Affaire C-309/02


Radlberger Getränkegesellschaft mbH & Co.etS. Spitz KG
contre
Land Baden-Württemberg



(demande de décision préjudicielle, formée par le Verwaltungsgericht Stuttgart)

«Environnement – Libre circulation des marchandises – Emballages et déchets d'emballages – Directive 94/62/CE – Obligations de consignation et de reprise pour des emballages à usage unique en fonction du pourcentage global d'emballages réutilisables»

Conclusions de l'avocat général M. D. Ruiz-Jarabo Colomer, présentées le 6 mai 2004
    
Arrêt de la Cour (grande chambre) du 14 décembre 2004
    

Sommaire de l'arrêt

1.
Environnement – Déchets – Emballages et déchets d'emballages – Directive 94/62 – Faculté accordée aux États membres de favoriser des systèmes de réutilisation des emballages – Admissibilité des mesures nationales – Conditions

(Directive du Parlement européen et du Conseil 94/62, art. 1er, § 2, et 5)

2.
Environnement – Déchets – Emballages et déchets d'emballages – Directive 94/62 – Droit des producteurs et des distributeurs de continuer à participer à un système donné de gestion des déchets d'emballages – Absence – Remplacement d'un système existant de gestion des déchets d'emballages – Admissibilité – Conditions

(Directive du Parlement européen et du Conseil 94/62, art. 7)

3.
Libre circulation des marchandises – Restrictions quantitatives – Mesures d'effet équivalent – Réglementation nationale remplaçant un système global de collecte des déchets d'emballages par un système de consignation et de reprise individuelle – Justification – Protection de l'environnement – Condition – Respect du principe de proportionnalité

(Art. 28 CE et 30 CE)

1.
L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 94/62, relative aux emballages et aux déchets d’emballages, ne s’oppose pas à ce que les États membres introduisent des mesures visant à favoriser les systèmes de réutilisation des emballages.
Conformément à l’article 5 de la même directive, de telles mesures doivent respecter non seulement les exigences qui découlent des autres dispositions de celle-ci, notamment de l’article 7, mais également les obligations résultant des dispositions du traité, notamment de l’article 28 CE.

(cf. points 36-37, disp. 1)

2.
L’article 7 de la directive 94/62 relative aux emballages et aux déchets d’emballages, tout en ne conférant aux producteurs et aux distributeurs concernés aucun droit de continuer à participer à un système donné de gestion des déchets d’emballages, s’oppose au remplacement d’un système global de collecte de tels déchets par un système de consignation et de reprise individuelle lorsque le nouveau système n’est pas également apte à atteindre les objectifs de ladite directive ou lorsque le passage à ce nouveau système ne se fait pas sans rupture et sans mettre en péril la possibilité pour les acteurs économiques des secteurs concernés de participer effectivement au nouveau système dès l’entrée en vigueur de ce dernier.

(cf. points 43, 46, 48, 50, disp. 2)

3.
L’article 28 CE s’oppose à une réglementation nationale lorsqu’elle annonce le remplacement d’un système global de collecte des déchets d’emballages par un système de consignation et de reprise individuelle sans que les producteurs et les distributeurs concernés disposent d’un délai de transition raisonnable pour s’y adapter et soient assurés que, au moment du changement du système de gestion des déchets d’emballages, ils puissent effectivement participer à un système opérationnel. En effet, une telle réglementation ne peut être justifiée par des raisons tenant à la protection de l’environnement que si les moyens qu’elle met en oeuvre ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs visés.

(cf. points 79, 83, disp. 3)




ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
14 décembre 2004(1)


«Environnement – Libre circulation des marchandises – Emballages et déchets d'emballages – Directive 94/62/CE – Obligations de consignation et de reprise pour des emballages à usage unique en fonction du pourcentage global d'emballages réutilisables»

Dans l'affaire C-309/02,ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l'article 234 CE,introduite par le Verwaltungsgericht Stuttgart (Allemagne), par décision du 21 août 2002, parvenue à la Cour le 29 août 2002, dans la procédure

Radlberger Getränkegesellschaft mbH & Co.,S. Spitz KG

contre

Land Baden-Württemberg,



LA COUR (grande chambre),,



composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann et K. Lenaerts(rapporteur), présidents de chambre, MM. C. Gulmann, J.-P. Puissochet et R. Schintgen, Mme N. Colneric, MM. S. von Bahr et J. N. Cunha Rodrigues, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,
greffier: Mme M.-F. Contet, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 2 mars 2004,considérant les observations présentées:

pour Radlberger Getränkegesellschaft mbH & Co. et S. Spitz KG, par Me R. Karpenstein, Rechtsanwalt,

pour le Land Baden-Württemberg, par Me L.-A. Versteyl, Rechtsanwalt,

pour le gouvernement allemand, par M. W.-D. Plessing et Mme A. Tiemann, en qualité d'agents, assistés de Me D. Sellner, Rechtsanwalt,

pour le gouvernement autrichien, par M. E. Riedl, en qualité d'agent,

pour le gouvernement français, par M. G. de Bergues et D. Petrausch, en qualité d'agents,

pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d'agent, assisté de M. M. Fiorilli, avvocato dello Stato,

pour le gouvernement néerlandais, par Mmes S. Terstal et C. Wissels, en qualité d'agents,

pour la Commission des Communautés européennes, par MM. J. Grunwald et M. Konstantinidis, en qualité d'agents,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 6 mai 2004,

rend le présent



Arrêt



1
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 94/62/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 1994, relative aux emballages et aux déchets d’emballages (JO L 365, p. 10), et de l’article 28 CE.

2
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un recours intenté par Radlberger Getränkegesellschaft mbH & Co. et S. Spitz KG, sociétés autrichiennes productrices de boissons, contre le Land Baden-Württemberg.


Le cadre juridique

La directive 94/62

3
La directive 94/62 a pour objet, selon son article 1er, paragraphe 1, l’harmonisation des mesures nationales concernant la gestion des emballages et des déchets d’emballages afin, d’une part, de prévenir et de réduire leur incidence sur l’environnement des États membres et des pays tiers et d’assurer ainsi un niveau élevé de protection de l’environnement et, d’autre part, de garantir le fonctionnement du marché intérieur et de prévenir l’apparition d’entraves aux échanges et de distorsions et restrictions de concurrence dans la Communauté.

