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Document 62009CJ0404

Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 24 novembre 2011.
Commission européenne contre Royaume d'Espagne.
Manquement d’État - Directive 85/337/CEE - Évaluation des incidences de certains projets sur l’environnement - Directive 92/43/CEE - Conservation des habitats naturels - Faune et flore sauvages - Exploitations minières de charbon à ciel ouvert - Site ‘Alto Sil’ - Zone de protection spéciale - Site d’importance communautaire - Ours brun (Ursus arctos) - Grand tétras (Tetrao urogallus).
Affaire C-404/09.

European Court Reports 2011 -00000

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2011:768

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

24 novembre 2011 (*)

«Manquement d’État – Directive 85/337/CEE – Évaluation des incidences de certains projets sur l’environnement – Directive 92/43/CEE – Conservation des habitats naturels – Faune et flore sauvages – Exploitations minières de charbon à ciel ouvert – Site ‘Alto Sil’ – Zone de protection spéciale – Site d’importance communautaire – Ours brun (Ursus arctos) – Grand tétras (Tetrao urogallus)»

Dans l’affaire C‑404/09,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 20 octobre 2009,

Commission européenne, représentée par Mme D. Recchia ainsi que par MM. F. Castillo de la Torre et J.-B. Laignelot, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Royaume d’Espagne, représenté par Mme N. Díaz Abad, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. J.-C. Bonichot, président de chambre, Mme A. Prechal (rapporteur), M. K. Schiemann, Mme C. Toader et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 28 juin 2011,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que:

–        en autorisant les exploitations minières à ciel ouvert «Fonfría», «Nueva Julia» et «Ladrones» sans avoir subordonné l’octroi des autorisations y afférentes à la réalisation d’une évaluation permettant d’identifier, de décrire et d’évaluer, de manière appropriée, les effets directs, indirects et cumulatifs des projets d’exploitation à ciel ouvert existants,

le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2, 3 et 5, paragraphes 1 et 3, de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO L 175, p. 40), telle que modifiée par la directive 97/11/CE du Conseil, du 3 mars 1997 (JO L 73, p. 5, ci-après la «directive 85/337 modifiée»);

–        à compter de l’année 2000, date de désignation de la zone «Alto Sil» comme zone de protection spéciale (ci-après la «ZPS») au titre de la directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO L 103, p. 1) telle que modifiée par la directive 97/49/CE de la Commission, du 29 juillet 1997 (JO L 223, p. 9, ci-après la «directive ‘oiseaux’»),

–        en ayant autorisé les exploitations minières à ciel ouvert «Nueva Julia» et «Ladrones», sans avoir subordonné l’octroi des autorisations y afférentes à la réalisation d’une évaluation appropriée des incidences possibles de ces projets et, en tout état de cause, sans avoir respecté les conditions dans lesquelles un projet peut être réalisé malgré le risque dudit projet pour le grand tétras (Tetrao urogallus), lequel constitue l’une des richesses naturelles ayant motivé la classification de la ZPS «Alto Sil», à savoir l’absence de solutions alternatives, l’existence de raisons impératives d’intérêt public majeur et la communication à la Commission des mesures compensatoires nécessaires pour assurer la cohérence globale du réseau Natura 2000, et

–        en n’ayant pas adopté les mesures nécessaires pour éviter la détérioration des habitats, y compris ceux des espèces, et les perturbations significatives pour le grand tétras, dont la présence sur le site est à l’origine de la désignation de ladite ZPS, causées par les exploitations «Feixolín», «Salguero-Prégame-Valdesegadas», «Fonfría», «Ampliación de Feixolín» et «Nueva Julia»,

le Royaume d’Espagne a manqué, en ce qui concerne la ZPS «Alto Sil», aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO L 206, p. 7, ci-après la «directive ‘habitats’»), en liaison avec l’article 7 de celle-ci;

–        à compter du mois de janvier 1998, en n’ayant pas adopté, en ce qui concerne l’activité minière des exploitations «Feixolín», «Salguero-Prégame-Valdesegadas», «Fonfría» et «Nueva Julia», les mesures nécessaires à la préservation de l’intérêt écologique national que le site «Alto Sil», proposé comme site d’importance communautaire (ci-après le «SIC») au titre de la directive «habitats», présentait, le Royaume d’Espagne a manqué, s’agissant du site proposé «Alto Sil», aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive, telle qu’interprétée par les arrêts du 13 janvier 2005, Dragaggi e.a. (C-117/03, Rec. p. I-167), ainsi que du 14 septembre 2006, Bund Naturschutz in Bayern e.a. (C‑244/05, Rec. p. I‑8445);

–        à compter du mois de décembre de l’année 2004,

–        en permettant l’exercice d’activités minières à ciel ouvert (par les exploitations «Feixolín», «Salguero-Prégame-Valdesegadas», «Fonfría» et «Nueva Julia») susceptibles d’avoir des incidences significatives sur les richesses naturelles ayant déterminé la désignation du SIC «Alto Sil», en l’absence d’une évaluation appropriée des incidences possibles desdites exploitations minières et, en tout état de cause, sans avoir respecté les conditions dans lesquelles un projet peut être réalisé malgré le risque dudit projet pour ces richesses naturelles, à savoir l’absence de solutions alternatives, l’existence de raisons impératives d’intérêt public majeur et la communication à la Commission des mesures compensatoires nécessaires pour assurer la cohérence globale du réseau Natura 2000, et

–        en n’ayant pas adopté, en ce qui concerne ces mêmes projets, les mesures nécessaires pour éviter la détérioration des habitats, y compris ceux des espèces, et les perturbations causées aux espèces par les exploitations «Feixolín», «Salguero-Prégame-Valdesegadas», «Fonfría», «Nueva Julia» et «Ampliación de Feixolín»,

le Royaume d’Espagne a manqué, en ce qui concerne le SIC «Alto Sil», aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive «habitats».

 Le cadre juridique

 La directive 85/337 modifiée

2        Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337 modifiée:

«Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l’octroi de l’autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une procédure de demande d’autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences. Ces projets sont définis à l’article 4.»

3        L’article 3 de ladite directive dispose:

«L’évaluation des incidences sur l’environnement identifie, décrit et évalue de manière appropriée, en fonction de chaque cas particulier et conformément aux articles 4 à 11, les effets directs et indirects d’un projet sur les facteurs suivants:

–        l’homme, la faune et la flore,

–        le sol, l’eau, l’air, le climat et le paysage,

–        les biens matériels et le patrimoine culturel,

–        l’interaction entre les facteurs visés aux premier, deuxième et troisième tirets.»

4        L’article 4, paragraphe 1, de la directive 85/337 modifiée précise que, «sous réserve de l’article 2, paragraphe 3, les projets énumérés à l’annexe I sont soumis à une évaluation conformément aux articles 5 à 10».

5        L’annexe I de la directive 85/337 modifiée contient la liste des projets visés audit article 4, paragraphe 1. Ainsi, le point 19 de cette annexe vise les «carrières et exploitations minières à ciel ouvert lorsque la surface du site dépasse 25 hectares ou, pour les tourbières, 150 hectares».

6        En ce qui concerne les autres types de projets, l’article 4, paragraphe 2, de cette directive modifiée prévoit:

«Sous réserve de l’article 2, paragraphe 3, les États membres déterminent, pour les projets énumérés à l’annexe II:

a)      sur la base d’un examen cas par cas,

ou

b)      sur la base des seuils ou critères fixés par l’État membre, si le projet doit être soumis à une évaluation conformément aux articles 5 à 10.

Les États membres peuvent décider d’appliquer les deux procédures visées aux points a) et b).

[...]»

7        Au titre des projets qui relèvent de l’article 4, paragraphe 2, de cette directive, le point 13 de l’annexe II de celle-ci mentionne «toute modification ou extension des projets figurant à l’annexe I ou à l’annexe II, déjà autorisés, réalisés ou en cours de réalisation, qui peut avoir des incidences négatives importantes sur l’environnement».

8        L’article 5 de la directive 85/337 modifiée prévoit:

«1.      Dans le cas des projets qui, en application de l’article 4, doivent être soumis à une évaluation des incidences sur l’environnement, conformément aux articles 5 à 10, les États membres adoptent les mesures nécessaires pour s’assurer que le maître d’ouvrage fournit, sous une forme appropriée, les informations spécifiées à l’annexe IV, dans la mesure où:

a)      les États membres considèrent que ces informations sont appropriées à un stade donné de la procédure d’autorisation, par rapport aux caractéristiques spécifiques d’un projet donné ou d’un type de projet et par rapport aux éléments environnementaux susceptibles d’être affectés;

b)      les États membres considèrent que l’on peut raisonnablement exiger d’un maître d’ouvrage qu’il rassemble ces données compte tenu, entre autres, des connaissances et des méthodes d’évaluation existantes.

[...]

3.      Les informations à fournir par le maître d’ouvrage, conformément au paragraphe 1, comportent au minimum:

–        une description du projet comportant des informations relatives au site, à la conception et aux dimensions du projet,

–        une description des mesures envisagées pour éviter et réduire des effets négatifs importants et, si possible, y remédier,

–        les données nécessaires pour identifier et évaluer les effets principaux que le projet est susceptible d’avoir sur l’environnement,

–        une esquisse des principales solutions de substitution qui ont été examinées par le maître d’ouvrage et une indication des principales raisons de son choix, eu égard aux effets sur l’environnement,

–        un résumé non technique des informations visées aux tirets précédents.

[...]»

9        L’annexe IV de la directive 85/337 modifiée précise les informations qui doivent être fournies en vertu de l’article 5, paragraphe 1, de cette directive:

«1.      Description du projet, y compris en particulier:

–        une description des caractéristiques physiques de l’ensemble du projet et des exigences en matière d’utilisation du sol lors des phases de construction et de fonctionnement,

–        une description des principales caractéristiques des procédés de fabrication, par exemple sur la nature et les quantités des matériaux utilisés,

–        une estimation des types et des quantités des résidus et des émissions attendus (pollution de l’eau, de l’air et du sol, bruit, vibration, lumière, chaleur, radiation, etc.) résultant du fonctionnement du projet proposé.

2.      Une esquisse des principales solutions de substitution qui ont été examinées par le maître d’ouvrage et une indication des principales raisons de son choix, eu égard aux effets sur l’environnement.

3.      Une description des éléments de l’environnement susceptibles d’être affectés de manière notable par le projet proposé, y compris notamment la population, la faune, la flore, le sol, l’eau, l’air, les facteurs climatiques, les biens matériels, y compris le patrimoine architectural et archéologique, le paysage ainsi que l’interrelation entre les facteurs précités.

4.      Une description des effets importants que le projet proposé est susceptible d’avoir sur l’environnement résultant:

–        du fait de l’existence de l’ensemble du projet,

–        de l’utilisation des ressources naturelles,

–        de l’émission des polluants, de la création de nuisances ou de l’élimination des déchets,

et la mention par le maître d’ouvrage des méthodes de prévisions utilisées pour évaluer les effets sur l’environnement.

5.      Une description des mesures envisagées pour éviter, réduire et, si possible, compenser les effets négatifs importants du projet sur l’environnement.

6.      Un résumé non technique des informations transmises sur la base des rubriques mentionnées.

7.      Un aperçu des difficultés éventuelles (lacunes techniques ou manques dans les connaissances) rencontrées par le maître d’ouvrage dans la compilation des informations requises.»

10      S’agissant de la notion de «description» figurant au point 4 de ladite annexe IV, celle-ci précise que «[cette] description devrait porter sur les effets directs et, le cas échéant, sur les effets indirects secondaires, cumulatifs, à court, moyen et long terme, permanents et temporaires, positifs et négatifs du projet».

