Affaire C-96/09 P
Anheuser-Busch Inc.
contre
Budějovický Budvar, národní podnik
«Pourvoi — Marque communautaire — Règlement (CE) nº 40/94 — Article 8, paragraphe 4 — Demande d’enregistrement de la marque verbale et figurative BUD — Opposition — Indication de provenance géographique ‘bud’ — Protection au titre de l’arrangement de Lisbonne et de traités bilatéraux liant deux États membres — Usage dans la vie des affaires — Signe dont la portée n’est pas seulement locale»
Sommaire de l'arrêt
1. Marque communautaire — Définition et acquisition de la marque communautaire — Motifs relatifs de refus — Opposition par le titulaire d'une marque non enregistrée ou d'un autre signe utilisé dans la vie des affaires — Conditions — Existence d'un droit antérieur n'ayant pas été invalidé par une décision juridictionnelle devenue définitive
(Règlement du Conseil nº 40/94, art. 8, § 4)
2. Marque communautaire — Définition et acquisition de la marque communautaire — Motifs relatifs de refus — Opposition par le titulaire d'une marque non enregistrée ou d'un autre signe utilisé dans la vie des affaires — Utilisation du signe dans la vie des affaires — Notion
(Règlement du Conseil nº 40/94, art. 8, § 4, et 43, § 2 et 3)
3. Marque communautaire — Définition et acquisition de la marque communautaire — Motifs relatifs de refus — Opposition par le titulaire d'une marque non enregistrée ou d'un autre signe utilisé dans la vie des affaires — Portée locale du signe
(Règlement du Conseil nº 40/94, art. 8, § 4)
4. Marque communautaire — Définition et acquisition de la marque communautaire — Motifs relatifs de refus — Opposition par le titulaire d'une marque non enregistrée ou d'un autre signe utilisé dans la vie des affaires — Utilisation du signe dans la vie des affaires — Critère temporel
(Règlement du Conseil nº 40/94, art. 8, § 4, a))
5. Marque communautaire — Définition et acquisition de la marque communautaire — Motifs relatifs de refus — Opposition par le titulaire d'une marque non enregistrée ou d'un autre signe utilisé dans la vie des affaires — Signe donnant à son titulaire le droit d'interdire l'utilisation d'une marque plus récente — Charge de la preuve
(Règlement du Conseil nº 40/94, art. 8, § 4, b), et 74, § 1)
1. Pour qu’un opposant puisse, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 40/94 sur la marque communautaire, empêcher l’enregistrement d’une marque communautaire, il faut et il suffit que, à la date à laquelle l’Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) vérifie que toutes les conditions de l’opposition sont remplies, puisse être invoquée l’existence d’un droit antérieur qui n’a pas été invalidé par une décision juridictionnelle devenue définitive.
Dans ces conditions, s’il incombe à l’Office, lorsqu’il se prononce sur une opposition fondée sur ledit article 8, paragraphe 4 du règlement nº 40/94, de prendre en considération les décisions des juridictions des États membres concernés portant sur la validité ou la qualification des droits antérieurs revendiqués afin de s’assurer que ceux-ci produisent toujours les effets exigés par cette disposition, il ne lui appartient pas de substituer son appréciation à celle des juridictions nationales compétentes, pouvoir que ledit règlement ne lui confère d’ailleurs pas.
(cf. points 94-95)
2. En ce qui concerne les termes «utilisé dans la vie des affaires» figurant à l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 40/94 sur la marque communautaire, cette disposition ne vise pas l’utilisation «sérieuse» du signe invoqué au soutien de l’opposition et rien dans le libellé de l’article 43, paragraphes 2 et 3, dudit règlement n’indique que l’exigence de la preuve de l’usage sérieux s’applique à un tel signe.
S’il est vrai que les termes «utilisé dans la vie des affaires» ne doivent pas nécessairement recevoir la même interprétation que celle retenue dans le cadre de l’article 9, paragraphe 1, de ce règlement ou des articles 5, paragraphe 1, et 6, paragraphe 1, de la directive 89/104 rapprochant les législations des États membres sur les marques, dès lors qu’il convient de tenir compte de la finalité respective de ces dispositions, il n’en demeure pas moins qu’une interprétation de ces termes comme signifiant, en substance, que le signe doit seulement faire l’objet d’une utilisation commerciale correspond à l’acception habituelle de ceux-ci.
Si l’exigence d’un usage sérieux était imposée aux signes visés à l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 40/94 dans les mêmes conditions que celles énoncées à l’article 43, paragraphes 2 et 3, de ce règlement, une telle interprétation reviendrait à faire peser sur ces signes des conditions propres aux oppositions fondées sur des marques antérieures et, à la différence de ces oppositions, dans le cadre dudit article 8, paragraphe 4, l’opposant doit également démontrer que le signe en cause lui confère le droit, selon le droit de l’État membre concerné, d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.
Par ailleurs, une application par analogie de la condition relative à l’usage sérieux prévue pour les marques antérieures aux droits antérieurs visés à l’article 8, paragraphe 4, dudit règlement se heurterait également au caractère en principe autonome de ce motif relatif de refus d’enregistrement qui se manifeste par des conditions spécifiques et qui doit également être appréhendé au regard de la grande hétérogénéité des droits antérieurs susceptibles d’être couverts par un tel motif.
S’agissant de la question de savoir si les termes «utilisé dans la vie des affaires» impliquent que l’usage d’une indication géographique invoquée au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 40/94 doit être fait conformément à la fonction essentielle d’un tel signe, à savoir garantir aux consommateurs l’origine géographique des produits et les qualités particulières qui leur sont intrinsèques, il suffit de constater que le signe invoqué au soutien de l’opposition est utilisé dans la vie des affaires et que le fait que ce signe est identique à une marque ne signifie pas pour autant qu’il n’est pas utilisé à cette fin. S'agissant de la fonction à laquelle doit tendre l’usage du signe, celui-ci doit être utilisé comme élément distinctif en ce sens qu’il doit servir à identifier une activité économique exercée par son titulaire.
Enfin, des livraisons faites à titre gratuit peuvent être prises en compte afin de vérifier la condition de l’usage dans la vie des affaires du droit antérieur invoqué, dès lors que celles-ci ont pu être réalisées dans le cadre d’une activité commerciale visant à un avantage économique, à savoir conquérir de nouveaux débouchés.
(cf. points 142-149, 152)
3. Un signe dont l’étendue géographique de la protection est seulement locale doit certes être considéré comme ayant une portée seulement locale. Toutefois, il ne s’ensuit pas que la condition posée à l'article 8, paragraphe 4, du règlement nº 40/94 sur la marque communautaire est remplie dans tous les cas du seul fait que la protection du signe en cause porte sur un territoire qui ne saurait être considéré comme étant seulement local, parce que le territoire de protection s’étend au-delà du territoire d’origine.
En effet, l’objet commun des deux conditions posées audit l’article 8, paragraphe 4, est de limiter les conflits entre les signes en empêchant qu’un droit antérieur qui n’est pas suffisamment caractérisé, c’est-à-dire important et significatif dans la vie des affaires, puisse faire obstacle à l’enregistrement d’une nouvelle marque communautaire. Une telle faculté d’opposition doit être réservée aux signes qui sont effectivement et réellement présents sur leur marché pertinent.
Partant, la portée d’un signe ne saurait être fonction de la seule étendue géographique de sa protection, car, s’il en était ainsi, un signe dont l’étendue de la protection n’est pas purement locale pourrait, de ce seul fait, faire obstacle à l’enregistrement d’une marque communautaire, et ce alors même qu’il ne serait utilisé dans la vie des affaires que d’une manière marginale.
Il en résulte que, pour pouvoir faire obstacle à l’enregistrement d’un nouveau signe, celui qui est invoqué à l’appui de l’opposition doit être effectivement utilisé d’une manière suffisamment significative dans la vie des affaires et avoir une étendue géographique qui ne soit pas seulement locale, ce qui implique, lorsque le territoire de protection de ce signe peut être considéré comme autre que local, que cette utilisation ait lieu sur une partie importante de ce territoire.
Afin de déterminer si tel est le cas, il doit être tenu compte de la durée et de l’intensité de l’utilisation de ce signe en tant qu’élément distinctif pour ses destinataires que sont tant les acheteurs et les consommateurs que les fournisseurs et les concurrents. À cet égard, sont notamment pertinentes les utilisations faites du signe dans la publicité et la correspondance commerciale.
Par ailleurs, ce n’est que sur le territoire de protection du signe, qu'il s'agisse de l'ensemble ou d'une partie seulement de celui-ci, que le droit applicable confère au signe des droits exclusifs qui peuvent entrer en conflit avec une marque communautaire. L’appréciation de la condition relative à l’usage dans la vie des affaires doit être effectuée de façon séparée pour chacun des territoires où le droit qui est invoqué au soutien de l’opposition est protégé. La portée du signe ne saurait dès lors être déduite d’une appréciation cumulative de l’utilisation du signe sur tous les territoires pertinents.
(cf. points 156-160, 162-163)
4. Il importe d’appliquer à la condition de l’usage dans la vie des affaires du signe invoqué au soutien de l’opposition le même critère temporel que celui expressément prévu à l’article 8, paragraphe 4, sous a), du règlement nº 40/94 sur la marque communautaire pour ce qui concerne l’acquisition du droit audit signe, à savoir celui de la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque communautaire.
En effet, eu égard, notamment, au délai significatif qui peut s’écouler entre le dépôt de la demande d'enregistrement et la publication de celle-ci, l’application de ce même critère est de nature à mieux garantir que l’usage invoqué du signe en cause est un usage réel et non une pratique qui n’aurait eu pour objet que d’empêcher l’enregistrement d’une marque nouvelle.
En outre, en règle générale, une utilisation du signe effectuée exclusivement ou en grande partie au cours de la période se situant entre le dépôt de la demande d’enregistrement d’une marque communautaire et la publication de cette demande ne sera pas suffisante pour établir que ce signe a fait l’objet d’une utilisation dans la vie des affaires démontrant qu’il revêt une portée suffisante.
(cf. points 166-168)
5. L’article 8, paragraphe 4, sous b), du règlement nº 40/94 sur la marque communautaire énonce la condition en vertu de laquelle, selon le droit de l’État membre qui est applicable au signe invoqué au titre de cette disposition, ce signe donne à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente. En outre, conformément à l’article 74, paragraphe 1, dudit règlement, la charge de prouver que cette condition est remplie pèse sur l’opposant devant l’Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles).
Dans ce contexte et s’agissant des droits antérieurs, il convient de tenir compte, notamment, de la réglementation nationale alléguée au soutien de l’opposition et des décisions juridictionnelles rendues dans l’État membre concerné. Sur ce fondement, l’opposant doit démontrer que le signe en cause entre dans le champ d’application du droit de l’État membre invoqué et qu’il permet d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente. Il s’ensuit que l’opposant doit seulement démontrer qu’il dispose du droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente et qu’il ne saurait être exigé de celui-ci qu’il démontre que ce droit a été exercé, en ce sens que l’opposant a effectivement été en mesure d’obtenir l'interdiction d’une telle utilisation.
(cf. points 188-191)
ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
29 mars 2011 (*)
«Pourvoi – Marque communautaire – Règlement (CE) n° 40/94 − Article 8, paragraphe 4 − Demande d’enregistrement de la marque verbale et figurative BUD − Opposition − Indication de provenance géographique ‘bud’ − Protection au titre de l’arrangement de Lisbonne et de traités bilatéraux liant deux États membres – Usage dans la vie des affaires – Signe dont la portée n’est pas seulement locale»
Dans l’affaire C‑96/09 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 4 mars 2009,
Anheuser-Busch Inc., établie à Saint Louis (États-Unis), représentée par Mes V. von Bomhard et B. Goebel, Rechtsanwälte,
partie requérante,
les autres parties à la procédure étant:
Budějovický Budvar, národní podnik, établie à České Budĕjovice (République tchèque), représentée par Mes F. Fajgenbaum, T. Lachacinski, C. Petsch et S. Sculy-Logotheti, avocats,
partie demanderesse en première instance,
Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard‑Monguiral, en qualité d’agent,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (grande chambre),
composée de M. V. Skouris, président, MM. A. Tizzano, J. N. Cunha Rodrigues, K. Lenaerts, J.-C. Bonichot (rapporteur), K. Schiemann et D. Šváby, présidents de chambre, M. A. Rosas, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. E. Levits, U. Lõhmus, M. Safjan et Mme M. Berger, juges,
avocat général: M. P. Cruz Villalón,
greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 juin 2010,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 septembre 2010,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, Anheuser-Busch Inc. (ci-après «Anheuser-Busch») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 16 décembre 2008, Budějovický Budvar/OHMI – Anheuser‑Busch (BUD) (T-225/06, T‑255/06, T‑257/06 et T-309/06, Rec. p. II‑3555, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a fait droit aux recours formés par Budějovický Budvar, národní podnik (ci-après «Budvar») contre les décisions de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) des 14 juin 2006 (affaire R 234/2005-2) et 28 juin 2006 (affaires R 241/2005-2 et R 802/2004-2) ainsi que du 1er septembre 2006 (affaire R 305/2005-2) (ci-après les «décisions litigieuses») relatives à des procédures d’opposition concernant des demandes d’enregistrement comme marque communautaire du signe «BUD» déposées par Anheuser-Busch.
