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Document 62011CJ0523

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 18 juillet 2013.
Laurence Prinz contre Region Hannover (C‑523/11) et Philipp Seeberger contre Studentenwerk Heidelberg (C‑585/11).
Demandes de décision préjudicielle, introduites par le Verwaltungsgericht Hannover.
Citoyenneté de l’Union – Articles 20 TFUE et 21 TFUE – Droit de libre circulation et de séjour – Aide à la formation octroyée au ressortissant d’un État membre pour des études poursuivies dans un autre État membre – Obligation de résidence dans l’État membre d’origine pendant trois ans au moins avant le début des études.
Affaires jointes C‑523/11 et C‑585/11.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2013:524

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

18 juillet 2013 ( *1 )

«Citoyenneté de l’Union — Articles 20 TFUE et 21 TFUE — Droit de libre circulation et de séjour — Aide à la formation octroyée au ressortissant d’un État membre pour des études poursuivies dans un autre État membre — Obligation de résidence dans l’État membre d’origine pendant trois ans au moins avant le début des études»

Dans les affaires jointes C‑523/11 et C‑585/11,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Verwaltungsgericht Hannover (Allemagne) et le Verwaltungsgericht Karlsruhe (Allemagne), par décisions, respectivement, des 5 octobre et 16 novembre 2011, parvenues à la Cour les 13 octobre et 24 novembre 2011, dans les procédures

Laurence Prinz

contre

Region Hannover (C‑523/11),

et

Philipp Seeberger

contre

Studentenwerk Heidelberg (C‑585/11),

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. M. Ilešič, président de chambre, M. K. Lenaerts, vice-président de la Cour, faisant fonction de juge de la troisième chambre, MM. E. Jarašiūnas, A. Ó Caoimh (rapporteur) et C. G. Fernlund, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: Mme A. Impellizzeri, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 29 novembre 2012,

considérant les observations présentées:

pour M. Seeberger, par M. M. Y. Popper, Rechtsanwalt,

pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et J. Möller, en qualité d’agents,

pour le gouvernement danois, par Mme V. Pasternak Jørgensen et M. C. Thorning, en qualité d’agents,

pour le gouvernement grec, par Mme G. Papagianni, en qualité d’agent,

pour le gouvernement néerlandais, par Mmes B. Koopman et C. Wissels, en qualité d’agents,

pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Pesendorfer et M. G. Eberhard, en qualité d’agents,

pour le gouvernement finlandais, par Mme M. Pere et M. J. Leppo, en qualité d’agents,

pour le gouvernement suédois, par Mmes A. Falk, C. Stege et U. Persson, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mme S. Grünheid ainsi que par MM. D. Roussanov et V. Kreuschitz, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 21 février 2013,

rend le présent

Arrêt

1

Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation des articles 20 TFUE et 21 TFUE.

2

Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant, d’une part, Mme Prinz, ressortissante allemande, à la Region Hannover (Région de Hanovre, service des aides à la formation) et, d’autre part, M. Seeberger, ressortissant allemand également, au Studentenwerk Heidelberg, Amt für Ausbildungsförderung (Œuvres universitaires de Heidelberg, bureau des aides à la formation, ci-après le «Studentenwerk»), au sujet du droit à une aide à la formation pour des études poursuivies dans des établissements de formation situés dans des États membres autres que la République fédérale d’Allemagne.

Le cadre juridique

3

Sous l’intitulé «Formation à l’étranger», l’article 5 de la loi fédérale relative à l’encouragement individuel à la formation [Bundesgesetz über individuelle Förderung der Ausbildung (Bundesausbildungsförderungsgesetz)], telle que modifiée, le 1er janvier 2008, par la vingt-deuxième loi modifiant la loi fédérale relative à l’encouragement individuel à la formation (BGB1. I, p. 3254, ci-après le «BAföG»), énonce:

«1.   Le domicile permanent au sens de la présente loi est établi au lieu où se trouve, d’une manière qui ne soit pas seulement temporaire, le centre des relations de l’intéressé, sans que la volonté de s’y établir à titre permanent soit requise; une personne qui séjourne en un lieu uniquement à des fins de formation n’y a pas établi son domicile permanent.

2.   Les étudiants dont le domicile permanent se trouve sur le territoire allemand et qui suivent des études dans un établissement de formation situé à l’étranger bénéficient de l’aide à la formation si:

[...]