 La directive «oiseaux»

11      L’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive «oiseaux» prévoit que les États membres classent en ZPS les territoires les mieux appropriés à la protection des espèces d’oiseaux mentionnées à l’annexe I de ladite directive et des oiseaux migrateurs.

12      L’annexe I de la directive «oiseaux» vise notamment le grand tétras (Tetrao urogallus).

13      L’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive «oiseaux» précise la protection dont bénéficient les ZPS:

«Les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter dans les zones de protection visées aux paragraphes 1 et 2 la pollution ou la détérioration des habitats ainsi que les perturbations touchant les oiseaux, pour autant qu’elles aient un effet significatif eu égard aux objectifs du présent article.»

 La directive «habitats»

14      Aux termes du sixième considérant de la directive «habitats», «en vue d’assurer le rétablissement ou le maintien des habitats naturels et des espèces d’intérêt communautaire dans un état de conservation favorable, il y a lieu de désigner des zones spéciales de conservation afin de réaliser un réseau écologique européen cohérent suivant un calendrier défini».

15      Le septième considérant de cette directive est libellé comme suit:

«[...] toutes les zones désignées, y compris celles qui sont classées ou qui seront classées dans le futur en tant que zones spéciales de protection en vertu de la directive [‘oiseaux’], devront s’intégrer dans le réseau écologique européen cohérent».

16      Le dixième considérant de la directive «habitats» relève que «tout plan ou programme susceptible d’affecter de manière significative les objectifs de conservation d’un site qui a été désigné ou qui le sera dans le futur doit être l’objet d’une évaluation appropriée».

17      L’article 3 de la directive «habitats» prévoit:

«1.      Un réseau écologique européen cohérent de zones spéciales de conservation, dénommé ‘Natura 2000’, est constitué. Ce réseau, formé par des sites abritant des types d’habitats naturels figurant à l’annexe I et des habitats des espèces figurant à l’annexe II, doit assurer le maintien ou, le cas échéant, le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des types d’habitats naturels et des habitats d’espèces concernés dans leur aire de répartition naturelle.

Le réseau Natura 2000 comprend également les zones de protection spéciale classées par les États membres en vertu des dispositions de la directive [‘oiseaux’].

2.      Chaque État membre contribue à la constitution de Natura 2000 en fonction de la représentation, sur son territoire, des types d’habitats naturels et des habitats d’espèces visés au paragraphe 1. Il désigne à cet effet, conformément à l’article 4, des sites en tant que zones spéciales de conservation, et tenant compte des objectifs visés au paragraphe 1.

[...]»

18      L’article 4 de ladite directive énonce:

«1.      Sur la base des critères établis à l’annexe III (étape 1) et des informations scientifiques pertinentes, chaque État membre propose une liste de sites indiquant les types d’habitats naturels de l’annexe I et les espèces indigènes de l’annexe II qu’ils abritent. [...]

La liste est transmise à la Commission, dans les trois ans suivant la notification de la présente directive, en même temps que les informations relatives à chaque site. [...]

2.      Sur la base des critères établis à l’annexe III (étape 2) et dans le cadre de chacune des cinq régions biogéographiques mentionnées à l’article 1er point c) iii), et de l’ensemble du territoire visé à l’article 2 paragraphe 1, la Commission établit, en accord avec chacun des États membres, un projet de liste des [SIC], à partir des listes des États membres, faisant apparaître les sites qui abritent un ou plusieurs types d’habitats naturels prioritaires ou une ou plusieurs espèces prioritaires.

[...]

La liste des sites sélectionnés comme [SIC], faisant apparaître les sites abritant un ou plusieurs types d’habitats naturels prioritaires ou une ou plusieurs espèces prioritaires, est arrêtée par la Commission selon la procédure visée à l’article 21.

[...]

4.      Une fois qu’un [SIC] a été retenu en vertu de la procédure prévue au paragraphe 2, l’État membre concerné désigne ce site comme zone spéciale de conservation le plus rapidement possible [...].

5.      Dès qu’un site est inscrit sur la liste visée au paragraphe 2 troisième alinéa, il est soumis aux dispositions de l’article 6 paragraphes 2 à 4.»

19      L’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive «habitats» dispose:

«2.      Les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter, dans les zones spéciales de conservation, la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été désignées, pour autant que ces perturbations soient susceptibles d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente directive.

3.      Tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d’affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site. Compte tenu des conclusions de l’évaluation des incidences sur le site et sous réserve des dispositions du paragraphe 4, les autorités nationales compétentes ne marquent leur accord sur ce plan ou projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l’avis du public.

4.      Si, en dépit de conclusions négatives de l’évaluation des incidences sur le site et en l’absence de solutions alternatives, un plan ou projet doit néanmoins être réalisé pour des raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, l’État membre prend toute mesure compensatoire nécessaire pour assurer que la cohérence globale de Natura 2000 est protégée. L’État membre informe la Commission des mesures compensatoires adoptées.

Lorsque le site concerné est un site abritant un type d’habitat naturel et/ou une espèce prioritaires, seules peuvent être évoquées des considérations liées à la santé de l’homme et à la sécurité publique ou à des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ou, après avis de la Commission, à d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur.»

20      L’article 7 de la directive «habitats» prévoit:

«Les obligations découlant de l’article 6 paragraphes 2, 3 et 4 de la présente directive se substituent aux obligations découlant de l’article 4 paragraphe 4 première phrase de la directive [‘oiseaux’] en ce qui concerne les zones classées en vertu de l’article 4 paragraphe 1 ou reconnues d’une manière similaire en vertu de l’article 4 paragraphe 2 de ladite directive à partir de la date de mise en application de la présente directive ou de la date de la classification ou de la reconnaissance par un État membre en vertu de la directive [‘oiseaux’] si cette dernière date est postérieure.»

21      L’annexe IV de la directive «habitats», intitulée «Espèces animales et végétales d’intérêt communautaire qui nécessitent une protection stricte», mentionne, à son point a), l’espèce ours brun (Ursus arctos) en tant qu’espèce prioritaire.

 Les faits à l’origine du litige et la procédure précontentieuse

22      Le site «Alto Sil», situé au nord-ouest de la région de Castilla y León, près des régions de Galice et des Asturies, s’étend sur plus de 43 000 hectares autour du cours supérieur de la rivière Sil.

23      Au cours du mois de janvier de l’année 1998, le Royaume d’Espagne a proposé ce site comme SIC en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive «habitats».

24      Avec effet au 1er janvier 2000, cet État membre a en outre désigné ce même site en tant que ZPS au titre de la directive «oiseaux», en raison de la présence sur celui-ci de plusieurs espèces d’oiseaux visées à l’annexe I de cette directive, dont une population reproductrice de l’espèce grand tétras.

25      Le 7 décembre 2004, la Commission, par décision 2004/813/CE arrêtant, en application de la directive 92/43, la liste des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique atlantique (JO L 387, p. 1), a inclu le site «Alto Sil» dans cette liste sous le code ES 0000210.

26      Le formulaire standardisé de données relatif à ce site, transmis par le Royaume d’Espagne à la Commission lors de la proposition de ce site comme SIC, fait état, entre autres, de la présence de 10 à 15 spécimens d’ours brun et de 42 à 47 spécimens mâles de la sous-espèce cantabrique du grand tétras (Tetrao urogallus cantabricus).

27      Ce formulaire mentionne en outre, notamment, les types d’habitats suivants:

–        4030 – landes sèches européennes (50 % de la superficie du site),

–        4090 – landes oro-méditerranéennes endémiques à genêts épineux (6 % de la superficie du site),

–        6160 – pelouses oro-ibériques à Festuca indigesta (1 % de la superficie du site),

–        8230 – roches siliceuses avec végétation pionnière du Sedo - Scleranthion ou du Sedo albi-Veronicion dillenii (13 % de la superficie du site) et

–        9230 – chênaies galicio-portugaises à Quercus robur et Quercus pyrenaica (6 % de la superficie du site).

28      Il y est également indiqué que la population de l’espèce grand tétras présente sur le site est d’importance régionale (50 % des spécimens mâles de la communauté autonome de Castilla y León) et nationale (2 % des spécimens mâles présents sur le territoire espagnol).

29      Toujours selon ce même formulaire, la vulnérabilité du site «est due fondamentalement aux exploitations minières à ciel ouvert».

30      Au cours de l’année 2001, la Commission a été informée de l’existence de plusieurs exploitations minières de charbon à ciel ouvert, gérées par l’entreprise Minero Siderúrgica de Ponferrada SA, actuellement dénommée «Coto Minero Cantábrico SA», situées dans ou à proximité immédiate du site «Alto Sil».

31      Il ressort du dossier que les exploitations minières à ciel ouvert concernées par la présente procédure peuvent être divisées en deux groupes.

32      Le premier groupe d’exploitations se trouve au nord de la rivière Sil et de la commune de Villablino (ci-après, ensemble, les «mines du nord»). Elles sont toutes situées à l’intérieur du SIC «Alto Sil».

33      Il s’agit d’abord de la mine à ciel ouvert dénommée «Feixolín», qui a été autorisée le 1er janvier 1986 pour une superficie de 95,86 hectares et qui a été opérationnelle entre l’année 2000 et l’année 2008. Elle est actuellement en cours de «renaturation».

34      Fait également partie de cet ensemble des mines du nord, la mine à ciel ouvert dénommée «Ampliación de Feixolín», dont le projet d’exploitation couvre une superficie totale de 93,9 hectares.

35      S’agissant de cette mine, les autorités espagnoles ont prononcé une sanction, le 9 novembre 2009, et ordonné un certain nombre de mesures en raison du fait que l’exploitation de celle-ci avait déjà eu lieu sur 35,24 hectares alors que ladite mine n’avait pas encore été autorisée.

36      L’exploitation de cette même mine sur une partie de la superficie du projet d’exploitation, à savoir 39,62 hectares, a cependant été autorisée le 11 juin 2009. Le 7 octobre 2009, des mesures ont été ordonnées en vue de limiter et de compenser les incidences de cette exploitation sur l’environnement.

37      La troisième mine du nord est dénommée «Fonfría». Elle recouvre 350 hectares et a été autorisée le 21 juillet 1999. L’extraction de charbon sur ce site a eu lieu à partir du mois de janvier de l’année 2001 et a pris fin au cours du mois de décembre de l’année 2010.

38      Au sud de la rivière Sil et au sud-ouest de la commune de Villaseca de Laciana se trouvent les autres mines de charbon à ciel ouvert qui font l’objet de la présente procédure (ci-après, ensemble, les «mines du sud»).

39      Il s’agit d’abord de l’ensemble de mines dénommées «Salguero-Prégame-Valdesegadas» qui s’étend sur 196 hectares. Ces mines ont été autorisées entre l’année 1984 et l’année 2002. La plus grande partie de celles-ci n’est plus exploitée depuis 2002. Elles ont à présent largement fait l’objet d’une «renaturation».

40      Ensuite, il convient de mentionner la mine dénommée «Nueva Julia» qui a été autorisée le 16 septembre 2003 pour une superficie totale de 405 hectares et qui est exploitée depuis l’année 2006.

41      Enfin, la mine dite «Ladrones» a été autorisée le 24 décembre 2003 pour une superficie totale de 117 hectares. Son exploitation n’a pas encore commencé.

42      Ces mines du sud sont toutes adjacentes les unes aux autres. Parmi ces mines, seule la mine «Ladrones» est incluse dans les limites du SIC «Alto Sil», les autres mines se trouvant à la frontière extérieure dudit SIC.

