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Document 62021CJ0274
Judgment of the Court (Eighth Chamber) of 14 July 2022.#EPIC Financial Consulting Ges.m.b.H. v Republik Österreich and Bundesbeschaffung GmbH.#Requests for a preliminary ruling from the Bundesverwaltungsgericht.#Reference for a preliminary ruling – Public procurement – Regulation (EU) No 1215/2012 – Not applicable to procedures for granting an interlocutory injunction and review procedures as referred to in Article 2 of Directive 89/665/EEC in the absence of an international element – Directive 2014/24/EU – Article 33 – Treatment of a framework agreement as a contract, for the purposes of Article 2a(2) of Directive 89/665 – Not possible to award a new public contract where the quantity and/or maximum value of the works, supplies or services concerned laid down by the framework agreement has or have already been reached – National legislation providing for the payment of fees for access to administrative proceedings in the field of public procurement – Obligations to determine and pay the fees for access to proceedings before the court rules on an application for an interlocutory injunction or an action for review – Non-transparent procedure for the award of a public contract – Principles of effectiveness and equivalence – Effectiveness – Right to an effective remedy – Directive 89/665 – Articles 1, 2 and 2a – Article 47 of the Charter of Fundamental Rights of the European Union – National legislation providing for the dismissal of an action for review where the fees for access to proceedings have not been paid – Determination of the estimated value of a public contract.#Joined Cases C-274/21 and C-275/21.
Arrêt de la Cour (huitième chambre) du 14 juillet 2022.
EPIC Financial Consulting Ges.m.b.H. contre Republik d’Autriche et Bundesbeschaffung GmbH.
Demandes de décision préjudicielle, introduites par le Bundesverwaltungsgericht.
Renvoi préjudiciel – Marchés publics – Règlement (UE) no 1215/2012 – Inapplicabilité aux procédures en référé et de recours visées à l’article 2 de la directive 89/665/CEE en l’absence d’élément d’extranéité – Directive 2014/24/UE – Article 33 – Assimilation d’un accord-cadre à un contrat, au sens de l’article 2 bis, paragraphe 2, de la directive 89/665 – Impossibilité d’attribuer un nouveau marché public lorsque la quantité et/ou la valeur maximale des travaux, fournitures ou services concernés fixée par l’accord-cadre a déjà été atteinte – Réglementation nationale prévoyant l’acquittement de frais d’accès à la justice administrative dans le domaine des marchés publics – Obligations de déterminer et d’acquitter les frais d’accès à la justice avant que le juge ne statue sur une demande en référé ou un recours – Procédure de passation de marché public opaque – Principes d’effectivité et d’équivalence – Effet utile – Droit à un recours effectif – Directive 89/665 – Articles 1er, 2 et 2 bis – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Réglementation nationale prévoyant le rejet d’un recours en cas de non-paiement des frais d’accès à la justice – Détermination de la valeur estimée d’un marché public.
Affaires jointes C-274/21 et C-275/21.
Arrêt de la Cour (huitième chambre) du 14 juillet 2022.
EPIC Financial Consulting Ges.m.b.H. contre Republik d’Autriche et Bundesbeschaffung GmbH.
Demandes de décision préjudicielle, introduites par le Bundesverwaltungsgericht.
Renvoi préjudiciel – Marchés publics – Règlement (UE) no 1215/2012 – Inapplicabilité aux procédures en référé et de recours visées à l’article 2 de la directive 89/665/CEE en l’absence d’élément d’extranéité – Directive 2014/24/UE – Article 33 – Assimilation d’un accord-cadre à un contrat, au sens de l’article 2 bis, paragraphe 2, de la directive 89/665 – Impossibilité d’attribuer un nouveau marché public lorsque la quantité et/ou la valeur maximale des travaux, fournitures ou services concernés fixée par l’accord-cadre a déjà été atteinte – Réglementation nationale prévoyant l’acquittement de frais d’accès à la justice administrative dans le domaine des marchés publics – Obligations de déterminer et d’acquitter les frais d’accès à la justice avant que le juge ne statue sur une demande en référé ou un recours – Procédure de passation de marché public opaque – Principes d’effectivité et d’équivalence – Effet utile – Droit à un recours effectif – Directive 89/665 – Articles 1er, 2 et 2 bis – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Réglementation nationale prévoyant le rejet d’un recours en cas de non-paiement des frais d’accès à la justice – Détermination de la valeur estimée d’un marché public.
Affaires jointes C-274/21 et C-275/21.
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:565
ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)
14 juillet 2022 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Marchés publics – Règlement (UE) no 1215/2012 – Inapplicabilité aux procédures en référé et de recours visées à l’article 2 de la directive 89/665/CEE en l’absence d’élément d’extranéité – Directive 2014/24/UE – Article 33 – Assimilation d’un accord-cadre à un contrat, au sens de l’article 2 bis, paragraphe 2, de la directive 89/665 – Impossibilité d’attribuer un nouveau marché public lorsque la quantité et/ou la valeur maximale des travaux, fournitures ou services concernés fixée par l’accord-cadre a déjà été atteinte – Réglementation nationale prévoyant l’acquittement de frais d’accès à la justice administrative dans le domaine des marchés publics – Obligations de déterminer et d’acquitter les frais d’accès à la justice avant que le juge ne statue sur une demande en référé ou un recours – Procédure de passation de marché public opaque – Principes d’effectivité et d’équivalence – Effet utile – Droit à un recours effectif – Directive 89/665 – Articles 1er, 2 et 2 bis – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Réglementation nationale prévoyant le rejet d’un recours en cas de non-paiement des frais d’accès à la justice – Détermination de la valeur estimée d’un marché public »
Dans les affaires jointes C‑274/21 et C‑275/21,
ayant pour objet deux demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral, Autriche), par décisions du 22 avril 2021, parvenues à la Cour le 28 avril 2021, dans les procédures
EPIC Financial Consulting Ges.m.b.H.
contre
République d’Autriche,
Bundesbeschaffung GmbH,
LA COUR (huitième chambre),
composée de M. N. Jääskinen, président de chambre, MM. N. Piçarra et M. Gavalec (rapporteur), juges,
avocat général : Mme T. Ćapeta,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– |
pour EPIC Financial Consulting Ges.m.b.H., par Me K. Hornbanger, Rechtsanwältin, |
– |
pour le gouvernement autrichien, par M. A. Posch et Mme J. Schmoll, en qualité d’agents, |
– |
pour le gouvernement hongrois, par M. M. Z. Fehér et Mme R. Kissné Berta, en qualité d’agents, |
– |
pour la Commission européenne, par MM. P. Ondrůšek, P. J. O. Van Nuffel et G. Wils, en qualité d’agents, |
vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 |
Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 1, de l’article 2, paragraphe 1, sous a), ainsi que de l’article 2 bis, paragraphe 2, de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (JO 1989, L 395, p. 33), telle que modifiée par la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014 (JO 2014, L 94, p. 1) (ci-après la « directive 89/665 »), de l’article 1er, paragraphe 1, et de l’article 35 du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2012, L 351, p. 1), de l’article 81, paragraphe 1, TFUE, du principe d’équivalence, de l’article 4, de l’article 5, paragraphe 5, et de l’article 33, paragraphe 3, de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65), ainsi que de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). |
2 |
Ces demandes ont été présentées dans le cadre d’un litige opposant EPIC Financial Consulting Ges.m.b.H. (ci-après « EPIC ») à la République d’Autriche et à Bundesbeschaffung GmbH (ci-après la « société fédérale d’achats ») au sujet de la passation par ces dernières de marchés publics de fournitures de tests de détection des antigènes produits par le virus SARS-CoV-2 (COVID-19) (ci-après les « tests antigéniques »). |
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 89/665
3 |
Le cinquième considérant de la directive 89/665 est libellé comme suit : « [...] étant donné la brièveté des procédures de passation des marchés publics, les instances de recours compétentes doivent notamment être habilitées à prendre des mesures provisoires pour suspendre une telle procédure ou l’exécution de décisions éventuellement prises par le pouvoir adjudicateur ; [...] la brièveté des procédures exige un traitement urgent des violations mentionnées ci-dessus. » |
4 |
Intitulé « Champ d’application et accessibilité des procédures de recours », l’article 1er de cette directive dispose, à ses paragraphes 1 et 3 : « 1. La présente directive s’applique aux marchés visés par la directive [2014/24], sauf si ces marchés sont exclus en application des articles 7, 8, 9, 10, 11, 12, 15, 16, 17 et 37 de ladite directive. [...] Les contrats au sens de la présente directive incluent les contrats publics, les accords-cadres, les concessions de travaux et de services et les systèmes d’acquisition dynamiques. Les États membres prennent, en ce qui concerne les procédures de passation des marchés relevant du champ d’application de la directive [2014/24] [...], les mesures nécessaires pour garantir que les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs peuvent faire l’objet de recours efficaces et, en particulier, aussi rapides que possible, dans les conditions énoncées aux articles 2 à 2 septies de la présente directive, au motif que ces décisions ont violé le droit de l’Union en matière de marchés publics ou les règles nationales transposant ce droit. [...] 3. Les États membres s’assurent que les procédures de recours sont accessibles, selon des modalités que les États membres peuvent déterminer, au moins à toute personne ayant ou ayant eu un intérêt à obtenir un marché déterminé et ayant été ou risquant d’être lésée par une violation alléguée. » |
