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Document 62008TJ0461

Arrêt du Tribunal (quatrième chambre) du 20 septembre 2011.
Evropaïki Dynamiki - Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE contre Banque européenne d'investissement (BEI).
Marchés publics de services - Procédure d’appel d’offres - Prestation de service d’aide à la maintenance, au support et au développement d’un système informatique - Rejet de l’offre d’un soumissionnaire - Attribution du marché à un autre soumissionnaire - Recours en annulation - Recevabilité - Compétence - Obligation de motivation - Droit à un recours effectif - Transparence - Proportionnalité - Égalité de traitement et non-discrimination - Critères de sélection et d’attribution - Recours en indemnité - Recevabilité - Manque à gagner.
Affaire T-461/08.

European Court Reports 2011 II-06367

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2011:494

Affaire T-461/08

Evropaïki Dynamiki Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE

contre

Banque européenne d'investissement (BEI)

« Marchés publics de services — Procédure d’appel d’offres — Prestation de service d’aide à la maintenance, au support et au développement d’un système informatique — Rejet de l’offre d’un soumissionnaire — Attribution du marché à un autre soumissionnaire — Recours en annulation — Recevabilité — Compétence — Obligation de motivation — Droit à un recours effectif — Transparence — Proportionnalité — Égalité de traitement et non-discrimination — Critères de sélection et d’attribution — Recours en indemnité — Recevabilité — Manque à gagner »

Sommaire de l'arrêt

1.      Recours en annulation — Actes susceptibles de recours — Actes produisant des effets juridiques obligatoires — Actes de la Banque européenne d'investissement

(Art. 225, § 1, CE, 230 CE et 237, b) et c), CE)

2.      Recours en indemnité — Autonomie par rapport au recours en annulation — Limites — Demande en réparation de dommages causés par la Banque européenne d'investissement agissant en tant que pouvoir adjudicateur

(Art. 225, § 1, CE, 235 CE et 288, al. 2, CE)

3.      Recours en annulation — Conditions de recevabilité — Intérêt à agir — Examen d'office par le juge — Application par analogie aux recours contenant accessoirement une demande en indemnité

(Art. 230 CE; règlement de procédure du Tribunal, art. 113)

4.      Recours en annulation — Intérêt à agir — Recours dirigé contre une décision exécutée

(Art. 230 CE et 233 CE)

5.      Marchés publics des Communautés européennes — Procédure d'appel d'offres — Contestation de la légalité du cahier des charges

(Art. 230, al. 4, CE)

6.      Banque européenne d'investissement — Procédures de passation de marchés publics financées par des ressources propres de la Banque — Dispositions applicables

(Art. 28 CE, 43 CE et 49 CE; charte des droits fondamentaux de l'Union européenne; règlement du Conseil nº 1605/2002, art. 88, § 1; directive du Parlement européen et du Conseil 2004/18)

7.      Actes des institutions — Motivation — Obligation — Portée

(Art. 230, al. 5, CE et 253 CE)

8.      Marchés publics des Communautés européennes — Procédure d'appel d'offres — Droit des soumissionnaires à une protection juridictionnelle effective — Portée

(Art. 225, § 1, CE, 242 CE, 243 CE et 253 CE)

9.      Marchés publics des Communautés européennes — Procédure d'appel d'offres — Droit des soumissionnaires à une protection juridictionnelle effective — Droit de recours contre la décision attribuant le marché à un autre soumissionnaire

10.    Banque européenne d'investissement — Procédures de passation de marchés publics financées par des ressources propres de la Banque — Attribution des marchés — Attribution à l'offre économiquement la plus avantageuse — Critères — Choix par le pouvoir adjudicateur — Limites

11.    Recours en annulation — Moyens — Violation des principes d'égalité de traitement et de transparence — Procédure d'appel d'offres

12.    Responsabilité non contractuelle — Conditions — Lien de causalité — Préjudice résultant, pour un soumissionnaire, de la perte d'un marché dans le cadre d'une procédure d'appel d'offres — Absence de preuve du lien entre ce préjudice et la décision illégale d'attribution dudit marché à un autre soumissionnaire

(Art. 266 TFUE et 340, al. 2, TFUE)

1.      La nécessité d’un contrôle complet de la légalité des actes communautaires exige d’interpréter l’article 225, paragraphe 1, CE et l’article 230 CE en ce sens qu’ils n’excluent pas la compétence du Tribunal pour connaître d’un recours en annulation d’un acte, relevant de la gestion des affaires courantes de la Banque européenne d'investissement par le comité de direction, qui produit des effets juridiques définitifs à l’égard d’un tiers.

Bien que n’étant pas une institution de la Communauté, la Banque n’en constitue pas moins un organisme communautaire institué et revêtu de la personnalité juridique par le traité et c’est à ce titre qu’elle se trouve soumise au contrôle de la Cour de justice, notamment dans les termes prévus à l’article 237, sous b), CE. Les actes formellement adoptés au sein de la Banque par des organes autres que ceux visés à l’article 237, sous b) et c), CE, à savoir des organes autres que le conseil des gouverneurs ou le conseil d’administration, doivent donc être susceptibles de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel s’ils sont définitifs et produisent des effets juridiques à l’égard de tiers.

(cf. points 46, 50, 52)

2.      Si, dans le système des voies de droit instauré par le traité, le recours en indemnité constitue une voie de droit autonome par rapport au recours en annulation, il n’en reste pas moins qu'il y a lieu de tenir compte du « lien direct » ou de la « complémentarité » existant entre le recours en annulation et le recours en indemnité, lorsque ce lien ou cette complémentarité existent, ainsi que du caractère accessoire du second par rapport au premier au stade de l’appréciation de la recevabilité de ces recours, aux fins d’éviter que le sort du recours en indemnité ne soit artificiellement dissocié de celui du recours en annulation, dont il n’est pourtant que l’accessoire ou le complément.

Dans la mesure où des dommages qui auraient été causés par la Banque européenne d'investissement à un requérant trouveraient leur origine dans l'exercice par la Banque d'activités qui participent à l'exécution des missions de l'administration communautaire et qui relèvent de l'intervention de cette administration en tant que pouvoir adjudicateur et que lesdits dommages ne résultent donc pas de l'exercice, par la Banque, de ses activités ou de ses opérations dans le domaine financier, le Tribunal est compétent pour statuer sur une demande en indemnité introduite à l’encontre de la Banque, sur le fondement de l’article 225, paragraphe 1, CE, de l’article 235 CE et de l’article 288, deuxième alinéa, CE, lorsqu’une telle demande présente un caractère accessoire par rapport à une demande en annulation d’un acte de la Banque produisant des effets de droit définitifs à l’égard de tiers, elle-même recevable.

(cf. points 55-58)

3.      Les conditions de recevabilité d’un recours, notamment le défaut d’intérêt à agir, relevant des fins de non-recevoir d’ordre public, il appartient au Tribunal de vérifier d’office si les parties requérantes ont un intérêt à obtenir l’annulation de la décision attaquée. Cette solution est applicable, par analogie, aux demandes en annulation formulées dans le cadre de recours contenant, accessoirement, une demande en indemnité.

(cf. point 62)

4.      Même dans l’hypothèse où, dans le cadre d'une procédure d'appel d'offres, une décision d’attribution aurait été pleinement exécutée en faveur d’autres compétiteurs, un soumissionnaire conserve un intérêt à voir annuler cette décision, soit pour obtenir du pouvoir adjudicateur une remise en état adéquate de sa situation, soit pour amener le pouvoir adjudicateur à apporter, à l’avenir, les modifications appropriées aux procédures d’appel d’offres, au cas où celles-ci seraient reconnues comme étant contraires à certaines exigences juridiques.

Le fait que le contrat portant sur l’exécution d’un marché public a été signé, voire exécuté, avant le prononcé de la décision mettant fin au recours introduit par un soumissionnaire évincé contre la décision d’attribution dudit marché, et que le pouvoir adjudicateur est contractuellement lié à l’attributaire ne fait pas obstacle à l’obligation qui incombe au pouvoir adjudicateur, en vertu de l’article 233 CE, si le recours au principal est accueilli, d’arrêter les mesures nécessaires pour assurer une protection appropriée des intérêts du soumissionnaire évincé.

Lorsque, à la suite du recours d’un soumissionnaire évincé d’un marché public, la décision d’attribution est annulée, mais que le pouvoir adjudicateur n’est plus en mesure de rouvrir la procédure d’appel d’offres portant sur le marché public en cause, les intérêts de ce soumissionnaire peuvent être sauvegardés, par exemple, par une compensation pécuniaire correspondant à la perte de chance de se voir attribuer le marché ou, s’il peut être établi de manière certaine que le soumissionnaire devait se voir attribuer le marché, au manque à gagner. En effet, il peut être attribué une valeur économique à la perte de chance de se voir attribuer un marché public, subie par un soumissionnaire évincé dudit marché par l’effet d’une décision illégale.

(cf. points 64-66)

5.      Un document d’appel à la concurrence, tel qu’un cahier des charges, ne peut être considéré comme un acte qui concerne chaque soumissionnaire de manière individuelle. En effet, à l’instar de l’ensemble des documents d’appel à la concurrence émis par le pouvoir adjudicateur, le cahier des charges s’applique à des situations déterminées objectivement et comporte des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite. Il présente donc un caractère général et sa communication individuelle aux soumissionnaires par le pouvoir adjudicateur ne permet pas d’individualiser chacun de ces soumissionnaires par rapport à toute autre personne, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE. Dès lors, le cahier des charges n'est pas un acte susceptible de faire l'objet d'un recours direct au titre de cette disposition. Par conséquent, la décision de rejet de l'offre d'un soumissionnaire est le premier acte attaquable et, partant, le premier acte autorisant ce soumissionnaire à contester incidemment la légalité de la formule utilisée lors de l’évaluation comparative des offres qui a été retenue par le pouvoir adjudicateur dans le cahier des charges.

