Affaire C-67/09 P

Nuova Agricast Srl et Cofra Srl

contre

Commission européenne

«Pourvoi — Aides d’État — Régime d’aides aux investissements dans les régions défavorisées de l’Italie — Décision de la Commission déclarant ce régime compatible avec le marché commun — Demandes en réparation des préjudices prétendument subis du fait de l’adoption de cette décision — Mesures de transition entre ce régime et le régime précédent — Champ d’application temporel de la décision de la Commission de ne pas s’opposer au régime précédent — Principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement»

Sommaire de l'arrêt

1.        Pourvoi — Moyens — Nécessité d'une critique précise d'un point du raisonnement du Tribunal

(Art. 225 CE, statut de la Cour de justice, art. 51, al. 1; règlement de procédure de la Cour, art. 112, § 1, c))

2.        Aides accordées par les États — Examen par la Commission — Compatibilité d'une aide avec le marché commun — Incompatibilité d'une aide violant les principes généraux du droit communautaire

(Art. 88 CE)

3.        Aides accordées par les États — Décision de la Commission de ne pas soulever d'objections à l'égard d'un régime d'aides — Protection de la confiance légitime

(Art. 87, § 1 et 3, CE et 88, § 3 CE)

4.        Aides accordées par les États — Décision de la Commission de ne pas soulever d'objections à l'égard d'un régime d'aides — Limitation des effets dans le temps de la décision

(Art. 87, § 1 et 3, CE et 88, § 3 CE)

1.        Un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné.

Est recevable un pourvoi dans lequel l'argumentation développée par la partie requérante apparaît, dans son ensemble, suffisamment claire pour pouvoir identifier avec la précision requise les éléments critiqués de l’arrêt attaqué ainsi que les arguments juridiques invoqués au soutien de cette critique et permet, en conséquence, à la Cour de justice d’effectuer son contrôle de la légalité, même si certains passages de cette argumentation manquent de rigueur.

(cf. points 48-49)

2.        Une aide d’État qui, par certaines de ses modalités, viole les principes généraux du droit de l’Union, tels les principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement, ne saurait être déclarée compatible avec le marché commun par la Commission.

(cf. point 65)

3.        Le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s’étend à tout justiciable dans le chef duquel une institution de l’Union a fait naître des espérances fondées. En ce qui concerne la suppression d'une réglementation, en l'absence d'intérêt public péremptoire, la Commission viole une règle supérieure de droit si elle n'assortit pas cette suppression de mesures transitoires protégeant la confiance qu'un opérateur économique prudent et avisé pouvait légitimement avoir dans la réglementation de l'Union. Cependant, nul ne peut invoquer une violation du principe de protection de la confiance légitime en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies ladite institution. En outre, lorsqu' un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice dudit principe lorsque cette mesure est adoptée.

Dans le domaine des aides d'État, en ce qui concerne une décision de la Commission de ne pas soulever d'objections à l'encontre d'un régime d'aides jusqu'au terme d'une période précise, un opérateur économique prudent et avisé, lequel est censé connaître ladite décision, peut déduire de l'indication «durée» dans la décision que la possibilité de pouvoir participer à une procédure d'attribution de subventions est limitée par la durée de l’autorisation accordée à ce régime.

En effet, dès lors que la Commission, en autorisant un régime d'aides, déroge au principe général d’incompatibilité des aides d’État avec le marché commun, énoncé à l’article 87, paragraphe 1, CE, un opérateur prudent et avisé ne peut raisonnablement s’attendre à ce que cette décision autorise, contrairement au principe selon lequel de telles dérogations doivent faire l’objet d’une interprétation stricte, l’attribution d’aides même après la date indiquée dans celle-ci.

(cf. points 69, 71-74)

4.        Le principe d’égalité de traitement s’oppose, notamment, à ce que des situations comparables soient traitées de manière différente, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié.

Une décision de la Commission de ne pas soulever d’objections à l’égard d’un régime d’aides d’État en application de l’article 87, paragraphe 3, CE constitue une dérogation au principe général d’incompatibilité de ces aides avec le marché commun. Par conséquent, sa durée d'application doit être limitée dans le temps. Or, toute autorisation de durée limitée implique par définition une inégalité de traitement en fonction du fait qu’une situation donnée tombe ou non dans le champ d’application temporel de la décision d’autorisation.

À cet égard, l'inégalité de traitement entre des entreprises qui ont l’occasion de participer à une procédure d'attribution de subventions avant l’expiration de l’autorisation accordée par la décision et celles qui n’ont plus cette occasion est objectivement justifiée.

(cf. points 78-80)







ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

14 octobre 2010 (*)

«Pourvoi – Aides d’État – Régime d’aides aux investissements dans les régions défavorisées de l’Italie – Décision de la Commission déclarant ce régime compatible avec le marché commun – Demandes en réparation des préjudices prétendument subis du fait de l’adoption de cette décision – Mesures de transition entre ce régime et le régime précédent – Champ d’application temporel de la décision de la Commission de ne pas s’opposer au régime précédent – Principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement»

Dans l’affaire C‑67/09 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 12 février 2009,

Nuova Agricast Srl, établie à Cérignole (Italie),

Cofra Srl, établie à Barletta (Italie),

représentées par Me M. A. Calabrese, avvocato,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par M. V. Di Bucci et Mme E. Righini, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. A. Borg Barthet, M. Ilešič (rapporteur), M. Safjan et Mme M. Berger, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 avril 2010,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur pourvoi, Nuova Agricast Srl (ci-après «Nuova Agricast») et Cofra Srl (ci-après «Cofra») demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 2 décembre 2008, Nuova Agricast et Cofra/Commission (T-362/05 et T‑363/05, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté leurs demandes en réparation des préjudices prétendument subis du fait de l’adoption par la Commission des Communautés européennes de la décision du 12 juillet 2000 de ne pas soulever d’objection à l’encontre d’un régime d’aides aux investissements dans les régions défavorisées de l’Italie (aide d’État N 715/99 – Italie) (ci-après la «décision litigieuse»), dont une communication succincte a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (JO C 278, p. 26), ainsi que du fait du comportement de la Commission au cours de la procédure ayant précédé l’adoption de cette décision.

 Le cadre juridique

 Les régimes d’aides aux investissements dans les régions défavorisées de l’Italie autorisés jusqu’au 31 décembre 1999

2        Par le décret-loi n° 415, relatif au refinancement de la loi n° 64 du 1er mars 1986, portant règlement organique de l’intervention extraordinaire dans le Mezzogiorno (rifinanziamento della legge 1° marzo 1986, n. 64, recante disciplina organica dell’intervento straordinario nel Mezzogiorno), du 22 octobre 1992 (GURI n° 249, du 22 octobre 1992, p. 3), converti en loi, après modification, par la loi n° 488, du 19 décembre 1992 (GURI n° 299, du 21 décembre 1992, p. 3, et rectificatif GURI n° 301, du 23 décembre 1992, p. 40), elle-même modifiée par le décret législatif n° 96, du 3 avril 1993 (GURI n° 79, du 5 avril 1993, p. 5, ci-après la «loi n° 488/1992»), le législateur italien a prévu des mesures financières destinées à inciter les entreprises à développer certaines activités productives dans les régions défavorisées du pays.

