Affaire C-402/09

Ioan Tatu

contre

Statul român prin Ministerul Finanţelor şi Economiei e.a.

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunalul Sibiu)

«Impositions intérieures — Article 110 TFUE — Taxe sur la pollution prélevée lors de la première immatriculation de véhicules automobiles — Neutralité de la taxe entre véhicules automobiles d’occasion importés et véhicules similaires se trouvant déjà sur le marché national»

Sommaire de l'arrêt

1.        Dispositions fiscales — Impositions intérieures — Taxe sur la pollution frappant des véhicules automobiles lors de leur première immatriculation sur le territoire national

(Art. 110 TFUE)

2.        Dispositions fiscales — Impositions intérieures — Interdiction de discrimination entre produits importés et produits nationaux similaires — Produits similaires — Notion

(Art. 110 TFUE)

3.        Dispositions fiscales — Impositions intérieures — Taxe sur la pollution frappant des véhicules automobiles lors de leur première immatriculation sur le territoire national

(Art. 110 TFUE)

1.        L’article 110 TFUE interdit à chaque État membre de frapper les produits des autres États membres d’impositions intérieures supérieures à celles qui frappent les produits nationaux similaires. Cette disposition du traité vise à garantir la parfaite neutralité des impositions intérieures au regard de la concurrence entre produits se trouvant déjà sur le marché national et produits importés. S'agissant, en particulier, de la taxation des véhicules automobiles d'occasion, il y a violation de l’article 110 TFUE lorsque le montant de la taxe frappant un véhicule d’occasion importé excède le montant résiduel de la taxe incorporé dans la valeur des véhicules d’occasion similaires déjà immatriculés sur le territoire national.

À cet égard, un système instaurant une taxe sur la pollution frappant les véhicules automobiles lors de leur première immatriculation sur le territoire national, qui prend en compte, dans le calcul de cette taxe, la dépréciation du véhicule automobile par l’emploi de barèmes forfaitaires, détaillés et statistiquement fondés portant sur les éléments relatifs à l’ancienneté et au kilométrage annuel moyen réel de ce véhicule, auxquels peut être ajoutée, sur demande de l’assujetti et à la charge financière de celui-ci, la réalisation d’une expertise sur l’état général dudit véhicule et de ses équipements, assure que cette taxe, lorsqu’elle frappe les véhicules d’occasion importés, n’excède pas le montant résiduel de ladite taxe incorporé dans la valeur des véhicules d’occasion similaires qui ont été immatriculés auparavant sur le territoire national et ont été soumis, lors de cette immatriculation, à la même taxe et ne crée, dès lors, aucune discrimination indirecte entre les véhicules automobiles d'occasion importés et ces derniers.

(cf. points 35, 38-39, 47)

2.        Les véhicules automobiles présents sur le marché dans un État membre sont des «produits nationaux» de celui-ci, au sens de l’article 110 TFUE. Lorsque ces produits sont mis en vente sur le marché des véhicules d’occasion de cet État membre, ils doivent être considérés comme des «produits similaires» aux véhicules d’occasion importés de même type, de mêmes caractéristiques et de même usure. En effet, les véhicules d’occasion achetés sur le marché dudit État membre et ceux achetés, aux fins de l’importation et de la mise en circulation dans celui-ci, dans d’autres États membres, constituent des produits concurrents.

(cf. point 55)

3.        L’article 110 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre instaure une taxe sur la pollution frappant des véhicules automobiles lors de leur première immatriculation dans cet État membre, si cette mesure fiscale est aménagée de telle manière qu’elle décourage la mise en circulation, dans ledit État membre, de véhicules d’occasion achetés dans d’autres États membres, sans pour autant décourager l’achat de véhicules d’occasion de même ancienneté et de même usure sur le marché national.

L’article 110 TFUE serait vidé de son sens et de son objectif s’il était loisible aux États membres d’instaurer de nouvelles taxes qui ont pour objet ou pour effet de décourager la vente de produits importés au profit de la vente de produits similaires disponibles sur le marché national et introduits sur celui-ci avant l’entrée en vigueur desdites taxes. Une telle situation permettrait aux États membres de contourner, par l’instauration d’impositions intérieures aménagées de manière telle qu’elles aient l’effet décrit ci-dessus, les interdictions énoncées aux articles 28 TFUE, 30 TFUE et 34 TFUE.

À cet égard, une réglementation nationale qui a pour effet que des véhicules d’occasion importés et caractérisés par une ancienneté et une usure importantes sont, malgré l’application d’une réduction élevée du montant de la taxe afin de tenir compte de leur dépréciation, frappés d’une taxe qui peut avoisiner 30 % de leur valeur marchande, tandis que des véhicules similaires mis en vente sur le marché national des véhicules d’occasion ne sont aucunement grevés d’une telle charge fiscale, a pour effet de dissuader l’importation et la mise en circulation en territoire national de véhicules d’occasion achetés dans d’autres États membres.

(cf. points 53, 58, 61 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

7 avril 2011 (*)

«Impositions intérieures – Article 110 TFUE – Taxe sur la pollution prélevée lors de la première immatriculation de véhicules automobiles – Neutralité de la taxe entre véhicules automobiles d’occasion importés et véhicules similaires se trouvant déjà sur le marché national»

Dans l’affaire C‑402/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Tribunalul Sibiu (Roumanie), par décision du 18 juin 2009, parvenue à la Cour le 16 octobre 2009, dans la procédure

Ioan Tatu

contre

Statul român prin Ministerul Finanţelor şi Economiei,

Direcţia Generală a Finanţelor Publice Sibiu,

Administraţia Finanţelor Publice Sibiu,

Administraţia Fondului pentru Mediu,

Ministerul Mediului,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. J.-J. Kasel, M. Ilešič (rapporteur), E. Levits et M. Safjan, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: Mme R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 octobre 2010,

considérant les observations présentées:

–        pour M. Tatu, par Me D. Târşia, avocat,

–        pour le gouvernement roumain, par M. A. Popescu et Mme E. Gane, en qualité d’agents, ainsi que par M. V. Angelescu, en qualité de conseiller,

