ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

18 mars 2021 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité directe – Imposition des plus-values immobilières – Libre circulation des capitaux – Assiette de l’impôt – Discrimination – Option d’imposition selon les mêmes modalités que les résidents – Conformité au droit de l’Union »

Dans l’affaire C‑388/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal Arbitral Tributário (Centro de Arbitragem Administrativa – CAAD) [tribunal arbitral en matière fiscale (centre d’arbitrage administratif – CAAD), Portugal], par décision du 30 avril 2019, parvenue à la Cour le 17 mai 2019, dans la procédure

MK

contre

Autoridade Tributária e Aduaneira,

LA COUR (première chambre),

composée de M. J.–C. Bonichot, président de chambre, M. L. Bay Larsen, Mme C. Toader, M. M. Safjan, et M. N. Jääskinen (rapporteur), juges,

avocat général : M. G. Hogan,

greffier : M. M. Longar, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er octobre 2020,

considérant les observations présentées :

pour MK, par Me A. Gaspar Schwalbach, advogado,

pour le gouvernement portugais, par M. L. Inez Fernandes ainsi que par Mmes S. Jaulino, H. Gomes Magno et P. Barros da Costa, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mmes M. Afonso et N. Gossement ainsi que par M. W. Roels, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 19 novembre 2020,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 18 et 63 à 65 TFUE.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant MK à l’Autoridade Tributária e Aduaneira (autorité fiscale et douanière, Portugal) (ci-après l’« AT ») au sujet de l’avis d’imposition émis par cette dernière portant sur les revenus de MK au titre de l’année 2017.

Le cadre juridique

3

L’article 43, intitulé « Plus-values », du Código do Imposto sobre o Rendimento das Pessoas Singulares (code de l’impôt sur le revenu des personnes physiques), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après le « CIRS ») disposait, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1   – Le montant des revenus qualifiés de plus-values correspond au solde apuré résultant de la différence entre les plus-values et les moins-values réalisées la même année, déterminées conformément aux articles suivants.

2   – Le solde visé au paragraphe précédent, concernant les transmissions effectuées par des résidents, prévues à l’article 10, paragraphe 1, sous a), c) et d), qu’il soit positif ou négatif, est pris en considération à hauteur de 50 % de son montant seulement. »

4

L’article 68, paragraphe 1, de ce code fixe le barème progressif des tranches d’imposition. En 2017, le taux maximal d’imposition de 48 % s’appliquait aux revenus imposables supérieurs à 80640 euros.

5

Conformément à l’article 68 bis dudit code, un prélèvement supplémentaire de solidarité de 2,5 % s’appliquait aux revenus imposables compris entre 80000 euros et 250000 euros et, au-delà de ce montant, ledit prélèvement s’élevait à 5 %.

6

L’article 72 du CIRS, intitulé « Taux spéciaux », prévoyait notamment les dispositions suivantes :

« 1   – Sont imposées au taux autonome de 28 % :

a)

les plus-values visées à l’article 10, paragraphe 1, points a) et d), obtenues par des personnes ne résidant pas sur le territoire portugais, dès lors qu’elles ne proviennent pas d’un établissement stable situé sur ce territoire ;

[...]

9   – Les personnes résidant dans un autre État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen [(EEE)], pour autant que, dans ce dernier cas, un échange d’informations en matière fiscale soit en place, peuvent opter, à l’égard des revenus visés aux paragraphes 1, sous a) et b), et 2, pour l’imposition de ces revenus au taux qui, conformément au tableau prévu à l’article 68, paragraphe 1, serait applicable si ces derniers étaient obtenus par des personnes résidant sur le territoire portugais.

10   – Aux fins de la détermination du taux mentionné au paragraphe précédent, sont pris en considération tous les revenus, y compris ceux obtenus en dehors dudit territoire, dans les mêmes conditions que celles qui sont applicables aux résidents.

[...] »

Le litige au principal et la question préjudicielle

7

MK est résident fiscal en France.

