Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 15 juin 1989. - Stute Nahrungsmittelwerke GmbH & Co. KG contre Bundesamt für Ernährung und Forstwirtschaft. - Demande de décision préjudicielle: Verwaltungsgericht Frankfurt am Main - Allemagne. - Agriculture - Organisations de producteurs de fruits et légumes - Reconnaissance. - Affaire 77/88.
Recueil de jurisprudence 1989 page 01755
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
++++
1 . Agriculture - Organisation commune des marchés - Produits transformés à base de fruits et légumes - Aide à la production - Associations de producteurs - Notion - Appartenance de non-producteurs - Admissibilité - Conditions
( Règlement du Conseil n° 516/77, art . 3 bis )
2 . Agriculture - Organisation commune des marchés - Produits transformés à base de fruits et légumes - Aide à la production - Conditions d' octroi - Contrat d' approvisionnement conclu avec une association de producteurs au sens du règlement n° 516/77 - Groupement reconnu à un titre différent - Exclusion
( Règlement du Conseil n° 516/77, art . 3 bis )
1 . L' article 3 bis du règlement n° 516/77, portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits transformés à base de fruits et légumes, qui institue un régime d' aide à la production, doit être interprété en ce sens qu' une association de producteurs se caractérise par le fait qu' elle a été instituée à l' initiative des producteurs et qu' elle se compose essentiellement de producteurs . Ces exigences n' excluent pas l' appartenance de non-producteurs à l' association, à condition cependant que ceux-ci ne disposent pas de la majorité des voix dans l' association ou d' autres possibilités de contrôler les affaires de celle-ci .
2 . L' article 3 bis du règlement n° 516/77 doit être interprété en ce sens qu' une entreprise de transformation n' a pas droit à l' aide à la production qu' il instaure lorsque la société avec laquelle elle a conclu un contrat d' approvisionnement en fruits frais n' est pas une association de producteurs reconnue au titre de cette disposition . Il en va de même lorsque l' entreprise de transformation a pu estimer que la société en cause avait été reconnue en tant que groupement de producteurs au titre d' autres dispositions de droit communautaire .
Dans l' affaire 77/88,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en vertu de l' article 177 du traité CEE, par le Verwaltungsgericht Frankfurt am Main et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
Firma Stute Nahrungsmittelwerke GmbH & Co KG, établie à Paderborn,
et
République fédérale d' Allemagne, représentée par le Bundesamt fuer Ernaehrung und Forstwirtschaft,
une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation des dispositions communautaires relatives aux organisations de producteurs de fruits et légumes et, à leur reconnaissance,
LA COUR ( quatrième chambre ),
composée de MM . T . Koopmans, président de chambre, C.N . Kakouris et M . Diez de Velasco, juges,
avocat général : M . F.G . Jacobs
greffier : Mme D . Louterman, administrateur principal
considérant les observations présentées
- pour la société Stute Nahrungsmittelwerke GmbH & Co KG, demanderesse au principal, par Mme Barbara Festge, avocat à Hamburg,
- pour le gouvernement de la République fédérale d' Allemagne, défenderesse au principal, par M . Michael Bergemann, Regierungsrat im Bundesamt fuer Ernaehrung und Forstwirtschaft, en qualité d' agent,
- pour le gouvernement de la République hellénique, par M . Nikos Frangakis, conseiller juridique à la Représentation permanente de Grèce auprès des Communautés européennes à Bruxelles, et Mme Elli-Markella Mamouna, juriste au ministère des Affaires étrangères, service juridique spécial pour les Communautés européennes,
- pour la Commission des Communautés européennes par son conseiller juridique, M . Dierk Booss, en qualité d' agent,
vu le rapport d' audience et à la suite de la procédure orale du 28 février 1989,
ayant entendu les conclusions de l' avocat général présentées à l' audience du 20 avril 1989,
rend le présent
Arrêt
1 Par ordonnance du 1er mars 1988, parvenue à la Cour le 9 du même mois, le Verwaltungsgericht Frankfurt am Main a posé, en vertu de l' article 177 du traité CEE, plusieurs questions préjudicielles relatives à l' interprétation du règlement n° 516/77 du Conseil, du 14 mars 1977, portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits transformés à base de fruits et légumes ( JO L 73, p . 1 ).
