ORDONNANCE DE LA COUR (cinquième chambre)

16 septembre 2010 (*)

«Pourvoi – Marque communautaire – Règlement (CE) n° 40/94 – Article 8, paragraphe 1, sous b) – Demande de marque communautaire figurative DOMINIO DE LA VEGA – Marque communautaire figurative antérieure PALACIO DE LA VEGA – Existence d’un risque de confusion dans une partie du territoire de l’Union – Appréciation de la similitude entre des marques – Élément dominant»

Dans l’affaire C‑459/09 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 17 novembre 2009,

Dominio de la Vega SL, établie à Requena (Espagne), représentée par Mes E. Caballero Oliver et A. Sanz-Bermell y Martínez, abogados,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse en première instance,

Ambrosio Velasco SA, établie à Dicastillo (Espagne), représentée par Me E. Armijo Chávarri, abogado,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. E. Levits, président de chambre, M. A. Borg Barthet et Mme M. Berger (rapporteur), juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: M. R. Grass,

l’avocat général entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Dominio de la Vega SL (ci-après «Dominio de la Vega») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 16 septembre 2009, Dominio de la Vega/OHMI – Ambrosio Velasco (DOMINIO DE LA VEGA) (T‑458/07, non encore publié au Recueil, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), du 3 octobre 2007 (affaire R 1431/2006-2), relative à une procédure d’opposition entre Ambrosio Velasco SA (ci-après «Ambrosio Velasco») et Dominio de la Vega (ci-après la «décision litigieuse»).

 Le cadre juridique

2        Le règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), a été abrogé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1), entré en vigueur le 13 avril 2009. Néanmoins, le litige demeure régi, compte tenu de la date des faits, par le règlement n° 40/94.

3        L’article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 disposait:

«La marque communautaire a un caractère unitaire. Elle produit les mêmes effets dans l’ensemble de la Communauté: elle ne peut être enregistrée, transférée, faire l’objet d’une renonciation, d’une décision de déchéance des droits du titulaire ou de nullité, et son usage ne peut être interdit que pour l’ensemble de la Communauté. […]»

4        L’article 8, paragraphe 1, du même règlement prévoyait:

«Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement:

[…]

b)      lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.»

5        L’article 8, paragraphe 2, sous a), dudit règlement était libellé comme suit:

«Aux fins du paragraphe 1, on entend par ‘marques antérieures’:

a)      les marques dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire, compte tenu, le cas échéant, du droit de priorité invoqué à l’appui de ces marques, et qui appartiennent aux catégories suivantes:

i)      les marques communautaires;

ii)      les marques enregistrées dans un État membre […]»

 Les antécédents du litige

6        Le 26 juillet 2002, Dominio de la Vega a présenté à l’OHMI une demande d’enregistrement en tant que marque communautaire du signe figuratif suivant:

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7        Les produits pour lesquels cet enregistrement a été demandé relèvent notamment de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que modifié et révisé, et correspondent à la description «Boissons alcooliques (à l’exception des bières); mousseux».

8        Le 29 mars 2004, Ambrosio Velasco a formé opposition en se fondant sur la marque communautaire figurative antérieure, désignant des produits relevant de la classe 33 dudit arrangement, reproduite ci-après:

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9        Ambrosio Velasco invoquait, à l’appui de cette opposition, le risque de confusion du public, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, entre la marque dont l’enregistrement était demandé et la marque antérieure dont elle est titulaire.

10      Par décision du 11 septembre 2006, la division d’opposition de l’OHMI a fait droit à l’opposition.

11      Le 6 novembre 2006, Dominio de la Vega a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de la division d’opposition.

12      Par la décision litigieuse, la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. Elle a considéré qu’il existait un risque de confusion entre les marques en cause étant donné qu’elles partageaient le même élément principal «de la vega», que les termes «dominio» et «palacio» étaient pourvus d’un faible caractère distinctif pour désigner des vins et que les éléments figuratifs desdites marques étaient purement décoratifs.

 Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 décembre 2007, Dominio de la Vega a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse sur le fondement d’un moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

14      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté ce recours.

15      À titre liminaire, le Tribunal a examiné, aux points 12 à 16 de l’arrêt attaqué, la recevabilité de certaines annexes de la requête. Il a écarté quatre annexes dans leur intégralité, à savoir les annexes A 4 et A 6 à A 8, ainsi qu’une cinquième annexe en partie, à savoir l’annexe A 13, comme irrecevables, au motif qu’elles n’avaient pas été soumises à la chambre de recours et seulement produites pour la première fois devant le Tribunal.

