ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

11 mai 2017 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Marchés publics — Directive 2004/17/CE — Principes de passation des marchés — Article 10 — Principe d’égalité de traitement des soumissionnaires — Obligation des entités adjudicatrices de demander aux soumissionnaires de modifier ou de compléter leur offre — Droit de l’entité adjudicatrice de retenir la garantie bancaire en cas de refus — Directive 92/13/CEE — Article 1er, paragraphe 3 — Procédures de recours — Décision d’attribution d’un marché public — Exclusion d’un soumissionnaire — Recours en annulation — Intérêt à agir»

Dans l’affaire C‑131/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Krajowa Izba Odwoławcza (Chambre nationale de recours, Pologne), par décision du 19 février 2016, parvenue à la Cour le 1er mars 2016, dans la procédure

Archus sp. z o.o.,

Gama Jacek Lipik

contre

Polskie Górnictwo Naftowe i Gazownictwo S.A.,

en présence de :

Digital-Center sp. z o.o.,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. M. Vilaras, président de chambre (rapporteur), MM. M. Safjan et D. Šváby, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour Polskie Górnictwo Naftowe i Gazownictwo S.A., par Mme A. Olszewska,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. F. Di Matteo, avvocato dello Stato,

pour la Commission européenne, par Mme K. Herrmann et M. A. Tokár, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 10 de la directive 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux (JO 2004, L 134, p. 1), et de l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 92/13/CE du Conseil, du 25 février 1992, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des règles communautaires sur les procédures de passation des marchés des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications (JO 1992, L 76, p. 14), telle que modifiée par la directive 2007/66/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2007 (JO 2007, L 335, p. 31) (ci-après la « directive 92/13 »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Archus sp. z.o.o. et Gama Jacek Lipik (ci-après, ensemble, « Archus et Gama ») à Polskie Górnictwo Naftowe i Gazownictwo S.A. (société polonaise des activités d’extraction du pétrole et du gaz), au sujet des décisions de cette dernière portant rejet de leur offre dans une procédure de passation de marché public et acceptation de l’offre présentée par Digital-Center sp. z o.o.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

L’article 10 de la directive 2004/17 prévoit :

« Les entités adjudicatrices traitent les opérateurs économiques sur un pied d’égalité, de manière non discriminatoire et agissent avec transparence. »

4

L’article 1er, paragraphe 3, de la directive 92/13 dispose :

« Les États membres s’assurent que les procédures de recours sont accessibles, selon des modalités que les États membres peuvent déterminer, au moins à toute personne ayant ou ayant eu un intérêt à obtenir un marché déterminé et ayant été ou risquant d’être lésée par une violation alléguée. »

5

L’article 2 bis, paragraphe 2, troisième alinéa, de la directive 92/13 prévoit :

« Les candidats sont réputés concernés si l’entité adjudicatrice n’a pas communiqué les informations relatives au rejet de leur candidature avant que la décision d’attribution du marché soit notifiée aux soumissionnaires concernés. »

Le droit polonais

6

L’article 25 de la Ustawa z dnia 29 stycznia 2004 r. – Prawo zamówień publicznych (Dz. U. 2015, position 2164) (loi du 29 janvier 2004 relative aux marchés publics, ci-après la « Pzp ») prévoit :

« 1.   Dans le cadre de la procédure de passation de marché, le pouvoir adjudicateur ne peut demander aux opérateurs économiques que les déclarations et documents nécessaires aux fins de la procédure. Les déclarations et documents attestant du respect :

1)

des conditions de participation à la procédure,

2)

des exigences fixées par le pouvoir adjudicateur en ce qui concerne les offres de fournitures, de services ou de travaux

sont indiqués par le pouvoir adjudicateur dans l’avis de marché, le cahier des charges ou l’invitation à soumissionner.

2.   Le président du Conseil des ministres fixe, par voie réglementaire, les types de documents que le pouvoir adjudicateur peut demander à l’opérateur économique et la forme de présentation de ces documents [...] »

7

L’article 26, paragraphe 3, de la Pzp dispose :

« Le pouvoir adjudicateur appelle les opérateurs économiques qui n’auraient pas fourni, dans le délai imparti, les déclarations ou les documents demandés, tels que visés à l’article 25, paragraphe 1, ou qui n’auraient pas fourni de procuration ou qui auraient fourni les déclarations et les documents demandés par le pouvoir adjudicateur, tels que visés à l’article 25, paragraphe 1, mais contenant des erreurs ou encore les opérateurs, dont la procuration est irrégulière, à fournir ces déclarations et documents dans un délai qu’il leur impartit, à moins que, malgré leur présentation, l’offre de l’opérateur soit rejetée ou qu’il s’impose d’invalider la procédure. Les déclarations et documents produits à la demande du pouvoir adjudicateur attestent que l’opérateur économique remplit les conditions de participation à la procédure ou que les fournitures, les services ou les travaux sont conformes aux exigences fixées par le pouvoir adjudicateur, et ce, au plus tard, à la date d’expiration du délai de dépôt des demandes de participation à la procédure ou des offres. »