2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d' un litige opposant la Firma Stute Nahrungsmittelwerke GmbH & Co . KG à Paderborn ( ci-après Stute ) au Bundesamt fuer Ernaehrung und Forstwirtschaft, organisme d' intervention allemand, à la suite du refus de ce dernier de lui octroyer l' aide à la production qu' elle avait demandée en vue de la transformation de cerises, achetées à un groupement de producteurs, en cerises conservées au sirop . Ce refus était intervenu au motif que le groupement de producteurs en question ne répondait pas aux conditions prévues par le règlement n° 516/77, précité .
3 Le régime d' aide à la production pour les produits transformés à base de fruits et légumes a été instauré par le règlement n° 1152/78 du Conseil, du 30 mai 1978, portant modification du règlement n° 516/77 ( JO L 144, p . 1 ). Ce règlement ajoute un article 3bis au règlement n° 516/77 qui prévoit, entre autres, que le régime d' aide est fondé sur "des contrats liant, dans la Communauté, d' une part, producteurs ou leurs associations ou unions reconnues et, d' autre part, transformateurs ou leurs associations ou unions légalement constituées ". Le régime d' aide s' applique aux cerises conservées au sirop en vertu du règlement n° 1639/79 du Conseil, du 24 juillet 1979, portant modification du règlement n° 516/77 ( JO L 192, p . 3 ).
4 Le contrat qui a donné lieu au litige au principal liait Stute à la société Rudolf Bargstedt Hamburg Obsterzeugerorganisation GmbH, qui lui a livré les cerises destinées à être transformées en cerises conservées au sirop . Selon le Bundesamt, cette société ne pouvait être considérée comme une organisation de producteurs étant donné qu' elle était contrôlée par M . Rudolf Bargstedt, commerçant et grossiste qui, ne produisant pas de fruits et légumes, ne pouvait en faire apport à la société; il serait en effet l' associé principal de la société qui, à l' époque de la conclusion du contrat avec Stute, disposait de 68 voix sur le total de 103 voix prévu par les statuts de la société . Selon Stute, la société Rudolf Bargstedt aurait été reconnue par les autorités du Land de Hambourg en tant qu' organisation de producteurs au sens des dispositions du droit communautaire; il ressort de l' ordonnance de renvoi que cette reconnaissance serait intervenue au titre du règlement n° 1035/72 du Conseil, du 13 mai 1972, portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes ( JO L 118, p . 1 ).
5 Le Verwaltungsgericht Frankfurt am Main, saisi du recours de Stute, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
"1 . Quelles sont les exigences minimales auxquelles doit satisfaire une association de producteurs "reconnue", au sens des dispositions respectives de l' article 3bis, paragraphe 2 du règlement ( CEE ) n° 516/77 du Conseil du 14 mars 1977 ( JOCE L 73 du 21 mars 1977, p . 1 ), de l' article 3bis, paragraphe 1 du règlement ( CEE ) n° 988/84 du Conseil du 31 mars 1984 ( JOCE L 103 du 16 avril 1984, p . 11 ) et de l' article 3, paragraphe 1 du règlement ( CEE ) n° 426/86 du Conseil du 24 février 1986 ( JOCE L 49 du 27 février 1986, p . 1 )?
Eu égard à ces exigences minimales, les associations de producteurs visées à l' article 3bis du règlement ( CEE ) n° 516/77 doivent-elles être définies conformément aux dispositions de l' article 13 du règlement ( CEE ) n° 1035/72 du Conseil ou conformément aux dispositions de l' article 4 du règlement ( CEE ) n° 1360/78 du Conseil?
2 . Ces mêmes exigences minimales impliquent-elles que, disposant de la majorité des voix, les producteurs puissent influencer, dans le sens qu' ils souhaitent, les décisions des associations reconnues et de ce fait excluent-elles qu' un membre d' un groupement de producteurs de ce type, qui n' est pas lui-même producteur, détienne la majorité des voix ou suffit-il que les producteurs disposent, en leur qualité d' associés minoritaires, de possibilités de contrôle et de droits de veto?
3 . Le respect de ces exigences minimales constitue-t-il une condition de l' ouverture du droit aux aides, lorsque les autres conditions de ces aides sont réunies et en particulier lorsque l' autorité compétente a reconnu le groupement de producteurs? Peut-on, pour ce motif, invoquer la protection de la confiance légitime en faveur du groupement de producteurs et de ses acheteurs?"
