ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

6 juin 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Directive 2003/96/CE – Taxation des produits énergétiques et de l’électricité – Article 21, paragraphe 3 – Fait générateur de la taxe – Consommation de produits énergétiques produits dans l’enceinte d’un établissement produisant des produits énergétiques – Produits énergétiques destinés à des usages autres que ceux de carburant ou de combustible – Consommation de solvant comme combustible dans l’installation de distillation de goudron »

Dans l’affaire C‑49/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Østre Landsret (cour d’appel de la région Est, Danemark), par décision du 27 janvier 2017, parvenue à la Cour le 1er février 2017, dans la procédure

Koppers Denmark ApS

contre

Skatteministeriet,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. C. G. Fernlund, A. Arabadjiev, S. Rodin et E. Regan (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 janvier 2018,

considérant les observations présentées :

pour Koppers Denmark ApS, par Me L. Kjær, advokat,

pour le gouvernement danois, par M. C. Thorning, en qualité d’agent, assisté de Me B. Søes Petersen, advokat,

pour la Commission européenne, par Mme C. Perrin et M. R. Lyal, en qualité d’agents, assistés de Me C. Bachmann, advokat,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 22 février 2018,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 21, paragraphe 3, de la directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité (JO 2003, L 283, p. 51).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Koppers Denmark ApS (ci-après « Koppers ») au Skatteministeriet (ministère des impôts, Danemark) au sujet du rejet de la demande de remboursement adressée par Koppers à ce dernier pour la taxe sur l’énergie acquittée au titre de sa consommation de solvant comme combustible entre le 1er octobre 2005 et le 31 décembre 2007 (ci-après la « période pertinente »).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Les considérants 2 à 7, 11, 12, 22 et 24 de la directive 2003/96 énoncent :

« (2)

L’absence de dispositions communautaires soumettant à une taxation minimale l’électricité et les produits énergétiques autres que les huiles minérales peut être préjudiciable au bon fonctionnement du marché intérieur.

(3)

Le bon fonctionnement du marché intérieur et la réalisation des objectifs des autres politiques communautaires nécessitent que des niveaux minima de taxation soient fixés au niveau communautaire pour la plupart des produits énergétiques, y compris l’électricité, le gaz naturel et le charbon.

(4)

D’importants écarts entre les niveaux nationaux de taxation de l’énergie appliqués par les États membres pourraient s’avérer préjudiciables au bon fonctionnement du marché intérieur.

(5)

La fixation à des niveaux appropriés des minima communautaires de taxation peut permettre de diminuer les écarts actuels entre les niveaux nationaux de taxation.

(6)

Conformément à l’article 6 du traité [CE], les exigences de la protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des autres politiques de la Communauté.

(7)

En tant que partie à la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique, la Communauté a ratifié le protocole de Kyoto. La taxation des produits énergétiques et, le cas échéant, de l’électricité, est un des instruments disponibles pour atteindre les objectifs de Kyoto.

[...]

(11)

Les régimes fiscaux instaurés dans le cadre de la mise en œuvre du présent cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité relèvent de la compétence de chacun des États membres. À cet égard, les États membres pourraient décider de ne pas accroître la charge fiscale globale s’ils considèrent que la mise en œuvre d’un tel principe de neutralité fiscale pourrait contribuer à la restructuration et à la modernisation de leurs systèmes fiscaux en favorisant les comportements allant dans le sens d’une plus grande protection de l’environnement et en encourageant une utilisation accrue du facteur travail.

(12)

Les prix des produits énergétiques sont des éléments clés des politiques communautaires de l’énergie, des transports et de l’environnement.

[...]

(22)

Les produits énergétiques doivent principalement être soumis à un cadre réglementaire communautaire lorsqu’ils sont utilisés comme carburant ou comme combustible. À cet égard, il est inhérent à la nature et à la logique de la fiscalité d’exclure du champ d’application de ce cadre les produits énergétiques à double usage ou utilisés autrement que comme combustibles ou carburants, ainsi que les procédés minéralogiques. L’électricité utilisée de la même manière doit bénéficier d’un traitement analogue.

[...]