16      Sur le fond, le Tribunal a successivement recherché, notamment, de quelle manière le public pertinent avait été appréhendé et de quelle manière la comparaison des produits et des signes avait été effectuée dans la décision litigieuse.

17      S’agissant de la détermination du public pertinent, le Tribunal a jugé aux points 28 et 29 de l’arrêt attaqué:

«28      […] contrairement à ce que prétend la requérante, le public pertinent ne peut pas être réduit au seul public espagnol, étant donné que le rayonnement géographique de la marque antérieure communautaire, sur laquelle l’opposition se fonde, couvre précisément l’ensemble des États membres de la Communauté.

29      Toutefois, puisque […] il suffit qu’un risque de confusion avec une marque communautaire antérieure existe dans une partie seulement de la Communauté pour que l’enregistrement de la marque demandée soit refusé, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en prenant en considération les seuls consommateurs espagnols […], et en appréciant l’existence d’un risque de confusion à la lumière de cette circonstance.»

18      S’agissant de la manière dont la comparaison des signes avait été effectuée dans la décision litigieuse, le Tribunal a jugé aux points 41 à 44 de l’arrêt attaqué:

«41      Sur le plan visuel, les éléments figuratifs des marques en conflit ne revêtent pas une grande importance dans l’appréciation d’ensemble du signe, étant donné qu’ils sont soit imprécis, soit faiblement distinctifs pour les vins en ce qui concerne la marque antérieure et que, dès lors, ils seront plus difficiles à retenir pour le consommateur pertinent […]. De plus, il convient de relever que l’élément verbal ‘de la vega’ est intégralement reproduit dans la marque demandée. Quant aux éléments ‘dominio’ et ‘palacio’, leur faible caractère distinctif n’est pas de nature à attirer l’attention des consommateurs. Les marques en cause présentent donc des similitudes importantes sur le plan visuel.

42      Sur le plan phonétique, la répétition de l’élément ‘de la vega’ dans les marques en cause implique un certain degré de similitude, qui n’est pas remis en cause par l’ajout dans celles-ci des éléments ‘dominio’ et ‘palacio’.

43      Sur le plan conceptuel, il y a lieu de relever que l’expression «de la vega» sera perçue par le consommateur espagnol comme un patronyme. Par conséquent, les éléments verbaux ‘palacio de la vega’ et ‘dominio de la vega’ évoqueront, dans l’esprit du consommateur espagnol, respectivement, un palais appartenant à la famille de la Vega, et un domaine appartenant à la famille de la Vega, à savoir des significations très similaires dans le secteur en cause.

44      Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu que les signes en conflit étaient similaires.»

19      Après avoir conclu, au point 46 de l’arrêt attaqué, à l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit, le Tribunal a jugé au point 53 du même arrêt:

«Cette appréciation ne saurait être infirmée par l’argument de la requérante selon lequel les marques en cause coexisteraient en Espagne de manière paisible depuis plus de cinq ans. La requérante s’appuie à cet égard sur l’existence de trois marques identiques à la marque demandée, enregistrées par elle en Espagne pour les produits relevant de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice. Toutefois, ainsi que le soutient l’OHMI, la requérante n’a pas prouvé l’usage de ces marques antérieures nationales. Il n’est donc pas possible d’apprécier, d’une part, la coexistence sur le marché des marques nationales antérieures de la requérante et de la marque antérieure sur laquelle se fonde l’opposition, ni, d’autre part, son caractère paisible.»

 Les conclusions des parties

20      Par son pourvoi, Dominio de la Vega demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué, de statuer définitivement sur son recours ou de renvoyer l’affaire devant le Tribunal et de condamner l’OHMI ainsi que Ambrosio Velasco à supporter les dépens afférents aux procédures tant de première instance que du pourvoi.

21      L’OHMI et Ambrosi Velasco demandent à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner Dominio de la Vega aux dépens.

 Sur le pourvoi

22      Au soutien de son pourvoi, Dominio de la Vega invoque trois moyens, tous pris de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Elle fait grief au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit, en premier lieu, dans la détermination du public pertinent, en deuxième lieu, dans l’analyse de la recevabilité ainsi que dans l’évaluation des documents produits à titre de preuve et, en troisième lieu, dans l’appréciation de la similitude des marques en conflit.

