ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
13 juin 2019 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Réseaux et services de communications électroniques – Directive 2002/21/CE – Article 2, sous c) – Notion de “service de communications électroniques” – Transmission de signaux – Service de messagerie électronique sur Internet – Service Gmail »
Dans l’affaire C‑193/18,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Oberverwaltungsgericht für das Land Nordrhein-Westfalen (tribunal administratif supérieur du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Allemagne), par décision du 26 février 2018, parvenue à la Cour le 19 mars 2018, dans la procédure
Google LLC
contre
Bundesrepublik Deutschland,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. M. Vilaras (rapporteur), président de chambre, Mme K. Jürimäe, MM. D. Šváby, S. Rodin et N. Piçarra, juges,
avocat général : M. M. Szpunar,
greffier : Mme C. Strömholm, administratrice,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 mars 2019,
considérant les observations présentées :
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pour Google LLC, par Mes H. Neumann, B. Tavakoli et M. Wortmann, Rechtsanwälte, |
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pour la Bundesrepublik Deutschland, par M. C. Mögelin et Mme V. Janßen, en qualité d’agents |
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pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et D. Klebs, en qualité d’agents, |
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pour le gouvernement hongrois, par MM. M. Z. Fehér et G. Koós, en qualité d’agents, |
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pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent, |
– |
pour la Commission européenne, par M. G. Braun et Mme L. Nicolae, en qualité d’agents, |
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 |
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») (JO 2002, L 108, p. 33), telle que modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009 (JO 2009, L 337, p. 37) (ci-après la « directive-cadre »). |
2 |
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Google LLC à la Bundesrepublik Deutschland (République fédérale d’Allemagne) au sujet de la décision de la Bundesnetzagentur für Elektrizität, Gas, Telekommunikation, Post und Eisenbahnen (Agence fédérale des réseaux pour l’électricité, le gaz, les télécommunications, la poste et les chemins de fer, Allemagne) (ci-après la « BNetzA ») constatant que le service de messagerie électronique Gmail de Google constitue un service de télécommunications et lui enjoignant en conséquence, sous peine d’astreinte, de se conformer à son obligation de déclaration. |
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
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Le considérant 10 de la directive-cadre indique : « La définition du “service de la société de l’information”, qui figure à l’article 1er de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information [(JO 1998, L 204, p. 37), telle que modifiée par la directive 98/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 juillet 1998 (JO 1998, L 217, p. 18)], se rapporte à une large gamme d’activités économiques se déroulant en ligne ; la plupart de ces activités ne sont pas couvertes par le champ d’application de la présente directive, car elles ne consistent pas entièrement ou principalement en la transmission de signaux sur des réseaux de communications électroniques ; les services de téléphonie vocale et de transmission de courrier électronique sont couverts par la présente directive. La même entreprise, par exemple un prestataire de services Internet, peut proposer à la fois un service de communications électroniques, tel que l’accès à Internet, et des services non couverts par la présente directive, tels que la fourniture de contenus sur la toile. » |
4 |
L’article 2, sous c), de la directive-cadre prévoit : « Aux fins de la présente directive, on entend par : [...]
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L’article 8 de la directive-cadre, intitulé « Objectifs généraux et principes réglementaires », dispose : « 1. Les États membres veillent, dans l’accomplissement des tâches de réglementation spécifiées dans la présente directive ainsi que dans les directives particulières, à ce que les autorités réglementaires nationales prennent toutes les mesures raisonnables visant à la réalisation des objectifs définis aux paragraphes 2, 3 et 4. Ces mesures sont proportionnées à ces objectifs. Sauf disposition contraire de l’article 9 concernant les radiofréquences, les États membres tiennent le plus grand compte du fait qu’il est souhaitable d’assurer la neutralité technologique de la réglementation et veillent à ce que les autorités réglementaires nationales en fassent de même dans l’accomplissement des tâches de réglementation spécifiées dans la présente directive ainsi que dans les directives particulières, notamment celles destinées à assurer une concurrence effective. [...] 2. Les autorités réglementaires nationales promeuvent la concurrence dans la fourniture des réseaux de communications électroniques, des services de communications électroniques et des ressources et services associés, notamment : [...]