Le cadre juridique
Le droit international
2 Les articles 1er à 5 de l’arrangement de Lisbonne concernant la protection des appellations d’origine et leur enregistrement international, du 31 octobre 1958, révisé à Stockholm le 14 juillet 1967 et modifié le 28 septembre 1979 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 828, n° 13172, p. 205, ci‑après l’«arrangement de Lisbonne»), disposent:
«Article premier
1) Les pays auxquels s’applique le présent arrangement sont constitués à l’état d’Union particulière dans le cadre de l’Union pour la protection de la propriété industrielle.
2) Ils s’engagent à protéger, sur leurs territoires, selon les termes du présent arrangement, les appellations d’origine des produits des autres pays de l’Union particulière, reconnues et protégées à ce titre dans le pays d’origine et enregistrées au Bureau international de la propriété intellectuelle […] visé dans la convention instituant l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle [OMPI].
Article 2
1) On entend par appellation d’origine, au sens du présent arrangement, la dénomination géographique d’un pays, d’une région ou d’une localité servant à désigner un produit qui en est originaire et dont la qualité ou les caractères sont dus exclusivement ou essentiellement au milieu géographique, comprenant les facteurs naturels et les facteurs humains.
2) Le pays d’origine est celui dont le nom, ou dans lequel est située la région ou la localité dont le nom, constitue l’appellation d’origine qui a donné au produit sa notoriété.
Article 3
La protection sera assurée contre toute usurpation ou imitation, même si l’origine véritable du produit est indiquée ou si l’appellation est employée en traduction ou accompagnée d’expressions telles que ‘genre’, ‘type’, ‘façon’, ‘imitation’ ou similaires.
Article 4
Les dispositions du présent arrangement n’excluent en rien la protection existant déjà en faveur des appellations d’origine dans chacun des pays de l’Union particulière, en vertu d’autres instruments internationaux, tels que la convention de Paris du 20 mars 1883 pour la protection de la propriété industrielle et ses révisions subséquentes, et l’arrangement de Madrid du 14 avril 1891 concernant la répression des indications de provenance fausses ou fallacieuses sur les produits et ses révisions subséquentes, ou en vertu de la législation nationale ou de la jurisprudence.
Article 5
1) L’enregistrement des appellations d’origine sera effectué auprès du Bureau international, à la requête des administrations des pays de l’Union particulière, au nom des personnes physiques ou morales, publiques ou privées, titulaires du droit d’user de ces appellations selon leur législation nationale.
2) Le Bureau international notifiera sans retard les enregistrements aux administrations des divers pays de l’Union particulière et les publiera dans un recueil périodique.
3) Les administrations des pays pourront déclarer qu’elles ne peuvent assurer la protection d’une appellation d’origine, dont l’enregistrement leur aura été notifié, mais pour autant seulement que leur déclaration soit notifiée au Bureau international, avec l’indication des motifs, dans un délai d’une année à compter de la réception de la notification de l’enregistrement, et sans que cette déclaration puisse porter préjudice, dans le pays en cause, aux autres formes de protection de l’appellation auxquelles le titulaire de celle-ci pourrait prétendre, conformément à l’article 4 ci‑dessus.
[…]»
3 Les règles 9 et 16 du règlement d’exécution de l’arrangement de Lisbonne, tel qu’entré en vigueur le 1er avril 2002, prévoient ce qui suit:
«Règle 9
Déclaration de refus
1) Toute déclaration de refus est notifiée au Bureau international par l’administration compétente du pays contractant pour lequel le refus est émis et doit être signée par cette administration.
[…]
Règle 16
Invalidation
1) Lorsque les effets d’un enregistrement international sont invalidés dans un pays contractant et que l’invalidation ne peut plus faire l’objet d’aucun recours, ladite invalidation doit être notifiée au Bureau international par l’administration compétente de ce pays contractant. […]
[…]»
4 Le 10 mars 1975, l’appellation d’origine «bud» a été enregistrée auprès de l’OMPI sous le n° 598, pour de la bière, au titre de l’arrangement de Lisbonne.
Les traités bilatéraux
La convention bilatérale
5 Le 11 juin 1976, la République d’Autriche et la République socialiste tchécoslovaque ont conclu un traité relatif à la protection des indications de provenance, des appellations d’origine et des autres appellations indiquant la provenance de produits agricoles et industriels (ci-après la «convention bilatérale»).
6 Après son approbation et sa ratification, la convention bilatérale a été publiée au Bundesgesetzblatt für die Republik Österreich du 19 février 1981 (BGBl. 75/1981). Conformément à son article 16, paragraphe 2, la convention bilatérale est entrée en vigueur le 26 février 1981 pour une période indéterminée.
7 L’article 1er de la convention bilatérale prévoit:
«Chacun des États contractants s’engage à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger efficacement contre la concurrence déloyale dans la vie des affaires les indications de provenance, appellations d’origine et autres appellations indiquant la provenance de produits agricoles et industriels relevant des catégories visées à l’article 5 et précisées dans l’accord prévu à l’article 6, ainsi que les noms et illustrations mentionnés aux articles 3, 4 et 8, paragraphe 2.»
8 Aux termes de l’article 2 de la convention bilatérale:
«On entend par indications de provenance, appellations d’origine et autres appellations indiquant la provenance au sens du présent traité toutes les indications qui se rapportent directement ou indirectement à la provenance d’un produit. Une telle indication est en général constituée d’une appellation géographique. Toutefois, elle peut également être constituée d’autres mentions si les milieux intéressés du pays d’origine y voient, en liaison avec le produit ainsi appelé, une indication du pays de production. Lesdites appellations peuvent contenir, outre l’indication d’un territoire de provenance géographiquement déterminé, des mentions relatives à la qualité du produit concerné. Ces propriétés particulières des produits sont exclusivement ou principalement la conséquence d’influences géographiques ou humaines.»
9 L’article 3, paragraphe 1, de la convention bilatérale dispose:
«[...] les appellations tchécoslovaques énumérées dans un accord conclu en vertu de l’article 6 sont réservées dans la République d’Autriche exclusivement aux produits tchécoslovaques.»
10 L’article 5, paragraphe 1, B, point 2, de la convention bilatérale mentionne les bières parmi les catégories de produits tchèques concernés par la protection instaurée par cette convention.
11 Aux termes de l’article 6 de la convention bilatérale:
«Les appellations relatives à des produits, pour lesquelles les conditions des articles 2 et 5 s’appliquent, qui bénéficient de la protection du traité et qui ne sont dès lors pas des dénominations génériques seront énumérées dans un accord qui devra être conclu entre les gouvernements des deux États contractants.»
L’accord bilatéral
12 Conformément à l’article 6 de la convention bilatérale, un accord sur l’application de celle-ci (ci-après l’«accord bilatéral» et, ensemble avec la convention bilatérale, les «traités bilatéraux en cause») a été conclu le 7 juin 1979.
13 L’annexe B de l’accord bilatéral énonce:
«Appellations tchécoslovaques pour des produits agricoles et industriels
[...]
B Alimentation et agriculture (autre que vin)
[...]
2. Bière
République socialiste tchèque
[...]
Bud
[...]»
Le droit de l’Union
14 Le règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), a été abrogé et remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1). Toutefois, demeure applicable au présent litige le règlement n° 40/94, dans sa version résultant du règlement (CE) n° 422/2004 du Conseil, du 19 février 2004 (JO L 70, p. 1, ci-après le «règlement n° 40/94»).
15 L’article 8 du règlement n° 40/94, intitulé «Motifs relatifs de refus», dispose à son paragraphe 4:
«Sur opposition du titulaire d’une marque non enregistrée ou d’un autre signe utilisé dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale, la marque demandée est refusée à l’enregistrement, lorsque et dans la mesure où, selon la législation communautaire ou le droit de l’État membre qui est applicable à ce signe:
a) des droits à ce signe ont été acquis avant la date de dépôt de la demande de marque communautaire ou, le cas échéant, avant la date de la priorité invoquée à l’appui de la demande de marque communautaire;
b) ce signe donne à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.»
16 L’article 43, paragraphes 2 et 3, du même règlement prévoit:
«2. Sur requête du demandeur, le titulaire d’une marque communautaire antérieure qui a formé opposition apporte la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque communautaire, la marque communautaire antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, ou qu’il existe de justes motifs pour le non-usage, pour autant qu’à cette date la marque antérieure était enregistrée depuis cinq ans au moins. À défaut d’une telle preuve, l’opposition est rejetée. Si la marque communautaire antérieure n’a été utilisée que pour une partie des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée, elle n’est réputée enregistrée, aux fins de l’examen de l’opposition, que pour cette partie des produits ou services.
3. Le paragraphe 2 s’applique aux marques nationales antérieures visées à l’article 8 paragraphe 2 point a), étant entendu que l’usage dans la Communauté est remplacé par l’usage dans l’État membre où la marque nationale antérieure est protégée.»
17 Aux termes de l’article 74, paragraphe 1, du règlement n° 40/94:
«Au cours de la procédure, l’Office procède à l’examen d’office des faits; toutefois, dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, l’examen est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties.»
Les antécédents du litige
18 Les antécédents du litige porté devant le Tribunal, tels qu’ils sont décrits dans l’arrêt attaqué, peuvent être résumés comme suit.
19 Les 1er avril 1996, 28 juillet 1999, 11 avril 2000 et 4 juillet 2000, Anheuser-Busch a déposé auprès de l’OHMI quatre demandes visant à obtenir l’enregistrement en tant que marque communautaire de la marque figurative et verbale BUD pour certains types de produits, dont les bières, relevant des classes 16, 21, 25, 32, 33, 35, 38, 41 et 42 de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.
20 Les 5 mars 1999, 1er août 2000, 22 mai et 5 juin 2001, Budvar a formé des oppositions au titre de l’article 42 du règlement nº 40/94 pour l’ensemble des produits spécifiés dans les demandes d’enregistrement.
21 Au soutien de ses oppositions, Budvar invoquait, en premier lieu, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, l’existence d’une marque antérieure, à savoir la marque figurative internationale Bud (n° 361 566), enregistrée pour de la bière, avec effet en Autriche, au Benelux et en Italie.
22 Budvar invoquait, en second lieu, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 40/94, l’existence de l’appellation «bud» telle que protégée, d’une part, en France, en Italie et au Portugal au titre de l’arrangement de Lisbonne, et, d’autre part, en Autriche au titre des traités bilatéraux en cause.
23 Par décision du 16 juillet 2004, la division d’opposition de l’OHMI a accueilli l’opposition formée à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée pour ce qui concerne les «services de restaurants, bars et tavernes» (classe 42), visés par la demande d’enregistrement du 4 juillet 2000, en estimant, notamment, que Budvar avait démontré qu’elle possédait un droit sur l’appellation d’origine «bud» en France, en Italie et au Portugal.
24 Par décisions des 23 décembre 2004 et 26 janvier 2005, la division d’opposition a rejeté les oppositions formées à l’encontre de l’enregistrement des marques faisant l’objet des trois autres demandes d’enregistrement, en considérant, en substance, que la preuve n’avait pas été apportée que l’appellation d’origine «bud», s’agissant de la France, de l’Italie, de l’Autriche et du Portugal, était un signe utilisé dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale.
25 Pour parvenir à cette conclusion, la division d’opposition a considéré qu’il convenait d’appliquer les mêmes critères que ceux prévus à l’article 43, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, lu à la lumière de la règle 22, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 1041/2005 de la Commission, du 29 juin 2005 (JO L 172, p. 4, ci-après le «règlement n° 2868/95»), ces critères étant relatifs à la preuve de l’«usage sérieux» des marques antérieures fondant une opposition.
26 Budvar a alors formé trois recours contre les décisions de la division d’opposition de l’OHMI des 23 décembre 2004 et 26 janvier 2005 ainsi que contre la décision du 16 juillet 2004 de cette même division, pour autant qu’elle rejetait l’opposition s’agissant des autres services compris dans les classes 35, 38, 41 et 42.
27 Quant à Anheuser-Busch, elle a formé un recours contre la décision de la division d’opposition de l’OHMI du 16 juillet 2004, pour autant qu’elle accueillait partiellement l’opposition formée par Budvar.
28 Par ses décisions des 14 juin, 28 juin et 1er septembre 2006, la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté les recours formés par Budvar contre les décisions de la division d’opposition de l’OHMI des 23 décembre 2004 et 26 janvier 2005. Par une décision rendue le 28 juin 2006, ladite chambre a fait droit au recours formé par Anheuser-Busch contre la décision de la division d’opposition de l’OHMI du 16 juillet 2004 et a rejeté l’opposition formée par Budvar dans son ensemble.
29 Dans les décisions litigieuses, la chambre de recours a, en premier lieu, relevé que Budvar semblait se référer non plus à la marque figurative internationale n° 361 566 pour fonder ses oppositions, mais seulement à l’appellation d’origine «bud».
30 En deuxième lieu, la chambre de recours a estimé, en substance, qu’il était difficile de concevoir que le signe «BUD» puisse être considéré comme étant une appellation d’origine, voire une indication indirecte de provenance géographique. Elle en a déduit qu’une opposition ne pouvait aboutir, au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, sur la base d’un droit présenté comme une appellation d’origine, mais qui, en fait, n’en était pas une.