3        Les 1er mars 1995 et 21 mai 1997, la Commission a adopté deux décisions de ne pas soulever d’objections, d’abord jusqu’au 31 décembre 1996, puis jusqu’au 31 décembre 1999, à l’encontre de régimes d’aides successifs fondés sur la loi n° 488/1992 et sur diverses dispositions d’application de celle-ci (aides d’État N 40/95 et N 27/A/97). Ces décisions ont fait l’objet de communications succinctes publiées au Journal officiel des Communautés européennes en date du 18 juillet 1995 en ce qui concerne la décision du 1er mars 1995 (JO C 184, p. 4) et du 8 août 1997 en ce qui concerne la décision du 21 mai 1997 (JO C 242, p. 4, ci-après la «décision de 1997»).

4        Les modalités du régime d’aides autorisé par la décision de 1997 (ci-après le «régime d’aides 1997-1999») ont été instituées, premièrement, par la délibération du Comitato interministeriale per la programmazione economica (Comité interministériel pour la programmation économique) portant directives pour l’octroi de subventions au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la loi n° 488/1992 (direttive per la concessione di agevolazioni ai sensi dell’art. 1, comma 2, del decreto-legge 22 ottobre 1992, n. 415, convertito nella legge 19 dicembre 1992, n. 488, in tema di disciplina organica dell’intervento straordinario nel Mezzogiorno), du 27 avril 1995 (GURI n° 142, du 20 juin 1995, p. 17), telle que modifiée par la délibération dudit Comité du 18 décembre 1996 (GURI n° 70, du 25 mars 1997, p. 35), deuxièmement, par le décret n° 527 du Ministero dell’Industria, del Commercio e dell’Artigianato (ministère de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat, ci-après le «MICA»), arrêtant le règlement portant les modalités et les procédures d’octroi et d’affectation des subventions en faveur des activités productives dans les régions défavorisées du pays (regolamento recante le modalità e le procedure per la concessione ed erogazione delle agevolazioni in favore delle attività produttive nelle aree depresse del Paese), du 20 octobre 1995 (GURI n° 292, du 15 décembre 1995, p. 3), tel que modifié par le décret n° 319 dudit ministère, du 31 juillet 1997 (GURI n° 221, du 22 septembre 1997, p. 31), ainsi que, troisièmement, par la circulaire n° 234363 du MICA, du 20 novembre 1997 (supplément ordinaire à la GURI n° 291, du 15 décembre 1997).

5        Ces modalités prévoyaient notamment que:

–        les ressources financières de chaque année étaient divisées en deux parts égales attribuées chacune dans le cadre d’un avis de présentation des demandes; cependant, en fonction des disponibilités financières de l’année à laquelle se rapportaient les ressources, les modalités de répartition de celles-ci pouvaient être modifiées par décret, en particulier en allouant ces ressources dans le cadre d’un seul avis;

–        les demandes présentées au titre d’un avis étaient instruites par des banques concessionnaires, qui leur accordaient un certain nombre de points en fonction de critères réglementaires, dénommés «indicatori» (ci-après les «indicateurs»);

–        sur la base des résultats des instructions des banques, le MICA établissait des tableaux de classement régionaux, dans lesquels les demandes étaient inscrites par ordre décroissant en fonction du nombre de points accordés, et prenait un décret d’attribution des subventions en faveur des demandes inscrites à partir de la première et jusqu’à épuisement des fonds affectés à l’avis concerné;

–        les dépenses éligibles étaient celles qui avaient été exposées à partir du jour suivant la date de clôture de l’avis précédant celui au titre duquel la demande d’aide était présentée, à l’exception des dépenses pour les études d’ingénieurs et autres études ainsi que pour l’acquisition et l’aménagement du terrain de l’entreprise, qui étaient éligibles à partir du douzième mois précédant la date de présentation de la demande;

–        les entreprises dont la demande d’aide avait été inscrite à un tableau régional, mais qui n’avaient pu obtenir de subventions parce que les ressources affectées à l’avis concerné étaient inférieures au montant global des aides demandées, pouvaient soit représenter le même projet une seule fois, au titre de l’avis utile suivant immédiatement celui au titre duquel leur demande avait d’abord été présentée, sans modifier les éléments pris en compte par les indicateurs (mécanisme dit d’«inscription automatique» de la demande), soit renoncer à cette inscription automatique et présenter à nouveau le même projet, au titre du premier avis utile suivant celui pour lequel elles avaient renoncé à ladite inscription automatique, en modifiant tout ou partie des éléments pris en compte par les indicateurs afin de rendre la demande d’aide plus compétitive, sans toutefois que cette modification pût porter sur les éléments essentiels du projet (mécanisme dit de «reformulation» de la demande); dans l’un et l’autre cas, étaient maintenues valides, aux fins de l’éligibilité des dépenses, les conditions applicables aux demandes originelles.

 La décision litigieuse et le régime d’aides aux investissements dans les régions défavorisées de l’Italie autorisé du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2006

6        Le 18 novembre 1999, en application de l’article 88, paragraphe 3, CE, les autorités italiennes ont notifié à la Commission, qui l’a enregistré sous le numéro N 715/99, un projet de régime d’aides applicable à compter du 1er janvier 2000 et fondé sur la loi n° 488/1992.

7        Cette notification a été suivie d’un échange de correspondance entre la Commission et les autorités italiennes et d’une réunion entre des représentants du gouvernement italien et les services de la Commission le 16 mai 2000.

8        Parmi la correspondance échangée figure une lettre des autorités italiennes du 3 avril 2000. Dans cette lettre, le MICA faisait valoir que, au cas où la Commission maintiendrait sa position selon laquelle le principe de l’éligibilité à l’aide des dépenses engagées à compter du jour suivant la date de clôture de l’avis de présentation des demandes d’aides précédent est contraire au principe de nécessité des aides d’État, il serait indispensable, compte tenu de la modification considérable qui serait ainsi apportée au régime d’aides tel qu’il s’appliquait par le passé, que la possibilité de prise en compte rétroactive des dépenses engagées à compter de la date de clôture de l’avis précédent fasse l’objet d’une mesure transitoire, limitée à la seule première application du nouveau régime.

9        Parmi cette correspondance figure également une lettre de la Commission du 29 mai 2000 (ci-après la «lettre du 29 mai 2000»).

10      Dans cette lettre, la Commission se réfère à la réunion du 16 mai précédent, au regard de laquelle les autorités italiennes auraient présenté «la proposition de prévoir une disposition de transition pour le régime en question, pour la seule première phase de l’application de ce régime, sur la base de laquelle on aurait voulu reconnaître la rétroactivité des dépenses éligibles à l’aide depuis la date de clôture du dernier avis ayant eu lieu». Cette proposition viserait «à éviter toute discontinuité entre le précédent régime et le nouveau régime, principalement en raison de l’attente légitime des entreprises (initiatives) qui seraient concernées par ladite règle transitoire et qui appartiendraient à deux catégories distinctes: a) celles pour lesquelles a été présenté une demande au titre du dernier avis utile, favorablement instruites par les banques concessionnaires et inscrites dans les tableaux régionaux, mais qui n’ont pas obtenu d’aide en raison de l’insuffisance des ressources financières; b) celles pour lesquelles une demande n’a pas encore été présentée, bien que l’exécution du projet d’investissements soit déjà entamée».