3)

l’étudiant entame ou continue sa formation dans un établissement de formation situé dans un État membre de l’Union européenne ou en Suisse.

[...]»

4

L’article 6 du BAföG, intitulé «Aide à la formation des citoyens allemands à l’étranger», prévoit que les ressortissants allemands, dont le domicile permanent se trouve dans un État étranger et qui y fréquentent un établissement de formation ou qui, à partir de ce domicile, fréquentent un établissement situé dans un État voisin, peuvent bénéficier de l’aide à la formation lorsque les circonstances particulières du cas concret le justifient.

5

L’article 16 du BAföG, intitulé «Durée de l’aide à la formation à l’étranger», est libellé comme suit:

«1.   Pour une formation à l’étranger au sens de l’article 5, paragraphe 2, point 1, ou paragraphe 5, l’aide à la formation est versée pour une durée maximale d’un an [...]

[...]

3.   Dans les cas visés à l’article 5, paragraphe 2, points 2 et 3, le bénéfice de l’aide à la formation n’est pas soumis à la limitation temporelle prévue aux paragraphes 1 et 2; toutefois, s’agissant des cas visés à l’article 5, paragraphe 2, point 3, l’aide n’est versée au-delà d’une durée d’un an que si, lorsque l’étudiant a débuté son séjour à l’étranger, postérieurement au 31 décembre 2007, son domicile permanent se trouvait sur le territoire allemand depuis trois ans au moins.»

Les antécédents des litiges au principal et les questions préjudicielles

L’affaire C‑523/11

6

Mme Prinz, née en 1991 en Allemagne, a vécu avec sa famille pendant dix ans en Tunisie, où son père était employé par une entreprise allemande. De retour en Allemagne au cours du mois de janvier 2007, l’intéressée a terminé son cursus scolaire à Francfort (Allemagne), où elle a obtenu le baccalauréat («Abitur»), au mois de juin 2009. Elle a commencé des études à l’université Erasmus de Rotterdam (Pays-Bas) le 1er septembre 2009.

7

En réponse à une demande d’aide à la formation présentée, au titre de l’année universitaire 2009/2010, par Mme Prinz le 18 août 2009, la Region Hannover a, par une décision du 30 avril 2010, accordé cette aide pour la période allant du mois de septembre 2009 au mois d’août 2010.

8

La demande d’aide présentée par Mme Prinz au titre de l’année universitaire 2010/2011 a été, en revanche, rejetée par une décision du 4 mai 2010, au motif que l’intéressée, ne remplissant pas la condition de résidence fixée par le BaföG, ne pouvait prétendre à une aide à la formation pour une durée illimitée, ses droits étant limités, en vertu de l’article 16, paragraphe 3, de cette loi, à une durée d’un an.

9

Le 1er juin 2010, Mme Prinz a introduit un recours contre cette décision. Elle a fait valoir qu’elle remplissait ladite condition dès lors qu’elle avait résidé en Allemagne du mois de septembre 1993 au mois d’avril 1994 et du mois de janvier 2007 au mois d’août 2009, soit pendant une durée de trois ans et quatre mois. Elle a soutenu également que la condition de résidence fixée par le BAföG est contraire à l’article 21 TFUE et a invoqué les liens qu’elle a entretenus avec l’État membre concerné, en exposant qu’elle y est née, qu’elle a la nationalité allemande, qu’elle n’a quitté cet État membre qu’en raison de la mutation de son père et qu’elle a toujours gardé des liens avec son pays d’origine. Selon Mme Prinz, ce n’est pas un séjour d’une durée de quatre mois supplémentaires qui aurait renforcé ces liens de manière significative.

10

La Region Hannover soutient que la durée minimale de trois ans prévue à l’article 16, paragraphe 3, du BaföG correspond nécessairement à une période continue. Cette loi ne violerait aucunement le droit de l’Union en matière de libre circulation et de séjour, dès lors que ce droit n’imposerait aux États membres aucune obligation de verser, sans limitation, une aide à ses propres ressortissants.

11

La juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité avec le droit de l’Union d’une condition de résidence telle que celle en cause au principal. Elle considère que, de même que la condition applicable avant l’entrée en vigueur de la vingt-deuxième loi modifiant la loi fédérale relative à l’encouragement individuel à la formation, à savoir l’obligation d’avoir fréquenté un établissement de formation allemand pendant un an au moins, la condition en cause au principal pourrait être de nature à dissuader un citoyen de l’Union de commencer des études dans un autre État membre, dès lors que, après une période d’un an, il ne bénéficiera plus de l’aide à la formation. Si, selon cette juridiction, il peut être légitime, pour un État membre, de n’octroyer des aides à la formation qu’aux étudiants ayant démontré un certain degré d’intégration dans la société de cet État membre, le critère tiré d’un séjour continu de trois ans en Allemagne, précédant le début du séjour à l’étranger, n’est pas de nature à établir l’existence de cette intégration.