–        pour le gouvernement tchèque, par M. M. Smolek et Mme K. Havlíčková, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par M. D. Triantafyllou et Mme L. Bouyon, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 27 janvier 2011,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 90 CE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Tatu au Statul român prin Ministerul Finanţelor şi Economiei (État roumain représenté par le ministère de l’Économie et des Finances), à la Direcţia Generală a Finanţelor Publice Sibiu (direction générale des finances publiques de Sibiu), à l’Administraţia Finanţelor Publice Sibiu (administration des finances publiques de Sibiu), à l’Administraţia Fondului pentru Mediu (administration du fonds pour l’environnement) et au Ministerul Mediului (ministère de l’Environnement), au sujet d’une taxe que M. Tatu a dû acquitter lors de l’immatriculation d’un véhicule automobile provenant d’un autre État membre.

 Le cadre juridique

 La réglementation de l’Union

3        Les «normes de pollution européennes» reflètent les limites acceptables d’émission de gaz d’échappement de véhicules automobiles neufs vendus dans les États membres de l’Union européenne. La première de ces normes (communément appelée «Euro 1») a été introduite par la directive 91/441/CEE du Conseil, du 26 juin 1991, modifiant la directive 70/220/CEE concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux mesures à prendre contre la pollution de l’air par les émissions des véhicules à moteur (JO L 242, p. 1), qui est entrée en vigueur le 1er janvier 1992. Depuis, les règles en la matière sont devenues progressivement plus rigoureuses, dans le but d’améliorer la qualité de l’air dans l’Union.

4        La norme «Euro 2» a été instituée avec effet au 1er janvier 1996. Le législateur communautaire a, ensuite, introduit de nouvelles normes. En application du règlement (CE) n° 715/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 20 juin 2007, relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la réparation et l’entretien des véhicules (JO L 171, p. 1), la limite actuellement en vigueur est celle de la norme «Euro 5» et la mise en application d’une norme «Euro 6» est prévue pour l’année 2014.

5        Par ailleurs, la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 septembre 2007, établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules (directive-cadre) (JO L 263, p. 1), distingue les véhicules de catégorie M, comprenant les «[véhicules automobiles] pour le transport de passagers et ayant au moins quatre roues», de ceux de catégorie N, laquelle comprend les «[véhicules automobiles] pour le transport de marchandises et ayant au moins quatre roues». Ces catégories font l’objet de subdivisions selon le nombre de places assises et le poids maximal (catégorie M), ou selon le poids maximal seulement (catégorie N).

 La réglementation nationale

6        L’ordonnance d’urgence du gouvernement n° 50/2008 établissant la taxe sur la pollution des véhicules automobiles (Ordonanţă de Urgenţă a Guvernului nr. 50/2008 pentru instituirea taxei pe poluare pentru autovehicule), du 21 avril 2008 (Monitorul Oficial al României, Partea I, n° 327 du 25 avril 2008, ci-après l’«OUG n° 50/2008»), laquelle est entrée en vigueur le 1er juillet 2008, instaure, à son article 3, une taxe sur la pollution pour les véhicules des catégories Ml à M3 et N1 à N3.

7        Aux termes du préambule de l’OUG n° 50/2008, cette taxe fait partie de mesures «visant à améliorer la qualité de l’air et à respecter les valeurs limites prévues par la législation [de l’Union] en la matière» et est instituée de manière à «garantir le respect des règles [du droit de l’Union] applicables, y compris de la jurisprudence de la Cour de justice [de l’Union européenne]».

8        L’article 1er de l’OUG n° 50/2008 dispose:

«1.      La présente ordonnance d’urgence fixe le cadre légal d’établissement de la taxe sur la pollution des véhicules automobiles, ci-après dénommée la taxe, qui est reversée au budget du fonds pour l’environnement et gérée par l’administration du fonds pour l’environnement en vue du financement des programmes et des projets de protection de l’environnement.

2.      Les sommes recueillies conformément à la présente ordonnance d’urgence servent à financer des programmes et des projets de protection de l’environnement, comme:

a)      le programme de soutien au renouvellement du parc automobile national;

b)      le programme national d’amélioration de la qualité de l’environnement par l’aménagement d’espaces verts locaux;

c)      des projets de remplacement ou de complément des systèmes classiques de chauffage par des systèmes utilisant l’énergie solaire, géothermique et éolienne;

d)      des projets de production d’énergie à partir de sources d’énergie renouvelables […]

[…]»

9        Aux termes de l’article 4, sous a), de l’OUG n° 50/2008, l’obligation de payer la taxe naît «lors de la première immatriculation d’un véhicule automobile en Roumanie». L’article 5, paragraphes 1 et 2, de cette ordonnance précise que «[l]a taxe est calculée par l’autorité fiscale compétente» et que, «[a]ux fins de l’établissement de la taxe, la personne physique ou morale […] souhaitant procéder à l’immatriculation du véhicule automobile dépose les documents contenant les éléments de calcul de la taxe, prévus dans les règles méthodologiques d’application de la présente ordonnance d’urgence».

10      L’article 5, paragraphe 3, de l’OUG n° 50/2008 énonce que «[l]e montant en lei de la taxe est déterminé sur la base du taux de change établi le premier jour ouvrable du mois d’octobre de l’année antérieure et publié au Journal officiel de l’Union européenne». Ainsi, le premier taux de change applicable a été celui publié au Journal officiel de l’Union européenne du 2 octobre 2007 (JO C 230, p. 2), suivant lequel 1 euro équivalait à 3,3565 lei.

