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Document 62009CJ0118

Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 22 décembre 2010.
Robert Koller.
Demande de décision préjudicielle: Oberste Berufungs- und Disziplinarkommission - Autriche.
Notion de ‘juridiction nationale’ au sens de l’article 234 CE - Reconnaissance des diplômes - Directive 89/48/CEE - Avocat - Inscription au tableau de l’ordre professionnel d’un État membre différent de celui dans lequel le diplôme a été homologué.
Affaire C-118/09.

European Court Reports 2010 I-13627

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2010:805

Affaire C-118/09

Robert Koller

(demande de décision préjudicielle, introduite par

l'Oberste Berufungs- und Disziplinarkommission)

«Notion de ‘juridiction nationale’ au sens de l’article 234 CE — Reconnaissance des diplômes — Directive 89/48/CEE — Avocat — Inscription au tableau de l’ordre professionnel d’un État membre différent de celui dans lequel le diplôme a été homologué»

Sommaire de l'arrêt

1.        Questions préjudicielles — Saisine de la Cour — Juridiction nationale au sens de l'article 234 CE — Notion

(Art. 234 CE)

2.        Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Travailleurs — Reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur sanctionnant des formations professionnelles d'une durée minimale de trois ans — Directive 89/48 — Notion de «diplôme»

(Directive du Parlement européen et du Conseil 2001/19; directive du Conseil 89/48)

3.        Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Travailleurs — Reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur sanctionnant des formations professionnelles d'une durée minimale de trois ans — Directive 89/48 — Épreuve d'aptitude

(Directive du Parlement européen et du Conseil 2001/19; directive du Conseil 89/48)

1.        Pour apprécier si un organisme de renvoi possède le caractère d’une juridiction au sens de l’article 234 CE, question qui relève uniquement du droit de l’Union, la Cour tient compte d’un ensemble d’éléments, tels que l’origine légale de l’organisme, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de la procédure, l’application, par l’organisme, des règles de droit ainsi que son indépendance. A cet égard, l'Oberste Berufungs- und Disziplinarkommission (commission supérieure disciplinaire des avocats en Autriche), dont il est constant que sa juridiction est obligatoire, présente tous les éléments nécessaires pour pouvoir être qualifiée de juridiction au sens de l’article 234 CE.

(cf. points 22-23)

2.        En vue d’accéder, sous réserve de subir avec succès une épreuve d’aptitude, à la profession réglementée d’avocat dans l’État membre d’accueil, les dispositions de la directive 89/48, relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans, telle que modifiée par la directive 2001/19, peuvent être invoquées par le titulaire d’un titre délivré dans cet État membre et sanctionnant un cycle d’études postsecondaires de plus de trois ans, ainsi que d’un titre équivalent délivré dans un autre État membre après une formation complémentaire de moins de trois ans et l’habilitant à accéder, dans ce dernier État, à la profession réglementée d’avocat qu’il exerçait effectivement dans celui-ci à la date à laquelle il a demandé à être autorisé à présenter l’épreuve d’aptitude.

En effet, une telle personne est bien titulaire d’un «diplôme» au sens de l’article 1er, sous a), de la directive 89/48 modifiée. En particulier, le titre obtenu dans l'autre État membre dont se prévaut ledit titulaire atteste de l’acquisition par ce dernier d’une qualification supplémentaire par rapport à celle obtenue dans l'État membre d'accueil. Dès lors, s’il est vrai qu’un titre attestant de qualifications professionnelles ne peut être assimilé à un «diplôme» au sens de la directive 89/48 modifiée sans qu’il existe une acquisition, en tout ou en partie, de qualifications dans le cadre du système éducatif de l’État membre de délivrance de ce titre, tel n’est pas le cas du titre concerné. En outre, la circonstance que ce titre n’atteste pas d’une formation professionnelle de trois ans suivie dans l'autre État membre est dépourvue de pertinence à cet égard, dès lors que l’article 1er, sous a), premier alinéa, de ladite directive n’exige pas que le cycle d’études postsecondaires d’une durée minimale de trois ans, ou d’une durée équivalente à temps partiel, soit effectué dans un État membre autre que l’État membre d’accueil.