31 En troisième lieu, la chambre de recours, appliquant par analogie les dispositions de l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94 et la règle 22 du règlement n° 2868/95, a estimé que les preuves fournies par Budvar, quant à l’usage de l’appellation d’origine «bud» en France, en Italie, en Autriche et au Portugal étaient insuffisantes.
32 En dernier lieu, la chambre de recours a considéré que l’opposition devait également être rejetée au motif que Budvar n’avait pas démontré que l’appellation d’origine en cause lui donnait le droit d’interdire l’utilisation, en tant que marque, du terme «bud», en France ou en Autriche.
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
33 Par requêtes déposées au greffe du Tribunal les 26 août (affaire T‑225/06), 15 septembre (affaires T‑255/06 et T‑257/06) et 14 novembre 2006 (affaire T‑309/06), Budvar a introduit des recours tendant à l’annulation des décisions litigieuses.
34 Budvar invoquait en substance un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, et comportant deux branches.
35 Par la première branche, Budvar remettait en cause la conclusion de la chambre de recours selon laquelle le signe «BUD» ne pouvait être considéré comme constituant une appellation d’origine. Par la seconde branche, Budvar contestait l’appréciation de la même chambre selon laquelle les conditions énoncées à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 n’étaient pas, en l’espèce, réunies.
36 S’agissant de la première branche dudit moyen, le Tribunal a relevé, au point 82 de l’arrêt attaqué, qu’il y avait lieu de faire une distinction, aux fins de l’examen des décisions litigieuses, entre l’appellation d’origine «bud» enregistrée au titre de l’arrangement de Lisbonne et l’appellation «bud» protégée au titre de la convention bilatérale.
37 Pour ce qui concerne, en premier lieu, l’appellation d’origine «bud» enregistrée au titre de l’arrangement de Lisbonne, le Tribunal s’est tout d’abord prononcé comme suit au point 87 de l’arrêt attaqué:
«En l’espèce, l’appellation d’origine ‘bud’ (n° 598) a été enregistrée le 10 mars 1975. La France n’a pas déclaré, dans le délai d’un an à compter de la réception de la notification de l’enregistrement, qu’elle ne pouvait pas assurer la protection de ladite appellation d’origine. Par ailleurs, au moment de l’adoption des décisions [litigieuses], les effets de l’appellation d’origine en cause avaient été invalidés par un jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg [France] du 30 juin 2004. Toutefois, comme il ressort des pièces versées aux débats, Budvar a interjeté appel de ce jugement, cet appel ayant un effet suspensif. Il en résulte que, au moment de l’adoption des décisions [litigieuses], les effets de l’appellation d’origine en cause n’avaient pas été invalidés, en France, par une décision non susceptible de recours.»
38 Ensuite, le Tribunal a rappelé, au point 88 de l’arrêt attaqué, sa jurisprudence selon laquelle le droit des marques de l’Union ne se substituant pas aux droits des marques des États membres, la validité d’une marque nationale ne peut être remise en cause dans le cadre d’une procédure d’enregistrement d’une marque communautaire.
39 Il en a déduit, au point 89 dudit arrêt, que le système créé par le règlement n° 40/94 présuppose la prise en compte, par l’OHMI, de l’existence de droits antérieurs protégés au niveau national.
40 Au point 90 de l’arrêt attaqué, le Tribunal en a tiré la conclusion suivante:
«Dès lors que, en France, les effets de l’appellation d’origine ‘bud’ n’ont pas été définitivement invalidés, la chambre de recours devait tenir compte, au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, du droit national pertinent et de l’enregistrement effectué au titre de l’arrangement de Lisbonne, sans pouvoir remettre en cause le fait que le droit antérieur invoqué constituait une ‘appellation d’origine’.»
41 Enfin, au point 91 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a ajouté que, si la chambre de recours avait des doutes sérieux quant à la qualification d’«appellation d’origine» du droit antérieur et donc quant à la protection qu’il convenait de lui accorder au titre du droit national invoqué, alors que cette question faisait justement l’objet d’une procédure juridictionnelle en France, elle avait la possibilité, au titre de la règle 20, paragraphe 7, sous c), du règlement n° 2868/95, de suspendre la procédure d’opposition dans l’attente d’un jugement définitif à cet égard.
42 Par conséquent, le Tribunal a jugé, au point 92 de l’arrêt attaqué, que la chambre de recours avait violé l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 en considérant, tout d’abord, que le droit antérieur invoqué, enregistré au titre de l’arrangement de Lisbonne, n’était pas une «appellation d’origine», ensuite, que la question de savoir si le signe «BUD» était traité comme une appellation d’origine protégée, notamment en France, revêtait une «importance secondaire» et, enfin, en concluant qu’une opposition ne pourrait aboutir sur cette base.
43 Pour ce qui concerne, en second lieu, l’appellation «bud» protégée au titre des traités bilatéraux en cause, le Tribunal a relevé, au point 93 de l’arrêt attaqué, qu’il ne résultait pas desdits traités que l’indication «BUD» ait été désignée spécifiquement comme étant une «appellation d’origine».
44 Au point 94 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré qu’il découlait de l’article 2 de la convention bilatérale que celle-ci se fonde sur une définition plus large que celle retenue par la chambre de recours dès lors qu’il suffit que les indications ou appellations concernées se rapportent directement ou indirectement à la provenance d’un produit pour pouvoir être énumérées dans l’accord bilatéral et bénéficier, à ce titre, de la protection conférée par ladite convention.
45 À cet égard, le Tribunal a jugé, au point 95 de l’arrêt attaqué, que la chambre de recours avait commis deux erreurs, la première, en ce qu’elle avait considéré, à tort, que la dénomination «BUD» était spécifiquement protégée en tant qu’«appellation d’origine» au titre des traités bilatéraux en cause et, la seconde, en ce que, en tout état de cause, elle avait appliqué une définition de l’«appellation d’origine» qui ne correspond pas à la définition des indications protégées au titre de ces mêmes traités.
46 Ensuite, le Tribunal a jugé, au point 96 de l’arrêt attaqué, que le fait que Budvar a pu présenter le droit invoqué comme étant une «appellation d’origine» n’empêchait pas la chambre de recours de se livrer à une appréciation complète des faits et pièces présentés dès lors que la limitation de la base factuelle de l’examen opéré par l’OHMI n’exclut pas que celui-ci prenne en considération, outre les faits avancés explicitement par les parties à la procédure d’opposition, des faits notoires, c’est‑à‑dire des faits qui sont susceptibles d’être connus par toute personne ou qui peuvent être connus par des sources généralement accessibles.
47 Le Tribunal en a conclu, au point 97 de l’arrêt attaqué, que la chambre de recours avait violé l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 en considérant, tout d’abord, que le droit antérieur invoqué, protégé au titre de la convention bilatérale, n’était pas une «appellation d’origine», selon la définition retenue par la chambre de recours, ensuite, que la question de savoir si le signe «BUD» était traité comme une appellation d’origine protégée, notamment en Autriche, revêtait une «importance secondaire» et, enfin, en concluant qu’une opposition ne pourrait aboutir sur cette base.
48 Au point 98 dudit arrêt, le Tribunal a relevé que, au surplus, les traités bilatéraux en cause produisent encore leurs effets en Autriche aux fins de protéger l’appellation «bud», en se fondant, notamment, sur la considération selon laquelle les litiges en cours en Autriche n’ont pas abouti à l’adoption d’une décision judiciaire définitive. Aussi, le Tribunal a-t-il jugé que la chambre de recours devait tenir compte, au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, du droit antérieur invoqué par Budvar sans pouvoir remettre en cause la qualification même dudit droit.
49 Dès lors, au point 99 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a accueilli la première branche du moyen unique, tirée de la violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94.
50 S’agissant de la seconde branche de ce moyen, relative à l’application des conditions énoncées à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, le Tribunal a examiné le grief portant sur les conditions tenant à l’utilisation dans la vie des affaires d’un signe dont la portée n’est pas seulement locale.
51 Pour ce qui concerne, en premier lieu, la condition relative à l’utilisation du signe «BUD» dans la vie des affaires, le Tribunal a d’abord rappelé, au point 160 de l’arrêt attaqué, que, dans les décisions litigieuses, la chambre de recours avait appliqué, par analogie, l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94 et l’exigence de la preuve d’un usage «sérieux» du droit antérieur prévue à ce paragraphe 2.
52 Au point 163 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a ensuite jugé que les finalités et les conditions liées à la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure diffèrent de celles relatives à la preuve de l’utilisation, dans la vie des affaires, du signe visé à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, en particulier lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, d’une appellation d’origine enregistrée au titre de l’arrangement de Lisbonne ou d’une appellation protégée au titre des traités bilatéraux en cause.
53 À cet égard, le Tribunal a constaté aux points 164 à 167 de l’arrêt attaqué que:
– l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 ne vise pas l’utilisation «sérieuse» du signe invoqué au soutien de l’opposition;
– dans le cadre de l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 ainsi que des articles 5, paragraphe 1, et 6, paragraphe 1, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), la Cour et le Tribunal ont considéré de façon constante que l’usage d’un signe a lieu dans la «vie des affaires» dès lors qu’il se situe dans le contexte d’une activité commerciale visant à un avantage économique et non dans le domaine privé (voir, notamment, arrêt de la Cour du 12 novembre 2002, Arsenal Football Club, C‑206/01, Rec. p. I‑10273, point 40);
– l’application par analogie des dispositions de l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94 reviendrait à faire peser sur les signes visés à l’article 8, paragraphe 4, des conditions spécifiquement liées aux marques et à l’étendue de leur protection. Cette dernière disposition comporte par ailleurs l’exigence supplémentaire, non prévue à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement, concernant la preuve que le signe confère le droit, selon le droit de l’État membre concerné, d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente;
– cette application par analogie dudit article 43, paragraphes 2 et 3, a conduit la chambre de recours à n’examiner que l’usage du signe en cause en France, en Italie, en Autriche et au Portugal, de façon séparée, c’est-à-dire sur chacun des territoires dont relève, selon Budvar, la protection de l’appellation «bud» et, par conséquent, à ne pas tenir compte d’éléments de preuve produits par Budvar concernant l’utilisation des appellations en cause au Benelux, en Espagne et au Royaume-Uni. Or, selon le Tribunal, dès lors qu’il ne ressort pas des termes de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 que des signes tels que ceux en cause doivent faire l’objet d’une utilisation sur le territoire dont le droit est invoqué au soutien de la protection dudit signe, ceux-ci peuvent faire l’objet d’une protection sur un territoire spécifique, alors qu’ils n’ont pas fait l’objet d’une utilisation sur ce territoire.
54 Enfin, au vu de ces éléments, le Tribunal a jugé, au point 168 de l’arrêt attaqué, que la chambre de recours avait commis une erreur de droit en décidant d’appliquer, par analogie, les dispositions du droit de l’Union relatives à l’usage «sérieux» de la marque antérieure. Selon le Tribunal, la chambre de recours aurait dû vérifier si les éléments fournis par Budvar durant la procédure administrative reflétaient l’utilisation du signe en cause dans le contexte d’une activité commerciale visant à un avantage économique, et non dans le domaine privé, et cela quel que soit le territoire concerné par cette utilisation.
55 Toutefois, au même point 168, le Tribunal a ajouté que, pour autant, l’erreur de méthodologie commise par la chambre de recours ne pourrait justifier l’annulation des décisions litigieuses que si Budvar avait établi que les signes en cause étaient utilisés dans la vie des affaires.
56 À cet égard, le Tribunal a souligné, au point 169 de l’arrêt attaqué, qu’il ne résulte pas de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 que l’opposant doive démontrer que le signe en cause a été utilisé antérieurement à la demande de marque communautaire, mais qu’il peut tout au plus être exigé, à l’instar de ce qui est demandé pour les marques antérieures, et cela pour éviter des utilisations du droit antérieur provoquées uniquement par une procédure d’opposition, que le signe en cause ait été utilisé avant la publication de la demande de marque au Bulletin des marques communautaires.
57 Aux points 170 à 172 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné les documents présentés par Budvar et, après avoir constaté qu’ils portaient sur une utilisation du signe avant la publication de la demande d’enregistrement de la marque concernée, il en a conclu, au point 173 du même arrêt, que ces documents étaient susceptibles de démontrer, sous réserve de leur valeur probante, que le signe en cause était «utilisé» dans la vie des affaires.
58 Sur le fond, le Tribunal a jugé, au point 175 de l’arrêt attaqué, qu’une mention visant à indiquer la provenance géographique d’un produit peut être utilisée, à l’instar d’une marque, dans la vie des affaires sans que cela ne signifie pour autant que l’appellation concernée serait utilisée «comme une marque» et perdrait, dès lors, sa fonction première.
59 En outre, le Tribunal a considéré, au point 176 de l’arrêt attaqué, que la valeur probante de documents afférents à des livraisons faites à titre gratuit ne pouvait être mise en cause dès lors que celles-ci avaient pu être réalisées dans le contexte d’une activité commerciale visant à obtenir un avantage économique, à savoir conquérir de nouveaux débouchés.
