Affaire C-426/05
Tele2 Telecommunication GmbH
contre
Telekom-Control-Kommission
(demande de décision préjudicielle, introduite par le Verwaltungsgerichtshof (Autriche))
«Communications électroniques — Réseaux et services — Cadre réglementaire commun — Articles 4 et 16 de la directive 2002/21/CE (directive ‘cadre’) — Recours — Procédure administrative d’analyse de marché»
Conclusions de l'avocat général M. M. Poiares Maduro, présentées le 15 février 2007
Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 21 février 2008
Sommaire de l'arrêt
1. Rapprochement des législations — Réseaux et services de communications électroniques — Cadre réglementaire — Directive 2002/21
(Directive du Parlement européen et du Conseil 2002/21, art. 4, § 1, et 16, § 3)
2. Rapprochement des législations — Réseaux et services de communications électroniques — Cadre réglementaire — Directive 2002/21
(Directive du Parlement européen et du Conseil 2002/21, art. 4)
1. La notion d'utilisateur ou d'entreprise «affecté(e)» au sens de l'article 4, paragraphe 1, de la directive 2002/21, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, qui accorde à tout utilisateur ou à toute entreprise fournissant de tels réseaux et/ou de tels services un droit de recours contre une décision prise par une autorité réglementaire nationale qui l'affecte, ainsi que celle de partie «concernée» au sens de l'article 16, paragraphe 3, de cette directive, qui confère à cette dernière, en cas de décision portant suppression d'obligations imposées à l'entreprise (précédemment) puissante sur le marché pertinent, le droit d'être avertie de cette suppression dans un délai approprié, doivent être interprétées comme pouvant viser non seulement une entreprise (précédemment) puissante sur le marché pertinent qui fait l'objet d'une décision d'une autorité réglementaire nationale prise dans le cadre d'une procédure d'analyse de marché visée à l'article 16 de la même directive et qui en est destinataire, mais également les utilisateurs et les entreprises concurrents d'une telle entreprise qui ne sont pas eux-mêmes destinataires de cette décision, mais qui sont défavorablement affectés dans leurs droits par celle-ci.
(cf. points 43, 48, disp. 1)
2. Une disposition de droit national qui, dans le cadre d’une procédure non contentieuse d’analyse de marché, ne reconnaît la qualité de partie qu’aux entreprises (précédemment) puissantes sur le marché pertinent à l’égard desquelles des obligations réglementaires spécifiques sont imposées, modifiées ou supprimées n’est pas, en principe, contraire à l’article 4 de la directive 2002/21, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques. Toutefois, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier que le droit procédural interne assure la sauvegarde des droits que tirent de l’ordre juridique communautaire les utilisateurs et les entreprises concurrents d’une entreprise (précédemment) puissante sur le marché pertinent d’une manière qui ne soit pas moins favorable qu’en ce qui concerne la sauvegarde des droits comparables de nature interne et qui ne nuise pas à l’efficacité de la protection juridique desdits utilisateurs et desdites entreprises garantie à l’article 4 de ladite directive.
(cf. point 57, disp. 2)
ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
21 février 2008 (*)
«Communications électroniques – Réseaux et services – Cadre réglementaire commun – Articles 4 et 16 de la directive 2002/21/CE (directive ‘cadre’) – Recours – Procédure administrative d’analyse de marché»
Dans l’affaire C‑426/05,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Verwaltungsgerichtshof (Autriche), par décision du 22 novembre 2005, parvenue à la Cour le 1er décembre 2005, dans la procédure
Tele2 Telecommunication GmbH, anciennement Tele2 UTA Telecommunication GmbH,
contre
Telekom-Control-Kommission,
LA COUR (deuxième chambre),
composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. L. Bay Larsen, K. Schiemann, P. Kūris (rapporteur) et J.-C. Bonichot, juges,
avocat général: M. M. Poiares Maduro,
greffier: M. J. Swedenborg, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 décembre 2006,
considérant les observations présentées:
– pour Tele2 Telecommunication GmbH, par Me M. Parschalk, Rechtsanwalt,
– pour le gouvernement autrichien, par Mmes C. Pesendorfer et W. Bauer, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement belge, par Mme A. Hubert, en qualité d’agent,
– pour le gouvernement danois, par M. J. Molde ainsi que Mmes N. Holst-Christensen et B. Weis Fogh, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,
– pour le gouvernement slovène, par Mme T. Mihelič, en qualité d’agent,
– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. C. Ladenburger et M. Shotter, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 15 février 2007,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 4 et 16 de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive «cadre») (JO L 108, p. 33, ci-après la «directive ‘cadre’»).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Tele2 Telecommunication GmbH, anciennement Tele2 UTA Telecommunication GmbH, une entreprise autrichienne fournissant des réseaux et des services de communications électroniques (ci-après «Tele2»), à la Telekom-Control-Kommission (commission de contrôle des télécommunications, ci-après la «TCK») en raison du refus de cette dernière de lui reconnaître la qualité de partie dans le cadre d’une procédure administrative d’analyse de marché.
Le cadre juridique
Le droit communautaire
3 Aux termes du douzième considérant de la directive «cadre»:
«Il convient que toute partie faisant l’objet de décisions de la part des autorités réglementaires nationales ait le droit d’introduire un recours auprès d’un organisme indépendant des parties concernées. Cet organisme peut être un tribunal. [...]»