43      Estimant que, pour ce qui concerne ces exploitations minières, les autorités espagnoles avaient manqué aux obligations qui leur incombaient en vertu de la directive 85/337 modifiée et de la directive «habitats», la Commission, après avoir examiné les informations transmises par ces autorités, a adressé, le 18 juillet 2003, une lettre de mise en demeure au Royaume d’Espagne.

44      Considérant, notamment, que l’évaluation des incidences sur l’environnement ne prenait pas suffisamment en considération les possibles perturbations causées à l’ours brun et que les effets cumulatifs des exploitations n’avaient pas suffisamment été pris en compte, la Commission, après avoir examiné les observations du Royaume d’Espagne apportées à la lettre de mise en demeure, a, le 22 décembre 2004, adressé un avis motivé à cet État membre.

45      En réponse, le Royaume d’Espagne a présenté, entre autres, un rapport examinant les incidences des différents projets et proposant des mesures de protection du site (ci-après le «rapport de 2005»).

46      Afin, notamment, de tenir compte des arrêts précités Dragaggi e.a. ainsi que Bund Naturschutz in Bayern e.a., la Commission a, le 29 février 2008, adressé au Royaume d’Espagne une lettre de mise en demeure complémentaire.

47      Par lettre du 7 mai 2008, le Royaume d’Espagne a répondu en invoquant, notamment, l’absence de perturbations significatives pour l’environnement imputables aux exploitations minières à ciel ouvert, tout en faisant part de son intention d’élaborer un plan stratégique permettant de rendre compatible la poursuite de l’activité minière à ciel ouvert à l’intérieur de la zone «Alto Sil» avec le régime de protection des richesses naturelles établi par le droit communautaire.

48      Le 1er décembre 2008, la Commission a émis un avis motivé complémentaire, dans lequel elle réitérait les griefs retenus dans sa lettre de mise en demeure complémentaire et invitait le Royaume d’Espagne à se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci.

49      Considérant, compte tenu notamment des observations et des documents fournis par le Royaume d’Espagne en réponse à cet avis motivé complémentaire, que la situation demeurait insatisfaisante, la Commission a introduit le présent recours.

 Sur la demande tendant à l’adoption d’une mesure d’instruction et, à titre subsidiaire, à la réouverture de la procédure orale

50      Par acte déposé au greffe de la Cour le 15 juillet 2011, le Royaume d’Espagne a demandé à la Cour d’ordonner une mesure d’instruction, conformément à l’article 60 du règlement de procédure de la Cour, et, à titre subsidiaire, de procéder à la réouverture de la procédure orale, en application de l’article 61 de ce règlement.

51      Au soutien de sa demande, le Royaume d’Espagne fait valoir que, contrairement à ce qu’a considéré Mme l’avocat général dans ses conclusions, il ne ressortirait pas du dossier, comme cet État membre l’aurait d’ailleurs déjà indiqué dans son mémoire en défense et son mémoire en duplique, que les mines de charbon à ciel ouvert «Ampliación de Feixolín» et «Ladrones» ont déjà fait l’objet d’activités d’exploitation.

52      Il s’agirait, selon le Royaume d’Espagne, de prémisses factuelles inexactes sur lesquelles reposerait l’analyse de Mme l’avocat général.

53      Le Royaume d’Espagne demande à la Cour de pouvoir produire de nouvelles preuves concernant la situation factuelle des exploitations minières à ciel ouvert «Ampliación de Feixolín» et «Ladrones» et, à titre subsidiaire, de procéder à la réouverture de la procédure orale.

54      À cet égard, il convient de constater, en premier lieu, qu’il ressort du dossier, et en particulier du tableau intitulé «Exploitations actives» qui figure à la page 50 du rapport de 2005, que la mine à ciel ouvert «Ampliación de Feixolín» avait bien fait l’objet de certaines activités d’exploitation qui avaient conduit à la destruction d’habitats, et notamment de 19, 9 hectares de l’habitat 9230 – chênaies galicio-portugaises à Quercus robur et Quercus pyreneica. S’il ressort du dossier que, par une décision intervenue le 9 novembre 2009, il a été enjoint à l’exploitant de cette mine de cesser l’exploitation de celle-ci et celui-ci a été sanctionné pour y avoir procédé sans avoir obtenu au préalable une autorisation en ce sens, il n’en demeure pas moins que cette exploitation a effectivement eu lieu sur une superficie de 35, 24 hectares. Cela est par ailleurs confirmé par un rapport concernant une visite du site, produit par le Royaume d’Espagne en annexe de son mémoire en duplique, qui confirme que, si des activités d’extraction de charbon ne semblent pas avoir eu lieu sur ce site, d’autres activités y ont conduit à la destruction de la végétation.

55      En second lieu, contrairement à ce que soutient le Royaume d’Espagne, il ne ressort pas des conclusions de Mme l’avocat général que celles-ci sont fondées sur la prémisse que la mine à ciel ouvert «Ladrones» a déjà été exploitée. Au contraire, les griefs avancés par la Commission à l’égard de cette mine, examinés par Mme l’avocat général, portent sur des manquements dont serait viciée l’évaluation des incidences sur l’environnement du projet d’exploitation minière. Contrairement à d’autres griefs, ces griefs portent par conséquent sur la procédure d’autorisation de cette mine et non sur d’éventuelles activités d’exploitation sur le site de cette mine réalisées postérieurement à son autorisation.

56      Partant, il n’y a pas lieu d’ordonner la mesure d’instruction demandée par le Royaume d’Espagne.

57      S’agissant de la demande, formulée à titre subsidiaire, tendant à la réouverture de la procédure orale, il y a lieu de rappeler que la Cour peut d’office ou sur proposition de l’avocat général, ou encore à la demande des parties, ordonner la réouverture de la procédure orale, conformément à l’article 61 de son règlement de procédure, si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée ou que l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties (voir, notamment, arrêts du 16 décembre 2008, Cartesio, C‑210/06, Rec. p. I-9641, point 46, et du 26 mai 2011, Commission/Espagne, C-306/08, non encore publié au Recueil, point 60).

58      En revanche, le statut de la Cour de justice de l’Union européenne et le règlement de procédure de celle-ci ne prévoient pas la possibilité pour les parties de déposer des observations en réponse aux conclusions présentées par l’avocat général (voir, notamment, arrêt Commission/Espagne, précité, point 61).

59      En l’espèce, la Cour considère, l’avocat général entendu, qu’elle dispose en l’occurrence de tous les éléments nécessaires pour statuer sur le litige dont elle est saisie et que celui-ci ne doit pas être examiné au regard d’arguments qui n’ont pas été débattus devant elle. Dès lors, il n’y a pas lieu d’ordonner la réouverture de la procédure orale.

 Sur le recours

 Sur le premier grief, tiré du non-respect des articles 2, 3 et 5, paragraphes 1 et 3, de la directive 85/337 modifiée en ce qui concerne les évaluations des incidences sur l’environnement des projets d’exploitations minières à ciel ouvert «Fonfría», «Nueva Julia» et «Ladrones»

 Argumentation des parties

60      Par son premier grief, la Commission soutient que les évaluations des incidences sur l’environnement relatives aux exploitations «Fonfría», «Nueva Julia» et «Ladrones» présentaient des lacunes importantes, de sorte qu’il s’agit d’évaluations inadéquates et non conformes à la directive 85/337 modifiée.

61      À cet égard, la Commission se réfère au point 4 de l’annexe IV de cette directive, et en particulier à une note relative à la notion de «description» figurant audit point, qui implique que les projets entrant dans le champ d’application de ladite directive doivent être accompagnés d’une description des effets importants de ceux-ci sur l’environnement, qui expose leurs «effets directs, indirects et cumulatifs à court, moyen et long terme [...] permanents ou temporaires».

62      Elle en déduit que, en l’occurrence, les évaluations des incidences sur l’environnement des projets d’exploitation des mines concernées devaient comporter une analyse des incidences cumulatives significatives que la proximité de plusieurs mines à ciel ouvert exploitées simultanément dans la vallée de Laciana étaient susceptibles d’avoir. Or, le rapport de 2005 confirmerait qu’une telle analyse n’a pas été effectuée préalablement à l’autorisation des trois exploitations en cause.

63      De plus, la Commission relève les failles spécifiques suivantes des évaluations des incidences sur l’environnement relatives aux trois mines faisant l’objet de ce grief:

–        s’agissant de l’exploitation «Fonfría», rien dans l’évaluation initiale n’indiquerait qu’il ait été procédé à l’évaluation des perturbations possibles pour le grand tétras, alors même que les autorités n’ignoraient pas la présence de cette espèce sur une place de chant située à proximité de la zone d’extraction de la mine. De plus, le rapport de 2005 affirmerait sans autre explication que cette exploitation se trouve à l’intérieur du plan de rétablissement de l’ours brun;

–        alors que l’exploitation «Ladrones» serait très proche de places de chant du grand tétras, justifiant la désignation d’une zone critique dans le plan de rétablissement de cette espèce, aucun élément n’indiquerait que cette présence ait été prise en compte dans l’évaluation initiale relative à cette exploitation. S’agissant de l’ours brun, cette évaluation se limiterait à relever que l’exploitation se trouve à l’intérieur du plan de rétablissement de cette espèce, mais qu’il n’y aura pas de perturbations significatives pour celle-ci dès lors que l’extraction minière «ne porte atteinte à aucune zone critique et n’entraîne aucun effet de barrière entre les différents noyaux», et

–        concernant l’exploitation «Nueva Julia», l’évaluation ne comporterait aucune information sur les deux espèces les plus problématiques, à savoir le grand tétras et l’ours brun. Les effets de cette exploitation située à l’extérieur du SIC seraient à l’évidence susceptibles de se faire ressentir à plusieurs kilomètres de distance et pourraient donc affecter des habitats et des espèces à l’intérieur du SIC. Or, cette éventualité ne semblerait pas avoir été prise en compte.

64      Le Royaume d’Espagne soutient, d’abord, s’agissant de l’interprétation de la notion de «description» figurant au point 4 de l’annexe IV de la directive 85/337 modifiée, que l’utilisation du conditionnel dans la note relative à ce point, à l’égard du fait que «[c]ette description devrait porter sur», indique que la description exigée ne doit pas nécessairement mentionner les effets cumulatifs des différents projets sur l’environnement, mais qu’il est seulement souhaitable qu’elle contienne une telle description. La formulation utilisée dans d’autres versions linguistiques de cette directive confirmerait cette interprétation.

65      De plus, selon cet État membre, une telle description des effets cumulatifs ne s’imposait pas en l’occurrence, dès lors que les mines en cause ont été autorisées à des époques très différentes et que les zones du SIC qu’elles affectent sont également différentes.

66      En tout état de cause, le rapport de 2005 comporterait une évaluation détaillée sur les effets potentiels de chacune des exploitations en question et sur les effets potentiels cumulatifs que celles-ci pourraient produire conjointement avec d’autres exploitations.

67      Pour ce qui concerne l’exploitation «Fonfría», ledit rapport de 2005 conclurait, à l’issue d’une description des effets cumulatifs, à l’absence de toute perturbation significative dans le SIC des espèces protégées.

68      Tel serait également le cas pour l’exploitation «Nueva Julia». S’agissant de l’ours brun, il aurait été conclu dans le rapport de 2005, à la suite d’une évaluation des effets cumulatifs sur l’environnement des mines et des projets concernés, qu’aucune zone critique ou zone de couloirs ne serait perturbée, de sorte que l’effet de ce projet sur cette espèce ne serait pas significatif.