11      L’article 6 de l’OUG n° 50/2008 dispose:

«1.      La somme versée au titre de la taxe est calculée […] comme suit:

[…]

b)      pour les véhicules automobiles de la catégorie M1 ayant une norme de pollution non-Euro, Euro 1 ou Euro 2, selon la formule:

Somme = C x D x (100-E) : 100

dans laquelle:

C =       cylindrée (capacité cylindrique)

D =       taxe spécifique par cylindrée, prévue dans la troisième colonne du tableau à l’annexe n° 2;

E =       pourcentage de réduction de la taxe, prévu dans la deuxième colonne du tableau à l’annexe n° 4;

[…]

3.      Le pourcentage fixe de réduction prévu dans l’annexe n° 4 est fixé en fonction de l’ancienneté du véhicule automobile, du kilométrage moyen annuel, de l’état technique et des équipements du véhicule automobile. Lors du calcul de la taxe, des réductions supplémentaires par rapport au pourcentage fixe sont accordées en fonction des écarts par rapport à la normale des éléments qui ont servi de base à l’établissement du pourcentage fixe, dans les conditions prévues dans les règles méthodologiques d’application de la présente ordonnance d’urgence.

4.      L’ancienneté du véhicule automobile d’occasion est calculée en fonction de la date de sa première immatriculation.

[…]»

12      Aux termes de l’article 10 de l’OUG n° 50/2008:

«1.      La somme versée au titre de la taxe peut être contestée lorsque la personne qui va immatriculer un véhicule automobile d’occasion peut rapporter la preuve que son véhicule s’est déprécié dans une mesure plus grande que celle indiquée par le barème forfaitaire prévu à l’annexe n° 4.

2.      L’évaluation du niveau de dépréciation est faite sur la base des éléments pris en considération lors de la fixation du pourcentage de réduction visé à l’article 6, paragraphe 3.

3.      En cas de contestation, les caractéristiques du véhicule automobile d’occasion prévues au paragraphe 2 sont fixées, à la demande de l’assujetti, par expertise technique effectuée contre rémunération par la Régie Autonome ‘Registre roumain des automobiles’, sur la base de la procédure prévue par les règles méthodologiques d’application de la présente ordonnance d’urgence.

4.      Le tarif pour procéder à l’expertise technique est fixé par la Régie Autonome ‘Registre roumain des automobiles’ en fonction des opérations afférentes à l’expertise et ne peut pas dépasser le coût de celles-ci.

5.      Le résultat de l’expertise technique est consigné dans un document élaboré par la Régie Autonome ‘Registre roumain des automobiles’, qui contient les informations correspondant à chacun des éléments prévus au paragraphe 2 et le pourcentage de réduction qui en découle.

6.      Le document relatif au résultat de l’expertise technique élaboré par la Régie Autonome ‘Registre roumain des automobiles’ est présenté par l’assujetti aux autorités fiscales compétentes.

7.      À la réception du document visé au paragraphe 6, l’autorité fiscale compétente procède au nouveau calcul de la somme à verser au titre de la taxe, qui peut conduire au remboursement de la différence par rapport à la taxe versée lors de l’immatriculation.

8.      La personne insatisfaite de la réponse donnée à la contestation peut s’adresser aux juridictions compétentes, conformément à la loi.

[…]»

13      L’annexe n° 4 de l’OUG n° 50/2008 est libellée comme suit:

Barème des pourcentages de réduction de la taxe

Ancienneté du véhicule

Pourcentage de réduction (%)

1

2

Nouveau

0

≤ 1 mois

3

> 1 mois à 3 mois inclus

5

> 3 mois à 6 mois inclus

8

> 6 mois à 9 mois inclus

10

> 9 mois à 1 an inclus

13

> 1 an à 2 ans inclus

21

> 2 ans à 3 ans inclus

28

> 3 ans à 4 ans inclus

33

> 4 ans à 5 ans inclus

38

> 5 ans à 6 ans inclus

43

> 6 ans à 7 ans inclus

49

> 7 ans à 8 ans inclus

55

> 8 ans à 9 ans inclus

61

> 9 ans à 10 ans inclus

66

> 10 ans à 11 ans inclus

73

> 11 ans à 12 ans inclus

79

> 12 ans à 13 ans inclus

84

> 13 ans à 14 ans inclus

89

> 14 ans à 15 ans inclus

93

Plus de 15 ans

95


14      Les règles méthodologiques d’application de l’OUG n° 50/2008 ont été adoptées le 24 juin 2008 (Normele metodologice de aplicare a Ordonanţei de urgenţă a Guvernului nr. 50/2008 pentru instituirea taxei pe poluare pentru autovehicule, Monitorul Oficial al României, Partea I, n° 480 du 30 juin 2008, ci-après les «règles méthodologiques»).

15      L’article 3, paragraphes 5 et 6, des règles méthodologiques dispose:

«5.      La taxe est payée en lei par les assujettis, par virement ou en espèces, auprès des agences du Trésor public de l’organisme fiscal dans le ressort duquel ils sont enregistrés en tant qu’assujettis à l’impôt et aux taxes ou ont leur domicile fiscal, sur le compte […] ‘Disponibilités taxes sur la pollution des véhicules automobiles’ […]

6.      Le dernier jour ouvrable du mois, les agences du Trésor public transfèrent sur le compte […] ‘Disponibilités fonds pour l’environnement’, ouvert au nom de l’administration du fonds pour l’environnement auprès du Trésor, les montants collectés […]»

16      L’article 4 des règles méthodologiques, figurant au chapitre IV de celles‑ci, intitulé «Le calcul de la taxe», énonce à ses paragraphes 4 et 5:

«4.      Les éléments sur la base desquels les pourcentages de réduction du montant de la taxe due pour un véhicule automobile considéré comme ‘standard’ ont été fixés, pourcentages prévus dans l’annexe n° 4 de [l’OUG n° 50/2008], sont les suivants:

a)      l’ancienneté, qui consiste en la différence entre la date à laquelle le calcul est fait et la date de la première immatriculation;

b)      le kilométrage annuel moyen:

–      M1 – 15 000 km

–      N1 – 30 000 km

–      M2 et N2 – 60 000 km

–      M3 et N3 – 100 000 km

c)      l’état général standard spécifique à un véhicule automobile qui remplit toutes les conditions techniques imposées lors de l’homologation et de l’inspection technique périodique, conformément à la législation en vigueur, et dont la carrosserie ne présente pas de signes de corrosion et de détérioration, qui n’a pas été repeint, dont les garnitures sont propres et non détériorées et les éléments de bord en bon état;

d)      l’équipement: climatisation, ABS et airbag.