4 L’article 4 de la directive «cadre», intitulé «Droit de recours», dispose:
«1. Les États membres veillent à ce que des mécanismes efficaces permettent, au niveau national, à tout utilisateur ou à toute entreprise qui fournit des réseaux et/ou des services de communications électroniques, et qui est affecté(e) par une décision prise par une autorité réglementaire nationale, d’introduire un recours auprès d’un organisme indépendant des parties intéressées. Cet organisme, qui peut être un tribunal, dispose des compétences appropriées pour être à même d’exercer ses fonctions. Les États membres veillent à ce que le fond de l’affaire soit dûment pris en considération et à ce qu’il existe un mécanisme de recours efficace. Dans l’attente de l’issue de la procédure, la décision de l’autorité réglementaire nationale est maintenue, sauf si l’organisme de recours en décide autrement.
2. Lorsque l’organisme de recours visé au paragraphe 1 n’est pas de nature juridictionnelle, il motive toujours ses décisions par écrit. En outre, dans un tel cas, sa décision peut être réexaminée par une juridiction au sens de l’article 234 du traité.»
5 L’article 6 de la directive «cadre», intitulé «Mécanisme de consultation et de transparence», prévoit:
«Sauf dans les cas relevant de l’article 7, paragraphe 6, ou des articles 20 ou 21, les États membres veillent à ce que les autorités réglementaires nationales, lorsqu’elles ont l’intention, en application de la présente directive ou des directives particulières, de prendre des mesures ayant des incidences importantes sur le marché pertinent, donnent aux parties intéressées l’occasion de présenter leurs observations sur le projet de mesures dans un délai raisonnable. Les autorités réglementaires nationales publient les procédures de consultation nationales. Les États membres veillent à ce que soit mis en place un guichet d’information unique permettant l’accès à toutes les consultations en cours. Les résultats de la procédure de consultation sont rendus publics par l’autorité réglementaire nationale, sauf s’il s’agit d’informations confidentielles au sens du droit communautaire et national sur le secret des affaires.»
6 Aux termes de l’article 7 de la directive «cadre», intitulé «Consolidation du marché intérieur des communications électroniques»:
«[…]
3. Outre la consultation visée à l’article 6, dans les cas où une autorité réglementaire nationale a l’intention de prendre une mesure:
a) qui relève des articles 15 ou 16 de la présente directive, des articles 5 ou 8 de la directive 2002/19/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion] (directive ‘accès’) [(JO L 108, p. 7, ci-après la ‘directive “accès”‘)] ou de l’article 16 de la directive 2002/22/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques] (directive ‘service universel’) [(JO L 108, p. 51, ci-après la ‘directive “service universel”‘)], et
b) qui aurait des incidences sur les échanges entre les États membres,
elle met en même temps à disposition de la Commission et des autorités réglementaires nationales des autres États membres le projet de mesure ainsi que les motifs sur lesquels elle est fondée, conformément à l’article 5, paragraphe 3, et en informe la Commission et les autres autorités réglementaires nationales. Les autorités réglementaires nationales et la Commission ne peuvent adresser des observations à l’autorité réglementaire nationale concernée que dans un délai d’un mois ou dans le délai visé à l’article 6, si celui-ci est plus long. Le délai d’un mois ne peut pas être prolongé.
4. Lorsque la mesure envisagée au paragraphe 3 vise:
a) à définir un marché pertinent qui diffère de ceux recensés dans la recommandation adoptée conformément à l’article 15, paragraphe 1, ou
b) à décider de désigner ou non une entreprise comme disposant, individuellement ou conjointement avec d’autres, d’une puissance significative sur le marché, conformément à l’article 16, paragraphes 3, 4 ou 5,
et aurait des incidences sur les échanges entre les États membres et que la Commission a indiqué à l’autorité réglementaire nationale qu’elle estime que le projet de mesure fera obstacle au marché unique ou si elle a de graves doutes quant à sa compatibilité avec le droit communautaire et en particulier avec les objectifs visés à l’article 8, l’adoption du projet de mesure est retardée de deux mois supplémentaires. Ce délai ne peut être prolongé. Dans ce délai, la Commission peut, conformément à la procédure visée à l’article 22, paragraphe 2, prendre la décision de demander à l’autorité réglementaire nationale concernée de retirer son projet de mesure. Cette décision est accompagnée d’une analyse circonstanciée et objective des raisons pour lesquelles la Commission estime que le projet de mesure ne doit pas être adopté, ainsi que de propositions précises relatives aux modifications à apporter au projet de mesure.
5. L’autorité réglementaire nationale concernée tient le plus grand compte des observations formulées par les autres autorités réglementaires nationales et par la Commission et, à l’exception des cas visés au paragraphe 4, elle peut adopter le projet de mesure final et, le cas échéant, le communiquer à la Commission.
[…]»
7 L’article 8 de la directive «cadre», intitulé «Objectifs généraux et principes réglementaires», énonce à son paragraphe 2:
«Les autorités réglementaires nationales promeuvent la concurrence dans la fourniture des réseaux de communications électroniques, des services de communications électroniques et des ressources et services associés, notamment:
a) en veillant à ce que les utilisateurs, y compris les utilisateurs handicapés, retirent un bénéfice maximal en termes de choix, de prix et de qualité;
b) en veillant à ce que la concurrence ne soit pas faussée ni entravée dans le secteur des communications électroniques;
c) en encourageant des investissements efficaces en matière d’infrastructures, et en soutenant l’innovation, et
d) en encourageant l’utilisation et la gestion efficaces des radiofréquences et des ressources de numérotation.»