11      S’agissant de cette catégorie, sous a), la Commission invite les autorités italiennes, dans la lettre du 29 mai 2000, «à s’engager à considérer, exclusivement pour la première phase d’application du nouveau régime, les demandes en suspens dans le cadre du dernier avis intervenu, exactement comme ayant été instruites favorablement et inscrites dans les derniers tableaux». En ce qui concerne ladite catégorie, sous b), elle convie lesdites autorités à retirer la proposition relative à l’éligibilité du projet d’investissements dans les cas où l’exécution du projet a été entamée antérieurement à la demande d’aide, cette proposition n’étant pas conforme aux lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale (JO 1998, C 74, p. 9).

12      Les autorités italiennes ont par la suite modifié leur projet de régime d’aides.

13      Par la décision litigieuse, notifiée à la République italienne par lettre du 2 août 2000, la Commission a décidé de ne pas soulever d’objection à l’encontre de ce régime d’aides jusqu’au 31 décembre 2006 (ci-après le «régime d’aides 2000-2006»).

14      La décision litigieuse comporte une disposition visant spécifiquement à approuver les mesures dudit régime d’aides qui assurent une transition avec le régime d’aides 1997-1999 (ci-après la «disposition transitoire»). Cette disposition est ainsi libellée:

«Seulement à l’occasion de la première application du régime en cause, c’est-à-dire lors du premier avis qui sera organisé au titre de ce régime, et sous réserve, en tout état de cause, que les demandes d’aide aient été introduites avant le début d’exécution des projets d’investissements, les demandes introduites au titre du dernier avis organisé sous le [régime d’aides 1997-1999] qui ont été considérées comme éligibles à l’aide, mais pour lesquelles aucune aide n’a été octroyée à cause de la limitation des ressources budgétaires allouées à cet avis, seront admises à titre exceptionnel.»

15      À la suite de cette décision, le MICA a adopté le décret portant mesures maximales consenties quant aux subventions en faveur des activités productives dans les régions défavorisées du pays visées par la loi n° 488/1992 pour les régions de Basilicate, de Calabre, de Campanie, des Pouilles, de Sardaigne et de Sicile (misure massime consentite relative alle agevolazioni in favore delle attività produttive nelle aree depresse del Paese di cui alla legge n. 488/1992 per le regioni Basilicata, Calabria, Campania, Puglia, Sardegna e Sicilia), du 14 juillet 2000 (GURI n° 166, du 18 juillet 2000, p. 49), et la circulaire n° 9003, du 14 juillet 2000 (supplément ordinaire à la GURI n° 175, du 28 juillet 2000), aux fins de préciser les modalités d’exécution du régime d’aides 2000-2006.

16      L’article unique, paragraphe 2, premier alinéa, de ce décret prévoit que les aides peuvent être accordées «sur la base [...] des dépenses considérées comme éligibles dans le cadre des programmes relatifs au dernier avis utile, qui ont fait l’objet d’une appréciation favorable, mais qui n’ont pas été subventionnées en raison de l’insuffisance des fonds».

 Les antécédents du litige

17      Dans le cadre du régime d’aides 1997-1999, le MICA a publié, le 1er décembre 1997, le troisième avis de présentation des demandes d’aides, secteur industrie, correspondant au premier semestre 1998 (ci-après le «troisième avis»).

18      Les entreprises intéressées avaient jusqu’au 16 mars 1998 pour présenter leurs demandes d’aides. Elles pouvaient demander le financement des dépenses exposées à compter du jour suivant la clôture du délai d’introduction des demandes d’aides présentées au titre de l’avis précédent (deuxième avis), soit le 1er janvier 1997.

19      Nuova Agricast et Cofra ont chacune présenté une demande d’aide pour un projet d’investissement au titre du troisième avis. Le montant total des dépenses prévues s’élevait respectivement à 9 516 000 000 ITL et à 8 062 000000 ITL. Chacune de ces sommes incluait des dépenses exposées avant la présentation de la demande d’aide en cause, mais après la date de clôture de l’avis précédent.

20      Ces demandes, jugées éligibles, ont été inscrites au tableau de classement des demandes pour la région des Pouilles par deux décrets du MICA du 14 août 1998. Néanmoins, compte tenu du rang de classement desdites demandes, les requérantes n’ont pas obtenu l’aide sollicitée, faute de fonds suffisants.

21      Ces décrets indiquaient que, conformément au décret n° 527/95, du 20 octobre 1995, tel que modifié par le décret n° 319, du 31 juillet 1997, les demandes classées en rang non utile pour l’obtention d’une aide dans le cadre du troisième avis seraient inscrites automatiquement, inchangées, dans le tableau relatif au quatrième avis de présentation des demandes d’aides, secteur industrie, correspondant au second semestre 1998 (ci-après le «quatrième avis»), en maintenant valides, aux fins de l’éligibilité des dépenses à l’aide, les conditions applicables à la demande initiale. Ils précisaient également que si une entreprise entendait maintenir valides les conditions d’éligibilité des dépenses à l’aide et, en même temps, reformuler sa demande d’aide, elle devrait renoncer à cette inscription automatique et représenter sa demande dans les délais de présentation relatifs au seul cinquième avis de présentation des demandes d’aides, correspondant au premier semestre 1999, qui devaient être fixés par décret.

22      Dans l’intervalle, le quatrième avis avait été publié. Nuova Agricast et Cofra ont renoncé à l’inscription automatique de leurs demandes au tableau afférent au quatrième avis, afin de pouvoir présenter à nouveau une demande reformulée au titre du premier avis utile suivant cet avis.

23      Toutefois, aucun avis utile n’a été publié par les autorités italiennes avant le 31 décembre 1999, date jusqu’à laquelle le régime d’aides 1997-1999 avait été approuvé par la Commission.

24      Le 14 juillet 2000, soit postérieurement à l’entrée en vigueur du régime d’aides 2000-2006, les autorités italiennes ont publié le huitième avis de présentation des demandes d’aides, secteur industrie (ci-après le «huitième avis»).

25      Compte tenu des conditions en vigueur dans le cadre du régime d’aides 2000-2006, les demandes reformulées des requérantes, qui ne pouvaient pas bénéficier de la disposition transitoire figurant dans la décision litigieuse, ont été jugées irrecevables et n’ont pas été inscrites au tableau afférent au huitième avis.

26      Les requérantes, conjointement avec d’autres entreprises italiennes dans la même situation, ont alors introduit un premier recours devant le Tribunal afin d’obtenir l’annulation de la décision litigieuse. Par ordonnance du 15 juin 2005, SIMSA e.a./Commission (T-98/04), le Tribunal a rejeté ce recours comme irrecevable, au motif qu’il avait été introduit après l’expiration du délai de deux mois prévu à l’article 230, cinquième alinéa, CE.