(cf. points 73-74)

6.      Une procédure de passation de marchés publics de la Banque européenne d'investissement, financée sur les ressources propres de la Banque, n’est assujettie ni aux dispositions du titre IV de la deuxième partie du règlement nº 1605/2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes, tel que modifié, ni, a fortiori, aux dispositions du titre III de la deuxième partie du règlement nº 2342/2002, établissant les modalités d'exécution du règlement financier, tel que modifié. Ces dispositions ne sont applicables qu’au budget général des Communautés européennes et, ainsi qu’il résulte de l’article 88, paragraphe 1, du règlement financier, les marchés publics qui y sont assujettis correspondent aux seuls contrats qui sont financés, en tout ou partie, par ledit budget général.

Il n’en reste pas moins que les procédures de passation de marchés publics de la Banque doivent être conformes aux règles fondamentales du traité et aux principes généraux du droit, ainsi qu’aux objectifs de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, concernant notamment la libre circulation des marchandises (article 28 CE), le droit d’établissement (article 43 CE), la libre prestation de services (article 49 CE), la non-discrimination et l’égalité de traitement, la transparence et la proportionnalité.

En outre, même si les directives concernant la passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services ne régissent que des marchés passés par les entités ou les pouvoirs adjudicateurs des États membres et ne sont pas directement applicables aux marchés publics passés par l’administration communautaire, les règles ou principes édictés ou dégagés dans le cadre de ces directives peuvent être invoqués à l’encontre de ladite administration lorsqu’ils n’apparaissent, eux-mêmes, que comme l’expression spécifique de règles fondamentales du traité et de principes généraux du droit qui s’imposent directement à l’administration communautaire. En effet, dans une communauté de droit, l’application uniforme du droit est une exigence fondamentale et tout sujet de droit est soumis au principe du respect de la légalité. Par ailleurs, les règles ou principes édictés ou dégagés dans le cadre de ces directives peuvent être invoqués à l’encontre de l’administration communautaire lorsque, dans l’exercice de son autonomie fonctionnelle et institutionnelle, et dans les limites des attributions qui lui sont conférées par le traité, celle-ci a adopté un acte qui renvoie expressément, pour régir les marchés publics qu’elle passe pour son propre compte, à certaines règles ou à certains principes énoncés dans les directives et par l’effet duquel lesdites règles et lesdits principes trouvent à s’appliquer, conformément au principe patere legem quam ipse fecisti.

Par ailleurs, il ressort du Guide pour la passation des marchés de services, de fournitures et de travaux par la Banque européenne d'investissement pour son propre compte, que, quoique la directive 2004/18, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, ne s’applique pas en tant que telle à la Banque, elle constitue une référence appropriée pour l’établissement des procédures de la Banque. Le Guide édicte des règles de portée générale qui produisent des effets juridiques à l’égard des tiers, notamment ceux qui décident de soumissionner à un marché public financé, en tout ou partie, par les ressources propres de la Banque, de même qu’il lie juridiquement la Banque lorsque celle-ci décide de passer un marché public pour son propre compte. Par conséquent, lorsque la Banque intervient en faisant appel aux marchés des capitaux et à ses ressources propres, notamment lorsqu’elle passe des marchés publics pour son propre compte, elle est soumise tant aux règles fondamentales du traité, aux principes généraux du droit et aux objectifs de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qu’aux dispositions du Guide, telles qu’interprétées à la lumière des principes que lesdites dispositions visent à mettre en œuvre et, le cas échéant, des dispositions de la directive 2004/18 auxquelles ces dispositions renvoient.

(cf. points 87-90, 92-93)

7.      Lorsque l'administration communautaire dispose d'un large pouvoir d'appréciation, le respect des garanties conférées par l'ordre juridique communautaire dans les procédures administratives revêt une importance d'autant plus fondamentale. Parmi ces garanties, figure, notamment, l'obligation pour ladite administration de motiver de façon suffisante ses décisions.

Or, il résulte du Guide pour la passation des marchés de services, de fournitures et de travaux par la Banque européenne d'investissement pour son propre compte que, sur demande de la partie concernée, la Banque communique, dans les quinze jours suivant la réception de la demande écrite à tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’adjudicataire ou des parties à l’accord-cadre.

Cette façon de procéder est conforme à la finalité de l’obligation de motivation inscrite à l’article 253 CE. Dans le contexte des procédures d’appel d’offres, le fait que les soumissionnaires intéressés ne reçoivent une décision motivée qu’en réponse à une demande expresse de leur part ne restreint nullement la possibilité dont ils disposent de faire valoir leurs droits devant le Tribunal. En effet, le délai de recours prévu à l’article 230, cinquième alinéa, CE commence à courir seulement au moment de la notification de la décision motivée, à condition que le soumissionnaire ait introduit sa demande d’obtenir une décision motivée dans un délai raisonnable après avoir pris connaissance du rejet de son offre.

Toutefois, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont il dispose dans le cadre des procédures d’appel d’offres, le pouvoir adjudicateur est tenu de fournir une motivation suffisante aux soumissionnaires écartés qui en font la demande, ce qui suppose qu’il veille soigneusement à refléter, dans les motifs qu’il communique, tous les éléments sur lesquels il a fondé sa décision.

À cet égard, une lettre de la Banque envoyée au soumissionnaire écarté et lui communiquant le nom du soumissionnaire retenu, les pondérations relatives des critères d'attribution et la ventilation des points attribués, si elle peut constituer un début d'explication, ne peut toutefois pas être considérée comme étant suffisante au regard de l'exigence selon laquelle la motivation doit faire apparaître, d'une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l'auteur de l'acte. Une telle décision de rejet de l'offre du soumissionnaire est, dans ces conditions, entachée d’une insuffisance de motivation et, partant, viole les dispositions dudit Guide et, plus généralement, l’obligation de motivation inscrite à l’article 253 CE.

(cf. points 100, 106-108, 112, 114, 116)

8.      Dans le cadre des procédures d’appel d’offres, il convient de protéger les soumissionnaires contre l’arbitraire du pouvoir adjudicateur, en leur garantissant que les décisions illégales prises par ce dernier puissent faire l’objet de recours efficaces et aussi rapides que possible.

Tout d'abord, une protection juridique complète des soumissionnaires contre l’arbitraire du pouvoir adjudicateur suppose l’obligation d’informer l’ensemble des soumissionnaires de la décision d’attribution du marché avant la conclusion du contrat, afin que ceux-ci disposent d’une réelle possibilité d’intenter un recours ayant pour objet l’annulation de cette décision, lorsque les conditions qui y sont afférentes sont réunies. Ensuite, cette protection juridique complète exige de prévoir la possibilité pour le soumissionnaire écarté d’examiner en temps utile la question de la validité de la décision d’attribution, ce qui suppose qu’un délai raisonnable doit s’écouler entre le moment où la décision d’attribution est communiquée aux soumissionnaires écartés et la signature du contrat, afin notamment de permettre à ces derniers d’introduire une demande en référé, au titre des dispositions combinées des articles 242 CE et 243 CE, ainsi que de l’article 225, paragraphe 1, CE, visant à ce que le juge des référés ordonne le sursis à l’exécution de la décision de rejet de l'offre des soumissionnaires écartés jusqu’à ce que le juge du fond se prononce sur leur recours principal en annulation de cette décision. En effet, le droit à une protection juridictionnelle complète et effective implique que puisse être assurée la protection provisoire des justiciables, si elle est nécessaire pour garantir la pleine efficacité de la décision à intervenir au principal, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par les juridictions compétentes. Enfin, pour que l’exigence d’une protection juridictionnelle effective soit préservée, il faut que le pouvoir adjudicateur respecte l’obligation de motivation qui lui incombe en fournissant une motivation suffisante à tout soumissionnaire écarté qui en fait la demande, afin que ce dernier puisse user de ce droit dans les meilleures conditions possibles et se voie reconnaître la faculté de décider, en pleine connaissance de cause, s’il est utile pour lui de saisir le juge compétent.

(cf. points 119-122)

9.      Dans le cadre de la passation d'un marché public, le droit d'un soumissionnaire évincé à un recours effectif contre la décision qui attribue le marché à un autre soumissionnaire de même que l'obligation corrélative qui incombe au pouvoir adjudicateur de lui communiquer, sur demande, les motifs de sa décision doivent être regardés comme des formes substantielles, dans la mesure où celles-ci entourent l'élaboration de la décision d'attribution de garanties qui permettent l'exercice d'un contrôle effectif sur l'impartialité de la procédure d'appel d'offres ayant abouti à cette décision. Le non-respect par le pouvoir adjudicateur de ces formes substantielles doit entraîner l'annulation de la décision en cause.

(cf. points 130-131)

10.    La faculté laissée à la Banque européenne d'investissement de choisir librement les critères d’attribution sur la base desquels elle entend attribuer les marchés publics qu’elle passe, pour son propre compte, lui permet de prendre en considération la nature, l’objet et les spécificités propres à chaque marché.

Cependant, il importe de tenir compte des règles applicables au déroulement de la procédure d'appel d'offres énoncées dans le Guide pour la passation des marchés de services, de fournitures et de travaux par la Banque européenne d'investissement pour son propre compte et visant à garantir que la faculté laissée à la Banque dans le choix des critères d’attribution s’exerce dans le respect des principes d’égalité de traitement et de transparence au stade de l’évaluation des offres en vue de l’attribution du marché. Le but de ces dispositions est, en effet, d'une part, de permettre à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents d’interpréter les critères d’attribution de la même manière et de disposer, par conséquent, des mêmes chances dans la formulation des termes de leur offre et, d'autre part, de garantir le respect du principe de proportionnalité.