8 L’article 16 de la directive «cadre», intitulé «Procédure d’analyse de marché», prévoit:
«1. Dès que possible après l’adoption de la recommandation ou de sa mise à jour éventuelle, les autorités réglementaires nationales effectuent une analyse des marchés pertinents, en tenant le plus grand compte des lignes directrices. Les États membres veillent à ce que cette analyse soit effectuée, le cas échéant, en coopération avec les autorités nationales chargées de la concurrence.
2. Lorsque, conformément aux articles 16, 17, 18 ou 19 de la [directive ‘service universel’] ou aux articles 7 ou 8 de la [directive ‘accès’], l’autorité réglementaire nationale est tenue de se prononcer sur l’imposition, le maintien, la modification, ou la suppression d’obligations à la charge des entreprises, elle détermine, sur la base de son analyse de marché visée au paragraphe 1 du présent article, si un marché pertinent est effectivement concurrentiel.
3. Lorsqu’une autorité réglementaire nationale conclut que le marché est effectivement concurrentiel, elle n’impose ni ne maintient l’une quelconque des obligations réglementaires spécifiques visées au paragraphe 2. Dans les cas où des obligations réglementaires sectorielles s’appliquent déjà, elle supprime ces obligations pour les entreprises sur ce marché pertinent. Les parties concernées par cette suppression d’obligations en sont averties dans un délai approprié.
4. Lorsqu’une autorité réglementaire nationale détermine qu’un marché pertinent n’est pas effectivement concurrentiel, elle identifie les entreprises puissantes sur ce marché conformément à l’article 14 et impose à ces entreprises les obligations réglementaires spécifiques appropriées visées au paragraphe 2 du présent article ou maintient ou modifie ces obligations si elles sont déjà appliquées.
[…]
6. Les mesures prises conformément aux paragraphes 3, 4 et 5 sont soumises aux procédures prévues aux articles 6 et 7.»
Le droit national
La loi générale sur la procédure administrative de 1991
9 L’article 8 de la loi générale sur la procédure administrative de 1991 (Allgemeines Verwaltungsverfahrensgesetz 1991, BGBl., 51/1991), dans sa version publiée au cours de l’année 2004 (BGBl. I, 10/2004), prévoit:
«Les personnes qui ont recours à l’activité de l’autorité ou auxquelles cette activité se rapporte sont des intéressés; dans la mesure où elles disposent, à l’égard de l’objet de cette activité, d’un droit ou d’un intérêt juridique, elles sont des parties.»
La loi sur les télécommunications de 2003
10 L’article 37 de la loi sur les télécommunications de 2003 (Telekommunikationsgesetz 2003, BGBl. I, 70/2003, ci-après le «TKG»), intitulé «Procédure d’analyse de marché», vise à transposer l’article 16 de la directive «cadre». Aux termes dudit article 37:
«1. L’autorité réglementaire effectue d’office, à intervalles réguliers, mais ne pouvant dépasser deux ans, en tenant compte des dispositions des Communautés européennes, une analyse des marchés pertinents définis par le règlement prévu à l’article 36, paragraphe 1. Cette procédure vise, une fois qu’il a été constaté que, sur un marché pertinent déterminé, une ou plusieurs entreprises sont puissantes ou bien que ce marché est effectivement concurrentiel, à la suppression, au maintien, à la modification ou à l’imposition d’obligations réglementaires spécifiques.
2. Si, dans le cadre de cette procédure, l’autorité réglementaire parvient à la constatation que, sur le marché pertinent, une ou plusieurs entreprises sont puissantes et que, dès lors, ce marché n’est pas effectivement concurrentiel, elle est tenue d’imposer à cette (ces) entreprise(s) les obligations réglementaires spécifiques appropriées visées aux articles 38 à 46 ou à l’article 47, paragraphe 1. Dans la mesure où elles concernent le marché pertinent, les obligations réglementaires spécifiques déjà appliquées à l’égard d’entreprises font l’objet, de la part de l’autorité réglementaire, en fonction des résultats de la procédure et compte tenu des objectifs de la réglementation, d’une modification ou d’une nouvelle imposition.
3. Si l’autorité réglementaire constate, sur la base de la procédure, que le marché pertinent est effectivement concurrentiel et que, dès lors, aucune entreprise n’y est puissante, elle ne peut imposer d’obligations réglementaires conformément au paragraphe 2, sous réserve de l’article 47, paragraphe 2; dans ce cas, la procédure à l’égard de ce marché est classée sans suite par une décision publiée de l’autorité réglementaire. Dans la mesure où, sur ce marché, des obligations réglementaires spécifiques s’appliquent encore à l’égard d’entreprises, elles sont supprimées par une décision. Cette décision devra également fixer un délai raisonnable, égal au maximum à six mois, pour l’entrée en vigueur de cette suppression.
[…]
5. Seules les entreprises à l’égard desquelles des obligations réglementaires spécifiques sont imposées, modifiées ou supprimées ont la qualité de partie.
[…]»
11 L’article 128 du TKG, intitulé «Procédure de consultation», dispose:
«1. Le ministre fédéral des Transports, de l’Innovation et de la Technologie ainsi que l’autorité réglementaire donnent aux personnes intéressées l’occasion de présenter leurs observations dans un délai raisonnable sur le projet d’actes d’exécution prévus en application de la présente loi fédérale ayant des incidences importantes sur le marché pertinent. Cette disposition ne s’applique pas aux mesures prévues aux articles 91, paragraphe 4, 122 et 130. La procédure de consultation ainsi que ses résultats sont rendus publics par l’autorité concernée dans la mesure où l’article 125 n’en dispose pas autrement.