5 |
Intitulé « Exigences en matière de procédures de recours », l’article 2 de la directive 89/665 prévoit : « 1. Les États membres veillent à ce que les mesures prises aux fins des recours visés à l’article 1er prévoient les pouvoirs permettant :
[...] 3. Lorsqu’une instance de premier ressort, indépendante du pouvoir adjudicateur, est saisie d’un recours portant sur la décision d’attribution du marché, les États membres s’assurent que le pouvoir adjudicateur ne peut conclure le marché avant que l’instance de recours statue soit sur la demande de mesures provisoires soit sur le recours. La suspension prend fin au plus tôt à l’expiration du délai de suspension visé à l’article 2 bis, paragraphe 2, et à l’article 2 quinquies, paragraphes 4 et 5. 4. Sauf dans les cas prévus au paragraphe 3 et à l’article 1er, paragraphe 5, les procédures de recours ne doivent pas nécessairement avoir des effets suspensifs automatiques sur les procédures de passation de marché auxquelles elles se rapportent. 5. Les États membres peuvent prévoir que l’instance responsable des procédures de recours peut tenir compte des conséquences probables des mesures provisoires pour tous les intérêts susceptibles d’être lésés, ainsi que de l’intérêt public, et décider de ne pas accorder ces mesures lorsque leurs conséquences négatives pourraient l’emporter sur leurs avantages. La décision de ne pas accorder de mesures provisoires ne porte pas préjudice aux autres prétentions de la personne sollicitant ces mesures. [...] » |
6 |
Sous l’intitulé « Délai de suspension », l’article 2 bis de cette directive énonce : « 1. Les États membres veillent à ce que les personnes visées à l’article 1er, paragraphe 3, disposent de délais permettant des recours efficaces contre les décisions d’attribution de marché prises par les pouvoirs adjudicateurs, en adoptant les dispositions nécessaires qui respectent les conditions minimales énoncées au paragraphe 2 du présent article et à l’article 2 quater. 2. La conclusion du contrat qui suit la décision d’attribution d’un contrat relevant du champ d’application de la directive [2014/24] ou de la directive [2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur l’attribution de contrats de concession (JO 2014, L 94, p. 1)] ne peut avoir lieu avant l’expiration d’un délai d’au moins dix jours calendaires à compter du lendemain du jour où la décision d’attribution du contrat a été envoyée aux soumissionnaires et candidats concernés si un télécopieur ou un moyen électronique est utilisé ou, si d’autres moyens de communication sont utilisés, avant l’expiration d’un délai d’au moins quinze jours calendaires à compter du lendemain du jour où la décision d’attribution du contrat est envoyée aux soumissionnaires et candidats concernés, ou d’au moins dix jours calendaires à compter du lendemain du jour de réception de la décision d’attribution du contrat. Les soumissionnaires sont réputés concernés s’ils n’ont pas encore été définitivement exclus. Une exclusion est définitive si elle a été notifiée aux soumissionnaires concernés et a été jugée licite par une instance de recours indépendante ou ne peut plus faire l’objet d’un recours. Les candidats sont réputés concernés si le pouvoir adjudicateur n’a pas communiqué les informations relatives au rejet de leur candidature avant que la décision d’attribution du marché soit notifiée aux soumissionnaires concernés. La décision d’attribution est communiquée à chaque soumissionnaire et candidat concernés, accompagnée :
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7 |
Aux termes de l’article 2 ter de ladite directive, intitulé « Dérogations au délai de suspension » : « Les États membres peuvent prévoir que les délais visés à l’article 2 bis, paragraphe 2, de la présente directive ne s’appliquent pas dans les cas suivants : [...]
Lorsque la présente dérogation est invoquée, les États membres s’assurent de l’absence d’effets du marché conformément aux articles 2 quinquies et 2 septies de la présente directive :
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La directive 2007/66/CE
8 |
Les considérants 3, 4 et 36 de la directive 2007/66/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2007, modifiant les directives 89/665/CEE et 92/13/CEE du Conseil en ce qui concerne l’amélioration de l’efficacité des procédures de recours en matière de passation des marchés publics (JO 2007, L 335, p. 31), énoncent :
[...]
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La directive 2014/24
9 |
Les seuils d’applicabilité de la directive 2014/24, se rapportant à la valeur estimée des marchés, sont précisés à son article 4. |
10 |
Sous l’intitulé « Méthodes de calcul de la valeur estimée du marché », l’article 5 de cette directive prévoit, à son paragraphe 5 : « Pour les accords-cadres et pour les systèmes d’acquisition dynamiques, la valeur à prendre en considération est la valeur maximale estimée hors TVA de l’ensemble des marchés envisagés pendant la durée totale de l’accord-cadre ou du système d’acquisition dynamique. » |
11 |
Intitulé « Principes de la passation de marchés », l’article 18 de ladite directive dispose, à son paragraphe 1, premier alinéa : « Les pouvoirs adjudicateurs traitent les opérateurs économiques sur un pied d’égalité et sans discrimination et agissent d’une manière transparente et proportionnée. » |
12 |
Intitulé « Recours à la procédure négociée sans publication préalable », l’article 32 de la directive 2014/24 dispose, à son paragraphe 2 : « Il est possible de recourir à la procédure négociée sans publication préalable pour des marchés publics de travaux, de fournitures et de services dans chacun des cas suivants : [...]
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13 |
Sous l’intitulé « Accords-cadres », l’article 33 de cette directive prévoit, à ses paragraphes 2 et 3 : « 2. Les marchés fondés sur un accord-cadre sont passés selon les procédures prévues au présent paragraphe et aux paragraphes 3 et 4. Ces procédures ne peuvent être appliquées qu’entre, d’une part, les pouvoirs adjudicateurs clairement identifiés à cette fin dans l’avis d’appel à la concurrence ou dans l’invitation à confirmer l’intérêt et, d’autre part, les opérateurs économiques qui sont parties à l’accord-cadre tel qu’il a été conclu. Les marchés fondés sur l’accord-cadre ne peuvent en aucun cas entraîner des modifications substantielles des termes fixés dans ledit accord-cadre, notamment dans le cas visé au paragraphe 3. 3. Lorsqu’un accord-cadre est conclu avec un seul opérateur économique, les marchés fondés sur cet accord-cadre sont attribués dans les limites des conditions fixées dans l’accord-cadre. Pour la passation de ces marchés, les pouvoirs adjudicateurs peuvent consulter par écrit l’opérateur économique partie à l’accord-cadre, en lui demandant de compléter, si besoin est, son offre. » |
14 |
L’article 49 de ladite directive, intitulé « Avis de marché », prévoit : « Les avis de marché sont utilisés comme moyen d’appel à la concurrence pour toutes les procédures, sans préjudice de l’article 26, paragraphe 5, deuxième alinéa, et de l’article 32. Les avis de marché contiennent les informations prévues à l’annexe V, partie C, et sont publiés conformément à l’article 51. » |
15 |
L’article 50 de la même directive, intitulé « Avis d’attribution de marché », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 : « 1. Au plus tard trente jours après la conclusion d’un marché ou d’un accord-cadre, faisant suite à la décision d’attribution ou de conclusion de celui-ci, les pouvoirs adjudicateurs envoient un avis d’attribution de marché relatif aux résultats de la procédure de passation de marché. Ces avis contiennent les informations prévues à l’annexe V, partie D, et sont publiés conformément à l’article 51. 2. Lorsque l’appel à la concurrence pour le marché concerné a été effectué sous la forme d’un avis de préinformation et que le pouvoir adjudicateur a décidé de ne pas attribuer de nouveaux marchés au cours de la période couverte par cet avis, l’avis d’attribution de marché le mentionne expressément. Dans le cas d’accords-cadres conclus conformément à l’article 33, les pouvoirs adjudicateurs n’ont pas l’obligation d’envoyer un avis concernant les résultats de la procédure de passation de chaque marché fondé sur l’accord-cadre. Les États membres peuvent prévoir que les pouvoirs adjudicateurs regroupent sur une base trimestrielle les avis concernant les résultats de la procédure de passation des marchés fondés sur l’accord-cadre. Dans ce cas, les pouvoirs adjudicateurs envoient ces avis regroupés au plus tard trente jours après la fin de chaque trimestre. » |
16 |
Sous l’intitulé « Modification de marchés en cours », l’article 72 de la directive 2014/24 dispose : « 1. Les marchés et les accords-cadres peuvent être modifiés sans nouvelle procédure de passation de marché conformément à la présente directive dans l’un des cas suivants : [...]