27      Par ailleurs, Nuova Agricast a introduit un recours devant le Tribunale ordinario di Roma aux fins de voir condamner le Ministero delle Attività Produttive, qui a repris les attributions du MICA, à réparer le préjudice qu’elle prétend avoir subi du fait de la non-perception de l’aide sollicitée. Elle a notamment soutenu dans ce contexte que, lors des discussions avec la Commission en vue d’obtenir le renouvellement du régime d’aides après le 31 décembre 1999, l’État italien n’avait pas correctement sauvegardé les droits acquis des entreprises qui, comme elle, avaient renoncé lors du troisième avis à l’inscription automatique au tableau afférent au quatrième avis en vue de présenter une demande reformulée au titre du premier avis utile suivant celui-ci.

28      Dans le cadre de cette procédure, le Tribunale ordinario di Roma, par décision du 14 juin 2006, a introduit une demande de décision préjudicielle, laquelle portait sur la validité de la décision litigieuse au regard du principe d’égalité de traitement et de l’obligation de motivation. Par arrêt du 15 avril 2008, Nuova Agricast (C-390/06, Rec. p. I-2577), la Cour a répondu à cette demande que l’examen de la question posée n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de la décision litigieuse.

29      Dans son analyse de la validité de la décision litigieuse au regard du principe d’égalité de traitement, la Cour a constaté, au point 62 dudit arrêt, que la Commission devait connaître l’existence tant des entreprises, telle Nuova Agricast, dont la demande d’aide avait été inscrite au tableau afférent au troisième avis, qui n’avaient pas obtenu l’aide demandée au titre de cet avis en raison de l’insuffisance des fonds disponibles et qui avaient alors renoncé à l’inscription automatique au tableau afférent au quatrième avis en vue de présenter une demande reformulée au titre du premier avis utile suivant cet avis (ci-après les «entreprises de la première catégorie») que de celles dont la demande avait été inscrite au tableau afférent au quatrième avis, qui n’avaient pas obtenu l’aide demandée en raison de l’insuffisance des fonds disponibles (ci-après les «entreprises de la deuxième catégorie»).

30      La Cour a cependant conclu, aux points 77 et 78 du même arrêt, que la Commission, en autorisant le régime d’aides 2000-2006, en vertu duquel seules les entreprises de la deuxième catégorie pouvaient bénéficier de la disposition transitoire figurant dans la décision litigieuse, n’a pas violé le principe d’égalité de traitement dès lors que les entreprises de cette catégorie et celles de la première catégorie ne se trouvaient pas dans une situation comparable.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

31      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 21 septembre 2005, Nuova Agricast et Cofra ont introduit chacune un recours tendant à obtenir la condamnation de la Commission à réparer le préjudice qu’elles prétendent avoir subi en raison de l’adoption de la décision litigieuse. Les deux affaires ont été jointes aux fins de la procédure orale ainsi que de l’arrêt.

32      Par décisions du 1er mars 2006, le Tribunal a partiellement admis une demande de mesure d’organisation de la procédure formulée par la Commission et a invité celle-ci à se concentrer dans ses conclusions écrites, d’une part, sur la question de la recevabilité des recours et, d’autre part, sur les questions relatives à l’existence de comportements illicites imputables à cette institution, à la réalité et à la nature des préjudices allégués ainsi qu’au lien de causalité entre lesdits comportements reprochés et ces préjudices.

33      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté les recours et a condamné les requérantes aux dépens.

34      Aux points 48 à 51 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a d’abord déclaré irrecevables les chefs de conclusions de la Commission tendant à ce que l’expression «falso ideologico» (faux intellectuel), utilisée par les requérantes pour qualifier la lettre du 29 mai 2000, soit supprimée de leurs mémoires.

35      Dans ce contexte, le Tribunal a relevé que les requérantes prétendent, en substance, que dans cette lettre la Commission a sciemment occulté le fait que les autorités italiennes aient cherché à protéger la situation non seulement des entreprises ayant participé au quatrième avis, mais également celle des entreprises ayant participé au troisième avis. Il a constaté, à cet égard, que le «faux» que les requérantes prétendent avoir identifié dans ladite lettre ne s’y trouve pas étant donné que celle-ci fait la distinction entre le champ d’application large de la mesure transitoire envisagée par les autorités italiennes et l’invitation de la Commission faite à ces autorités tendant à voir le champ d’application de cette mesure réduit aux seules entreprises ayant participé au dernier avis intervenu. Le Tribunal a cependant considéré qu’il ne lui appartient pas de restreindre la liberté d’expression dont bénéficient les parties, dans la limite du respect des règles déontologiques, limite qui n’est pas franchie en l’espèce dans la mesure où les requérantes ont expressément indiqué qu’elles ne prétendaient pas que la Commission avait commis un faux intellectuel au sens du droit pénal italien.

36      S’agissant ensuite des demandes en réparation, le Tribunal, après avoir constaté qu’il convient de se prononcer d’abord sur le fond des recours et non sur la recevabilité de ceux-ci, laquelle avait été contestée par la Commission, a examiné, aux points 76 à 96 de l’arrêt attaqué, si la condition relative à l’illégalité du comportement reproché à cette institution est satisfaite.

37      L’argumentation principale des requérantes tendant à démontrer que la Commission aurait commis diverses illégalités résultant du fait que, dans la lettre du 29 mai 2000, elle a invité les autorités italiennes à modifier leur projet de mesure transitoire et qu’elle a adopté la décision litigieuse, a été rejetée aux points 80 à 84 de l’arrêt attaqué dans les termes suivant:

«80      S’agissant de l’argumentation principale des requérantes […], elle est, en substance, fondée sur la prémisse selon laquelle, par la décision [de] 1997, la Commission a décidé de ne pas soulever d’objections à l’égard de la seconde participation des requérantes à un avis de mise en œuvre du régime d’aides fondé sur la loi n° [488/1992] qui serait lancé après le 31 décembre 1999. À cet égard, il convient de rappeler que le principe général posé par l’article 87, paragraphe 1, CE est celui de l’interdiction des aides d’État. Selon la jurisprudence, les dérogations à ce principe sont d’interprétation stricte (arrêt [du Tribunal du 14 janvier 2004,] Fleuren Compost/Commission, [T‑109/01, Rec. p. II‑127,] point 75). Afin de déterminer si une aide relève du champ d’application temporel d’une décision de ne pas soulever d’objections à un régime d’aides, il convient d’examiner si cette aide peut être considérée comme ayant été accordée avant la date d’expiration de cette décision, le critère pertinent à cet égard étant celui de l’acte juridiquement contraignant par lequel l’autorité nationale compétente s’engage à accorder l’aide (voir, en ce sens, arrêt Fleuren Compost/Commission, [précité], points 68 et 71 à 74). Il s’ensuit qu’une décision de ne pas soulever d’objections à un régime d’aides ne concerne que l’octroi effectif des aides relevant de ce régime, l’autorité nationale concernée devant s’engager à accorder l’aide en cause avant l’expiration de cette décision.