60 En conséquence, au point 178 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a accueilli le grief de Budvar concernant la condition relative à l’utilisation du signe en cause dans la vie des affaires, telle que prévue à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94.
61 S’agissant, en second lieu, de la condition relative à la portée du signe en cause, le Tribunal a rappelé, au point 179 de l’arrêt attaqué, que la chambre de recours avait considéré que la preuve de l’usage en France de ce signe était insuffisante pour démontrer l’existence d’un droit dont la portée n’est pas seulement locale.
62 À cet égard, le Tribunal a jugé, aux points 180 et 181 de l’arrêt attaqué, que la chambre de recours avait également commis une erreur de droit dès lors que ladite condition vise la portée du signe en cause, à savoir l’étendue géographique de sa protection, et non la portée de son utilisation. Sur ce point, le Tribunal a retenu que les droits antérieurs en cause ont une portée qui n’est pas seulement locale compte tenu du fait que leur protection au titre de l’arrangement de Lisbonne et des traités bilatéraux en cause s’étend au-delà de leur territoire d’origine.
63 Le Tribunal en a conclu, au point 182 de l’arrêt attaqué, que le premier grief de la seconde branche du moyen unique était fondé.
64 S’agissant du second grief de la seconde branche du moyen unique, concernant la question de savoir si Budvar avait apporté la preuve que les signes en cause lui donnaient le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente au sens de l’article 8, paragraphe 4, sous b), du règlement n° 40/94, le Tribunal a jugé, au point 185 de l’arrêt attaqué, que, compte tenu également de l’article 74 du même règlement, la charge de la preuve pèse sur l’opposant.
65 S’agissant des droits nationaux invoqués par Budvar au soutien de son opposition et tendant à démontrer l’existence d’un droit d’interdire l’utilisation du terme «BUD», en tant que marque, en France ou en Autriche, le Tribunal, au point 192 de l’arrêt attaqué, a jugé, en premier lieu, que la chambre de recours ne pouvait se fonder uniquement sur certaines décisions juridictionnelles rendues dans ces États membres pour conclure que Budvar n’avait pas apporté la preuve que le signe en cause lui donnait le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente, dès lors qu’aucune de ces décisions n’avait acquis l’autorité de la chose jugée.
66 Le Tribunal, au même point 192, a ajouté que, pour vérifier si ladite preuve était apportée, la chambre de recours aurait dû également tenir compte des dispositions du droit national invoquées par Budvar, y inclus l’arrangement de Lisbonne et la convention bilatérale, et, en particulier, s’agissant de la France, de plusieurs dispositions du code rural, du code de la consommation ainsi que du code de la propriété intellectuelle et, s’agissant de l’Autriche, du fondement juridique tel que figurant dans les recours introduits par Budvar au titre du droit national invoqué, c’est-à-dire l’article 9 de la convention bilatérale et les dispositions de la réglementation autrichienne relative aux marques ainsi qu’à la concurrence déloyale.
67 En second lieu, s’agissant de l’Autriche, le Tribunal a rappelé, au point 193 de l’arrêt attaqué, que la chambre de recours avait indiqué que l’arrêt de l’Oberlandesgericht Wien (Autriche) du 21 avril 2005 retenait que le terme «bud» n’est pas un nom de lieu et n’est pas compris par les consommateurs tchèques comme désignant une bière de la ville de Česke Budějovice et que, selon ladite chambre, cet arrêt reposait sur des constatations factuelles dont la révision par une juridiction de dernière instance serait peu probable.
68 Or, le Tribunal a constaté, au même point 193, qu’il résultait des pièces versées aux débats que ledit arrêt de l’Oberlandesgericht Wien avait précisément été cassé par l’Oberster Gerichtshof (Autriche) dans un arrêt rendu le 29 novembre 2005, soit avant l’adoption des décisions litigieuses, au motif qu’il avait uniquement été constaté que la dénomination «BUD» n’était associée en République tchèque à aucune région ou localité spécifique, alors qu’il devait être vérifié si les consommateurs tchèques interprètent cette dénomination, se rapportant à la bière, comme indiquant un lieu ou une région.
69 À cet égard, le Tribunal a jugé, à ce même point 193, que, compte tenu du fait que, dans sa réplique devant la chambre de recours, Budvar avait fourni une copie de son recours devant l’Oberster Gerichtshof, il était loisible à celle-ci de s’informer auprès des parties, ou par tout autre moyen, de l’issue de la procédure engagée devant cette juridiction nationale.
70 Sur ce point, le Tribunal a rappelé, également au point 193 de l’arrêt attaqué, que l’OHMI doit s’informer d’office, par les moyens qui lui paraissent utiles à cet effet, au sujet du droit national de l’État membre concerné si de telles informations sont nécessaires à l’appréciation des conditions d’application d’un motif de refus d’enregistrement et, notamment, en ce qui concerne la matérialité des faits avancés ou la force probante des pièces présentées. Selon le Tribunal, la limitation de la base factuelle de l’examen opéré par l’OHMI n’exclut pas, en effet, que celui-ci prenne en considération, outre les faits invoqués explicitement par les parties à la procédure d’opposition, des faits notoires, c’est-à-dire des faits qui sont susceptibles d’être connus par toute personne ou qui peuvent être connus par des sources généralement accessibles.
71 En troisième lieu, s’agissant de la France, le Tribunal a jugé, au point 195 de l’arrêt attaqué, que, contrairement à ce qu’avait décidé la chambre de recours, il ne résulte pas des termes de l’article 8, paragraphe 4, sous b), du règlement n° 40/94 que l’opposant doive démontrer qu’il a déjà pu effectivement interdire l’utilisation d’une marque plus récente, ce que Budvar n’aurait pas été capable de faire, mais il doit seulement établir qu’il dispose d’un tel droit.
72 Au point 196 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a ajouté que, contrairement à ce qu’avait indiqué la chambre de recours, l’appellation d’origine «bud», enregistrée au titre de l’arrangement de Lisbonne, n’avait pas été invalidée par un jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 30 juin 2004, dès lors que celui-ci indique clairement que l’invalidation ne concerne que les seuls «effets» sur le territoire français de l’appellation d’origine «bud», conformément aux dispositions pertinentes dudit arrangement. Le Tribunal a également rappelé que ledit jugement a fait l’objet d’un appel et que celui-ci a un effet suspensif.
73 Le Tribunal a jugé, au point 199 de l’arrêt attaqué, que la chambre de recours avait commis une erreur en ne tenant pas compte de tous les éléments factuels et juridiques pertinents pour déterminer si, au titre de l’article 8, paragraphe 4, sous b), du règlement n° 40/94, le droit de l’État membre concerné donnait le droit à Budvar d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.
74 Le Tribunal en a conclu, au point 201 de l’arrêt attaqué, que la seconde branche du moyen unique devait donc être considérée comme fondée et, partant, il a fait droit au moyen unique du recours et a accueilli celui-ci dans son ensemble.
75 En conséquence, le Tribunal a, au point 202 de l’arrêt attaqué, annulé les décisions litigieuses.
La procédure devant la Cour et les conclusions des parties
76 Par son pourvoi, Anheuser-Busch demande à la Cour:
– d’annuler l’arrêt attaqué, à l’exception du point 1 de son dispositif;
– à titre principal, de se prononcer définitivement sur le litige en rejetant le recours introduit en première instance ou, à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et
– de condamner Budvar aux dépens.
77 Budvar demande à la Cour:
– de rejeter le pourvoi, et
– de condamner Anheuser-Busch aux dépens.
78 L’OHMI demande à la Cour:
– d’annuler l’arrêt attaqué, et
– de condamner Budvar aux dépens.
Sur le pourvoi
79 À l’appui de son pourvoi, Anheuser-Busch invoque deux moyens. Le premier moyen, qui s’articule en trois branches, est tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94. Le second moyen est tiré de la violation des dispositions combinées des articles 8, paragraphe 4, et 74, paragraphe 1, de ce même règlement.
80 L’OHMI déclare soutenir le pourvoi et soulève deux moyens, tirés de la violation des articles, respectivement, 8, paragraphe 4, et 74, paragraphe 1, dudit règlement.
Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94
Sur la première branche du premier moyen
– Argumentation des parties
81 Par la première branche de son premier moyen, Anheuser-Busch soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que la chambre de recours n’était pas compétente pour déterminer si Budvar avait établi la validité des droits antérieurs qu’elle invoquait au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, alors même que celle-ci pouvait être sérieusement mise en doute.
82 Dans le cadre d’une procédure d’opposition fondée sur des «droits» au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, l’OHMI devrait déterminer si ces droits existent réellement, s’ils sont applicables et s’ils peuvent être invoqués à l’encontre de la demande d’enregistrement de la marque concernée, ce qu’aurait fait à bon droit la chambre de recours.
83 La charge de prouver que ces conditions sont remplies pèserait d’ailleurs sur l’opposant, ainsi que le confirmeraient les articles 43, paragraphe 5, et 45 du règlement n° 40/94.
84 En l’occurrence, la chambre de recours se serait fondée sur plusieurs décisions juridictionnelles, définitives en ce qui concerne la République italienne et la République portugaise et non encore définitives pour ce qui concerne la République française et la République d’Autriche, desquelles il découlerait, s’agissant des deux premiers États membres susmentionnés, que l’appellation en cause était annulée et, s’agissant des deux autres États membres, que le droit antérieur concerné n’était pas applicable.
85 Pour ce qui concerne les décisions rendues dans ces deux derniers États membres, Anheuser-Busch aurait fourni de nombreux éléments démontrant que la dénomination en cause ne pouvait être considérée comme constituant une appellation d’origine, voire une indication géographique, renversant ainsi la présomption de l’existence d’un tel droit antérieur qui découlerait de son enregistrement. Il aurait par la suite incombé à Budvar de démontrer l’existence des droits nationaux qu’elle invoquait. Or, la chambre de recours, après avoir examiné les éléments de preuve fournis par Budvar, aurait considéré que cette dernière n’avait pas apporté une telle preuve.
86 Enfin, Anheuser-Busch reproche au Tribunal de s’être fondé sur une analogie entre l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 et le paragraphe 1 du même article, qui concerne une opposition fondée sur une marque antérieure et dans le cadre duquel il ressortirait d’une jurisprudence constante du Tribunal que l’OHMI ne vérifie pas la validité de la marque antérieure.
87 Or, une telle analogie serait sans fondement. Les deux dispositions en cause comporteraient en effet des motifs relatifs de refus indépendants et différents. Une marque nationale constituerait un motif de refus en raison de son seul enregistrement, dès lors que les législations des États membres sur la marque sont harmonisées par la directive 89/104. En revanche, tel ne serait pas le cas s’agissant des «droits» visés à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, dès lors que ceux-ci n’ont fait l’objet d’aucune mesure d’harmonisation.
88 Budvar rappelle que le règlement n° 40/94 n’attribue pas à l’OHMI, en tant qu’organisme de l’Union européenne, le pouvoir d’enregistrer ou d’invalider des marques nationales. Or, ainsi que l’énonce également le onzième considérant dudit règlement, des compétences ne peuvent être reconnues à l’OHMI sans attribution explicite prévue par le droit dérivé et à condition qu’une telle attribution soit permise par le traité CE.
89 Ce serait donc à juste titre que le Tribunal a refusé de reconnaître à l’OHMI la compétence pour se prononcer sur la validité d’une marque nationale invoquée à l’appui d’une opposition. Ce principe, également consacré au cinquième considérant du règlement n° 40/94, serait pleinement applicable aux droits invoqués par un opposant au titre de l’article 8, paragraphe 4, de ce règlement.
– Appréciation de la Cour
90 Anheuser-Busch soutient, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que la chambre de recours avait violé l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 dans la mesure où celle-ci a considéré que l’indication de provenance géographique «Bud», telle que protégée en vertu de l’arrangement de Lisbonne et des traités bilatéraux en cause, ne pouvait être qualifiée d’appellation d’origine, voire d’indication indirecte de provenance géographique, et qu’une opposition ne pourrait aboutir, au titre de ladite disposition, sur la base de ces droits antérieurs présentés comme une appellation d’origine mais qui, en fait, n’en serait pas une.
91 À cet égard, le Tribunal a constaté, aux points 87 et 98 de l’arrêt attaqué, que, à la date de l’adoption des décisions litigieuses, les procédures juridictionnelles en cours en France et en Autriche portant sur la validité, respectivement, de l’appellation d’origine «bud», telle que protégée en France par l’arrangement de Lisbonne, et de l’appellation «bud», telle que protégée en Autriche par les traités bilatéraux en cause, n’avaient pas abouti à l’adoption d’une décision définitive et non susceptible de recours.
92 Ayant ainsi constaté que les effets des droits antérieurs invoqués n’avaient pas été définitivement invalidés dans ces deux États membres et que ces droits demeuraient valides lors de l’adoption des décisions litigieuses, le Tribunal en a conclu, aux points 90 et 98 de l’arrêt attaqué, que la chambre de recours devait tenir compte des droits antérieurs invoqués sans pouvoir remettre en cause la qualification même de ces droits.
93 En statuant ainsi le Tribunal n’a entaché son arrêt d’aucune erreur de droit.
94 En effet, pour qu’un opposant puisse, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, empêcher l’enregistrement d’une marque communautaire, il faut et il suffit que, à la date à laquelle l’OHMI vérifie que toutes les conditions de l’opposition sont remplies, puisse être invoquée l’existence d’un droit antérieur qui n’a pas été invalidé par une décision juridictionnelle devenue définitive.