(cf. points 32-36, disp. 1)

3.        La directive 89/48, relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans, telle que modifiée par la directive 2001/19, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce que les autorités compétentes de l’État membre d’accueil refusent au titulaire d’un titre délivré dans cet État membre et sanctionnant un cycle d’études postsecondaires de plus de trois ans, ainsi que d’un titre équivalent délivré dans un autre État membre après une formation complémentaire de moins de trois ans et l’habilitant à accéder, dans ce dernier État, à la profession réglementée d’avocat qu’il exerçait effectivement dans celui-ci, l’autorisation de présenter une épreuve d’aptitude à la profession d’avocat en l’absence de preuve de l’accomplissement du stage pratique exigé par la réglementation de l'État membre d'accueil.

(cf. points 36, 41, disp. 2)







ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

22 décembre 2010 (*)

«Notion de ‘juridiction nationale’ au sens de l’article 234 CE – Reconnaissance des diplômes – Directive 89/48/CEE – Avocat – Inscription au tableau de l’ordre professionnel d’un État membre différent de celui dans lequel le diplôme a été homologué»

Dans l’affaire C‑118/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par l’Oberste Berufungs- und Disziplinarkommission (Autriche), par décision du 16 mars 2009, parvenue à la Cour le 1er avril 2009, dans la procédure engagée par

Robert Koller,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. J.-C. Bonichot, président de chambre, MM. K. Schiemann et L. Bay Larsen (rapporteur), juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–        pour M. Koller, par lui-même, abogado,

–        pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Pesendorfer, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement tchèque, par M. M. Smolek, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement grec, par Mmes E. Skandalou et S. Vodina, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement espagnol, par M. J. López-Medel Báscones, en qualité d’agent,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par MM. C. Hermes et H. Støvlbæk, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 2 juin 2010,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 89/48/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans (JO 1989, L 19, p. 16), telle que modifiée par la directive 2001/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 14 mai 2001 (JO L 206, p. 1, ci-après la «directive 89/48 modifiée»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Koller à la Rechtsanwaltsprüfungskommission de l’Oberlandesgericht Graz (commission chargée de l’examen d’accès à la profession d’avocat du tribunal régional supérieur de Graz) au sujet du refus du président de cette dernière de l’autoriser à passer l’épreuve d’aptitude à l’exercice de la profession d’avocat en Autriche ou de le dispenser de subir cette épreuve.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Aux termes de l’article 1er, sous a), b) et g), de la directive 89/48 modifiée:

«Aux fins de la présente directive, on entend:

a)      par diplôme, tout diplôme, certificat ou autre titre ou tout ensemble de tels diplômes, certificats ou autres titres:

–      qui a été délivré par une autorité compétente dans un État membre, désignée conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives de cet État,

–      dont il résulte que le titulaire a suivi avec succès un cycle d’études postsecondaires d’une durée minimale de trois ans, ou d’une durée équivalente à temps partiel, effectué dans une université ou un établissement d’enseignement supérieur ou dans un autre établissement d’un niveau équivalent de formation et, le cas échéant, qu’il a suivi avec succès la formation professionnelle requise en plus du cycle d’études postsecondaires, et

–      dont il résulte que le titulaire possède les qualifications professionnelles requises pour accéder à une profession réglementée dans cet État membre ou l’exercer,

dès lors que la formation sanctionnée par ce diplôme, certificat ou autre titre a été acquise dans une mesure prépondérante dans la Communauté […]