(24)

Il y a lieu de permettre aux États membres d’appliquer certaines autres exonérations ou des niveaux réduits de taxation, lorsque cela ne nuit pas au bon fonctionnement du marché intérieur et n’entraîne pas de distorsions de concurrence. »

4

L’article 1er de cette directive dispose :

« Les États membres taxent les produits énergétiques et l’électricité conformément à la présente directive. »

5

L’article 2 de ladite directive prévoit :

« 1.   Aux fins de la présente directive, on entend par “produits énergétiques” les produits :

[...]

b)

relevant des codes NC 2701, 2702 et 2704 à 2715 inclus ;

[...]

4.   La présente directive ne s’applique pas :

[...]

b)

aux utilisations ci-après des produits énergétiques et de l’électricité :

produits énergétiques destinés à des usages autres que ceux de carburant ou de combustible,

[...]

Toutefois, les dispositions de l’article 20 s’appliquent à ces produits énergétiques. »

6

Aux termes de l’article 21, paragraphe 3, de cette même directive :

« La consommation de produits énergétiques dans l’enceinte d’un établissement produisant des produits énergétiques n’est pas considérée comme un fait générateur de la taxe si la consommation consiste en produits énergétiques produits dans l’enceinte de l’établissement. Les États membres peuvent également considérer la consommation d’électricité et d’autres produits énergétiques qui ne sont pas produits dans l’enceinte d’un tel établissement et la consommation de produits énergétiques et d’électricité dans l’enceinte d’un établissement produisant des combustibles destinés à être utilisés pour la production d’électricité comme n’étant pas un fait générateur. [...] »

Le droit danois

7

Le solvant utilisé comme combustible était, pendant la période pertinente, imposable au Danemark, en vertu de l’article 1er, paragraphe 3, de la mineralolieafgiftslov (loi relative à la taxation des huiles minérales), de l’article 1er, paragraphe 1, point 1, de la kuldioxidafgiftslov (loi relative à la taxation du dioxyde de carbone) et de l’article 1er, paragraphe 1, de la svovlafgiftslov (loi relative à la taxation du soufre).

8

L’article 21, paragraphe 3, de la directive 2003/96 a été transposé dans l’ordre juridique danois par l’article 7, paragraphe 3, de la loi relative à la taxation du dioxyde de carbone et par l’article 8, paragraphe 4, de la loi relative à la taxation du soufre.

9

Au cours de la période pertinente, l’article 7, paragraphe 3, de la loi relative à la taxation du dioxyde de carbone était libellé comme suit :

« Est exonéré de taxe sur le dioxyde de carbone tout produit énergétique visé à l’article 2, paragraphe 1, qui est directement mis en œuvre pour la production d’un produit énergétique équivalent. Toutefois, cela ne s’applique pas aux produits énergétiques qui sont utilisés comme carburant. »

10

Au cours de cette même période, l’article 8, paragraphe 4, de la loi relative à la taxation du soufre prévoyait :

« Est exonéré de taxe sur le soufre tout produit énergétique visé à l’article 1er qui est directement mis en œuvre pour la production d’un produit énergétique équivalent. Toutefois, cela ne s’applique pas aux produits énergétiques qui sont utilisés comme carburant. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

11

Dans ses installations à Nyborg (Danemark), Koppers fabrique, par raffinage et distillation de goudron de houille, les produits suivants : du brai pour anodes, de l’hydrocarbure de départ pour noir de carbone, de la créosote, du naphtalène, du résidu de distillation du naphtalène (NSR) et du solvant. Le principal produit de Koppers est le brai pour anodes, qui représente environ 45 % des produits finis. La production de solvant de Koppers représente environ 3 à 4 % de sa production totale.

12

Koppers exerce ses activités dans deux installations interconnectées et tributaires d’une source d’alimentation thermique commune, l’une distillant du goudron, l’autre produisant du naphtalène. Les résidus de l’installation de distillation du goudron sont transformés dans l’installation de production de naphtalène et le solvant, fabriqué de manière accessoire dans cette dernière, est utilisé comme combustible dans l’installation de distillation du goudron. Le solvant est également utilisé comme combustible d’appoint pour brûler les gaz de distillation de l’installation de goudron et de l’installation de production de naphtalène. La chaleur dégagée par le processus de combustion est réutilisée dans les installations.