[…]
4. Le ministre fédéral des Transports, de l’Innovation et de la Technologie ainsi que l’autorité réglementaire donnent aux personnes intéressées l’occasion de présenter leurs observations dans un délai raisonnable sur des questions concernant les droits des utilisateurs finaux ou des consommateurs en relation avec des services de communications publics. Ils tiennent dûment compte de ces observations, notamment lorsque des incidences importantes sont à prévoir sur le marché.»
Le litige au principal et les questions préjudicielles
12 Dans le cadre d’une procédure administrative d’analyse de marché menée par la TCK, Tele2 a, le 16 juillet 2004, demandé à celle-ci de lui conférer la qualité de partie ainsi que le droit d’accéder au dossier, en vertu de l’article 37 du TKG.
13 Par une décision du 6 septembre 2004, la TCK a rejeté cette demande au motif que, conformément au paragraphe 5 dudit article 37, seules les entreprises à l’égard desquelles des obligations réglementaires spécifiques sont imposées, modifiées ou supprimées peuvent être parties dans les procédures d’analyse de marché, à l’exclusion de toute autre. À son avis, tel n’est précisément pas le cas de Tele2.
14 Tele2 a formé un recours contre cette décision devant le Verwaltungsgerichtshof (cour administrative), car elle considère qu’une décision prise par la TCK dans le cadre d’une procédure d’analyse de marché constitue une décision au sens de la directive «cadre», qui affecte non seulement l’entreprise à l’égard de laquelle des obligations réglementaires spécifiques ont été imposées, modifiées ou supprimées, mais également les concurrents de celle-ci. En effet, selon Tele2, le résultat de cette analyse de marché conditionne directement les droits qu’un concurrent de l’entreprise dominante peut faire valoir contre cette entreprise.
15 Dans ces conditions, le Verwaltungsgerichtshof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les deux questions préjudicielles suivantes:
«1) Les articles 4 et 16 de la directive ‘cadre’ doivent-ils être interprétés en ce sens que, par parties ‘affectées’ [(betroffenen)] ou ‘concernées’ [(betroffenen)], on entend également les entreprises concurrentes présentes sur le marché pertinent à l’égard desquelles des obligations réglementaires spécifiques ne sont pas imposées, maintenues ou modifiées dans le cadre d’une procédure d’analyse de marché?
2) En cas de réponse affirmative à la première question:
L’article 4 de la directive ‘cadre’ s’oppose-t-il à une disposition nationale qui prévoit que, dans le cadre d’une procédure d’analyse de marché, seules les entreprises à l’égard desquelles des obligations réglementaires spécifiques sont imposées, modifiées ou supprimées ont la qualité de parties?»
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
16 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la notion d’utilisateur ou d’entreprise «affecté(e)» [(betroffen)], au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive «cadre», ainsi que celle de partie «concernée» [(betroffene)], au sens de l’article 16, paragraphe 3, de cette directive, doivent être interprétées comme pouvant viser non seulement une entreprise (précédemment) puissante sur le marché pertinent qui fait l’objet d’une décision d’une autorité réglementaire nationale prise dans le cadre d’une procédure d’analyse de marché visée à l’article 16 de la même directive et qui en est destinataire, mais également les utilisateurs et les entreprises concurrents d’une telle entreprise (précédemment) puissante qui ne sont pas eux-mêmes destinataires de cette décision, mais qui sont défavorablement affectés dans leurs droits par celle-ci.
17 À titre liminaire, il convient de constater que, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, il s’agit, dans l’affaire au principal, du droit d’être partie à une procédure administrative non contentieuse, en l’occurrence à une procédure d’analyse de marché menée par la TCK en vertu de l’article 37 du TKG, lequel transpose l’article 16 de la directive «cadre». En revanche, l’article 4 de ladite directive, également évoqué par la juridiction de renvoi, réglemente un point relevant du droit du contentieux administratif, cet article 4 prévoyant que les États membres veillent à ce que des mécanismes efficaces permettent, au niveau national, à tout utilisateur ou à toute entreprise qui fournit des réseaux et/ou des services de communications électroniques, et qui est affecté par une décision prise par une autorité réglementaire, d’introduire un recours auprès d’un organisme indépendant des parties intéressées, qui peut être un tribunal. Lorsque l’organisme de recours n’est pas de nature juridictionnelle, il motive toujours ses décisions par écrit et, en outre, dans un tel cas, sa décision peut être réexaminée par une juridiction au sens de l’article 234 CE.
18 Il résulte par ailleurs de la décision de renvoi que, conformément au droit procédural autrichien, la qualité de partie dans le cadre d’une procédure d’analyse de marché confère des droits de participation à ladite procédure, comme celui de consulter le dossier de la procédure administrative, celui d’être entendu, celui de prendre connaissance des résultats de la procédure d’administration de la preuve et de présenter des observations au sujet de ceux-ci ainsi que le droit d’exercer des voies de recours à l’encontre de la décision prise au terme d’une telle procédure.
19 Eu égard au libellé de l’article 4 de la directive «cadre», tel qu’il vient d’être rappelé au point 17 du présent arrêt, il importe, en vue de répondre à la première question posée par la juridiction de renvoi, d’apprécier la portée de la notion d’utilisateur ou d’entreprise «affecté(e)» par une décision d’une autorité réglementaire nationale au sens dudit article.