Est assimilé à un diplôme au sens du premier alinéa tout diplôme, certificat ou autre titre, ou tout ensemble de tels diplômes, certificats et autres titres, qui a été délivré par une autorité compétente dans un État membre dès lors qu’il sanctionne une formation acquise dans la Communauté et reconnue par une autorité compétente dans cet État membre comme étant de niveau équivalent, et qu’il y confère les mêmes droits d’accès à une profession réglementée ou d’exercice de celle-ci;

b)      par État membre d’accueil, l’État membre dans lequel un ressortissant d’un État membre demande à exercer une profession qui y est réglementée, sans y avoir obtenu le diplôme dont il fait état ou y avoir exercé pour la première fois la profession en cause;

[…]

g)      par épreuve d’aptitude, un contrôle concernant exclusivement les connaissances professionnelles du demandeur, qui est effectué par les autorités compétentes de l’État membre d’accueil et qui a pour but d’apprécier l’aptitude du demandeur à exercer dans cet État membre une profession réglementée.

Pour permettre ce contrôle, les autorités compétentes établissent une liste des matières qui, sur la base d’une comparaison entre la formation requise dans leur État et celle reçue par le demandeur, ne sont pas couvertes par le diplôme ou le ou les titres dont le demandeur fait état.

L’épreuve d’aptitude doit prendre en considération le fait que le demandeur est un professionnel qualifié dans l’État membre d’origine ou de provenance. Elle porte sur des matières à choisir parmi celles figurant sur la liste et dont la connaissance est une condition essentielle pour pouvoir exercer la profession dans l’État membre d’accueil. Cette épreuve peut également comprendre la connaissance de la déontologie applicable aux activités concernées dans l’État membre d’accueil. Les modalités de l’épreuve d’aptitude sont déterminées par les autorités compétentes dudit État dans le respect des règles du droit communautaire.

[…]»

4        L’article 3, sous a), de la directive 89/48 modifiée prévoit:

«Lorsque, dans l’État membre d’accueil, l’accès à une profession réglementée ou son exercice est subordonné à la possession d’un diplôme, l’autorité compétente ne peut refuser à un ressortissant d’un État membre, pour défaut de qualification, d’accéder à cette profession ou de l’exercer dans les mêmes conditions que les nationaux:

a)      si le demandeur possède le diplôme qui est prescrit par un autre État membre pour accéder à cette même profession sur son territoire ou l’y exercer et qui a été obtenu dans un État membre […]»

5        L’article 4, paragraphes 1 et 2, de ladite directive dispose:

«L’article 3 ne fait pas obstacle à ce que l’État membre d’accueil exige également du demandeur:

a)      qu’il prouve qu’il possède une expérience professionnelle, lorsque la durée de la formation dont il fait état en vertu de l’article 3 points a) et b) est inférieure d’au moins un an à celle requise dans l’État membre d’accueil. […]

[…]

b)      qu’il accomplisse un stage d’adaptation pendant trois ans au maximum ou se soumette à une épreuve d’aptitude:

–        lorsque la formation qu’il a reçue, selon l’article 3 points a) et b), porte sur des matières substantiellement différentes de celles couvertes par le diplôme requis dans l’État membre d’accueil, ou

–        lorsque, dans le cas prévu à l’article 3 point a), la profession réglementée dans l’État membre d’accueil comprend une ou plusieurs activités professionnelles réglementées qui n’existent pas dans la profession réglementée dans l’État membre d’origine ou de provenance du demandeur et que cette différence est caractérisée par une formation spécifique qui est requise dans l’État membre d’accueil et qui porte sur des matières substantiellement différentes de celles couvertes par le diplôme dont le demandeur fait état, ou

[…]

Si l’État membre d’accueil envisage d’exiger du demandeur qu’il accomplisse un stage d’adaptation ou passe une épreuve d’aptitude, il doit d’abord vérifier si les connaissances acquises par le demandeur au cours de son expérience professionnelle sont de nature à couvrir, en tout ou en partie, la différence substantielle visée au premier alinéa.

Si l’État membre d’accueil fait usage de cette possibilité, il doit laisser au demandeur le choix entre le stage d’adaptation et l’épreuve d’aptitude. Pour les professions dont l’exercice exige une connaissance précise du droit national et dont un élément essentiel et constant de l’activité est la fourniture de conseils et/ou d’assistance concernant le droit national, l’État membre d’accueil peut, par dérogation à ce principe, prescrire soit un stage d’adaptation, soit une épreuve d’aptitude. […]

2.      Toutefois, l’État membre d’accueil ne peut appliquer cumulativement les dispositions du paragraphe 1 points a) et b).»