13

Il ressort du dossier soumis à la Cour que tous les produits fabriqués par Koppers dans ses installations de Nyborg sont classés sous les codes 2707 ou 2708 de la nomenclature combinée figurant à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO 1987, L 256, p. 1, ci-après la « NC »), et peuvent être utilisés comme combustible. Le solvant est cependant le seul produit fabriqué dans les installations de Koppers que celle-ci utilise comme combustible et qui, partant, peut être soumis à des taxes sur l’énergie.

14

Koppers a initialement déclaré sa consommation de solvant comme soumise à taxation, mais elle a demandé, par lettres du 13 novembre 2008 et du 22 décembre 2008, le remboursement de la taxe afférente à la période pertinente, en faisant valoir qu’une telle consommation était exonérée.

15

SKAT (administration fiscale, Danemark) a adopté, le 24 septembre 2010, une décision aux termes de laquelle la consommation de solvant comme combustible dans l’installation de distillation du goudron n’était pas exonérée, étant donné que le solvant n’était pas utilisé pour fabriquer une énergie équivalente, les produits fabriqués n’étant pas imposables.

16

Koppers a introduit une réclamation contre cette décision devant le Landsskatteret (commission fiscale nationale, Danemark), lequel a confirmé, le 8 juin 2015, la décision de l’administration fiscale au motif, notamment, que la consommation de solvant comme combustible par Koppers n’était pas couverte par l’article 21, paragraphe 3, de la directive 2003/96, étant donné que le solvant n’était pas utilisé pour fabriquer des produits énergétiques relevant du champ d’application de celle-ci.

17

Le 7 septembre 2015, Koppers a formé un recours contre la décision du Landsskatteret (commission fiscale nationale) devant le Retten i Svendborg (tribunal municipal de Svendborg, Danemark), lequel a décidé, compte tenu des questions de principe soulevées par le litige, de renvoyer l’affaire devant l’Østre Landsret (cour d’appel de la région Est), statuant en première instance.

18

Selon la juridiction de renvoi, la solution du litige dont elle est saisie dépend de l’interprétation de l’article 21, paragraphe 3, de cette directive, interprétation qui suscite des doutes raisonnables.

19

Dans ces conditions, l’Østre Landsret (cour d’appel de la région Est) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’article 21, paragraphe 3, de la directive 2003/96 […] doit-il être interprété en ce sens que l’autoconsommation de produits énergétiques aux fins de la fabrication d’autres produits énergétiques est exonérée dans une situation telle que celle en cause dans l’affaire au principal, dans le cadre de laquelle les produits énergétiques fabriqués ne sont pas utilisés comme carburant ou comme combustible ?

2)

L’article 21, paragraphe 3, de la directive 2003/96 […] doit-il être interprété en ce sens que les États membres peuvent limiter le champ d’application de l’exonération à la consommation d’un produit énergétique qui est mis en œuvre pour fabriquer un produit énergétique équivalent (c’est-à-dire un produit énergétique qui, tout comme le produit énergétique consommé, est également imposable) ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

20

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 21, paragraphe 3, de la directive 2003/96 doit être interprété en ce sens que la consommation de produits énergétiques, dans l’enceinte d’un établissement les ayant produits, aux fins de la fabrication d’autres produits énergétiques relève de l’exception concernant le fait générateur de la taxe prévue à cette disposition lorsque, dans une situation telle que celle en cause au principal, les produits fabriqués au titre de l’activité principale de l’établissement concerné sont destinés à des usages autres que ceux de carburant ou de combustible.

21

Il convient d’observer que, si le libellé de l’article 21, paragraphe 3, première phrase, de ladite directive vise la consommation de produits énergétiques dans l’enceinte d’un établissement produisant des produits énergétiques, il n’apporte pas de précision quant aux usages auxquels sont destinés les produits finaux fabriqués au titre de l’activité principale d’un tel établissement.

22

Or, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, lorsque l’interprétation littérale d’une disposition de droit de l’Union ne permet pas d’en apprécier la portée exacte, il y a lieu de l’interpréter en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dans laquelle elle s’inscrit (voir, notamment, arrêt du 7 septembre 2017, Austria Asphalt, C‑248/16, EU:C:2017:643, point 20 et jurisprudence citée).