69      En ce qui concerne les espèces d’oiseaux protégées au titre de la ZPS et, de ce fait, du SIC «Alto Sil», le Royaume d’Espagne soutient qu’aucune espèce n’a été significativement perturbée. Pour ce qui concerne l’exploitation «Ladrones», il aurait été conclu dans le rapport de 2005 à l’absence d’impact significatif sur l’habitat 4020, identifié comme habitat prioritaire du grand tétras dans le plan de rétablissement de cette espèce.

 Appréciation de la Cour

70      S’agissant, en premier lieu, du premier grief de la Commission en tant qu’il concerne le projet d’exploitation de la mine de charbon à ciel ouvert «Fonfría», il y a lieu de relever que, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 97/11, les dispositions de la directive 85/337, dans sa version antérieure aux modifications introduites par la directive 97/11, continuent à s’appliquer aux demandes d’autorisation introduites avant la fin du délai fixé au paragraphe 1 dudit article 3, à savoir avant le 14 mars 1999.

71      Or, il ressort du dossier que la demande d’autorisation du projet de mine «Fonfría» a été introduite le 11 mars 1998.

72      La Cour ne peut donc faire droit à la demande de la Commission de constater une infraction aux dispositions de la directive 85/337 modifiée pour ce qui concerne ce projet.

73      Par ailleurs, le grief de la Commission portant sur ce projet ne saurait être compris comme visant à constater une infraction à la directive 85/337, dans sa version antérieure aux modifications introduites par la directive 97/11.

74      Cela est d’autant plus vrai que certaines modifications introduites par la directive 97/11 sont directement pertinentes pour évaluer le bien-fondé de ce grief. Il en est ainsi, en particulier, de l’insertion, au point 19 de l’annexe I de la directive 85/337, de la mention des exploitations minières à ciel ouvert d’une surface supérieure à 25 hectares, qui implique que celles-ci ne doivent impérativement faire l’objet d’une évaluation en application de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 85/337 modifiée que si elles concernent des demandes d’autorisation introduites après le 14 mars 1999.

75      Partant, le premier grief doit être rejeté en ce qu’il vise l’exploitation «Fonfría».

76      Il convient d’examiner, en deuxième lieu, la question de savoir si, en l’occurrence, les évaluations des incidences sur l’environnement, réalisées en application de la directive 85/337 modifiée, des projets relatifs aux exploitations minières à ciel ouvert «Nueva Julia» et «Ladrones» sont inadéquates, ainsi que le soutient la Commission, dès lors qu’elles n’incluent pas une analyse des effets cumulatifs sur l’environnement pouvant être produits par ces projets et d’autres exploitations, telles que les mines de charbon à ciel ouvert en activité ou dont la mise en activité est autorisée ou en voie de l’être.

77      À cet égard, contrairement à ce que soutient le Royaume d’Espagne, il ne saurait être déduit de l’utilisation du conditionnel, dans la note relative au point 4 de l’annexe IV de la directive 85/337 modifiée, à l’égard du fait que «[c]ette description devrait porter [...], le cas échéant, sur les effets [...] cumulatifs [...] du projet», que l’évaluation des incidences sur l’environnement ne doit pas nécessairement porter sur les effets cumulatifs des différents projets sur l’environnement, mais qu’une telle analyse est seulement souhaitable.

78      La portée de cette obligation d’évaluation des incidences sur l’environnement découle de l’article 3 de la directive 85/337 modifiée, aux termes duquel l’évaluation des incidences sur l’environnement identifie, décrit et évalue de manière appropriée, en fonction de chaque cas particulier et conformément aux articles 4 à 11 de cette directive, les effets directs et indirects d’un projet sur l’homme, la faune et la flore, le sol, l’eau, l’air, le climat et le paysage, les biens matériels et le patrimoine culturel, ainsi que l’interaction entre ces facteurs.

79      Compte tenu du champ d’application étendu et de l’objectif très large de la directive 85/337 modifiée, qui ressortent des articles 1er, paragraphe 2, 2, paragraphe 1, et 3 de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 1996, Kraaijeveld e.a., C-72/95, Rec. p. I-5403, points 30 ainsi que 31), la seule circonstance qu’il puisse y avoir une incertitude quant au sens exact de l’utilisation du conditionnel dans l’expression «[c]ette description devrait porter sur», utilisée dans une note relative au point 4 de l’annexe IV de la directive 85/337 modifiée, et même si celle-ci figure également dans d’autres versions linguistiques de cette directive, ne saurait conduire à ne pas retenir une interprétation large de l’article 3 de celle-ci.

80      Partant, cet article doit être compris en ce sens que, dès lors que l’évaluation des incidences sur l’environnement doit, notamment, identifier, décrire et évaluer de manière appropriée les effets indirects d’un projet, cette évaluation doit également inclure une analyse des effets cumulatifs sur l’environnement que peut produire ce projet si celui-ci est considéré conjointement avec d’autres projets, dans la mesure où une telle analyse est nécessaire pour assurer que l’évaluation couvre l’examen de toutes les incidences notables sur l’environnement du projet en cause.

81      Le Royaume d’Espagne fait valoir que, en l’occurrence, une telle évaluation cumulative ne s’imposait pas dès lors que les mines concernées sont éloignées les unes des autres et ont été autorisées à des époques très différentes.

82      Toutefois, il ne ressort pas du dossier que tel serait le cas s’agissant en particulier des projets «Nueva Julia» et «Ladrones», car ces mines du sud sont situées à proximité l’une de l’autre et les procédures d’autorisation de celles-ci ont été menées parallèlement.

83      De plus, même si, ainsi que le soutient le Royaume d’Espagne, le rapport de 2005 devait comporter une telle analyse cumulative, ce rapport ne saurait remédier à l’absence de cette analyse dans le cadre de l’évaluation initiale, dès lors que l’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337 modifiée exige que l’évaluation soit préalable à l’autorisation du projet.

84      En troisième lieu, il convient d’examiner si, ainsi que le soutient la Commission, les incidences possibles et spécifiques des projets de mines de charbon à ciel ouvert «Nueva Julia» et «Ladrones» sur le grand tétras et l’ours brun n’ont pas été examinées de manière adéquate dans les évaluations des incidences sur l’environnement relatives à ces projets.

85      S’agissant, d’abord, du projet concernant la mine «Nueva Julia», l’évaluation des incidences sur l’environnement du 25 août 2003 ne se réfère qu’à l’impact de ce projet sur certains amphibiens. Cette évaluation ne comporte aucun indice selon lequel une évaluation a effectivement eu lieu quant aux incidences dudit projet sur l’ours brun et le grand tétras.

86      Or, une analyse des incidences de ce projet sur ces espèces s’imposait dès lors que, d’une part, les autorités espagnoles ne pouvaient ignorer la présence desdites espèces sur le territoire du site «Alto Sil». En effet, au cours de l’année 1998, le Royaume d’Espagne avait proposé le classement du site «Alto Sil» en tant que SIC en raison, notamment, de la présence sur ce site de ces deux espèces et ce même État membre avait, avec effet à partir de l’année 2000, classé ce site en ZPS du fait de la présence sur celui-ci du grand tétras.

87      D’autre part, même si cette exploitation est située à l’extérieur du SIC, il est constant que celle-ci est immédiatement adjacente à ce site, de sorte qu’il est possible qu’elle ait des incidences sur celui-ci.

88      La nécessité d’une telle analyse s’imposait d’autant plus, dès lors que, dans le formulaire standardisé de données relatif au site «Alto Sil», transmis par le Royaume d’Espagne à la Commission lorsqu’il a été proposé de classer ce site en tant que SIC, cet État membre avait relevé que la vulnérabilité dudit site était due de manière fondamentale aux exploitations minières à ciel ouvert.

89      S’agissant, ensuite, du projet concernant la mine de charbon à ciel ouvert «Ladrones», il y a lieu de constater que la déclaration d’impact environnemental du 9 octobre 2003 fait état de la présence de l’ours brun sur le site «Alto Sil» proposé comme SIC, mais conclut que l’exploitation n’occasionne qu’une faible perte d’habitat favorable à cette espèce, n’affecte aucune zone critique de l’espèce et ne crée aucun «effet de barrière» entre les différents noyaux, ainsi qu’il découlerait d’un rapport du 5 juin 2001.

90      À cet égard, force est de constater que, à l’égard de l’ours brun, la Commission n’a produit aucun document pouvant mettre en doute le caractère adéquat de cette évaluation des incidences sur l’environnement du projet.

91      Quant au grand tétras, il est mentionné dans cette déclaration d’impact environnemental qu’un représentant d’une association de défense de l’environnement avait notamment relevé l’impact possible du projet sur cette espèce, que cette allégation était contestée par le promoteur et que celle-ci a été examinée et évaluée de manière satisfaisante. Toutefois, il ne ressort pas de ladite déclaration ni d’autres documents produits par le Royaume d’Espagne que l’évaluation des incidences du projet sur le grand tétras a effectivement été effectuée. Or, pour les raisons déjà exposées aux points 86 et 88 du présent arrêt, une analyse des incidences de ce projet sur cette espèce s’imposait manifestement.

92      Par conséquent, le caractère inadéquat de cette évaluation doit être constaté pour ce qui concerne le grand tétras.

93      Enfin, les défauts ainsi constatés dans les évaluations des incidences sur l’environnement relatives aux projets d’exploitation minière «Nueva Julia» et «Ladrones» ne peuvent être considérés comme étant compensés par le rapport de 2005 dès lors que, ainsi qu’il a déjà été rappelé au point 83 du présent arrêt, l’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337 modifiée exige que l’évaluation soit préalable à l’autorisation du projet.

94      Par suite, le premier grief, pour autant qu’il vise à faire constater un manquement aux articles 2, 3 et 5, paragraphes 1 et 3, de la directive 85/337 modifiée en ce qui concerne les évaluations des incidences sur l’environnement relatives aux projets d’exploitation minière à ciel ouvert «Nueva Julia» et «Ladrones» doit, sauf pour ce dernier projet en ce qui concerne l’ours brun, être accueilli.

 Sur le deuxième grief, tiré du non-respect de l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive «habitats» en ce qui concerne le grand tétras tel que protégé depuis la classification à partir de l’année 2000 du site «Alto Sil» en ZPS

 Sur la première branche du deuxième grief

–       Argumentation des parties

95      La Commission fait valoir que, en autorisant les exploitations «Nueva Julia» et «Ladrones», le Royaume d’Espagne a violé l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive «habitats», eu égard à la protection dont bénéficie le grand tétras depuis la classification du site «Alto Sil» en ZPS à partir de l’année 2000.

96      Le Royaume d’Espagne soutient que les évaluations des projets desdites exploitations comportent une évaluation suffisante des éventuelles incidences de ces projets sur cette espèce.

–       Appréciation de la Cour

97      Il découle de l’article 7 de la directive «habitats» que l’article 6, paragraphes 2 à 4, de cette directive se substitue à l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive «oiseaux» à partir de la date de mise en application de la directive «habitats» ou de la date du classement par un État membre en vertu de la directive «oiseaux» si cette dernière date est postérieure (voir, notamment, arrêt du 13 décembre 2007, Commission/Irlande, C-418/04, Rec. p. I-10947, point 173).

98      En l’espèce, le grief concernant l’évaluation des incidences des projets «Nueva Julia» et «Ladrones» sur les espèces protégées au titre de la ZPS «Alto Sil», en particulier sur le grand tétras, doit donc être examiné au regard des dispositions de l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive «habitats» pour ce qui concerne ces projets dont il est constant que les demandes d’autorisation y afférentes ont été introduites après que le site «Alto Sil» a été classé en tant que ZPS.