8

Le 17 janvier 2002, MK a fait l’acquisition d’un immeuble situé au Portugal pour un prix de 79807,66 euros.

9

Le 17 juillet 2017, MK a vendu cet immeuble au prix de 180000 euros.

10

Le 31 mai 2018, MK a présenté sa déclaration périodique de revenus, dans laquelle, outre des revenus immobiliers d’un montant de 8800 euros, il a déclaré la cession dudit immeuble ainsi que les dépenses et les frais d’achat et de vente de celui-ci.

11

MK a coché au recto de cette déclaration, dans le cadre 8B, la case 4 (correspondant à « non-résident »), la case 6 (correspondant à « résident dans un pays de l’Union européenne »), la case 7 (lui permettant d’opter pour l’imposition applicable aux non–résidents) et a exclu l’option de la case 9 (correspondant à l’imposition selon les taux généraux prévus à l’article 68 du CIRS) ainsi que l’option de la case 10 (choix de la réglementation applicable aux résidents).

12

Le 5 juillet 2018, l’AT a émis un avis d’imposition pour un montant de 24654,22 euros au titre de l’impôt sur le revenu pour l’année 2017, en appliquant à la totalité du solde positif de la plus–value immobilière réalisée le taux unique de 28 % applicable aux non-résidents sur le fondement de l’article 72, paragraphe 1, du CIRS, conformément au choix effectué par MK sur sa déclaration d’imposition.

13

Le 30 novembre 2018, MK a contesté cet avis d’imposition devant la juridiction de renvoi, le Tribunal Arbitral Tributário (Centro de Arbitragem Administrativa – CAAD) [tribunal arbitral en matière fiscale (centre d’arbitrage administratif – CAAD), Portugal], au motif que celui-ci est entaché d’illégalité en ce qu’il serait fondé sur une réglementation qui discriminerait les assujettis résidant sur le territoire d’un État membre autre que la République portugaise (ci-après les « non-résidents ») par rapport aux assujettis résidant au Portugal, et a fait valoir que, conformément à ce qui a été jugé par la Cour dans l’arrêt du 11 octobre 2007, Hollmann (C‑443/06, EU:C:2007:600), ce cadre juridique constitue une restriction à la libre circulation des capitaux consacrée à l’article 63, paragraphe 1, TFUE.

14

Devant la juridiction de renvoi, l’AT fait valoir que le cadre juridique applicable aux faits au principal est différent de celui applicable aux faits ayant donné lieu à l’arrêt du 11 octobre 2007, Hollmann (C‑443/06, EU:C:2007:600). Certes, elle rappelle que, dans cet arrêt, la Cour a jugé que l’article 43, paragraphe 2, du CIRS, qui prévoyait que seules les plus-values réalisées par des assujettis résidant au Portugal seraient prises en compte à hauteur de 50 % de leur montant, aboutissait à une charge fiscale plus lourde pour les non-résidents, et constituait de ce fait une restriction aux mouvements des capitaux prohibée par l’article 63 TFUE.

15

Toutefois, l’AT précise que, à la suite de l’arrêt du 11 octobre 2007, Hollmann (C‑443/06, EU:C:2007:600), le législateur portugais a modifié le cadre législatif applicable en introduisant, à l’article 72, paragraphes 9 et 10, du CIRS, la possibilité pour les non-résidents d’opter pour un régime d’imposition analogue à celui qui s’applique aux résidents portugais, et de bénéficier ainsi de l’abattement de 50 % prévu à l’article 43, paragraphe 2, du CIRS ainsi que de taux progressifs, à condition d’effectuer une déclaration fiscale au Portugal sur l’ensemble de leurs revenus mondiaux. Or, en l’occurrence, MK a opté pour le régime d’imposition prévu à l’article 72, paragraphe 1, du CIRS et non pour celui prévu à l’article 72, paragraphes 9 et 10, du CIRS.