[...] » |
Le règlement no 1215/2012
17 |
Le considérant 10 du règlement no 1215/2012 énonce : « Il est important d’inclure dans le champ d’application matériel du présent règlement l’essentiel de la matière civile et commerciale, à l’exception de certaines matières bien définies, en particulier les obligations alimentaires, qui devraient être exclues du champ d’application du présent règlement à la suite de l’adoption du règlement (CE) no 4/2009 du Conseil, du 18 décembre 2008, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires [JO 2009, L 7, p. 1] ». |
18 |
L’article 1er de ce règlement dispose, à son paragraphe 1 : « Le présent règlement s’applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Il ne s’applique notamment ni aux matières fiscales, douanières ou administratives, ni à la responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique (acta jure imperii). » |
19 |
L’article 35 dudit règlement prévoit : « Les mesures provisoires ou conservatoires prévues par la loi d’un État membre peuvent être demandées aux juridictions de cet État, même si les juridictions d’un autre État membre sont compétentes pour connaître du fond. » |
Le droit autrichien
La loi sur les marchés publics
20 |
L’article 144 du Bundesvergabegesetz 2018 (loi fédérale sur la passation des marchés publics de 2018) (BGBl. I, 65/2018, ci-après la « loi sur les marchés publics ») prévoit, à son paragraphe 1 : « Le pouvoir adjudicateur ne peut attribuer le marché avant l’expiration du délai de suspension sous peine de nullité absolue. Le délai de suspension commence à courir avec la transmission ou la mise à disposition de la notification de la décision d’attribution. Il est de 10 jours en cas de transmission ou de mise à disposition par voie électronique et de 15 jours en cas de transmission par voie postale ou par tout autre moyen approprié. » |
21 |
Aux termes de l’article 334 de cette loi : « (1) Le Bundesverwaltungsgericht [(tribunal administratif fédéral, Autriche)] statue, conformément aux dispositions de la présente section, sur les demandes visant à l’ouverture d’une procédure de recours (deuxième section), à l’adoption de mesures provisoires (troisième section) et à l’ouverture d’une procédure déclaratoire (quatrième section). De telles demandes sont portées directement devant le Bundesverwaltungsgericht [(tribunal administratif fédéral)]. (2) Jusqu’à l’attribution du marché ou la révocation d’une procédure d’adjudication, le Bundesverwaltungsgericht [(tribunal administratif fédéral)] est compétent en vue de remédier aux violations de la présente loi fédérale et des règlements d’application qui en découlent ou aux violations du droit de l’Union directement applicable
(3) Le Bundesverwaltungsgericht [(tribunal administratif fédéral)] est compétent après l’attribution du marché [...]
[...]
[...] » |
22 |
Selon l’article 336 de ladite loi : « (1) Les pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices relevant du champ d’application de la présente loi fédérale doivent fournir au Bundesverwaltungsgericht [(tribunal administratif fédéral)] toutes les informations nécessaires à l’accomplissement de ses tâches et lui remettre en bonne et due forme tous les documents requis à cet effet. Il en va de même pour les entrepreneurs impliqués dans une procédure de passation de marché. (2) Si un pouvoir adjudicateur, une entité adjudicatrice, ou un entrepreneur n’a pas remis certains documents, n’a pas fourni certaines informations ou a fourni des informations mais n’a pas remis les documents de la procédure de passation de marché, le Bundesverwaltungsgericht [(tribunal administratif fédéral)] peut, si l’entité adjudicatrice ou l’entrepreneur a été expressément informé au préalable des conséquences de l’omission, statuer sur la base des allégations du participant non défaillant. » |
23 |
L’article 340 de la même loi énonce : « (1) Le demandeur doit verser une taxe forfaitaire pour chaque demande présentée en vertu [de l’article] 342, paragraphe 1, [de l’article] 350, paragraphe 1[,] et [de l’article] 353, paragraphes 1 et 2, conformément aux dispositions suivantes :
[...]
[...]
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24 |
L’article 342 de la loi sur les marchés publics dispose : « (1) Jusqu’à l’adjudication ou jusqu’à la déclaration de rétractation, un entrepreneur peut engager un recours en illégalité contre toute décision individuellement attaquable que le pouvoir adjudicateur a adoptée dans la procédure de passation de marché dans la mesure où
[...] (3) Le dépôt du recours n’a aucun effet suspensif sur la procédure de passation du marché en cours. [...] » |
25 |
L’article 344 de cette loi prévoit : « (1) Une demande au titre de l’article 342, paragraphe 1, doit contenir en tout cas de cause :
(2) La demande est irrecevable dans son intégralité lorsque
(3) Si une demande au titre de l’article 342, paragraphe 1, est déposée après l’attribution du marché ou la révocation de la procédure d’attribution, le Bundesverwaltungsgericht [(tribunal administratif fédéral)] la traite comme une demande de décision déclaratoire au titre de l’article 353, paragraphe 1, si le demandeur ne pouvait pas avoir connaissance de l’attribution du marché ou de la révocation et si la demande a été déposée dans le délai visé à l’article 354, paragraphe 2. À la demande du Bundesverwaltungsgericht [(tribunal administratif fédéral)], le requérant doit, dans un délai raisonnablement fixé par le Bundesverwaltungsgericht [(tribunal administratif fédéral)], préciser de manière plus détaillée quelle constatation en vertu de l’article 353, paragraphe 1, il souhaite. Si aucune décision au titre de l’article 353, paragraphe 1, n’est demandée à l’expiration de ce délai, la demande est rejetée. » |
26 |
L’article 350 de ladite loi énonce : « (1) Le Bundesverwaltungsgericht [(tribunal administratif fédéral)] doit à la demande d’un entrepreneur qui manifestement remplit les conditions d’application de l’article 342, paragraphe 1, ordonner sans délai, par voie de référé, les mesures conservatoires qui semblent nécessaires et appropriées pour réparer ou prévenir tout préjudice aux intérêts du demandeur causé ou qui risque d’être causé de façon imminente par l’illégalité alléguée d’une décision susceptible d’être individuellement attaquée. (2) La demande en référé doit contenir :
[...] (5) Le Bundesverwaltungsgericht [(tribunal administratif fédéral)] notifie immédiatement au pouvoir adjudicateur et, le cas échéant, à l’entité adjudicatrice, la réception d’une demande en référé sollicitant l’interdiction de l’attribution du marché, l’interdiction de la conclusion d’un accord-cadre, l’interdiction de la déclaration de révocation ou l’interdiction de l’ouverture des offres. Les demandes en référé sollicitant l’interdiction de l’attribution du marché, l’interdiction de la conclusion d’un accord-cadre, l’interdiction de la déclaration de révocation ou de non-ouverture des offres ont un effet suspensif à compter de la réception de l’avis de réception de la demande jusqu’à la décision sur la demande. Le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice ne peut pas, tant qu’une décision sur la demande n’a pas été prise
[...] (7) Une demande en référé est irrecevable si la taxe afférente n’a pas été correctement acquittée en dépit d’une invitation à la régulariser. » |
27 |
L’article 382 de la même loi énonce : « La présente loi fédérale transpose et tient compte des actes juridiques suivants de l’Union : [...] 2. Directive [89/665]. [...] 16. Directive [2014/24]. » |
La loi générale relative à la procédure administrative
28 |
En vertu de l’article 49, paragraphe 1, de l’Allgemeine Verwaltungsverfahrensgesetz (loi générale relative à la procédure administrative) : « Un témoin peut refuser de témoigner :
[...] » |
Le règlement sur les taxes forfaitaires 2018
29 |
Le Verordnung der Bundesregierung betreffend die Pauschalgebühr für die Inanspruchnahme des Bundesverwaltungsgerichtes in den Angelegenheiten des öffentlichen Auftragswesens (BVwG-Pauschalgebührenverordnung Vergabe 2018 – BVwG-PauschGebV Vergabe 2018) [règlement du gouvernement fédéral relatif aux taxes forfaitaires pour la saisine du tribunal administratif fédéral dans les affaires en matière de marchés publics (règlement sur les taxes forfaitaires 2018 – BVwG-PauschGebV 2018)] dispose : « Sur le fondement, 1. de l’article 340, paragraphe 1, premier point, de la [loi sur les marchés publics], [...] il est ordonné : Taux unitaires Article 1er – Pour les demandes présentées au titre [de l’article] 342, paragraphe 1, et [de l’article] 353, paragraphes 1 et 2, [de la loi sur les marchés publics], pour les demandes présentées au titre de l’article 135 du (Bundesgesetz über die Vergabe von Aufträgen im Verteidigungs- und Sicherheitsbereich [Bundesvergabegesetz Verteidigung und Sicherheit 2012 – BVergGVS 2012] [loi fédérale sur la passation des marchés dans le secteur de la défense et de la sécurité (loi fédérale sur les marchés publics défense et sécurité 2012 – BVergGVS 2012) (BGBl I, 10/2012)]) en combinaison avec [l’article] 342, paragraphe 1, et [l’article] 353, paragraphes 1 et 2, [de la loi sur les marchés publics] et pour les demandes présentées au titre [de l’article] 86, paragraphe 1, et [de l’article] 97, paragraphes 1 et 2, du (Bundesgesetz über die Vergabe von Konzessionsverträgen [Bundesvergabegesetz Konzessionen 2018 – BVergGKonz 2018] [loi fédérale sur l’attribution des contrats de concession (loi fédérale sur les marchés publics Concessions 2018 – BVergGKonz 2018) (BGBl. I, 65/2018)]), le demandeur doit payer une taxe forfaitaire dans chaque cas individuel conformément aux dispositions suivantes : Attributions de marchés de gré à gré 324 [euros] [...] » |
La loi constitutionnelle fédérale relative aux mesures d’accompagnement de la pandémie de COVID-19 en matière de marchés publics
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Aux termes de l’article 5 du Bundesverfassungsgesetz betreffend Begleitmaßnahmen zu COVID-19 in Angelegenheiten des öffentlichen Auftragswesens (COVID-19 Begleitgesetz Vergabe) [loi constitutionnelle fédérale relative aux mesures d’accompagnement de la pandémie de COVID-19 en matière de marchés publics (loi d’accompagnement COVID-19)] (BGBl. I, 24/2020), qui a été prolongée jusqu’au 30 juin 2021 (BGBl. I, 5/2021) : « S’il apparaît, sur la base des informations contenues dans la demande en référé en matière de recours dans le cadre d’une attribution de marché conformément à la [loi sur les marchés publics], ou au BVergGVS 2012, ou si le pouvoir adjudicateur affirme de manière crédible qu’une procédure de passation de marché sert à prévenir et combattre de manière urgente la propagation de la COVID-19 ou à maintenir l’ordre public en relation avec la prévention et la lutte contre la propagation de la COVID-19, la demande en référé visant à faire interdire l’ouverture des offres, la conclusion d’un accord-cadre ou l’attribution du marché n’a pas d’effet suspensif. Dans ce cas, le pouvoir adjudicateur peut attribuer le marché, conclure l’accord-cadre ou ouvrir les offres avant qu’il soit statué sur la demande. » |