8

L’article 46, paragraphe 4a, de la Pzp est ainsi libellé :

« Le pouvoir adjudicateur conserve la garantie et les intérêts si l’opérateur économique, en réponse à l’invitation visée à l’article 26, paragraphe 3, n’a pas fourni, pour des raisons qui lui sont imputables, les documents ou déclarations visés à l’article 25, paragraphe 1, les procurations, la liste des entités appartenant au même groupe visée à l’article 24, paragraphe 2, point 5, ou des informations indiquant qu’il n’appartient pas à un groupe, ou s’il n’a pas consenti à la rectification d’une erreur visée à l’article 87, paragraphe 2, point 3, de sorte qu’il n’a pas été possible de sélectionner son offre comme étant la plus avantageuse. »

9

L’article 87 de la Pzp prévoit :

« 1.   Lors de l’examen et de l’évaluation des offres, le pouvoir adjudicateur peut demander aux opérateurs économiques de clarifier leur contenu. L’offre présentée ne peut être négociée par le pouvoir adjudicateur et l’opérateur économique ni modifiée quant à son contenu, sous réserve des dispositions des paragraphes 1a et 2.

1a.   Lors de l’examen et de l’évaluation des offres dans le cadre du dialogue compétitif, le pouvoir adjudicateur peut demander aux opérateurs économiques de préciser et perfectionner leur contenu et de fournir des informations complémentaires, sans toutefois modifier de manière substantielle les offres et les exigences du cahier des charges.

2.   Le pouvoir adjudicateur corrige l’offre s’agissant :

1)

des erreurs d’écriture manifestes,

2)

des erreurs évidentes de calcul, en tenant compte des conséquences découlant des corrections effectuées au niveau des calculs,

3)

d’autres erreurs qui rendent l’offre non conforme au cahier des charges, mais n’entraînent pas de modifications substantielles quant à sa teneur, en en informant immédiatement l’opérateur économique dont l’offre a été corrigée. »

10

L’article 179, paragraphe 1, de la Pzp prévoit :

« Tout opérateur économique, participant au concours ou autre entité, ayant ou ayant eu un intérêt à obtenir un marché déterminé et ayant été ou risquant d’être lésé par la violation des dispositions de la présente loi par le pouvoir adjudicateur, bénéficie des recours prévus dans la présente section. »

11

L’article 180, paragraphe 1, de la Pzp dispose :

« Seuls les actes ou omissions commis en violation de la loi par le pouvoir adjudicateur dans le cadre de la procédure de passation de marché peuvent faire l’objet d’un recours. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

12

Polskie Górnictwo Naftowe i Gazownictwo a publié, le 3 juin 2015, au Journal officiel de l’Union européenne, sous le numéro 2015/S 105-191838, un avis d’appel d’offres restreint aux fins de la passation d’un marché public de services pour la numérisation des documents de ses archives centrales géologiques et l’élaboration d’une version électronique des documents accessible sur son réseau interne. L’objet du marché consistait à scanner les documents papier de ces archives, à effectuer le traitement numérique des documents scannés et à les enregistrer sur des supports de données durables couramment utilisés sous des formats numériques donnés et sous la forme de microfilms.

13

Le point 4.1 du cahier des charges indiquait que les soumissionnaires devaient joindre deux documents à leur offre de services. Le premier devait être une copie scannée d’un document établi par le pouvoir adjudicateur, enregistrée sur un support durable et éditée suivant une description détaillée au point 4.1, sous a), du cahier des charges. Le second devait être un échantillon de microfilm de 35 mm contenant le produit impressionné, évalué au regard du critère de qualité, au format A 4 et son agrandissement au format A 0, à savoir 16 fois, accompagnés d’une description du procédé de microfilmage et des paramètres techniques détaillés au point 4.1, sous b), du cahier des charges (ci-après l’« échantillon de microfilm »).

14

La qualité du premier document devait être appréciée au regard des critères d’évaluation des offres, alors que la qualité de l’échantillon de microfilm devait l’être selon la formule « satisfait/ne satisfait pas », étant précisé que, si l’échantillon ne satisfaisait pas, l’offre devait être rejetée en application de l’article 89, paragraphe 1, point 2, de la Pzp.