S’il est vrai que les critères pouvant être retenus par le pouvoir adjudicateur lorsque l’attribution se fait à l’offre économiquement la plus avantageuse ne sont pas énumérés de manière limitative dans ledit Guide et que celui-ci laisse au pouvoir adjudicateur la faculté de choisir les critères d’attribution du marché public qui lui semblent les mieux appropriés, ce choix ne peut porter que sur des critères qui visent à identifier l'offre économiquement la plus avantageuse. Partant, sont exclus, en tant que critères d’attribution, des critères qui ne visent pas à identifier l’offre économiquement la plus avantageuse, mais sont liés essentiellement à l’appréciation de l’aptitude des soumissionnaires à exécuter le marché en question, qui relèvent de la phase de sélection des soumissionnaires et qui ne peuvent pas être pris en compte aux fins de l’évaluation comparative des offres.

Si l’offre d’un soumissionnaire, qui n’a pas été exclu de la procédure d’appel d’offres et répond aux critères de sélection énoncés dans l’avis de marché ou le cahier des charges, n’apparaît pas, du point de vue du pouvoir adjudicateur, comme étant économiquement la plus avantageuse, au regard des critères d’attribution énoncés dans l’avis de marché ou le cahier des charges, elle doit être écartée par le pouvoir adjudicateur, celui-ci n’étant toutefois pas autorisé à altérer l’économie générale du marché en modifiant l’une des conditions essentielles de son attribution. En effet, si le pouvoir adjudicateur était autorisé à modifier à son gré, lors de la procédure d’appel d’offres, les conditions mêmes de l’attribution, telles que les pondérations relatives aux critères d'attribution, en l’absence d’habilitation expresse en ce sens figurant dans les dispositions pertinentes applicables, les termes régissant l’attribution du marché, tels que stipulés initialement, seraient dénaturés. De plus, une telle pratique entraînerait inéluctablement une violation des principes de transparence et d’égalité de traitement des soumissionnaires, puisque l’application uniforme des conditions d’attribution et l’objectivité de la procédure ne seraient plus garanties.

(cf. points 137-138, 141-142, 160)

11.    Lorsque, dans le cadre d'une procédure en annulation d'une décision d'attribution d'un marché public de la Banque européenne d'investissement, le Tribunal ne dispose d'aucun élément lui permettant de conclure ou d'exclure avec certitude que les modifications de l'offre du soumissionnaire retenu et des pondérations relatives des critères techniques et du critère financier, antérieurement à l'adoption de la décision attaquée, ont été de nature à fausser l'évaluation comparative des offres au détriment des soumissionnaires évincés, de telle sorte que le résultat de la procédure d'appel d'offres en aurait été affecté, une telle incertitude doit être mise à la charge de la Banque en tant que pouvoir adjudicateur.

(cf. point 181)

12.    Dès lors que, dans le cadre d'un recours en indemnité, il n'est pas possible de constater l'existence d'un lien de causalité entre l'adoption, par le pouvoir adjudicateur, d'une décision écartant un soumissionnaire d'une procédure d'appel d'offres pour l'attribution d'un marché public, entachée d'illégalité, et le dommage invoqué par la partie requérante résultant de la perte du marché lui-même, celle-ci n'est pas fondée à demander une indemnité en réparation du préjudice résultant de ce qu'elle n'a pas conclu de contrat avec le pouvoir adjudicateur, ni a fortiori exécuté le marché.

Cela est sans préjudice de la compensation qui pourrait être due à la partie requérante, en application de l’article 266 TFUE, au titre d'une remise en l'état adéquate de sa situation, à la suite de l'annulation de la décision attaquée.

(cf. points 212, 214)







ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

20 septembre 2011(*)

« Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres – Prestation de service d’aide à la maintenance, au support et au développement d’un système informatique – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire – Attribution du marché à un autre soumissionnaire – Recours en annulation – Recevabilité – Compétence – Obligation de motivation – Droit à un recours effectif – Transparence – Proportionnalité – Égalité de traitement et non‑discrimination – Critères de sélection et d’attribution – Recours en indemnité – Recevabilité – Manque à gagner »

Dans l’affaire T‑461/08,

Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE, établie à Athènes (Grèce), représentée par Mes N. Korogiannakis et P. Katsimani, avocats,

partie requérante,

contre

Banque européenne d’investissement (BEI), représentée par MM. C. Gómez de la Cruz et T. Pietilä, en qualité d’agents, assistés de MJ. Stuyck, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision de la BEI du 31 janvier 2008 de ne pas retenir l’offre soumise par la requérante dans le cadre d’un appel d’offres concernant la prestation de services destinés à fournir une aide à la maintenance, au support et au développement d’un système informatique et d’attribuer le marché à un autre soumissionnaire, introduite sur le fondement des articles 225 CE et 230 CE, et, d’autre part, une demande en indemnité, introduite sur le fondement des articles 225 CE, 235 CE et 288 CE,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová (rapporteur), président, K. Jürimäe et M. M. van der Woude, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 novembre 2010,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE, est une société de droit grec, active dans le domaine des technologies de l’information et des communications.

2        Par un avis de marché du 13 septembre 2007, publié au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO S 176) sous la référence 2007/S 176‑215155, la Banque européenne d’investissement (BEI) a lancé un appel d’offres concernant la prestation de services destinés à fournir une « [a]ide à la maintenance, au support et au développement du système ‘Loans Front Office’ (Serapis) ». Selon la description figurant dans l’avis de marché et dans le cahier des charges relatif audit appel d’offres, le « Système efficace et rapide d’accès aux prêts et aux informations de support » (Serapis) est la partie hypertexte de l’application informatique (Front Office) de la BEI dans le domaine des prêts. Il est conçu comme un portail intégré de gestion de l’information dans le domaine des « prêts » pour les services compétents de la BEI, qui incluent les directions « Financements en Europe », « Financements hors Europe », « Gestion des risques » et « Projets » ainsi que le service juridique. Il sert de support au processus interne en matière de prêts, depuis la conception d’une opération, en passant par son évaluation (validation) et jusqu’à la présentation de la « Note conjointe » (signature), qui donne ensuite lieu à la procédure prévue dans le cadre de la partie de l’application informatique de la BEI, dénommée « Force prêts », qui permet aux personnes responsables dudit système de l’administrer et de le gérer (Back Office).

3        L’avis de marché prévoyait la conclusion d’un accord-cadre d’une durée de quatre ans avec le soumissionnaire retenu et l’attribution à ce dernier de marchés fondés sur l’accord-cadre et correspondant à des commandes spécifiques pour des projets précis. L’avis de marché et le cahier des charges précisaient que le marché serait attribué au soumissionnaire qui soumettrait l’offre économiquement la plus avantageuse, appréciée en fonction des critères d’attribution énoncés dans le cahier des charges. Ce dernier indiquait la pondération relative des critères d’attribution, à savoir 75 % des points pour les critères techniques, dont 15 % des points pour le critère intitulé « Processus de gestion de la qualité », 45 % des points pour le critère intitulé « Niveau de conformité des compétences et qualifications du personnel proposé » et 15 % des points pour le critère intitulé « Capacité à fournir une équipe issue de ses ressources propres », et 25 % des points pour le critère financier.

4        Par courrier en date du 31 octobre 2007, la BEI a communiqué à toutes les personnes ayant introduit des demandes de clarification relatives à l’appel d’offres une liste de « Questions et réponses » relatives à l’appel d’offres en cause.

5        Le 9 novembre 2007, date limite fixée pour la réception des offres (point IV.3.4 de l’avis de marché), la requérante a soumis une offre.

6        Au total, sept offres ont été reçues par la BEI et examinées par le comité d’évaluation. Au cours des deux premières étapes de la procédure, à savoir la phase d’exclusion (point 6.1 du cahier des charges) et la phase de sélection (point 6.2 du cahier des charges), tous les soumissionnaires ont été retenus. Au cours de la dernière étape, à savoir la phase d’évaluation comparative des offres et d’attribution du marché (point 7 du cahier des charges), pour laquelle il était prévu, dans un premier temps, d’examiner les offres des soumissionnaires retenus au regard des seuls critères techniques et d’écarter celles n’atteignant pas les seuils minimaux définis par le cahier des charges et, dans un deuxième temps, d’examiner les offres n’ayant pas été écartées lors de leur évaluation technique au regard du critère financier, seules cinq offres, dont celle de la requérante, ont été examinées au regard dudit critère, les deux autres offres n’ayant pas atteint les seuils minimaux définis dans le cahier des charges lors de l’évaluation technique. À l’issue de l’évaluation comparative des offres, le comité d’évaluation a attribué la meilleure note globale à l’offre de Sybase BVBA (ci-après le « soumissionnaire retenu »), l’offre de la requérante étant classée en deuxième position. Au vu de l’évaluation menée par le comité d’évaluation, la BEI a pris la décision, le 31 janvier 2008, de ne pas retenir l’offre soumise par la requérante et d’attribuer le marché au soumissionnaire retenu (ci-après, la « décision attaquée »), après avoir discuté certains éléments de son offre avec ce dernier lors d’une réunion qui s’est tenue le 29 janvier 2008.

7        Le 18 février 2008, la BEI a envoyé des courriers à l’ensemble des soumissionnaires, à l’exception de la requérante, pour les informer de ce que le marché avait été attribué au soumissionnaire retenu.

8        Les 12 et 17 juin 2008, l’accord-cadre a été signé respectivement par la BEI et le soumissionnaire retenu et a pris effet le 16 juin 2008.