95 Dans ces conditions, s’il incombe à l’OHMI, lorsqu’il se prononce sur une opposition fondée sur ledit article 8, paragraphe 4, de prendre en considération les décisions des juridictions des États membres concernés portant sur la validité ou la qualification des droits antérieurs revendiqués afin de s’assurer que ceux-ci produisent toujours les effets exigés par cette disposition, il ne lui appartient pas de substituer son appréciation à celle des juridictions nationales compétentes, pouvoir que le règlement n° 40/94 ne lui confère d’ailleurs pas.
96 En l’espèce, ainsi que l’a jugé le Tribunal, la chambre de recours, lorsqu’elle a statué sur les oppositions formées par Budvar, pouvait constater que les droits antérieurs invoqués au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 n’avaient pas été invalidés par des décisions juridictionnelles définitives.
97 L’existence des droits antérieurs invoqués par Budvar, relatifs à la dénomination «BUD», pouvait en outre être facilement constatée par la chambre de recours à la date à laquelle celle-ci s’est prononcée sur lesdites oppositions, dès lors qu’elle était attestée par l’enregistrement de cette dénomination au titre de l’arrangement de Lisbonne avec effet, notamment en France, et par l’inclusion de celle-ci dans la liste des appellations avec effet en Autriche figurant dans l’accord bilatéral. Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 58 de ses conclusions, le fait que cet enregistrement et cette inclusion subsistaient à cette date suffisait pour établir la validité des droits antérieurs en cause aux fins de la procédure devant la chambre de recours.
98 Quant à la question de savoir si les droits antérieurs ainsi invoqués, à savoir ceux relatifs à l’appellation d’origine «bud», telle que protégée au titre de l’arrangement de Lisbonne avec effet en France, et à cette même dénomination telle que protégée en vertu des traités bilatéraux en cause avec effet en Autriche, constituent des signes qui sont susceptibles d’être invoqués à l’appui d’une opposition au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, compte tenu de ce qui a été jugé par la Cour dans son arrêt du 8 septembre 2009, Budějovický Budvar (C‑478/07, Rec. p. I-7721), ayant constaté que le régime de protection prévu par le règlement (CE) n° 510/2006 du Conseil, du 20 mars 2006, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (JO L 93, p. 12), revêt un caractère exhaustif, il y a lieu de relever que ladite question n’a pas été débattue devant le Tribunal.
99 Par conséquent, il y a lieu d’écarter la première branche du premier moyen.
Sur les deuxième et troisième branches du premier moyen
– Argumentation des parties
100 Par la deuxième branche de son premier moyen, Anheuser-Busch reproche au Tribunal, en premier lieu, s’agissant de la quantité et de la qualité de l’usage d’un signe, d’avoir jugé que la condition, prévue à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, selon laquelle un «autre signe» au sens de cette disposition doit être «utilisé dans la vie des affaires», doit être comprise en ce sens qu’elle vise toute utilisation commerciale, même limitée, pourvu qu’elle ne se situe pas dans le domaine purement privé, y compris l’utilisation d’une indication géographique en tant que marque, et même l’utilisation dans le cadre de livraisons à titre gratuit.
101 Anheuser-Busch soutient que la chambre de recours avait considéré, à bon droit, qu’il convenait, à tout le moins, de considérer ladite condition comme équivalente à celle d’un usage sérieux contenue aux articles 15 et 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94, comprise comme exigeant l’utilisation effective d’une marque sur le marché pour les produits et services pour lesquels elle est protégée, ainsi que sa réelle exploitation commerciale, par opposition à une simple utilisation interne ou symbolique visant seulement à maintenir les droits afférents à la marque, cet usage sérieux devant être effectué dans le respect de la fonction essentielle d’une marque, qui est de garantir l’identité de l’origine des produits et des services au consommateur ou à l’utilisateur final.
102 Si une telle condition ne s’appliquait pas dans le cadre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, en vertu de la condition autonome du droit de l’Union relative à l’«utilisation dans la vie des affaires», ce règlement imposerait des exigences d’utilisation pour qu’une marque communautaire antérieure puisse bloquer une demande de marque formée en vertu de l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement plus rigoureuses que celles prévues pour un droit antérieur relevant du paragraphe 4 du même article, alors que, contrairement au droit des marques, un tel droit n’a fait l’objet d’aucune harmonisation.
103 Contrairement à la chambre de recours, le Tribunal n’aurait pas tenu compte de la finalité de la condition légale d’utilisation. Or, pour constater une infraction au titre de l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, les exigences relatives à l’utilisation devraient être moindres que pour le maintien d’une marque visé aux articles 15 et 43, paragraphes 2 et 3, dudit règlement. Les exigences les plus strictes devraient toutefois s’appliquer à la constitution d’un droit tel que le droit d’opposition prévu à l’article 8, paragraphe 4, du même règlement, dès lors que celui-ci peut justifier le refus d’enregistrement d’une marque communautaire.
104 Anheuser-Busch fait également grief au Tribunal d’avoir pris en compte des livraisons par Budvar de quantités extrêmement limitées et à titre gratuit sur une période de quatre ans. Celles-ci ne pourraient être considérées comme un usage sérieux au regard de la jurisprudence relative à cette condition d’utilisation (voir arrêt du 15 janvier 2009, Silberquelle, C-495/07, Rec. p. I‑137).
105 Anheuser-Busch reproche également au Tribunal d’avoir considéré qu’il n’est pas pertinent de savoir si, aux fins de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, l’usage du signe est fait en tant que marque ou en tant qu’appellation d’origine, voire comme indication géographique.
106 De même que l’usage d’une marque doit être fait conformément à sa fonction essentielle pour être qualifié de sérieux, l’usage d’une appellation d’origine ou d’une indication géographique invoquée en tant que droit antérieur, au titre dudit article 8, paragraphe 4, devrait être fait conformément à la fonction essentielle de ces signes, à savoir celle de garantir aux consommateurs l’origine géographique des produits et les qualités particulières intrinsèques à ceux-ci.
107 Budvar soutient, au contraire, que la notion d’usage dans la vie des affaires, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, ne comporte aucune référence à un usage sérieux et doit être comprise comme un critère qualitatif et non quantitatif, dès lors que cette notion, telle qu’elle figure également aux articles 9 et 12 dudit règlement ainsi qu’aux articles 5 et 6 de la directive 89/104, détermine les activités pour lesquelles une marque est protégée par rapport à celles où elle ne l’est pas.
108 Or, au point 165 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait à bon droit retenu l’interprétation de cette notion d’usage qui a été consacrée par une jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal, à savoir l’interprétation selon laquelle l’usage doit seulement se situer «dans le contexte d’une activité commerciale visant à un avantage économique et non dans le domaine privé». Pour des raisons de sécurité juridique, une même notion figurant dans différentes dispositions devrait recevoir la même interprétation.
109 Les droits antérieurs autres que les marques, visés à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 et, dans des termes très similaires, à l’article 4, paragraphe 4, sous b), de la directive 89/104, seraient tellement divers qu’il ne serait pas possible de déterminer les caractéristiques minimales auxquelles ces droits doivent répondre afin de pouvoir être invoqués pour s’opposer à une marque plus récente. Ce serait la raison pour laquelle, auxdites dispositions, une condition supplémentaire est imposée, exigeant que le titulaire de la marque non enregistrée ou du signe démontre qu’il est en mesure d’interdire l’usage d’une marque plus récente en vertu du droit qu’il invoque.
110 S’agissant en outre des livraisons à titre gratuit en France de bière sous la dénomination «BUD», Budvar soutient que l’arrêt Silberquelle, précité, ne saurait être transposé à un cas tel que celui de l’espèce dès lors que cet arrêt portait sur une condition relative non pas à un usage du signe «dans la vie des affaires», mais à un «usage sérieux» au sens des articles 10, paragraphe 1, et 12, paragraphe 1, de la directive 89/104.
111 En ce qui concerne l’argument selon lequel le Tribunal aurait dû établir si Budvar avait démontré un usage du signe en cause en tant qu’appellation d’origine ou indication géographique et non en tant que marque, Budvar estime que l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 n’impose pas une telle condition afin que le droit antérieur puisse être utilement invoqué et demande à ce titre la confirmation des points 174 et 175 de l’arrêt attaqué. En tout état de cause, la question de savoir si, en l’espèce, Budvar a utilisé ce signe en tant qu’appellation d’origine ou en tant que marque constituerait une question de fait qui relève de la seule appréciation du Tribunal.
112 Dans le cadre de la deuxième branche de son premier moyen, Anheuser‑Busch soutient, en deuxième lieu, pour ce qui concerne le territoire pertinent au regard de la preuve de l’utilisation du signe en cause dans la vie des affaires, que le Tribunal a violé le principe de territorialité et interprété de manière erronée l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 en affirmant, au point 167 de l’arrêt attaqué, que des preuves concernant les territoires d’États membres autres que celui dans lequel le droit est invoqué au titre de cette disposition pouvaient être prises en compte aux fins de déterminer l’existence d’une utilisation dans la vie des affaires.
113 Une telle condition ne pourrait concerner que l’utilisation du signe sur le territoire dans lequel la protection de celui-ci est invoquée.
114 Cela découlerait notamment du principe de territorialité, lequel est un principe fondamental des droits de propriété intellectuelle. Partant, les actes démontrant l’utilisation du signe antérieur devraient concerner les juridictions spécifiques en cause, en l’espèce celles de la République française ou de la République d’Autriche, et devraient être examinés séparément pour chacune de ces juridictions.
115 S’il en était autrement, les droits non harmonisés visés à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 seraient mieux traités que les droits ayant fait l’objet d’une harmonisation dès lors qu’il est incontestable que ces derniers ne permettent de bloquer une demande de marque communautaire que s’ils font l’objet d’un usage sérieux sur le territoire de l’État membre dans lequel ils sont protégés, l’utilisation dans un autre État membre ne pouvant pas être prise en compte.
116 Sur ce point, l’OHMI défend la même thèse, à savoir que le territoire pertinent pour la preuve d’une utilisation du signe en cause dans la vie des affaires au sens de ladite disposition est exclusivement celui dans lequel une protection est revendiquée, à savoir, en l’espèce, en France et en Autriche. Cela ressortirait du libellé même de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, dès lors que, dans la même phrase, celui-ci fait référence au «signe utilisé dans la vie des affaires» et au «droit […] qui est applicable à ce signe».
117 L’approche correcte aurait été retenue au point 40 de l’arrêt du Tribunal du 24 mars 2009, Moreira da Fonseca/OHMI – General Óptica (GENERAL OPTICA) (T-318/06 à T‑321/06, Rec. p. II-649), à savoir celle selon laquelle le territoire pertinent pour examiner la portée des droits exclusifs est celui où s’applique chacune des normes juridiques dans lesquelles ceux-ci trouvent leur origine.
118 Budvar soutient, en revanche, que le Tribunal a jugé à bon droit que, dans le cadre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, il n’est pas nécessaire de démontrer l’usage effectif d’un droit antérieur sur le territoire de l’État membre dans lequel il bénéficie d’une protection, dans la mesure où les droits visés par cette disposition peuvent être protégés sur ce territoire sans jamais y avoir été utilisés.
119 Ladite disposition n’obligerait ni à démontrer un usage sérieux du signe en cause ni à prouver une utilisation de celui-ci sur le territoire dans lequel il bénéficie d’une protection.
120 Dans le cadre de la deuxième branche de son premier moyen, Anheuser‑Busch soutient, en troisième lieu, s’agissant de la période au titre de laquelle l’usage des droits antérieurs doit être prouvé, que le Tribunal a interprété de manière erronée l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 en refusant de retenir la date de dépôt des demandes d’enregistrement de la marque comme étant la date pertinente à laquelle l’utilisation dans la vie des affaires doit être établie et d’avoir jugé, au point 169 de l’arrêt attaqué, qu’il suffit que l’utilisation soit prouvée avant la date de publication de la demande de marque au Bulletin des marques communautaires.
121 À cet égard, Anheuser-Busch soutient que toutes les conditions requises pour qu’un droit antérieur puisse être invoqué en vertu de l’un des motifs relatifs de refus prévus à l’article 8 du règlement n° 40/94 doivent être remplies à la date du dépôt de la demande d’enregistrement faisant l’objet de l’opposition, y compris, s’agissant du paragraphe 4 de cet article, la condition relative à l’utilisation dans la vie des affaires. Par conséquent, toute preuve fournie dans le but de démontrer une telle utilisation devrait être antérieure au dépôt de la demande en cause ou à la date de priorité de celle-ci.
122 Une telle interprétation serait confirmée, dans un contexte similaire, par la jurisprudence selon laquelle la renommée de la marque antérieure invoquée par l’opposant au titre de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 doit avoir existé à la date de dépôt de la demande de la marque communautaire faisant l’objet de l’opposition ou à la date de priorité réclamée (voir, notamment, arrêt du 17 avril 2008, Ferrero Deutschland/OHMI, C‑108/07 P, point 35), alors même que cette disposition ne se réfère qu’à l’antériorité de la marque et n’exige pas expressément que la renommée soit également antérieure.