15

Les soumissionnaires étaient également tenus de déposer un montant de 20000 zloty polonais (PLN) à titre de garantie de leur offre.

16

Deux offres ont été soumises dans le cadre de cette procédure, l’une conjointement par Archus et Gama, l’autre par Digital-Center.

17

Le 15 octobre 2015, Archus et Gama, invoquant une erreur involontaire, ont adressé au pouvoir adjudicateur une demande de correction de leur offre, en application de l’article 87, paragraphe 2, point 3), de la Pzp, visant à substituer un nouvel échantillon de microfilm à celui qu’elles avaient annexé à leur offre et qui n’était pas conforme aux spécifications du cahier des charges.

18

Le 17 novembre 2015, le pouvoir adjudicateur à répondu à cette demande, en indiquant qu’il avait considéré que le nouvel échantillon de microfilm complétait les documents transmis, en application de l’article 26, paragraphe 3, de la Pzp. Il leur a toutefois également indiqué qu’elles n’avaient pas mentionné les informations concernant le procédé de microfilmage de l’échantillon et les paramètres techniques requis conformément au point 4.1, sous b), du cahier des charges, et les a donc invitées à compléter ces informations.

19

Après examen des deux échantillons de microfilm fournis par Archus et Gama, le pouvoir adjudicateur a finalement rejeté l’offre de ces dernières comme étant non conforme audit point 4.1, sous b), du cahier des charges. Il a estimé que les échantillons de microfilm déposés par ces sociétés ne permettaient pas de lire la copie d’un document microfilmé au format A 0 avec une résolution minimale de 200 points par pouce (ppp). Il a, par ailleurs, considéré l’offre présentée par Digital-Center comme étant la plus avantageuse.

20

Archus et Gama ont alors introduit un recours devant la Krajowa Izba Odwoławcza (Chambre nationale de recours, Pologne) contre les décisions du pouvoir adjudicateur portant respectivement rejet de leur offre et acceptation de l’offre de Digital-Center.

21

La juridiction de renvoi expose en substance que, en vertu de la réglementation nationale sur les marchés publics, le pouvoir adjudicateur peut exiger des soumissionnaires la présentation de « documents et déclarations » ainsi que d’échantillons des produits à fournir dans le cadre de l’appel d’offres. Il a également l’obligation de leur demander de compléter, le cas échéant, les documents manquants ou comportant des erreurs, afin que ceux-ci soient conformes aux exigences du cahier des charges, excepté dans le cas où l’offre devrait être rejetée pour d’autres raisons ou lorsqu’il est nécessaire d’annuler la procédure.

22

La juridiction de renvoi s’interroge, tout d’abord, sur la légalité de l’obligation, imposée au pouvoir adjudicateur, d’inviter un soumissionnaire à compléter un document exigé par le cahier des charges ou à présenter un nouvel échantillon conformément audit cahier, comme dans l’affaire au principal, dans la mesure où cela peut conduire ledit soumissionnaire à modifier le contenu de son offre, ce qui serait préjudiciable à la transparence de la procédure d’appel d’offres. Elle s’interroge, ensuite, sur la légalité de la retenue de la garantie versée par le soumissionnaire lorsque ce dernier ne défère pas à l’invitation qui lui est faite par le pouvoir adjudicateur de compléter un tel document. Elle s’interroge, enfin, sur l’intérêt juridique que représente l’annulation de l’offre de Digital-Center pour Archus et Gama.

23

C’est dans ces circonstances que la Krajowa Izba Odwoławcza (Chambre nationale de recours, Pologne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’article 10 de la [directive 2004/17] peut-il être interprété en ce sens que le pouvoir adjudicateur peut être tenu d’inviter les opérateurs économiques qui n’auraient pas fourni, dans le délai imparti (c’est à dire le délai fixé pour soumettre les offres), les “déclarations ou documents” demandés, attestant que les offres de fournitures, de services ou de travaux sont conformes aux exigences fixées par le pouvoir adjudicateur (cette notion englobant également les échantillons de l’objet du marché), ou qui auraient produit les “déclarations ou documents” demandés par le pouvoir adjudicateur, mais contenant des erreurs, à soumettre les “déclarations ou documents” (échantillons) manquants ou corrigés dans un nouveau délai qu’il leur impartit, sans spécifier qu’il leur est interdit de modifier le contenu de l’offre en complétant ces “déclarations ou documents” (échantillons) ?