Le litige au principal et les questions préjudicielles
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À la fin de l’année 2020, la République d’Autriche et la société fédérale d’achats (ci-après, ensemble, le « pouvoir adjudicateur » ou les « défenderesses au principal ») ont conclu 21 accords-cadres d’une valeur de trois millions d’euros en vue de l’acquisition de tests antigéniques. |
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Le 1er décembre 2020, EPIC a saisi le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral) d’un recours tendant, en substance, à contester la conclusion de ces accords-cadres, au motif qu’elle n’aurait pas été transparente et qu’elle aurait violé le droit des marchés publics. Ce recours était assorti d’une demande en référé visant, en substance, à interdire, à titre provisoire, au pouvoir adjudicateur de poursuivre la ou les procédures de passation de marchés de fourniture de tests antigéniques dont EPIC conteste la légalité. |
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Le jour même, le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral) a adressé à EPIC une première invitation à régularisation au motif que sa requête introductive d’instance ne permettait pas d’identifier clairement les décisions individuellement attaquables, au sens de la directive 89/665, dont EPIC demandait l’annulation ni les procédures de passation de marché visées par sa demande en référé. |
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Par mémoire du 7 décembre 2020, EPIC a contesté la nécessité de régulariser son recours et a indiqué que celui-ci visait la seule décision du pouvoir adjudicateur dont elle avait eu connaissance par les médias, à savoir celle de recourir à une procédure de passation de marché public de gré à gré pour la commande de plusieurs millions de tests antigéniques supplémentaires en vue d’effectuer des tests de masse en Autriche. En violation flagrante du principe de transparence, EPIC n’aurait pu accéder à aucun document relatif au marché en cause, de sorte qu’elle ne saurait être tenue de désigner concrètement la procédure de passation de marché concernée, sauf à ce que soit méconnu son droit à une protection juridictionnelle effective. |
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Dans un mémoire supplémentaire du 9 décembre 2020, EPIC a précisé qu’elle entendait contester non pas la conclusion même des 21 accords-cadres par le pouvoir adjudicateur, mais exclusivement les achats de quelques deux millions de tests antigéniques supplémentaires effectués auprès de la société R entre les 29 octobre et 24 novembre 2020 pour plus de trois millions d’euros. Ces achats devraient être considérés comme résultant d’une passation de marché de gré à gré illégale au motif qu’ils dépassent largement le volume prévu par l’accord-cadre concerné. |
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Le 14 décembre 2020, EPIC a indiqué que sa demande en référé se limitait à s’opposer à d’éventuelles nouvelles commandes effectuées depuis le 20 novembre 2020, auprès de trois entreprises nommément désignées et qui dépasseraient la valeur d’achat maximale de trois millions d’euros prévue dans les accords-cadres concernés. |
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En dernier lieu, EPIC a affirmé, dans un mémoire du 5 janvier 2021, qu’elle contestait désormais exclusivement les achats effectués à compter du 20 novembre 2020, au titre des accords-cadres conclus, respectivement les 13 et 18 novembre 2020, avec les sociétés I et S. Ceux-ci dépasseraient la valeur d’achat maximale de trois millions d’euros prévue dans ces accords-cadres. |
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EPIC indique enfin qu’elle ne pouvait pas connaître, au moment de l’introduction de son recours, le montant des frais forfaitaires de justice dont elle était redevable dès lors que ceux-ci sont calculés en fonction du nombre d’actes contestés. Or, ce nombre aurait été impossible à déterminer eu égard à l’opacité des procédures de passation de marchés en cause au principal. |
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De leur côté, les défenderesses au principal contestent la qualité pour agir d’EPIC dès lors que, jusqu’au 10 décembre 2020, elle n’aurait pas disposé de la qualification professionnelle requise pour commercialiser des tests antigéniques. Elles allèguent en outre que le recours d’EPIC est irrecevable, faute pour cette dernière d’avoir cité la décision concrètement attaquée, ainsi que la procédure de passation de marché public à laquelle cette décision se rattache. Les défenderesses au principal font encore valoir qu’elles ont publié, le 1er décembre 2020, au Journal officiel de l’Union européenne un avis relatif à une procédure ouverte en vue de la conclusion d’un accord-cadre pour la fourniture de tests antigéniques. De surcroît, l’irrecevabilité du recours formé devant le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral) entraînerait, par voie de conséquence, celle de la demande en référé. En tout état de cause, en vertu de l’article 5 de la loi d’accompagnement COVID-19, mentionnée au point 30 du présent arrêt, cette demande ne saurait avoir un effet suspensif dès lors que l’acquisition contestée de tests antigéniques avait vocation à prévenir et à lutter en urgence contre la propagation de la COVID-19. Les défenderesses au principal relèvent encore que chacun des 21 accords-cadres contestés par EPIC a été conclu avec un seul partenaire, ce qu’EPIC pouvait manifestement constater en consultant le site Internet de la société fédérale d’achats. Enfin, depuis la notification du recours d’EPIC, aucun achat de tests antigéniques n’aurait été réalisé au titre des accords-cadres respectivement conclus avec les sociétés S et I. Partant, il n’existerait plus de décision individuellement attaquable. |
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Le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral) relève, premièrement, que, en Autriche, les justiciables qui le saisissent d’un recours en matière de marchés publics doivent s’acquitter de taxes forfaitaires pour chacune de leurs demandes. Ces taxes sont calculées, notamment, en fonction du nombre de décisions attaquées au titre d’une procédure de passation de marché public spécifique. Selon la jurisprudence du Verfassungsgerichtshof (Cour constitutionnelle, Autriche), la taxe naît au moment du dépôt de la demande et doit être versée dès cet instant au Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral). Partant, un recours ou une demande en référé est irrecevable lorsque la taxe afférente à ce recours ou à cette demande n’a pas été correctement acquittée en dépit d’une invitation à régulariser la situation. De même, cette juridiction ne pourrait prendre acte d’un désistement tant que les taxes forfaitaires dues ne lui ont pas été payées. Le cas échéant, les membres de ladite juridiction pourraient être considérés comme ayant causé, par leur faute, un préjudice financier au Trésor public, préjudice dont ils doivent répondre sur leurs fonds propres. Il s’ensuit que, en cas de procédure de passation de marché public opaque, le requérant ne pourrait prendre connaissance du montant des taxes forfaitaires liées à son recours qu’après que le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral) s’est livré à des investigations poussées afin d’identifier les procédures de passation de marché public ainsi que les décisions individuelles visées par le requérant. |
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La juridiction de renvoi précise à cet égard que, pour les recours concernant les attributions de marché de gré à gré, doit être versée une taxe forfaitaire de 324 euros par procédure d’attribution de marché et par décision individuellement attaquable. Cette somme est majorée de 50 % et atteint donc 486 euros, lorsque le recours est assorti d’une demande en référé. Cependant, si la valeur estimée du marché dépasse de vingt fois la valeur seuil fixée à 750000 euros pour les marchés publics de services concernant la santé publique, il y aurait lieu de verser, pour chaque procédure de passation de marché public et chaque décision attaquée du pouvoir adjudicateur, une taxe de 19440 euros. |
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En application de ces règles, la juridiction de renvoi a informé EPIC que, dans les circonstances du litige au principal, si, pour chacun des 21 accords-cadres, elle entendait contester trois décisions et solliciter les concernant des mesures provisoires par voie de référé, les taxes forfaitaires s’élèveraient à 1061424 euros. EPIC n’ayant, jusqu’ici, versé que 486 euros de taxes forfaitaires, elle pourrait donc recevoir une invitation à régulariser la situation consistant à verser un complément de taxe forfaitaire de l’ordre d’un million d’euros, ce à quoi elle ne pouvait pas nécessairement s’attendre lors de l’introduction de son recours. |
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Deuxièmement, la juridiction de renvoi relève qu’EPIC n’a pas démontré que, pour la période antérieure au 10 décembre 2020, elle-même ou son fournisseur disposait de la qualification professionnelle requise en Autriche pour commercialiser des tests antigéniques. |
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Troisièmement, la juridiction de renvoi estime vraisemblable que, au moment du dépôt de son recours, EPIC ignorait tant le nombre et le type de procédures de passation de marché conduites par le pouvoir adjudicateur que le nombre de décisions individuellement attaquables déjà adoptées dans les procédures de passation de marché en cause au principal. Aussi, selon la juridiction de renvoi, EPIC ne pouvait-elle qu’avancer des allégations imprécises, alors même que les règles de procédure civile autrichiennes imposent, en principe, à tout requérant d’exposer les faits qui fondent son recours. |
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Quatrièmement, la juridiction de renvoi relève que, en l’état de son instruction, elle a pu établir l’existence de quinze accords-cadres conclus par le pouvoir adjudicateur, à l’automne de l’année 2020, en vue de la fourniture de tests antigéniques. Chacun de ces accords-cadres aurait été conclu avec un seul opérateur économique et à l’issue d’une procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché, conformément à l’article 32, paragraphe 2, sous c), et à l’article 33, paragraphe 3, de la directive 2014/24. |
