainsi, de faciliter les contrôles d’identité qui peuvent être effectués dans les cas circonscrits par le règlement no 562/2006, ses ressortissants à être munis d’une carte d’identité ou d’un passeport lors de leur retour sur son territoire en arrivant d’un autre État membre, pourvu que les sanctions en cas de méconnaissance de cette obligation soient compatibles avec les principes généraux du droit de l’Union. Il s’ensuit que les autorités de cet État membre peuvent, dans le cadre d’un contrôle légitimement effectué en vertu du point 3.2.5, second alinéa, de l’annexe VI du règlement no 562/2006, solliciter de la part de l’intéressé qu’il présente sa carte d’identité ou son passeport et, en cas de défaut de présentation d’un tel document, lui infliger une sanction. |
79 |
Au regard de l’ensemble des éléments qui précèdent, il y a lieu de répondre à la deuxième question posée que le droit des citoyens de l’Union à la libre circulation prévu à l’article 21, paragraphe 1, TFUE doit, eu égard aux dispositions relatives au franchissement des frontières énoncées par le règlement no 562/2006, être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale par laquelle un État membre oblige, sous peine de sanctions pénales, ses ressortissants à être munis d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité lorsqu’ils entrent sur son territoire en arrivant d’un autre État membre, pourvu que cette obligation ne conditionne pas le droit d’entrée et que les modalités des sanctions prévues en cas de méconnaissance de ladite obligation soient conformes aux principes généraux du droit de l’Union, dont ceux de proportionnalité et de non-discrimination. Un voyage vers l’État membre concerné à partir d’un autre État membre effectué à bord d’un navire de plaisance et en traversant une zone maritime internationale figure, dans les conditions prévues au point 3.2.5, second alinéa, de l’annexe VI de ce règlement, parmi les cas dans lesquels la présentation d’un tel document peut être sollicitée. |
Sur la troisième question
80 |
Ainsi qu’il ressort des dispositions du code pénal citées dans la décision de renvoi, quiconque franchit ou tente de franchir la frontière finlandaise sans document de voyage ou autre document pouvant y être assimilé commet une infraction passible d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement d’un an maximum, étant précisé que, lorsque l’infraction est jugée mineure, la sanction prévue consiste en une amende imposée sous forme de jours-amende, le montant d’un jour-amende correspondant à un soixantième du revenu mensuel moyen du contrevenant, déduction faite de certains impôts, taxes et dépenses. |
81 |
Il découle, par ailleurs, de la décision de renvoi que l’amende imposée en cas d’infraction mineure au respect de la frontière nationale consiste normalement en quinze jours-amende et que le montant de l’amende finalement infligée s’élève, typiquement, à environ 20 % du revenu mensuel net du contrevenant. |
82 |
En l’occurrence, le procureur a engagé des poursuites contre A en raison du fait que celui-ci n’était pas muni, lors des franchissements de la frontière finlandaise, d’un passeport en cours de validité ni d’aucun autre document de voyage, et cela alors même que son identité a pu être établie sur la base du permis de conduire dont il était porteur. |
83 |
Partant, il y a lieu de considérer que la troisième question préjudicielle vise à savoir si l’article 21, paragraphe 1, TFUE et les articles 4 et 36 de la directive 2004/38, lus à lumière de l’article 49, paragraphe 3, de la Charte, s’opposent à un régime de sanctions pénales par lequel un État membre rend le franchissement de sa frontière nationale sans carte d’identité ou passeport en cours de validité passible d’une amende pouvant, à titre indicatif, s’élever à 20 % du revenu mensuel net du contrevenant. |
84 |
En vertu de la règle énoncée à l’article 49, paragraphe 3, de la Charte, la rigueur des sanctions doit être en adéquation avec la gravité des violations qu’elles répriment, notamment en assurant un effet réellement dissuasif, tout en n’excédant pas les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation des objectifs légitimement poursuivis par la législation en cause [voir, en ce sens, arrêt du 11 février 2021, K. M. (Sanctions infligées au capitaine de navire), C‑77/20, EU:C:2021:112, points 37 et 38 ainsi que jurisprudence citée]. |
85 |