5.      Pour les véhicules automobiles d’occasion qui sont immatriculés pour la première fois en Roumanie, la date de la première immatriculation utilisée dans le calcul de la taxe est celle figurant dans la rubrique correspondante du document d’immatriculation étranger.»

17      L’article 5 des règles méthodologiques, figurant au chapitre V de celles‑ci, intitulé «Détermination de la dépréciation réelle d’un véhicule automobile d’occasion», énonce:

«1.      Le montant de la taxe qui doit être payé, calculé conformément aux dispositions de l’article 6 de [l’OUG n° 50/2008], peut faire l’objet d’un ajustement lorsque la personne qui demande l’immatriculation d’un véhicule d’occasion déclare sur l’honneur que le kilométrage annuel moyen réel du véhicule en question est plus élevé que le kilométrage annuel moyen considéré comme normal pour la catégorie concernée de véhicules prévu à l’article 4, paragraphe 4, sous b).

2.      Dans le cas visé au paragraphe 1, le montant de la taxe est calculé sur la base du pourcentage de réduction résultant du pourcentage prévu à l’annexe n° 4 de [l’OUG n° 50/2008] majoré de la réduction supplémentaire prévue à l’annexe 1. […]

3.      Le kilométrage annuel moyen est calculé en rapportant le kilométrage indiqué par le compteur kilométrique du véhicule à l’ancienneté […]

[…]

6.      La somme à verser au titre de la taxe […] peut également être ajustée lorsque la personne qui demande l’immatriculation d’un véhicule d’occasion apporte la preuve, sur la base de l’expertise technique réalisée par la Régie Autonome ‘Registre roumain des automobiles’, que la dépréciation du véhicule d’occasion excède celle indiquée dans le barème forfaitaire prévu dans l’annexe n° 4 de [l’OUG n° 50/2008].

[…]»

18      L’annexe 1 des règles méthodologiques comprend le tableau suivant:

Barème des pourcentages de réduction supplémentaire en fonction du kilométrage annuel moyen réel du véhicule automobile

Catégorie de

véhicule

Différence entre le kilométrage annuel moyen réel et le kilométrage annuel moyen standard (km)

Pourcentage de réduction supplémentaire (%)




M1

<5 000

5 001 – 10 000

10 001 – 15 000

15 001 – 20 000

20 001 – 25 000

25 001 – 30 000

>30 001

0

1,0

1,5

2,0

2,5

3,0

3,5




N1

<10 000

10 001 – 20 000

20 001 – 30 000

30 001 – 40 000

40 001 – 50 000

>50 0001

0

1,0

1,5

2,0

2,5

3,0




M2 et N2

<15 000

15 001 – 30 000

30 001 – 45 000

45 001 – 60 000

60 001 – 75 000

>75 001

0

1,0

1,5

2,0

2,5

3,0




M3 et N3

<25 000

25 001 – 50 000

50 001 – 100 000

100 001 – 150 000

150 001 – 200 000

>200 001

0

1,0

1,5

2,0

2,5

3,0

 Le litige au principal et la question préjudicielle

19      Au cours du mois de juillet 2008, M. Tatu, ressortissant roumain résidant dans son État membre d’origine, a acheté un véhicule automobile d’occasion en Allemagne. Ce véhicule figure parmi les véhicules de catégorie M1, a une capacité cylindrique de 2 155 cm3 et respecte, au regard des émissions qu’il produit, la norme de pollution Euro 2. Fabriqué durant l’année 1997, il a été immatriculé en Allemagne cette même année.

20      M. Tatu a souhaité faire immatriculer ledit véhicule en Roumanie. Il a dû, à cette fin, verser la somme de 7 595 lei au titre de la taxe sur la pollution prévue par l’OUG n° 50/2008, conformément à une décision émise le 27 octobre 2008 par l’Administraţia Finanţelor Publice Sibiu.

21      Par acte introductif d’instance déposé le 17 décembre 2008 au Tribunalul Sibiu, M. Tatu a conclu à ce que les parties défenderesses soient condamnées à lui restituer ladite somme. À l’appui de son recours, il a fait valoir que la taxe en cause est incompatible avec le droit de l’Union, notamment en ce qu’elle est perçue sur les véhicules d’occasion importés en Roumanie à partir d’un autre État membre et immatriculés pour la première fois en Roumanie, alors que pour les véhicules similaires déjà immatriculés en Roumanie cette taxe n’est plus perçue lors de leur revente en tant que véhicules d’occasion. Les véhicules d’occasion importés seraient ainsi plus lourdement taxés que les véhicules similaires déjà immatriculés en Roumanie, ce qui orienterait les consommateurs roumains vers l’achat de ces derniers.

22      L’importance de la discrimination serait illustrée par les circonstances du litige au principal, le véhicule automobile d’occasion en cause ayant été acheté en Allemagne à un prix de 6 600 euros et soumis à une taxe à l’immatriculation en Roumanie s’élevant à 7 595 lei, montant qui correspond à plus de 2 200 euros. Le montant de la taxe acquittée dépasserait ainsi considérablement le montant résiduel de la taxe comprise dans la valeur d’un véhicule similaire déjà immatriculé en Roumanie.

23      M. Tatu a également fait valoir que l’objectif de l’OUG n° 50/2008, à savoir la protection de l’environnement, aurait pu être réalisé par des mesures plus appropriées, telle que l’établissement d’une taxe sur la pollution sur l’ensemble des véhicules automobiles en circulation et non seulement sur ceux immatriculés à partir du 1er juillet 2008.