20 Force est tout d’abord de constater que la directive «cadre» ne définit pas cette notion.
21 Selon le gouvernement belge, le fait que, dans les versions anglaise et allemande de cette directive, les articles 4, paragraphe 1, et 16, paragraphe 3, utilisent un terme identique, à savoir, respectivement, «affected» (affecté) et «betroffen» (concerné), indique que ces deux dispositions visent la même réalité et que, par conséquent, les formulations néerlandaises «getroffen» (affecté) et «die gevolgen ondervinden» (subissant des conséquences), figurant, respectivement, auxdits articles 4, paragraphe 1, et 16, paragraphe 3, ont la même signification.
22 La juridiction de renvoi estime également que, dès lors que les articles 4, paragraphe 1, et 16, paragraphe 3, de la directive «cadre» emploient, dans la version allemande, la même expression «betroffenen», une même portée doit leur être reconnue.
23 Toutefois, la réponse à la question posée par la juridiction de renvoi ne saurait être déduite de ces constatations.
24 En effet, plusieurs versions linguistiques de la directive «cadre», à savoir les versions allemande, anglaise, bulgare, danoise, espagnole, grecque, italienne, lettonne, lituanienne, polonaise, slovaque, suédoise et tchèque, utilisent un même et unique terme aux articles 4, paragraphe 1, et 16, paragraphe 3, de cette directive, alors que dans les autres versions linguistiques des mêmes dispositions figurent deux vocables différents, tels, dans la version française desdites dispositions, respectivement, utilisateur ou entreprise «affecté(e)» et parties «concernées».
25 Or, conformément à une jurisprudence constante, les diverses versions linguistiques d’un texte communautaire doivent être interprétées de façon uniforme et, dès lors, en cas de divergences entre ces versions, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (arrêts du 13 avril 2000, W.N., C‑420/98, Rec. p. I‑2847, point 21, et du 14 juin 2007, Euro Tex, C‑56/06, Rec. p. I‑4859, point 27).
26 Il est également de jurisprudence constante qu’il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit communautaire que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit communautaire qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute la Communauté, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (voir, notamment, arrêts du 18 janvier 1984, Ekro, 327/82, Rec. p. 107, point 11; du 19 septembre 2000, Linster, C‑287/98, Rec. p. I-6917, point 43, et du 18 octobre 2007, Österreichischer Rundfunk, C‑195/06, non encore publié au Recueil, point 24).
27 Partant, la portée que le législateur communautaire a voulu conférer à la notion d’utilisateur ou d’entreprise «affecté(e)» par une décision d’une autorité réglementaire nationale, au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive «cadre», doit être appréciée au regard de l’objectif poursuivi par ledit article 4 dans le contexte de cette directive.
28 Force est toutefois de constater que, à supposer même qu’une entreprise placée dans une situation telle que celle de la requérante au principal relève de l’article 16, paragraphe 3, de la directive «cadre», il ne s’ensuivrait pas automatiquement que cette entreprise puisse entrer dans le champ de l’article 4, paragraphe 1, de celle-ci. Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 19 de ses conclusions, ledit article 4, paragraphe 1, poursuit des finalités bien distinctes de celles dont procède ledit article 16, paragraphe 3.
29 En effet, la conséquence, pour une entreprise, de relever de la première disposition est de se voir accorder un droit de recours contre une décision prise par une autorité réglementaire nationale qui l’affecte, alors que la seconde disposition lui confère, en cas de décision portant suppression d’obligations imposées à l’entreprise (précédemment) puissante sur le marché pertinent, le droit d’être avertie de cette suppression dans un délai approprié.
30 Comme l’a relevé M. l’avocat général au point 22 de ses conclusions, l’article 4 de la directive «cadre» constitue une émanation du principe de protection juridictionnelle effective, lequel constitue un principe général du droit communautaire, qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a été consacré aux articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (arrêt du 13 mars 2007, Unibet, C‑432/05, Rec. p. I‑2271, point 37 et jurisprudence citée), en vertu duquel il incombe aux juridictions des États membres d’assurer la protection juridictionnelle des droits que les justiciables tirent du droit communautaire (arrêt Unibet, précité, point 38 et jurisprudence citée).
31 Dans l’hypothèse visée à l’article 4 de la directive «cadre», les États membres sont obligés de prévoir un recours devant un organisme juridictionnel afin de protéger les droits que les utilisateurs et les entreprises tirent de l’ordre juridique communautaire.
32 Il s’ensuit que l’impératif de conférer une protection juridictionnelle effective, dont procède l’article 4 de la directive «cadre», doit s’appliquer également aux utilisateurs et aux entreprises qui peuvent tirer des droits de l’ordre juridique communautaire, notamment des directives sur les télécommunications, et qui sont atteints dans ces droits par une décision d’une autorité réglementaire nationale.
33 Il convient dès lors de déterminer si les utilisateurs et les entreprises concurrents d’une entreprise (précédemment) puissante sur le marché pertinent peuvent tirer des droits de l’ordre juridique communautaire, notamment des directives sur les télécommunications, et être affectés dans ces droits par suite d’une décision prise par une autorité réglementaire nationale dont ils ne sont pas les destinataires, hypothèse dans laquelle ils devraient bénéficier d’un droit de recours aux fins de soumettre cette décision à un contrôle juridictionnel.