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Cinquièmement, EPIC se limiterait désormais à contester spécifiquement les marchés publics de fournitures de tests antigéniques passés de gré à gré avec les sociétés S et I et qui dépassent la valeur estimée de l’accord-cadre conclu avec chacune d’elles. Elle devrait donc être considérée, en vertu du droit autrichien, comme s’étant désistée de son recours dirigé contre les décisions adoptées dans le cadre des 19 autres accords-cadres qu’elle avait initialement visées. |
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Eu égard aux considérations qui précèdent, le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral) estime que le litige au principal soulève, au regard du droit de l’Union, quatre séries d’interrogations. |
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En premier lieu, cette juridiction est d’avis que les recours dirigés contre des actes liés à une procédure de passation de marché public relèvent de la matière civile, au sens du règlement no 1215/2012. En effet, les règles de passation des marchés publics contenues dans la directive 2014/24 règleraient les obligations de comportement précontractuelles des pouvoirs adjudicateurs et des entrepreneurs souhaitant contracter avec ces derniers. Partant, les règles de passation des marchés publics relèveraient, en tant qu’elles concernent la conclusion de contrats, du droit civil spécial et donc du champ d’application du règlement no 1215/2012. |
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Dès lors, en vertu du principe d’équivalence, les règles de procédure civile plus souples que celles que ladite juridiction doit, elle-même, suivre devraient trouver à s’appliquer. La même juridiction observe notamment que, en matière civile, le juge se prononce sur le recours et la demande en référé même si le requérant ne s’est pas acquitté d’emblée des taxes forfaitaires et sans que cela remette en cause le droit de l’État membre de percevoir ces taxes. En outre, devant les juridictions civiles, aucune taxe forfaitaire spéciale ne serait due pour des demandes en référé liées à un recours, qui est lui-même soumis à l’obligation de verser une taxe. |
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Si le système spécial de taxe qui prévaut dans le domaine des marchés publics était déclaré contraire au droit de l’Union, la juridiction de renvoi tiendrait pour subsidiaires les mesures d’enquête nécessaires à la fixation de la taxe et pourrait ainsi, conformément au principe d’économie de la procédure, traiter la demande en référé très rapidement, sans devoir procéder au préalable à des recherches étendues pour déterminer le nombre des procédures de passation de marché et les décisions qui ont initialement été attaquées. |
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En deuxième lieu, la juridiction de renvoi se demande si le système spécial de taxe applicable dans le domaine des marchés publics est conforme au droit, garanti par la directive 89/665, à ce que les recours et les demandes en référé puissent être traités aussi rapidement que possible et indépendamment de questions liées aux frais forfaitaires de justice. À cet égard, soulèvent notamment des difficultés l’obligation d’identifier impérativement les décisions et les procédures contestées avant d’examiner le recours au fond ainsi que l’impossibilité pour le justiciable de connaître à l’avance, en particulier lorsque la procédure en cause est opaque, le montant des frais forfaitaires de justice dont il est redevable. Cette juridiction se demande également si, en cas de passation de marché à la suite d’une procédure opaque, le droit à une protection juridictionnelle effective, garanti par l’article 47 de la Charte, s’oppose à l’application d’un système de frais de justice en vertu duquel le montant des frais à payer dépend de la valeur estimée du marché, du nombre des procédures de passation de marché en cause et du nombre des décisions individuellement attaquables contestées. |
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En troisième lieu, ladite juridiction estime que l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 89/665 peut être interprété en ce sens que la conclusion d’un accord-cadre avec un seul opérateur économique correspond, pour le pouvoir adjudicateur, à la conclusion d’un contrat et équivaut à l’attribution du marché en cause. Partant, en l’occurrence, la demande en référé devrait être rejetée au motif que le marché concerné a déjà été attribué. Il conviendrait également de préciser la qualification juridique des marchés publics passés au titre d’un accord-cadre dont la valeur maximale était déjà dépassée, ainsi que les modalités de calcul de la valeur estimée d’un tel marché. |
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En quatrième lieu, le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral) souligne que l’article 336 de la loi sur les marchés publics l’autorise à rendre une décision par défaut sur la base des indications d’une partie à la procédure si une autre partie à celle-ci ne fournit pas les renseignements ou les documents réclamés. Or, l’obligation pour les administrateurs ou les collaborateurs du pouvoir adjudicateur de fournir des renseignements ou des informations pour écarter le risque qu’une telle décision par défaut ne soit rendue au détriment de ce dernier pourrait être contraire à l’interdiction de s’auto-incriminer, qui se déduit de l’article 48 de la Charte. En effet, contrairement à ce que prévoit l’article 49, paragraphe 1, point 1, de la loi générale relative à la procédure administrative, l’article 336 de la loi sur les marchés publics ne comporterait aucun droit de refuser de fournir des informations. Or, les informations ainsi fournies pourraient dévoiler des faits susceptibles d’être utilisés contre les administrateurs et les collaborateurs du pouvoir adjudicateur, dans le cadre de procédures pénales ou en vue de recours en dommages-intérêts. La juridiction de renvoi indique d’ailleurs que, d’après un article de presse, des membres du gouvernement fédéral autrichien auraient été poursuivis pénalement. Cette juridiction estime ainsi que l’éventuelle pertinence de la réponse de la Cour à la question de savoir si l’article 336 de la loi sur les marchés publics est compatible avec l’interdiction de s’auto-incriminer sera démontrée, en l’occurrence, par les enquêtes à venir réalisées dans le cadre des poursuites pénales rapportées par les médias, lesquelles viseraient certains administrateurs et concerneraient les achats des tests antigéniques en cause au principal. |
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Dans ces conditions, le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral) a, dans le cadre de l’affaire C‑274/21, décidé de surseoir à statuer sur la demande en référé introduite par EPIC et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
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Dans les conditions exposées aux points 40 à 53 du présent arrêt, le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral) a, dans le cadre de l’affaire C‑275/21, décidé de surseoir à statuer sur le recours formé par EPIC et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
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Sur les questions préjudicielles
Sur les premières questions dans les affaires C‑274/21 et C‑275/21
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Par ses premières questions dans les affaires C‑274/21 et C‑275/21, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la notion de « matière civile et commerciale », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012, doit être interprétée en ce sens qu’elle inclut les procédures en référé et de recours visées à l’article 2, paragraphe 1, sous a) et b), de la directive 89/665. |
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À cet égard, il suffit de rappeler que le règlement no 1215/2012 n’est applicable que lorsqu’un litige concerne soit plusieurs États membres soit un seul État membre à condition, dans ce dernier cas, qu’il existe un élément d’extranéité en raison de l’implication d’un État tiers. En effet, cette situation est de nature à soulever des questions relatives à la détermination de la compétence des juridictions dans l’ordre international (voir, en ce sens, arrêts du 1er mars 2005, Owusu, C‑281/02, EU:C:2005:120, points 25 et 26, ainsi que du 7 mai 2020, Rina, C‑641/18, EU:C:2020:349, point 25). |
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Or, en l’occurrence, cet élément d’extranéité fait défaut. |
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Il s’ensuit que ce règlement est inapplicable dans le litige au principal et que, partant, il n’y a pas lieu de répondre aux premières questions dans les affaires C‑274/21 et C‑275/21. |
Sur les sixièmes questions et les sixièmes questions, point 1, dans les affaires C‑274/21 et C‑275/21 ainsi que sur la sixième question, point 2, dans l’affaire C‑275/21
Sur les sixièmes questions dans les affaires C‑274/21 et C‑275/21
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Par ses sixièmes questions dans les affaires C‑274/21 et C‑275/21, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 89/665 doit être interprété en ce sens que la conclusion d’un accord-cadre avec un seul opérateur économique, conformément à l’article 33, paragraphe 3, de la directive 2014/24, correspond à la conclusion du contrat visé à l’article 2 bis, paragraphe 2, de la directive 89/665. |
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D’emblée, il convient de constater que l’article 1er, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 89/665 prévoit expressément que la notion de « contrats », au sens de cette directive, inclut les accords-cadres. |
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Dès lors, l’article 2 bis, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 89/665 est applicable aux accords-cadres. Or, en vertu de cette disposition, la conclusion du contrat qui suit la décision d’attribution d’un accord-cadre conclu avec un seul opérateur économique, conformément à l’article 33, paragraphe 3, de la directive 2014/24, ne peut avoir lieu avant l’expiration d’un délai de suspension d’au moins dix ou quinze jours calendaires, selon le moyen de communication utilisé, à compter du lendemain du jour où la décision d’attribution de cet accord-cadre a été envoyée aux soumissionnaires et aux candidats concernés. |