123 Cette jurisprudence serait fondée sur le principe de priorité, principe fondamental des droits de propriété intellectuelle universellement reconnu, y compris dans les traités fondamentaux en matière de propriété intellectuelle, qui consacre la primauté du droit exclusif antérieur sur les droits nés ultérieurement et qui établit qu’une demande de marque ne peut être contestée que sur la base de droits antérieurs.
124 Anheuser-Busch reproche au Tribunal d’avoir fait une application par analogie inexacte de l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94, rattachant l’antériorité à la date de publication de la demande de marque au Bulletin des marques communautaires. Cela serait d’ailleurs en contradiction avec le point 166 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal a rejeté une telle application par analogie.
125 En outre, l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94 comporterait une règle de priorité exceptionnelle et spécifique au maintien d’une marque antérieure, qui ne saurait être appliquée dans un contexte tout autre, tel que celui de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94.
126 Enfin, la notion d’utilisation d’un signe d’«une portée qui n’est pas seulement locale» serait une condition autonome du droit de l’Union devant être remplie, tout comme les autres conditions visées à l’article 8, paragraphe 4, sous a) et b), du règlement n° 40/94 ainsi que, plus généralement, toutes celles énoncées audit article 8, «avant la date de dépôt de la demande de marque communautaire ou, le cas échéant, avant la date de la priorité invoquée à l’appui de la demande de marque communautaire».
127 De même, selon l’OHMI, il convient de retenir la date de dépôt des demandes d’enregistrement de la marque comme étant la date pertinente à laquelle l’utilisation dans la vie des affaires doit être établie. Ce principe aurait été correctement appliqué au point 44 de l’arrêt Moreira da Fonseca/OHMI – General Óptica (GENERAL OPTICA), précité.
128 Budvar soutient en revanche que l’analyse du Tribunal doit être confirmée.
129 En premier lieu, la jurisprudence de la Cour relative à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 ne serait pas transposable au paragraphe 4 du même article. Celle-ci serait justifiée par la nature spécifique des marques renommées, car il est très probable que la renommée serait connue de la demanderesse lors du dépôt d’une demande de marque ultérieure. En revanche, s’agissant des autres types d’opposition visés audit article 8, ce ne serait que par la publication de la demande que celle-ci est rendue publique et devient opposable aux tiers.
130 En second lieu, l’arrêt attaqué ne serait pas contraire au principe de priorité sur ce point. Ce principe, énoncé à l’article 8, paragraphe 4, sous a), du règlement n° 40/94, imposerait à l’opposant de satisfaire à une condition supplémentaire, à savoir celle de prouver que le droit invoqué au soutien de l’opposition existait antérieurement à la date de dépôt de la demande de marque. Toutefois, un tel principe n’obligerait pas l’opposant à prouver que ce droit était utilisé dans la vie des affaires avant cette date.
131 Par la troisième branche de son premier moyen, Anheuser-Busch fait valoir que le Tribunal a également violé l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 en interprétant de manière erronée, aux points 179 à 183 de l’arrêt attaqué, les termes «dont la portée n’est pas seulement locale» figurant à cette disposition.
132 Anheuser-Busch soutient, en particulier, que la «portée» d’un signe au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 doit être appréciée au regard de son territoire de protection, en l’occurrence celui de la République française et de la République d’Autriche.
133 Un signe ne pourrait d’ailleurs avoir une portée au sens de ladite disposition que s’il est utilisé sur les marchés des États membres selon le droit desquels il est protégé. En revanche, une telle portée ne pourrait découler du simple fait que le signe est protégé en vertu de la législation de deux États membres ou plus.
134 Anheuser-Busch en conclut que les termes «dont la portée n’est pas seulement locale» doivent être interprétés comme constituant une condition autonome du droit de l’Union qui ne saurait être soumise au droit national, mais doit résulter de l’utilisation du signe en cause sur le marché des États membres sur le territoire desquels il est protégé.
135 L’OHMI soutient que, en liant, au point 180 de l’arrêt attaqué, la «portée» du signe à l’étendue géographique de la protection reconnue par le droit national invoqué, le Tribunal a ignoré que la condition prévue à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, selon laquelle la portée du signe ne doit pas être seulement locale, constitue une exigence qui relève du droit de l’Union et qui ne saurait être appréciée par référence au droit national.
136 Le Tribunal aurait commis une erreur de droit en jugeant, au point 181 de l’arrêt attaqué, que les droits antérieurs ont une portée qui n’est pas seulement locale au sens dudit article 8, paragraphe 4, uniquement parce que leur protection s’étend au-delà de leur territoire d’origine.
137 Or, selon l’OHMI, le critère de la «portée» vise à fixer une limite effective à tous les signes potentiels autres que les marques susceptibles d’être invoqués pour contester le caractère enregistrable d’une marque communautaire. Partant, cette notion ne pourrait que concerner l’importance économique et l’étendue géographique de l’«utilisation dans la vie des affaires».
138 À cet égard, l’OHMI se réfère aux points 36 à 39 de l’arrêt Moreira da Fonseca/OHMI – General Óptica (GENERAL OPTICA), précité, dans lesquels cette dernière interprétation aurait été retenue.
139 En revanche, Budvar soutient que l’expression «dont la portée n’est pas seulement locale», au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement nº 40/94, se réfère à l’étendue géographique de la protection du signe en cause, à savoir le territoire sur lequel l’opposant peut revendiquer son droit antérieur, en l’occurrence la totalité des territoires français et autrichien sur lesquels les droits invoqués sont protégés respectivement en vertu de l’arrangement de Lisbonne et des traités bilatéraux en cause.
140 Ladite expression viserait donc le territoire où le signe est protégé et non pas celui dans lequel il est utilisé. L’interprétation contraire se heurterait au libellé même de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 et reviendrait, en outre, à imposer à l’opposant une condition supplémentaire, qui ne serait d’ailleurs pas non plus cohérente avec l’article 107 du même règlement, qui prévoit comme critère d’application d’un droit antérieur le territoire où ce droit est protégé et non celui dans lequel il est utilisé.
– Appréciation de la Cour
141 Par les deuxième et troisième branches de son premier moyen, qu’il convient d’examiner conjointement, Anheuser-Busch reproche au Tribunal d’avoir violé l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 au motif qu’il aurait retenu une interprétation erronée de la condition selon laquelle le droit antérieur invoqué au soutien de l’opposition doit porter sur un «signe utilisé dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale».
142 En ce qui concerne le premier point, qui porte sur la question de savoir si les termes «utilisé dans la vie des affaires» doivent être compris comme se référant, ainsi que l’a jugé le Tribunal, à un usage du droit antérieur dans le contexte d’une activité commerciale visant à obtenir un avantage économique et non dans le domaine privé, ou bien comme se référant à un usage sérieux, par analogie avec ce qui est prévu à l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94 pour les marques antérieures invoquées au soutien d’une opposition, l’arrêt attaqué n’est entaché d’aucune erreur de droit.
143 En effet, l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 ne vise pas l’utilisation «sérieuse» du signe invoqué au soutien de l’opposition et rien dans le libellé de l’article 43, paragraphes 2 et 3, dudit règlement n’indique que l’exigence de la preuve de l’usage sérieux s’applique à un tel signe.
144 En outre, s’il est vrai que les termes «utilisé dans la vie des affaires» figurant à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 ne doivent pas nécessairement recevoir la même interprétation que celle retenue dans le cadre de l’article 9, paragraphe 1, de ce règlement ou des articles 5, paragraphe 1, et 6, paragraphe 1, de la directive 89/104, dès lors qu’il convient de tenir compte de la finalité respective de ces dispositions, il n’en demeure pas moins qu’une interprétation de ces termes comme signifiant, en substance, que le signe doit seulement faire l’objet d’une utilisation commerciale correspond à l’acception habituelle de ceux-ci.
145 C’est également à bon droit que, au point 166 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que, si l’exigence d’un usage sérieux était imposée aux signes visés à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 dans les mêmes conditions que celles énoncées à l’article 43, paragraphes 2 et 3, de ce règlement, une telle interprétation reviendrait à faire peser sur ces signes des conditions propres aux oppositions fondées sur des marques antérieures et que, à la différence de ces oppositions, dans le cadre dudit article 8, paragraphe 4, l’opposant doit également démontrer que le signe en cause lui confère le droit, selon le droit de l’État membre concerné, d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.
146 Par ailleurs, une application par analogie de la condition relative à l’usage sérieux prévue pour les marques antérieures aux droits antérieurs visés à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 se heurterait également au caractère en principe autonome de ce motif relatif de refus d’enregistrement qui, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 69 à 71 de ses conclusions, se manifeste par des conditions spécifiques et qui doit également être appréhendé au regard de la grande hétérogénéité des droits antérieurs susceptibles d’être couverts par un tel motif.
147 S’agissant, en deuxième lieu, de la question de savoir si les termes «utilisé dans la vie des affaires» impliquent que l’usage d’une indication géographique invoquée au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 doit être fait conformément à la fonction essentielle d’un tel signe, à savoir garantir aux consommateurs l’origine géographique des produits et les qualités particulières qui leur sont intrinsèques, alors que, en l’espèce, le signe invoqué aurait été utilisé en tant que marque, le Tribunal n’a pas non plus entaché son arrêt d’erreur de droit.
148 Le Tribunal, au point 175 de l’arrêt attaqué, a jugé que, pour l’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, il suffit de constater que le signe invoqué au soutien de l’opposition est utilisé dans la vie des affaires et que le fait que ce signe est identique à une marque ne signifie pas pour autant qu’il n’est pas utilisé à cette fin.
149 S’agissant de la fonction à laquelle doit tendre l’usage du signe, celui-ci doit être utilisé comme élément distinctif en ce sens qu’il doit servir à identifier une activité économique exercée par son titulaire, ce qui, en l’occurrence, n’est pas discuté.
150 En particulier, le Tribunal a ajouté audit point 175 qu’il n’avait pas été précisé clairement devant lui la raison pour laquelle le signe «BUD» avait été utilisé «comme une marque» et que rien n’indiquait que la mention, apposée sur les produits en cause, renverrait davantage à l’origine commerciale qu’à l’origine géographique du produit.
151 Il s’ensuit que le grief ne peut qu’être rejeté dès lors que le Tribunal n’a, à cet égard, entaché son arrêt d’aucune erreur de droit et que, en outre, il n’appartient pas à la Cour, au stade du pourvoi, de contrôler l’appréciation des faits à laquelle s’est livré le Tribunal, aucune dénaturation de ceux-ci n’étant par ailleurs alléguée par Anheuser‑Busch devant la Cour.
152 En troisième lieu, contrairement à ce que soutient Anheuser‑Busch, le Tribunal a pu à bon droit considérer, au point 176 de l’arrêt attaqué, que des livraisons faites à titre gratuit pouvaient être prises en compte afin de vérifier la condition de l’usage dans la vie des affaires du droit antérieur invoqué, dès lors que celles-ci ont pu être réalisées dans le cadre d’une activité commerciale visant à un avantage économique, à savoir conquérir de nouveaux débouchés.
153 Avant d’examiner les autres griefs que soulève Anheuser-Busch, dans le cadre de la seconde branche de son premier moyen, et l’OHMI, dans le cadre de son premier moyen, quant à la période et au territoire pertinents pour apprécier la condition relative à l’usage dans la vie des affaires, il convient au préalable d’analyser la troisième branche du premier moyen invoqué par Anheuser-Busch et le premier moyen articulé par l’OHMI en ce qu’ils portent sur l’exigence selon laquelle la portée du signe invoqué ne doit pas être seulement locale, autre condition énoncée à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94.
154 Au point 180 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé, d’une part, qu’il résulte des termes mêmes de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 que cette disposition vise la portée du signe en cause et non celle de son utilisation, et que, d’autre part, la portée de ce signe doit s’entendre de l’étendue géographique de sa protection, laquelle ne doit pas être seulement locale.
155 Sur ce point, l’arrêt attaqué comporte une erreur de droit.
156 Un signe dont l’étendue géographique de la protection est seulement locale doit certes être considéré comme ayant une portée seulement locale. Toutefois, il ne s’ensuit pas que la condition posée audit article 8, paragraphe 4, est remplie dans tous les cas du seul fait que la protection du signe en cause porte sur un territoire qui ne saurait être considéré comme étant seulement local, en l’occurrence parce que le territoire de protection s’étend au-delà du territoire d’origine.
157 En effet, l’objet commun des deux conditions posées à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 est de limiter les conflits entre les signes en empêchant qu’un droit antérieur qui n’est pas suffisamment caractérisé, c’est-à-dire important et significatif dans la vie des affaires, puisse faire obstacle à l’enregistrement d’une nouvelle marque communautaire. Une telle faculté d’opposition doit être réservée aux signes qui sont effectivement et réellement présents sur leur marché pertinent.
158 Partant, la portée d’un signe ne saurait être fonction de la seule étendue géographique de sa protection, car, s’il en était ainsi, un signe dont l’étendue de la protection n’est pas purement locale pourrait, de ce seul fait, faire obstacle à l’enregistrement d’une marque communautaire, et ce alors même qu’il ne serait utilisé dans la vie des affaires que d’une manière marginale.