24      Le Tribunalul Sibiu confirme que la taxe instaurée par l’OUG n° 50/2008 n’est perçue que sur les véhicules automobiles immatriculés pour la première fois en Roumanie à partir du 1er juillet 2008, date d’entrée en vigueur de cette ordonnance, et non sur ceux qui se trouvaient, avant cette date, déjà en circulation sur le territoire roumain.

25      Il expose, au demeurant, les modifications ultérieures apportées à l’OUG n° 50/2008, dont les premières, introduites par l’ordonnance d’urgence du gouvernement n° 208/2008 fixant certaines mesures concernant la taxe sur la pollution frappant les véhicules automobiles (ordonanţă de Urgenţă a Guvernului nr. 208/2008 pentru stabilirea unor măsuri privind taxa pe poluare pentru autovehicule), du 4 décembre 2008 (Monitorul Oficial al României, Partea I, n° 825 du 8 décembre 2008, ci-après l’«OUG n° 208/2008»), ont pris effet à partir du 15 décembre 2008.

26      Dans ces conditions, le Tribunalul Sibiu a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les dispositions de l’OUG n° 50/2008, telle que modifiée ultérieurement, sont-elles contraires à celles de l’article 90 CE? Ces dispositions nationales représentent-elles véritablement une mesure manifestement discriminatoire?»

 Sur la question préjudicielle

27      Il convient de rappeler d’emblée que, si toute question préjudicielle portant sur le droit de l’Union bénéficie d’une présomption de pertinence, la Cour ne saurait néanmoins répondre lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal (voir en ce sens, notamment, arrêts du 5 décembre 2006, Cipolla e.a., C-94/04 et C‑202/04, Rec. p. I-11421, point 25; du 1er juin 2010, Blanco Pérez et Chao Gómez, C-570/07 et C-571/07, non encore publié au Recueil, point 36, ainsi que du 2 décembre 2010, Jakubowska, C-225/09, non encore publié au Recueil, point 28).

28      En l’espèce, il ressort du dossier que la réglementation nationale applicable au litige au principal est l’OUG n° 50/2008 dans sa version initiale, le véhicule automobile en cause dans ledit litige ayant été frappé de la taxe sur la pollution le 27 octobre 2008. En effet, selon les explications fournies dans la décision de renvoi, l’OUG n° 50/2008 est entrée en vigueur le 1er juillet 2008 et les modifications apportées à cette ordonnance par l’OUG n° 208/2008 n’ont pris effet qu’à partir du 15 décembre 2008.

29      Dès lors, afin de donner une réponse utile à la juridiction de renvoi, il y a lieu de comprendre la question posée en ce sens que celle-ci vise à savoir si l’article 90 CE s’oppose à un régime de taxation tel que celui instauré par l’OUG n° 50/2008 dans sa version initiale.

30      Eu égard à cette précision ainsi qu’à l’objet de la taxe prévue par l’OUG n° 50/2008, il convient de considérer que la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 110 TFUE, dont le libellé est identique à celui de l’article 90 CE, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre instaure une taxe sur la pollution frappant des véhicules automobiles lors de leur première immatriculation dans cet État membre.

31      M. Tatu plaide, par une argumentation correspondant à celle présentée devant la juridiction de renvoi et résumée aux points 21 à 23 du présent arrêt, l’incompatibilité d’une taxe telle que celle en cause au principal avec l’article 110 TFUE. Le gouvernement tchèque partage ce point de vue. Le gouvernement roumain et la Commission européenne défendent la thèse inverse.

32      Ainsi que l’a rappelé Mme l’avocat général aux points 20 et suivants de ses conclusions, une taxe prélevée par un État membre lors de l’immatriculation de véhicules automobiles sur son territoire en vue d’une mise en circulation ne constitue ni un droit de douane ni une taxe d’effet équivalent à un droit de douane au sens des articles 28 TFUE et 30 TFUE. Une telle taxe est une imposition intérieure et doit donc être examinée au regard de l’article 110 TFUE (voir, notamment, arrêts du 17 juin 2003, De Danske Bilimportører, C‑383/01, Rec. p. I‑6065, point 34, ainsi que du 5 octobre 2006, Nádasdi et Németh, C‑290/05 et C‑333/05, Rec. p. I‑10115, points 38 à 41).

33      Par ailleurs, le champ d’application de l’article 34 TFUE ne comprenant pas les impositions intérieures visées à l’article 110 TFUE, une taxe à l’immatriculation telle que celle en cause au principal ne saurait être appréciée au regard des règles portant sur les restrictions quantitatives à l’importation et sur les mesures d’effet équivalent à de telles restrictions (voir, en ce sens, arrêts De Danske Bilimportører, précité, point 32, ainsi que du 18 janvier 2007, Brzeziński, C‑313/05, Rec. p. I-513, point 50).

34      Toujours est-il que l’article 110 TFUE a pour objectif d’assurer la libre circulation des marchandises entre les États membres dans des conditions normales de concurrence. Il vise l’élimination de toute forme de protection pouvant résulter de l’application d’impositions intérieures discriminatoires à l’égard des produits originaires d’autres États membres (voir, notamment, arrêts du 11 décembre 1990, Commission/Danemark, C-47/88, Rec. p. I-4509, point 9; Brzeziński, précité, point 27, et du 3 juin 2010, Kalinchev, C-2/09, non encore publié au Recueil, point 37).

35      À cet effet, le premier alinéa de l’article 110 TFUE interdit à chaque État membre de frapper les produits des autres États membres d’impositions intérieures supérieures à celles qui frappent les produits nationaux similaires. Cette disposition du traité vise à garantir la parfaite neutralité des impositions intérieures au regard de la concurrence entre produits se trouvant déjà sur le marché national et produits importés (arrêts Commission/Danemark, précité, points 8 et 9, ainsi que du 29 avril 2004, Weigel, C‑387/01, Rec. p. I-4981, point 66).

36      Dans l’affaire au principal, il est constant que, formellement, le régime de taxation instauré par l’OUG n° 50/2008 n’opère de distinction ni entre les véhicules automobiles selon leur provenance ni entre les propriétaires de ces véhicules selon leur nationalité. En effet, la taxe en cause est due indépendamment de la nationalité du propriétaire dudit véhicule, de l’État membre dans lequel ce dernier a été produit et de la question de savoir s’il s’agit d’un véhicule acheté sur le marché national ou importé.