4
Aux termes de son article 1er, paragraphe 2, cette directive prévoit «des mesures visant, comme première priorité, la prévention de déchets d’emballages et, comme autres principes fondamentaux, la réutilisation d’emballages, le recyclage et les autres formes de valorisation des déchets d’emballages et, partant, la réduction de l’élimination finale de ces déchets».

5
L’article 5 de ladite directive dispose:

«Les États membres peuvent favoriser conformément au traité, des systèmes de réutilisation des emballages qui sont susceptibles d’être réutilisés sans nuire à l’environnement.»

6
L’article 7 de la directive 94/62 dispose:

«1.     Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que soient instaurés des systèmes assurant:

a)
la reprise et/ou la collecte des emballages utilisés et/ou des déchets d’emballages provenant du consommateur, de tout autre utilisateur final ou du flux de déchets, en vue de les diriger vers les solutions de gestion des déchets les plus appropriées;

b)
la réutilisation ou la valorisation, y compris le recyclage, des emballages et/ou des déchets d’emballages collectés,

afin d’atteindre les objectifs de la présente directive.

Ces systèmes sont ouverts à la participation des acteurs économiques des secteurs concernés et à la participation des autorités publiques compétentes. Ils s’appliquent également aux produits importés, de manière non discriminatoire, y compris en ce qui concerne les modalités prévues et les tarifs éventuellement imposés pour l’accès aux systèmes, et doivent être conçus de manière à éviter des entraves aux échanges ou des distorsions de concurrence, conformément au traité.

2.       Les mesures visées au paragraphe 1 s’inscrivent dans le cadre d’une politique couvrant l’ensemble des emballages et des déchets d’emballages et tiennent compte notamment des exigences en matière de protection de l’environnement et de la santé des consommateurs, de sécurité et d’hygiène, en matière de protection de la qualité, de l’authenticité et des caractéristiques techniques des produits emballés et des matériaux utilisés ainsi qu’en matière de protection des droits de propriété industrielle et commerciale.»

7
L’article 18 de la même directive est libellé comme suit:

«Les États membres ne peuvent faire obstacle à la mise sur le marché, sur leur territoire, d’emballages conformes à la présente directive.»

La réglementation nationale

8
La Verordnung über die Vermeidung und Verwertung von Verpackungsabfällen (décret relatif à la prévention et à la valorisation des déchets d’emballages), du 21 août 1998 (BGBl. 1998 I, p. 2379, ci-après la «VerpackV»), prévoit différentes mesures de prévention et de réduction de l’incidence des déchets d’emballages sur l’environnement. Ayant pour but, notamment, de transposer la directive 94/62, la VerpackV a remplacé la Verordnung über die Vermeidung von Verpackungsabfällen (décret relatif à la prévention des déchets d’emballages), du 12 juin 1991 (BGBl. 1991 I, p. 1234).

9
L’article 6, paragraphes 1 et 2, de la VerpackV énonce les obligations suivantes:

«1. Le distributeur est tenu de reprendre gratuitement, au point de remise effective ou à proximité immédiate, les emballages de vente vides utilisés par le consommateur final, de les valoriser conformément aux exigences définies au point 1 de l’annexe I, et de satisfaire aux exigences définies au point 2 de l’annexe I. Les exigences de valorisation peuvent être également remplies par une réutilisation ou un renvoi des emballages au distributeur ou au fabricant en application du paragraphe 2. Le distributeur doit attirer l’attention du consommateur privé sur la possibilité de reprise, prévue à la première phrase, par des pancartes clairement visibles et lisibles. L’obligation impartie par la première phrase se limite aux types, formes et tailles d’emballages ainsi qu’aux emballages de produits qui font partie de l’assortiment du distributeur. Pour les distributeurs disposant de surfaces de vente inférieures à 200 m2, l’obligation de reprise se limite aux emballages des marques commercialisées par le distributeur. Dans le commerce de vente par correspondance, cette reprise doit être garantie par des possibilités appropriées de reprise suffisamment proches du consommateur final. La possibilité de reprise doit être signalée dans l’expédition de marchandises et dans les catalogues. Si les emballages de vente ne proviennent pas de consommateurs privés, des accords dérogatoires peuvent être conclus quant au lieu de reprise et au régime des coûts. Si les distributeurs ne satisfont pas aux obligations imparties par la première phrase en reprenant les emballages au point de remise, ils doivent en garantir le respect par un système tel que prévu au paragraphe 3. Pour les distributeurs d’emballages pour lesquels une participation à un système tel que prévu au paragraphe 3 est exclue, les exigences de valorisation prévues à l’article 4, paragraphe 2, s’appliquent mutatis mutandis, par dérogation à la première phrase.

2. Les producteurs et les distributeurs sont tenus de reprendre gratuitement au point de remise effective les emballages repris par les distributeurs en application du paragraphe 1, de les valoriser conformément aux exigences définies au point 1 de l’annexe I et de satisfaire aux exigences définies au point 2 de l’annexe I. Les exigences de valorisation peuvent être également remplies par une réutilisation des emballages. Les obligations imparties par la première phrase se limitent aux types, formes et tailles d’emballages ainsi qu’aux emballages de produits que les producteurs et les distributeurs commercialisent respectivement. Le paragraphe 1, huitième à dixième phrases, s’applique mutatis mutandis.»

10
Selon le paragraphe 3 de ce même article, ces obligations de reprise et de valorisation peuvent en principe aussi être satisfaites par la participation du producteur ou du distributeur à un système global de collecte des emballages de vente usagés. Il incombe à l’autorité compétente régionale de constater que ce système remplit les conditions imposées par la VerpackV quant à son taux de couverture.