 Le droit national

6        Le chapitre 3 de la loi fédérale sur la libre circulation des services et l’établissement d’avocats européens en Autriche (Bundesgesetz über den freien Dienstleistungsverkehr und die Niederlassung von europäischen Rechtsanwälten in Österreich, BGBl. I, 27/2000, dans sa version publiée au BGBl. I, 59/2004, ci-après l’«EuRAG») comporte notamment les articles 24 à 29 de cette loi. L’article 24 de l’EuRAG énonce:

«1.      Les ressortissants des États membres de l’Union européenne […] qui ont obtenu un diplôme dont il résulte que le titulaire remplit les conditions professionnelles requises pour l’accès direct à une profession mentionnée en annexe à la présente loi sont inscrits sur leur demande au tableau des avocats […], lorsqu’ils ont passé avec succès une épreuve d’aptitude.

2.      Par diplôme au sens du paragraphe 1, on entend tout diplôme, certificat ou autre titre, au sens de la directive 89/48 […]»

7        L’article 25 de l’EuRAG est libellé comme suit :

«L’épreuve d’aptitude est un examen national portant exclusivement sur les connaissances professionnelles du candidat, visant à évaluer sa capacité à exercer en Autriche la profession d’avocat. L’épreuve d’aptitude doit tenir compte du fait que le candidat dispose, dans un État membre de l’Union européenne, d’une qualification professionnelle pour exercer la profession d’avocat.»

8        L’article 27 de l’EuRAG prévoit:

«Le président de la commission d’examen décide, en accord avec l’ordre des avocats du barreau du siège de l’Oberlandesgericht, sur demande du candidat, si ce dernier est autorisé à présenter l’épreuve d’aptitude, au plus tard dans les quatre mois suivant le dépôt par le candidat d’un dossier complet.»

9        L’article 29 de l’EuRAG dispose:

«Le président de la commission d’examen, en accord avec l’ordre des avocats du barreau compétent en application de l’article 26, doit accorder au candidat qui en fait la demande une dispense d’épreuve pour toute matière pour laquelle il apporte la preuve que, dans sa formation ou son activité professionnelle antérieure, il a acquis les connaissances de droit matériel et procédural autrichien requises en Autriche pour l’exercice de la profession d’avocat.»

10      L’article 1er du règlement relatif à la profession d’avocat (Rechtsanwaltsordnung, RGBl. 96/1868, dans sa version publiée au BGBl. I, 128/2004, ci-après la «RAO») est rédigé comme suit:

«1)      Pour exercer la profession d’avocat en [Autriche], aucune nomination par une autorité n’est nécessaire, il faut simplement apporter la preuve que les conditions suivantes sont remplies et être inscrit au tableau des avocats […]

2)      Ces conditions sont les suivantes:

[…]

d)      le stage pratique, selon les modalités et la durée prévues par la législation;

e)      la réussite à l’examen d’avocat;

[…]»

11      En vertu de l’article 2, paragraphe 2, de la RAO, le stage pratique doit durer cinq ans, dont au moins neuf mois au sein d’une juridiction ou d’un parquet et au moins trois ans chez un avocat exerçant en Autriche.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

12      Le 25 novembre 2002, M. Koller, ressortissant autrichien, a obtenu de l’université de Graz (Autriche) le grade de «Magister der Rechtswissenschaften», à savoir un diplôme sanctionnant un cycle d’études universitaires en droit d’une durée d’au moins huit semestres.

13      Par décision du 10 novembre 2004, le ministère de l’Éducation et de la Science espagnol a reconnu l’équivalence du titre de «Magister der Rechtswissenschaften» avec celui de «Licenciado en Derecho», dans la mesure où le demandeur avait suivi des cours à l’université de Madrid (Espagne) et avait réussi des examens complémentaires conformément à la procédure d’homologation prévue par le droit interne espagnol.