81      Par conséquent, en l’espèce, quand bien même, dans la décision [de] 1997, la Commission ne s’est pas opposée à ce que le régime d’aides [1997-1999] permette aux requérantes de présenter une demande d’aide reformulée dans le cadre d’un avis utile postérieur au quatrième avis, il était nécessaire, afin de relever du champ d’application de cette décision, que, d’une part, cette seconde participation intervienne avant que l’autorisation accordée par cette décision n’expire et que, d’autre part, les autorités italiennes s’engagent à attribuer l’aide demandée dans le cadre de cette seconde participation également avant cette expiration. Or, il est constant que, par la décision [de] 1997, la Commission a décidé de ne pas soulever d’objections au régime d’aides [1997-1999] jusqu’au 31 décembre 1999. Il est également constant qu’aucun avis permettant la seconde participation des requérantes n’a été publié avant le 1er janvier 2000 et que, avant cette date, les autorités italiennes n’ont adopté aucun acte contraignant par lequel elles s’engageaient à octroyer aux requérantes les aides demandées.

82      En outre, il est exclu, comme l’indique à bon droit la Commission, que la simple possibilité de participer une seconde fois à un avis dans le cadre duquel une aide pourrait éventuellement être attribuée suffise à permettre de considérer que les aides demandées ont été accordées lorsque cette possibilité a été offerte. Tant le libellé de la décision [de] 1997 que la règle d’interprétation stricte des dérogations au principe général d’interdiction des aides d’État posé par l’article 87, paragraphe 1, CE s’opposent à une telle extension du champ d’application temporel du régime d’aides approuvé. De plus, il est constant que les requérantes n’avaient aucune certitude, si elles présentaient une demande reformulée, de se voir accorder les aides demandées.

83      Par conséquent, le ‘droit à la reformulation’ auquel les requérantes se réfèrent, à supposer qu’il existe, n’était couvert par la décision [de] 1997 que dans la mesure où il était exercé avant le 1er janvier 2000 et dans la mesure où les autorités italiennes se seraient engagées, avant cette date, à accorder aux requérantes les aides qu’elles auraient demandées pour la seconde fois. Or, comme déjà indiqué précédemment, il est constant que tel n’a pas été le cas.

84      La décision [de] 1997 ne pouvant être considérée comme autorisant les requérantes à présenter une demande d’aide reformulée dans le cadre d’un avis publié après l’expiration de cette décision, la prémisse du raisonnement des requérantes est erronée. Dès lors, l’ensemble des arguments que les requérantes fondent sur cette prémisse doivent être écartés comme non fondés.»

38      Aux points 85 à 87 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a ajouté que cette conclusion n’est pas remise en cause par la solution retenue dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission (C-182/03 et C-217/03, Rec. p. I-5479), invoqué par les requérantes, dès lors que les circonstances dans les deux affaires sont substantiellement différentes.

39      Ayant par la suite rejeté, aux points 88 à 95 de l’arrêt attaqué, les arguments présentés à titre subsidiaire par les requérantes, le Tribunal a enfin conclu, aux points 96 et 97 de cet arrêt, que celles-ci n’ont pas établi que la Commission aurait commis une violation suffisamment caractérisée de nature à engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté européenne et que, par conséquent, les recours doivent être rejetés.

 Les conclusions des parties devant la Cour

40      Nuova Agricast et Cofra demandent à la Cour, à titre principal:

–        d’annuler l’arrêt attaqué, également en ce qu’il énonce qu’aucun faux ne se trouverait dans la lettre du 29 mai 2000 et, partant, de rejeter quant au fond la demande reconventionnelle de la Commission visant la suppression de l’expression «falso ideologico»;

–        statuant sur les questions comprises dans les mesures d’organisation de la procédure prises par le Tribunal par décisions du 1er mars 2006, de constater que, en adoptant les comportements indiqués dans les requêtes de première instance, la Commission a violé de manière grave et manifeste le droit de l’Union et leur a causé un préjudice patrimonial;

–        de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur les questions non comprises dans ces mesures d’organisation de la procédure,

–        et, s’agissant des dépens:

i)      si l’arrêt de la Cour peut être considéré comme définitif, au moins sur les questions comprises dans les mesures d’organisation de la procédure prises par le Tribunal par décisions du 1er mars 2006, condamner la Commission aux dépens des deux instances, ou

ii)      dans l’hypothèse où cet arrêt, bien qu’il se prononce sur toutes les questions comprises dans ces mesures d’organisation de la procédure, ne pourrait pas être considéré comme définitif puisqu’un renvoi devant le Tribunal est en tout état de cause nécessaire aux fins de la solution des questions non comprises dans lesdites mesures d’organisation de la procédure, de réserver les dépens.

41      Nuova Agricast et Cofra demandent, à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour considérerait que l’affaire n’est pas en état d’être jugée, de renvoyer celle-ci devant le Tribunal.

42      La Commission demande à la Cour

–        de rejeter le pourvoi comme irrecevable;

–        à titre subsidiaire, de rejeter celui-ci comme dénué de fondement;

–        à titre alternatif, de rejeter comme irrecevable la demande d’indemnisation présentée en première instance;

–        à titre tout à fait subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour reprendre la procédure, conformément à l’article 61 du statut de la Cour de justice, et

–        de condamner les requérantes aux dépens.

 Sur le pourvoi

43      Au soutien de leur pourvoi, les requérantes invoquent trois moyens. Par les premier et deuxième moyens, elles font valoir que c’est à tort que le Tribunal a rejeté, aux points 80 à 84 de l’arrêt attaqué, la prémisse de leur argumentation principale selon laquelle la décision de 1997 doit être interprétée comme une autorisation pour des entreprises se trouvant dans leur situation de présenter une demande reformulée dans le cadre d’un avis publié même après le 31 décembre 1999. Le troisième moyen est tiré de ce que le Tribunal, aux points 50 et 51 dudit arrêt, aurait dénaturé le contenu de la lettre du 29 mai 2000.

 Sur la recevabilité

 Argumentation des parties

44      La Commission excipe de l’irrecevabilité du pourvoi au motif que les trois moyens invoqués par les requérantes à son soutien sont irrecevables.

45      Ainsi, les premier et deuxième moyens seraient irrecevables dès lors qu’ils n’indiqueraient pas assez clairement quels sont les éléments de l’arrêt attaqué qui sont critiqués. Ces moyens seraient, en outre, irrecevables dans la mesure où ils ne dénonceraient pas de violation du droit de l’Union, mais concerneraient des questions de droit italien ou, tout au moins, le comportement des autorités italiennes. Une éventuelle erreur commise par le Tribunal dans l’interprétation du droit national ne constituerait pas une violation du droit de l’Union, mais serait assimilable à une erreur de fait, qui, sauf dénaturation, ne saurait être invoquée au stade du pourvoi.

46      Quant au troisième moyen, celui-ci serait irrecevable en ce qu’il viserait une décision non susceptible de pourvoi et en ce qu’il contesterait des appréciations de fait effectuées par le Tribunal. Par ailleurs, les requérantes n’auraient pas d’intérêt à former un pourvoi à cet égard étant donné qu’elles n’ont pas succombé sur ce point.

47      Les requérantes estiment que le pourvoi est recevable et expliquent, notamment, que les premier et deuxième moyens mettent en cause l’interprétation erronée faite par le Tribunal de la décision de 1997 et, en particulier, de la disposition dont résulte la date d’échéance de l’autorisation donnée par cette décision au régime d’aides 1997-1999.