11
En vertu de l’article 8, paragraphe 1, de la VerpackV, les distributeurs qui commercialisent des produits alimentaires liquides conditionnés dans des emballages de boisson non réutilisables sont tenus de prélever auprès de l’acheteur une consigne d’un montant minimal de 0,25 euro par emballage, taxe sur la valeur ajoutée incluse. Le montant minimal de la consigne s’élève à 0,50 euro, taxe sur la valeur ajoutée incluse, lorsque le volume de conditionnement est supérieur à 1,5 litre. La consigne doit être prélevée par chaque distributeur successif, à tous les stades de la commercialisation, jusqu’à la vente au consommateur final. La consigne est remboursée lors de la reprise des emballages conformément à l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la VerpackV.

12
Selon l’article 9, paragraphe 1, de la VerpackV, cette consignation obligatoire ne s’applique pas aux emballages pour lesquels le producteur ou le distributeur est exempté de l’obligation de reprise en raison de sa participation à un système global de collecte tel que visé audit article 6, paragraphe 3.

13
La VerpackV prévoit toutefois à son article 9, paragraphe 2, des circonstances dans lesquelles, pour certaines boissons, le recours à l’article 6, paragraphe 3, est supprimé. Les termes de cette disposition sont les suivants:

«Lorsque, sur le territoire d’application du présent décret, le taux des boissons conditionnées dans des emballages réutilisables, qu’il s’agisse de bière, d’eaux minérales (y compris les eaux de source, les eaux de table et les eaux minérales), de boissons rafraîchissantes gazeuses, de jus de fruits […] ou de vin […], descend globalement au-dessous de 72 % au cours de l’année civile, il y a lieu de procéder à une nouvelle évaluation des taux pertinents d’emballages réutilisables pour la période de douze mois qui suit l’annonce que le taux d’emballages réutilisables n’est pas atteint. Lorsque le taux des emballages réutilisables sur le territoire fédéral est inférieur au taux visé à la première phrase, la décision au titre de l’article 6, paragraphe 3, est réputée annulée, sur l’ensemble du territoire fédéral, à compter du premier jour du sixième mois civil suivant la publication prévue au paragraphe 3, pour les boissons pour lesquelles le taux d’emballages réutilisables fixé en 1991 n’est pas atteint […]»

14
Conformément à l’article 9, paragraphe 3, de la VerpackV, le gouvernement allemand publie chaque année les taux pertinents, visés au paragraphe 2 dudit article, pour les boissons conditionnées dans des emballages avantageux sur le plan écologique. Selon le paragraphe 4 du même article, l’autorité compétente procède, sur demande ou d’office, à une nouvelle évaluation conformément à l’article 6, paragraphe 3, lorsque le taux pertinent pour les boissons conditionnées dans de tels emballages est de nouveau atteint après une décision d’annulation.


Le litige au principal et les questions préjudicielles

15
Les requérantes au principal exportent vers l’Allemagne, dans des emballages à usage unique valorisables, des boissons rafraîchissantes gazeuses, des jus de fruits et d’autres boissons non gazeuses ainsi que de l’eau de table. Aux fins de la valorisation de ces emballages, elles ont adhéré au système global de collecte de déchets exploité par la société «Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland AG» et ont été, à ce titre, exemptées de l’obligation de prélever la consigne prévue à l’article 8, paragraphe 1, de la VerpackV pour les boissons distribuées en Allemagne dans des emballages à usage unique.

16
Selon un communiqué du gouvernement allemand du 28 janvier 1999, le taux d’emballages de boissons réutilisables est descendu, en 1997, pour la première fois en dessous de 72 %, à savoir 71,33 %. Ce taux étant resté, au cours de deux périodes consécutives, soit entre février 1999 et janvier 2000 et entre mai 2000 et avril 2001, sur l’ensemble du territoire fédéral, au-dessous de 72 %, ledit gouvernement a, le 2 juillet 2002, en application de l’article 9, paragraphe 3, de la VerpackV, annoncé le prélèvement, à compter du 1er janvier 2003, d’une consigne obligatoire sur les eaux minérales, les bières et les boissons rafraîchissantes. Conformément à la VerpackV, les requérantes au principal seraient donc tenues, à partir de cette date, de prélever la consigne prescrite à l’article 8, paragraphe 1, de cette réglementation pour la plupart de leurs emballages en ce qui concerne les boissons distribuées en Allemagne, puis de reprendre et de valoriser les emballages vides.

17
Le 23 mai 2002, les requérantes au principal ont introduit devant le Verwaltungsgericht Stuttgart un recours contre le Land Baden-Württemberg dans lequel elles soutiennent que le régime des quotas d’emballages réutilisables, prévu dans la VerpackV, et les obligations de consignation et de reprise y afférentes, sont contraires aux articles 1er, paragraphes 1 et 2, 5, 7 et 18 de la directive 94/62 ainsi qu’à l’article 28 CE. La République fédérale d’Allemagne a été appelée à la cause.

18
Selon la juridiction de renvoi, en partant de l’interprétation défendue par les requérantes au principal selon laquelle l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 94/62 présume une équivalence entre la réutilisation des emballages et leur valorisation, se trouve posée la question de savoir si le système de la VerpackV est compatible avec ladite directive, dans la mesure où ce système rend la commercialisation d’emballages à usage unique plus difficile lorsque le taux d’emballages réutilisables descend au-dessous d’un certain seuil. Cette juridiction fait observer que les producteurs établis dans un autre État membre sont exposés à des frais plus élevés que les producteurs allemands s’ils décident de commercialiser leurs boissons dans des emballages réutilisables. Elle souligne que, selon les requérantes au principal, aussi longtemps que l’obligation de prélever une consigne est suspendue, la réglementation allemande affecte déjà la situation des producteurs établis dans un autre État membre en raison du fait que les distributeurs allemands auraient tendance à exclure les emballages à usage unique de leur assortiment de boissons afin que le taux d’emballages réutilisables ne descende pas au-dessous de 72 %.