16

MK rappelle cependant que la Cour a jugé, dans une affaire ayant trait à la liberté d’établissement, qu’un choix entre un régime fiscal discriminatoire et un autre régime fiscal qui ne serait pas discriminatoire n’est pas susceptible d’exclure les effets discriminatoires du premier de ces deux régimes fiscaux (arrêt du 18 mars 2010, Gielen, C‑440/08, EU:C:2010:148, points 50 et 51).

17

Ainsi, la juridiction de renvoi se demande si les modifications apportées au droit fiscal portugais à la suite de l’arrêt du 11 octobre 2007, Hollmann (C‑443/06, EU:C:2007:600), à savoir, notamment, l’introduction de la possibilité pour les non-résidents d’opter, au titre de l’article 72, paragraphes 9 et 10, du CIRS, pour un régime d’imposition analogue à celui qui s’applique aux résidents, et de bénéficier ainsi de l’abattement de 50 % prévu à l’article 43, paragraphe 2, de ce code, sont suffisantes pour remédier à la restriction aux mouvements de capitaux mise en évidence par la Cour dans cet arrêt.

18

Dans ces conditions, le Tribunal Arbitral Tributário (Centro de Arbitragem Administrativa – CAAD) [tribunal arbitral en matière fiscale (centre d’arbitrage administratif – CAAD)] a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Les dispositions combinées des [articles 18 et 63 à 65 TFUE] doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation nationale telle que celle en cause dans le litige au principal (article 43, paragraphe 2, du [CIRS]), laquelle a été modifiée par [l’insertion des paragraphes 9 et 10 à l’article 72 dudit code] afin de permettre que les plus–values provenant de la cession de biens immeubles situés dans un État membre (le Portugal), par une personne résidant dans un autre État membre de l’Union [...] (la France) ne soient pas soumises, en vertu d’un choix de l’assujetti, à une charge fiscale supérieure à celle qui serait appliquée pour ce même type d’opération aux plus–values réalisées par un résident de l’État dans lequel sont situés les biens immeubles ? »

Sur la question préjudicielle

19

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 18 et 63 à 65 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à la réglementation d’un État membre qui, afin de permettre que les plus–values provenant de la cession de biens immeubles situés dans cet État membre, par un assujetti résidant dans un autre État membre, ne soient pas soumises à une charge fiscale supérieure à celle qui serait appliquée pour ce même type d’opération aux plus–values réalisées par un résident du premier État membre, fait dépendre le régime d’imposition applicable du choix dudit assujetti.

Sur les principes et les libertés applicables

20

À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’article 18 TFUE n’a vocation à s’appliquer de façon autonome que dans des situations régies par le droit de l’Union pour lesquelles le traité FUE ne prévoit pas de règles spécifiques de non-discrimination (voir, en ce sens, arrêt du 11 octobre 2007, Hollmann, C‑443/06, EU:C:2007:600, point 28 et jurisprudence citée).

21

Or, le traité FUE prévoit notamment, à son article 63, une règle spécifique de non-discrimination dans le domaine relevant de la liberté de circulation des capitaux (voir, en ce sens, arrêt du 11 octobre 2007, Hollmann, C‑443/06, EU:C:2007:600, point 29 et jurisprudence citée).

22

En outre, il résulte de la jurisprudence de la Cour qu’une opération concernant la liquidation d’un investissement immobilier, comme celle en cause dans l’affaire au principal, constitue un mouvement de capitaux (arrêt du 11 octobre 2007, Hollmann, C‑443/06, EU:C:2007:600, point 31 et jurisprudence citée).

23

Il en découle que la cession d’un bien immeuble situé sur le territoire d’un État membre réalisée à titre onéreux par des personnes physiques non-résidentes relève du champ d’application de l’article 63 TFUE.

24

Par ailleurs, dans la mesure où il n’est fait état, dans la décision de renvoi, d’aucun élément susceptible de faire entrer une telle opération dans le champ d’application de l’article 64 TFUE, il n’y a pas lieu, en l’occurrence, d’examiner la question au regard des dispositions de cet article.