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En outre, ainsi que l’a relevé la Commission européenne dans ses observations écrites, cette interprétation est de nature à garantir l’effet utile de la directive 89/665. Le cas échéant, ainsi que le souligne le considérant 4 de la directive 2007/66, laquelle a modifié et complété la directive 89/665, l’absence, entre la décision d’attribution d’un marché et la conclusion dudit marché, d’un délai permettant un recours efficace pourrait conduire les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices désireux de rendre irréversibles les conséquences de la décision d’attribution contestée à précipiter la signature du contrat. Or, c’est précisément pour remédier à cette faiblesse dans les mécanismes de recours existant dans les États membres, laquelle compromettait gravement la protection juridictionnelle effective des soumissionnaires concernés, c’est-à-dire des soumissionnaires qui n’ont pas encore été définitivement exclus, qu’a été introduit un délai de suspension minimal, pendant lequel la conclusion du contrat concerné est suspendue, peu important que cette conclusion intervienne ou non au moment de la signature de ce contrat. |
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Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux sixièmes questions dans les affaires C‑274/21 et C‑275/21 que l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 89/665 doit être interprété en ce sens que la conclusion d’un accord-cadre avec un seul opérateur économique, conformément à l’article 33, paragraphe 3, de la directive 2014/24, correspond à la conclusion du contrat visé à l’article 2 bis, paragraphe 2, de la directive 89/665. |
Sur les sixièmes questions, point 1, dans les affaires C‑274/21 et C‑275/21
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Par ses sixièmes questions, point 1, dans les affaires C‑274/21 et C‑275/21, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 33, paragraphe 3, de la directive 2014/24 doit être interprété en ce sens qu’un pouvoir adjudicateur peut encore se fonder, pour attribuer un nouveau marché, sur un accord-cadre dont la quantité et/ou la valeur maximale des travaux, fournitures ou services concernés qu’il fixe a ou ont déjà été atteinte(s). |
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À cet égard, il ressort clairement de la jurisprudence de la Cour que, en concluant un accord-cadre, un pouvoir adjudicateur ne peut s’engager que dans la limite d’une quantité et/ou d’une valeur maximale des travaux, fournitures ou services concernés, de sorte que, une fois cette limite atteinte, cet accord-cadre aura épuisé ses effets (arrêt du 17 juin 2021, Simonsen & Weel, C‑23/20, EU:C:2021:490, point 68). |
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Partant, ainsi que l’ont souligné le gouvernement autrichien et la Commission dans leurs observations écrites, plus aucun marché ne peut être légalement attribué en application de l’article 33, paragraphe 2, de la directive 2014/24 sur la base d’un accord-cadre dont ladite limite a été dépassée et qui, dès lors, est privé d’effets, sauf si cette attribution ne modifie pas substantiellement ce dernier, au sens de l’article 72, paragraphe 1, sous e), de la directive 2014/24 (voir, en ce sens, arrêt du 17 juin 2021, Simonsen & Weel, C‑23/20, EU:C:2021:490, point 70). |
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Il convient donc de répondre aux sixièmes questions, point 1, que l’article 33, paragraphe 3, de la directive 2014/24 doit être interprété en ce sens qu’un pouvoir adjudicateur ne peut plus se fonder, pour attribuer un nouveau marché, sur un accord-cadre dont la quantité et/ou la valeur maximale des travaux, fournitures ou services concernés qu’il fixe a ou ont déjà été atteinte(s), à moins que l’attribution de ce marché n’entraîne pas une modification substantielle de cet accord-cadre, ainsi que le prévoit l’article 72, paragraphe 1, sous e), de cette directive. |
Sur la sixième question, point 2, dans l’affaire C‑275/21
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Eu égard à la réponse apportée à la sixième question, point 1, dans l’affaire C‑275/21, il n’y a pas lieu de répondre à la sixième question, point 2, dans cette même affaire. |
Sur les deuxièmes questions, sur les deuxièmes questions, point 1, et sur les cinquièmes questions dans les affaires C‑274/21 et C‑275/21
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Par ses deuxièmes questions, ses deuxièmes questions, point 1, et ses cinquièmes questions dans les affaires C‑274/21 et C‑275/21, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le principe d’équivalence doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit, pour les demandes en référé et les recours relatifs à une procédure de passation de marché public, des règles procédurales différentes de celles qui s’appliquent notamment aux procédures en matière civile. |
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Par ces questions, la juridiction de renvoi vise, plus particulièrement, trois règles nationales spécifiquement applicables aux demandes en référé et recours formés dans le domaine des marchés publics : premièrement, la règle selon laquelle, dans ce domaine, la recevabilité d’une demande en référé ou d’un recours est subordonnée au paiement par le justiciable de frais forfaitaires de justice, de sorte que l’examen au fond de cette demande ou de ce recours ne peut avoir lieu que si ces frais sont préalablement acquittés ; deuxièmement, la règle selon laquelle, dans ledit domaine, une demande en référé introduite en même temps qu’un recours au fond donne lieu à la perception d’une taxe forfaitaire spécifique, et, troisièmement, la règle selon laquelle, dans ce même domaine, les frais forfaitaires de justice ne sont pas imposés par une décision administrative, de sorte que ces frais ne peuvent être contestés devant une juridiction disposant d’une compétence de pleine juridiction. |
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Il convient de rappeler que l’article 1er, paragraphes 1 et 3, de la directive 89/665 impose aux États membres, en ce qui concerne les procédures de passation des marchés publics, de prendre les mesures nécessaires pour garantir l’existence de recours efficaces et aussi rapides que possible contre les décisions des pouvoirs adjudicateurs incompatibles avec le droit de l’Union et pour assurer que les procédures de recours soient accessibles à toute personne ayant ou ayant eu un intérêt à obtenir un marché déterminé et ayant été ou risquant d’être lésée par une violation alléguée. Cette directive laisse ainsi aux États membres un pouvoir discrétionnaire dans le choix des garanties de procédure qu’elle prévoit et des formalités y afférentes. En particulier, ladite directive ne contient aucune disposition ayant trait spécifiquement aux frais de justice à verser par les justiciables lorsqu’ils introduisent, conformément à l’article 2, paragraphe 1, sous a) et b), de la même directive, une demande en référé ou un recours en annulation contre une décision prétendument illégale se rapportant à une procédure de passation de marché public (arrêt du 6 octobre 2015, Orizzonte Salute, C‑61/14, EU:C:2015:655, points 43 à 45). |
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Dès lors, en l’absence de réglementation de l’Union en la matière, il appartient à chaque État membre, en vertu du principe d’autonomie procédurale des États membres, de régler les modalités de la procédure administrative et celles de la procédure juridictionnelle destinées à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union. Ces modalités procédurales ne doivent, toutefois, pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires prévus pour la protection des droits tirés de l’ordre juridique interne (principe d’équivalence) et ne doivent pas rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) (arrêts du 6 octobre 2015, Orizzonte Salute, C‑61/14, EU:C:2015:655, point 46, ainsi que du 21 décembre 2021, Randstad Italia, C‑497/20, EU:C:2021:1037, point 58). |
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Le fait que les frais forfaitaires de justice dont un justiciable doit s’acquitter, dans le domaine des procédures de passation de marché public, sont plus importants que les frais dus dans le cadre de procédures en matière civile ne saurait, en tant que tel, démontrer une violation du principe d’équivalence (voir, par analogie, arrêt du 6 octobre 2015, Orizzonte Salute, C‑61/14, EU:C:2015:655, point 66). |
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En effet, ce principe implique un traitement égal des recours fondés sur une violation du droit national et de ceux, similaires, fondés sur une violation du droit de l’Union, et non l’équivalence des règles procédurales nationales applicables à des contentieux de nature différente tels que le contentieux civil, d’un côté, et le contentieux administratif, de l’autre, ou à des contentieux relevant de deux branches du droit différentes (arrêt du 6 octobre 2015, Orizzonte Salute, C‑61/14, EU:C:2015:655, point 67). |
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En outre, ledit principe n’est pas pertinent concernant deux types de recours fondés, l’un comme l’autre, sur une violation du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2015, Târşia, C‑69/14, EU:C:2015:662, point 34). |
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Le principe d’équivalence ne saurait donc être interprété comme obligeant un État membre à étendre son régime interne le plus favorable à l’ensemble des actions introduites dans un certain domaine du droit (voir, en ce sens, arrêts du 15 septembre 1998, Edis, C‑231/96, EU:C:1998:401, point 36, ainsi que du 26 janvier 2010, Transportes Urbanos y Servicios Generales, C‑118/08, EU:C:2010:39, point 34). |
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Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux deuxièmes questions, aux deuxièmes questions, point 1, et aux cinquièmes questions dans les affaires C‑274/21 et C‑275/21 que le principe d’équivalence doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui prévoit, pour les demandes en référé et les recours relatifs à une procédure de passation de marché public, des règles procédurales différentes de celles qui s’appliquent notamment aux procédures en matière civile. |
Sur les huitièmes et neuvièmes questions dans les affaires C‑274/21 et C‑275/21
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Par ses huitièmes et neuvièmes questions dans les affaires C‑274/21 et C‑275/21, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 89/665, lu à la lumière de l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale imposant au justiciable d’identifier, dans sa demande en référé et dans son recours, la procédure de passation de marché public concernée et la décision individuellement attaquable qu’il conteste, même lorsque le pouvoir adjudicateur a opté pour une procédure de passation de marché public sans publication préalable d’un avis de marché. |