2)

L’article 10 de la [directive 2004/17] peut-il être interprété en ce sens que le pouvoir adjudicateur peut retenir le cautionnement versé par l’opérateur économique lorsque celui-ci, en réponse à l’invitation du pouvoir adjudicateur à compléter les documents, n’a pas soumis les “déclarations ou documents” (échantillons) attestant que les offres de fournitures, de services ou de travaux sont conformes aux exigences fixées par le pouvoir adjudicateur, dès lors que le contenu de l’offre en aurait été modifié, ou que ledit opérateur n’a pas consenti à ce que le pouvoir adjudicateur corrige l’offre, ce qui n’a pas permis de sélectionner l’offre déposée par l’opérateur économique comme étant la plus avantageuse ?

3)

L’article 1er, paragraphe 3, de la [directive 92/13] doit-il être interprété en ce sens que le “marché déterminé”, visé à cette disposition dans le membre de phrase “ayant eu un intérêt à obtenir un marché déterminé”, signifie une “procédure déterminée de passation de marché public” (en l’occurrence, publiée dans l’avis du 3 juin 2015) ou un “objet déterminé du marché” (en l’occurrence, le service de numérisation des documents des archives du pouvoir adjudicateur), indépendamment de la question de savoir si, en conséquence de l’accueil du recours, le pouvoir adjudicateur annulera la procédure de passation de marché public et, éventuellement, la recommencera ? »

Sur la première question

24

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le principe d’égalité de traitement des opérateurs économiques, énoncé à l’article 10 de la directive 2004/17, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que, dans le cadre d’un appel d’offres, un pouvoir adjudicateur invite les soumissionnaires à fournir les déclarations ou les documents requis qui n’auraient pas été fournis par ces soumissionnaires dans le délai imparti pour soumettre les offres ou à corriger ces déclarations ou ces documents en cas d’erreurs, sans que ce pouvoir adjudicateur soit, par ailleurs, tenu de spécifier auxdits soumissionnaires qu’il leur est interdit de modifier le contenu des offres soumises.

25

À cet égard, il convient de rappeler, tout d’abord, que l’obligation pour le pouvoir adjudicateur de respecter le principe d’égalité de traitement des soumissionnaires, qui a pour objectif de favoriser le développement d’une concurrence saine et effective entre les entreprises participant à un marché public (voir, notamment, arrêts du 29 avril 2004, Frutta di SucchiCommission/CAS , C‑496/99 P, EU:C:2004:236, point 110, et du 12 mars 2015, eVigilo, C‑538/13, EU:C:2015:166, point 33) et qui correspond à l’essence des règles de l’Union relatives aux procédures de passation des marchés publics (voir, notamment, arrêts du 22 juin 1993, Commission/Danemark, C‑243/89, EU:C:1993:257, point 33 ; du 25 avril 1996, Commission/Belgique, C‑87/94, EU:C:1996:161, point 51, et du 18 octobre 2001, SIAC Construction, C‑19/00, EU:C:2001:553, point 33), implique, notamment, que les soumissionnaires doivent se trouver sur un pied d’égalité aussi bien au moment où ils préparent leurs offres qu’au moment où celles–ci sont évaluées par ledit pouvoir adjudicateur (voir arrêts du 16 décembre 2008, Michaniki, C‑213/07, EU:C:2008:731, point 45, ainsi que du 24 mai 2016, Züblin et HøjgaardMT , C‑396/14, EU:C:2016:347, point 37).

26

Ledit principe impose, en particulier, que tous les soumissionnaires disposent des mêmes chances dans la formulation des termes de leurs offres et implique donc que celles-ci soient soumises aux mêmes conditions pour tous les compétiteurs (arrêts du 25 avril 1996, Commission/Belgique, C‑87/94, EU:C:1996:161, point 54 ; du 12 décembre 2002, .e.a-Bau Universale, C‑470/99, EU:C:2002:746, point 93, ainsi que du 12 mars 2015, eVigilo, C‑538/13, EU:C:2015:166, point 33).

27

Le principe d’égalité de traitement et l’obligation de transparence s’opposent également à toute négociation entre le pouvoir adjudicateur et un soumissionnaire dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public, ce qui implique que, en principe, une offre ne peut pas être modifiée après son dépôt, que ce soit à l’initiative du pouvoir adjudicateur ou du soumissionnaire (voir, en ce sens, arrêts du 29 mars 2012, .e.aSAG ELV Slovensko , C‑599/10, EU:C:2012:191, point 36, ainsi que du 10 octobre 2013, Manova, C‑336/12, EU:C:2013:647, point 31).

28

En effet, permettre au pouvoir adjudicateur de demander à un candidat dont il estime l’offre imprécise ou non conforme aux spécifications techniques du cahier des charges des éclaircissements à cet égard risquerait de faire apparaître ce pouvoir adjudicateur, au cas où l’offre de ce candidat serait finalement retenue, comme ayant négocié celle–ci confidentiellement, au détriment des autres candidats, et en violation du principe d’égalité de traitement (arrêt du 29 mars 2012, .e.aSAG ELV Slovensko , C‑599/10, EU:C:2012:191, point 37).