Sur la libre circulation des capitaux

25

Il convient de rappeler que l’article 63 TFUE interdit toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres, sous réserve des justifications visées à l’article 65 TFUE.

26

En l’occurrence, il ressort de la demande de décision préjudicielle que l’article 43, paragraphe 2, et l’article 72, paragraphe 1, du CIRS prévoyaient, en cas de plus-values réalisées lors de la cession à titre onéreux d’un bien immeuble situé au Portugal, des règles d’imposition différentes selon que les assujettis à l’impôt sur le revenu résidaient ou non sur le territoire de cet État membre.

27

En particulier, aux termes de l’article 43, paragraphe 2, du CIRS, les plus-values réalisées par des résidents lors de la cession de biens immeubles situés au Portugal étaient prises en considération à hauteur de 50 % seulement de leur montant. En revanche, pour les non-résidents, l’article 72, paragraphe 1, du CIRS prévoyait l’imposition de ces mêmes plus-values sur la totalité de leur montant au taux autonome de 28 %.

28

Il s’ensuit que, en application de ces dispositions, l’assiette d’imposition de ce type de plus-values n’était pas la même pour les résidents et les non-résidents. Ainsi, pour la vente d’un même bien immeuble situé au Portugal, en cas de réalisation de plus-values, les non-résidents étaient soumis à une charge fiscale supérieure à celle appliquée aux résidents et, partant, se trouvaient dans une situation moins favorable que ces derniers (voir, en ce sens, arrêt du 11 octobre 2007, Hollmann, C‑443/06, EU:C:2007:600, point 37).

29

En effet, alors que, en vertu de l’article 72, paragraphe 1, du CIRS, un non-résident était imposé selon un taux de 28 % appliqué sur une assiette représentant l’intégralité des plus-values réalisées, la prise en compte de la seule moitié de l’assiette des plus-values réalisées par un résident permettait à ce dernier de bénéficier systématiquement d’une charge fiscale inférieure à ce titre quel que soit le taux d’imposition appliqué à l’ensemble de ses revenus, dès lors que, selon les observations formulées par le gouvernement portugais, les revenus des résidents étaient soumis à un impôt selon un barème de taux progressifs dont le taux le plus élevé était de 48 %, et cela bien qu’un prélèvement supplémentaire de solidarité de 2,5 % puisse s’appliquer aux revenus imposables compris entre 80000 euros et 250000 euros et de 5 % au-delà de ce montant.

30

Or, la Cour a déjà eu l’occasion de juger, dans l’arrêt du 11 octobre 2007, Hollmann (C-443/06, EU:C:2007:600, point 40), que la fixation, par l’article 43, paragraphe 2, du CIRS, d’une assiette d’imposition à 50 % pour les plus-values réalisées uniquement par des assujettis résidant au Portugal et non par des assujettis non-résidents constituait une restriction aux mouvements de capitaux prohibée par l’article 63 TFUE.

31

Cette constatation n’est pas remise en cause par le point 44 de l’arrêt du 19 novembre 2015, Hirvonen (C‑632/13, EU:C:2015:765), par lequel la Cour a jugé qu’une différence de traitement entre contribuables non-résidents et contribuables résidents, consistant en ce que les revenus bruts des premiers soient soumis à une imposition définitive à un taux unique au moyen d’un prélèvement à la source, alors que les revenus nets des seconds sont imposés selon un barème progressif assorti d’un abattement de base, est compatible avec le droit de l’Union, dans la mesure où un tel constat est soumis à la condition, toutefois, que le taux unique ne soit pas plus élevé que le taux résultant de l’application effective pour l’intéressé du barème progressif aux revenus nets au-delà de l’abattement de base. Or, en l’occurrence, ainsi qu’il ressort du point 29 du présent arrêt, le régime d’imposition différencié en cause conduit à ce que les non-résidents soient systématiquement soumis à une charge fiscale supérieure à celle appliquée aux résidents en cas de réalisation de plus-values sur la vente d’immeubles.