19
Dans ces circonstances, le Verwaltungsgericht Stuttgart a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)
Faut-il interpréter l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 94/62[...] en ce sens qu’il interdit aux États membres de privilégier des systèmes de réutilisation d’emballages pour boissons par rapport à des emballages à usage unique valorisables en annulant – lorsque le taux fédéral d’emballages réutilisables descend au-dessous de 72 % – la possibilité d’exemption d’une obligation édictée de reprise, de gestion et de consignation d’emballages vides à usage unique pour boissons par la participation à un système de reprise et de gestion, en ce qui concerne les boissons pour lesquelles le taux d’emballages réutilisables est descendu au-dessous du taux constaté en 1991?

2)
Faut-il interpréter l’article 18 de la directive [94/62] en ce sens qu’il interdit aux États membres de faire obstacle à la mise sur le marché de boissons conditionnées dans des emballages à usage unique valorisables en annulant – lorsque le taux fédéral d’emballages réutilisables descend au-dessous de 72 % – la possibilité d’exemption d’une obligation édictée de reprise, de gestion et de consignation d’emballages vides à usage unique pour boissons par la participation à un système de reprise et de gestion, en ce qui concerne les boissons pour lesquelles le taux d’emballages réutilisables est descendu au-dessous du taux constaté en 1991?

3)
Faut-il interpréter l’article 7 de la directive [94/62] en ce sens qu’il confère aux producteurs et aux distributeurs de boissons conditionnées dans des emballages à usage unique valorisables un droit à participer à un système déjà instauré de reprise et de gestion d’emballages usagés pour boissons afin de satisfaire ainsi à une obligation légalement prescrite de consignation des emballages pour boissons à usage unique, et de reprise des emballages usagés pour boissons?

4)
Faut-il interpréter l’article 28 CE en ce sens qu’il interdit aux États membres d’adopter des réglementations selon lesquelles, lorsque le taux fédéral d’emballages réutilisables pour boissons descend au-dessous de 72 %, la possibilité d’exemption d’une obligation édictée de reprise, de gestion et de consignation d’emballages vides à usage unique pour boissons par la participation à un système de reprise et de gestion est annulée en ce qui concerne les boissons pour lesquelles le taux d’emballages réutilisables est descendu au-dessous du taux constaté en 1991?»


Sur les demandes de réouverture de la procédure orale

20
Par lettres parvenues au greffe de la Cour, respectivement, les 14 et 17 juin 2004, le gouvernement allemand et la défenderesse au principal ont demandé à la Cour d’ordonner la réouverture de la procédure orale, en application de l’article 61 du règlement de procédure.

21
À l’appui de sa demande, le gouvernement allemand fait valoir que les conclusions présentées le 6 mai 2004 par M. l’avocat général comportent une série d’éléments qui n’ont pas fait l’objet de la procédure écrite et orale, et dont il ressort une appréciation inexacte des arguments qu’il a invoqués devant la Cour. De même, dans sa demande, la défenderesse au principal soutient que lesdites conclusions abordent certains éléments qui n’ont pas été débattus et sur lesquels la Cour n’a donc pas été suffisamment éclairée.

22
À cet égard, il convient de rappeler que la Cour peut d’office ou sur proposition de l’avocat général, ou encore à la demande des parties, ordonner la réouverture de la procédure orale, conformément à l’article 61 de son règlement de procédure, si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée ou que l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties (voir arrêts du 10 février 2000, Deutsche Post, C‑270/97 et C‑271/97, Rec. p. I‑929, point 30; du 19 février 2002, Wouters e.a., C‑309/99, Rec. p. I‑1577, point 42; du 18 juin 2002, Philips, C‑299/99, Rec. p. I‑5475, point 20, et du 12 décembre 2002, Sieckmann, C‑273/00, Rec. p. I‑11737, point 22).

23
En l’espèce, cependant, la Cour, l’avocat général entendu, considère qu’elle dispose de tous les éléments qui lui sont nécessaires pour répondre aux questions posées et que ces éléments ont fait l’objet des débats menés devant elle.

24
Dès lors, il convient de rejeter les demandes du gouvernement allemand et de la défenderesse au principal tendant à obtenir la réouverture de la procédure orale.


Sur les questions préjudicielles

Sur la recevabilité des questions préjudicielles

25
La défenderesse au principal soutient que la Cour doit rejeter les questions préjudicielles comme irrecevables, étant donné que le recours au principal est irrecevable, dès lors qu’il est dirigé contre le Land Baden-Württemberg. En effet, n’ayant aucune compétence législative ou réglementaire propre en la matière, ce dernier ne ferait qu’exécuter la réglementation fédérale. Selon ladite défenderesse, le recours aurait dû être dirigé contre l’État fédéral devant la juridiction compétente à cet effet, à savoir le Verwaltungsgericht Berlin. Dans des procédures parallèles, un certain nombre de juridictions administratives allemandes auraient déjà constaté l’irrecevabilité de recours similaires.

26
À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il n’appartient pas à la Cour, compte tenu de la répartition des fonctions entre elle et les juridictions nationales, de vérifier si la décision par laquelle elle a été saisie a été prise conformément aux règles d’organisation et de procédure judiciaires de droit national (voir arrêts du 3 mars 1994, Eurico Italia e.a., C‑332/92, C‑333/92 et C‑335/92, Rec. p. I‑711, point 13; du 16 septembre 1999, WWF e.a., C‑435/97, Rec. p. I‑5613, point 33, et du 3 octobre 2000, Gozza e.a., C‑371/97, Rec. p. I‑7881, point 30). La Cour doit s’en tenir à la décision de renvoi émanant d’une juridiction d’un État membre, tant qu’elle n’a pas été rapportée dans le cadre des voies de recours prévues éventuellement par le droit national (arrêt du 14 janvier 1982, Reina, 65/81, Rec. p. 33, point 7).

27
En l’espèce, il ressort de l’ordonnance de renvoi que le Verwaltungsgericht Stuttgart estime que le recours au principal est au moins partiellement recevable.

28
Par ailleurs, il est constant qu’un lien direct existe entre, d’une part, les quatre questions préjudicielles, portant sur l’interprétation des articles 1er, 7 et 18 de la directive 94/62 et de l’article 28 CE, posées afin de permettre à la juridiction de renvoi d’apprécier la compatibilité de la réglementation allemande en cause avec ces dispositions, et, d’autre part, l’objet du recours au principal, qui tend à faire déclarer que les requérantes au principal ne sont pas tenues de se soumettre aux obligations de consignation et de reprise individuelle de leurs emballages à usage unique.