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À titre liminaire, il y a lieu de relever que, dans les présentes affaires, la Cour n’est pas interrogée sur l’interprétation de l’article 32, paragraphe 2, sous c), de la directive 2014/24 afin de déterminer si le recours, par le pouvoir adjudicateur, à une procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché est compatible avec cette directive. La juridiction de renvoi semble en effet approuver le choix du pouvoir adjudicateur d’avoir eu recours, dans le litige au principal, à une telle procédure afin d’obtenir en urgence la fourniture de tests antigéniques. Le gouvernement autrichien et la Commission soulignent d’ailleurs qu’il ressort du point 2.3.4. des orientations de la Commission européenne sur l’utilisation des marchés publics dans la situation d’urgence liée à la crise de la COVID-19 (JO 2020, C 108I, p. 1) que « [l]es procédures négociées sans publication préalable peuvent permettre de répondre aux besoins immédiats » et que ces procédures « ne sont utilisées que dans l’attente de solutions plus stables, telles que des contrats-cadres de fournitures et de services passés selon les procédures normales (y compris accélérées) ». |
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En tout état de cause, il ne saurait être contesté que, en l’absence de publication préalable d’un avis de marché, visé à l’article 49 de cette directive, ou d’un avis d’attribution de marché, visé à l’article 50 de celle-ci, un justiciable n’est pas en mesure de déterminer le type de procédure de passation de marché public concerné ainsi que le nombre de décisions attaquables. |
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Il s’ensuit qu’une réglementation nationale imposant, dans une telle situation, à un justiciable d’indiquer ce type d’informations, dans sa demande en référé et dans son recours, aboutit à rendre pratiquement impossible l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union et, partant, porte atteinte à l’effet utile de la directive 89/665 [voir, par analogie, arrêts du 28 janvier 2010, Uniplex (UK), C‑406/08, EU:C:2010:45, point 40, ainsi que du 12 mars 2015,eVigilo, C‑538/13, EU:C:2015:166, points 39 et 40], dont l’objectif est de garantir que les décisions illégales des pouvoirs adjudicateurs puissent faire l’objet de recours efficaces et aussi rapides que possible (arrêt du 6 octobre 2015, Orizzonte Salute, C‑61/14, EU:C:2015:655, point 43). |
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Une telle réglementation est également contraire au droit à un recours effectif garanti par l’article 47 de la Charte, lequel se suffit à lui-même et n’a pas besoin d’être précisé par des dispositions du droit de l’Union ou du droit national pour conférer aux particuliers un droit invocable en tant que tel (arrêt du 17 avril 2018, Egenberger, C‑414/16, EU:C:2018:257, point 78). |
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Dans ces conditions, il convient de répondre aux huitièmes et neuvièmes questions dans les affaires C‑274/21 et C‑275/21 que l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 89/665, lu à la lumière de l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale imposant au justiciable d’identifier, dans sa demande en référé ou dans son recours, la procédure de passation de marché public concernée et la décision individuellement attaquable qu’il conteste, lorsque le pouvoir adjudicateur a opté pour une procédure de passation de marché public sans publication préalable d’un avis de marché et que l’avis d’attribution de marché n’a pas encore été publié. |
Sur les troisièmes et quatrièmes questions dans les affaires C‑274/21 et C‑275/21
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Par ses troisièmes et quatrièmes questions dans les affaires C‑274/21 et C‑275/21, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, paragraphe 1, de la directive 89/665, lu à la lumière de l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui, aux seules fins de calculer le montant des frais forfaitaires de justice dont le justiciable devra impérativement s’acquitter, sous peine de voir sa demande en référé ou son recours rejeté pour ce seul motif, impose à une juridiction de déterminer, avant de statuer sur une telle demande ou un tel recours, le type de procédure de passation de marché public concernée, la valeur (estimée) du marché en cause ainsi que le nombre total des décisions individuellement attaquables et, le cas échéant, des lots découlant de la procédure de passation de marché public concernée, lorsque le pouvoir adjudicateur a opté pour une procédure de passation de marché public sans publication préalable d’un avis de marché et que, au moment de l’introduction du recours, l’avis d’attribution de marché n’a pas encore été publié. |
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À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, quatrième alinéa, de la directive 89/665, les États membres doivent prendre, en ce qui concerne les procédures de passation des marchés publics relevant notamment du champ d’application de la directive 2014/24, les mesures nécessaires pour garantir que les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs puissent faire l’objet de recours efficaces et, en particulier, aussi rapides que possible, dans les conditions énoncées aux articles 2 à 2 septies de la directive 89/665, au motif que ces décisions ont violé le droit de l’Union en matière de marchés publics ou les règles nationales transposant ce droit. |
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Ainsi qu’il a été rappelé au point 72 du présent arrêt, la directive 89/665 ne contient toutefois aucune disposition ayant trait spécifiquement aux frais de justice à verser par les justiciables lorsqu’ils introduisent, conformément à l’article 2, paragraphe 1, sous a) et b), de cette directive, une demande en référé ou un recours en annulation contre une décision prétendument illégale se rapportant à une procédure de passation de marché public. |
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Cela étant, il appartient aux États membres, lorsqu’ils définissent les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits conférés par le droit de l’Union aux candidats et aux soumissionnaires lésés par des décisions des pouvoirs adjudicateurs, de veiller à ce qu’il ne soit porté atteinte ni à l’effet utile de la directive 89/665, dont l’objectif est de garantir que les décisions illégales des pouvoirs adjudicateurs puissent faire l’objet de recours efficaces et aussi rapides que possible, ni aux droits conférés aux particuliers par le droit de l’Union. En outre, ainsi qu’il ressort de son considérant 36, la directive 2007/66 ainsi que la directive 89/665 qu’elle a modifiée et complétée visent à assurer le plein respect du droit à un recours effectif et du droit à accéder à un tribunal impartial, consacrés à l’article 47, premier et deuxième alinéas, de la Charte (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 2002, Universale-Bau e.a., C‑470/99, EU:C:2002:746, points 72 et 73 ; du 15 septembre 2016, Star Storage e.a., C‑439/14 et C‑488/14, EU:C:2016:688, points 42 à 46 ; du 7 août 2018, Hochtief, C‑300/17, EU:C:2018:635, point 38, ainsi que du 7 septembre 2021, Klaipėdos regiono atliekų tvarkymo centras, C‑927/19, EU:C:2021:700, point 128). |
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Dans cette perspective, les dispositions de la directive 89/665, destinées à protéger les soumissionnaires contre l’arbitraire du pouvoir adjudicateur, visent à renforcer les mécanismes existant pour assurer l’application effective des règles de l’Union en matière de passation de marchés publics, en particulier à un stade où les violations peuvent encore être corrigées (voir, en ce sens, arrêts du 11 août 1995, Commission/Allemagne, C‑433/93, EU:C:1995:263, point 23, ainsi que du 15 septembre 2016, Star Storage e.a., C‑439/14 et C‑488/14, EU:C:2016:688, point 41). |
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En effet, dans le cadre d’une procédure de passation de marché public organisée de manière opaque, le droit de solliciter une protection provisoire s’avère crucial. Le considérant 5 de la directive 89/665 énonce d’ailleurs que, étant donné la brièveté des procédures de passation des marchés publics, les instances de recours compétentes doivent notamment être habilitées à prendre des mesures provisoires pour suspendre une telle procédure ou l’exécution de décisions éventuellement prises par le pouvoir adjudicateur et que la brièveté des procédures exige un traitement urgent des violations des règles de passation des marchés publics. |
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Afin d’atteindre cet objectif, l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 89/665 prévoit la mise en place, dans les États membres, de recours efficaces et, en particulier, aussi rapides que possible contre des décisions ayant pu violer le droit de l’Union en matière de marchés publics ou les règles nationales transposant ce droit. Plus spécifiquement, l’article 2, paragraphe 1, sous a), de cette directive impose aux États membres de prévoir les pouvoirs permettant « de prendre, dans les délais les plus brefs et par voie de référé, des mesures provisoires ayant pour but de corriger la violation alléguée ou d’empêcher d’autres dommages d’être causés aux intérêts concernés » (arrêt du 9 décembre 2010, Combinatie Spijker Infrabouw-De Jonge Konstruktie e.a., C‑568/08, EU:C:2010:751, points 52 et 53). |
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Lorsque le pouvoir adjudicateur a opté pour une procédure de passation de marché public sans publication préalable d’un avis de marché et que, au moment de l’introduction du recours en annulation contre une décision se rapportant à cette procédure, l’avis d’attribution de marché n’a pas encore été publié, ce droit à une protection provisoire risque fort d’être réduit à néant si la juridiction appelée à statuer sur la demande en référé doit impérativement, avant de pouvoir prononcer une mesure provisoire et aux seules fins de calculer le montant des frais forfaitaires de justice dont le justiciable doit s’acquitter, identifier le type de procédure de passation de marché public suivi, préciser la valeur estimée du marché en cause, ainsi que recenser l’ensemble des décisions prises par le pouvoir adjudicateur dans le cadre de cette procédure. Ce risque s’avère encore plus élevé en présence d’une procédure organisée en violation du principe de transparence garanti par l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2014/24. Dans ce type de situations, il est en effet fort probable que cette juridiction se trouve dans l’obligation de se livrer à des investigations longues et complexes. Or, aussi longtemps que ses investigations dureront, ladite juridiction sera dans l’impossibilité de suspendre les acquisitions du pouvoir adjudicateur contestées par le requérant. |