32

Dans ces conditions, la fixation d’une assiette d’imposition à 50 % pour les plus-values réalisées par tous les assujettis résidant au Portugal et non pour les assujettis non-résidents qui ont opté pour le régime d’imposition prévu à l’article 72, paragraphe 1, du CIRS constitue une restriction aux mouvements de capitaux prohibée par l’article 63, paragraphe 1, TFUE.

33

Dès lors, il convient de vérifier si une telle restriction peut être considérée comme objectivement justifiée, au regard de l’article 65, paragraphes 1 et 3, TFUE.

Sur l’existence d’une justification aux restrictions à la libre circulation des capitaux au regard de l’article 65, paragraphes 1 et 3, TFUE

34

Il résulte du paragraphe 1 de l’article 65 TFUE, lu en combinaison avec le paragraphe 3 de ce même article, que les États membres peuvent établir, dans leur réglementation nationale, une distinction entre les contribuables résidents et les contribuables non-résidents pour autant que cette distinction ne constitue pas un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux.

35

Il y a donc lieu de distinguer les traitements inégaux autorisés au titre du paragraphe 1, sous a), de l’article 65 TFUE des discriminations arbitraires interdites par le paragraphe 3 de ce même article. À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, pour que des dispositions fiscales nationales, telles que l’article 43, paragraphe 2, et l’article 72, paragraphe 1, du CIRS, puissent être considérées comme compatibles avec les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux, il faut que la différence de traitement concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou soit justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général (voir, en ce sens, arrêt du 11 octobre 2007, Hollmann, C‑443/06, EU:C:2007:600, points 44 et 45 ainsi que jurisprudence citée).

36

Or, en l’occurrence, la différence de traitement entre les assujettis résidents et les assujettis non-résidents prévue par la réglementation portugaise concerne des situations qui sont objectivement comparables. En outre, cette différence de traitement n’est pas justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général.

37

En ce qui concerne, en premier lieu, la comparabilité des situations, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé au point 50 de l’arrêt du 11 octobre 2007, Hollmann (C‑443/06, EU:C:2007:600), premièrement, que l’imposition des plus-values résultant de la cession d’un bien immeuble porte, aux termes de l’article 43, paragraphe 2, et de l’article 72, paragraphe 1, du CIRS, sur une seule catégorie de revenus des contribuables, qu’ils soient résidents ou non-résidents, deuxièmement, que cette imposition concerne ces deux catégories de contribuables et, troisièmement, que l’État membre dans lequel trouve sa source le revenu imposable est toujours la République portugaise.

38

Il résulte de ce qui précède et, notamment, du point 29 du présent arrêt qu’il n’existe aucune différence objective de situation entre les contribuables résidents et les contribuables non-résidents de nature à justifier une inégalité de traitement fiscal entre eux au titre de l’article 43, paragraphe 2, et de l’article 72, paragraphe 1, du CIRS en ce qui concerne l’imposition du solde positif des plus-values réalisées à la suite de cessions de biens immeubles situés au Portugal. Partant, la situation dans laquelle se trouve un contribuable non-résident, tel que MK, est comparable à celle d’un contribuable résident.

39

Cette constatation n’est pas remise en cause par la ratio legis de l’article 43, paragraphe 2, du CIRS prévoyant l’abattement de 50 % applicable aux plus–values réalisées par les résidents, qui, selon le gouvernement portugais, consiste à éviter l’imposition excessive de ces revenus considérés comme étant anormaux et fortuits, dans la mesure où rien ne permet d’exclure que cette considération ne puisse jamais concerner les assujettis non–résidents.