[...] 4. Les autorités réglementaires nationales soutiennent les intérêts des citoyens de l’Union européenne, notamment : [...]
[...] » |
Le droit allemand
6 |
L’article 3 du Telekommunikationsgesetz (loi sur les télécommunications), du 22 juin 2004 (BGBl. 2004 I, p. 1190), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « TKG »), dispose : « Aux fins de la présente loi, on entend par : [...]
[...]
[...]
[...] » |
7 |
L’article 6, paragraphe 1, du TKG prévoit : « Quiconque exploite commercialement des réseaux publics de télécommunications ou des services de télécommunications accessibles au public est tenu de déclarer sans délai à l’autorité réglementaire le lancement, la modification ou la cessation de son activité, ainsi que les modifications relatives à sa société. La déclaration doit être faite par écrit. » |
Le litige au principal et les questions préjudicielles
8 |
Google est une société, dont le siège est situé aux États-Unis d’Amérique, qui exploite notamment, outre un moteur de recherche sur Internet, du même nom, un service de messagerie électronique fonctionnant au moyen d’Internet, dénommé Gmail, exploité temporairement sous le nom de GoogleMail en Allemagne. |
9 |
Google exploite également, en Allemagne, sa propre infrastructure de réseau, reliée à Internet, et notamment quelques connexions à haut débit reliant des zones métropolitaines. |
10 |
Gmail est un service dit « hors offre du fournisseur d’accès à l’Internet » (« hors offre FAI »), c’est-à-dire un service disponible sur Internet sans la participation d’un opérateur de communications traditionnel. |
11 |
Gmail fournit à ses utilisateurs un service leur permettant, notamment, d’envoyer et de recevoir des courriers électroniques ainsi que des données sur Internet. Pour bénéficier de ce service, l’utilisateur doit au préalable ouvrir un compte de messagerie, qui lui permet de disposer d’une adresse l’identifiant comme expéditeur et destinataire de courriers électroniques. L’utilisateur peut accéder audit service en se connectant à son compte, soit directement sur le site web exploité par Google (https://mail.google.com), en utilisant un navigateur lui donnant accès à une interface lui permettant d’utiliser les fonctions d’envoi et de réception du courrier, mais également les fonctions d’édition, d’enregistrement ou encore de classement des courriers électroniques, soit par l’intermédiaire d’un programme de messagerie électronique installé sur son équipement terminal (e-Mail client). |
12 |
La juridiction de renvoi expose que, dans le cadre du service Gmail, les courriers et les données voient leur contenu non pas modifié, mais fractionné en plusieurs paquets de données distincts qui sont transmis au destinataire au moyen des protocoles de communications standardisés aux fins des services de messagerie, tels le Transmission Control Protocol – Internet Protocol (protocole de contrôle de transmission – protocole Internet, TCP-IP) et le Simple Mail Transfer Protocol (protocole de transfert de courrier simple SMTP). Techniquement, que ce soit dans son navigateur ou dans son logiciel e-Mail client, l’utilisateur élabore le contenu du courrier électronique et détermine le ou les destinataires, puis transmet ce courrier à Google en déclenchant la procédure d’envoi. |
13 |
Pour acheminer ledit courrier à son destinataire, Google exploite des serveurs de messagerie électronique, qui opèrent les traitements informatiques nécessaires pour identifier le serveur de destination, au moyen du Domain Name System (système de nom de domaine, DNS), et procéder à l’envoi des paquets de données. L’itinéraire suivi par ces paquets à travers les divers réseaux partiels de l’Internet, exploités par des tiers, est dynamique et peut être constamment modifié, sans que l’utilisateur à l’origine de l’envoi en ait connaissance ou puisse le contrôler. À la réception, un serveur de destination enregistre le courrier électronique et le conserve dans une boîte aux lettres électronique auquel le destinataire peut accéder par divers moyens. Le chemin parcouru par les courriers électroniques sur Internet peut être plus court lorsqu’ils sont acheminés entre des utilisateurs du même fournisseur de services. |
14 |
La BNetzA estime que Gmail constitue un « service de télécommunications », au sens de l’article 6, paragraphe 1, du TKG, lu en combinaison avec l’article 3, point 24, du TKG, et qu’il est donc soumis à l’obligation de déclaration auprès d’elle. |
15 |