34 Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 29 de ses conclusions et comme le fait valoir la requérante au principal, de même que la Commission, certaines obligations spécifiques imposées à l’entreprise puissante sur le marché pertinent conformément à l’article 16, paragraphes 3 et 4, de la directive «cadre» ainsi qu’aux dispositions de la directive «accès» qui y sont citées constituent des mesures protectrices prévues dans l’intérêt des utilisateurs et des entreprises concurrents de cette entreprise puissante et sont donc susceptibles de conférer à ceux-ci des droits. Parmi ces mesures protectrices figurent notamment celles qui peuvent être arrêtées par l’autorité réglementaire nationale conformément à l’article 8 de la directive «accès» ainsi que les obligations de non-discrimination entre les concurrents et les obligations relatives à l’accès des concurrents à des ressources de réseau spécifiques et à l’utilisation de celles-ci prévues, respectivement, aux articles 10 et 12 de cette dernière directive.
35 En ce qui concerne, notamment, lesdites obligations relatives à l’accès à des ressources de réseau spécifiques et à l’utilisation de celles-ci, l’article 12, paragraphe 1, de la directive «accès» dispose que «[l]es autorités réglementaires nationales peuvent, conformément aux dispositions de l’article 8, imposer à des opérateurs l’obligation de satisfaire les demandes raisonnables d’accès à des éléments de réseau spécifiques et à des ressources associées et d’en autoriser l’utilisation, notamment lorsqu’elles considèrent qu’un refus d’octroi de l’accès ou des modalités et conditions déraisonnables ayant un effet similaire empêcheraient l’émergence d’un marché de détail concurrentiel durable, ou risqueraient d’être préjudiciables à l’utilisateur final». Tout comme l’obligation de non-discrimination prévue à l’article 10 de la même directive, ces obligations relatives à l’accès des concurrents à des ressources de réseau spécifiques et à l’utilisation de celles-ci visent à faire bénéficier les concurrents intéressés de cet accès.
36 Il en résulte que les utilisateurs ou les entreprises concurrents d’une entreprise puissante sur le marché pertinent doivent être considérés comme des bénéficiaires potentiels des droits correspondants aux obligations réglementaires spécifiques imposées par une autorité réglementaire nationale à cette entreprise puissante en vertu de l’article 16 de la directive «cadre» et des directives sur les télécommunications y citées. Partant, ces utilisateurs et ces entreprises peuvent être considérés comme étant «affectés», au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive «cadre», par les décisions de cette autorité qui modifient ou suppriment lesdites obligations.
37 Il convient ensuite de relever que, conformément à l’article 8, paragraphe 2, de la directive «cadre», les autorités réglementaires nationales doivent promouvoir la concurrence dans la fourniture des réseaux de communications électroniques, des services de communications électroniques ainsi que des ressources et des services associés, notamment en veillant à ce que la concurrence ne soit pas faussée ni entravée dans le secteur des communications électroniques.
38 Or, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 24 de ses conclusions et comme le fait valoir le gouvernement danois, une interprétation stricte de l’article 4, paragraphe 1, de la directive «cadre», selon laquelle cette disposition ne conférerait pas un droit de recours à des personnes autres que les destinataires des décisions des autorités réglementaires nationales, serait difficilement compatible avec les objectifs généraux et les principes réglementaires découlant, pour ces autorités, de l’article 8 de ladite directive, particulièrement avec l’objectif de promotion de la concurrence.
39 Il en résulte que l’article 4, paragraphe 1, de la directive «cadre» doit être interprété en ce sens qu’il vise à octroyer un droit de recours également à des personnes autres que les destinataires d’une décision prise par une autorité réglementaire nationale dans le cadre d’une analyse de marché. Ainsi, il y a lieu de considérer comme «affectés» au sens de cette disposition les utilisateurs et les entreprises concurrents d’une entreprise (précédemment) puissante sur le marché concerné lorsque les droits de ceux-ci sont potentiellement affectés par une telle décision.
40 S’agissant, ensuite, de l’article 16, paragraphe 3, troisième phrase, de la directive «cadre», cette disposition prévoit que les parties «concernées» par la suppression d’obligations réglementaires sectorielles en sont averties dans un délai approprié. Or, une entreprise (précédemment) puissante sur le marché concerné est destinataire de la décision supprimant de telles obligations, de sorte qu’il va de soi que celle-ci doit lui être notifiée. Il en va du reste de même de décisions instituant de telles obligations à la charge d’une telle entreprise, indépendamment de l’absence de mention expresse en ce sens à l’article 16, paragraphe 4, de ladite directive. En revanche, l’avertissement que prévoit l’article 16, paragraphe 3, de la même directive prend tout son sens s’agissant d’entreprises concurrentes qui, pour leur part, tiraient profit des obligations dont la suppression a été décidée. Il en résulte que le législateur communautaire, en prévoyant la notification d’un tel avertissement, a visé à protéger surtout les concurrents de l’entreprise (précédemment) puissante sur le marché en tant que parties «concernées». Il y a en outre lieu d’observer que, dans le cas contraire, le législateur communautaire aurait eu recours, dans cette disposition, non à la notion de parties «concernées», mais à celle d’«entreprises» figurant dans la deuxième phrase du même paragraphe.
41 Partant, les droits des concurrents d’une entreprise (précédemment) puissante sur le marché pertinent sont couverts par l’article 16, paragraphe 3, de la directive «cadre» et ces derniers doivent donc être considérés comme relevant tant de cette disposition que de l’article 4, paragraphe 1, de la même directive.