37      Toutefois, même si les conditions d’une discrimination directe ne sont pas réunies, une imposition intérieure peut être indirectement discriminatoire en raison de ses effets (arrêt Nádasdi et Németh, précité, point 47).

38      Afin de savoir si une taxe telle que celle en cause au principal crée une discrimination indirecte entre les véhicules automobiles d’occasion importés et les véhicules automobiles d’occasion similaires déjà présents sur le territoire national, il convient, eu égard aux interrogations émises par la juridiction de renvoi et aux observations présentées devant la Cour, d’examiner d’abord si cette taxe est neutre au regard de la concurrence entre les véhicules d’occasion importés et les véhicules d’occasion similaires qui ont été immatriculés auparavant sur le territoire national et ont été soumis, lors de cette immatriculation, à la taxe visée par l’OUG n° 50/2008. Par la suite, il y aura lieu d’examiner la neutralité de cette même taxe entre les véhicules d’occasion importés et les véhicules d’occasion similaires qui ont été immatriculés sur le territoire national avant l’entrée en vigueur de l’OUG n° 50/2008.

 Neutralité de la taxe à l’égard des véhicules d’occasion importés et des véhicules d’occasion similaires immatriculés auparavant sur le territoire national et soumis, lors de cette immatriculation, à la même taxe

39      Il est de jurisprudence constante qu’il y a violation de l’article 110 TFUE lorsque le montant de la taxe frappant un véhicule d’occasion importé excède le montant résiduel de la taxe incorporé dans la valeur des véhicules d’occasion similaires déjà immatriculés sur le territoire national (arrêts du 9 mars 1995, Nunes Tadeu, C-345/93, Rec. p. I-479, point 20; du 22 février 2001, Gomes Valente, C-393/98, Rec. p. I-1327, point 23, ainsi que du 19 septembre 2002, Tulliasiamies et Siilin, C‑101/00, Rec. p. I-7487, point 55).

40      À ce sujet, la Cour a précisé que, dès l’acquittement d’une taxe d’immatriculation dans un État membre, le montant de cette taxe s’incorpore dans la valeur du véhicule. Ainsi, lorsqu’un véhicule immatriculé dans l’État membre concerné est, par la suite, vendu en tant que véhicule d’occasion dans ce même État membre, sa valeur marchande, comprenant le montant résiduel de la taxe d’immatriculation, sera égale à un pourcentage, déterminé par la dépréciation de ce véhicule, de sa valeur initiale (arrêt Nádasdi et Németh, précité, point 54). Dès lors, pour garantir la neutralité de la taxe, la valeur du véhicule d’occasion importé retenue en tant que base d’imposition doit refléter la valeur d’un véhicule similaire déjà immatriculé sur le territoire national (arrêts Weigel, précité, point 71, et du 20 septembre 2007, Commission/Grèce, C‑74/06, Rec. p. I-7585, point 28).

41      Afin d’obtenir ce résultat, la dépréciation réelle des véhicules d’occasion importés doit être prise en compte lors du calcul du montant de la taxe. Cette prise en compte ne doit pas nécessairement donner lieu à une évaluation ou à une expertise de chaque véhicule. En effet, en évitant la lourdeur inhérente à un tel système, un État membre peut fixer, au moyen de barèmes forfaitaires déterminés par une disposition législative, réglementaire ou administrative et calculés sur la base de critères tels que l’ancienneté, le kilométrage, l’état général, le mode de propulsion, la marque ou le modèle du véhicule, une valeur des véhicules d’occasion qui, en règle générale, serait très proche de leur valeur réelle (arrêts précités Gomes Valente, point 24; Weigel, point 73, et Commission/Grèce, point 29).

42      Ces critères objectifs servant à l’évaluation de la dépréciation des véhicules automobiles n’ont pas été énumérés par la Cour de manière impérieuse (arrêt Commission/Grèce, précité, point 37). Ils ne doivent donc pas nécessairement être appliqués cumulativement. Toutefois, l’application d’un barème fondé sur un seul critère de dépréciation, tel que l’ancienneté du véhicule automobile, ne garantit pas que le barème reflète la dépréciation réelle de ces véhicules (voir, en ce sens, arrêts précités Gomes Valente, points 28 et 29, ainsi que Commission/Grèce, points 38 à 42). Notamment, en l’absence de prise en compte du kilométrage, le barème retenu par la législation en cause ne conduit pas, en règle générale, à une approximation raisonnable de la valeur réelle des véhicules d’occasion importés (arrêt Commission/Grèce, précité, point 43).

43      Dans l’affaire au principal, il ressort sans équivoque du dossier soumis à la Cour que le montant de la taxe est fixé, d’une part, en fonction de paramètres reflétant dans une certaine mesure la pollution causée par le véhicule, tels que la cylindrée de celui-ci et la norme Euro à laquelle il correspond, et, d’autre part, en tenant compte de la dépréciation dudit véhicule. Cette dépréciation, qui conduit à la réduction du montant obtenu sur la base des paramètres environnementaux, est déterminée en fonction, non seulement de l’ancienneté du véhicule (élément E dans les formules énoncées à l’article 6, paragraphe 1, de l’OUG n° 50/2008), mais aussi, ainsi qu’il résulte de l’article 6, paragraphe 3, de l’OUG n° 50/2008 et des articles 4 et 5 des règles méthodologiques, du kilométrage annuel moyen réel de ce dernier, pourvu que l’assujetti ait déposé une déclaration indiquant ce kilométrage. Par ailleurs, si l’assujetti estime que l’ancienneté et le kilométrage annuel moyen réel ne reflètent pas, de manière correcte et suffisante, la dépréciation réelle du véhicule, il peut, en vertu de l’article 10 de l’OUG n° 50/2008, demander que celle-ci soit déterminée au moyen d’une expertise dont les frais, à la charge de l’assujetti, ne peuvent pas dépasser le coût des opérations afférentes à l’expertise.