14      Le 14 mars 2005, l’ordre des avocats du barreau de Madrid, ayant constaté que M. Koller détenait le titre de «Licenciado en Derecho», l’a autorisé à porter le titre d’«abogado».

15      Le 5 avril 2005, M. Koller a demandé à la Rechtsanwaltsprüfungskommission près l’Oberlandesgericht Graz l’autorisation de présenter l’épreuve d’aptitude à la profession d’avocat. Dans le même temps, il a sollicité la dispense prévue à l’article 29 de l’EuRAG pour l’ensemble des matières constituant l’examen d’aptitude.

16      Par décision du 11 août 2005, le président de ladite Rechtsanwaltsprüfungskommission a rejeté, sur le fondement de l’article 27 de l’EuRAG, la demande d’autorisation de passer l’épreuve d’aptitude. À cette époque, M. Koller exerçait la profession d’avocat en Espagne. Celui-ci a fait appel de cette décision devant l’Oberste Berufungs- und Disziplinarkommission (commission supérieure disciplinaire des avocats, ci-après l’«OBDK»).

17      Par décision du 31 janvier 2006, l’OBDK a rejeté les prétentions du demandeur. Cette commission s’est fondée, en premier lieu, sur le fait que, en Espagne, à la différence de la réglementation applicable en Autriche, il n’est pas nécessaire d’effectuer un stage pratique pour exercer la profession d’avocat. L’OBDK en a conclu que la demande de M. Koller avait pour objectif de contourner l’obligation de stage pratique de cinq ans exigée par ladite réglementation.

18      En second lieu, le titre de «Licenciado en Derecho» ne saurait suffire, selon l’OBDK, pour être admis à présenter l’épreuve d’aptitude, conformément au chapitre 3 de l’EuRAG. À cet égard, l’article 1er, sous a), deuxième tiret, de la directive 89/48 modifiée ferait la distinction entre le fait de suivre avec succès un cycle d’études postsecondaires d’une durée minimale de trois ans et la formation professionnelle requise en plus de ce cycle d’études. Dans ces conditions, il conviendrait de considérer que l’épreuve d’aptitude requise par l’EuRAG est un examen destiné exclusivement à évaluer les connaissances professionnelles du demandeur. Selon l’OBDK, M. Koller, dès lors qu’il ne dispose d’aucune connaissance professionnelle, ne saurait être admis à présenter l’épreuve d’aptitude. Enfin, la concomitance entre la demande d’autorisation de présenter l’épreuve d’aptitude et la demande de dispense viserait en réalité à contourner intentionnellement la législation autrichienne.

19      Par un arrêt du 13 mars 2008, le Verfassungsgerichtshof (Cour constitutionnelle, Autriche) a, sur le recours de M. Koller, annulé ladite décision de rejet au motif, notamment, de l’absence d’éléments indiquant un abus de la part du demandeur. En conséquence, l’OBDK doit statuer de nouveau sur la demande de M. Koller tendant à être autorisé à présenter l’épreuve d’aptitude à la profession d’avocat.

20      C’est dans ces circonstances que l’OBDK a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      La directive 89/48 […] doit-elle être appliquée dans la situation d’un ressortissant autrichien, lorsque celui-ci

a)      a terminé avec succès en Autriche un cycle universitaire en droit et s’est vu décerner par une décision à cet effet le grade académique de ‘Magister der Rechtswissenschaften’,

b)      a par la suite été autorisé, par un acte de reconnaissance du ministère de l’Éducation et de la Science [espagnol], après avoir passé des examens complémentaires dans une université espagnole, qui ont toutefois impliqué une durée de formation inférieure à trois ans, à porter le titre espagnol – équivalent du titre autrichien – de ‘Licenciado en Derecho’, et

c)      a obtenu, en se faisant inscrire auprès de l’ordre des avocats du barreau de Madrid, l’autorisation d’utiliser le titre professionnel d’‘abogado’ et a effectivement exercé la profession d’avocat en Espagne, et ce avant la présentation de la demande, pendant trois semaines, et, par rapport à la date de la décision de première instance, pendant cinq mois tout au plus.