Par décision du 2 juillet 2012, la BNetzA a donc, sur le fondement de l’article 126 du TKG, formellement constaté que, avec Gmail, Google exploitait un service de télécommunications et lui a enjoint, sous peine d’astreinte, de se conformer à son obligation de déclaration prévue par le TKG. La réclamation formée par Google contre cette décision a été rejetée comme étant non fondée, par décision de la BNetzA du 22 décembre 2014. |
16 |
Le 23 janvier 2015, Google a introduit un recours devant le Verwaltungsgericht Köln (tribunal administratif de Cologne, Allemagne), visant à l’annulation de cette dernière décision, lequel a été rejeté par arrêt du 11 novembre 2015. |
17 |
Cette juridiction a, en l’occurrence, considéré que Gmail constituait un « service de télécommunications », au sens l’article 6, paragraphe 1, du TKG, lu en combinaison avec l’article 3, point 24, de cette loi, c’est-à-dire un service fourni normalement contre rémunération, qui consiste entièrement ou principalement en la transmission de signaux sur des réseaux de communications électroniques. Selon cette juridiction, le critère central de cette définition, à savoir la « transmission de signaux », présente un lien étroit avec la notion de « télécommunication » définie à l’article 3, point 22, du TKG en tant que processus technique d’envoi, de transmission et de réception de signaux au moyen d’équipements de télécommunications, lesdits équipements étant définis, conformément à l’article 3, point 23, du TKG, comme des installations et des systèmes techniques qui peuvent envoyer, transférer, transmettre, recevoir, diriger ou contrôler des signaux électromagnétiques ou optiques identifiables en tant que messages. |
18 |
En effet, selon le Verwaltungsgericht Köln (tribunal administratif de Cologne), Google permet aux usagers du service Gmail de communiquer par courrier électronique via Internet grâce à une interface sur Internet ou au moyen d’un logiciel « e-Mail client » installé sur leur équipement terminal connecté à Internet. Le fait que la transmission de signaux se fasse essentiellement via l’Internet ouvert et que ce sont donc des fournisseurs d’accès à Internet (ci-après les « FAI ») qui les transmettent et non Google elle-même ne s’opposerait pas au classement de Gmail parmi les services de télécommunications. La prestation de transmission de signaux des FAI serait imputable à Google au motif que cette dernière s’approprie en réalité cette prestation de transmission de signaux pour poursuivre ses objectifs et, en particulier, pour la raison qu’elle contribue de manière essentielle au fonctionnement du processus de télécommunication avec ses prestations de traitement informatique. Cette juridiction considère qu’il n’y a pas lieu de procéder à une analyse purement technique pour répondre à la question de savoir si un service consiste entièrement ou principalement en la transmission de signaux. La prestation de transmission de signaux constituerait l’élément principal de Gmail. Dans le cadre d’une appréciation qualitative, la communication à travers l’espace avec d’autres usagers et, partant, le processus de télécommunication lui-même se trouverait au premier plan, alors que les autres composants relatifs au contenu du service ne revêtiraient aucune importance propre. |
19 |
Ladite juridiction estime également que la responsabilité civile de Google à l’égard des usagers pour la prestation de transmission de signaux par les FAI n’est pas déterminante et relève que le service Gmail est offert contre rémunération. En effet, si les services de messagerie électronique sont proposés gratuitement à l’usager, à tout le moins dans leur version de base, ils sont cependant habituellement financés par la publicité ou d’autres revenus indirects. |
20 |
Google a interjeté appel de l’arrêt du Verwaltungsgericht Köln (tribunal administratif de Cologne) devant la juridiction de renvoi, l’Oberverwaltungsgericht für das Land Nordrhein-Westfalen (tribunal administratif supérieur du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Allemagne). |
21 |