9        Par lettre du 31 juillet 2008, après avoir pris connaissance de l’avis d’attribution de marché publié au Supplément au Journal officiel (JO S 144) sous la référence 2008/S 144‑192307, la requérante s’est plainte auprès de la BEI du non-respect du cahier des charges et du droit applicable aux procédures d’appel d’offres, en ce qu’elle n’avait pas été informée, en temps utile, de la décision attaquée. Elle a invité la BEI à suspendre la procédure d’attribution et la signature de l’accord-cadre ou, le cas échéant, à annuler ce dernier. De plus, elle a demandé des informations relatives à la procédure d’appel d’offres et, notamment, les noms du soumissionnaire retenu, des partenaires du groupement que celui-ci aurait constitué aux fins de répondre à l’appel d’offres et de ses sous-traitants, les notes attribuées, pour chacun des critères d’attribution, à son offre et à celle du soumissionnaire retenu, les éléments de comparaison entre son offre et celle du soumissionnaire retenu, notamment sur le plan financier, ainsi qu’une copie détaillée des rapports du comité d’évaluation relatifs à son offre et à celle du soumissionnaire retenu.

10      Dans un courrier du 1er août 2008, la BEI a fourni à la requérante des indications concernant la pondération relative des critères d’attribution. Elle a également indiqué que le marché avait été attribué au soumissionnaire retenu et, pour chacun des critères d’attribution, fait état de la ventilation des points attribués à l’offre de la requérante et de ceux attribués à l’offre du soumissionnaire retenu. Elle a précisé que l’offre de la requérante avait reçu 22,03 points (sur 35 points disponibles), alors que l’offre du soumissionnaire retenu en avait reçu 29,36 (sur 35 points disponibles).

11      Le même jour, estimant n’avoir reçu qu’une faible partie des informations demandées, la requérante a adressé un nouveau courrier à la BEI, lui demandant de répondre à toutes les questions soulevées dans sa lettre du 31 juillet, de lui fournir la motivation de la décision attaquée et de lui indiquer si l’accord-cadre avait déjà été signé avec le soumissionnaire retenu. Dans le cas contraire, la requérante demandait à la BEI de suspendre la signature dudit contrat dans l’attente de l’examen détaillé de son recours.

12      Le 6 août 2008, la BEI a accusé réception de la lettre de la requérante. Par lettre du 14 août 2008, elle a admis avoir commis une « erreur administrative » en ayant omis d’informer la requérante, par lettre officielle, des résultats de l’évaluation comparative des offres, ce dont elle s’excusait. Elle a ajouté que la procédure d’appel d’offres, dans son ensemble, était valide et que l’erreur administrative qui avait été commise ne constituait pas une irrégularité substantielle justifiant de suspendre ou d’annuler l’accord-cadre conclu avec le soumissionnaire retenu.

13      Le 1er septembre 2008, la requérante a adressé une nouvelle lettre à la BEI, dans laquelle elle faisait état de certaines irrégularités qui auraient entaché la procédure d’appel d’offres. Selon elle, la BEI a confondu les critères de sélection des soumissionnaires et les critères d’attribution du marché. En outre, elle aurait utilisé des critères d’attribution discriminatoires ou imprécis, aurait manqué à ses obligations d’informer les soumissionnaires, en temps utile, de la décision d’attribution du marché et de leur concéder une période de statu quo pour garantir leur droit de recours, n’aurait pas suivi une procédure suffisamment transparente, aurait violé le principe d’égalité de traitement, aurait omis de motiver la décision attaquée et aurait utilisé une formule lors de l’évaluation comparative des offres qui aurait eu pour effet de neutraliser le principe de l’« offre économiquement la plus avantageuse » en privilégiant les offres prévoyant le prix le plus élevé.

14      Le 10 septembre 2008, la BEI a accusé réception de la lettre de la requérante du 1er septembre 2008 et l’a informée que celle-ci avait été transmise, pour examen, à son bureau des plaintes et qu’il y serait répondu, au plus tard, le 27 octobre 2008.

15      Le 27 octobre 2008, la BEI a envoyé une lettre à la requérante l’informant qu’elle n’était plus en mesure de traiter sa plainte dès lors que celle-ci avait, le 6 octobre 2008, engagé une procédure devant le Tribunal.

 Procédure et conclusions des parties

16      Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 6 octobre 2008, la requérante a introduit le présent recours.

17      Le 30 janvier 2009, la BEI a déposé le mémoire en défense.

18      La réplique et la duplique ont été déposées respectivement les 15 avril et 15 juin 2009.

19      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, invité la BEI à répondre à la question de savoir quelle était l’autorité qui, en son sein, avait adopté la décision attaquée et à lui fournir cette dernière ou tout autre document en tenant lieu.

20      La BEI a déféré à cette demande dans le délai fixé. Par lettre déposée le 15 décembre 2009, elle a indiqué que, conformément à ses règles internes et aux pratiques prévalant à l’époque des faits, la décision attaquée avait été adoptée par le directeur du département des technologies de l’information, intégré depuis au sein de la direction générale de la stratégie, avant d’être confirmée par le président de la BEI, précédemment à la signature de l’accord-cadre avec le soumissionnaire retenu. En outre, elle a produit une « note au dossier » du 31 janvier 2008, portant la référence SCC/IT/FLA/2008-015/kr (ci-après la « note du 31 janvier 2008 ») et contenant la décision dudit directeur d’attribuer le marché au soumissionnaire retenu, ainsi que la feuille d’évaluation consolidée du comité d’évaluation, figurant en annexe à ladite note.

21      Par lettre déposée le 8 janvier 2010, la requérante a fait valoir ses observations sur la note du 31 janvier 2008. Au vu des informations contenues dans ladite note, elle a soulevé un nouveau moyen.

22      Par lettre déposée le 26 janvier 2010, la BEI a fait valoir ses observations sur le nouveau moyen soulevé par la requérante dans sa lettre déposée le 8 janvier 2010.

23      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la quatrième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

24      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

25      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 17 novembre 2010.

26      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la BEI à l’indemniser pour le dommage qu’elle a subi dans le cadre de la procédure d’appel d’offres en raison du caractère illégal de la décision attaquée, dont le montant est évalué à 1 940 000 euros ;

–        condamner la BEI à l’ensemble des dépens, même en cas de rejet du recours.

27      La BEI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer la requête en annulation non fondée ;

–        déclarer la demande en indemnité irrecevable ou, subsidiairement, non fondée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

1.     Sur la recevabilité du recours

28      À titre liminaire, il importe de souligner que, s’agissant spécifiquement de la question de l’applicabilité dans le temps des règles qui fixent les conditions de recevabilité d’un recours, il ressort d’une jurisprudence établie que, d’une part, conformément à l’adage tempus regit actum, la question de la recevabilité d’un recours doit être tranchée sur la base des règles en vigueur à la date à laquelle il a été introduit (arrêt de la Cour du 8 mai 1973, Campogrande/Commission, 60/72, Rec. p. 489, point 4 ; voir également, en ce sens et par analogie, ordonnance du président de la Cour du 22 février 2008, Kozlowski, C‑66/08, non publiée au Recueil, point 7) et que, d’autre part, les conditions de recevabilité du recours s’apprécient au moment de l’introduction du recours, à savoir du dépôt de la requête (arrêt de la Cour du 18 avril 2002, Espagne/Conseil, C‑61/96, C‑132/97, C‑45/98, C‑27/99, C‑81/00 et C‑22/01, Rec. p. I‑3439, point 23 ; arrêts du Tribunal du 21 mars 2002, Shaw et Falla/Commission, T‑131/99, Rec. p. II‑2023, point 29, et du 9 juillet 2008, Alitalia/Commission, T‑301/01, Rec. p. II‑1753, point 37).

29      Le présent recours ayant été introduit le 6 octobre 2008, les questions portant sur sa recevabilité doivent être appréciées au regard des dispositions en vigueur à cette date, à savoir celles du traité CE, et non des nouvelles dispositions, correspondantes, du traité FUE, qui sont entrées en vigueur le 1er décembre 2009.

 Sur la compétence du Tribunal

 Arguments des parties

30      La requérante fait valoir que la demande en annulation de la décision attaquée, introduite sur le fondement de l’article 230 CE, est recevable. Le protocole sur les statuts de la BEI annexé au traité CE (ci-après les « statuts ») ne prévoirait pas de mécanisme complet de contrôle de la légalité des actes de la BEI. Cela ne signifierait cependant pas qu’un tel contrôle serait impossible. Dans l’arrêt du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement européen (294/83, Rec. p. 1339, points 23 à 25), la Cour aurait déclaré que la Communauté européenne étant une communauté de droit, les actes de tous ses organes doivent être susceptibles d’un contrôle juridictionnel lorsqu’ils produisent des effets juridiques vis-à-vis de tiers. Au vu du traité CE et des statuts, la BEI serait un organe, voire une institution, de la Communauté et ses actes, lorsqu’ils produisent des effets juridiques à l’égard de tiers, devraient être soumis à un contrôle de légalité exercé par la Cour. Le fait que les actes de la BEI ne soient pas expressément mentionnés à l’article 230 CE ne serait pas un obstacle à cet égard. La Cour aurait dégagé un double critère pour conclure à l’application de l’article 230 CE aux actes des autorités et des agences communautaires, qui reposerait sur le point de savoir si l’autorité en cause est citée ou non à l’article 230 CE et si ses actes sont soumis ou non à un contrôle juridictionnel suffisant.