29
Il s’ensuit que la demande de décision préjudicielle est recevable.

Sur la première question

30
Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 94/62 s’oppose à ce qu’un État membre favorise des systèmes de réutilisation d’emballages, par l’application d’un système tel que celui prévu aux articles 8, paragraphe 1, et 9, paragraphe 2, de la VerpackV.

31
À cet égard, il convient de rappeler que si l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 94/62 prévoit comme «première priorité» des mesures visant la prévention de déchets d’emballages, il énumère, en tant qu’«autres principes fondamentaux», la réutilisation d’emballages, le recyclage et les autres formes de valorisation des déchets d’emballages.

32
Le huitième considérant de cette directive énonce que, «dans l’attente de résultats scientifiques et techniques en ce qui concerne les processus de valorisation, il convient d’opter de préférence pour la réutilisation et le recyclage, eu égard à leur incidence sur l’environnement; que, pour cette raison, des systèmes garantissant le retour des emballages utilisés et/ou des déchets d’emballages doivent être instaurés dans les États membres; que les analyses du cycle de vie doivent être achevées dans les plus brefs délais afin de justifier l’adoption d’une hiérarchie précise entre les emballages réutilisables, les emballages recyclables et les emballages valorisables».

33
Il ressort de ce qui précède que la directive 94/62 n’établit pas de hiérarchie entre la réutilisation des emballages, d’une part, et la valorisation des déchets d’emballages, d’autre part.

34
Il convient d’observer, toutefois, que l’article 5 de la directive 94/62 permet aux États membres de prendre des mesures visant à favoriser des systèmes de réutilisation des emballages qui sont susceptibles d’être réutilisés sans nuire à l’environnement.

35
Il ressort du libellé même de cet article 5 qu’une telle politique de promotion de la réutilisation des emballages n’est autorisée que dans la mesure où elle est conforme au traité.

36
Ainsi, les mesures prises par un État membre en application de l’article 5 de ladite directive doivent respecter non seulement les exigences qui découlent des autres dispositions de celle-ci, notamment de l’article 7, visé par la troisième question préjudicielle, mais également les obligations résultant des dispositions du traité, notamment de l’article 28 CE, visé par la quatrième question préjudicielle.

37
Il convient, par conséquent, de répondre à la première question que l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 94/62 ne s’oppose pas à ce que les États membres introduisent des mesures visant à favoriser les systèmes de réutilisation des emballages.

38
Au vu de ce qui précède, il y a lieu de répondre d’abord aux troisième et quatrième questions préjudicielles.

Sur la troisième question

39
Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 7 de la directive 94/62 accorde aux producteurs et aux distributeurs de boissons conditionnées dans des emballages à usage unique valorisables et autorisés à s’acquitter de leurs obligations de consignation et de reprise en participant à un système global de collecte des emballages, le droit de continuer à participer à un tel système global afin de satisfaire à leurs obligations légales.

40
Il convient de rappeler que la directive 94/62 impose aux États membres, par son article 7, paragraphe 1, de prendre les mesures nécessaires pour que soient instaurés des systèmes assurant, d’une part, la reprise et/ou la collecte des emballages utilisés et/ou des déchets d’emballages et, d’autre part, la réutilisation ou la valorisation des emballages ou des déchets d’emballages collectés. Toujours selon cette disposition, ces systèmes doivent être ouverts à la participation des acteurs économiques des secteurs concernés et à la participation des autorités publiques compétentes, s’appliquer de manière non discriminatoire aux produits importés et être conçus de manière à éviter des entraves aux échanges ou des distorsions de concurrence, conformément au traité.

41
L’article 7, paragraphe 2, de ladite directive exige que les mesures visées au paragraphe 1 de ce même article s’inscrivent dans le cadre d’une politique couvrant l’ensemble des emballages et des déchets d’emballages et il précise que ces mesures doivent tenir compte notamment des exigences en matière de protection de l’environnement et de la santé des consommateurs, de sécurité et d’hygiène, en matière de protection de la qualité, de l’authenticité et des caractéristiques techniques des produits emballés et des matériaux utilisés ainsi qu’en matière de protection des droits de propriété industrielle et commerciale.

42
Ledit article 7 laisse aux États membres le soin de choisir, en ce qui concerne les emballages à usage unique, entre un système de consignation et de reprise individuelle, d’une part, et un système global de collecte des emballages, d’autre part, ou encore d’opter pour une combinaison des deux systèmes en fonction du type de produits, pourvu que les systèmes choisis aient pour objet de diriger les emballages vers les solutions de gestion de déchets les plus appropriées et qu’ils s’inscrivent dans le cadre d’une politique couvrant l’ensemble des emballages et des déchets d’emballages.

43
Cette disposition ne confère aux producteurs et aux distributeurs concernés aucun droit de continuer à participer à un système donné de gestion des déchets d’emballages.

44
En effet, la directive 94/62 ne fait pas obstacle à ce qu’un État membre prévoie des modifications aux systèmes de gestion des déchets d’emballages mis en place sur son territoire de manière à garantir la solution de gestion des déchets la plus appropriée.

45
Si la directive 94/62 permet donc qu’un État membre prévoit le remplacement, en fonction des circonstances, d’un système de collecte des emballages à proximité du domicile des consommateurs ou des points de vente par un système de consignation et de reprise individuelle, il faut toutefois qu’un tel remplacement respecte certaines conditions.

46
D’une part, le nouveau système doit être également apte à atteindre les objectifs de la directive 94/62. Plus particulièrement, lorsque le nouveau système est, comme en l’espèce, un système de consignation et de reprise individuelle, l’État membre concerné doit veiller à ce qu’il existe un nombre suffisant de points de reprise afin que les consommateurs ayant acheté des produits conditionnés dans des emballages à usage unique consignés puissent récupérer le montant de la consigne même s’ils ne retournent pas sur le lieu d’achat initial.