Devant la juridiction de renvoi, Google fait valoir que Gmail n’est pas un service de télécommunications dans la mesure où ce service n’émet pas de signaux. Certes, en tant que service de messagerie électronique, Gmail impliquerait, à l’instar d’autres services hors offre FAI tels que, par exemple, les opérations bancaires en ligne, une transmission de signaux. Ce serait toutefois non pas Google elle-même mais les FAI qui procéderaient à la transmission des signaux, pour ce qui concerne tant la transmission de données entre les utilisateurs de Gmail et les serveurs de messagerie électronique de Google que la transmission de données entre les serveurs de messagerie électronique de Google et les serveurs de messagerie électronique d’autres services de messagerie électronique. La prestation de transmission de signaux ne lui serait pas non plus imputable, cette transmission sur l’Internet ouvert s’opérant selon le principe dit du « best effort » (« au mieux »). Elle ne serait donc pas en mesure d’exercer un contrôle, qu’il soit effectif ou juridique, sur le processus de transmission des signaux. |
22 |
Google fait également valoir que la circonstance qu’elle exploite elle-même sa propre infrastructure de réseau en tant que partie d’Internet n’est pas pertinente à cet égard, ni en fait ni en droit. Cette infrastructure aurait essentiellement été mise en place pour fournir des services « gourmands » en données tels que « recherche Google » et « YouTube », mais ne serait pas nécessaire pour l’exploitation de Gmail, même si elle est également utilisée à cette fin. Elle souligne, enfin, que Gmail est, en règle générale, non pas offert contre rémunération, mais mis à disposition des usagers gratuitement et qu’il n’est financé que pour une petite partie grâce à la publicité placée sur le site Internet de Gmail. |
23 |
La BNetzA fait valoir que, pour être qualifié de « service de télécommunications », le service fourni doit principalement, dans sa fonction technique, avoir pour objet une transmission de signaux. Tel serait le cas de Gmail étant donné qu’une transmission de courriers électroniques de l’expéditeur au destinataire n’est possible qu’au moyen d’une transmission de signaux. Il ne serait pas nécessaire que le fournisseur du service procède lui-même à la transmission de signaux ou qu’il exerce à tout le moins un contrôle sur la transmission de signaux effectuée par un tiers. Seule serait déterminante l’existence même d’une transmission de signaux en tant qu’élément technique. |
24 |
Elle ajoute que, même si un contrôle sur la transmission de signaux effectuée par un tiers était requis, cette condition serait remplie du fait que Google exploite ses propres serveurs de messagerie électronique. En effet, les serveurs de messagerie électronique attribueraient les adresses Internet Protocol (IP) [protocole Internet (IP)] physiques aux adresses de courrier électronique, Google authentifierait l’expéditeur et, le cas échéant, également le destinataire d’un courrier électronique, à l’aide du mot de passe, de l’adresse de courrier électronique ou du numéro d’identifiant, et dirigerait la transmission des signaux au moyen des protocoles Internet utilisés dans une mesure suffisante pour permettre un contrôle. Google exploiterait, enfin, elle-même sa propre infrastructure de réseau reliée à Internet, laquelle serait utilisée également aux fins de la transmission de signaux pour Gmail. |
25 |
C’est dans ces circonstances que l’Oberverwaltungsgericht für das Land Nordrhein-Westfalen (tribunal administratif supérieur du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la cour les questions préjudicielles suivantes :
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Sur les questions préjudicielles
Sur les première et deuxième questions
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Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, sous c), de la directive-cadre doit être interprété en ce sens qu’un service de messagerie électronique sur Internet ne comprenant pas un accès à Internet, tel que le service Gmail fourni par Google, constitue un service qui consiste entièrement ou principalement en la transmission de signaux sur des réseaux de communications électroniques, eu égard au traitement informatique que le prestataire dudit service fournit via ses serveurs de messagerie électronique, d’une part, en attribuant les adresses IP des équipements terminaux correspondant aux adresses de courrier électronique et, d’autre part, en introduisant dans ou en réceptionnant de l’Internet ouvert les paquets de données afférents aux courriers électroniques. En cas de réponse négative, elle demande également si, et le cas échéant à quelle condition, le fournisseur d’un tel service de messagerie sur Internet peut néanmoins être considéré comme opérant ou comme pouvant se voir imputer une transmission de signaux, dès lors qu’il exploite, par ailleurs, ses propres réseaux de communications électroniques reliés à Internet, qui peuvent être utilisés aux fins dudit service. |
27 |