159 Il en résulte que, pour pouvoir faire obstacle à l’enregistrement d’un nouveau signe, celui qui est invoqué à l’appui de l’opposition doit être effectivement utilisé d’une manière suffisamment significative dans la vie des affaires et avoir une étendue géographique qui ne soit pas seulement locale, ce qui implique, lorsque le territoire de protection de ce signe peut être considéré comme autre que local, que cette utilisation ait lieu sur une partie importante de ce territoire.
160 Afin de déterminer si tel est le cas, il doit être tenu compte de la durée et de l’intensité de l’utilisation de ce signe en tant qu’élément distinctif pour ses destinataires que sont tant les acheteurs et les consommateurs que les fournisseurs et les concurrents. À cet égard, sont notamment pertinentes les utilisations faites du signe dans la publicité et la correspondance commerciale.
161 Dès lors que, ainsi qu’il a été dit au point 159 du présent arrêt, il convient d’examiner l’usage du signe en cause dans la vie des affaires sur une partie non purement locale du territoire de protection de celui-ci, le Tribunal a également commis une erreur de droit, ainsi que le soutiennent tant Anheuser-Busch, dans le cadre de la deuxième branche de son premier moyen, que l’OHMI, dans le cadre de son premier moyen, en jugeant, au point 167 de l’arrêt attaqué, que l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 ne requiert pas que le signe en cause fasse l’objet d’une utilisation sur le territoire de protection de celui-ci et que l’utilisation sur un territoire autre que celui dans lequel il est protégé peut suffire, y compris en l’absence de toute utilisation sur le territoire de protection.
162 Ce n’est, en effet, que sur le territoire de protection du signe, qu’il s’agisse de l’ensemble ou d’une partie seulement de celui-ci, que le droit applicable confère au signe des droits exclusifs qui peuvent entrer en conflit avec une marque communautaire.
163 Par ailleurs, l’appréciation de la condition relative à l’usage dans la vie des affaires doit être effectuée de façon séparée pour chacun des territoires où le droit qui est invoqué au soutien de l’opposition est protégé. La portée du signe ne saurait dès lors, en l’espèce, être déduite d’une appréciation cumulative de l’utilisation du signe sur les deux territoires pertinents, à savoir le territoire autrichien pour ce qui concerne la protection au titre des traités bilatéraux en cause et le territoire français s’agissant de la protection au titre de l’arrangement de Lisbonne.
164 De même, ainsi que le font valoir Anheuser-Busch et l’OHMI, en jugeant, au point 169 de l’arrêt attaqué, que l’utilisation du signe en cause dans la vie des affaires devait seulement être démontrée avant la publication de la demande d’enregistrement de la marque et non, au plus tard, à la date de dépôt de cette demande, le Tribunal a également entaché son arrêt d’une erreur de droit.
165 À cet égard, l’arrêt attaqué comporte à tout le moins une discordance dès lors que, audit point 169, le Tribunal se réfère par analogie à ce qui est demandé pour les marques antérieures invoquées à l’appui d’une opposition, alors que, au point 166 du même arrêt, le Tribunal a rejeté, et ce à bon droit, ainsi qu’il a été dit au point 142 du présent arrêt, une application par analogie aux droits antérieurs invoqués au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 de la condition de l’usage sérieux imposée aux marques antérieures.
166 En outre, il importe, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 120 de ses conclusions, d’appliquer à la condition de l’usage dans la vie des affaires du signe invoqué au soutien de l’opposition le même critère temporel que celui expressément prévu à l’article 8, paragraphe 4, sous a), du règlement n° 40/94 pour ce qui concerne l’acquisition du droit audit signe, à savoir celui de la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque communautaire.
167 En effet, eu égard, notamment, au délai significatif qui peut s’écouler entre le dépôt de la demande d’enregistrement et la publication de celle-ci, l’application de ce même critère est de nature à mieux garantir que l’usage invoqué du signe en cause est un usage réel et non une pratique qui n’aurait eu pour objet que d’empêcher l’enregistrement d’une marque nouvelle.
168 En outre, en règle générale, une utilisation du signe en cause effectuée exclusivement ou en grande partie au cours de la période se situant entre le dépôt de la demande d’enregistrement d’une marque communautaire et la publication de cette demande ne sera pas suffisante pour établir que ce signe a fait l’objet d’une utilisation dans la vie des affaires démontrant qu’il revêt une portée suffisante.
169 Il résulte de ce qui précède que, si les griefs invoqués par Anheuser-Busch relatifs aux notions d’usage sérieux, d’utilisation dans la vie des affaires et de livraisons faites à titre gratuit doivent être écartés, les deuxième et troisième branches du premier moyen invoqué par cette dernière ainsi que le premier moyen soulevé par l’OHMI sont fondés dès lors que l’arrêt attaqué est entaché d’erreurs de droit dans l’appréciation des conditions énoncées à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94. En effet, c’est à tort que le Tribunal a considéré, tout d’abord, que la portée dudit signe, qui ne saurait être seulement locale, doit être exclusivement appréciée en fonction de l’étendue du territoire de protection du signe en cause, sans tenir compte de son utilisation sur ce territoire, ensuite, que le territoire pertinent pour apprécier l’usage de ce signe n’est pas nécessairement le territoire de protection de celui-ci et, enfin, que l’usage du même signe ne doit pas nécessairement se situer avant la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque communautaire.
Sur le second moyen, tiré d’une violation des dispositions combinées des articles 8, paragraphe 4, et 74, paragraphe 1, du règlement n° 40/94
– Argumentation des parties
170 Par son second moyen, Anheuser-Busch reproche au Tribunal d’avoir violé les dispositions combinées des articles 8, paragraphe 4, et 74, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 en jugeant, au point 199 de l’arrêt attaqué, que la chambre de recours avait commis une erreur en ne tenant pas compte de tous les éléments factuels et juridiques pertinents pour déterminer si le droit de l’État membre concerné, invoqué au titre dudit article 8, paragraphe 4, conférait à Budvar le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.
171 Anheuser-Busch fait grief au Tribunal d’avoir violé l’article 74, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 en considérant, au point 193 de l’arrêt attaqué, que la chambre de recours avait une obligation de s’informer d’office, par les moyens qui lui paraissaient utiles à cet effet, sur le droit national, y compris la jurisprudence des juridictions de l’État membre concerné, dès lors que ce droit peut être considéré comme un fait notoire ou généralement connu, et que, au-delà des preuves fournies sur ce point par les parties, elle aurait dû s’informer auprès de ces dernières, ou par tout autre moyen, sur l’issue de procédures pendantes devant lesdites juridictions.
172 En se prononçant ainsi, le Tribunal aurait porté atteinte au principe de l’égalité des armes dans les procédures d’opposition, dans la mesure où la position qu’il a adoptée implique que l’auteur d’une demande d’enregistrement d’une marque communautaire doit, en présence d’une simple affirmation de l’opposant invoquant un droit national en vertu de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, faire des recherches sur le droit et la jurisprudence nationaux.
173 En particulier, l’arrêt attaqué serait sur ce point contraire au principe, énoncé à l’article 74 du règlement n° 40/94, selon lequel c’est sur l’opposant que pèse la charge de la preuve dans le cadre d’une opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 4, du même règlement, notamment celle d’établir que le signe en cause donne à cet opposant le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.
174 Il découlerait dudit article 74, paragraphe 1, que, dans une procédure d’opposition, l’examen de l’OHMI est limité aux faits présentés par les parties et que ce dernier ne serait pas tenu de se renseigner d’office sur de tels faits.
175 Or, le droit national, y compris la jurisprudence des juridictions de l’État membre concerné, en l’occurrence celle relative à la question de savoir si une indication géographique est susceptible de protection juridictionnelle, constituerait des éléments de fait, de tels éléments ne pouvant être qualifiés de faits notoires au sujet desquels l’OHMI serait tenu de procéder d’office à une enquête.
176 Anheuser-Busch soutient que le Tribunal a retenu, au point 195 de l’arrêt attaqué, un critère erroné pour apprécier si l’opposant a suffisamment démontré que le signe invoqué donne le droit à son titulaire d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente, à savoir la démonstration de l’existence abstraite de dispositions nationales pouvant former la base d’un droit permettant d’empêcher l’utilisation d’un signe plus récent.
177 Dans une situation telle que celle de l’espèce, la chambre de recours avait, selon Anheuser-Busch, la compétence pour statuer, sur le fondement des nombreuses preuves apportées par cette dernière indiquant que le signe en cause n’était pas susceptible de protection juridictionnelle en France ni en Autriche, que, contrairement au principe selon lequel la charge de la preuve incombe à l’opposant, Budvar n’avait pas rapporté la preuve qu’elle avait le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente. Une telle décision ne porterait d’ailleurs pas définitivement préjudice à l’opposant, dès lors que celui-ci pourrait toujours contester la marque dès son enregistrement au moyen d’une procédure en annulation.
178 Par son second moyen, l’OHMI reproche au Tribunal d’avoir violé l’article 74, paragraphe 1, du règlement n° 40/94. Le point 193 de l’arrêt attaqué serait à cet égard entaché d’une erreur de droit.
179 L’OHMI relève que, dans sa jurisprudence antérieure à l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que des décisions de justice nationales ne constituent pas des «faits notoires» que l’OHMI peut examiner d’office.
180 L’OHMI estime que, dans le contexte spécifique de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, les décisions juridictionnelles nationales constituent des éléments susceptibles de prouver «l’étendue de la protection de ce droit», au sens de la règle 19, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 2868/95, preuve qui doit être apportée par l’opposant en vertu de cette même règle.
181 À tout le moins, si, comme l’aurait fait Anheuser-Busch, le demandeur de la marque communautaire transmet des décisions juridictionnelles nationales indiquant que l’opposition à une marque plus récente sur le fondement de droits invoqués au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 n’a pas été admise, il incomberait alors à l’opposant d’apporter la preuve contraire en établissant que ces décisions ont été annulées afin de démontrer l’étendue effective de la protection des droits dont il se prévaut.
182 L’OHMI soutient que, dans une telle situation, le Tribunal ne pouvait pas exiger qu’il examine d’office cet élément de preuve, comme il l’a fait au point 193 de l’arrêt attaqué, sans rompre l’équilibre des obligations et des droits procéduraux entre les parties tel qu’établi par l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 40/94.
183 Budvar estime que le Tribunal n’a pas violé les articles 8, paragraphe 4, sous b), et 74, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 en imposant à l’OHMI l’obligation de s’informer d’office sur le droit national de l’État membre concerné.
184 Une telle obligation présenterait un caractère modéré et serait en outre conforme à l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, lequel confère à l’OHMI la faculté de prendre certaines mesures d’instruction.
185 Budvar fait également valoir que l’analyse développée par Anheuser‑Busch dans le cadre de son second moyen est en fait liée au premier moyen soulevé par cette dernière, selon lequel l’OHMI est compétent pour apprécier la validité de droits antérieurs invoqués à l’appui d’une opposition. Pour les mêmes motifs que ceux avancés en réponse au premier moyen, Budvar estime que le second moyen doit être rejeté.
– Appréciation de la Cour
186 Par leur second moyen, qui concerne les points 184 à 199 de l’arrêt attaqué, Anheuser-Busch et l’OHMI font valoir que c’est à tort que le Tribunal a jugé que la chambre de recours avait commis une erreur en ne tenant pas compte de tous les éléments factuels et juridiques pertinents pour déterminer si, au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, le droit de l’État membre concerné donnait le droit à Budvar d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.
187 Ce moyen est dirigé en particulier contre le point 193 de l’arrêt attaqué, en ce que le Tribunal y aurait jugé à tort que, en l’espèce, la chambre de recours avait l’obligation de s’informer d’office sur l’issue d’une procédure juridictionnelle engagée par Budvar devant l’Oberster Gerichtshof, juridiction de dernier ressort en Autriche, contre un arrêt dont il découlerait que Budvar n’avait pas pu interdire l’utilisation d’une marque plus récente sur le fondement de l’appellation «Bud» telle que protégée au titre des traités bilatéraux en cause.
188 À cet égard, il convient de rappeler que l’article 8, paragraphe 4, sous b), dudit règlement énonce la condition en vertu de laquelle, selon le droit de l’État membre qui est applicable au signe invoqué au titre de cette disposition, ce signe donne à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.
189 En outre, conformément à l’article 74, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, la charge de prouver que cette condition est remplie pèse sur l’opposant devant l’OHMI.
190 Dans ce contexte et s’agissant des droits antérieurs invoqués en l’espèce, le Tribunal a considéré à bon droit, au point 187 de l’arrêt attaqué, qu’il convient de tenir compte, notamment, de la réglementation nationale alléguée au soutien de l’opposition et des décisions juridictionnelles rendues dans l’État membre concerné et que, sur ce fondement, l’opposant doit démontrer que le signe en cause entre dans le champ d’application du droit de l’État membre invoqué et qu’il permet d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.
191 Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient Anheuser-Busch dans le cadre de son second moyen, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 195 de l’arrêt attaqué, que l’opposant doit seulement démontrer qu’il dispose du droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente et qu’il ne saurait être exigé de celui-ci qu’il démontre que ce droit a été exercé, en ce sens que l’opposant a effectivement été en mesure d’obtenir l’interdiction d’une telle utilisation.