42 Il convient en outre de rappeler que, en vertu de l’article 16, paragraphe 6, de la directive «cadre», les mesures prises au titre de cette disposition sont soumises aux procédures prévues notamment à l’article 6 de cette directive et que cette dernière disposition prévoit notamment le droit, pour les parties intéressées, de présenter leurs observations sur le projet de mesures dans un délai raisonnable.
43 Il résulte de tout ce qui précède que la notion d’utilisateur ou d’entreprise «affecté(e)» au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive «cadre» ainsi que celle de partie «concernée» au sens de l’article 16, paragraphe 3, de cette directive doivent être interprétées comme pouvant viser non seulement une entreprise (précédemment) puissante sur le marché pertinent qui fait l’objet d’une décision d’une autorité réglementaire nationale prise dans le cadre d’une procédure d’analyse de marché visée à l’article 16 de la même directive et qui en est destinataire, mais également les utilisateurs et les entreprises concurrents d’une telle entreprise qui ne sont pas eux-mêmes destinataires de cette décision, mais qui sont défavorablement affectés dans leurs droits par celle-ci.
44 Partant, ne saurait être accueillie la thèse des gouvernements autrichien et slovène selon laquelle la lecture conjointe de l’article 4, paragraphe 1, et du douzième considérant de la directive «cadre» permet, à elle seule, de conclure que cette directive prévoit la possibilité d’un recours uniquement pour la personne qui fait effectivement l’objet d’une décision de l’autorité réglementaire nationale et qui en est destinataire.
45 Certes, ledit considérant énonce qu’«[i]l convient que toute partie faisant l’objet de décisions de la part des autorités réglementaires nationales ait le droit d’introduire un recours auprès d’un organisme indépendant des parties concernées. Cet organisme peut être un tribunal». Ainsi, ce considérant se limite à évoquer la possibilité, pour quiconque est visé par une décision d’une autorité réglementaire nationale, de former un recours contre cette décision. Or, la simple évocation, à ce considérant, de la possibilité, pour le destinataire d’une décision, de former un recours n’implique nullement qu’un tel recours serait exclu pour ce qui concerne d’autres entreprises, telles que des entreprises concurrentes dudit destinataire.
46 Les gouvernements autrichien et slovène font également valoir que, pour l’interprétation des dispositions sur lesquelles porte la présente question préjudicielle, il convient de tenir compte du principe d’effectivité inhérent au droit communautaire, qui englobe aussi l’aspect relatif à la rapidité de mise en œuvre des décisions réglementaires spécifiques. Ces gouvernements paraissent ainsi vouloir démontrer que la possibilité de reconnaître aux «intéressés», au sens de l’article 8 de la loi générale sur la procédure administrative de 1991, dans sa version publiée au cours de l’année 2004, des droits réservés aux «parties» peut considérablement allonger la durée totale de la procédure d’analyse de marché, alors que l’autorité réglementaire nationale doit réagir le plus tôt possible afin de compenser des déséquilibres qui sont susceptibles d’apparaître dans des marchés dont les conditions peuvent changer rapidement.
47 Cette argumentation ne saurait être accueillie. En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 17 du présent arrêt, l’article 4 de la directive «cadre» énonce l’obligation de prévoir un droit de recours juridictionnel, mais ne concerne en rien la procédure administrative non contentieuse qui précède l’introduction d’un tel recours.
48 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question posée que la notion d’utilisateur ou d’entreprise «affecté(e)» au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive «cadre» ainsi que celle de partie «concernée» au sens de l’article 16, paragraphe 3, de cette directive doivent être interprétées comme pouvant viser non seulement une entreprise (précédemment) puissante sur le marché pertinent qui fait l’objet d’une décision d’une autorité réglementaire nationale prise dans le cadre d’une procédure d’analyse de marché visée à l’article 16 de la même directive et qui en est destinataire, mais également les utilisateurs et les entreprises concurrents d’une telle entreprise qui ne sont pas eux-mêmes destinataires de cette décision, mais qui sont défavorablement affectés dans leurs droits par celle-ci.
Sur la seconde question
49 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, s’il résulte de l’article 4 de la directive «cadre» qu’une entreprise telle que la requérante au principal, lorsqu’elle dispose d’un droit de recours contre les décisions prises par une autorité réglementaire nationale à la suite d’une procédure administrative d’analyse de marché, doit, de ce fait, se voir aussi accorder la qualité de partie dans la procédure non contentieuse d’analyse de marché.
50 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 4 de la directive «cadre» ne règle pas le point de savoir quelles sont les parties à la procédure administrative non contentieuse visée à l’article 16 de cette directive. Le libellé de cette dernière disposition ne donne pas non plus d’indication dans le sens qu’une entreprise telle que la requérante au principal devrait avoir un droit de participer, en tant que partie, à ladite procédure d’analyse de marché. En effet, l’article 16, paragraphe 3, troisième phrase, de la directive «cadre» se limite à affirmer que les parties concernées par la suppression d’obligations réglementaires spécifiques doivent être averties dans un délai approprié.
51 Ainsi, en l’absence de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de l’effet direct du droit communautaire (voir, notamment, arrêts du 14 décembre 1995, Peterbroeck, C‑312/93, Rec. p. I‑4599, point 12 et jurisprudence citée, ainsi que du 24 septembre 2002, Grundig Italiana, C‑255/00, Rec. p. I‑8003, point 33 et jurisprudence citée).