6 Pour un plus ample résumé des faits et du cadre juridique de l' affaire au principal, ainsi que des observations écrites déposées devant la Cour, il est renvoyé au rapport d' audience . Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour .
7 Il y a lieu de relever au préalable que les deux premières questions, qu' il convient d' examiner ensemble, portent sur les conditions que doivent réunir les associations de producteurs au sens du règlement n° 516/77, et sur les éléments d' interprétation que peut apporter l' analyse d' autres règlements en matière agricole, alors que la troisième question concerne un problème différent, à savoir la protection de la confiance légitime de celui qui a conclu des contrats avec une société dont il aurait pu penser qu' elle avait été reconnue en tant qu' organisation de producteurs .
Sur les première et deuxième questions
8 Bien que la première question pose, en des termes généraux, le problème de savoir quelles sont les "exigences minimales" que doivent remplir les associations de producteurs reconnues, il résulte cependant de l' ordonnance de renvoi, ainsi que du libellé de la deuxième question, que la juridiction nationale veut, en substance, savoir si la présence de non-producteurs parmi les membres de l' association fait obstacle à la reconnaissance de celle-ci et, en cas de réponse négative, s' il en est autrement lorsque les non-producteurs disposent de la majorité des voix dans l' association ou d' autres possibilités de contrôler les affaires de celle-ci .
9 A cet égard, il y a lieu d' observer que l' article 3 bis du règlement n° 516/77, tel qu' il a été ajouté à ce règlement par le règlement n° 1152/78, précité, ne fournit aucune précision sur les exigences auxquelles doit satisfaire une association de producteurs ni sur la procédure de reconnaissance d' une telle association .
10 Ce n' est qu' en 1988 que la Commission, en fixant les modalités d' application du règlement du Conseil qui a succédé au règlement n° 516/77, a défini la notion d' association de producteurs pour la seule application du régime d' aide aux produits transformés à base de tomates . Selon cette définition, qui figure à l' article 1er du règlement n° 722/88 de la Commission, du 18 mars 1988 ( JO L 74, p . 49 ), il faut entendre par association de producteurs soit une organisation de producteurs constituée et reconnue conformément au règlement n° 1035/72, précité, qui est le règlement de base en matière de fruits et légumes frais, soit une association constituée en vue de la conclusion des contrats de livraisons de tomates fraîches et reconnue à cet effet par l' État membre concerné .
11 Le règlement n° 1035/72 prévoit, dans son article 13, qu' une organisation de producteurs de fruits et légumes doit être constituée "à l' initiative des producteurs eux-mêmes" et qu' elle a, entre autres, pour but d' imposer aux "producteurs associés" les obligations de vendre leur production par l' intermédiaire de l' organisation et de respecter les normes de qualité adoptées par celle-ci .
12 Il est permis de déduire de cet ensemble de textes disparates qu' une association de producteurs reconnue au titre du règlement n° 516/77 doit se composer essentiellement de producteurs et qu' elle doit avoir été instituée à l' initiative de ceux-ci . Aucune disposition n' interdit, en revanche, à l' association de producteurs d' accueillir parmi ses membres des non-producteurs, en particulier des responsables commerciaux qui connaissent le marché et soient capables de contribuer à une meilleure commercialisation des produits en cause .
13 Une telle interprétation est conforme aux finalités de la réglementation en cause . En effet, il résulte aussi bien des dispositions précitées en la matière que des considérants du règlement n° 1152/78 que les associations de producteurs visées par ce règlement ont pour but d' assurer l' approvisionnement régulier des industries de transformation et le paiement d' un prix minimal par les transformateurs aux producteurs . Dans le cadre des contrats conclus avec les transformateurs, les associations de producteurs doivent, en particulier, organiser l' échelonnement des livraisons aux transformateurs de manière à garantir un approvisionnement régulier ( voir article 3 bis, paragraphe 2, du règlement n° 516/77 ).