99      En vertu de l’article 6, paragraphe 3, de la directive «habitats», une évaluation appropriée des incidences sur le site concerné du plan ou du projet implique que, avant l’approbation de celui-ci, doivent être identifiés, compte tenu des meilleures connaissances scientifiques en la matière, tous les aspects du plan ou du projet pouvant, par eux-mêmes ou en combinaison avec d’autres plans ou projets, affecter les objectifs de conservation de ce site. Les autorités nationales compétentes n’autorisent une activité sur le site protégé qu’à la condition qu’elles aient acquis la certitude qu’elle est dépourvue d’effets préjudiciables pour l’intégrité dudit site. Il en est ainsi lorsqu’il ne subsiste aucun doute raisonnable d’un point de vue scientifique quant à l’absence de tels effets (voir, notamment, arrêt Commission/Irlande, précité, point 243).

100    Une évaluation effectuée au titre de l’article 6, paragraphe 3, de la directive «habitats» ne peut être considérée comme étant appropriée si elle comporte des lacunes et ne contient pas de constatations et de conclusions complètes, précises et définitives, de nature à dissiper tout doute scientifique raisonnable quant aux effets des travaux qui étaient envisagés sur la ZPS concernée (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2007, Commission/Italie, C-304/05, Rec. p. I-7495, point 69).

101    En l’espèce, la protection du grand tétras constitue clairement un objectif de conservation ayant conduit le Royaume d’Espagne à classer en ZPS le site «Alto Sil» à partir de l’année 2000.

102    En outre, il convient de rappeler que les autorités nationales avaient indiqué, lors de la proposition, formulée durant l’année 1998, de classer ce site en tant que SIC, que la population de grand tétras présente sur ledit site était d’importance régionale et même nationale et que la vulnérabilité de ce même site était fondamentalement due aux exploitations minières à ciel ouvert.

103    Or, ainsi qu’il a déjà été constaté dans le cadre du traitement du premier grief relatif à la directive 85/337 modifiée, en particulier aux points 76 à 93 du présent arrêt, les évaluations des incidences sur l’environnement effectuées avant l’approbation des projets des exploitations «Nueva Julia» et «Ladrones» ne comportent aucune analyse des éventuelles incidences cumulatives des différentes exploitations sur le grand tétras, alors que, en l’occurrence, une telle analyse s’imposait. De la même manière, ces évaluations ne contiennent pas non plus d’indications suffisantes permettant de vérifier que les incidences de ces exploitations sur la population de grands tétras présente dans la ZPS «Alto Sil» ont été effectivement appréciées.

104    En outre, le rapport de 2005 ne saurait pallier lesdites déficiences dès lors qu’il a été élaboré après l’autorisation desdits projets et ne saurait donc être considéré comme pertinent dans le cadre de l’article 6, paragraphe 3, de la directive «habitats» (voir, en ce sens, arrêt Commission/Italie, précité, point 72).

105    Il en découle que les évaluations relatives aux projets des exploitations minières à ciel ouvert «Nueva Julia» et «Ladrones» ne peuvent être considérées comme étant appropriées dès lors qu’elles sont caractérisées par des lacunes et par l’absence de constatations et de conclusions complètes, précises et définitives, de nature à dissiper tout doute scientifique raisonnable quant aux effets de ces projets sur la ZPS «Alto Sil», en particulier sur la population de grands tétras dont la conservation constitue l’un des objectifs de cette zone.

106    Partant, il ne saurait être considéré que, avant l’autorisation de ces exploitations, ont été identifiés, compte tenu des meilleures connaissances scientifiques en la matière, tous les aspects du plan ou du projet pouvant, par eux-mêmes ou en combinaison avec d’autres plans ou projets, affecter les objectifs de conservation du site «Alto Sil».

107    Dans ces conditions, il ne ressort pas desdites évaluations que les autorités nationales compétentes pouvaient avoir acquis la certitude que ces exploitations seraient dépourvues d’effets préjudiciables pour l’intégrité dudit site.

108    Il s’ensuit que les autorisations desdits projets n’étaient pas conformes à l’article 6, paragraphe 3, de la directive «habitats».

109    Au Royaume d’Espagne, qui invoque l’importance des activités minières pour l’économie locale, il y a lieu de rappeler que, si cette considération est susceptible de constituer une raison impérative d’intérêt public majeur au sens de l’article 6, paragraphe 4, de la directive «habitats», cette disposition ne saurait s’appliquer qu’après que les incidences d’un plan ou d’un projet ont été analysées conformément à l’article 6, paragraphe 3, de cette directive. En effet, la connaissance de ces incidences au regard des objectifs de conservation relatifs au site en question constitue un préalable indispensable à l’application dudit article 6, paragraphe 4, car, en l’absence de ces éléments, aucune condition d’application de cette disposition dérogatoire ne saurait être appréciée. L’examen d’éventuelles raisons impératives d’intérêt public majeur et celui de l’existence d’alternatives moins préjudiciables requièrent en effet une mise en balance par rapport aux atteintes portées au site par le plan ou le projet considéré. En outre, afin de déterminer la nature d’éventuelles mesures compensatoires, les atteintes audit site doivent être identifiées avec précision (arrêt Commission/Italie, précité, point 83).

110    Or, il découle des considérations qui précèdent que les autorités nationales ne disposaient pas de ces données au moment où furent prises les décisions d’octroyer les autorisations concernées. Il en résulte que ces autorisations ne sauraient être fondées sur l’article 6, paragraphe 4, de la directive «habitats».

111    Par conséquent, ces autorisations n’étaient pas conformes à l’article 6, paragraphe 4, de la directive «habitats».

112    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer la première branche du deuxième grief comme fondée.

 Sur la seconde branche du deuxième grief

–       Argumentation des parties

113    La Commission reproche au Royaume d’Espagne d’avoir violé l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats», dès lors que cet État membre n’aurait pas pris les mesures nécessaires pour empêcher que l’exploitation des mines à ciel ouvert «Feixolín», «Fonfría», «Salguero-Prégame-Valdesegadas», «Ampliación de Feixolín» et «Nueva Julia», après le mois de janvier de l’année 2000, date à partir de laquelle le classement en ZPS du site «Alto Sil» est devenu effectif, n’affecte ce site et, en particulier, l’espèce grand tétras protégée au titre de cette ZPS.

114    Elle se réfère au plan de rétablissement du grand tétras cantabrique, approuvé par le décret 4/2009 de la Junte de Castilla y León, du 15 janvier 2009 (BOC y L n° 13, p. 1540). Celui-ci constate que, au cours de l’année 1982, la population de grands tétras cantabriques comptait encore environ 1 000 spécimens et que le taux d’occupation des places de chant s’élevait à 85 %. Durant l’année 2002, cette population ne dépassait toutefois plus les 500 à 600 spécimens, répartis entre deux versants d’une chaîne de montagnes, et le taux d’occupation des places de chant était de 45 %. Au cours de cette période de 20 ans, la moitié de cette population se trouvait dans la communauté autonome de Castilla y León. Selon ledit plan de rétablissement, en 2005, la population présente dans cette communauté autonome comptait approximativement 164 exemplaires adultes et risquait de s’éteindre avant une vingtaine d’années.

115    La Commission soutient, en particulier, que certaines places de chant du grand tétras se trouvent à proximité des exploitations minières concernées. Il en va ainsi de la place de chant dite «Robledo El Chano», située à proximité de l’exploitation «Fonfría» et encore occupée pendant l’année 1999.

116    Quant au rapport de 2005, la Commission soutient notamment que la conclusion selon laquelle l’incidence des exploitations minières à ciel ouvert sur le grand tétras doit être considérée comme non significative n’est pas cohérente. En effet, ce rapport confirmerait les risques d’effets «supralocaux» pouvant être engendrés par les exploitations minières ainsi que l’exclusion de la possibilité, pourtant importante pour la conservation de l’espèce, qu’un habitat abandonné puisse de nouveau être utilisé si sa qualité le permet.

117    Elle fait également valoir qu’il découle d’études scientifiques que la fragmentation des enclaves forestières disponibles pour le grand tétras dans la zone «Alto Sil» a été manifestement aggravée par la possibilité d’un «effet de barrière» provoqué par l’entrée en activité simultanée et ininterrompue de plusieurs exploitations minières.

118    Le Royaume d’Espagne admet que le grand tétras cantabrique a connu un déclin important, mais relève que les populations qui ont subi la baisse la plus importante dans la région de Castilla y León sont celles se trouvant dans des zones soumises aux niveaux de protection les plus élevés, tels des parcs naturels, alors que la population de grands tétras présente sur le site «Alto Sil» serait la plus importante de la région et n’aurait connu qu’un léger déclin. Il serait d’ailleurs significatif que le déclin de l’espèce sur ce site ait été bien plus important dans les zones qui sont éloignées du bassin minier.

119    Le Royaume d’Espagne soutient en outre que, dans les zones affectées par les exploitations de mines à ciel ouvert concernées par le présent grief, la présence du grand tétras est ancienne et marginale. Dans ces zones, il n’y aurait qu’une aire de chant connue, à savoir celle de «Robledo El Chano», qui, conformément à la stratégie nationale pour la conservation de l’espèce, fait partie d’une zone critique pour la sauvegarde du grand tétras cantabrique. Toutefois, cette place de chant aurait été abandonnée depuis la fin des années 80 et n’aurait, par conséquent, pas pu être affectée par l’exploitation de «Fonfría».

–       Appréciation de la Cour

120    Il convient d’examiner, en premier lieu, si l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» est applicable aux activités d’exploitation des mines à ciel ouvert «Feixolín», «Fonfría», «Salguero-Prégame-Valdesegadas», «Ampliación de Feixolín» et «Nueva Julia» ayant eu lieu postérieurement à la classification du site «Alto Sil» en ZPS, effective à partir de l’année 2000.

121    À cet égard, s’agissant d’abord de l’exploitation «Nueva Julia», dès lors qu’il a été constaté, dans le cadre de la première branche du deuxième grief, que l’autorisation pour cette exploitation a été accordée d’une manière non conforme à l’article 6, paragraphe 3, de la directive «habitats», il ressort de la jurisprudence qu’une violation du paragraphe 2 dudit article peut être constatée si sont établies des détériorations d’un habitat ou des perturbations touchant les espèces pour lesquelles la zone en question a été désignée (arrêt Commission/Italie, précité, point 94).

122    Ensuite, en ce qui concerne l’exploitation «Ampliación de Feixolín», il y a lieu de rappeler que le fait qu’un plan ou un projet a été autorisé selon la procédure prévue à l’article 6, paragraphe 3, de la directive «habitats» rend superflue, s’agissant de l’intervention sur le site protégé visée par ledit plan ou ledit projet, une application concomitante de la norme de protection générale visée au paragraphe 2 du même article (arrêt Commission/Irlande, précité, point 250).

123    Il s’ensuit que, pour autant que l’exploitation de la mine «Ampliación de Feixolín» que critique la Commission a eu lieu à une époque où celle-ci n’avait pas encore été autorisée, ainsi qu’il a été relevé au point 35 du présent arrêt, celle-ci peut constituer une violation de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats».

124    Enfin, il y a lieu de relever que l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» s’applique aux mines à ciel ouvert «Feixolín», «Fonfría» et «Salguero-Prégame-Valdesegadas», nonobstant la circonstance que l’exploitation de celles-ci a été autorisée avant que le régime de protection prévu par la directive «habitats» ne devienne applicable au site «Alto Sil» du fait de sa classification en ZPS.

125    En effet, la Cour a déjà jugé que, si de tels projets ne sont pas soumis aux prescriptions portant sur la procédure d’évaluation préalable des incidences du projet sur le site concerné, édictées par la directive «habitats», leur exécution tombe néanmoins sous le couvert de l’article 6, paragraphe 2, de cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 14 janvier 2010, Stadt Papenburg, C-226/08, Rec. p. I‑131, points 48 et 49).