23      En vertu de l’article 119 de son règlement de procédure, lorsqu’un pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur rapport du juge rapporteur, l’avocat général entendu, rejeter totalement ou partiellement ce pourvoi par voie d’ordonnance motivée, et ce sans ouvrir la procédure orale.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit dans la détermination du public pertinent

 Argumentation des parties

24      Dominio de la Vega fait valoir que, conformément à l’article 8, paragraphes 1, sous b), et 2, sous a), i) et ii), du règlement n° 40/94, le territoire qui aurait dû être pris en considération aux fins d’examiner le risque de confusion recouvre l’ensemble de l’Union. Ce serait donc le consommateur de l’ensemble des États membres qui aurait dû constituer le consommateur de référence. Or, de manière incorrecte et contradictoire, l’arrêt attaqué aurait écarté ce consommateur et considéré uniquement le consommateur espagnol.

25      L’OHMI et Ambrosio Velasco considèrent que ce moyen est irrecevable en ce qu’il implique une demande tendant à ce que la Cour substitue son appréciation des faits à celle du Tribunal. À titre subsidiaire, ils estiment qu’il n’est pas fondé. En effet, l’existence d’un motif absolu ou relatif de refus d’enregistrement dans une partie de l’Union suffirait pour refuser l’enregistrement d’une marque communautaire.

 Appréciation de la Cour

26      À titre liminaire, il convient de constater que le premier moyen du pourvoi ne vise pas uniquement à remettre en cause des constatations de nature factuelle faites par le Tribunal, mais tend à faire censurer une erreur de droit prétendument commise par le Tribunal dans l’interprétation ou l’application du règlement n° 40/94.

27      Le premier moyen doit donc être déclaré recevable.

28      Sur le fond, il convient de rappeler que, conformément à l’article 8, paragraphes 1, sous b), et 2, du règlement n° 40/94, dans le cas où la marque antérieure invoquée à l’appui d’une opposition est une marque communautaire, la marque dont l’enregistrement est demandé est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire de l’Union (arrêt du 18 septembre 2008, Armacell/OHMI, C‑514/06 P, point 55).

29      Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, il ne découle pas de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 que, pour que l’enregistrement d’une marque communautaire soit refusé sur le fondement de cette disposition, le risque de confusion doive exister dans tous les États membres et dans toutes les zones linguistiques de l’Union (arrêt Armacell/OHMI, précité, point 56, et ordonnance du 3 juin 2009, Zipcar/OHMI, C‑394/08 P, point 49).

30      En effet, le caractère unitaire de la marque communautaire, tel qu’il est affirmé à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, implique qu’une marque communautaire antérieure est opposable à toute demande d’enregistrement de marque communautaire qui porterait atteinte à la protection de la première marque, ne fût-ce que par rapport à la perception des consommateurs d’une partie du territoire de l’Union (arrêt Armacell/OHMI, précité, point 57, et ordonnance Zipcar/OHMI, précitée, point 49).

31      Il s’ensuit que, dès lors que l’existence d’un risque de confusion entre deux marques communautaires en conflit est établie dans un État membre, en l’occurrence le Royaume d’Espagne, cette circonstance suffit pour que l’enregistrement de la marque postérieure soit refusé.

32      Par conséquent, c’est sans se contredire que le Tribunal a pu juger, au point 28 de l’arrêt attaqué, que le public pertinent en l’espèce ne peut pas être réduit au seul public espagnol, étant donné que le rayonnement géographique de la marque antérieure communautaire, sur laquelle l’opposition est fondée, couvre l’ensemble des États membres de l’Union, tout en admettant, au point suivant du même arrêt, que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en prenant en considération les seuls consommateurs espagnols et en appréciant l’existence d’un risque de confusion à la lumière de cette circonstance.