31      La BEI estime également que la demande en annulation de la requérante est recevable. Elle invite le Tribunal à établir clairement sa compétence pour connaître d’une demande en annulation d’une de ses décisions portant rejet de l’offre soumise par une personne et attribution du marché public en cause à une autre personne ainsi que pour connaître de la demande en indemnisation du préjudice prétendument subi en raison de cette décision, dans la mesure où, au Luxembourg, le Tribunal administratif aurait erronément affirmé sa propre compétence en la matière, par un jugement du 26 septembre 2007 (n° 22447 du rôle), confirmé, en appel, par un jugement de la Cour administrative du 21 février 2008 (n° 23620C du rôle). En effet, dans son arrêt du 2 décembre 1992, SGEEM et Etroy/BEI (C‑370/89, Rec. p. I‑6211), la Cour aurait affirmé sa compétence pour connaître d’un recours en indemnité introduit par une société et fondé sur la prétendue illégalité de la décision de la BEI de ne pas lui attribuer un marché public de travaux. En outre, dans son arrêt du 8 octobre 2008, Sogelma/AER (T‑411/06, Rec. p. II‑2771, points 42 et 43), le Tribunal aurait jugé, en application de la jurisprudence Les Verts/Parlement européen (voir point 30 ci-dessus), que les décisions prises par un organe communautaire, en l’espèce l’Agence européenne pour la reconstruction (AER), dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres, lorsqu’elles produisent des effets juridiques vis-à-vis de tiers, constituent des actes attaquables devant le Tribunal. Selon la BEI, elle devrait donc, en sa qualité d’organe administratif communautaire, être traitée de la même manière, lorsqu’elle adopte des décisions produisant des effets juridiques à l’égard de tiers dans le cadre de ses procédures d’appel d’offres ou du traitement des demandes d’accès à ses documents. En revanche, la BEI soutient qu’elle ne relève pas de la compétence du Tribunal dans l’exercice de ses activités de prêts, à savoir lorsqu’elle intervient sur les marchés financiers, de la même manière que tout autre organisme bancaire (ordonnance du Tribunal du 26 novembre 1993, Tête e.a./BEI, T‑460/93, Rec. p. II‑1257, point 20).

 Appréciation du Tribunal

32      Les parties au présent litige s’accordent, en l’espèce, à considérer que le Tribunal est compétent pour connaître de la présente demande en annulation. Toutefois, la compétence du Tribunal étant une question d’ordre public, elle peut être examinée d’office par celui-ci (voir arrêt du Tribunal du 15 mars 2005, GEF/Commission, T‑29/02, Rec. p. II‑835, points 72 à 74, et la jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 6 mars 1979, Simmenthal/Commission, 92/78, Rec. p. 777, points 21 et 22). Le Tribunal n’est donc pas lié par la position des parties concernant sa compétence à connaître du présent recours et il lui appartient d’examiner s’il ne doit pas, les parties entendues, relever d’office une fin de non‑recevoir tirée de son incompétence à connaître, en tout ou partie, dudit recours. Cela se justifie d’autant plus, dans les circonstances de l’espèce, qu’un juge national a affirmé sa propre compétence à connaître de la légalité d’une décision de la BEI portant rejet d’une offre soumise par une personne et attribution à une autre personne du marché public en cause, passé par la BEI pour son propre compte.

33      Aux termes des articles 5 CE, 10 CE, 297 CE et de l’article 307, premier alinéa, CE ainsi que du traité UE et, en particulier, de l’article 5 UE, la Cour de justice exerce ses attributions dans les conditions et aux fins prévues par les dispositions des traités CE et UE. Les compétences du Tribunal sont celles énumérées aux articles 225 CE et 140 A EA, tels que précisés par l’article 51 du statut de la Cour de justice.

34      La question de la compétence du Tribunal à connaître d’un recours qui recouvre, à la fois, une demande en annulation d’un acte de la BEI faisant grief à un tiers et une demande en indemnisation du préjudice résultant, pour ledit tiers, du comportement illégal de la BEI doit être tranchée au regard des statuts, dans leur version applicable au moment des faits, en particulier leur article 29, premier alinéa, ainsi que de l’article 225, paragraphe 1, CE, de l’article 235 CE, de l’article 237 CE et de l’article 288, deuxième alinéa, CE, ainsi que, le cas échéant, de l’article 230 CE.

35      L’article 29, premier alinéa, des statuts prévoit que « [l]es litiges entre la [BEI], d’une part, et, d’autre part, ses prêteurs, ses emprunteurs ou des tiers sont tranchés par les juridictions nationales compétentes, sous réserve des compétences attribuées à la Cour de justice ». Par ailleurs, la Cour a reconnu que tant le traité CE que cet article ne faisaient pas obstacle à la compétence de la Cour pour connaître des litiges concernant la BEI, ajoutant que cette dernière disposition réservait expressément les compétences qui lui étaient attribuées par le traité CE (voir, en ce sens, arrêt SGEEM et Etroy/BEI, point 31 supra, points 17 et 18).

36      Le présent litige oppose la BEI à une société de droit grec non soumise à son contrôle et qui, partant, doit être considérée comme un tiers, au sens de l’article 29, premier alinéa, des statuts. Conformément au libellé de cette dernière disposition, la question de savoir si un litige comme celui de l’espèce relève de la compétence de la Cour de justice ou des juridictions nationales et, le cas échéant, s’il relève de la compétence de la Cour ou du Tribunal impose de se référer aux dispositions du traité CE.

37      S’agissant, d’une part, de la demande en annulation de la décision attaquée, c’est, en premier lieu et dans la mesure où il s’agit d’une disposition spéciale, de l’interprétation de l’article 237 CE, lu en combinaison avec l’article 225, paragraphe 1, CE, que dépend le point de savoir si le Tribunal est compétent pour en connaître.

38      L’article 237 CE énonce ce qui suit :

« La Cour de justice est compétente, dans les limites ci-après, pour connaître des litiges concernant :

a)      l’exécution des obligations des États membres résultant des [statuts]. Le conseil d’administration de la [BEI] dispose à cet égard des pouvoirs reconnus à la Commission par l’article 226 [CE, relatif au manquement, par un État membre, à une des obligations qui lui incombent en vertu du traité CE] ;

b)      les délibérations du conseil des gouverneurs de la [BEI]. Chaque État membre, la Commission et le conseil d’administration de la [BEI] peuvent former un recours en cette matière dans les conditions prévues à l’article 230 [CE] ;

c)      les délibérations du conseil d’administration de la [BEI]. Les recours contre ces délibérations ne peuvent être formés, dans les conditions fixées à l’article 230 [CE], que par les États membres ou la Commission, et seulement pour violation des formes prévues à l’article 21, paragraphes 2 et 5 à 7 inclus, des [statuts] ;

[…] »

39      Il résulte, en outre, de l’article 225, paragraphe 1, CE que seule la Cour est compétente pour connaître des recours visés à l’article 237 CE.

40      Afin de vérifier si la décision attaquée relève du champ d’application de l’article 237 CE, il convient de rappeler la compétence des différents organes de la BEI.

41      Aux termes de l’article 8 des statuts, la BEI est administrée et gérée par un conseil des gouverneurs, un conseil d’administration et un comité de direction.

42      Conformément à l’article 9 des statuts, le conseil des gouverneurs établit les directives générales relatives à la politique de crédit de la BEI et, en particulier, décide de l’augmentation du capital souscrit, approuve le rapport annuel établi par le conseil d’administration ainsi que le bilan annuel et le compte des profits et pertes, et approuve le règlement intérieur de la BEI, de sorte qu’il a, seul, compétence pour organiser le fonctionnement interne des services dans l’intérêt d’une bonne administration (arrêt de la Cour du 10 juillet 2003, Commission/BEI, C‑15/00, Rec. p. I‑7281, points 67 et suivants). En vertu de l’article 11 des statuts, le conseil d’administration a compétence pour décider de l’octroi de crédits et de garanties et de la conclusion d’emprunts, fixe les taux d’intérêt pour les prêts ainsi que les commissions de garanties, contrôle la saine administration de la BEI et assure la conformité de la gestion de la banque avec le traité CE, les statuts et les directives générales fixées par le conseil des gouverneurs. Selon l’article 11, paragraphe 2, septième alinéa, des statuts, le président de la BEI, ou, à défaut, l’un des vice-présidents du comité de direction, préside les séances du conseil d’administration sans prendre part au vote. Aux termes de l’article 13 des statuts, le comité de direction est l’organe exécutif collégial et permanent de la BEI. Sous l’autorité du président et sous le contrôle du conseil d’administration, il assure la gestion des affaires courantes de la BEI et prépare les décisions du conseil d’administration, qu’il veille ensuite à mettre en œuvre. Le président de la BEI préside les réunions du comité de direction. Les membres du comité de direction sont responsables uniquement envers la BEI. Ils sont nommés par le conseil des gouverneurs, sur proposition du conseil d’administration, pour une période de six ans renouvelable.

43      Il ressort de la réponse de la BEI à la question posée par le Tribunal ainsi que de la note du 31 janvier 2008 que la décision attaquée a été prise par le directeur du département des technologies de l’information, intégré depuis au sein de la direction générale de la stratégie de la BEI. Selon cette dernière, elle aurait ensuite été confirmée par le président de la BEI, précédemment à la signature de l’accord-cadre avec le soumissionnaire retenu, les 12 et 17 juin 2008 (voir point 20 ci-dessus). Bien qu’aucune preuve de la confirmation de la décision attaquée par le président de la BEI ne figure au dossier, celle-ci doit être présumée comme un fait établi, aux fins de la présente procédure, dès lors qu’elle n’est pas contestée par la partie requérante. Si la décision attaquée a ainsi été adoptée « sous l’autorité » du président de la BEI, il peut en être inféré que celle-ci relevait de la « gestion des affaires courantes » de la BEI au sens de l’article 13, paragraphe 3, des statuts et, partant, de la sphère de compétence du comité de direction (voir, en ce sens, arrêt Commission/BEI, point 42 supra, point 66), lequel a précisément pour mission d’assurer la gestion des affaires courantes de la BEI, sous l’autorité de son président. En effet, aucun indice ne permet en l’espèce de douter de ce que l’attribution d’un marché public passé pour son propre compte relève de la « gestion des affaires courantes » de la BEI.