29

La Cour a, cependant, également eu l’occasion de juger que le principe d’égalité de traitement ne s’oppose pas à ce qu’une offre puisse être corrigée ou complétée ponctuellement, lorsque celle-ci nécessite à l’évidence une clarification ou lorsqu’il s’agit de mettre fin à des erreurs matérielles manifestes, sous réserve toutefois du respect d’un certain nombre d’exigences [voir, en ce sens, dans le cadre de procédures d’appel d’offres restreint relevant de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO 2004, L 134, p. 114), arrêts du 29 mars 2012, .e.aSAG ELV Slovensko , C‑599/10, EU:C:2012:191, points 35 à 45, pour ce qui concerne la phase d’appréciation des offres, ainsi que du 10 octobre 2013, Manova, C‑336/12, EU:C:2013:647, points 30 à 39, pour ce qui concerne la phase de présélection des soumissionnaires].

30

Tout d’abord, une demande de clarification d’une offre, qui ne peut intervenir qu’après que le pouvoir adjudicateur a pris connaissance de l’ensemble des offres, doit, en principe, être adressée de manière équivalente à tous les soumissionnaires qui se trouvent dans la même situation et doit porter sur tous les points de l’offre qui requièrent une clarification (voir arrêts du 29 mars 2012, .e.aSAG ELV Slovensko , C‑599/10, EU:C:2012:191, points 42 à 44, ainsi que du 10 octobre 2013, Manova, C‑336/12, EU:C:2013:647, points 34 et 35).

31

En outre, cette demande ne peut pas aboutir à la présentation, par un soumissionnaire concerné, de ce qui apparaîtrait en réalité comme une nouvelle offre (voir arrêts du 29 mars 2012, .e.aSAG ELV Slovensko , C‑599/10, EU:C:2012:191, point 40 ; du 10 octobre 2013, Manova, C‑336/12, EU:C:2013:647, point 36).

32

Enfin, et de manière générale, dans l’exercice du pouvoir d’appréciation dont il dispose en ce qui concerne la faculté de demander aux candidats de clarifier leur offre, le pouvoir adjudicateur doit traiter les candidats de manière égale et loyale, de telle sorte qu’une demande de clarification ne puisse pas apparaître, à l’issue de la procédure de sélection des offres et au vu du résultat de celle-ci, comme ayant indûment favorisé ou défavorisé le ou les candidats ayant fait l’objet de cette demande (voir arrêts du 29 mars 2012, .e.aSAG ELV Slovensko , C‑599/10, EU:C:2012:191, point 41, ainsi que du 10 octobre 2013, Manova, C‑336/12, EU:C:2013:647, point 37).

33

Une demande de clarification ne saurait, toutefois, pallier l’absence d’une pièce ou d’une information dont la communication était requise par les documents du marché, le pouvoir adjudicateur étant tenu d’observer strictement les critères qu’il a lui-même fixés (voir, en ce sens, arrêt du 10 octobre 2013, Manova, C‑336/12, EU:C:2013:647, point 40).

34

En l’occurrence, la juridiction de renvoi a précisé, dans sa demande de décision préjudicielle, que les soumissionnaires devaient joindre à leur offre des échantillons des documents d’archives numérisés, lesquels devaient être élaborés suivant les consignes définies au point 4.1 du cahier des charges et indiquer le procédé et la qualité de la numérisation.

35

Dans les circonstances de l’affaire au principal, c’est Archus et Gama, en leur qualité de soumissionnaire, qui ont adressé au pouvoir adjudicateur une demande de correction de leur offre, en se fondant sur l’article 87, paragraphe 2, point 3), de la Pzp, afin de substituer un nouvel échantillon de microfilm à celui qu’elles avaient annexé à leur offre et qui n’était pas conforme aux spécifications du cahier des charges.

36

Or, conformément à la jurisprudence citée au point 29 du présent arrêt, une invitation adressée par le pouvoir adjudicateur à un soumissionnaire de fournir les déclarations et documents exigés ne saurait en principe avoir d’autre objet que la clarification de l’offre de ce dernier ou la rectification d’une erreur manifeste entachant cette offre. Elle ne saurait, partant, permettre de manière générale à un soumissionnaire de fournir les déclarations et les documents dont la communication était requise par le cahier des charges et qui ne l’auraient pas été dans le délai imparti pour soumettre les offres. Elle ne saurait non plus, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 31 du présent arrêt, aboutir à la présentation, par un soumissionnaire, de documents comportant des modifications telles qu’ils constitueraient, en réalité, une nouvelle offre.