44      En introduisant, dans le calcul de la taxe, l’ancienneté du véhicule et son kilométrage annuel moyen réel, et en ajoutant à l’application de ces critères la prise en compte facultative, à des frais non excessifs, de l’état de ce véhicule et de ses équipements au moyen d’une expertise obtenue auprès de l’autorité compétente en matière d’enregistrement des véhicules automobiles, une réglementation telle que celle en cause au principal garantit que le montant de la taxe est réduit en fonction d’une approximation raisonnable de la valeur réelle du véhicule.

45      Cette conclusion est corroborée par la circonstance que, dans les barèmes forfaitaires figurant à l’annexe n° 4 de l’OUG n° 50/2008, il a été tenu dûment compte du fait que la diminution annuelle de la valeur de véhicules automobiles est d’ordinaire supérieure à 5 % et que cette dépréciation n’est pas linéaire, en particulier les premières années, où elle se révèle beaucoup plus forte que par la suite (voir arrêt Commission/Grèce, précité, point 30 et jurisprudence citée).

46      Par ailleurs, le gouvernement roumain a pu estimer, à juste titre, que les critères de dépréciation concernant l’état du véhicule et de ses équipements ne peuvent être dûment appliqués qu’en recourant à une inspection individuelle de ce véhicule par un expert et que, afin que des expertises n’aient pas lieu trop fréquemment et n’alourdissent ainsi, tant administrativement que financièrement, le système mis en place, il soit exigé de l’assujetti qu’il supporte les frais de l’expertise.

47      Il résulte des considérations qui précèdent qu’un système tel que celui instauré par l’OUG n° 50/2008, qui prend en compte, dans le calcul de la taxe d’immatriculation, la dépréciation du véhicule automobile par l’emploi de barèmes forfaitaires, détaillés et statistiquement fondés portant sur les éléments relatifs à l’ancienneté et au kilométrage annuel moyen réel de ce véhicule, auxquels peut être ajoutée, sur demande de l’assujetti et à la charge financière de celui-ci, la réalisation d’une expertise sur l’état général dudit véhicule et de ses équipements, assure que cette taxe, lorsqu’elle frappe les véhicules d’occasion importés, n’excède pas le montant résiduel de ladite taxe incorporé dans la valeur des véhicules d’occasion similaires qui ont été immatriculés auparavant sur le territoire national et ont été soumis, lors de cette immatriculation, à la taxe visée par l’OUG n° 50/2008.

 Neutralité de la taxe à l’égard des véhicules d’occasion importés et des véhicules d’occasion similaires immatriculés sur le territoire national avant l’instauration de ladite taxe

48      M. Tatu observe que la mise en circulation en Roumanie d’un véhicule d’occasion acheté dans un autre État membre implique le paiement de la taxe sur la pollution, à savoir, en ce qui le concerne, une taxe d’un montant de 7 595 lei pour un véhicule de capacité cylindrique de 2 155 cm3, de norme Euro 2 et construit en 1997, tandis que l’achat, sur le marché roumain des véhicules d’occasion, d’un véhicule immatriculé en Roumanie avant l’entrée en vigueur de l’OUG n° 50/2008 et ayant exactement la même ancienneté et les mêmes caractéristiques techniques que ledit véhicule importé sera, en principe, financièrement bien plus intéressant, aucune taxe d’ampleur analogue à celle exigée par l’OUG n° 50/2008 n’étant due ou n’étant incorporée dans la valeur de ce véhicule acheté sur le marché roumain.

49      Le gouvernement roumain soutient, quant à lui, que l’article 110 TFUE ne porte pas atteinte à l’autonomie fiscale des États membres et que l’attractivité du marché roumain des véhicules d’occasion par rapport au marché des véhicules d’occasion importés, mise en exergue par M. Tatu, est due à la circonstance que l’OUG n° 50/2008 ne s’applique pas aux véhicules qui ont été immatriculés en Roumanie avant l’entrée en vigueur de cette ordonnance. Ce gouvernement invoque, à cet égard, le point 49 de l’arrêt Nádasdi et Németh, précité, dans lequel la Cour aurait essentiellement dit pour droit que l’article 110 TFUE ne peut être utilement invoqué pour établir un effet discriminatoire d’une taxe au simple motif que celle-ci frappe des véhicules immatriculés après l’entrée en vigueur de la loi relative à celle-ci et non ceux immatriculés avant cette entrée en vigueur.

50      À cet égard, il convient de rappeler d’emblée, comme la Cour l’a exposé au point 49 de l’arrêt Nádasdi et Németh, précité, que l’article 110 TFUE ne vise pas à empêcher un État membre d’introduire des impôts nouveaux ou de modifier le taux ou l’assiette d’impôts existants.

51      En outre et de toute évidence, lorsqu’un État membre introduit une nouvelle loi fiscale, il fixe l’application de celle-ci à compter d’une date donnée. Dès lors, la taxe appliquée après l’entrée en vigueur de cette loi peut être différente du taux fiscal en vigueur auparavant. Ainsi que l’a constaté la Cour au point 49 dudit arrêt Nádasdi et Németh, invoqué par le gouvernement roumain, ladite circonstance ne peut pas, prise isolément, être considérée comme ayant un effet discriminatoire entre les situations précédemment constituées et celles qui sont postérieures à l’entrée en vigueur de la nouvelle règle.

52      En revanche, il ne résulte aucunement dudit arrêt Nádasdi et Németh que le pouvoir des États membres dans l’aménagement de nouvelles taxes soit illimité. Il est, bien au contraire, de jurisprudence constante que l’interdiction édictée à l’article 110 TFUE doit s’appliquer chaque fois qu’une imposition fiscale est de nature à décourager l’importation de biens originaires d’autres États membres au profit de produits nationaux (voir, en ce sens, arrêts du 3 mars 1988, Bergandi, 252/86, Rec. p. 1343, point 25; du 7 décembre 1995, Ayuntamiento de Ceuta, C‑45/94, Rec. p. I-4385, point 29, ainsi que du 8 novembre 2007, Stadtgemeinde Frohnleiten et Gemeindebetriebe Frohnleiten, C-221/06, Rec. p. I-9643, point 40).