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Une telle contrainte pesant sur une juridiction appelée à statuer dans le cadre d’une procédure d’urgence est ainsi manifestement disproportionnée au point de porter atteinte au droit à un recours effectif garanti par l’article 47 de la Charte. |
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En outre, il importe de souligner, ainsi que l’a déjà relevé la Cour, que l’effet utile de la directive 89/665 est mis en cause dès lors que le seul recours possible est celui devant les juges du fond. La faculté d’introduire un recours en annulation du contrat lui-même n’est en effet pas de nature à compenser l’impossibilité d’agir contre l’acte d’attribution du marché avant que le contrat ne soit conclu. Ainsi, dans le cas où le contrat a déjà été signé, le fait que le seul contrôle juridictionnel prévu soit un contrôle a posteriori revient à exclure la possibilité d’introduire un recours à un stade où les violations peuvent encore être corrigées et ne permet donc pas d’assurer une protection juridictionnelle complète au requérant avant la conclusion du contrat (voir, en ce sens, arrêts du 3 avril 2008, Commission/Espagne, C‑444/06, EU:C:2008:190, point 38 ; du 11 juin 2009, Commission/France, C‑327/08, non publié, EU:C:2009:371, point 58, ainsi que du 23 décembre 2009, Commission/Irlande, C‑455/08, non publié, EU:C:2009:809, point 28). |
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Dans ces conditions, une réglementation nationale qui empêche une juridiction saisie d’une demande en référé de statuer sur celle-ci jusqu’à ce que, d’une part, les informations mentionnées au point 92 du présent arrêt aient été recueillies et, d’autre part et par voie de conséquence, les frais forfaitaires de justice aient été payés par l’auteur de cette demande méconnaît tant l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/665 que l’article 47 de la Charte. |
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En revanche, l’exigence de célérité ne s’impose pas avec la même intensité dans la situation où un justiciable saisit une juridiction nationale d’un recours tendant à obtenir l’annulation d’une décision individuellement attaquable d’un pouvoir adjudicateur que dans celle où le justiciable introduit, de manière préventive, une demande en référé. Dès lors, une réglementation nationale, telle que la réglementation autrichienne, qui impose la communication des informations mentionnées au point 92 du présent arrêt, dans le cadre d’une procédure tendant à l’annulation d’une décision individuellement attaquable du pouvoir adjudicateur, ne contrevient pas au droit de l’Union. |
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Il convient donc de répondre aux troisièmes et quatrièmes questions posées dans les affaires C‑274/21 et C‑275/21 que l’article 2, paragraphe 1, de la directive 89/665, lu à la lumière de l’article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens :
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Sur les dixièmes questions dans les affaires C‑274/21 et C‑275/21
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Par ses dixièmes questions dans les affaires C‑274/21 et C‑275/21, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 47 de la Charte doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui impose au justiciable qui introduit une demande en référé ou un recours de verser des frais forfaitaires de justice d’un montant impossible à prévoir, lorsque le pouvoir adjudicateur a opté pour une procédure de passation de marché public sans publication préalable d’un avis de marché ou, le cas échéant, sans publication ultérieure d’un avis d’attribution de marché, de sorte que le justiciable peut se trouver dans l’incapacité de connaître la valeur estimée du marché ainsi que le nombre de décisions individuellement attaquables adoptées par le pouvoir adjudicateur sur la base desquelles ces frais ont été calculés. |
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D’emblée, il convient de souligner, à l’instar du gouvernement autrichien, que les modalités de calcul des frais forfaitaires de justice dus, dans le domaine des marchés publics, par l’auteur d’une demande en référé ou d’un recours, peuvent être connues à l’avance par celui-ci puisqu’elles résultent clairement de l’article 340 de la loi sur les marchés publics, lu en combinaison avec le règlement sur les taxes forfaitaires 2018 mentionné au point 29 du présent arrêt. |
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Néanmoins, lorsque le pouvoir adjudicateur recourt à une procédure de passation de marché public sans publication préalable d’un avis de marché, le justiciable qui a introduit une demande en référé ou un recours peut ne connaître ni la valeur estimée du marché concerné ni le nombre des décisions individuellement attaquables déjà adoptées par le pouvoir adjudicateur sur la base desquelles sont calculés lesdits frais forfaitaires. |
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Partant, ce justiciable peut se trouver dans l’impossibilité de prévoir le montant des frais forfaitaires de justice dont il doit s’acquitter. |
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Selon la juridiction de renvoi, dans les circonstances du litige au principal, c’est en raison de l’impossibilité pour EPIC, d’une part, de déterminer le type de procédure de passation de marché public suivie par le pouvoir adjudicateur et, d’autre part, de dénombrer les décisions attaquables adoptées par ce dernier que cette société a été conduite à contester, dans un premier temps, les 21 accords-cadres conclus par le pouvoir adjudicateur ainsi que les trois décisions prises au titre de chacun de ces accords-cadres. EPIC ayant choisi d’introduire une demande en référé ainsi qu’un recours au fond contre toutes ces décisions, elle se serait exposée, selon la juridiction de renvoi, au paiement de frais forfaitaires de justice d’un montant dépassant le million d’euros. |
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Ainsi, une réglementation nationale qui impose au justiciable le paiement de frais forfaitaires de justice d’un montant impossible à prévoir avant l’introduction de sa demande en référé ou de son recours rend pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice de son droit à un recours effectif, et méconnaît par conséquent l’article 47 de la Charte, y compris lorsque ce montant ne représente qu’une fraction infime de la valeur du ou des marché(s) concerné(s). |
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Il convient donc de répondre aux dixièmes questions dans les affaires C‑274/21 et C‑275/21 que l’article 47 de la Charte doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui impose au justiciable qui introduit une demande en référé ou un recours de verser des frais forfaitaires de justice d’un montant impossible à prévoir, lorsque le pouvoir adjudicateur a opté pour une procédure de passation de marché public sans publication préalable d’un avis de marché ou, le cas échéant, sans publication ultérieure d’un avis d’attribution de marché, de sorte que ce justiciable peut se trouver dans l’incapacité de connaître la valeur estimée du marché en cause ainsi que le nombre de décisions individuellement attaquables qui ont été adoptées par le pouvoir adjudicateur, sur la base desquelles ces frais ont été calculés. |
Sur les septièmes questions dans les affaires C‑274/21 et C‑275/21
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Par ses septièmes questions dans les affaires C‑274/21 et C‑275/21, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 47 et 48 de la Charte s’opposent à une réglementation nationale en vertu de laquelle un pouvoir adjudicateur qui a la qualité de partie défenderesse dans un litige relatif à la passation d’un marché public doit soumettre, dans le cadre tant d’une demande en référé que d’un recours, l’ensemble des informations et des documents qui lui sont demandés, même lorsque, d’une part, une décision par défaut est susceptible d’être prononcée contre lui et, d’autre part, la communication de ces informations et documents peut aboutir à ce que ses administrateurs ou ses collaborateurs s’incriminent pénalement. |
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À cet égard, il convient de relever, à l’instar du gouvernement autrichien et ainsi que cela a été souligné au point 53 du présent arrêt, qu’il résulte des demandes de décision préjudicielle que, en l’occurrence, l’éventuelle pertinence de la réponse à ces questions sera démontrée par d’éventuelles enquêtes à venir réalisées dans le cadre de poursuites pénales, rapportées par les médias, visant certains administrateurs et concernant les achats de tests antigéniques en cause au principal. |
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Ce faisant, la juridiction de renvoi met, elle-même, en lumière le caractère hypothétique des septièmes questions dans les présentes affaires. En outre, cette juridiction se borne à faire état de poursuites pénales diligentées contre des membres du gouvernement fédéral autrichien, sans établir de lien entre ces poursuites et les présentes affaires. |
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De surcroît, ainsi que l’a souligné la Commission dans ses observations écrites, lesdites questions sont dépourvues de pertinence dans la mesure où la juridiction de renvoi n’explique pas comment l’interdiction de s’auto-incriminer pourrait s’appliquer dans une situation où les administrateurs ou les collaborateurs du pouvoir adjudicateur transmettent à une juridiction nationale des informations relatives au comportement du pouvoir adjudicateur, sans encourir eux-mêmes, a priori, une quelconque sanction pénale. |
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Enfin, la juridiction de renvoi se limite à faire un renvoi général aux articles 47 et 48 de la Charte, ainsi qu’à soutenir que la réglementation autrichienne restreindrait fortement l’effectivité de la protection juridictionnelle garantie par la directive 89/665, sans toutefois identifier les dispositions du droit de l’Union susceptibles de s’appliquer à la situation en cause au principal et, partant, de rendre applicable au litige au principal ces deux articles de la Charte. |
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Il s’ensuit que ces septièmes questions sont hypothétiques et, partant, irrecevables. |
Sur les dépens
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La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. |
Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit : |
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Signatures |
( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.