2)      En cas de réponse affirmative à la première question:

L’interprétation de l’article 24 de l’EuRAG en ce sens que l’obtention d’un diplôme autrichien en droit ainsi que l’autorisation de porter le titre espagnol de ‘Licenciado en Derecho’, obtenue après avoir passé, sur une période de moins de trois ans, des examens complémentaires dans une université espagnole, ne suffisent pas pour être autorisé à se présenter à l’épreuve d’aptitude en Autriche, en application de l’article 24, paragraphe 1, de l’EuRAG, en l’absence de preuve de l’expérience pratique exigée par le droit national (article 2, paragraphe 2, de la RAO), même si le demandeur, en Espagne, est autorisé à exercer en tant qu’‘abogado’, sans exigence comparable d’expérience pratique, et y a exercé cette profession, avant la présentation de la demande, pendant trois semaines, et, par rapport à la date de la décision de première instance, pendant cinq mois tout au plus, est-elle compatible avec la directive 89/48 […]?»

 Sur la compétence de la Cour

21      À titre liminaire, il convient de vérifier si l’OBDK constitue une juridiction au sens de l’article 234 CE et si, par conséquent, la Cour est compétente pour se prononcer sur les questions qui lui sont posées par cette commission.

22      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, pour apprécier si l’organisme de renvoi possède le caractère d’une «juridiction» au sens de l’article 234 CE, question qui relève uniquement du droit de l’Union, la Cour tient compte d’un ensemble d’éléments, tels que l’origine légale de l’organisme, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de la procédure, l’application, par l’organisme, des règles de droit ainsi que son indépendance (voir, notamment, arrêts du 17 septembre 1997, Dorsch Consult, C‑54/96, Rec. p. I-4961, point 23; du 31 mai 2005, Syfait e.a., C‑53/03, Rec. p. I‑4609, point 29, ainsi que du 14 juin 2007, Häupl, C‑246/05, Rec. p. I‑4673, point 16).

23      Or, l’OBDK, dont il est constant que sa juridiction est obligatoire, présente, ainsi que l’a exposé Mme l’avocat général au point 52 de ses conclusions, tous les éléments nécessaires pour pouvoir être qualifiée de juridiction au sens de l’article 234 CE.

24      La Cour est dès lors compétente pour répondre aux questions posées par la juridiction de renvoi.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

25      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si, en vue d’accéder, sous réserve de subir avec succès une épreuve d’aptitude, à la profession réglementée d’avocat dans l’État membre d’accueil, les dispositions de la directive 89/48 modifiée peuvent être invoquées par le titulaire d’un titre délivré dans cet État membre et sanctionnant un cycle d’études postsecondaires de plus de trois ans, ainsi que d’un titre équivalent délivré dans un autre État membre après une formation complémentaire de moins de trois ans et l’habilitant à accéder, dans ce dernier État, à la profession réglementée d’avocat qu’il exerçait effectivement dans celui-ci à la date à laquelle il a demandé à être autorisé à présenter l’épreuve d’aptitude.

26      Il convient de rappeler que la notion de «diplôme», telle que définie à l’article 1er, sous a), de la directive 89/48 modifiée, constitue la clef de voûte du système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur prévu par cette directive (voir, notamment, arrêt du 23 octobre 2008, Commission/Espagne, C‑286/06, Rec. p. I‑8025, point 53).

27      Sous réserve des dispositions de l’article 4 de la directive 89/48 modifiée, l’article 3, premier alinéa, sous a), de cette dernière donne à tout demandeur qui est titulaire d’un «diplôme» au sens de cette directive, lui permettant d’exercer une profession réglementée dans un État membre, le droit d’exercer la même profession dans tout autre État membre (voir arrêt Commission/Espagne, précité, point 54).