44      Il y a donc lieu de considérer que la décision attaquée ne relevait ni de la sphère de compétence du conseil des gouverneurs ni de celle du conseil d’administration, qu’elle ne peut, dès lors, être imputée ni à l’un ni à l’autre de ces organes de la BEI et que, partant, elle n’est pas couverte par les dispositions spéciales de l’article 237 CE.

45      Il reste donc à examiner le point de savoir si le Tribunal peut connaître d’un recours en annulation dirigé contre un acte définitif de la BEI, qui produit des effets juridiques à l’égard d’un tiers, sur le fondement des articles 225 CE et 230 CE.

46      Il convient, en premier lieu, de rappeler que la Communauté est une communauté de droit en ce sens que ni ses États membres ni ses institutions n’échappent au contrôle de la conformité de leurs actes à la charte constitutionnelle qu’est le traité CE et que ce dernier a établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à confier à la Cour de justice le contrôle de la légalité des actes des institutions (voir arrêt Commission/BEI, point 42 supra, point 75, et la jurisprudence citée). Cela est également conforme à l’objectif poursuivi par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 364, p. 1, ci-après la « charte »), qui, bien que n’étant pas dotée de force juridique contraignante avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009, démontre l’importance, dans l’ordre juridique communautaire, des droits qu’elle énonce (arrêt du Tribunal du 15 janvier 2003, Philip Morris International e.a./Commission, T‑377/00, T‑379/00, T‑380/00, T‑260/01 et T‑272/01, Rec. p. II‑1, point 122). En vertu de ce dernier article, toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit communautaire ont été violés a droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial. Bien que n’étant pas une institution de la Communauté, la BEI n’en constitue pas moins un organisme communautaire institué et revêtu de la personnalité juridique par le traité CE et c’est à ce titre qu’elle se trouve soumise au contrôle de la Cour de justice, notamment dans les termes prévus à l’article 237, sous b), CE (voir arrêt Commission/BEI, point 42 supra, point 75, et la jurisprudence citée).

47      En deuxième lieu, il convient de tenir compte de ce que l’article 237 CE contient une disposition spéciale qui ne concerne que certains litiges de la BEI et qui, partant, n’a qu’une portée limitée et complémentaire par rapport à d’autres articles du traité CE, tels que l’article 236 CE (arrêts de la Cour du 15 juin 1976, Mills/BEI, 110/75, Rec. p. 955, points 16 et 17, et SGEEM et Etroy/BEI, point 31 supra, point 17). En outre, il y a lieu de relever que l’article 237 CE et l’article 29, premier alinéa, des statuts doivent être compris à la lumière de l’article 267 CE, qui prévoit que la BEI « a pour mission de contribuer, en faisant appel aux marchés des capitaux et à ses ressources propres, au développement équilibré et sans heurt du marché commun dans l’intérêt de la Communauté » et qu’« elle facilite, par l’octroi de prêts et de garanties, sans poursuivre de but lucratif, le financement de projets [...], dans tous les secteurs de l’économie », ainsi que des dispositions des statuts citées au point 37 ci-dessus, desquelles il ressort que la principale tâche du comité de direction est de préparer et de mettre en œuvre les décisions en matière de prêts et de garanties ou de conclusion d’emprunts qui sont adoptées par le conseil d’administration conformément aux lignes générales arrêtées par le conseil des gouverneurs (voir, en ce sens et par analogie, conclusions de l’avocat général M. Jacobs sous l’arrêt Commission/BEI, point 42 supra, Rec. p. I‑7290, points 75 à 78). Si les dispositions des statuts n’excluent pas entièrement la possibilité pour le comité de direction de prendre, dans le cadre de la gestion des affaires courantes de la BEI, des décisions produisant des effets juridiques à l’égard de tiers, elles laissent cependant clairement ressortir que de telles décisions sont adoptées ou doivent normalement être adoptées soit par le conseil des gouverneurs, soit par le conseil d’administration.

48      L’absence de référence au comité de direction dans le texte de l’article 237 CE est le reflet de cette répartition des compétences au sein de la BEI. Dans la mesure où le comité de direction est, en règle générale, censé préparer, et non pas adopter, les décisions destinées à produire des effets juridiques à l’égard de tiers, au sens de l’article 29, premier alinéa, des statuts, les rédacteurs du traité CE n’ont pas considéré qu’un contrôle juridictionnel de ses actes était nécessaire. Un parallèle peut ici être établi avec l’article 230 CE, qui prévoit que les actes définitifs et produisant des effets juridiques à l’égard de tiers adoptés par les institutions et la BCE sont attaquables, alors que les mesures qui ne font que préparer l’adoption de tels actes ne le sont pas. En ce sens, au point 18 de l’ordonnance Tête e.a./BEI, point 31 supra, le Tribunal a relevé que « la BEI a gardé sa mission originelle, qui est d’accorder des prêts et des garanties (voir les articles 129 et 130 [CEE] et les articles 198 D et 198 E [CE]) », et que, « [v]is-à-vis de tiers qui ne bénéficient ni des prêts ni des garanties de la BEI, celle-ci n’adopte donc pas de décisions produisant des effets juridiques ». Ce raisonnement ne peut cependant valoir dans un cas où, comme en l’espèce, il est avéré que le comité de direction a adopté une décision produisant des effets juridiques définitifs à l’égard d’un tiers. Dans une communauté de droit telle que la Communauté, une telle décision doit pouvoir être attaquée par l’intéressé.

49      Dans cette mesure, il y a lieu de considérer que la disposition générale que constitue l’article 230 CE est complétée par la disposition spéciale contenue dans l’article 237 CE, qui n’a qu’une portée limitée et ne couvre pas les actes produisant des effets juridiques définitifs à l’égard des tiers que le comité de direction est amené à prendre dans le cadre de la gestion des affaires courantes de la BEI, conformément à l’article 13, paragraphe 3, des statuts, tels que la décision attaquée ou une décision de refus d’accès à des documents administratifs de la BEI.

50      En troisième lieu, il serait inacceptable que la BEI puisse, en organisant astucieusement son processus décisionnel interne, se soustraire au contrôle juridictionnel voulu par le traité CE en ce qui concerne les actes des institutions ou de tout organisme communautaire qui, comme la BEI, a été institué et revêtu de la personnalité juridique par le traité CE (voir, en ce sens et par analogie, conclusions de l’avocat général M. Jacobs sous l’arrêt Commission/BEI, point 47 supra, point 71). Les actes formellement adoptés au sein de la BEI par des organes autres que ceux visés à l’article 237, sous b) et c), CE, à savoir des organes autres que le conseil des gouverneurs ou le conseil d’administration, doivent donc être susceptibles de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel s’ils sont définitifs et produisent des effets juridiques à l’égard de tiers. Or, en vertu des articles 225 CE, 230 CE et 237 CE, la Cour de justice et, en l’espèce, le Tribunal se sont vu notamment attribuer compétence pour contrôler la légalité de toute décision administrative de la BEI, à savoir tout acte unilatéral adopté par la BEI qui produit des effets juridiques définitifs à l’égard de tiers.

51      En quatrième lieu, il y a lieu de veiller à ce qu’il ne soit pas porté atteinte à l’autonomie fonctionnelle et institutionnelle de la BEI et à la réputation de cette dernière en tant qu’organisme indépendant sur les marchés financiers, telles qu’organisées par le traité CE (arrêts de la Cour du 3 mars 1988, Commission/BEI, 85/86, Rec. p. 1281, points 27 à 30, et du 10 juillet 2003, Commission/BEI, point 42 supra, points 101 et suivants). Or, l’adoption de la décision attaquée se rattache à l’exercice par la BEI d’activités qui participent de l’administration communautaire et qui relèvent, plus précisément, de l’intervention de cette administration en tant que pouvoir adjudicateur et non pas à l’exercice par la BEI de ses activités ou de ses opérations dans le domaine financier ou sur les marchés financiers. Dès lors, le contrôle de légalité que le Tribunal peut être amené à exercer sur le fondement de l’article 225, paragraphe 1, CE et de l’article 230 CE, même s’il est a priori plus large que celui que la Cour exerce sur les délibérations du conseil d’administration de la BEI sur le fondement de l’article 237, sous c), CE, ne peut toutefois être regardé comme étant de nature à affecter l’autonomie fonctionnelle et institutionnelle dont dispose la BEI en vue de l’octroi de prêts et de garanties et du financement de ceux-ci, notamment par un appel aux marchés des capitaux, ou à affecter la réputation de la BEI ou sa crédibilité en tant qu’organisme indépendant sur les marchés financiers. Au demeurant, il importe de relever que la BEI soutient, elle-même, que le Tribunal est compétent pour connaître de la présente demande en annulation sur le fondement de l’article 225, paragraphe 1, CE et de l’article 230 CE. Elle ne considère donc pas que le contrôle de légalité que le Tribunal exerce dans un tel cadre puisse porter atteinte à l’autonomie fonctionnelle et institutionnelle dont elle dispose, en vertu du traité CE et de ses statuts.

52      Ainsi, la nécessité d’un contrôle complet de la légalité des actes communautaires exige d’interpréter l’article 225, paragraphe 1, CE et l’article 230 CE en ce sens qu’ils n’excluent pas la compétence du Tribunal pour connaître d’un recours en annulation d’un acte, relevant de la gestion des affaires courantes de la BEI par le comité de direction, qui produit des effets juridiques définitifs à l’égard d’un tiers.

53      S’agissant, d’autre part, de la présente demande en indemnité, il y a lieu d’observer que le principe de la compétence du juge de l’Union et, en l’occurrence, du Tribunal pour connaître d’un recours en responsabilité non contractuelle, introduit à l’encontre de la BEI, n’est pas spécifiquement résolu par les textes. En l’absence de dispositions spécifiques, c’est donc de l’interprétation de l’article 225, paragraphe 1, CE, de l’article 235 CE et de l’article 288, deuxième alinéa, CE que dépend la question de savoir si la Cour de justice et, en l’occurrence, le Tribunal sont compétents pour connaître de la présente demande en indemnité introduite à l’encontre de la BEI.