23

En ce qui concerne, en premier lieu, l’économie de la directive 2003/96, l’article 2, paragraphe 1, de cette directive définit ce qu’il convient d’entendre par « produits énergétiques », au sens de celle-ci. À cet égard, comme il ressort de la demande de décision préjudicielle, l’ensemble des produits fabriqués par Koppers peuvent être qualifiés, conformément à cette disposition, de « produits énergétiques » et cette société pourrait, de ce fait, prétendre au bénéfice de l’exception concernant le fait générateur de la taxe prévue à l’article 21, paragraphe 3, de ladite directive.

24

Toutefois, il convient d’observer que, ainsi qu’il ressort du considérant 22 de cette même directive, le législateur de l’Union a considéré que les produits énergétiques doivent principalement être soumis à un cadre réglementaire commun aux États membres lorsqu’ils sont utilisés comme carburant ou comme combustible et qu’il est donc inhérent à la nature ainsi qu’à la logique de la fiscalité d’exclure du champ d’application de ce cadre, notamment, les produits énergétiques utilisés à des fins autres que celle de carburant ou de combustible. Ainsi, même s’ils relèvent de la définition de la notion de « produits énergétiques », au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2003/96, de tels produits sont exclus du champ d’application de cette directive par le paragraphe 4, sous b), premier tiret, dudit article s’ils ne sont pas destinés à être utilisés comme carburant ou comme combustible (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2007, Fendt Italiana, C‑145/06 et C‑146/06, EU:C:2007:411, points 35 et 43)

25

Dès lors, comme le soutiennent le gouvernement danois et la Commission européenne, il ressort de la lecture combinée des paragraphes 1 et 4 de l’article 2 de la directive 2003/96 que les dispositions de celle-ci s’appliquent aux produits qui, à la fois, y sont définis comme produits énergétiques et relèvent de son champ d’application.

26

Par exception, en vertu de l’article 2, paragraphe 4, sous b), dernière phrase, de la directive 2003/96, le législateur de l’Union a prévu que, toutefois, les dispositions de l’article 20 de cette directive s’appliquent aux produits énergétiques qui sont exclus du champ d’application de celle-ci en vertu des autres dispositions de son article 2, paragraphe 4. Or, force est de constater qu’une exception similaire n’a pas été envisagée à l’égard de l’article 21, paragraphe 3, de ladite directive.

27

Ainsi qu’il ressort des informations fournies par la juridiction de renvoi, les produits fabriqués par Koppers au titre de son activité principale, en tant qu’ils ne sont pas destinés, notamment du fait de leurs propriétés respectives, à être utilisés comme carburant ou comme combustible, sont exclus du champ d’application de la directive 2003/96. Partant, la consommation de solvant aux fins de leur fabrication ne saurait relever de l’exception concernant le fait générateur de la taxe visée à l’article 21, paragraphe 3, première phrase, de cette directive.

28

En second lieu, cette interprétation est confirmée par les finalités poursuivies par ladite directive. À ce titre, il convient de rappeler que, en prévoyant un régime de taxation harmonisée des produits énergétiques et de l’électricité, la directive 2003/96 vise, ainsi qu’il ressort de ses considérants 2 à 7, 11, 12 et 24, à atteindre un double objectif, à savoir, d’une part, promouvoir le bon fonctionnement du marché intérieur dans le secteur de l’énergie, en évitant, notamment, les distorsions de concurrence, et, d’autre part, encourager des objectifs de politique environnementale (voir, en ce sens, notamment, arrêts du 7 septembre 2017, Hüttenwerke Krupp Mannesmann, C‑465/15, EU:C:2017:640, point 26, et du 7 mars 2018, Cristal Union, C‑31/17, EU:C:2018:168, points 29 et 34 ainsi que jurisprudence citée).

29

Comme le soutient le gouvernement danois dans ses observations écrites et ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 52 de ses conclusions, l’application de l’article 21, paragraphe 3, de cette directive à la fabrication de « produits énergétiques », au seul sens de l’article 2, paragraphe 1, de celle-ci, alors qu’ils sont destinés à des usages autres que ceux de carburant ou de combustible, aurait pour conséquence de créer une lacune au sein du régime de taxation harmonisée instauré par ladite directive, faisant échapper à l’imposition, dans une situation telle que celle en cause au principal, des produits énergétiques qui y sont, en principe, soumis.