12

Dans ces conditions, le Verwaltungsgericht Hannover a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Le fait qu’une ressortissante allemande qui a son domicile permanent sur le territoire allemand et fréquente un établissement de formation situé dans un État membre de l’Union européenne ne bénéficie que pour un an de l’aide à la formation prévue le [BAföG] au titre de la fréquentation de cet établissement de formation étranger au motif que, au début du séjour à l’étranger, elle n’avait pas son domicile permanent sur le territoire allemand depuis au moins trois ans constitue-t-il une restriction au droit de libre circulation et de séjour, conféré aux citoyens de l’Union par les articles 20 [TFUE] et 21 TFUE, non justifiée au sens du droit [de l’Union]?»

L’affaire C‑585/11

13

M. Seeberger, né en Allemagne en 1983, y a vécu jusqu’en 1994 avec ses parents, ressortissants allemands également. Il a fréquenté une école primaire à Munich (Allemagne) de 1989 à 1994, puis un lycée. De 1994 au mois de décembre 2005, l’intéressé a résidé avec ses parents à Majorque (Espagne), où son père exerçait, de manière indépendante, l’activité de conseil d’entreprises.

14

Au cours du mois de janvier 2006, les parents de M. Seeberger se sont installés à Cologne (Allemagne). Même si M. Seeberger n’a été inscrit sur les registres de la population de Munich qu’à partir du 26 octobre 2009, il affirme que, depuis le mois de janvier 2006, son domicile permanent se trouvait en Allemagne.

15

Au mois de septembre 2009, M. Seeberger a commencé des études de sciences économiques à l’université des Baléares, à Palma de Majorque (Espagne), et a présenté, au Studentenwerk, une demande d’aide pour cette formation.

16

Le Studentenwerk a rejeté cette demande au motif que le fait que l’intéressé ne remplissait pas la condition de résidence prévue à l’article 16, paragraphe 3, du BAföG faisait obstacle à ce qu’il bénéficie de cette aide, au titre de l’article 5, paragraphe 2, première phrase, point 3, de cette loi.

17

Faisant valoir ses droits de libre circulation en tant que citoyen de l’Union, M. Seeberger a introduit une réclamation contre cette décision, laquelle a été rejetée par le Studentenwerk, par une décision du 14 juin 2010.

18

Dans un recours introduit devant le Verwaltungsgericht Karlsruhe, M. Seeberger a soutenu qu’une condition de résidence prévue à l’article 16, paragraphe 3, du BAföG portait atteinte à son droit de libre circulation, dès lors qu’elle l’obligeait soit à renoncer à un domicile permanent dans un autre État membre, soit à transférer à nouveau son domicile permanent en temps utile en Allemagne, sous peine de compromettre l’octroi d’une aide à la formation pour ses études suivies en Espagne. À cet égard, il souligne que son admission aux études supérieures n’est reconnue qu’en Espagne et qu’il souhaite accomplir l’ensemble de ses études dans cet État membre.

19

Le Studentenwerk fait valoir que, dans la mesure où l’obligation de résidence prévue par le BAföG s’applique dans les mêmes termes à tous les nationaux, elle peut s’appliquer aux citoyens de l’Union en provenance d’autres États membres et bénéficiant du droit de libre circulation. Cette obligation ne ferait que concrétiser l’intérêt légitime de l’État membre qui verse des prestations sociales à ce que ces prestations, octroyées à partir de ressources publiques financées par l’impôt, soient réservées à des catégories de personnes pouvant justifier d’un lien minimum les rattachant à l’État membre prestataire.