47
À cet égard, il importe de relever que l’article 6, paragraphe 1, première phrase, de la VerpackV dispose que le distributeur est tenu de reprendre gratuitement les emballages de vente au point de remise effective ou à proximité immédiate («am Ort der tatsächlichen Übergabe oder in dessen unmittelbarer Nähe»). S’il est vrai que les phrases suivantes dudit paragraphe ajoutent certaines précisions, notamment en ce qui concerne les limitations de cette obligation en fonction des caractéristiques des emballages concernés et en fonction de la surface de vente du distributeur concerné, il n’en reste pas moins que l’étendue de l’obligation de reprise n’apparaît pas être dépourvue d’ambiguïté.

48
D’autre part, le passage au nouveau système doit se faire sans rupture et sans mettre en péril la possibilité pour les acteurs économiques des secteurs concernés de participer effectivement au nouveau système dès l’entrée en vigueur de ce dernier. Il convient de constater à cet égard que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 94/62 oblige chaque État membre à garantir aux producteurs et aux distributeurs concernés, à tout moment et sans discrimination, l’accès à un système de gestion des déchets d’emballages.

49
Partant, il incombe à l’État membre qui procède au remplacement du système existant de gestion des déchets d’emballages par un autre d’assurer que les producteurs et distributeurs concernés disposent d’un délai raisonnable pour la transition vers le nouveau système de sorte qu’ils puissent adapter leurs méthodes de production ainsi que leurs chaînes de distribution aux exigences du nouveau système.

50
Il convient donc de répondre à la troisième question que l’article 7 de la directive 94/62, tout en ne conférant aux producteurs et aux distributeurs concernés aucun droit de continuer à participer à un système donné de gestion des déchets d’emballages, s’oppose au remplacement d’un système global de collecte de tels déchets par un système de consignation et de reprise individuelle lorsque le nouveau système n’est pas également apte à atteindre les objectifs de ladite directive ou lorsque le passage à ce nouveau système ne se fait pas sans rupture et sans mettre en péril la possibilité pour les acteurs économiques des secteurs concernés de participer effectivement au nouveau système dès l’entrée en vigueur de ce dernier.

Sur la quatrième question

51
Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 28 CE s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle prévue aux articles 8, paragraphe 1, et 9, paragraphe 2, de la VerpackV, qui fait dépendre du taux d’emballages réutilisables sur le marché concerné la possibilité pour les producteurs et les distributeurs utilisant des emballages à usage unique de s’acquitter de leurs obligations de consignation et de reprise ainsi que de valorisation moyennant la participation à un système global de collecte.

Sur l’applicabilité de l’article 28 CE

52
Selon le gouvernement allemand, il ne peut y avoir de conflit entre l’article 28 CE et la réglementation nationale en cause, étant donné que, s’agissant de la réutilisation des emballages, la directive 94/62 et en particulier ses articles 5, 9 et 18 auraient pour objet et pour effet de procéder à une harmonisation complète de la matière concernée.

53
Eu égard à la circonstance que, lorsqu’un domaine a fait l’objet d’une harmonisation exhaustive au niveau communautaire, toute mesure nationale y relative doit être appréciée au regard des dispositions de cette mesure d’harmonisation et non pas de celles du droit primaire (arrêts du 12 octobre 1993, Vanacker et Lesage, C‑37/92, Rec. p. I‑4947, point 9; du 13 décembre 2001, DaimlerChrysler, C‑324/99, Rec. p. I‑9897, point 32, et du 11 décembre 2003, Deutscher Apothekerverband, C‑322/01, non encore publié au Recueil, point 64), il convient donc de déterminer si l’harmonisation opérée par la directive 94/62 exclut l’examen de la compatibilité de la réglementation nationale en cause avec l’article 28 CE.

54
À cet égard, il y a lieu de relever que, s’agissant de la réutilisation des emballages, l’article 5 de la directive 94/62 se limite à permettre aux États membres de favoriser, conformément au traité, des systèmes de réutilisation des emballages qui sont susceptibles d’être réutilisés sans nuire à l’environnement.

55
En dehors de la définition de la notion de «réutilisation» des emballages, de certaines dispositions générales sur les mesures de prévention des déchets d’emballages et des dispositions relatives aux systèmes de reprise, de collecte et de valorisation, figurant, respectivement, à ses articles 3, point 5, 4 et 7, la directive 94/62 ne réglemente pas, en ce qui concerne les États membres qui sont disposés à utiliser la faculté accordée par son article 5, l’organisation de systèmes favorisant les emballages réutilisables.

56
Contrairement à ce qui est le cas du marquage et de l’identification des emballages et des exigences concernant la composition et le caractère réutilisable ou valorisable de ces derniers, régis par les articles 8 à 11 et par l’annexe II de la directive 94/62, l’organisation des systèmes nationaux destinés à favoriser la réutilisation des emballages ne fait donc pas l’objet d’une harmonisation complète.

57
De tels systèmes peuvent, par conséquent, être appréciés à l’aune des dispositions du traité relatives à la libre circulation des marchandises.

58
L’article 5 de la directive 94/62 ne permet d’ailleurs aux États membres de favoriser des systèmes de réutilisation des emballages que «conformément au traité».

59
S’agissant de l’article 18 de la même directive, il convient de relever que, dans la mesure où cette disposition se limite à garantir la libre circulation, sur le territoire des États membres, d’emballages qui respectent les exigences relatives au marquage, à la composition et au caractère réutilisable et valorisable de ceux-ci, elle ne fait pas non plus obstacle à ce que des systèmes nationaux de gestion des déchets d’emballages soient appréciés à la lumière de l’article 28 CE s’ils sont susceptibles d’affecter les conditions de commercialisation des produits concernés.

Sur l’existence d’une entrave aux échanges

60
Il y a lieu d’apprécier si l’article 28 CE s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui permet aux producteurs et aux distributeurs utilisant des emballages à usage unique de s’acquitter de leurs obligations de consignation et de reprise, en participant à un système global de collecte, en fonction de l’évolution de la proportion globale des boissons conditionnées dans des emballages à usage unique sur le marché allemand ainsi que de la proportion des boissons concernées qui sont commercialisées dans de tels emballages sur le même marché.