126    S’agissant, en second lieu, du grief selon lequel, pour ce qui concerne les activités d’exploitation des mines à ciel ouvert concernées, le Royaume d’Espagne n’a pas respecté l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats», il convient de rappeler qu’une activité n’est conforme à cette disposition que s’il est garanti qu’elle n’engendre aucune perturbation susceptible d’affecter de manière significative les objectifs de ladite directive, en particulier les objectifs de conservation de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2010, Commission/France, C-241/08, Rec. p. I‑1697, point 32).

127    En outre, en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats», le statut juridique de protection des ZPS doit garantir que soient évitées, dans celles-ci, la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations significatives touchant les espèces pour lesquelles lesdites zones ont été classées (voir, notamment, arrêt du 14 octobre 2010, Commission/Autriche, C‑535/07, non encore publié au Recueil, point 58 et jurisprudence citée).

128    Il en découle que le présent grief n’est fondé que si la Commission démontre à suffisance de droit que le Royaume d’Espagne n’a pas pris les mesures de protection appropriées, consistant à éviter que les activités d’exploitation des mines «Feixolín», «Fonfría», «Salguero-Prégame-Valdesegadas», «Ampliación de Feixolín» et «Nueva Julia», pour autant qu’elles ont eu lieu après la classification du site «Alto Sil» en ZPS à partir de l’année 2000, ne produisent des détériorations des habitats du grand tétras ainsi que des perturbations de cette espèce susceptibles d’avoir des effets significatifs eu égard à l’objectif de cette directive consistant à assurer la conservation de ladite espèce.

129    À cet égard, il convient d’examiner, en premier lieu, si les mines concernées occupent des surfaces qui constituent des habitats appropriés pour le grand tétras, mais qui ne peuvent plus être utilisés par cette espèce pendant l’exploitation de ces mines, voire pendant la «renaturation» consécutive de celles-ci.

130    La Commission soutient que tel est en particulier le cas s’agissant de l’habitat 9230, constitué par des chênaies galicio-portugaises à Quercus robur et Quercus pyrenaica.

131    À cet égard, ainsi que le relève Mme l’avocat général aux points 81 et 82 de ses conclusions, la Commission n’apporte la preuve de la destruction de cet habitat après la classification du site «Alto Sil» en ZPS que pour ce qui concerne la mine «Fonfría». Il ressort du rapport de 2005 que, dans le cadre de cette exploitation qui a été réalisée à partir de l’année 2001, une superficie de 17,92 hectares du type d’habitat 9230 a effectivement été détruite.

132    Le Royaume d’Espagne soutient que cette perte d’habitat est sans importance pour la conservation de l’espèce grand tétras, dès lors que la zone concernée ne comprendrait aucune place de chant.

133    Cet argument ne saurait être retenu, car, à supposer même que cette zone ne soit pas utilisable comme place de chant, il n’est pas exclu qu’elle puisse être utilisée par cette espèce comme habitat à d’autres fins, notamment comme aire de séjour ou d’hivernage.

134    De plus, si cette exploitation n’avait pas eu lieu sur cette zone, il ne saurait être exclu que, à la suite de mesures prises par les autorités à cet effet, cette zone ait peu être utilisée comme place de chant.

135    À cet égard, il convient de rappeler que la protection des ZPS ne doit pas se limiter à des mesures destinées à obvier aux atteintes et aux perturbations externes causées par l’homme, mais doit aussi, selon la situation qui se présente, comporter des mesures positives visant à conserver et à améliorer l’état du site (arrêt Commission/Autriche, précité, point 59 et jurisprudence citée).

136    La Commission soutient, en deuxième lieu, que les exploitations minières concernées sont, du fait des bruits et des vibrations qu’elles produisent et qui sont ressentis à l’intérieur de la ZPS «Alto Sil», susceptibles de perturber de manière significative la population de grands tétras protégée au titre de cette ZPS.

137    À cet égard, il ressort du dossier que, comme l’a relevé Mme l’avocat général au point 88 de ses conclusions, compte tenu des distances relativement limitées entre plusieurs aires critiques pour le grand tétras et les mines à ciel ouvert en cause, des bruits et des vibrations provoqués par ces exploitations sont susceptibles d’être perçus dans ces aires.

138    Il s’ensuit que ces nuisances sont susceptibles d’engendrer des perturbations de nature à affecter de manière significative les objectifs de ladite directive, en particulier les objectifs de conservation du grand tétras.

139    Cela est d’autant plus vrai qu’il est constant que le grand tétras est une espèce sensible et particulièrement exigeante quant à la tranquillité et à la qualité de ses habitats. Il ressort en outre du dossier que le degré d’isolement et de tranquillité que requiert cette espèce constitue un facteur de tout premier ordre, car il a une incidence considérable sur les capacités de reproduction de celle-ci.

140    Le Royaume d’Espagne émet des doutes à cet égard en objectant que le déclin des populations de ladite espèce, y compris sur le site «Alto Sil», est également observé en dehors du bassin minier et y est encore plus marqué. Cela serait confirmé par le rapport de 2005, qui indique qu’il n’y a pas de relation de cause à effet entre l’existence des exploitations minières et l’abandon de places de chant du grand tétras cantabrique, ce dernier phénomène étant plus important dans les zones se situant au-delà de celles jouxtant les exploitations.

141    Toutefois, cette circonstance, à elle seule, n’empêche pas que lesdites nuisances produites à l’intérieur de la ZPS par les exploitations minières en cause sont susceptibles d’avoir eu des incidences significatives sur cette espèce, même si le déclin de ladite espèce a éventuellement été plus important encore pour des populations relativement éloignées de ces exploitations.

142    Afin d’établir un manquement à l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats», la Commission n’a pas, en outre, à prouver une relation de cause à effet entre une exploitation minière et une perturbation significative causée au grand tétras. Compte tenu du fait que le paragraphe 2 de l’article 6 de la directive «habitats» et le paragraphe 3 de cet article visent à assurer le même niveau de protection, il suffit que la Commission établisse l’existence d’une probabilité ou d’un risque que cette exploitation provoque des perturbations significatives pour cette espèce (voir, en ce sens, arrêts Commission/France, précité, point 32, ainsi que du 21 juillet 2011, Azienda Agro-Zootecnica Franchini et Eolica di Altamura, C-2/10, non encore publié au Recueil, point 41).

143    En tout état de cause, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général aux points 90 à 92 de ses conclusions, il ressort du dossier que l’abandon de la place de chant «Robledo El Chano», encore occupée par le grand tétras durant l’année 1999, résulte de l’exploitation de la mine à ciel ouvert «Fonfría» à partir de l’année 2001.

144    Ce constat confirme que l’exploitation des mines concernées, en particulier les bruits et les vibrations produits, est susceptible de provoquer des perturbations significatives pour cette espèce.

145    Partant, il y a lieu de considérer que les activités d’exploitation des mines à ciel ouvert «Feixolín», «Fonfría», «Salguero-Prégame-Valdesegadas», «Ampliación de Feixolín» et «Nueva Julia» sont contraires à l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» en raison des bruits et des vibrations qu’elles produisent et qui sont susceptibles d’affecter de manière significative la conservation du grand tétras.

146    La Commission soutient, en troisième lieu, que les exploitations minières à ciel ouvert contribuent à isoler des sous-populations de grands tétras, du fait qu’elles bloquent des couloirs de communication reliant ces sous-populations à d’autres populations. Elle se réfère au rapport de décembre 2004 relatif à l’incidence des activités minières sur le grand tétras cantabrique, élaboré pour le ministère de l’Environnement par les coordonnateurs de la stratégie pour la conservation du grand tétras cantabrique en Espagne.

147    À cet égard, il y a lieu de constater que ce rapport d’expertise, établi par des experts reconnus en matière de grand tétras cantabrique du ministère national de l’Environnement ainsi que du ministère de l’Environnement de la communauté autonome de Castilla y León, conclut qu’il existe un risque que des exploitations en cours d’exécution, dont les mines «Feixolín» et «Fonfría», en combinaison avec des projets dont l’exécution est imminente, telle la mine «Ampliación de Feixolín», forment une barrière continue en direction est-ouest pour le grand tétras, pouvant conduire à l’isolement de noyaux de population de cette espèce et, à terme, à la disparition des noyaux présents au sud de cette barrière.

148    Dès lors que le Royaume d’Espagne ne produit pas d’éléments de preuve réfutant les conclusions de ce rapport, dont la valeur scientifique n’a pas été contestée, il y a lieu de considérer que les exploitations «Feixolín», «Fonfría» et «Ampliación de Feixolín» sont susceptibles de produire un «effet de barrière» qui est de nature à contribuer à la fragmentation de l’habitat du grand tétras et à l’isolement de certaines sous-populations de cette espèce.

149    Se pose toutefois la question de savoir si les manquements ainsi constatés à l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» peuvent être reprochés au Royaume d’Espagne pour autant qu’ils concernent la mine à ciel ouvert «Ampliación de Feixolín».

150    En effet, contrairement aux autres mines concernées par ce grief, la mine à ciel ouvert «Ampliación de Feixolín» n’était pas autorisée au moment où les activités d’exploitation critiquées par la Commission ont eu lieu. En outre, les autorités ont sanctionné l’exploitant de cette mine pour avoir exploité celle-ci sans avoir obtenu une autorisation préalable et lui ont enjoint d’arrêter cette exploitation.

151    Toutefois, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 105 de ses conclusions, alors que les autorités étaient informées de l’exploitation effective de cette mine au moins depuis l’année 2005, il ressort du dossier qu’elles n’ont interdit celle-ci qu’au mois de novembre de l’année 2009, à la suite d’une inspection effectuée au cours du mois de septembre de la même année.

152    Ainsi, en laissant perdurer pendant au moins quatre ans une situation qui a causé des perturbations significatives dans la ZPS «Alto Sil», le Royaume d’Espagne a omis de prendre, en temps utile, les mesures nécessaires pour faire cesser ces perturbations. Partant, les manquements constatés à l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» peuvent être reprochés au Royaume d’Espagne pour autant qu’ils concernent la mine à ciel ouvert «Ampliación de Feixolín».

153    Enfin, se pose encore la question de savoir si les manquements ainsi constatés à l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» peuvent être justifiés en raison de l’importance des activités minières pour l’économie locale dont fait état le Royaume d’Espagne.

154    Un tel motif est en effet susceptible d’être invoqué par un État membre au titre de la procédure prévue à l’article 6, paragraphe 4, de la directive «habitats». Si les conditions posées à cette disposition sont réunies, son application peut conduire à l’autorisation d’activités qui, ainsi qu’il a déjà été rappelé au point 122 du présent arrêt, ne peuvent plus être appréhendées au regard du paragraphe 2 de ce même article.

155    Toutefois, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 125 du présent arrêt, les procédures d’évaluation préalable prévues par la directive «habitats» ne s’appliquent pas à des projets tels que les projets «Feixolín» et «Fonfría», dès lors qu’ils ont été autorisés avant que le régime de protection prévu par la directive «habitats» ne devienne applicable au site «Alto Sil» du fait de sa classification en tant que ZPS.

156    S’agissant de ces projets, il ne saurait être exclu qu’un État membre, par analogie avec la procédure dérogatoire prévue à l’article 6, paragraphe 4, de la directive «habitats», invoque, dans une procédure de droit national d’évaluation des incidences sur l’environnement d’un plan ou d’un projet susceptible d’affecter de manière significative les intérêts de conservation d’un site, une raison d’intérêt public et puisse, s’il est en substance satisfait aux conditions prescrites par cette disposition, autoriser une activité qui, par suite, ne serait plus interdite par le paragraphe 2 de cet article.