Il convient de rappeler, tout d’abord, que la notion de « service de communications électroniques » est définie, en des termes positifs et négatifs, à l’article 2, sous c), de la directive-cadre et que cette définition est reprise, en des termes équivalents, à l’article 1er, point 3, de la directive 2002/77/CE de la Commission, du 16 septembre 2002, relative à la concurrence dans les marchés des réseaux et des services de communications électroniques (JO 2002, L 249, p. 21) (arrêt du 7 novembre 2013, UPC Nederland, C‑518/11, EU:C:2013:709, points 36 et 37). |
28 |
En effet, l’article 2, sous c), de la directive-cadre définit, premièrement, le service de communications électroniques comme étant « le service fourni normalement contre rémunération qui consiste entièrement ou principalement en la transmission de signaux sur des réseaux de communications électroniques, y compris les services de télécommunications et les services de transmission sur les réseaux utilisés pour la radiodiffusion ». |
29 |
Cette même disposition précise, deuxièmement, que la notion de « service de communications électroniques » exclut, d’une part, « les services consistant à fournir des contenus à l’aide de réseaux et de services de communications électroniques ou à exercer une responsabilité éditoriale sur ces contenus » et ne comprend pas, d’autre part, « les services de la société de l’information tels que définis à l’article 1er de la [directive 98/34], qui ne consistent pas entièrement ou principalement en la transmission de signaux sur des réseaux de communications électroniques ». |
30 |
Le considérant 5 de la directive-cadre expose à cet égard, notamment, que la convergence des secteurs des télécommunications, des médias et des technologies de l’information implique que tous les réseaux de transmission et les services associés soient soumis à un même cadre réglementaire et que, dans le contexte de l’établissement dudit cadre, il est nécessaire de séparer la réglementation portant sur la transmission de celle relative aux contenus. |
31 |
Comme la Cour l’a déjà relevé, les différentes directives composant le nouveau cadre réglementaire applicable aux services de communications électroniques, en particulier la directive-cadre et la directive 2002/77, établissent ainsi une distinction claire entre la production des contenus, impliquant une responsabilité éditoriale, et l’acheminement des contenus, exclusif de toute responsabilité éditoriale, les contenus et leur transmission relevant de réglementations séparées poursuivant des objectifs qui leur sont propres (voir, en ce sens, arrêts du 7 novembre 2013, UPC Nederland, C‑518/11, EU:C:2013:709, point 41, et du 30 avril 2014, UPC DTH, C‑475/12, EU:C:2014:285, point 36). |
32 |
La Cour a également jugé que, pour relever de la notion de « service de communications électroniques », un service devait comprendre la transmission de signaux, étant précisé que la circonstance que la transmission du signal a lieu par le truchement d’une infrastructure qui n’appartient pas au prestataire de services est sans pertinence pour la qualification de la nature du service, puisque seul importe à cet égard le fait que ce prestataire est responsable envers les utilisateurs finals de la transmission du signal qui garantit à ces derniers la fourniture du service auquel ils se sont abonnés (arrêt du 30 avril 2014, UPC DTH, C‑475/12, EU:C:2014:285, point 43). |
33 |
En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi ainsi que des observations écrites présentées à la Cour que Google offre, parmi d’autres services, un service de messagerie électronique (Gmail), permettant au titulaire d’un compte de messagerie Gmail d’envoyer et de recevoir des courriers électroniques soit via un logiciel de navigation sur Internet, en utilisant l’interface web mise à cet effet à sa disposition par Google, soit via un logiciel « e-Mail client ». Seul le service de messagerie sur Internet est, toutefois, en cause dans l’affaire au principal. |
34 |
Il est constant que le fournisseur d’un service de messagerie sur Internet, tel que Gmail, réalise une transmission de signaux. Google a ainsi confirmé, au cours de l’audience devant la Cour, que, dans le cadre de la fourniture de son service de messagerie, elle procède, via ses serveurs de messagerie, à l’introduction dans et à la réception de l’Internet ouvert des paquets de données afférents aux courriers électroniques respectivement envoyés et reçus par les titulaires d’un compte de messagerie Google. |
35 |