20

Dans sa décision de renvoi, le Verwaltungsgericht Karlsruhe constate que la condition de résidence en cause au principal ne s’applique pas à l’aide à une formation suivie en Allemagne. Il relève qu’une telle condition de résidence, en raison des inconvénients personnels, des coûts supplémentaires ainsi que des éventuels retards qu’elle implique, pourrait être de nature à dissuader des citoyens de l’Union de quitter l’Allemagne aux fins d’effectuer des études dans un autre État membre. Cette juridiction éprouve des doutes sur la question de savoir si l’exigence selon laquelle le demandeur de l’aide doit avoir établi son domicile en Allemagne depuis trois ans au moins lorsqu’il entame la formation est justifiée, et elle s’interroge sur le point de savoir si un certain degré d’intégration dans la société de cet État membre que ce dernier peut légitimement exiger ne devrait pas être reconnu dans la présente affaire au principal du fait que le demandeur, ressortissant allemand, a été élevé par ses parents en Allemagne et y avait accompli sa scolarité jusqu’au passage dans la sixième classe lorsqu’il a déménagé avec sa famille, à l’âge de douze ans, en raison du fait que son père avait fait usage des droits qu’il tirait des articles 45 TFUE et 49 TFUE. Selon ladite juridiction, un critère reposant sur une date déterminée et sur la période de trois années précédant le début de la formation à l’étranger semble a priori peu à même de prouver l’intégration requise.

21

Dans ces conditions, le Verwaltungsgericht Karlsruhe a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Le droit de l’Union s’oppose-t-il à une réglementation nationale qui refuse l’octroi d’une aide à la formation pour des études dans un autre État membre au seul motif que le domicile permanent de l’étudiant qui a fait usage du droit de libre circulation ne se trouve pas, lors du début des études, dans son État membre d’origine depuis au moins trois ans?»

Sur les questions préjudicielles

22

Par ces questions, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, les juridictions de renvoi demandent en substance si les articles 20 TFUE et 21 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre qui subordonne l’octroi, pendant une période supérieure à un an, d’une aide à la formation au titre d’études poursuivies dans un autre État membre à une condition unique, telle que celle prévue à l’article 16, paragraphe 3, du BAföG, qui impose au demandeur d’avoir disposé d’un domicile permanent au sens de cette loi, sur le territoire national, pendant une période de trois ans au moins avant de commencer lesdites études.

23

Il convient, tout d’abord, de rappeler que, en tant que ressortissants allemands, Mme Prinz et M. Seeberger jouissent, en vertu de l’article 20, paragraphe 1, TFUE, du statut de citoyens de l’Union et peuvent donc se prévaloir, y compris le cas échéant à l’égard de leur État membre d’origine, des droits afférents à un tel statut (voir arrêts du 26 octobre 2006,Tas-Hagen et Tas, C-192/05, Rec. p. I-10451, point 19, ainsi que du 23 octobre 2007, Morgan et Bucher, C-11/06 et C-12/06, Rec. p. I-9161, point 22).

24

Ainsi que la Cour l’a jugé à maintes reprises, le statut de citoyen de l’Union a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres, permettant à ceux qui, parmi ces derniers, se trouvent dans la même situation d’obtenir, dans le domaine d’application ratione materiae du traité FUE, indépendamment de leur nationalité et sans préjudice des exceptions expressément prévues à cet égard, le même traitement juridique (arrêts du 20 septembre 2001, Grzelczyk, C-184/99, Rec. p. I-6193, point 31; du 11 juillet 2002, D’Hoop, C-224/98, Rec. p. I-6191, point 28, et du 21 février 2013, N., C‑46/12, point 27).

25

Parmi les situations relevant du domaine d’application du droit de l’Union figurent celles relatives à l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité, notamment celles relevant de la liberté de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres, telles que conférées par l’article 21 TFUE (arrêts Tas-Hagen et Tas, précité, point 22; du 11 septembre 2007, Schwarz et Gootjes-Schwarz, C-76/05, Rec. p. I-6849, point 87 et jurisprudence citée, ainsi que Morgan et Bucher, précité, point 23).

26

À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi que le gouvernement allemand et la Commission l’ont relevé, si les États membres sont compétents, en vertu de l’article 165, paragraphe 1, TFUE, en ce qui concerne le contenu de l’enseignement et l’organisation de leurs systèmes éducatifs respectifs, ils doivent exercer cette compétence dans le respect du droit de l’Union et, notamment, des dispositions du traité relatives à la liberté de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres, telle que conférée par l’article 21, paragraphe 1, TFUE (voir arrêt Morgan et Bucher, précité, point 24 et jurisprudence citée).