33      Le premier moyen doit donc être rejeté comme manifestement non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur de droit du Tribunal dans l’analyse de la recevabilité et dans l’évaluation des documents produits à titre de preuve devant lui

34      Ainsi qu’il ressort de son libellé, ce moyen se divise en deux branches.

 Sur la première branche du deuxième moyen, tirée d’une erreur de droit commise par le Tribunal dans l’analyse de la recevabilité des documents produits à titre de preuve devant lui

–       Argumentation des parties

35      Dominio de la Vega fait valoir que le Tribunal, en écartant certains des documents qui lui ont été soumis comme irrecevables parce qu’ils ont été produits tardivement, a méconnu le fait que ces documents ne pouvaient pas présenter de pertinence plus tôt. Les quatre extraits du registre de l’Office des brevets et des marques espagnol (ci-après le «registre») produits devant le Tribunal au titre de l’annexe A 13 de la requête, dont deux ont été déclarés irrecevables, établiraient a posteriori la coexistence paisible, sur une période de cinq années, de quatre marques nationales antérieures dont Dominio de la Vega est titulaire avec la marque antérieure sur laquelle Ambrosio Velasco fonde son opposition à l’enregistrement de la marque communautaire demandée. Les documents produits devant le Tribunal, constituant l’annexe A 4 de la requête et l’annexe 8 du présent pourvoi, qui ont été intégralement rejetés comme irrecevables, établiraient, quant à eux, une large et importante présence des marques nationales antérieures de Dominio de la Vega sur le marché.

36      Pour l’OHMI et Ambrosio Velasco, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 15 de l’arrêt attaqué, qu’il est appelé à apprécier la légalité de la décision de la chambre de recours en contrôlant l’application du droit de l’Union effectuée par celle-ci, eu égard, notamment, aux éléments de fait qui ont été soumis à ladite chambre et qu’il ne saurait, en revanche, effectuer un tel contrôle en prenant en considération des éléments de fait nouvellement produits devant lui.

–        Appréciation de la Cour

37      Ainsi qu’il ressort de l’article 63 du règlement n° 40/94, un recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI (voir, notamment, arrêt du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C-16/06 P, Rec. p. I‑10053, point 136).

38      Il découle de cette disposition que des faits non invoqués par les parties devant les instances de l’OHMI ne peuvent plus l’être au stade du recours introduit devant le Tribunal (arrêts du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C-29/05 P, Rec. p. I-2213, point 54, et Les Éditions Albert René/OHMI, précité, point 137).

39      Il découle également de ladite disposition que le Tribunal ne saurait réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, la légalité d’une décision d’une chambre de recours de l’OHMI doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont elle pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée (arrêts précités OHMI/Kaul, point 54, et Les Éditions Albert René/OHMI, point 138).

40      Il s’ensuit que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en décidant, aux points 15 et 16 de l’arrêt attaqué, de rejeter comme irrecevables les documents produits pour la première fois devant lui.

41      La première branche du deuxième moyen doit donc être rejetée comme manifestement non fondée.

 Sur la seconde branche du deuxième moyen, tirée d’une erreur de droit commise par le Tribunal dans l’évaluation des documents produits à titre de preuve devant lui

–       Argumentation des parties

42      Dominio de la Vega soutient que les extraits du registre qu’elle a produits dans le cadre de la procédure devant l’OHMI établissent l’enregistrement de marques nationales sous la dénomination «DOMINIO DE LA VEGA» et la coexistence de ces marques avec celles d’Ambrosio Velasco. En ne prenant pas ces documents en considération dans son analyse du risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, le Tribunal aurait nié leur force probante et les aurait ainsi dénaturés.

43      L’OHMI et Ambrosio Velasco font valoir que le Tribunal a correctement apprécié la force probante des documents qui avaient été soumis à la chambre de recours en jugeant que, s’ils établissaient l’existence des marques enregistrées par Dominio de la Vega, ils ne suffisaient pas, en revanche, à établir leur usage effectif et donc leur coexistence avec les marques d’Ambrosio Velasco. Or, cette condition serait indispensable pour que puisse être admise une réduction, voire une exclusion, du risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

–       Appréciation de la Cour

44      À titre liminaire, il importe de rappeler que le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans les cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. L’appréciation de ces faits et éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi [arrêts Les Éditions Albert René/OHMI, précité, point 68; du 7 mai 2009, Waterford Wedgwood/Assembled Investments (Proprietary) et OHMI, C‑398/07 P, point 41; du 3 septembre 2009, Aceites del Sur-Coosur/Koipe, C-498/07 P, Rec. p. I‑7371, point 78, et du 2 septembre 2010, Calvin Klein Trademark Trust/OHMI, C‑254/09 P, non encore publié au Recueil, point 49]. Une telle dénaturation doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves [arrêts précités Waterford Wedgwood/Assembled Investments (Proprietary) et OHMI, point 41, ainsi que Calvin Klein Trademark Trust/OHMI, point 50].