157    Toutefois, ainsi qu’il a déjà été rappelé au point 109 du présent arrêt, afin de pouvoir vérifier si les conditions prévues à l’article 6, paragraphe 4, de la directive «habitats» sont réunies, les incidences du plan ou du projet doivent, au préalable, avoir été analysées conformément à l’article 6, paragraphe 3, de cette directive.

158    Or, il ressort du dossier que, lors de l’évaluation des incidences sur le milieu des projets «Feixolín» et «Fonfría» effectuée dans le cadre de la procédure d’autorisation de droit national, les perturbations significatives que ces projets sont susceptibles de causer au grand tétras, et qui ont été constatées aux points 131, 145 et 148 du présent arrêt, n’ont pas pu être analysées, dès lors que le Royaume d’Espagne ne les avait pas identifiées et en contestait même l’existence, y compris lors de la procédure devant la Cour.

159    Dans ces conditions, il apparaît que, dans le cadre de la procédure d’autorisation de droit national, les conditions prévues à l’article 6, paragraphe 4, de la directive «habitats» n’ont pas pu être vérifiées.

160    Partant, les manquements constatés à l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» ne peuvent être justifiés au titre de l’importance des activités minières pour l’économie locale.

 Sur le troisième grief, tiré de la violation des obligations qui découlent, en vertu de la directive «habitats», de la proposition du site «Alto Sil» comme SIC en ce qui concerne l’exploitation des mines à ciel ouvert «Fonfría», «Feixolín», «Salguero-Prégame-Valdesegadas» et «Nueva Julia»

 Argumentation des parties

161    Par son troisième grief, la Commission reproche au Royaume d’Espagne de ne pas avoir, à partir du mois de janvier de l’année 1998, pris les mesures nécessaires, en ce qui concerne l’extraction de charbon dans les mines «Feixolín», «Salguero-Prégame-Valdesegadas», «Fonfría» et «Nueva Julia», pour préserver l’intérêt écologique national que présentait le site proposé «Alto Sil», en particulier à l’égard de l’ours brun, et n’a dès lors pas respecté les obligations qui lui incombent en vertu de la directive «habitats» telles que précisées dans les arrêts précités Dragaggi e.a. ainsi que Bund Naturschutz in Bayern e.a.

162    Le Royaume d’Espagne rétorque qu’il a respecté lesdites obligations et observe à cet égard que, selon les données officielles de recensement, la population d’ours bruns, en particulier dans le noyau occidental dont fait partie le site «Alto Sil», a connu un accroissement notable au cours des dix dernières années.

 Appréciation de la Cour

163    En vertu de la directive «habitats», les États membres sont tenus de prendre, en ce qui concerne les sites qui abritent des types d’habitats naturels et/ou des espèces prioritaires et qu’ils ont identifiés en vue de leur inscription sur la liste communautaire, des mesures de protection appropriées afin de maintenir les caractéristiques desdits sites. Les États membres ne sauraient dès lors autoriser des interventions qui risquent de compromettre sérieusement les caractéristiques écologiques de ceux-ci. Tel est notamment le cas lorsqu’une intervention risque d’aboutir à la disparition d’espèces prioritaires présentes sur les sites concernés (arrêt du 20 mai 2010, Commission/Espagne, C-308/08, non encore publié au Recueil, point 21 et jurisprudence citée).

164    En l’espèce, il n’est pas contesté que l’ours brun est une espèce prioritaire qui est présente sur le site «Alto Sil» et que sa conservation était un objectif visé par le Royaume d’Espagne lors de la proposition de classement de ce site en tant que SIC.

165    Se pose donc la question de savoir si, comme le soutient la Commission, les activités d’exploitation des mines à ciel ouvert «Fonfría», «Feixolín», «Salguero-Prégame-Valdesegadas» et «Nueva Julia», pour autant qu’elles ont eu lieu pendant la période de protection provisoire se situant entre le mois de janvier de l’année 1998, où il a été proposé de classer ce site en tant que SIC, et le mois de décembre de l’année 2004, où ledit site a été effectivement classé en tant que SIC, peuvent être considérées comme étant des interventions qui risquaient de compromettre sérieusement les caractéristiques écologiques de ce site et, s’agissant en particulier de l’espèce prioritaire ours brun, qui risquaient d’aboutir à la disparition de cette espèce sur ce site.

166    À cet égard, il ressort du dossier, et en particulier des documents auxquels se réfère Mme l’avocat général au point 130 de ses conclusions, que les exploitations minières situées au nord de la rivière Sil, en particulier «Fonfría» et «Feixolín», ont provoqué des perturbations pour l’ours brun, dès lors surtout qu’elles ont créé ou aggravé un «effet de barrière» risquant d’empêcher ou de rendre beaucoup plus difficile l’accès au couloir de Leitariegos, alors que celui-ci est une zone de passage nord-sud de grande importance pour la population occidentale d’ours bruns cantabriques dont fait partie le noyau d’ours bruns présent sur le site «Alto Sil».

167    Toutefois, au vu des éléments de preuve produits par la Commission, il ne saurait être considéré que cet «effet de barrière» a compromis sérieusement les caractéristiques écologiques dudit site pour ce qui concerne en particulier l’état de conservation de l’ours brun.

168    En effet, comme l’a soutenu le Royaume d’Espagne sans être contredit par la Commission, entre l’année 1998 et l’année 2004, l’évolution démographique de la population occidentale d’ours bruns cantabriques, dont fait partie le noyau d’ours présent sur le site «Alto Sil», révèle une tendance clairement positive.

169    Ainsi que le confirme le dossier, si, entre l’année 1982 et l’année 1995, cette population a régressé de l’ordre de 4 à 5 % par an, elle a connu depuis un accroissement annuel et ininterrompu de 7,5 %, la faisant passer d’un total estimé de 50 à 65 exemplaires au début des années 90 à un total d’environ 100 à 130 exemplaires au cours de l’année 2008. Elle est actuellement considérée comme constituant une population menacée, mais viable. En revanche, selon les études, la population orientale d’ours bruns cantabriques reste précaire en raison surtout de son isolement par rapport à la population occidentale. Elle n’a pas encore pu se rétablir à un niveau considéré viable, le nombre d’individus appartenant à cette population n’ayant augmenté que d’un total estimé de 20 à 25 exemplaires à un total de 30 au cours de ladite période.

170    Il découle de ces considérations que, compte tenu des études scientifiques présentées à la Cour dans le cadre de la présente procédure relatives à la population occidentale d’ours bruns cantabriques dont fait partie la population d’ours bruns présente sur le site «Alto Sil», il n’existe pas d’indices suffisants démontrant que les activités d’exploitation des mines à ciel ouvert «Fonfría», «Feixolín», «Salguero-Prégame-Valdesegadas» et «Nueva Julia», pour autant qu’elles ont eu lieu entre le mois de janvier de l’année 1998, où il a été proposé de classer ce site en tant que SIC, et le mois de décembre de l’année 2004, où ledit site a été effectivement classé en tant que SIC, risquaient de compromettre sérieusement les caractéristiques écologiques de ce site et, s’agissant en particulier de l’espèce prioritaire de l’ours brun, risquaient d’aboutir à la disparition de cette espèce sur ce site.

171    Par suite, il y a lieu de rejeter le troisième grief.

 Sur le quatrième grief, tiré du non-respect, à partir de l’inscription au cours du mois de décembre de l’année 2004 du site «Alto Sil» en tant que SIC, de l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive «habitats»

 Sur la première branche du quatrième grief

172    La Commission soutient que le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations découlant de l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive «habitats» en ce qu’il a autorisé les projets d’exploitation minière à ciel ouvert «Feixolín», «Salguero-Prégame-Valdesegadas», «Fonfría» et «Nueva Julia» sans évaluer au préalable les incidences que ces projets étaient susceptibles d’avoir et, en tout état de cause, sans respecter les conditions auxquelles ces projets pourraient être réalisés en dépit de leurs incidences négatives.

173    À cet égard, il y a lieu de constater que les exploitations minières concernées par ce grief ont toutes été autorisées avant le mois de décembre de l’année 2004, et donc avant que le site «Alto Sil» soit classé en tant que SIC.

174    Or, ainsi qu’il découle de la jurisprudence rappelée au point 125 du présent arrêt, des projets qui ont été autorisés avant que le régime de protection prévu par la directive «habitats» ne devienne applicable à un site ne sont pas soumis aux prescriptions portant sur la procédure d’évaluation préalable des incidences du projet sur le site concerné, édictées par la directive «habitats».

175    Partant, l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive «habitats» n’était pas applicable aux projets d’exploitation minière à ciel ouvert «Feixolín», «Salguero-Prégame-Valdesegadas», «Fonfría» et «Nueva Julia», de sorte que la Commission ne saurait reprocher au Royaume d’Espagne un manquement à ces dispositions.

176    Dès lors, la première branche du quatrième grief doit être rejetée.

 Sur la seconde branche du quatrième grief

–       Argumentation des parties

177    La Commission reproche également au Royaume d’Espagne de ne pas avoir pris, en ce qui concerne l’exploitation postérieure à la classification au cours du mois de décembre de l’année 2004 du site «Alto Sil» en tant que SIC des mines à ciel ouvert «Feixolín», «Salguero-Prégame-Valdesegadas», «Fonfría», «Nueva Julia» et «Ampliación de Feixolín», les mesures qui s’imposaient en application de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats».

178    Elle soutient que ces exploitations ont détruit des habitats protégés au titre dudit SIC, dont celui du type 9230 – chênaies galicio-portugaises à Quercus robur et Quercus pyrenaica qui revêtirait une importance particulière pour l’ours brun dès lors qu’il est fréquemment utilisé par cette espèce comme zone de passage.

179    Elle fait également valoir que les exploitations en cause produisent un «effet de barrière» qui a contribué à la fermeture du couloir de Leitariegos qui est une zone de passage de grande importance pour la population occidentale d’ours bruns cantabriques dont fait partie le noyau d’ours bruns présent sur le site «Alto Sil», ce qui aurait pour résultat de fragmenter l’habitat de cette population et d’isoler certains de ses noyaux.

180    L’«effet de barrière» que créeraient ces exploitations rendrait également plus difficile encore les échanges entre les populations occidentales et orientales d’ours bruns cantabriques, ce qui ferait perdurer la fragmentation de l’espèce et ne permettrait pas à la population orientale de cette espèce de se rétablir en nombre suffisant pour assurer sa viabilité.

181    Le Royaume d’Espagne rétorque que les exploitations minières sont situées dans des zones non boisées, composées en majorité de bruyère, où les ourses ne sont jamais venues élever leurs petits, et ce non pas en raison de la présence de ces exploitations, mais plutôt en raison de l’absence d’un habitat favorable à l’élevage, ce qui n’aurait aucun lien avec les perturbations potentielles que les exploitations pourraient causer à l’élevage des jeunes.

182    La communauté autonome de Castilla y León aurait, en outre, adopté de nombreuses mesures visant à l’amélioration de l’habitat de l’ours brun, parmi lesquelles le rétablissement de l’habitat de ce dernier dans la zone du couloir de Leitariegos.

183    Le Royaume d’Espagne considère que, si la partie nord du site «Alto Sil» est importante pour l’ours brun, il s’agit toutefois d’une zone située bien au nord des exploitations minières, à des altitudes supérieures à 1 800 mètres, qui est enclavée entre les provinces des Asturies et de Léon, et où les ours s’alimentent au printemps et à l’automne. Ces derniers ne se déplaceraient pas dans la partie sud de ce site où sont situées les mines, puisque l’habitat y est complètement différent.