37

En tout état de cause, l’obligation susceptible de peser sur un pouvoir adjudicateur, en vertu du droit national, d’inviter les soumissionnaires à fournir les déclarations et les documents requis qu’ils n’auraient pas transmis dans le délai imparti pour soumettre les offres ou à corriger ces déclarations et ces documents en cas d’erreurs, ne saurait être admise que dans la mesure ou les compléments ou les corrections apportées à l’offre initiale n’aboutissent pas à modifier celle-ci de façon substantielle. Il ressort, en effet, du point 40 de l’arrêt du 29 mars 2012, .e.aSAG ELV Slovensko (C‑599/10, EU:C:2012:191), que l’offre initiale ne peut être corrigée pour mettre fin à des erreurs matérielles manifestes qu’exceptionnellement et que si cette modification n’aboutit pas à proposer en réalité une nouvelle offre.

38

C’est à la juridiction de renvoi qu’il incombe de déterminer si, dans les circonstances de l’affaire au principal, la substitution opérée par Archus et Gama est demeurée dans les limites de la rectification d’une erreur manifeste entachant son offre.

39

Il convient, par conséquent, de répondre à la première question posée que le principe d’égalité de traitement des opérateurs économiques énoncé à l’article 10 de la directive 2004/17 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que, dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public, le pouvoir adjudicateur invite un soumissionnaire à fournir les déclarations ou les documents dont la communication était requise par le cahier des charges et qui n’auraient pas été fournis dans le délai imparti pour soumettre les offres. En revanche, cet article ne s’oppose pas à ce que le pouvoir adjudicateur invite un soumissionnaire à clarifier une offre ou à rectifier une erreur matérielle manifeste que comporterait cette dernière, sous réserve, toutefois, qu’une telle invitation soit adressée à tout soumissionnaire placé dans la même situation, que tous les soumissionnaires soient traités de manière égale et loyale et que cette clarification ou cette rectification ne puisse être assimilée à la présentation d’une nouvelle offre, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Sur la deuxième question

40

Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 10 de la directive 2004/17 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, le pouvoir adjudicateur retienne le cautionnement versé par un soumissionnaire dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public, lorsque ce dernier soit n’a pas fourni les documents attestant que son offre était conforme aux exigences fixées dans le cahier des charges par le pouvoir adjudicateur, parce que le contenu de son offre en aurait été modifié, soit n’a pas consenti à ce que le pouvoir adjudicateur corrige son offre, avec pour conséquence que son offre n’a pu être sélectionnée.

41

Selon une jurisprudence constante, la procédure instituée à l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution du litige qu’elles sont appelées à trancher (voir, notamment, arrêts du 12 juin 2003, Schmidberger, C‑112/00, EU:C:2003:333, point 30 ; du 15 septembre 2011, Catalunya de Pagesos de Unió, C‑197/10, EU:C:2011:590, point 16, ainsi que du 19 juin 2012, Institute of Patent AttorneysChartered, C‑307/10, EU:C:2012:361, point 31).

42

Dans le cadre de cette coopération, les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le rejet par la Cour d’une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, notamment, arrêts du 21 janvier 2003, -Martini et Cellier des DauphinsBacardi, C‑318/00, EU:C:2003:41, point 43 ; du 15 septembre 2011, Catalunya de Pagesos de Unió, C‑197/10, EU:C:2011:590, point 17, ainsi que du 19 juin 2012, Institute of Patent AttorneysChartered, C‑307/10, EU:C:2012:361, point 32).

43

La fonction confiée à la Cour dans le cadre de la procédure préjudicielle consiste, en effet, à contribuer à l’administration de la justice dans les États membres, et non à formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques (voir, notamment, arrêts du 12 juin 2003, Schmidberger, C‑112/00, EU:C:2003:333, point 32, ainsi que du 15 septembre 2011, Catalunya de Pagesos de Unió, C‑197/10, EU:C:2011:590, point 18).

44

Or, il convient de constater que, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, les circonstances de l’affaire au principal ne correspondent manifestement à aucun des deux cas de figures envisagés par la juridiction de renvoi dans le cadre de sa deuxième question.

45

En effet, le litige au principal porte essentiellement, ainsi qu’il ressort de l’examen de la première question, sur le point de savoir si le pouvoir adjudicateur peut, sans méconnaître le principe d’égalité de traitement visé à l’article 10 de la directive 2004/17, admettre qu’un soumissionnaire puisse, postérieurement au dépôt de son offre, remplacer un document dont la communication était exigée par le cahier des charges, en l’occurrence un échantillon de microfilm, dans la mesure où l’échantillon transmis l’avait prétendument été par erreur. Il ne ressort nullement de la décision de renvoi qu’Archus et Gama ont omis de fournir les documents exigés par le cahier des charges ou encore refusé de consentir à ce que le pouvoir adjudicateur corrige leur offre. Force est, dès lors, de constater que le problème soulevé par la juridiction de renvoi dans le cadre de sa deuxième question est de nature hypothétique.