 Appréciation de la Cour

48      Il résulte des articles 225 CE, 51, premier alinéa, du statut de la Cour de justice et 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (voir arrêts du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C-352/98 P, Rec. p. I‑5291, point 34; du 8 janvier 2002, France/Monsanto et Commission, C-248/99 P, Rec. p. I-1, point 68, ainsi que du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-189/02 P, C-202/02 P, C‑205/02 P à C-208/02 P et C-213/02 P, Rec. p. I-5425, point 426).

49      À cet égard, il convient de constater que, si certains passages de l’argumentation développée par les requérantes dans le contexte de leurs premier et deuxième moyens manquent certes de rigueur, cette argumentation apparaît toutefois, dans son ensemble, suffisamment claire pour pouvoir identifier avec la précision requise les éléments critiqués de l’arrêt attaqué ainsi que les arguments juridiques invoqués au soutien de cette critique et permet, en conséquence, à la Cour d’effectuer son contrôle de la légalité.

50      S’agissant du deuxième grief d’irrecevabilité tiré de ce que les premier et deuxième moyens du pourvoi viseraient à faire constater une erreur commise par le Tribunal dans l’interprétation d’un acte national, à savoir le régime d’aides 1997-1999, il suffit de constater que tel n’est pas le cas. En effet, ainsi que l’ont souligné les requérantes, par ces moyens elles invoquent l’interprétation prétendument erronée du champ d’application temporel de la décision de 1997, et donc d’un acte de la Commission.

51      Il résulte de ce qui précède que les premier et deuxième moyens du pourvoi sont recevables. Par conséquent, et sans qu’il soit besoin d’examiner à ce stade les griefs invoqués à l’égard de la recevabilité du troisième moyen, l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission en tant qu’elle porte sur le pourvoi dans son ensemble doit être rejetée.

 Sur le fond

 Sur les premier et deuxième moyens

–       Argumentation des parties

52      Par le premier moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en interprétant la décision de 1997 de façon incompatible avec les principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement. Elles considèrent notamment que si la décision de 1997 est interprétée, comme l’a fait le Tribunal, en ce sens qu’elle ne contient pas d’autorisation pour le lancement d’un avis de présentation des demandes d’aides ad hoc après le 31 décembre 1999 réservé aux entreprises ayant reçu sous le régime d’aides 1997-1999 l’assurance de pouvoir participer à nouveau, moyennant inscription automatique ou reformulation, à un avis ultérieur, cette décision est illégale en ce qu’elle a autorisé un régime d’aides qui viole lesdits principes. En effet, un régime d’aides tel qu’interprété, en ce qui concerne sa durée, par le Tribunal serait ontologiquement destiné à sacrifier des positions juridiques favorables attribuées par des mesures régulièrement autorisées.

53      Les requérantes se réfèrent dans ce contexte à l’hypothèse où un avis de présentation des demandes d’aides aurait été lancé dans la seconde moitié de l’année 1999. Les entreprises qui auraient participé pour la première fois à cet avis en se qualifiant à un rang non utile pour l’obtention d’une aide auraient reçu l’assurance, tout comme les entreprises ayant participé à un avis précédent, de pouvoir bénéficier de la possibilité d’une seconde participation moyennant inscription automatique ou reformulation. Or, il aurait été d’emblée impossible que cette seconde participation intervienne avant le 31 décembre 1999.

54      Les requérantes concluent qu’un régime d’aides qui fournit des assurances précises quant au fait qu’une entreprise pourra représenter une demande d’aide, mais qui est interprété et appliqué de manière à rendre logiquement impossible la présentation de celle-ci, ne saurait être considéré conforme aux principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime. Par ailleurs, un tel régime violerait le principe d’égalité de traitement en ce que seulement certaines entreprises, et notamment celles qui auraient participé pour la première fois à un avis lancé dans la seconde moitié de l’année 1999, n’auraient pas pu bénéficier de la possibilité d’une seconde participation.

55      Enfin, les requérantes estiment que la Cour, aux points 50 et 51 de l’arrêt Nuova Agricast, précité, a déjà indirectement réfuté l’argument de la Commission selon lequel la confiance engendrée par des dispositions nationales régissant un régime d’aides ne pourrait pas lui être imputée, en jugeant notamment qu’une aide qui, par certaines de ses modalités, viole les principes généraux du droit de l’Union ne saurait être déclarée compatible avec le marché commun par la Commission. En effet, les modalités auxquelles se réfère la Cour seraient forcément celles prévues par les dispositions nationales régissant ce régime d’aides. Ainsi, en autorisant ces dispositions la Commission devrait assumer la responsabilité qui peut découler de celles-ci.

56      Par le deuxième moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en manquant à l’obligation de préférer une interprétation de la décision de 1997 conforme aux principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement. Elles considèrent que cette décision est suffisamment ambiguë pour permettre une interprétation dans le sens proposé par elles-mêmes, laquelle aurait été la seule respectueuse desdits principes.

57      Selon les requérantes, le simple fait que ladite décision indique, sans autres précisions, que la date d’échéance de l’autorisation donnée au régime d’aides 1997-1999 est le 31 décembre 1999, n’était pas suffisant, dans le contexte spécifique de ce régime, pour lever toute ambiguïté en ce qui concerne la question de savoir si les entreprises ayant obtenu sous celui-ci l’assurance de pouvoir présenter pour une seconde fois leur demande d’aide, moyennant inscription automatique ou reformulation, pouvaient exercer ce droit dans le contexte d’un avis lancé après cette date dans le cas où aucun avis utile n’aurait eu lieu avant. En effet, une décision de ne pas soulever d’objections en ce qui concerne un régime d’aides d’État devrait être lue en combinaison avec les modalités particulières d’exécution du régime en question. Lorsque, comme en l’espèce, ces modalités prévoient la possibilité de participer une seconde fois avec maintien des conditions d’éligibilité des dépenses prévues pour la première participation sans indiquer de date d’expiration, cette circonstance devrait être prise en compte lors de l’interprétation du champ d’application temporel de ladite décision.

58      Les requérantes allèguent, par ailleurs, que dans une lettre du 15 septembre 2006 le gouvernement italien, en réponse à une demande d’éclaircissement de la Commission concernant le régime d’aides applicable à partir de l’année 2007 dont l’autorisation était sollicitée, a embrassé la thèse défendue par les requérantes selon laquelle la première demande d’aide détermine la procédure et la réglementation à appliquer également à la seconde demande, laquelle constitue seulement la continuation de la procédure déjà engagée par la première. La Commission ne se serait pas opposée à cette thèse et aurait autorisé ledit régime.

59      La Commission estime que les premier et deuxième moyens sont dénués de fondement.

60      Selon elle, bien que le Tribunal n’en ait pas fait mention lors de son examen de la prémisse des requérantes, la solution à laquelle il est parvenu s’impose à la lumière de l’arrêt Nuova Agricast, précité. En effet, même si la Cour n’avait examiné ex professo que la prétendue violation du principe d’égalité de traitement et de l’obligation de motivation, le raisonnement développé aux points 66 à 78 de cet arrêt reposerait sur l’interprétation de la décision de 1997 et l’approbation du régime d’aides 1997-1999 découlant de cette décision. La Cour aurait considéré que seules les entreprises de la deuxième catégorie avaient un droit absolu à voir leur demande automatiquement inscrite lors de l’avis suivant. Ce ne serait donc que pour ces entreprises que la Commission était tenue d’autoriser, à titre transitoire, la participation au premier avis suivant, même s’il était lancé après le 31 décembre 1999, date d’échéance de l’autorisation accordée par la décision de 1997.