28      S’agissant de qualifications telles que celles dont se prévaut M. Koller, il y a lieu de souligner que le «diplôme», au sens de l’article 1er, sous a), de la directive 89/48 modifiée, peut être constitué par un ensemble de titres.

29      Quant à la condition visée à l’article 1er, sous a), premier tiret, de la directive 89/48 modifiée, il convient de constater que dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 29 janvier 2009, Consiglio Nazionale degli Ingegneri (C‑311/06, Rec. p. I‑415), la Cour a jugé, au point 48 de cet arrêt, qu’elle était satisfaite en ce qui concerne les titres dont se prévalait une personne ayant demandé son inscription au tableau des ingénieurs en Italie, chacun des titres de cette dernière ayant été délivré par une autorité compétente, désignée conformément aux dispositions législatives respectivement italiennes et espagnoles. Ladite condition est également satisfaite en ce qui concerne des titres tels que ceux dont fait état M. Koller, chacun de ceux-ci ayant été décerné par une autorité compétente, désignée conformément aux dispositions législatives respectivement autrichiennes et espagnoles.

30      Pour ce qui est de la condition visée à l’article 1er, sous a), deuxième tiret, de la directive 89/48 modifiée, force est de constater qu’une personne telle que M. Koller, tout comme la Cour l’a également jugé au point 49 de l’arrêt Consiglio Nazionale degli Ingegneri, précité, à propos de la personne en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, satisfait à la condition selon laquelle le titulaire doit avoir suivi avec succès un cycle d’études postsecondaires d’une durée minimale de trois ans dans une université. Ce fait est, en effet, expressément attesté par le titre d’études qui a été délivré à l’intéressé par l’université de Graz.

31      S’agissant de la condition visée à l’article 1er, sous a), troisième tiret, de la directive 89/48 modifiée, il résulte de l’acte de reconnaissance établi par le ministère de l’Éducation et de la Science espagnol et, en tout état de cause, de l’inscription au tableau des avocats du barreau de Madrid de M. Koller, que ce dernier possède les qualifications professionnelles requises pour accéder à une profession réglementée en Espagne (voir, en ce sens, arrêt Consiglio Nazionale degli Ingegneri, précité, point 50).

32      Par ailleurs, contrairement au certificat d’homologation dont faisait état la personne en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Consiglio Nazionale degli Ingegneri, précité, qui ne sanctionnait aucune formation relevant du système éducatif espagnol et ne reposait ni sur un examen ni sur une expérience professionnelle acquise en Espagne, le titre espagnol dont se prévaut M. Koller atteste de l’acquisition par ce dernier d’une qualification supplémentaire par rapport à celle obtenue en Autriche.

33      Dès lors, s’il est vrai qu’un titre attestant de qualifications professionnelles ne peut être assimilé à un «diplôme» au sens de la directive 89/48 modifiée sans qu’il existe une acquisition, en tout ou en partie, de qualifications dans le cadre du système éducatif de l’État membre de délivrance de ce titre (voir, en ce sens, arrêt Consiglio Nazionale degli Ingegneri, précité, point 55), tel n’est pas le cas du titre invoqué par M. Koller dans l’affaire au principal.

34      En outre, la circonstance que ce titre espagnol n’atteste pas d’une formation professionnelle de trois ans suivie en Espagne est dépourvue de pertinence à cet égard. En effet, l’article 1er, sous a), premier alinéa, de ladite directive n’exige pas que le cycle d’études postsecondaires d’une durée minimale de trois ans, ou d’une durée équivalente à temps partiel, soit effectué dans un État membre autre que l’État membre d’accueil.

35      Ainsi, une personne telle que M. Koller est bien titulaire d’un «diplôme» au sens de l’article 1er, sous a), de la directive 89/48 modifiée.