27

Il convient, ensuite, de relever qu’une réglementation nationale désavantageant certains ressortissants nationaux du seul fait qu’ils ont exercé leur liberté de circuler et de séjourner dans un autre État membre constitue une restriction aux libertés reconnues par l’article 21, paragraphe 1, TFUE à tout citoyen de l’Union (voir arrêts du 18 juillet 2006, De Cuyper, C-406/04, Rec. p. I-6947, point 39; Tas-Hagen et Tas, précité, point 31, ainsi que Morgan et Bucher, précité, point 25).

28

En effet, les facilités ouvertes par le traité en matière de circulation des citoyens de l’Union ne pourraient produire leurs pleins effets si un ressortissant d’un État membre pouvait être dissuadé d’en faire usage, par les obstacles dus à son séjour dans un autre État membre, en raison d’une réglementation de son État d’origine le pénalisant du seul fait qu’il les a exercées (voir, en ce sens, arrêts D’Hoop, précité, point 31; du 29 avril 2004, Pusa, C-224/02, Rec. p. I-5763, point 19, ainsi que Morgan et Bucher, précité, point 26).

29

Cette considération est particulièrement importante dans le domaine de l’éducation, compte tenu des objectifs poursuivis par les articles 6, sous e), TFUE et 165, paragraphe 2, deuxième tiret, TFUE, à savoir, notamment, favoriser la mobilité des étudiants et des enseignants (voir arrêts précité D’Hoop, point 32; du 7 juillet 2005, Commission/Autriche, C-147/03, Rec. p. I-5969, point 44, ainsi que Morgan et Bucher, précité, point 27).

30

Par conséquent, dès lors qu’un État membre prévoit un système d’aides à la formation qui permet à des étudiants de bénéficier de telles aides dans le cas où ils effectuent des études dans un autre État membre, il doit veiller à ce que les modalités d’allocation de ces aides ne créent pas une restriction injustifiée au droit de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres prévu à l’article 21 TFUE (voir arrêt Morgan et Bucher, précité, point 28).

31

Force est de constater qu’une condition de résidence ininterrompue de trois ans, telle que celle prévue à l’article 16, paragraphe 3, du BAföG, alors même qu’elle s’applique indistinctement aux ressortissants allemands et aux autres citoyens de l’Union, constitue une restriction au droit de libre circulation et de séjour dont jouissent tous les citoyens de l’Union en vertu de l’article 21 TFUE.

32

Une telle condition est de nature à dissuader des ressortissants nationaux, tels que les requérants au principal, d’exercer leur liberté de circuler et de séjourner dans un autre État membre, compte tenu de l’incidence que l’exercice de cette liberté est susceptible d’avoir sur le droit à l’aide à la formation.

33

Selon une jurisprudence constante, une réglementation qui est de nature à restreindre une liberté fondamentale garantie par le traité ne peut être justifiée au regard du droit de l’Union que si elle est fondée sur des considérations objectives d’intérêt général indépendantes de la nationalité des personnes concernées et si elle est proportionnée à l’objectif légitimement poursuivi par le droit national (voir arrêts précités De Cuyper, point 40; Tas-Hagen et Tas, point 33, ainsi que Morgan et Bucher, point 33). Il ressort également de la jurisprudence de la Cour qu’une mesure est proportionnée lorsque, tout en étant apte à la réalisation de l’objectif poursuivi, elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (arrêts De Cuyper, précité, point 42; Morgan et Bucher, précité, point 33, ainsi que du 13 décembre 2012, Caves Krier Frères, C‑379/11, point 48 et jurisprudence citée).

34

Dans les présentes affaires, le gouvernement allemand fait valoir que le BAföG est fondé sur des considérations objectives d’intérêt général. L’article 16, paragraphe 3, de cette loi permettrait, en effet, de garantir que l’aide à la formation pour un cursus complet d’études à l’étranger est versée uniquement aux étudiants ayant justifié d’un degré d’intégration suffisant dans la société allemande. L’exigence d’un seuil minimum d’intégration préserverait ainsi le système national d’aide à la formation pour des études à l’étranger en protégeant l’État prestataire contre une charge économique déraisonnable.

35

Selon ledit gouvernement, il est ainsi légitime de soutenir financièrement, pour la poursuite d’un cursus entier d’études à l’étranger, uniquement les étudiants qui font preuve d’un lien d’intégration suffisant avec l’Allemagne, cette preuve étant invariablement rapportée par un étudiant en mesure de remplir la condition de résidence ininterrompue de trois ans.