184    Enfin, concernant les allégations de la Commission relatives aux pertes du type d’habitat 9230 – chênaies galicio-portugaises à Quercus robur et Quercus pyrenaica, celles-ci représenteraient une superficie de 17,92 hectares pour l’exploitation «Fonfría» et de 19, 90 hectares pour l’exploitation «Ampliación de Feixolín». Or, dès lors que la superficie totale de cet habitat sur le site «Alto Sil» s’élèverait, selon les dernières études, à 4 000 hectares, voire à 8 000 hectares, et non à 2 600 hectares comme cela a été indiqué initialement lors de la proposition de classification du site en tant que SIC, ces pertes seraient, en termes relatifs, négligeables.

–       Appréciation de la Cour

185    Il convient d’examiner, en premier lieu, l’allégation de la Commission selon laquelle, en violation de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats», des habitats protégés au titre du SIC «Alto Sil» ont été détruits après que le site «Alto Sil» a été classé en tant que SIC au cours du mois de décembre de l’année 2004.

186    À cet égard, comme l’a relevé Mme l’avocat général aux points 144 et 145 de ses conclusions, il ressort du dossier, en particulier du tableau des exploitations actives repris dans le rapport de 2005, que, si l’exploitation des mines «Fonfría» et «Ampliación de Feixolín» a porté une telle atteinte à ce site, cette atteinte est, en ce qui concerne cette dernière mine, survenue après le mois de décembre de l’année 2004, et ce sur une superficie d’au moins 19 hectares.

187    La Commission soutient, en deuxième lieu, que, dans les zones adjacentes aux mines concernées, les bruits et les vibrations produits par les activités minières ont provoqué des perturbations significatives pour l’ours brun, espèce prioritaire protégée au titre de la classification en tant que SIC.

188    À cet égard, il ressort du rapport environnemental du 7 novembre 2008 sur le projet d’exploitation de charbon à ciel ouvert dans les montagnes d’Orallo (Villablino, Léon) «Feixolín», promu par l’entreprise Minero Siderúrgica de Ponferrada, produit en annexe de la requête de la Commission, que la perte d’habitats de l’ours brun cantabrique causé par l’exploitation «Feixolín» a été importante à l’intérieur de ce qui est appelé le «corridor de Leitariegos», que les ours s’éloignent de 3,5 à 5 kilomètres des zones d’impact des bruits et des vibrations générés par les exploitations minières et que cette exploitation empêchera ou rendra beaucoup plus difficile l’accès pour l’ours brun audit corridor alors que celui-ci est une voie de passage nord-sud d’importance critique pour la population occidentale de cette espèce.

189    Cela est confirmé par le rapport de 2005, où il est indiqué, dans le cadre d’une analyse des incidences des mines du nord, dont celles de «Feixolín» et de «Fonfría», que le corridor de Leitariegos, d’une largeur de 10 kilomètres, est une voie de passage de grande importance pour la population occidentale de ladite espèce, permettant en particulier la communication entre deux noyaux de reproduction très importants.

190    Ce rapport affirme que le risque de détérioration et de fermeture de ce corridor constitue l’une des principales menaces pesant sur le rétablissement de l’ours brun cantabrique, en ce qu’il pourrait en découler que la population occidentale soit fragmentée en deux sous- populations et même que l’espèce soit finalement divisée en trois populations.

191    Par conséquent, les bruits et les vibrations générés par les mines à ciel à ouvert «Feixolín», «Fonfría» et «Ampliación de Feixolín» ainsi que la fermeture du couloir de Leitariegos du fait de ces exploitations constituent des perturbations du SIC «Alto Sil», qui sont significatives au regard de la conservation de l’ours brun.

192    Dès lors que les mines à ciel ouvert «Feixolín» et «Fonfría» ont été autorisées avant que le régime de protection prévu par la directive «habitats» ne devienne applicable au site «Alto Sil» du fait de sa classification en tant que SIC au mois de décembre de l’année 2004, se pose la question de savoir si, à l’instar de ce qui a été indiqué au point 156 du présent arrêt pour ce qui concerne les atteintes subies par le grand tétras du fait des exploitations autorisées avant que le site n’ait été classé en ZPS au cours de l’année 2000, il est possible de justifier ces perturbations par une application par analogie de l’article 6, paragraphe 4, de la directive «habitats» dans le cadre de la procédure nationale dont il découlerait qu’une violation du paragraphe 2 de cet article ne peut pas être reprochée à l’État membre concerné.

193    Le Royaume d’Espagne, se fondant à cet égard sur l’analyse contenue dans le rapport de 2005, invoque à cet effet des raisons impératives d’intérêt public majeur pour maintenir les exploitations minières, à savoir la sécurité d’approvisionnement, le maintien de l’emploi et le caractère définitif des autorisations ainsi que des propositions de mesures visant à améliorer l’habitat de l’ours brun, notamment des mesures de végétation du couloir de Leitariegos.

194    Toutefois, il ressort du second alinéa de l’article 6, paragraphe 4, second alinéa, de la directive «habitats» que, lorsque le site concerné est un site abritant un type d’habitat naturel et/ou une espèce prioritaires, seules peuvent être invoquées des considérations liées à la santé de l’homme et à la sécurité publique ou à des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement, ou, après avis de la Commission, à d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur.

195    Il s’ensuit que, dès lors que le présent grief concerne l’ours brun en tant qu’espèce prioritaire protégée au titre du SIC «Alto Sil» depuis l’année 2004 et puisque le Royaume d’Espagne n’a pas invoqué des considérations de même nature que celles visées à l’article 6, paragraphe 4, second alinéa, de la directive «habitats», les perturbations constatées au point 191 du présent arrêt ne sauraient être justifiées au titre d’une procédure nationale dérogatoire analogue à celle prévue à cette disposition.

196    Par conséquent, la seconde branche du quatrième grief doit être accueillie s’agissant des mines du nord concernées par cette branche, à savoir «Feixolín», «Fonfría» et «Ampliación de Feixolín».

197    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater que:

–        en autorisant les exploitations minières à ciel ouvert «NuevaJulia» et «Ladrones» sans avoir subordonné l’octroi des autorisations y afférentes à la réalisation d’une évaluation permettant d’identifier, de décrire et d’évaluer, de manière appropriée, les effets directs, indirects et cumulatifs des projets d’exploitation à ciel ouvert existants, sauf, en ce qui concerne la mine «Ladrones», s’agissant de l’ours brun,

le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2, 3 et 5, paragraphes 1 et 3, de la directive 85/337 modifiée;

–        à compter de l’année 2000, date de désignation de la zone «Alto Sil» comme ZPS au titre de la directive «oiseaux»,

–        en ayant autorisé les exploitations minières à ciel ouvert «Nueva Julia» et «Ladrones», sans avoir subordonné l’octroi des autorisations y afférentes à la réalisation d’une évaluation appropriée des incidences possibles de ces projets et, en tout état de cause, sans avoir respecté les conditions dans lesquelles un projet peut être réalisé malgré le risque dudit projet pour le grand tétras, lequel constitue l’une des richesses naturelles ayant motivé la classification du site «Alto Sil» en tant que ZPS, à savoir l’absence de solutions alternatives, l’existence de raisons impératives d’intérêt public majeur et la communication à la Commission des mesures compensatoires nécessaires pour assurer la cohérence globale du réseau Natura 2000, et

–        en n’ayant pas adopté les mesures nécessaires pour éviter la détérioration des habitats, y compris ceux des espèces, et les perturbations significatives pour le grand tétras, dont la présence sur le site «Alto Sil» est à l’origine de la désignation de ladite ZPS, causées par les exploitations «Feixolín», «Salguero-Prégame-Valdesegadas» «Fonfría», «Ampliación de Feixolín» et «Nueva Julia»,

le Royaume d’Espagne a manqué, en ce qui concerne la ZPS «Alto Sil», aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive «habitats», en liaison avec l’article 7 de celle-ci, et

–        à compter du mois de décembre de l’année 2004, en n’ayant pas adopté les mesures nécessaires pour éviter la détérioration des habitats, y compris ceux des espèces, et les perturbations causées aux espèces par les exploitations «Feixolín», «Fonfría» et «Ampliación de Feixolín», le Royaume d’Espagne a manqué, en ce qui concerne le SIC «Alto Sil», aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats».

 Sur les dépens

198    Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 69, paragraphe 3, du même règlement, la Cour peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens, notamment si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

199    En l’espèce, il convient de tenir compte du fait que certains griefs de la Commission n’ont pas été accueillis.

200    Il y a lieu, par conséquent, de condamner le Royaume d’Espagne à supporter, outre ses propres dépens, les deux tiers des dépens de la Commission. La Commission supportera un tiers de ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête:

1)      En autorisant les exploitations minières à ciel ouvert «Nueva Julia» et «Ladrones» sans avoir subordonné l’octroi des autorisations y afférentes à la réalisation d’une évaluation permettant d’identifier, de décrire et d’évaluer, de manière appropriée, les effets directs, indirects et cumulatifs des projets d’exploitation à ciel ouvert existants, sauf, en ce qui concerne la mine «Ladrones», s’agissant de l’ours brun (Ursus arctos), le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2, 3 et 5, paragraphes 1 et 3, de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, telle que modifiée par la directive 97/11/CE du Conseil, du 3 mars 1997.

2)      À compter de l’année 2000, date de désignation de la zone «Alto Sil» comme zone de protection spéciale au titre de la directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages, telle que modifiée par la directive 97/49/CE de la Commission, du 29 juillet 1997,

–        en ayant autorisé les exploitations minières à ciel ouvert «Nueva Julia» et «Ladrones», sans avoir subordonné l’octroi des autorisations y afférentes à la réalisation d’une évaluation appropriée des incidences possibles de ces projets et, en tout état de cause, sans avoir respecté les conditions dans lesquelles un projet peut être réalisé malgré le risque dudit projet pour le grand tétras (Tetrao urogallus), lequel constitue l’une des richesses naturelles ayant motivé la classification du site «Alto Sil» en tant que zone de protection spéciale, à savoir l’absence de solutions alternatives, l’existence de raisons impératives d’intérêt public majeur et la communication à la Commission européenne des mesures compensatoires nécessaires pour assurer la cohérence globale du réseau Natura 2000, et

–        en n’ayant pas adopté les mesures nécessaires pour éviter la détérioration des habitats, y compris ceux des espèces, et les perturbations significatives pour le grand tétras, dont la présence sur le site «Alto Sil» est à l’origine de la désignation de ladite zone de protection spéciale, causées par les exploitations «Feixolín», «Salguero-Prégame-Valdesegadas», «Fonfría», «Ampliación de Feixolín» et «Nueva Julia»,

le Royaume d’Espagne a manqué, en ce qui concerne la zone de protection spéciale «Alto Sil», aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, en liaison avec l’article 7 de celle-ci.

3)      À compter du mois de décembre de l’année 2004, en n’ayant pas adopté les mesures nécessaires pour éviter la détérioration des habitats, y compris ceux des espèces, et les perturbations causées aux espèces par les exploitations «Feixolín», «Fonfría» et «Ampliación de Feixolín», le Royaume d’Espagne a manqué, en ce qui concerne le site d’importance communautaire «Alto Sil», aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43.

4)      Le recours est rejeté pour le surplus.

5)      Le Royaume d’Espagne est condamné à supporter, outre ses propres dépens, les deux tiers des dépens de la Commission européenne. La Commission européenne est condamnée à supporter un tiers de ses propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’espagnol.

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