54      Il convient, en premier lieu, de noter que la Cour s’est déjà reconnue compétente pour statuer sur un recours en indemnité introduit à l’encontre de la BEI, sur le fondement de l’article 178 CEE et de l’article 215, deuxième alinéa, CEE (devenus article 235 CE et article 288, deuxième alinéa, CE). Elle a justifié sa compétence par le fait que l’acte prétendument illégal procédait de l’exécution d’un contrat de financement conclu par la BEI en tant que mandataire de la Communauté et pour le compte de cette dernière, dans l’exercice de compétences que certaines dispositions lui attribuent en matière d’octroi et de gestion des capitaux à risques financés par le budget communautaire, que la BEI était, elle-même, un organisme s’inscrivant, en vertu du traité CE, dans le cadre communautaire et que les actes et omissions de la BEI dans la mise en œuvre d’un tel contrat de financement étaient imputables à la Communauté (voir, en ce sens, arrêts du 2 décembre 1992, SGEEM et Etroy/BEI, point 31 supra, points 4 et 12 à 15, et du 25 mai 1993, SGEEM et Etroy/BEI, C‑370/89, Rec. p. I‑2583, point 24). Dans ce contexte, la Cour a observé que « le terme ‘institution’ employé à l’article 215, deuxième alinéa, du traité [CEE] ne d[eva]it pas être compris comme visant les seules institutions de la Communauté énumérées par l’article 4, paragraphe 1, du traité [CEE], mais comme recouvrant également, eu égard au système de responsabilité non contractuelle établi par le traité [CEE], les organismes communautaires tels que la [BEI] » (arrêt du 2 décembre 1992, SGEEM et Etroy/BEI, point 31 supra, point 16).

55      En deuxième lieu, il importe de tenir compte de ce que, si, dans le système des voies de droit instauré par le traité CE, le recours en indemnité constitue une voie de droit autonome par rapport au recours en annulation, il n’en reste pas moins qu’il existe, en l’occurrence, un lien direct entre la demande en indemnité et la demande en annulation de la décision attaquée dans la mesure où, dans la requête, il est précisé que « la […] demande en dommages-intérêts, déposée en application des articles 235 et 288 CE, se fonde sur le caractère illégal de la décision attaquée », de sorte que la demande en indemnité apparaît comme l’accessoire de la demande en annulation. Bien plus, il ressort de la requête que la demande en indemnité tend au paiement d’une somme dont le montant correspond exactement au « montant estimé du résultat brut que la requérante aurait perçu […] si le marché lui avait été attribué », à savoir les droits dont la requérante estime avoir été privée du fait de la décision attaquée. La demande en indemnité tend donc, en réalité, au retrait des effets juridiques produits par la décision attaquée à l’égard de la requérante et elle aurait ainsi pour effet, si elle était accueillie, d’annihiler lesdits effets juridiques.

56      Conformément à une jurisprudence bien établie (arrêt de la Cour du 26 février 1986, Krohn Import-Export/Commission, 175/84, Rec. p. 753, points 32 et 33 ; arrêts du Tribunal du 15 mars 1995, Cobrecaf e.a./Commission, T‑514/93, Rec. p. II‑621, point 59, et du 17 octobre 2002, Astipesca/Commission, T‑180/00, Rec. p. II‑3985, point 139), il y a lieu de tenir compte du « lien direct » ou de la « complémentarité » existant, en l’espèce, entre le recours en annulation et le recours en indemnité ainsi que du caractère accessoire du second par rapport au premier au stade de l’appréciation de la recevabilité de ces recours, aux fins d’éviter que le sort du recours en indemnité ne soit artificiellement dissocié de celui du recours en annulation, dont il n’est pourtant que l’accessoire ou le complément.

57      En troisième lieu, il importe de souligner que, dans la mesure où les dommages qui auraient été causés par la BEI à la requérante trouveraient leur origine dans l’exercice par la BEI d’activités qui participent à l’exécution des missions de l’administration communautaire et qui relèvent, plus précisément, de l’intervention de cette administration en tant que pouvoir adjudicateur et que lesdits dommages ne résultent donc pas de l’exercice, par la BEI, de ses activités ou de ses opérations dans le domaine financier ou sur les marchés financiers, le contrôle que le Tribunal serait amené à exercer sur le fondement de l’article 225, paragraphe 1, CE, de l’article 235 CE et de l’article 288, deuxième alinéa, CE ne peut être regardé comme étant de nature à remettre en cause l’autonomie fonctionnelle et institutionnelle de la BEI et à porter atteinte à la réputation de cette dernière en tant qu’organisme indépendant sur les marchés financiers. Au demeurant, la BEI soutient elle-même que le Tribunal est compétent pour statuer sur la présente demande en indemnité introduite à son égard, sur le fondement de l’article 225, paragraphe 1, CE, de l’article 235 CE et de l’article 288 CE et elle n’a nullement fait valoir qu’un tel contrôle pourrait avoir pour effet de porter atteinte à son autonomie fonctionnelle et institutionnelle.

58      Le Tribunal est donc compétent pour statuer également sur la demande en indemnité introduite à l’encontre de la BEI, sur le fondement de l’article 225, paragraphe 1, CE, de l’article 235 CE et de l’article 288, deuxième alinéa, CE, lorsqu’une telle demande présente un caractère accessoire par rapport à une demande en annulation d’un acte de la BEI produisant des effets de droit définitifs à l’égard de tiers, elle-même recevable.

59      Il s’ensuit que le Tribunal est compétent pour connaître de l’ensemble du présent recours.

 Sur l’intérêt de la requérante à agir en annulation de la décision attaquée

 Arguments des parties

60      Interrogée sur ce point lors de l’audience, la BEI a confirmé que la décision attaquée avait été exécutée, puisque le contrat-cadre avait été conclu avec le soumissionnaire retenu et, pour partie, exécuté. En conséquence, elle a estimé qu’elle ne serait plus en mesure de tirer aucune conséquence d’une éventuelle annulation de la décision attaquée, telle une réouverture de la procédure d’appel d’offres. Toutefois, elle a également précisé qu’elle n’entendait pas contester la recevabilité du présent recours pour défaut d’intérêt de la requérante à agir en annulation de la décision attaquée. Elle a, en outre, indiqué que, si une remise en état adéquate de la situation du soumissionnaire évincé ayant introduit le recours pouvait théoriquement être envisagée sous la forme du paiement d’une indemnité, les conditions pour le versement d’une telle indemnité n’étaient pas réunies en l’espèce, la requérante n’ayant subi aucun réel dommage du fait de la décision attaquée.

61      Lors de l’audience, la requérante a soutenu qu’elle avait obtenu plusieurs annulations, partielles ou totales, de décisions d’attribution sans que les institutions qui avaient adopté lesdites décisions réagissent de manière satisfaisante à ces annulations. En outre, elle a indiqué avoir un double intérêt à agir en annulation de la décision attaquée. D’une part, dans la mesure où elle participe à des procédures de passation de marchés publics, elle a prétendu avoir un intérêt à ce que les illégalités entachant la décision attaquée soient constatées afin d’empêcher que pareilles illégalités ne se reproduisent. D’autre part, elle a affirmé avoir un intérêt à faire constater lesdites illégalités aux fins d’obtenir une indemnité.

 Appréciation du Tribunal

62      Selon une jurisprudence constante, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où cette personne a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué, ce qui suppose que l’annulation de l’acte attaqué soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a introduit (arrêt du Tribunal du 10 décembre 2009, Antwerpse Bouwwerken/Commission, T‑195/08, Rec. p. II‑4439, point 33). Les conditions de recevabilité d’un recours, notamment le défaut d’intérêt à agir, relevant des fins de non-recevoir d’ordre public, il appartient au Tribunal de vérifier d’office si les parties requérantes ont un intérêt à obtenir l’annulation de la décision attaquée (voir ordonnance du Tribunal du 10 mars 2005, Gruppo ormeggiatori del porto di Venezia/Commission, T‑228/00, Rec. p. II‑787, point 22, et la jurisprudence citée). Cette jurisprudence est applicable, par analogie, aux demandes en annulation formulées dans le cadre de recours contenant, accessoirement, une demande en indemnité.

63      En l’espèce, il y a lieu de vérifier d’office si une éventuelle annulation de la décision attaquée est susceptible de procurer un avantage à la requérante alors même que la procédure d’appel d’offres ne pourrait être rouverte et que, dans les circonstances présentes, il est constant entre les parties que la signature du marché et son exécution partielle ont fait perdre toute chance à la requérante de pouvoir passer le marché en cause avec la BEI.

64      Il ressort de la jurisprudence que, même dans l’hypothèse où une décision d’attribution aurait été pleinement exécutée en faveur d’autres compétiteurs, un soumissionnaire conserve un intérêt à voir annuler cette décision, soit pour obtenir du pouvoir adjudicateur une remise en état adéquate de sa situation, soit pour amener le pouvoir adjudicateur à apporter, à l’avenir, les modifications appropriées aux procédures d’appel d’offres, au cas où celles-ci seraient reconnues comme étant contraires à certaines exigences juridiques (voir, en ce sens, arrêt Simmenthal/Commission, point 32 supra, point 32, et arrêt du Tribunal du 14 octobre 1999, CAS Succhi di Frutta/Commission, T‑191/96 et T‑106/97, Rec. p. II‑3181, point 63).