S’il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier si le régime de sanctions en cause au principal est proportionné à la réalisation de l’objectif légitime poursuivi par l’obligation d’être muni d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité, il n’en demeure pas moins que la Cour peut lui fournir tous les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union qui peuvent lui permettre de déterminer si tel est le cas [voir, par analogie, arrêts du 28 janvier 2016, Laezza, C‑375/14, EU:C:2016:60, point 37, et du 11 février 2021, K. M. (Sanctions infligées au capitaine de navire), C‑77/20, EU:C:2021:112, point 39]. |
86 |
Ainsi qu’il a été relevé au point 53 du présent arrêt, l’obligation d’être muni d’une carte d’identité ou d’un passeport lors d’un déplacement d’un État membre vers un autre constitue une formalité qui vise à faciliter l’exercice du droit à la libre circulation en garantissant que toute personne bénéficiant de ce droit soit sans difficulté identifiée comme telle dans le cadre d’une éventuelle vérification. |
87 |
S’agissant de l’amende pénale qui est, selon les informations fournies par la juridiction de renvoi, infligée dans le cas où le franchissement de la frontière nationale sans carte d’identité ou passeport est qualifié d’infraction mineure, il y a lieu de considérer que cette sanction, qui s’élève typiquement à environ 20 % du revenu mensuel net du contrevenant, n’est pas en adéquation avec la gravité de l’infraction, ainsi qu’il ressort tout particulièrement des circonstances de l’affaire au principal, dans laquelle, comme il a été relevé au point 44 du présent arrêt, le montant total de l’amende susceptible d’être infligée pour cette infraction mineure s’élèverait à 95250 euros, sans qu’aucun plafond ne soit prévu. |
88 |
S’il est loisible aux États membres d’infliger une amende afin de sanctionner la méconnaissance d’une exigence formelle relative à l’exercice d’un droit conféré par le droit de l’Union, il importe précisément qu’une telle sanction soit proportionnée à la gravité de cette méconnaissance [voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 2021, A. (Exercice du droit à déduction), C‑895/19, EU:C:2021:216, point 53 et jurisprudence citée]. |
89 |
Or, lorsque, comme en l’occurrence, l’obligation d’être muni d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité est méconnue par un bénéficiaire du droit à la libre circulation qui est titulaire d’un tel document mais a seulement omis de se munir de celui-ci lors de son voyage, l’infraction est, ainsi que l’a d’ailleurs reconnu le gouvernement finlandais, de faible gravité. Par conséquent, sous réserve des cas de récidive, une telle infraction ne saurait conduire à l’infliction d’une sanction pécuniaire lourde, telle que celle consistant en une amende s’élevant à 20 % du montant du revenu mensuel moyen net du contrevenant. |
90 |
La rigueur d’une telle sanction excède, en effet, les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation de l’objectif rappelé au point 86 du présent arrêt. |
91 |
Certes, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 121 de ses conclusions, le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce qu’un régime de sanctions pécuniaires tienne compte de la capacité de paiement du contrevenant en prévoyant que l’amende soit calculée en fonction du niveau des revenus de celui-ci. Toutefois, le respect par les citoyens de l’Union des formalités liées à l’exercice du droit à la libre circulation peut, d’une manière suffisamment dissuasive, être assuré par des mesures moins restrictives que celles prévues par une réglementation telle que celle en cause au principal, ces mesures pouvant être, notamment, la fixation d’amendes d’un montant correspondant à un pourcentage moins élevé du revenu mensuel et l’institution d’un plafond au montant des amendes. |
92 |
Au regard de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la troisième question posée que l’article 21, paragraphe 1, TFUE et les articles 4 et 36 de la directive 2004/38, lus à lumière de l’article 49, paragraphe 3, de la Charte, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à un régime de sanctions pénales par lequel un État membre rend le franchissement de sa frontière nationale sans carte d’identité ou passeport en cours de validité passible d’une amende pouvant, à titre indicatif, s’élever à 20 % du revenu mensuel net du contrevenant, dès lors qu’une telle amende n’est pas proportionnée à la gravité de cette infraction, celle-ci revêtant un caractère mineur. |
Sur les dépens
93 |
La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. |
Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit : |
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Signatures |
( *1 ) Langue de procédure : le finnois.