61      En se référant au point 75 dudit arrêt, la Commission soutient, en outre, qu’admettre les demandes des entreprises de la première catégorie, telles que les requérantes, au premier avis du nouveau régime d’aides aurait donné de meilleures chances à celles-ci d’obtenir l’aide demandée par rapport aux entreprises concourant pour la première fois, pour lesquelles la nécessité de l’aide n’était pas sujette à caution. Afin d’éviter de telles conséquences inacceptables, la Commission aurait été obligée, en application du principe de nécessité, de déclarer incompatible le nouveau régime d’aides si celui-ci avait permis d’admettre les demandes reformulées des entreprises ayant participé au troisième avis. Il découlerait donc du même arrêt que les requérantes n’auraient pu en aucun cas être autorisées à participer à un avis relevant de ce nouveau régime. Une solution juridiquement obligée ne saurait en même temps être illégale, ce qui exclurait d’emblée toute responsabilité de la Commission.

–       Appréciation de la Cour

62      Par leurs premier et deuxième moyens, les requérantes font, en substance, valoir que le Tribunal, afin que soient respectés les principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement, était tenu d’interpréter la décision de 1997 en ce sens que celle-ci comportait l’autorisation pour le lancement d’un avis de présentation des demandes d’aides ad hoc après le 31 décembre 1999, date d’échéance de l’autorisation donnée par cette décision au régime d’aides 1997-1999, réservé aux entreprises des première et deuxième catégories, de sorte que les requérantes auraient dû être considérées comme autorisées à présenter leur demande reformulée au premier avis utile sous le régime d’aides 2000-2006, à savoir le huitième avis.

63      Pour apprécier le bien-fondé de ces moyens, il convient d’examiner si la décision de 1997, lorsqu’elle est interprétée en ce sens qu’elle ne comporte pas l’autorisation pour le lancement d’un tel avis ad hoc, viole, ainsi que le prétendent les requérantes, lesdits principes.

64      Dans le cadre de cet examen, il importe non seulement de considérer le texte même de ladite décision, dont seul un résumé à été publié au Journal officiel des Communautés européennes, mais également de tenir compte du régime d’aides 1997-1999, tel que notifié (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2010, Todaro Nunziatina & C., C-138/09, non encore publié au Recueil, point 31).

65      Il y a, par ailleurs, lieu de rappeler dans ce contexte qu’une aide d’État qui, par certaines de ses modalités, viole les principes généraux du droit de l’Union, tels les principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement, ne saurait être déclarée compatible avec le marché commun par la Commission (voir arrêt Nuova Agricast, précité, point 51).

66      En outre, contrairement à ce que soutient la Commission, la compatibilité de la décision de 1997 et du régime d’aides 1997-1999 avec lesdits principes ne découle pas de l’arrêt Nuova Agricast, précité.

67      En effet, si la Cour a constaté dans cet arrêt que la décision litigieuse, qui a autorisé les mesures transitoires dans le cadre du régime d’aides 2000-2006, n’enfreint pas le principe d’égalité de traitement du fait qu’elle traite différemment les entreprises des première et deuxième catégories, elle ne s’est nullement prononcée sur la compatibilité de cette décision ou de la décision de 1997 avec d’autres principes, tels que notamment les principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique. Elle a, au contraire, souligné, au point 44 dudit arrêt, que même si Nuova Agricast a, dans la procédure au principal, soulevé d’autres motifs d’invalidité de la décision litigieuse, il n’y a pas lieu d’étendre l’examen de la validité de celle-ci au regard de ces autres motifs d’invalidité, non visés par la juridiction de renvoi.

68      Au surplus, la constatation par la Cour, aux points 67 à 78 de l’arrêt Nuova Agricast, précité, selon laquelle les entreprises de la première catégorie et celles de la deuxième catégorie n’étaient pas dans une situation comparable au regard de l’exigence de nécessité des aides d’État ne fait pas obstacle, en tant que telle, à une obligation éventuelle de la Commission d’autoriser des dispositions transitoires également pour les entreprises de la première catégorie afin de respecter notamment le principe de protection de la confiance légitime.

69      Ainsi, pour autant que les entreprises de la première catégorie peuvent effectivement se prévaloir dudit principe, l’autorisation de telles dispositions transitoires pouvait, le cas échéant, s’imposer même si ces entreprises ne se trouvaient pas dans une situation comparable à celles de la seconde catégorie. La Cour a notamment déjà jugé que, en l’absence d’intérêt public péremptoire, la Commission, en n’assortissant pas la suppression d’une réglementation de mesures transitoires protégeant la confiance que l’opérateur pouvait légitimement avoir dans la réglementation de l’Union, viole une règle supérieure de droit (voir, en ce sens, arrêt Belgique et Forum 187/Commission, précité, point 149 et jurisprudence citée).

70      Il convient, par ailleurs, de rappeler que la Cour a constaté que la Commission devait connaître l’existence tant des entreprises de la première catégorie que de celles de la deuxième catégorie (arrêt Nuova Agricast, précité, point 62).

71      Quant à la question de la compatibilité de la décision de 1997 et du régime d’aides 1997-1999 avec le principe de protection de la confiance légitime, la Cour a itérativement jugé que le droit de se prévaloir de celui-ci s’étend à tout justiciable dans le chef duquel une institution de l’Union a fait naître des espérances fondées. Cependant, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies cette institution. En outre, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice dudit principe lorsque cette mesure est adoptée (voir, en ce sens, arrêts Belgique et Forum 187/Commission, précité, point 147 et jurisprudence citée, ainsi que du 17 septembre 2009, Commission/ Koninklijke FrieslandCampina, C-519/07 P, Rec. p. I‑8495, point 84).

72      En l’espèce, la décision de 1997, telle que publiée au Journal officiel des Communautés européennes, indiquait sous le titre «Durée» la date du 31 décembre 1999.

73      Contrairement à ce que font valoir les requérantes, un opérateur économique prudent et avisé, lequel est censé connaître ladite décision, pouvait déduire de cette indication que la possibilité de pouvoir participer, par inscription automatique ou reformulation en application des modalités du régime d’aides 1997-1999, à un avis postérieur à celui dans le cadre duquel la demande d’aide a été introduite, était limitée par la durée de l’autorisation accordée à ce régime.

74      Il convient notamment de relever à cet égard que, au vu du fait que la décision de 1997, en autorisant ledit régime, dérogeait au principe général d’incompatibilité des aides d’État avec le marché commun, énoncé à l’article 87, paragraphe 1, CE, un tel opérateur ne pouvait raisonnablement s’attendre à ce que cette décision autoriserait, contrairement au principe selon lequel de telles dérogations doivent faire l’objet d’une interprétation stricte, l’attribution d’aides même après la date indiquée dans celle-ci (voir arrêts du 29 avril 2004, Allemagne/Commission, C-277/00, Rec. p. I-3925, point 20, ainsi que du 23 février 2006, Atzeni e.a., C-346/03 et C-529/03, Rec. p. I-1875, point 79).