40

En ce qui concerne, en second lieu, l’existence de justifications tirées de raisons impérieuses d’intérêt général, il convient de relever que le gouvernement portugais ne fait pas état de l’existence de telles raisons. Néanmoins, il fait valoir que, dans le cadre de l’imposition du solde positif des plus-values immobilières réalisées au Portugal, l’article 43, paragraphe 2, du CIRS a pour but d’éviter de pénaliser les assujettis résidant au Portugal ou les assujettis non-résidents choisissant d’être imposés comme tels au titre de l’article 72, paragraphes 9 et 10, du CIRS du fait de l’application d’un taux progressif à leur égard.

41

Or, aux points 58 à 60 de l’arrêt du 11 octobre 2007, Hollmann (C‑443/06, EU:C:2007:600), la Cour a considéré que l’avantage fiscal accordé aux résidents, consistant en une réduction de moitié de l’assiette d’imposition des plus-values réalisées, excédait en tout état de cause sa contrepartie consistant en l’application d’un taux progressif à l’imposition de leurs revenus. En conséquence, la Cour a estimé, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, qu’un lien direct entre l’avantage fiscal concerné et la compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal déterminé n’était pas établi et que la restriction résultant de la réglementation nationale en cause ne pouvait donc être justifiée par la nécessité de garantir la cohérence du régime fiscal.

Sur l’option d’imposition selon les mêmes modalités que les résidents

42

Il y a lieu de relever d’emblée que la possibilité pour les personnes résidant dans l’Union ou dans l’EEE d’opter, au titre de l’article 72, paragraphes 9 et 10, du CIRS, pour un régime d’imposition analogue à celui qui s’applique aux résidents portugais, et de bénéficier ainsi de l’abattement de 50 % prévu à l’article 43, paragraphe 2, de ce code, permet à un contribuable non-résident, tel que MK, un choix entre un régime fiscal discriminatoire, à savoir celui prévu à l’article 72, paragraphe 1, du CIRS, et un autre qui ne le serait pas.

43

Or, il importe, à cet égard, de souligner qu’un tel choix n’est pas, en l’occurrence, susceptible d’exclure les effets discriminatoires du premier de ces deux régimes fiscaux.

44

En effet, dans l’hypothèse où il serait reconnu un tel effet audit choix, cela aurait pour conséquence de valider un régime fiscal qui demeure, en soi, une violation de l’article 63 TFUE en raison de son caractère discriminatoire (voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 2010, Gielen, C‑440/08, EU:C:2010:148, point 52).

45

Par ailleurs, ainsi que la Cour a déjà eu l’occasion de le préciser, un régime national restrictif d’une liberté fondamentale garantie par le traité FUE, en l’occurrence la libre circulation des capitaux, demeure tout autant incompatible avec le droit de l’Union, quand bien même son application serait facultative (voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 2010, Gielen, C‑440/08, EU:C:2010:148, point 53 et jurisprudence citée).

46

Il s’ensuit que le choix ouvert, dans le litige au principal, au contribuable non-résident d’être imposé selon les mêmes modalités que celles applicables aux contribuables résidents n’est pas de nature à rendre la restriction constatée au point 32 du présent arrêt compatible avec le traité.

47

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 63 TFUE, lu en combinaison avec l’article 65 TFUE, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la réglementation d’un État membre qui, afin de permettre que les plus–values provenant de la cession de biens immeubles situés dans cet État membre, par un assujetti résidant dans un autre État membre, ne soient pas soumises à une charge fiscale supérieure à celle qui serait appliquée pour ce même type d’opération aux plus–values réalisées par un résident du premier État membre, fait dépendre le régime d’imposition applicable du choix dudit assujetti.

Sur les dépens

48

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

 

L’article 63 TFUE, lu en combinaison avec l’article 65 TFUE, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la réglementation d’un État membre qui, afin de permettre que les plus–values provenant de la cession de biens immeubles situés dans cet État membre, par un assujetti résidant dans un autre État membre, ne soient pas soumises à une charge fiscale supérieure à celle qui serait appliquée pour ce même type d’opération aux plus–values réalisées par un résident du premier État membre, fait dépendre le régime d’imposition applicable du choix dudit assujetti.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le portugais.