46

La deuxième question préjudicielle de la juridiction de renvoi doit, dans ces conditions, être déclarée comme étant manifestement irrecevable.

Sur la troisième question

47

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 92/13 doit être interprété en ce sens que la notion de « marché déterminé » au sens de cette disposition, vise une procédure déterminée de passation d’un marché public ou l’objet même du marché qu’il est envisagé d’attribuer au terme d’une procédure de passation d’un marché public, dans l’hypothèse où seules deux offres auraient été présentées et où le soumissionnaire dont l’offre a été rejetée pourrait se voir reconnaître un intérêt à obtenir le rejet de l’offre de l’autre soumissionnaire, et, par voie de conséquence, l’engagement d’une nouvelle procédure de passation du marché public.

48

La juridiction de renvoi a précisé à cet égard que l’opérateur économique qui a soumis une offre dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public ne dispose pas, lorsque son offre est rejetée, d’un intérêt à agir contre la décision d’attribution du marché public. Par conséquent, si un soumissionnaire comme Archus et Gama dispose assurément d’un intérêt à contester une décision rejetant son offre, dans la mesure où, dans ce cas, il conserve une chance de se voir attribuer le marché, il ne dispose plus, en revanche, d’un quelconque intérêt dans la suite de la procédure de passation du marché, dès lors que son offre a été définitivement rejetée, à tout le moins dans l’hypothèse où une pluralité d’offres aurait été présentée et sélectionnée.

49

C’est dans ce contexte que la juridiction de renvoi se demande si la notion de « marché déterminé », au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 92/13, vise l’engagement éventuel d’une nouvelle procédure de passation d’un marché public.

50

Il convient de rappeler, à cet égard, que l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 92/13 prévoit que les États membres doivent s’assurer que les procédures de recours sont accessibles, selon des modalités qu’il leur appartient de déterminer, au moins à toute personne ayant ou ayant eu un intérêt à obtenir un marché déterminé et ayant été ou risquant d’être lésée par une violation alléguée.

51

Appelée à interpréter les dispositions équivalentes de l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l'application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (JO 1989, L 395, p. 33), la Cour a déjà jugé que, dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public, les soumissionnaires ont un intérêt légitime équivalent à l’exclusion de l’offre des autres aux fins de l’obtention du marché (voir, en ce sens, arrêts du 4 juillet 2013, Fastweb, C‑100/12, EU:C:2013:448, point 33 ; du 5 avril 2016, PFE, C‑689/13, EU:C:2016:199, point 27, ainsi que du 21 décembre 2016, Österreich Caverion und Gebäudebetreuung Technische Bietergemeinschaft, C‑355/15, EU:C:2016:988, point 29), quel que soit le nombre de participants à la procédure et le nombre de participants ayant introduit des recours (voir, en ce sens, arrêt du 5 avril 2016, PFE, C‑689/13, EU:C:2016:199, point 29).

52

En effet, d’une part, l’exclusion d’un soumissionnaire peut aboutir à ce qu’un autre obtienne le marché directement dans le cadre de la même procédure. D’autre part, dans l’hypothèse d’une exclusion de tous les soumissionnaires et de l’ouverture d’une nouvelle procédure de passation de marché public, chacun des soumissionnaires pourrait y participer et, ainsi, obtenir indirectement le marché (voir arrêt du 5 avril 2016, PFE, C‑689/13, EU:C:2016:199, point 27).

53

Le principe jurisprudentiel ainsi établi par les arrêts du 4 juillet 2013, Fastweb (C‑100/12, EU:C:2013:448), et du 5 avril 2016, PFE (C‑689/13, EU:C:2016:199), trouve à s’appliquer à la situation en cause dans l’affaire au principal.

54

En effet, la juridiction de renvoi est, dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public ayant donné lieu à la présentation de deux offres et à l’adoption par le pouvoir adjudicateur de deux décisions simultanées portant respectivement rejet de l’offre de l’un des soumissionnaires et attribution du marché à l’autre, saisie par le soumissionnaire évincé d’un recours dirigé contre ces deux décisions. Dans le cadre de ce recours, le soumissionnaire évincé invoque l’exclusion de l’offre de l’adjudicataire pour défaut de conformité de cette dernière aux spécifications du cahier des charges.