52 Il s’ensuit que le droit communautaire n’impose pas, a priori, aux États membres d’admettre l’ensemble des utilisateurs et des entreprises concurrents d’une entreprise (précédemment) puissante sur le marché pertinent à participer à une procédure d’analyse de marché visée à l’article 16 de la directive «cadre» en tant que partie au sens du droit procédural autrichien applicable, ayant les prérogatives décrites au point 18 du présent arrêt. Il incombe ainsi au législateur national de préciser si une entreprise telle que la requérante au principal détient la qualité de partie à cette procédure administrative non contentieuse et, dans l’affirmative, de décider si cette entreprise peut se voir conférer des droits procéduraux autres que ceux expressément prévus audit article 16 ainsi que des droits inhérents à la procédure de consultation expressément prévus à l’article 6 de la même directive.
53 Par conséquent, une disposition de droit national qui, dans le cadre d’une telle procédure, ne reconnaît la qualité de partie qu’aux entreprises (précédemment) puissantes sur le marché pertinent à l’égard desquelles des obligations réglementaires spécifiques sont imposées, modifiées ou supprimées n’est pas, en principe, contraire à l’article 4 de la directive «cadre».
54 Toutefois, il convient de rappeler que les modalités procédurales nationales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de l’effet direct du droit communautaire ne peuvent être moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne (principe d’équivalence) ni rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire (principe d’effectivité) (voir en ce sens, notamment, arrêts précités Peterbroeck, point 12 et jurisprudence citée, ainsi que Grundig Italiana, point 33 et jurisprudence citée).
55 Pour ce qui concerne le principe d’effectivité, que la requérante au principal invoque pour revendiquer un droit de participation à la procédure administrative d’analyse de marché concernée, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que chaque cas où se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés aux particuliers par l’ordre juridique communautaire doit être analysé en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, du déroulement et des particularités de celle-ci, devant les diverses instances nationales. Dans cette perspective, il y a lieu de prendre en considération, s’il échet, les principes qui sont à la base du système juridictionnel national, tels que la protection des droits de la défense, le principe de sécurité juridique et le bon déroulement de la procédure (voir, en ce sens, arrêts Peterbroeck, précité, point 14, et du 7 juin 2007, van der Weerd e.a., C‑222/05 à C‑225/05, Rec. p. I‑4233, point 33).
56 Dès lors, il appartient à la juridiction de renvoi de s’assurer que le droit procédural interne assure la sauvegarde des droits que tirent de l’ordre juridique communautaire les utilisateurs et les entreprises concurrents d’une entreprise (précédemment) puissante sur le marché pertinent d’une manière qui ne soit pas moins favorable qu’en ce qui concerne la sauvegarde des droits comparables de nature interne et qui ne nuise pas à l’efficacité de la protection juridique desdits utilisateurs et desdites entreprises garantie à l’article 4 de la directive «cadre».
57 Dans ces conditions, il convient de répondre à la seconde question posée qu’une disposition de droit national qui, dans le cadre d’une procédure non contentieuse d’analyse de marché, ne reconnaît la qualité de partie qu’aux entreprises (précédemment) puissantes sur le marché pertinent à l’égard desquelles des obligations réglementaires spécifiques sont imposées, modifiées ou supprimées n’est pas, en principe, contraire à l’article 4 de la directive «cadre». Toutefois, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier que le droit procédural interne assure la sauvegarde des droits que tirent de l’ordre juridique communautaire les utilisateurs et les entreprises concurrents d’une entreprise (précédemment) puissante sur le marché pertinent d’une manière qui ne soit pas moins favorable qu’en ce qui concerne la sauvegarde des droits comparables de nature interne et qui ne nuise pas à l’efficacité de la protection juridique desdits utilisateurs et desdites entreprises garantie à l’article 4 de la directive «cadre».
Sur les dépens
58 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:
1) La notion d’utilisateur ou d’entreprise «affecté(e)» au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive «cadre»), ainsi que celle de partie «concernée» au sens de l’article 16, paragraphe 3, de cette directive doivent être interprétées comme pouvant viser non seulement une entreprise (précédemment) puissante sur le marché pertinent qui fait l’objet d’une décision d’une autorité réglementaire nationale prise dans le cadre d’une procédure d’analyse de marché visée à l’article 16 de la même directive et qui en est destinataire, mais également les utilisateurs et les entreprises concurrents d’une telle entreprise qui ne sont pas eux-mêmes destinataires de cette décision, mais qui sont défavorablement affectés dans leurs droits par celle-ci.
2) Une disposition de droit national qui, dans le cadre d’une procédure non contentieuse d’analyse de marché, ne reconnaît la qualité de partie qu’aux entreprises (précédemment) puissantes sur le marché pertinent à l’égard desquelles des obligations réglementaires spécifiques sont imposées, modifiées ou supprimées n’est pas, en principe, contraire à l’article 4 de la directive 2002/21. Toutefois, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier que le droit procédural interne assure la sauvegarde des droits que tirent de l’ordre juridique communautaire les utilisateurs et les entreprises concurrents d’une entreprise (précédemment) puissante sur le marché pertinent d’une manière qui ne soit pas moins favorable qu’en ce qui concerne la sauvegarde des droits comparables de nature interne et qui ne nuise pas à l’efficacité de la protection juridique desdits utilisateurs et desdites entreprises garantie à l’article 4 de la directive 2002/21.
Signatures
* Langue de procédure: l’allemand.