45      Pour autant que Dominio de la Vega allègue une dénaturation, par le Tribunal, des documents qu’elle lui a soumis, il convient de relever que le Tribunal a reconnu, au point 53 de l’arrêt attaqué, que Dominio de la Vega s’appuyait, pour nier l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, sur l’existence de trois marques identiques à la marque demandée, enregistrées par elle en Espagne pour les produits en cause.

46      Le Tribunal n’a pas mis en cause l’existence de ces marques, mais a constaté que Dominio de la Vega n’avait pas prouvé leur usage. Il a jugé qu’il n’était donc pas possible d’apprécier, d’une part, la coexistence sur le marché des marques nationales antérieures de cette société et de la marque antérieure sur laquelle se fondait l’opposition ni, d’autre part, le caractère paisible de cette coexistence.

47      Ce faisant, le Tribunal n’a pas dénaturé la force probante des extraits du registre qui lui étaient présentés, puisqu’il a admis que ceux-ci suffisaient à apporter la preuve de l’existence des marques en question.

48      En jugeant, en revanche, que les éléments qui lui étaient soumis ne suffisaient pas à prouver l’usage desdites marques, le Tribunal est resté dans les limites de son pouvoir souverain d’appréciation.

49       Au surplus, Dominio de la Vega ne saurait faire grief au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en ce qu’il a jugé que la seule preuve de l’existence d’une marque ne suffit pas pour contester l’existence d’un risque de confusion.

50      En effet, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé que, s’il ne saurait être exclu que la coexistence sur un marché déterminé de deux marques puisse éventuellement contribuer, conjointement avec d’autres éléments, à amoindrir le risque de confusion entre ces marques dans l’esprit du public pertinent, encore faut-il que certaines conditions soient réunies. La Cour a ainsi admis que l’absence de risque de confusion peut, en particulier, être déduite du caractère «paisible» de la coexistence des marques en conflit sur le marché en cause (arrêt Aceites del Sur-Coosur/Koipe, précité, point 82).

51      La vérification des conditions exigées par la Cour, à savoir la coexistence des marques sur un marché déterminé et le caractère paisible de cette coexistence, présuppose qu’il soit fait un usage effectif des marques enregistrées. Le Tribunal n’a donc pas commis d’erreur de droit en écartant l’argumentation tirée par Dominio de la Vega de l’enregistrement de certaines marques, dès lors que la preuve de leur usage effectif n’était pas établie.

52      La seconde branche du deuxième moyen doit ainsi être écartée comme manifestement non fondée et, par voie de conséquence, le deuxième moyen du pourvoi doit être rejeté dans son intégralité comme manifestement non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’appréciation de la similitude des marques en conflit

 Argumentation des parties

53      Dominio de la Vega fait valoir que le Tribunal a méconnu l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 en ce qu’il n’a pas procédé à une appréciation globale fondée sur l’impression d’ensemble dégagée par les marques en conflit, mais a réduit celles-ci à un seul élément, à savoir l’expression «de la Vega».

54      Plus particulièrement, Dominio de la Vega reproche au Tribunal d’avoir ignoré le fait que cette expression apparaît dans différentes marques communautaires postérieures à la marque dont elle a demandé l’enregistrement et que ces marques coexistent paisiblement sur le marché.

55      Dominio de la Vega reproche tout particulièrement au Tribunal d’avoir négligé les différences dans l’aspect graphique des marques en conflit. Cet aspect serait d’autant plus important en l’espèce que le produit concerné est du vin et que la marque apparaît sur l’étiquette de la bouteille sur laquelle le consommateur concentre toute son attention.

56      Dominio de la Vega fait encore valoir que le Tribunal a enfreint la jurisprudence selon laquelle l’appréciation globale du risque de confusion implique que les différences conceptuelles entre deux signes peuvent neutraliser des similitudes auditives et visuelles entre eux, pour autant qu’au moins l’un de ces signes ait, dans la perspective du public pertinent, une signification claire et déterminée (voir, notamment, arrêt du 23 mars 2006, Mülhens/OHMI, C‑206/04 P, Rec. p. I-2717, point 35). Dès lors que, selon ladite société, un large public comprend et distingue les termes «dominio» et «palacio», il serait difficile d’admettre, comme l’a pourtant jugé le Tribunal, qu’un consommateur avisé, diligent et perspicace les confonde.