55

Dans une telle situation, le soumissionnaire qui a introduit le recours doit se voir reconnaître un intérêt légitime à l’exclusion de l’offre de l’adjudicataire, susceptible de conduire, le cas échéant, au constat de l’impossibilité pour le pouvoir adjudicateur de procéder à la sélection d’une offre régulière (voir, en ce sens, arrêts du 4 juillet 2013, Fastweb, C‑100/12, EU:C:2013:448, point 33, ainsi que du 5 avril 2016, PFE, C‑689/13, EU:C:2016:199, point 24).

56

Cette interprétation se trouve confirmée par les dispositions de l’article 2 bis, paragraphes 1 et 2, de la directive 92/13 qui prévoient expressément un droit de recours des soumissionnaires non définitivement exclus notamment contre les décisions d’attribution de marché prises par les entités adjudicatrices.

57

Certes, la Cour a jugé, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 21 décembre 2016, Österreich Caverion und Gebäudebetreuung Technische Bietergemeinschaft (C‑355/15, EU:C:2016:988, points 13 à 16, 31 et 36), qu’un soumissionnaire dont l’offre avait été exclue par le pouvoir adjudicateur d’une procédure de passation d’un marché public pouvait se voir refuser l’accès à un recours contre la décision d’attribution du marché public. Toutefois, la décision d’exclusion dudit soumissionnaire avait, dans cette affaire, été confirmée par une décision ayant acquis l’autorité de la chose jugée avant que la juridiction saisie du recours contre la décision d’attribution du marché ne statue, de telle sorte que ledit soumissionnaire devait être considéré comme étant définitivement exclu de la procédure de passation du marché public en cause.

58

Dans l’affaire au principal, en revanche, Archus et Gama ont introduit un recours contre la décision excluant leur offre et contre la décision attribuant le marché, adoptées simultanément, et ne peuvent donc être considérées comme étant définitivement exclues de la procédure de passation du marché public. Dans une telle situation, la notion de « marché déterminé » au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 93/13 peut, le cas échéant, viser l’engagement éventuel d’une nouvelle procédure de passation d’un marché public.

59

Il découle des considérations qui précèdent que la directive 92/13 doit être interprétée en ce sens que, dans une situation telle que celle en cause dans l’affaire au principal, dans laquelle une procédure de passation d’un marché public a donné lieu à la présentation de deux offres et à l’adoption par le pouvoir adjudicateur de deux décisions simultanées portant respectivement rejet de l’offre de l’un des soumissionnaires et attribution du marché à l’autre, le soumissionnaire évincé, qui introduit un recours contre ces deux décisions, doit pouvoir demander l’exclusion de l’offre du soumissionnaire adjudicataire, de telle sorte que la notion de « marché déterminé » au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la directive 92/13 peut, le cas échéant, viser l’engagement éventuel d’une nouvelle procédure de passation d’un marché public.

Sur les dépens

60

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

 

1)

Le principe d’égalité de traitement des opérateurs économiques énoncé à l’article 10 de la directive 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que, dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public, le pouvoir adjudicateur invite un soumissionnaire à fournir les déclarations ou les documents dont la communication était requise par le cahier des charges et qui n’auraient pas été fournis dans le délai imparti pour soumettre les offres. En revanche, cet article ne s’oppose pas à ce que le pouvoir adjudicateur invite un soumissionnaire à clarifier une offre ou à rectifier une erreur matérielle manifeste que comporterait cette dernière, sous réserve, toutefois, qu’une telle invitation soit adressée à tout soumissionnaire placé dans la même situation, que tous les soumissionnaires soient traités de manière égale et loyale et que cette clarification ou cette rectification ne puisse être assimilée à la présentation d’une nouvelle offre, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

 

2)

La directive 92/13/CE du Conseil, du 25 février 1992, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des règles communautaires sur les procédures de passation des marchés des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications, telle que modifiée par la directive 2007/66/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2007, doit être interprétée en ce sens que, dans une situation telle que celle en cause dans l’affaire au principal, dans laquelle une procédure de passation d’un marché public a donné lieu à la présentation de deux offres et à l’adoption par le pouvoir adjudicateur de deux décisions simultanées portant respectivement rejet de l’offre de l’un des soumissionnaires et attribution du marché à l’autre, le soumissionnaire évincé, qui introduit un recours contre ces deux décisions, doit pouvoir demander l’exclusion de l’offre du soumissionnaire adjudicataire, de telle sorte que la notion de « marché déterminé » au sens de l’article 1 er , paragraphe 3, de la directive 92/13, telle que modifiée par la directive 2007/66, peut, le cas échéant, viser l’engagement éventuel d’une nouvelle procédure de passation d’un marché public.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le polonais.