30

En effet, dans de telles conditions, d’une part, la consommation de produits énergétiques, tel que le solvant en cause au principal, qui devrait faire l’objet d’une taxation en vertu de l’article 1er, de la directive 2003/96, bénéficierait de l’exception concernant le fait générateur de la taxe prévue à l’article 21, paragraphe 3, de cette directive. D’autre part, l’absence de taxation de ces produits ne serait pas compensée par l’imposition subséquente des produits énergétiques fabriqués, ces derniers n’étant pas destinés à être utilisés comme carburant ou comme combustible.

31

En conséquence, considérer que l’article 21, paragraphe 3, de ladite directive trouve à s’appliquer dans une situation telle que celle en cause au principal serait susceptible de porter atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur dans le secteur de l’énergie qui, comme il a été rappelé au point 28 du présent arrêt, est l’une des finalités poursuivies par l’instauration d’un tel régime.

32

L’intégrité du régime de taxation harmonisée des produits énergétiques établi par la directive 2003/96 exige, donc, que la consommation de tels produits ne soit considérée comme relevant de l’exception concernant le fait générateur de la taxe, en vertu de l’article 21, paragraphe 3, première phrase de cette directive, que si elle s’effectue aux fins de la fabrication de produits relevant eux-mêmes de cette imposition du fait de leur utilisation comme carburant ou comme combustible.

33

Cette interprétation ne saurait être remise en cause par l’argument soulevé par Koppers selon lequel interpréter la notion de « produits énergétiques » figurant à l’article 21, paragraphe 3, de la directive 2003/96 sur le seul fondement de la définition de cette notion prévue à l’article 2, paragraphe 1, de cette directive serait souhaitable pour des raisons de protection de l’environnement et d’exploitation des ressources, dans la mesure où cela inciterait les entreprises à utiliser les produits énergétiques qu’elles ont elles-mêmes fabriqués.

34

Comme il a été rappelé au point 28 du présent arrêt, la directive 2003/96 a, outre la promotion du bon fonctionnement du marché intérieur dans le secteur de l’énergie, pour finalité d’encourager des objectifs de politique environnementale. Toutefois, il ne saurait être soutenu que l’exigence tenant à l’utilisation comme carburant ou comme combustible des produits fabriqués aux fins de l’application de l’article 21, paragraphe 3, de cette directive méconnaîtrait cette finalité. Au contraire, il ressort que, au moyen de cette disposition, le législateur de l’Union a concilié les deux objectifs poursuivis par ladite directive.

35

En effet, il y a lieu d’observer que l’article 21, paragraphe 3, deuxième phrase, de la directive 2003/96 ne prévoit qu’une faculté laissée aux États membres de considérer notamment que la consommation d’électricité et d’autres produits énergétiques afin de fabriquer des produits énergétiques, alors que les produits consommés ne sont pas eux-mêmes produits dans l’enceinte de l’établissement, ne constitue pas un fait générateur de la taxe.

36

En revanche, l’exception concernant le fait générateur de la taxe s’impose, en vertu de l’article 21, paragraphe 3, première phrase, de cette directive, lorsque les produits énergétiques consommés sont eux-mêmes fabriqués dans l’enceinte de l’établissement. Il s’ensuit que, au moyen de cette obligation pesant sur les États membres, le législateur de l’Union a entendu encourager les conditions de production visant à l’efficacité énergétique.

37

Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la première question que l’article 21, paragraphe 3, de la directive 2003/96 doit être interprété en ce sens que la consommation de produits énergétiques, dans l’enceinte d’un établissement les ayant produits, aux fins de la fabrication d’autres produits énergétiques ne relève pas de l’exception concernant le fait générateur de la taxe prévue à cette disposition lorsque, dans une situation telle que celle en cause au principal, les produits énergétiques fabriqués au titre de l’activité principale d’un tel établissement sont destinés à des usages autres que ceux de carburant ou de combustible.

Sur la seconde question

38

Compte tenu de la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question.

Sur les dépens

39

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

 

L’article 21, paragraphe 3, de la directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité, doit être interprété en ce sens que la consommation de produits énergétiques, dans l’enceinte d’un établissement les ayant produits, aux fins de la fabrication d’autres produits énergétiques ne relève pas de l’exception concernant le fait générateur de la taxe prévue à cette disposition lorsque, dans une situation telle que celle en cause au principal, les produits énergétiques fabriqués au titre de l’activité principale d’un tel établissement sont destinés à des usages autres que ceux de carburant ou de combustible.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le danois.