57      Dominio de la Vega soutient également que le Tribunal a méconnu sa propre jurisprudence selon laquelle le consommateur prête généralement plus d’attention au début d’une marque qu’à la fin de celle-ci. En outre, l’expression «de la vega» ne ferait pas seulement référence à un nom, comme l’a jugé le Tribunal, mais désignerait aussi un lieu où se situent habituellement les terres fertiles au bord des rivières. Compte tenu du caractère agroalimentaire du produit concerné, à savoir du vin, le consommateur associerait l’expression non pas à un nom, mais à un relief géographique.

58      L’OHMI et Ambrosio Velasco soutiennent que le troisième moyen est irrecevable dès lors qu’il invite la Cour à substituer sa propre appréciation à celle du Tribunal. Ambrosio Velasco relève au surplus que les affirmations de Dominio de la Vega dans le cadre du troisième moyen du pourvoi constituent une répétition des arguments déjà invoqués devant le Tribunal.

59      À titre subsidiaire, l’OHMI et Ambrosio Velasco considèrent que le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en jugeant qu’il existe entre les marques en conflit des similitudes visuelles, auditives et conceptuelles.

 Appréciation de la Cour

60      Selon une jurisprudence constante, rappelée par le Tribunal aux points 35 et 36 de l’arrêt attaqué, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir, notamment, arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C-334/05 P, Rec. p. I-4529, point 35 et jurisprudence citée).

61      Selon cette même jurisprudence, l’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (arrêt OHMI/Shaker, précité, point 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts OHMI/Shaker, précité, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C-193/06 P, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de cette marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt Nestlé/OHMI, précité, point 43).

62      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner la méthode retenue par le Tribunal en vue d’apprécier la similitude des signes en conflit.

63      Il ressort des considérations figurant aux points 41 à 43 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a constaté que les éléments figuratifs des marques en conflit ne revêtent pas une grande importance dans l’appréciation d’ensemble du signe, dès lors qu’ils sont soit imprécis, soit faiblement distinctifs et donc plus difficiles à retenir pour le consommateur pertinent. Le Tribunal a également constaté que l’élément verbal «de la vega» sera perçu par le consommateur espagnol comme un patronyme, tandis que les éléments «dominio» et «palacio» n’ont, quant à eux, qu’un faible caractère distinctif.

64      Ces constatations ont amené le Tribunal à conclure, au point 44 de l’arrêt attaqué, que c’est à bon droit que la chambre de recours avait conclu que les signes en conflit sont similaires.

65      Il apparaît ainsi que, si le Tribunal a apprécié la similitude des signes en cause sur la seule base de la similitude de l’élément verbal «de la vega», le choix de cette base d’appréciation repose sur la constatation que ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent gardera en mémoire.

66      Il s’ensuit que le Tribunal, en procédant ainsi, n’a pas méconnu l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, tel qu’interprété par la jurisprudence rappelée au point 61 de la présente ordonnance.

67      Il convient d’ajouter que les constatations opérées par le Tribunal quant au caractère dominant de l’élément verbal «de la vega» et quant à la similitude des signes en cause relève de son pouvoir souverain d’appréciation des faits.

68      Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 44 de la présente ordonnance, le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents, cette appréciation n’étant pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

69      Dans ces conditions, les arguments de Dominio de la Vega tendant à mettre en cause la qualification d’élément dominant reconnue par le Tribunal à l’expression «de la vega» doivent être rejetés comme manifestement irrecevables en tant qu’ils visent à obtenir une nouvelle appréciation des faits par la Cour.

70      Il s’ensuit que, pour autant qu’il met en cause la méthode retenue par le Tribunal pour apprécier la similitude des marques en conflit, le troisième moyen doit être rejeté comme étant manifestement non fondé et, pour autant qu’il met en cause les constatations opérées par le Tribunal quant au caractère dominant de l’élément verbal «de la vega», comme étant manifestement irrecevable.

71      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

72      Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI et Ambrosio Velasco ayant conclu à la condamnation de Dominio de la Vega et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) ordonne:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Dominio de la Vega SL est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’espagnol.