61
À cet égard, il convient de relever, en premier lieu, qu’une telle réglementation est indistinctement applicable aux produits nationaux et aux produits en provenance d’autres États membres et prévoit les mêmes exigences en matière de consignation et de reprise pour les producteurs établis dans d’autres États membres que pour les producteurs nationaux.

62
En second lieu, contrairement au taux maximal des boissons susceptibles d’être commercialisées dans des emballages non agréés, qui était en cause dans l’arrêt du 20 septembre 1988, Commission/Danemark (302/86, Rec. p. 4607), dans l’affaire au principal, les taux ne limitent pas la quantité de produits qui peuvent être importés dans un certain type d’emballages. En effet, la VerpackV n’interdit pas de commercialiser des produits conditionnés dans des emballages à usage unique au-delà des taux indiqués, mais prévoit uniquement que le dépassement de ces taux entraîne un changement du système de gestion des emballages à usage unique.

63
Toutefois, force est de constater que les articles 8, paragraphe 1, et 9, paragraphe 2, de la VerpackV, s’ils s’appliquent, certes, à tous les producteurs et distributeurs exerçant leur activité sur le territoire national, n’affectent pas de la même manière la commercialisation des boissons produites en Allemagne et celle de boissons en provenance d’autres États membres.

64
En effet, si le passage d’un système de gestion des emballages à un autre entraîne, d’une manière générale, des coûts en ce qui concerne le marquage ou l’étiquetage des emballages, une réglementation, telle que celle en cause au principal, qui oblige les producteurs et distributeurs utilisant des emballages à usage unique à remplacer leur participation à un système global de collecte par l’adoption d’un système de consignation et de reprise individuelle, entraîne pour tout producteur et distributeur utilisant de tels emballages, des coûts supplémentaires liés à l’organisation de la reprise des emballages, du remboursement des montants de consigne et de l’éventuelle compensation desdits montants entre distributeurs.

65
Or, il est constant que les producteurs établis en dehors de l’Allemagne utilisent considérablement plus d’emballages à usage unique que les producteurs allemands.

66
À cet égard, la juridiction de renvoi fait observer que le recours à des emballages réutilisables entraîne normalement pour un producteur de boissons établi dans un autre État membre des coûts supérieurs à ceux qui sont supportés par un producteur allemand, étant donné que les coûts liés à l’organisation d’un système de consignation et au transport sont plus importants si le producteur est établi à une certaine distance des points de vente.

67
Il s’ensuit que le remplacement, en ce qui concerne les emballages à usage unique, d’un système global de collecte des emballages par un système de consignation et de reprise individuelle est de nature à entraver la commercialisation sur le marché allemand de boissons importées d’autres États membres (voir en ce sens, en ce qui concerne les emballages de boisson réutilisables, arrêt Commission/Danemark, précité, point 13).

68
Il est sans pertinence, à cet égard, que les dispositions en cause envisagent des obligations de consignation et de reprise individuelle pour les emballages à usage unique sans interdire les importations de boissons conditionnées dans de tels emballages et que, en outre, la possibilité existe pour les producteurs de recourir à des emballages réutilisables. En effet, une mesure susceptible d’entraver les importations doit être qualifiée de mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative même si l’entrave est faible et s’il existe d’autres possibilités d’écoulement des produits (arrêt du 5 avril 1984, Van de Haar et Kaveka de Meern, 177/82 et 178/82, Rec. p. 1797, point 14).

69
Dans ce contexte, il n’est pas pertinent d’affirmer, comme le fait le gouvernement allemand, que, pour la période précédant l’introduction des obligations de consignation et de reprise individuelle, l’augmentation des importations en Allemagne d’eaux minérales naturelles conditionnées dans des emballages à usage unique démontre l’absence de discrimination à l’encontre des producteurs de boissons établis dans d’autres États membres. En effet, quand bien même cette tendance serait observée sur le marché allemand, elle n’est pas de nature à écarter le fait que les articles 8 et 9 de la VerpackV constituent, pour les producteurs de boissons établis dans d’autres États membres, un obstacle à la commercialisation de leurs produits en Allemagne.

70
Contrairement à ce que soutiennent la défenderesse au principal et le gouvernement allemand, les articles 8 et 9 de la VerpackV ne sauraient être assimilés à des dispositions nationales qui limitent ou interdisent certaines «modalités de vente» au sens de l’arrêt du 24 novembre 1993, Keck et Mithouard (C‑267/91 et C‑268/91, Rec. p. I‑6097, points 16 et suivants).

71
En effet, la Cour a considéré que la nécessité, découlant des mesures en cause, de modifier l’emballage ou l’étiquette des produits importés exclut que ces mesures concernent les modalités de vente de ces produits au sens de l’arrêt Keck et Mithouard, précité (voir arrêts du 3 juin 1999, Colim, C‑33/97, Rec. p. I‑3175, point 37; du 16 janvier 2003, Commission/Espagne, C‑12/00, Rec. p. I‑459, point 76, et du 18 septembre 2003, Morellato, C‑416/00, Rec. p. I‑9343, point 29).

72
Or, ainsi qu’il a été relevé au point 64 du présent arrêt, le remplacement de la participation à un système global de collecte par l’instauration d’un système de consignation et de reprise individuelle oblige les producteurs concernés à modifier certaines indications sur leurs emballages.

73
En tout état de cause, étant donné que les dispositions de la VerpackV n’affectent pas de la même manière la commercialisation des boissons produites en Allemagne et celle de boissons en provenance d’autres États membres, elles ne sauraient échapper au domaine d’application de l’article 28 CE (voir arrêt Keck et Mithouard, précité, points 16 et 17).

Sur les justifications tirées de la protection de l’environnement

74
Il y a lieu ensuite d’examiner si, ainsi que l’affirment la défenderesse au principal et le gouvernement allemand, une réglementation telle que celle prévue aux articles 8, paragraphe 1, et 9, paragraphe 2, de la VerpackV, peut être justifiée par des raisons tenant à la protection de l’environnement.