53      En effet, l’article 110 TFUE serait vidé de son sens et de son objectif s’il était loisible aux États membres d’instaurer de nouvelles taxes qui ont pour objet ou pour effet de décourager la vente de produits importés au profit de la vente de produits similaires disponibles sur le marché national et introduits sur celui-ci avant l’entrée en vigueur desdites taxes. Une telle situation permettrait aux États membres de contourner, par l’instauration d’impositions intérieures aménagées de manière telle qu’elles aient l’effet décrit ci-dessus, les interdictions énoncées aux articles 28 TFUE, 30 TFUE et 34 TFUE.

54      S’agissant des taxes frappant les véhicules automobiles, il résulte de l’absence d’harmonisation en la matière que chaque État membre peut aménager ces mesures fiscales selon ses propres appréciations. De telles appréciations, de même que les mesures adoptées aux fins de leur mise en œuvre, doivent toutefois être dépourvues de l’effet décrit au point précédent (voir, en ce sens, arrêts du 21 mars 2002, Cura Anlagen, C‑451/99, Rec. p. I-3193, point 40; du 15 septembre 2005, Commission/Danemark, C‑464/02, Rec. p. I-7929, point 74, et du 1er juin 2006, De Danske Bilimportører, C-98/05, Rec. p. I-4945, point 28).

55      À cet égard, il y a lieu de rappeler que les véhicules automobiles présents sur le marché dans un État membre sont des «produits nationaux» de celui-ci, au sens de l’article 110 TFUE. Lorsque ces produits sont mis en vente sur le marché des véhicules d’occasion de cet État membre, ils doivent être considérés comme des «produits similaires» aux véhicules d’occasion importés de même type, de mêmes caractéristiques et de même usure. En effet, les véhicules d’occasion achetés sur le marché dudit État membre et ceux achetés, aux fins de l’importation et de la mise en circulation dans celui-ci, dans d’autres États membres, constituent des produits concurrents (voir, notamment, arrêts précités Commission/Danemark, point 17, ainsi que Kalinchev, points 32 et 40).

56      Il résulte des principes rappelés ci-dessus que l’article 110 TFUE oblige chaque État membre à choisir et à aménager les taxes frappant les véhicules automobiles de façon à ce que celles-ci n’aient pas pour effet de favoriser la vente de véhicules d’occasion nationaux et de décourager ainsi l’importation de véhicules d’occasion similaires.

57      Dans l’affaire au principal, malgré la présence non contestée de données statistiques démontrant une baisse très considérable des immatriculations en Roumanie de véhicules importés depuis l’entrée en vigueur de l’OUG n° 50/2008, le gouvernement roumain a souligné devant la Cour que l’objectif primordial poursuivi par cette réglementation est celui de la protection de l’environnement.

58      Toutefois, il résulte sans équivoque du dossier soumis à la Cour que ladite réglementation a pour effet que des véhicules d’occasion importés et caractérisés par une ancienneté et une usure importantes sont, malgré l’application d’une réduction élevée du montant de la taxe afin de tenir compte de leur dépréciation, frappés d’une taxe qui peut avoisiner 30 % de leur valeur marchande, tandis que des véhicules similaires mis en vente sur le marché national des véhicules d’occasion ne sont aucunement grevés d’une telle charge fiscale. Il ne saurait être contesté que, dans ces conditions, l’OUG n° 50/2008 a pour effet de dissuader l’importation et la mise en circulation en Roumanie de véhicules d’occasion achetés dans d’autres États membres.

59      À cet égard, il y a lieu de préciser, à la lumière des principes rappelés aux points 50 à 53 du présent arrêt, que, si les États membres conservent, en matière fiscale, des compétences étendues leur permettant d’adopter une grande variété de mesures, encore faut-il que celles-ci respectent l’interdiction édictée par l’article 110 TFUE.

60      En outre, force est de constater, ainsi que l’a fait observer à juste titre M. Tatu, que l’objectif de protection de l’environnement avancé par le gouvernement roumain, qui se traduit par le fait, d’une part, d’empêcher, par l’application d’une taxe dissuasive, la circulation en Roumanie de véhicules particulièrement polluants, tels que ceux correspondant aux normes Euro 1 et Euro 2 et ayant une cylindrée importante, et, d’autre part, de récupérer les revenus générés par cette taxe pour financer des projets environnementaux, pourrait être réalisé de manière plus complète et cohérente en frappant de la taxe sur la pollution tout véhicule de ce type qui a été mis en circulation en Roumanie. Une telle taxation, dont la mise en œuvre dans le cadre d’une taxe annuelle routière est parfaitement envisageable, ne favoriserait pas le marché national des véhicules d’occasion au détriment de la mise en circulation de véhicules d’occasion importés et serait, en outre, conforme au principe du pollueur-payeur.

61      Eu égard à tout ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que l’article 110 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre instaure une taxe sur la pollution frappant des véhicules automobiles lors de leur première immatriculation dans cet État membre, si cette mesure fiscale est aménagée de telle manière qu’elle décourage la mise en circulation, dans ledit État membre, de véhicules d’occasion achetés dans d’autres États membres, sans pour autant décourager l’achat de véhicules d’occasion de même ancienneté et de même usure sur le marché national.

 Sur les dépens

62      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

L’article 110 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre instaure une taxe sur la pollution frappant des véhicules automobiles lors de leur première immatriculation dans cet État membre, si cette mesure fiscale est aménagée de telle manière qu’elle décourage la mise en circulation, dans ledit État membre, de véhicules d’occasion achetés dans d’autres États membres, sans pour autant décourager l’achat de véhicules d’occasion de même ancienneté et de même usure sur le marché national.

Signatures


* Langue de procédure: le roumain.