75      En tout état de cause, devant l’indication, dans la décision de 1997, d’une date d’échéance pour l’autorisation du régime d’aides 1997-1999, il ne saurait être soutenu que les requérantes auraient obtenu de la part de la Commission l’assurance précise de pouvoir présenter leur demande d’aide reformulée lors d’un avis lancé après cette date. En outre, les requérantes ne pouvaient légitimement s’attendre à ce que la Commission accorderait, après ladite date, une nouvelle autorisation à un régime d’aides d’État avec les mêmes modalités que celles prévues par le régime d’aides 1997-1999.

76      Dans ces conditions, force est de constater que même si les dispositions nationales régissant les modalités dudit régime et les actes adoptés dans le cadre du troisième avis ne signalaient pas expressément une date d’échéance pour l’exercice de la possibilité d’une nouvelle participation, moyennant inscription automatique ou reformulation, à un avis ultérieur, les requérantes ne pouvaient placer une confiance légitime dans le fait de pouvoir recourir à cette possibilité après le 31 décembre 1999.

77      S’agissant, ensuite, du principe de sécurité juridique, celui-ci implique que la législation de l’Union soit certaine et que son application soit prévisible pour les justiciables (arrêts du 15 décembre 1987, Irlande/Commission, 325/85, Rec. p. 5041, point 18; du 15 février 1996, Duff e.a., C-63/93, Rec. p. I-569, point 20, ainsi que Belgique et Forum 187/Commission, précité, point 69). Or, il résulte des points 73 à 75 du présent arrêt que, en raison de l’indication d’une date d’échéance dans la décision de 1997, il était prévisible pour les entreprises susceptibles de bénéficier du régime d’aides 1997-1999 que, après cette date, plus aucun avis de présentation des demandes d’aides ne pouvait être lancé en application dudit régime.

78      Enfin, en ce qui concerne la compatibilité de la décision de 1997 et du régime d’aides 1997-1999 avec le principe d’égalité de traitement, il convient de rappeler que ce principe s’oppose, notamment, à ce que des situations comparables soient traitées de manière différente, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir, notamment, arrêt du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C-413/08 P, non encore publié au Recueil, point 40 et jurisprudence citée).

79      En l’occurrence, les requérantes font valoir que, si la décision de 1997 est interprétée en ce sens qu’elle n’autorise pas le lancement d’un avis ad hoc après le 31 décembre 1999 réservé aux entreprises qui n’ont pas obtenu l’aide demandée sous le régime d’aides 1997-1999 en raison de l’insuffisance des fonds disponibles et qui, avant cette date, n’ont plus eu l’occasion de participer, par inscription automatique ou reformulation, à un avis ultérieur, ledit régime viole le principe d’égalité de traitement en raison du fait qu’il aurait alors donné à certaines entreprises la possibilité d’une seconde participation, tandis que pour d’autres cette possibilité était d’emblée exclue.

80      À cet égard, force est de constater qu’une telle inégalité de traitement entre les entreprises qui ont eu l’occasion d’exercer ladite possibilité avant l’expiration de l’autorisation accordée par la décision de 1997 et celles qui n’ont plus eu cette occasion est objectivement justifiée. En effet, dès lors qu’une décision de la Commission de ne pas soulever d’objections à l’égard d’un régime d’aides d’État en application de l’article 87, paragraphe 3, CE constitue une dérogation au principe général d’incompatibilité de ces aides avec le marché commun, sa durée de validité doit être limitée dans le temps. Or, toute autorisation de durée limitée implique par définition une inégalité de traitement en fonction du fait qu’une situation donnée tombe ou non dans le champ d’application temporel de la décision d’autorisation.

81      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le Tribunal n’a pas méconnu les principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement en jugeant que la décision de 1997 ne pouvait être considérée comme autorisant les requérantes à présenter une demande d’aide reformulée dans le cadre d’un avis de présentation des demandes d’aides publié après la date d’échéance de cette décision.

82      Par conséquent, les premier et deuxième moyens doivent être rejetés comme non fondés.

 Sur le troisième moyen

–       Argumentation des parties

83      Par le troisième moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a dénaturé le contenu de la lettre du 29 mai 2000 en excluant, aux points 50 et 51 de l’arrêt attaqué, que celle-ci contient un faux.

84      Les requérantes estiment notamment que le Tribunal, au point 12 de l’arrêt attaqué, auquel ledit point 50 fait référence, a reconstitué de manière erronée le texte de cette lettre. Ainsi, il ne serait pas exact que ce soit la Commission qui a distingué dans celle-ci les deux catégories d’entreprises concernées par la mesure transitoire. En employant le conditionnel, elle attribuerait aux autorités italiennes l’identification des deux seules catégories d’entreprises figurant dans la proposition de mesure transitoire.

85      Le Tribunal aurait dès lors fait une erreur en considérant que, dans ladite lettre, la Commission a soutenu que les autorités italiennes lui auraient exposé une mesure transitoire d’un champ d’application large, comprenant également les entreprises de la première catégorie. Tout au contraire, la Commission aurait sciemment rédigé la lettre du 29 mai 2000 en soutenant que les autorités italiennes ne lui auraient indiqué que les deux catégories d’entreprises visées aux points a) et b) de cette lettre, pour feindre d’ignorer l’existence des entreprises de la première catégorie.

86      Les requérantes considèrent qu’elles conservent un intérêt à voir annuler l’arrêt attaqué également en ce qui concerne cet aspect, étant donné que certains des arguments sur lesquels se fondent leurs recours s’appuient sur l’existence d’un faux intellectuel commis par la Commission. Par conséquent, au cas où le pourvoi serait accueilli, il pourrait se révéler nécessaire de vérifier si la lettre du 29 mai 2000 comportait un tel faux.

87      La Commission soutient que le troisième moyen est irrecevable ou à tout le moins non fondé.

–       Appréciation de la Cour

88      Il résulte de l’argumentation des requérantes résumée au point 86 du présent arrêt qu’elles reconnaissent avoir un intérêt à l’annulation des constatations, sur la base desquelles le Tribunal a conclu à l’absence d’un faux dans la lettre du 29 mai 2000, uniquement pour le cas où leur pourvoi serait accueilli.

89      Or, étant donné que les premier et deuxième moyens ont été rejetés et dans la mesure où le troisième moyen, même à le supposer fondé, ne saurait à lui seul emporter l’annulation de l’arrêt attaqué dès lors qu’il est dirigé contre des constatations qui sont sans influence sur le dispositif dudit arrêt, il y a lieu de constater que ce moyen est, en tout état de cause, inopérant et donc de l’écarter, sans qu’il soit besoin d’examiner sa recevabilité.

90      Par conséquent, le pourvoi doit être rejeté.

 Sur les dépens

91      Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation des requérantes et celles-ci ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Nuova Agricast Srl et Cofra Srl sont condamnées aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’italien.