Il ne saurait, pour autant, en être conclu que les opérations réalisées par Google pour assurer le fonctionnement de son service de messagerie sur Internet constituent un « service de communications électroniques », au sens de l’article 2, sous c), de la directive-cadre, dès lors que ce service ne consiste pas entièrement ou principalement en la transmission de signaux sur des réseaux de communications électroniques. |
36 |
En effet, ainsi que la Commission européenne l’a notamment fait valoir dans ses observations écrites, ce sont, d’une part, les FAI des expéditeurs et des destinataires de courriers ainsi que, le cas échéant, des prestataires de services de messagerie sur Internet et, d’autre part, les gestionnaires des différents réseaux constituant l’Internet ouvert qui assurent, pour l’essentiel, la transmission des signaux nécessaires au fonctionnement de tout service de messagerie sur Internet et qui en assument la responsabilité au sens de l’arrêt du 30 avril 2014, UPC DTH (C‑475/12, EU:C:2014:285, point 43). |
37 |
Le fait que le fournisseur d’un service de messagerie sur Internet intervienne activement dans les opérations d’envoi et de réception des messages, que ce soit en attribuant les adresses IP des équipements terminaux correspondant aux adresses de courrier électronique ou en procédant au découpage desdits messages en paquets de données et à leur introduction dans l’Internet ouvert, ou à leur réception de l’Internet ouvert, en vue de leur acheminement vers leurs destinataires, n’apparaît pas suffisant pour que ledit service puisse, sur le plan technique, être considéré comme consistant « entièrement ou principalement en la transmission de signaux sur des réseaux de communications électroniques », au sens de l’article 2, sous c), de la directive-cadre. |
38 |
Le service de messagerie électronique Gmail ne saurait, partant, en l’absence de tout autre élément de nature à établir la responsabilité de Google à l’égard des titulaires d’un compte de messagerie Gmail dans la transmission des signaux nécessaires à son fonctionnement, ce qu’il appartiendra à la juridiction de renvoi de vérifier, être qualifié de « service de communications électroniques », au sens de l’article 2, sous c), de la directive-cadre. |
39 |
Enfin, la circonstance que Google exploite, par ailleurs, ses propres réseaux de communications électroniques en Allemagne n’est pas de nature à remettre en cause cette conclusion. |
40 |
En effet, le fait que Google doive être considérée comme fournissant des services de communications électroniques en tant qu’exploitante de ses propres réseaux de communications électroniques et puisse, comme telle, être soumise à l’obligation de déclaration prévue à l’article 3, paragraphes 2 et 3, de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive « autorisation ») (JO 2002, L 108, p. 21), telle que modifiée par la directive 2009/140, ne saurait impliquer que l’ensemble des services qu’elle fournit sur Internet dussent également être qualifiés comme tels, alors même qu’ils ne consisteraient pas entièrement ou principalement en la transmission de signaux. |
41 |
Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux première et deuxième questions que l’article 2, sous c), de la directive-cadre doit être interprété en ce sens qu’un service de messagerie électronique sur Internet ne comprenant pas un accès à Internet, tel que le service Gmail fourni par Google, ne consiste pas entièrement ou principalement en la transmission de signaux sur des réseaux de communications électroniques et ne constitue donc pas un « service de communications électroniques » au sens de cette disposition. |
Sur la troisième question
42 |
Compte tenu de la réponse apportée aux première et deuxième questions, il n’y a pas lieu de répondre à la troisième question. |
Sur les dépens
43 |
La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. |
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit : |
L’article 2, sous c), de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre »), telle que modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, doit être interprété en ce sens qu’un service de messagerie électronique sur Internet ne comprenant pas un accès à Internet, tel que le service Gmail fourni par Google LLC, ne consiste pas entièrement ou principalement en la transmission de signaux sur des réseaux de communications électroniques et ne constitue donc pas un « service de communications électroniques » au sens de cette disposition. |
Signatures |
( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.