36      Il convient, par conséquent, de répondre à la première question que, en vue d’accéder, sous réserve de subir avec succès une épreuve d’aptitude, à la profession réglementée d’avocat dans l’État membre d’accueil, les dispositions de la directive 89/48 modifiée peuvent être invoquées par le titulaire d’un titre délivré dans cet État membre et sanctionnant un cycle d’études postsecondaires de plus de trois ans, ainsi que d’un titre équivalent délivré dans un autre État membre après une formation complémentaire de moins de trois ans et l’habilitant à accéder, dans ce dernier État, à la profession réglementée d’avocat qu’il exerçait effectivement dans celui-ci à la date à laquelle il a demandé à être autorisé à présenter l’épreuve d’aptitude.

 Sur la seconde question

37      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 89/48 modifiée doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce que les autorités compétentes de l’État membre d’accueil refusent à une personne se trouvant dans une situation telle que celle du requérant au principal l’autorisation de présenter l’épreuve d’aptitude à la profession d’avocat en l’absence de preuve de l’accomplissement du stage pratique exigé par la réglementation de cet État membre.

38      En tant que titulaire d’un «diplôme» au sens de l’article 1er, sous a), de la directive 89/48 modifiée, une personne telle que M. Koller bénéficie, conformément à l’article 3, premier alinéa, sous a), de cette directive, d’un accès à la profession réglementée d’avocat dans l’État membre d’accueil.

39      Néanmoins, s’agissant d’une profession dont l’exercice requiert une connaissance précise du droit national et dont un élément essentiel et constant de l’activité est la fourniture de conseils et/ou d’assistance concernant le droit national, l’article 3 de la directive 89/48 modifiée ne fait pas obstacle, en application de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de celle-ci, à ce que l’État membre d’accueil exige également du demandeur qu’il se soumette à une épreuve d’aptitude, à condition que cet État vérifie préalablement si les connaissances acquises par le demandeur au cours de son expérience professionnelle sont de nature à couvrir, en tout ou en partie, la différence substantielle visée au premier alinéa de cette dernière disposition.

40      Or, dès lors que le demandeur est soumis, dans l’État membre d’accueil, à une épreuve d’aptitude, qui a précisément pour objet de permettre de s’assurer qu’il est apte à exercer la profession réglementée dans cet État membre, ce dernier ne saurait, en vertu de l’article 4 de la directive 89/48 modifiée, refuser à une personne se trouvant dans une situation telle que celle du requérant au principal l’autorisation de présenter une telle épreuve au motif qu’il n’a pas accompli le stage pratique exigé par la réglementation de cet État membre.

41      En conséquence, il y a lieu de répondre à la seconde question que la directive 89/48 modifiée doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce que les autorités compétentes de l’État membre d’accueil refusent à une personne se trouvant dans une situation telle que celle du requérant au principal l’autorisation de présenter l’épreuve d’aptitude à la profession d’avocat en l’absence de preuve de l’accomplissement du stage pratique exigé par la réglementation de cet État membre.

 Sur les dépens

42      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

1)      En vue d’accéder, sous réserve de subir avec succès une épreuve d’aptitude, à la profession réglementée d’avocat dans l’État membre d’accueil, les dispositions de la directive 89/48/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans, telle que modifiée par la directive 2001/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 14 mai 2001, peuvent être invoquées par le titulaire d’un titre délivré dans cet État membre et sanctionnant un cycle d’études postsecondaires de plus de trois ans, ainsi que d’un titre équivalent délivré dans un autre État membre après une formation complémentaire de moins de trois ans et l’habilitant à accéder, dans ce dernier État, à la profession réglementée d’avocat qu’il exerçait effectivement dans celui-ci à la date à laquelle il a demandé à être autorisé à présenter l’épreuve d’aptitude.

2)      La directive 89/48, telle que modifiée par la directive 2001/19, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce que les autorités compétentes de l’État membre d’accueil refusent à une personne se trouvant dans une situation telle que celle du requérant au principal l’autorisation de présenter l’épreuve d’aptitude à la profession d’avocat en l’absence de preuve de l’accomplissement du stage pratique exigé par la réglementation de cet État membre.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.

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