36

À cet égard, il convient de rappeler que, certes, la Cour a reconnu qu’il peut être légitime pour un État membre, afin d’éviter que l’octroi d’aides visant à couvrir les frais d’entretien d’étudiants provenant d’autres États membres ne devienne une charge déraisonnable qui pourrait avoir des conséquences sur le niveau global de l’aide pouvant être allouée par cet État, de n’octroyer de telles aides qu’aux étudiants ayant démontré un certain degré d’intégration dans la société dudit État et que, s’il existe un risque pour un État membre de devoir supporter une telle charge déraisonnable, en principe, des considérations similaires peuvent s’appliquer en ce qui concerne l’octroi par celui-ci d’aides à la formation aux étudiants souhaitant effectuer des études dans d’autres États membres (arrêt Morgan et Bucher, précité, points 43 et 44 ainsi que jurisprudence citée).

37

Toutefois, selon une jurisprudence constante, la preuve exigée par un État membre pour faire valoir l’existence d’un lien réel d’intégration ne doit pas avoir un caractère trop exclusif, en privilégiant indûment un élément qui n’est pas nécessairement représentatif du degré réel et effectif de rattachement entre le demandeur et cet État membre, à l’exclusion de tout autre élément représentatif (voir arrêts D’Hoop, précité, point 39; du 21 juillet 2011, Stewart, C-503/09, Rec. p. I-6497, point 95, et du 4 octobre 2012, Commission/Autriche, C‑75/11, point 62).

38

Bien que l’existence d’un certain degré d’intégration puisse être considérée comme établie par la constatation selon laquelle un étudiant a, pendant une certaine période, séjourné dans l’État membre où il demande à bénéficier d’une aide à la formation, une condition unique de résidence, telle que celle en cause au principal, risque, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 95 de ses conclusions, d’exclure du bénéfice de l’aide concernée des étudiants qui, en dépit du fait qu’ils n’ont pas résidé en Allemagne pendant une période ininterrompue de trois ans immédiatement avant d’entamer des études à l’étranger, possèdent néanmoins des liens qui les rattachent suffisamment à la société allemande. Tel peut être le cas lorsque l’étudiant a la nationalité de l’État membre en cause et a été scolarisé dans celui-ci pendant une période significative, ou en raison d’autres facteurs, tels que, notamment, sa famille, son emploi, ses capacités linguistiques ou l’existence d’autres liens sociaux ou économiques. En outre, d’autres dispositions de la réglementation en cause au principal permettent elles-mêmes que des facteurs distincts de la résidence du demandeur de l’aide peuvent être pertinents tant pour établir le centre des relations de l’intéressé que pour déterminer si les conditions d’octroi de l’aide concernée sont remplies dans le cas des ressortissants nationaux ayant établi leur résidence à l’étranger.

39

Compte tenu de ce qui précède, il appartient à la juridiction nationale de procéder aux vérifications nécessaires aux fins d’apprécier si les intéressés justifient de liens suffisants de rattachement avec la société allemande de nature à démontrer leur intégration dans cette dernière.

40

Il s’ensuit qu’une condition unique de résidence ininterrompue de trois ans, telle que celle en cause au principal, présente un caractère trop général et exclusif et va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis et ne peut, par conséquent, être considérée comme proportionnée.

41

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que les articles 20 TFUE et 21 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre qui subordonne l’octroi, pendant une période supérieure à un an, d’une aide à la formation au titre d’études poursuivies dans un autre État membre à une condition unique, telle que celle prévue à l’article 16, paragraphe 3, du BAföG, imposant au demandeur d’avoir disposé d’un domicile permanent au sens de cette loi, sur le territoire national, pendant une période de trois ans au moins avant de commencer lesdites études.

Sur les dépens

42

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

 

Les articles 20 TFUE et 21 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre qui subordonne l’octroi, pendant une période supérieure à un an, d’une aide à la formation au titre d’études poursuivies dans un autre État membre à une condition unique, telle que celle prévue à l’article 16, paragraphe 3, de la loi fédérale relative à l’encouragement individuel à la formation [Bundesgesetz über individuelle Förderung der Ausbildung (Bundesausbildungsförderungsgesetz)], telle que modifiée, le 1er janvier 2008, par la vingt-deuxième loi modifiant la loi fédérale relative à l’encouragement individuel à la formation, imposant au demandeur d’avoir disposé d’un domicile permanent au sens de cette loi, sur le territoire national, pendant une période de trois ans au moins avant de commencer lesdites études.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.

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