14 Un examen des tâches conférées, par les dispositions applicables, aux associations de producteurs fait donc apparaître que celles-ci, bien qu' exerçant également certaines activités dans le domaine commercial, ont été principalement instaurées en vue d' améliorer la qualité et la régularité de la production, et d' oeuvrer ainsi dans l' intérêt des producteurs associés . Il en découle que ce sont les producteurs eux-mêmes qui sont appelés à exercer le contrôle de leurs associations .
15 Il convient, dès lors, de répondre aux première et deuxième questions que l' article 3 bis du règlement n° 516/77, portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits transformés à base de fruits et légumes, doit être interprété en ce sens qu' une association de producteurs se caractérise par le fait qu' elle a été instituée à l' initiative des producteurs et qu' elle se compose essentiellement de producteurs . Ces exigences n' excluent pas l' appartenance de non-producteurs à l' association, à condition cependant que ceux-ci ne disposent pas de la majorité des voix dans l' association ou d' autres possibilités de contrôler les affaires de celle-ci .
Sur la troisième question
16 Étant donné que l' octroi de l' aide aux entreprises de transformation de fruits et légumes est subordonné à l' existence de contrats soit avec des producteurs de fruits et légumes soit avec leurs "associations ou unions reconnues", il faut présumer qu' une telle association doit répondre aux conditions posées par la réglementation communautaire applicable .
17 La juridiction nationale se demande, toutefois, s' il en est autrement lorsqu' une entreprise de transformation a conclu un contrat d' approvisionnement avec une société qui, tout en ne réunissant pas les conditions posées, avait été reconnue en tant que groupement de producteurs par une autorité nationale autre que l' organisme d' intervention compétent . Elle s' interroge notamment sur la question de savoir si une telle entreprise de transformation peut invoquer le principe général de la protection de la confiance légitime .
18 La réponse à ces deux interrogations est négative . D' une part, une entité économique qui ne réunit pas les conditions nécessaires à sa reconnaissance en tant qu' association de producteurs ne saurait obtenir cette qualité par un acte adopté à cet effet par une autorité d' un État membre . D' autre part, une aide communautaire peut seulement être accordée lorsque les conditions posées par les dispositions communautaires applicables sont réunies . En effet, le droit de bénéficier de l' aide à la production définie par ces dispositions et financée par des fonds communautaires ne peut pas dépendre d' un acte unilatéral d' une autorité d' un État membre .
19 Dans de telles conditions, l' entreprise de transformation ne saurait invoquer le principe de la confiance légitime en vue de bénéficier d' une aide à laquelle elle n' aurait pas droit au titre des dispositions communautaires applicables .
20 Il en résulte qu' il faut répondre à la troisième question que l' article 3 bis du règlement n° 516/77 doit être interprété en ce sens qu' une entreprise de transformation n' a pas droit à l' aide à la production lorsque la société avec laquelle elle a conclu un contrat d' approvisionnement en fruits frais n' est pas une association de producteurs reconnue au titre de cette disposition . Il en va de même lorsque l' entreprise de transformation a pu estimer que la société en cause avait été reconnue en tant que groupement de producteurs au titre d' autres dispositions de droit communautaire .
Sur les dépens
21 Les frais exposés par le gouvernement de la République hellénique et la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement . La procédure revêtant, à l' égard des parties au principal, le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens .
Par ces motifs,
LA COUR ( quatrième chambre )
statuant sur les questions à elle soumises par le Verwaltungsgericht Frankfurt am Main, par ordonnance du 1er mars 1988, dit pour droit :
L' article 3 bis du règlement n° 516/77 du Conseil, du 14 mars 1977, portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits transformés à base de fruits et légumes, doit être interprété en ce sens que :
- une association de producteurs se caractérise par le fait qu' elle a été instituée à l' initiative des producteurs et qu' elle se compose essentiellement de producteurs . Ces exigences n' excluent pas l' appartenance de non-producteurs à l' association, à condition cependant que ceux-ci ne disposent pas de la majorité des voix dans l' association ou d' autres possibilités de contrôler les affaires de celle-ci;
- une entreprise de transformation n' a pas droit à l' aide à la production lorsque la société avec laquelle elle a conclu un contrat d' approvisionnement en fruits frais n' est pas une association de producteurs reconnue au titre de cette disposition . Il en va de même lorsque l' entreprise de transformation a pu estimer que la société en cause avait été reconnue en tant que groupement de producteurs au titre d' autres dispositions de droit communautaire .