75
Selon une jurisprudence constante, des mesures nationales susceptibles d’entraver le commerce intracommunautaire peuvent être justifiées par des exigences impératives relevant de la protection de l’environnement pourvu que les mesures en question soient proportionnées à l’objet visé (arrêts Commission/Danemark, précité, points 6 et 9, ainsi que du 14 juillet 1998, Aher-Waggon, C‑389/96, Rec. p. I‑4473, point 20).

76
À cet égard, il y a lieu de constater que l’obligation de mettre en place un système de consignation et de reprise des emballages vides est un élément indispensable d’un système visant à assurer la réutilisation des emballages (arrêt Commission/Danemark, précité, point 13).

77
S’agissant d’emballages non réutilisables, il convient de relever que, ainsi que l’affirment la défenderesse au principal et le gouvernement allemand, l’instauration d’un système de consignation et de reprise individuelle est de nature à augmenter le taux de retour des emballages vides et conduit à un tri sélectif des déchets d’emballages, contribuant ainsi à améliorer la valorisation de ces derniers. En outre, dans la mesure où le prélèvement d’une consigne incite le consommateur à retourner les emballages vides aux points de vente, il contribue à la réduction des déchets dans la nature.

78
De plus, pour autant que la réglementation en cause au principal fait dépendre l’entrée en vigueur d’un nouveau système de gestion des déchets d’emballages de la proportion des emballages réutilisables sur le marché allemand, elle crée une situation où toute augmentation de ventes de boissons conditionnées dans des emballages à usage unique sur ce marché renforce la probabilité de survenance du changement de système. Dans la mesure où ladite réglementation encourage ainsi les producteurs et distributeurs concernés à recourir à des emballages réutilisables, elle contribue à la réduction des déchets à éliminer, laquelle constitue l’un des objectifs généraux de la politique de protection de l’environnement.

79
Toutefois, pour qu’une telle réglementation soit conforme au principe de proportionnalité, il importe de vérifier non seulement si les moyens qu’elle met en œuvre sont aptes à réaliser les objectifs visés, mais également s’ils ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs (voir arrêt du 14 juillet 1998, Safety Hi-Tech, C‑284/95, Rec. p. I-4301, point 57).

80
À cet égard, il convient de relever qu’une réglementation nationale, pour satisfaire à ce dernier critère, doit permettre aux producteurs et aux distributeurs concernés, avant l’entrée en vigueur du système de consignation et de reprise individuelle, d’adapter leurs méthodes de production ainsi que la gestion des déchets d’emballages à usage unique aux exigences du nouveau système. Si, certes, un État membre peut laisser auxdits producteurs et distributeurs le soin de mettre en place ce système en organisant la reprise des emballages, le remboursement des montants de consigne et l’éventuelle compensation de ces derniers entre distributeurs, encore faut-il que l’État membre en question assure que, au moment du changement du système de gestion des déchets d’emballages, tout producteur ou distributeur concerné puisse effectivement participer à un système opérationnel.

81
Il y a lieu de constater qu’une réglementation, telle que la VerpackV, qui fait dépendre la mise en place d’un système de consignation et de reprise individuelle d’un taux de réutilisation des emballages, certes avantageux sur le plan écologique, ne répond au principe de proportionnalité que si, tout en encourageant la réutilisation des emballages, elle offre aux producteurs et aux distributeurs concernés un délai de transition raisonnable pour s’y adapter et assure que, au moment du changement du système de gestion des déchets d’emballages, tout producteur ou distributeur concerné puisse effectivement participer à un système opérationnel.

82
Il incombe au juge national de se prononcer sur le point de savoir si le changement de système de gestion des déchets d’emballages, tel que celui prévu aux articles 8, paragraphe 1, et 9, paragraphe 2, de la VerpackV, permet aux producteurs et aux distributeurs concernés de participer à un système opérationnel dans les conditions mentionnées ci-dessus.

83
Par conséquent, il convient de répondre à la quatrième question que l’article 28 CE s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle énoncée aux articles 8, paragraphe 1, et 9, paragraphe 2, de la VerpackV, lorsqu’elle annonce le remplacement d’un système global de collecte des déchets d’emballages par un système de consignation et de reprise individuelle sans que les producteurs et distributeurs concernés disposent d’un délai de transition raisonnable pour s’y adapter et soient assurés que, au moment du changement du système de gestion des déchets d’emballages, ils puissent effectivement participer à un système opérationnel.

Sur la deuxième question

84
Au vu de la réponse apportée à la quatrième question, il n’est plus nécessaire de répondre à la deuxième question.


Sur les dépens

85
La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

1)
L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 94/62/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 1994, relative aux emballages et aux déchets d’emballages, ne s’oppose pas à ce que les États membres introduisent des mesures visant à favoriser les systèmes de réutilisation des emballages.

2)
L’article 7 de la directive 94/62, tout en ne conférant aux producteurs et aux distributeurs concernés aucun droit de continuer à participer à un système donné de gestion des déchets d’emballages, s’oppose au remplacement d’un système global de collecte de tels déchets par un système de consignation et de reprise individuelle lorsque le nouveau système n’est pas également apte à atteindre les objectifs de ladite directive ou lorsque le passage à ce nouveau système ne se fait pas sans rupture et sans mettre en péril la possibilité pour les acteurs économiques des secteurs concernés de participer effectivement au nouveau système dès l’entrée en vigueur de ce dernier.

3)
L’article 28 CE s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle énoncée aux articles 8, paragraphe 1, et 9, paragraphe 2, de la Verordnung über die Vermeidung und Verwertung von Verpackungsabfällen (décret relatif à la prévention et à la valorisation des déchets d’emballages), lorsqu’elle annonce le remplacement d’un système global de collecte des déchets d’emballages par un système de consignation et de reprise individuelle sans que les producteurs et distributeurs concernés disposent d’un délai de transition raisonnable pour s’y adapter et soient assurés que, au moment du changement du système de gestion des déchets d’emballages, ils puissent effectivement participer à un système opérationnel.

Signatures.


1
Langue de procédure: l'allemand.