192 Sur ce point, le second moyen invoqué par Anheuser-Busch au soutien de son pourvoi n’est donc pas fondé.
193 Il en découle également que c’est à bon droit que le Tribunal a jugé au point 195 de l’arrêt attaqué, s’agissant de la protection en France de l’appellation d’origine «bud» enregistrée au titre de l’arrangement de Lisbonne, que la chambre de recours ne pouvait s’appuyer sur le fait qu’il ressortait de la décision juridictionnelle rendue dans cet État membre que Budvar n’aurait pas été capable, à ce jour, d’empêcher le distributeur d’Anheuser-Busch de vendre de la bière en France sous la marque BUD pour en déduire que Budvar n’avait pas prouvé que la condition relative au droit d’interdire l’usage d’une marque plus récente au titre du signe invoqué était remplie.
194 Ce motif suffisait, à lui seul, pour constater que, sur ce point, les décisions litigieuses sont, pour ce qui concerne le droit antérieur en cause, à savoir la protection au titre de l’arrangement de Lisbonne, invalides.
195 En outre, au point 192 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que la chambre de recours avait uniquement fait référence à des décisions juridictionnelles rendues en France et en Autriche pour conclure que Budvar n’avait pas apporté la preuve que le signe en cause lui donnait le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.
196 Or, constatant qu’aucune desdites décisions n’avait acquis l’autorité de la chose jugée, le Tribunal a jugé, au même point 192, que la chambre de recours ne pouvait se fonder uniquement sur ces décisions pour asseoir sa conclusion et aurait également dû tenir compte des dispositions du droit national invoquées par Budvar dans le cadre de la procédure d’opposition afin d’examiner si, en vertu de ces dispositions, Budvar disposait du droit d’interdire une marque plus récente sur le fondement du signe invoqué.
197 Sur ce point, le Tribunal a constaté à bon droit que les décisions litigieuses comportaient une erreur de droit.
198 À cet égard, il importe d’observer que, ainsi que l’a relevé le Tribunal aux points 192 et 193 de l’arrêt attaqué, bien que la chambre de recours ait été consciente du fait que les décisions juridictionnelles invoquées par Anheuser-Busch n’étaient pas définitives, dès lors qu’elles faisaient l’objet d’un recours devant une juridiction nationale supérieure, elle s’est néanmoins exclusivement fondée sur celles-ci pour décider qu’il n’était pas satisfait à la condition prévue à l’article 8, paragraphe 4, sous b), du règlement n° 40/94, au motif que, d’une part, l’arrêt rendu en Autriche reposait sur des constatations factuelles dont la révision par une juridiction de dernière instance était «peu probable» et que, d’autre part, l’arrêt de la juridiction française démontrait que Budvar «n’a[vait] pas été capable, à ce jour, d’empêcher le distributeur d’Anheuser-Busch de vendre de la bière en France sous la marque BUD».
199 Il découle ainsi des décisions litigieuses que la chambre de recours s’est fondée sur des motifs erronés pour décider que Budvar n’avait pas établi que la condition prévue à l’article 8, paragraphe 4, sous b), du règlement n° 40/94 était remplie.
200 S’agissant, d’une part, de la décision rendue par une juridiction française, il a déjà été dit, au point 193 du présent arrêt, que le motif retenu par la chambre de recours est fondé sur une exigence qui ne découle pas de ladite disposition et que celui-ci entache les décisions litigieuses d’illégalité.
201 Pour ce qui concerne, d’autre part, la décision rendue par une juridiction autrichienne, si la chambre de recours avait estimé que cette décision était insuffisante pour établir que la condition prévue à l’article 8, paragraphe 4, sous b), du règlement n° 40/94 était remplie, elle aurait dû constater cette insuffisance pour en déduire que, dès lors que Budvar n’avait pas produit devant l’OHMI l’arrêt de l’Oberster Gerichtshof confirmant que cette société disposait bien du droit d’interdire la marque plus récente, cette dernière n’avait pas prouvé que ladite condition était satisfaite, contrairement à ce qu’exige l’article 74, paragraphe 1, dudit règlement.
202 Force est toutefois de constater, ainsi que l’a fait le Tribunal aux points 192 et 193 de l’arrêt attaqué, que la démarche de la chambre de recours a été tout autre.
203 En effet, il est constant que celle-ci s’est exclusivement référée à la décision de la juridiction autrichienne invoquée par Anheuser-Busch pour en déduire que Budvar n’avait pas le droit d’interdire l’utilisation de la marque plus récente, au motif que cette décision était fondée sur des constatations factuelles dont il était «peu probable» qu’elles seraient remises en cause par la juridiction de dernière instance.
204 Or, tout comme la chambre de recours ne pouvait, en l’occurrence, substituer sa propre appréciation quant à la validité des droits antérieurs invoqués au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 à celle des juridictions nationales compétentes, ainsi qu’il a déjà été dit au point 95 du présent arrêt, la chambre de recours ne pouvait pas non plus d’emblée écarter l’incidence d’un futur arrêt de l’Oberster Gerichtshof sur la question de savoir s’il était satisfait à la condition prévue à l’article 8, paragraphe 4, sous b), dudit règlement, et ce alors qu’elle avait été informée par Budvar que celle-ci avait saisi cette juridiction nationale d’un recours contre la décision invoquée, une telle incidence ayant été écartée sur le fondement de sa propre appréciation quant à la probabilité d’une remise en cause de cette décision.
205 Dès lors qu’il est constant, ainsi qu’il a été constaté au point 96 du présent arrêt dans le cadre de l’examen du premier moyen invoqué par Anheuser-Busch qui est, ainsi que l’a soutenu à bon droit Budvar, intimement lié à son second moyen, que le droit antérieur invoqué par cette dernière au titre des traités bilatéraux en cause avec effet en Autriche n’avait pas été invalidé par une décision juridictionnelle définitive et non susceptible de recours à la date à laquelle la chambre de recours a adopté les décisions litigieuses, cette dernière ne pouvait se fonder exclusivement sur une décision juridictionnelle non encore définitive et faisant l’objet d’un recours pour conclure que Budvar ne disposait pas du droit d’interdire l’utilisation de la marque Bud au titre dudit droit antérieur.
206 En effet, la seule conclusion pouvant être tirée d’une telle décision juridictionnelle était que le droit antérieur en cause était certes contesté, mais qu’il n’en existait pas moins.
207 Puisque ce droit antérieur continuait d’exister, la question de savoir s’il conférait à l’opposant le droit d’interdire une marque plus récente au sens de l’article 8, paragraphe 4, sous b), du règlement n° 40/94 devait conduire à examiner, ainsi qu’il a été dit au point 190 du présent arrêt, si cet opposant avait démontré que le signe en cause entrait dans le champ d’application du droit de l’État membre invoqué et s’il permettrait d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.
208 Or, sur ce point, le Tribunal a indiqué, au point 192 de l’arrêt attaqué, que Budvar avait invoqué devant la chambre de recours non seulement des dispositions des traités bilatéraux en cause, mais également des dispositions du droit autrichien qui, selon cet opposant, pouvaient fonder son droit d’interdire la marque plus récente Bud. Toutefois, la chambre de recours n’a pas, ainsi que l’a constaté le Tribunal au même point 192, pris en compte ces dispositions ni fait état d’éléments pouvant mettre en doute l’applicabilité de celles-ci en l’espèce.
209 Des considérations telles que celles énoncées aux points 192 et 195 de l’arrêt attaqué sont de nature à justifier la conclusion à laquelle est parvenu le Tribunal au point 199 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la chambre de recours a commis une erreur en ne tenant pas compte de tous les éléments factuels et juridiques pertinents pour déterminer si, au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, le droit de l’État membre concerné confère à Budvar le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.
210 Il s’ensuit que si, certes, au point 193 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a ajouté, en substance, que le devoir de l’OHMI de s’informer d’office sur des faits notoires, y compris le droit national de l’État membre concerné, implique que, en l’espèce, il était «loisible» à la chambre de recours de se renseigner auprès des parties, ou par tout autre moyen, sur l’issue de la procédure engagée devant l’Oberster Gerichtshof, ce motif, à supposer même qu’il implique un véritable devoir pour la chambre de recours de s’informer d’office sur une telle procédure et procède ainsi d’une erreur de droit, comme l’allèguent Anheuser-Busch et l’OHMI, n’est pas à même de vicier la conclusion du Tribunal quant à l’illégalité des décisions litigieuses en ce qu’elles se rapportent à l’examen de la condition prévue à l’article 8, paragraphe 4, sous b), du règlement n° 40/94.
211 Selon une jurisprudence constante, les griefs dirigés contre des motifs surabondants d’une décision du Tribunal ne sauraient entraîner l’annulation de cette décision et sont donc inopérants (voir, notamment, arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C‑208/02 P et C-213/02 P, Rec. p. I-5425, point 148).
212 Or, la question de savoir si la chambre de recours devait ou pouvait s’informer d’office sur l’issue de la procédure juridictionnelle en cause a été examinée par le Tribunal à titre surabondant, dès lors que, en l’espèce, ainsi qu’il a été rappelé au point 204 du présent arrêt, il énonce que la chambre de recours a estimé, sur la base de sa propre appréciation de la probabilité d’une révision de la décision juridictionnelle en cause, qu’il n’était pas nécessaire de s’informer sur cette issue et qu’elle disposait de toute information utile pour vérifier si la condition prévue à l’article 8, paragraphe 4, sous b), du règlement n° 40/94 était satisfaite et conclure, en l’occurrence, que tel n’était pas le cas.
213 Il en découle que le second moyen invoqué par Anheuser-Busch et par l’OHMI, en ce qu’il porte sur le point 193 de l’arrêt attaqué, est dirigé contre un motif surabondant de cet arrêt et, partant, même à le supposer fondé, il n’est pas de nature à entraîner l’annulation de celui-ci.
214 En conséquence, il y a lieu d’écarter le second moyen invoqué par Anheuser-Busch au soutien de son pourvoi comme étant en partie non fondé et en partie inopérant et le second moyen soulevé par l’OHMI comme étant inopérant.
215 Dans ces conditions, il convient d’annuler l’arrêt attaqué en tant que le Tribunal a, s’agissant de l’interprétation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, considéré à tort, tout d’abord, que la portée du signe en cause, qui ne saurait être seulement locale, doit être exclusivement appréciée en fonction de l’étendue du territoire de protection de ce signe, sans tenir compte de son utilisation sur ce territoire, ensuite, que le territoire pertinent pour apprécier l’usage dudit signe n’est pas nécessairement le territoire de protection de celui-ci et, enfin, que l’usage du même signe ne doit pas nécessairement se situer avant la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque communautaire.
Sur le recours devant le Tribunal
216 Il résulte de l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour peut soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.
217 En l’espèce, le Tribunal a fait droit au grief de Budvar, faisant partie de la seconde branche de son moyen unique, par lequel celle-ci remettait en cause l’application faite par la chambre de recours de la condition relative à l’utilisation dans la vie des affaires d’un signe dont la portée n’est pas seulement locale, telle que prévue à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94.
218 Or, il a été constaté au point 215 du présent arrêt que, s’agissant de l’application de cette condition, l’arrêt attaqué est entaché d’une triple erreur de droit.
219 Afin d’apprécier le moyen tiré par Budvar de l’application faite par la chambre de recours de la condition relative à l’utilisation dans la vie des affaires d’un signe dont la portée n’est pas seulement locale, il est nécessaire de procéder à une appréciation de la valeur probante des éléments factuels susceptibles de démontrer qu’il est satisfait en l’espèce à cette condition sur le fondement de la définition de celle-ci telle que retenue dans le présent arrêt, éléments factuels au nombre desquels figurent, en particulier, les documents présentés par Budvar et qui sont mentionnés aux points 171 et 172 de l’arrêt attaqué.
220 Il en résulte que le litige n’est pas en état d’être jugé par la Cour, de sorte qu’il y a lieu de renvoyer au Tribunal l’examen du recours de Budvar pour y être statué sur ledit moyen.
Sur les dépens
221 Les affaires étant renvoyées devant le Tribunal, il convient de réserver les dépens afférents à la présente procédure de pourvoi.
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête:
1) L’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 16 décembre 2008, Budějovický Budvar/OHMI – Anheuser-Busch (BUD) (T‑225/06, T-255/06, T-257/06 et T-309/06), est annulé en tant que le Tribunal a, s’agissant de l’interprétation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire, tel que modifié par le règlement (CE) n° 422/2004 du Conseil, du 19 février 2004, considéré à tort, tout d’abord, que la portée du signe en cause, qui ne saurait être seulement locale, doit être exclusivement appréciée en fonction de l’étendue du territoire de protection de ce signe, sans tenir compte de son utilisation sur ce territoire, ensuite, que le territoire pertinent pour apprécier l’usage dudit signe n’est pas nécessairement le territoire de protection de celui-ci et, enfin, que l’usage du même signe ne doit pas nécessairement se situer avant la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque communautaire.
2) Le pourvoi est rejeté pour le surplus.
3) Les affaires jointes T-225/06, T-255/06, T-257/06 et T-309/06 sont renvoyées devant le Tribunal de l’Union européenne.
4) Les dépens sont réservés.
Signatures
* Langue de procédure: l’anglais.