65      En effet, le fait que le contrat portant sur l’exécution d’un marché public a été signé, voire exécuté, avant le prononcé de la décision mettant fin au recours au principal, introduit par un soumissionnaire évincé contre la décision d’attribution dudit marché, et que le pouvoir adjudicateur est contractuellement lié à l’attributaire ne fait pas obstacle à l’obligation qui incombe, si le recours au principal est accueilli, au pouvoir adjudicateur, en vertu de l’article 233 CE, d’arrêter les mesures nécessaires pour assurer une protection appropriée des intérêts du soumissionnaire évincé (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 10 novembre 2004, European Dynamics/Commission, T‑303/04 R, Rec. p. II‑3889, point 83).

66      Lorsque, à la suite du recours d’un soumissionnaire évincé d’un marché public, la décision d’attribution est annulée, mais que le pouvoir adjudicateur n’est plus en mesure de rouvrir la procédure d’appel d’offres portant sur le marché public en cause, les intérêts de ce soumissionnaire peuvent être sauvegardés, par exemple, par une compensation pécuniaire correspondant à la perte de chance de se voir attribuer le marché ou, s’il peut être établi de manière certaine que le soumissionnaire devait se voir attribuer le marché, au manque à gagner (voir, en ce sens, ordonnances du président du Tribunal du 2 mai 1994, Candiotte/Conseil, T‑108/94 R, Rec. p. II‑249, point 27 ; du 20 juillet 2000, Esedra/Commission, T‑169/00 R, Rec. p. II‑2951, point 51, et European Dynamics/Commission, point 65 supra, point 83). Il résulte, en effet, de la jurisprudence la plus récente qu’il peut être attribué une valeur économique à la perte de chance de se voir attribuer un marché public, subie par un soumissionnaire évincé dudit marché par l’effet d’une décision illégale (voir, en ce sens, ordonnances du président du Tribunal du 25 avril 2008, Vakakis/Commission, T‑41/08 R, non publiée au Recueil, points 66 et 67, et la jurisprudence citée, et du 20 janvier 2010, Agriconsulting Europe/Commission, T‑443/09 R, non publiée au Recueil, points 32 à 34, et la jurisprudence citée).

67      En l’espèce, la requérante possède un intérêt à agir en annulation de la décision attaquée en vue d’obtenir, en vertu de l’obligation qui découle de l’article 233, premier alinéa, CE, une remise en état adéquate de sa situation par la BEI pouvant, le cas échéant, prendre la forme d’une compensation pécuniaire correspondant à sa perte de chance de se voir attribuer le marché. Si la requérante a introduit une demande en indemnité qui pourrait être à l’origine du paiement d’une somme d’argent, sous forme d’indemnité, il importe de relever que cette demande ne vise pas la perte de chance d’obtenir le marché, mais le manque à gagner correspondant au bénéfice qu’elle aurait perçu si elle avait exécuté le marché (voir point 210 ci-après). Il s’ensuit que cette demande en indemnité pourrait être rejetée sans que cela préjuge de la possibilité, pour la requérante, d’obtenir, le cas échéant, une compensation pécuniaire pour la perte de chance de se voir attribuer le marché au titre d’une remise en état adéquate de sa situation antérieure, conformément à l’article 266, deuxième alinéa, TFUE.

68      Il résulte de ce qui précède que la demande en annulation peut, par son résultat, procurer un bénéfice à la requérante, de sorte que cette dernière a intérêt à agir en annulation de la décision attaquée.

 Sur l’absence de contestation de la formule utilisée lors de l’évaluation comparative des offres lors de la procédure d’appel d’offres

 Arguments des parties

69      La BEI soutient que la requérante est irrecevable à contester la formule utilisée lors de l’évaluation comparative des offres dans la mesure où celle-ci ne l’a pas fait en temps utile, à savoir avant la date limite pour le dépôt des offres.

70      La requérante conclut au rejet de la fin de non-recevoir avancée à cet égard par la BEI.

 Appréciation du Tribunal

71      La présente fin de non-recevoir vise, en pratique, les troisième et quatrième moyens de la demande en annulation, par lesquels la requérante conteste la légalité du critère d’attribution intitulé « Capacité à fournir une équipe issue de ses ressources propres », ainsi que le cinquième moyen de la demande en annulation, par lequel la requérante conteste la légalité des pondérations relatives des critères d’attribution, à savoir 75 % des points pour les critères techniques et 25 % des points pour le critère financier.

72      Il est exact que, en contestant la légalité de la formule utilisée lors de l’évaluation comparative des offres, la requérante conteste incidemment la légalité du cahier des charges. Ainsi, la question qui se pose, en l’espèce, est celle de savoir si un document d’appel à la concurrence, tel qu’un cahier des charges, est un acte susceptible de faire l’objet d’un recours direct au titre de l’article 230, quatrième alinéa, CE et, partant, si la requérante aurait dû agir, sur le fondement de ladite disposition et dans le délai de deux mois fixé par le cinquième alinéa de cette disposition, contre le cahier des charges.

73      Le cahier des charges ne peut être considéré comme un acte qui concerne chaque soumissionnaire de manière individuelle. En effet, à l’instar de l’ensemble des documents d’appel à la concurrence émis par le pouvoir adjudicateur, le cahier des charges s’applique à des situations déterminées objectivement et comporte des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite. Dès lors, il présente un caractère général et sa communication individuelle aux soumissionnaires par le pouvoir adjudicateur ne permet pas d’individualiser chacun de ces soumissionnaires par rapport à toute autre personne, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE (arrêt du Tribunal du 21 mai 2008, Belfass/Conseil, T‑495/04, Rec. p. II‑781, points 36 à 42).

74      En l’espèce, la décision attaquée était donc le premier acte attaquable par la requérante et, partant, le premier acte autorisant celle-ci à contester incidemment la légalité de la formule utilisée lors de l’évaluation comparative des offres qui avait été retenue par la BEI dans le cahier des charges.

75      C’est donc à tort que la BEI excipe du caractère prétendument tardif de la contestation par la requérante dans le cadre du présent recours et, à titre incident, de la légalité de la formule utilisée lors de l’évaluation comparative des offres qui avait été retenue par la BEI dans le cahier des charges.

76      En conséquence, il y a lieu de constater que les troisième, quatrième et cinquième moyens de la demande en annulation sont recevables et de rejeter la fin de non-recevoir soulevée à cet égard par la BEI.

 Sur l’absence de clarté de la demande en indemnité

 Arguments des parties

77      La BEI fait valoir que, conformément aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, la demande en indemnité est irrecevable, dès lors que les trois conditions prévues à l’article 288, paragraphe 2, CE pour l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté ne sont pas mentionnées, en l’espèce, dans la requête et que la requérante n’affirme pas que lesdites conditions sont remplies. Selon elle, la requête manque de précision quant aux illégalités entachant la procédure d’appel d’offres, quant à l’existence d’un lien de causalité entre lesdites illégalités et le préjudice allégué par la requérante et quant à la nature et au montant exact des dommages-intérêts demandés. Dès lors, au regard de la jurisprudence applicable (arrêt de la Cour du 2 décembre 1971, Zuckerfabrik Schöppenstedt/Conseil, 5/71, Rec. p. 975, et arrêt du Tribunal du 23 septembre 1994, An Taisce et WWF UK/Commission, T‑461/93, Rec. p. II‑733, points 42 et 43), une telle demande devrait être rejetée comme étant irrecevable.

78      La requérante estime, en substance, que l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure n’a pas été violé et que des éléments permettant d’identifier les trois conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté, visées à l’article 288, paragraphe 2, CE, ont été mentionnés dans la requête.

 Appréciation du Tribunal

79      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, toute requête doit contenir l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir arrêt du Tribunal du 3 février 2005, Chiquita Brands e.a./Commission, T‑19/01, Rec. p. II‑315, point 64, et la jurisprudence citée).

80      Pour satisfaire à ces exigences, une requête visant à la réparation de dommages causés par une institution ou tout autre organe ou organisme communautaire doit contenir les éléments qui permettent d’identifier le comportement que le requérant reproche à cette institution, cet organe ou cet organisme, les raisons pour lesquelles il estime qu’un lien de causalité existe entre ce comportement et le préjudice qu’il prétend avoir subi ainsi que le caractère et l’étendue de ce préjudice (voir arrêts du Tribunal du 18 septembre 1996, Asia Motor France e.a./Commission, T‑387/94, Rec. p. II‑961, point 107 ; du 10 juillet 1997, Guérin automobiles/Commission, T‑38/96, Rec. p. II‑1223, point 42, et Chiquita Brands e.a./Commission, point 79 supra, point 65, et la jurisprudence citée).

81      Il ressort de la requête que « [l]a […] demande de dommages-intérêts, déposée en application des articles 235 et 288 CE, se fonde sur le caractère illégal de la décision attaquée, […] qui fait l’objet du présent recours ». Il s’ensuit que cette demande se fonde clairement sur les illégalités invoquées dans le cadre de la demande en annulation. Il ressort, en outre, de la requête que « la requérante demande le paiement de dommages-intérêts de la part de la BEI d’un montant équivalent à 50 % de la somme de 3,88 millions d’euros, soit 1,94 million d’euros, montant estimé du résultat brut que la requérante aurait perçu dans le cadre de la procédure de passation de marché public si le marché lui avait été attribué ». Il s’ensuit que la requête contient des éléments permettant d’identifier le caractère et l’étendue du préjudice invoqué. Par ailleurs, dans la requête, la requérante fournit des explications sur la manière dont cette somme a été calculée. Dès lors, même si la requérante ne consacre pas une partie spécifique de la requête à la question du lien de causalité entre l’illégalité et les dommages qu’elle invoque, la requête contient les éléments permettant d’identifier les raisons pour lesquelles la requérante estime qu’un lien de causalité existe entre ce comportement et le préjudice qu’elle prétend avoir subi, à savoir, en l’espèce, que le lien de causalité résulte, selon elle, du fait que la décision attaquée l’a empêchée de se voir attribuer le marché et de conclure avec la BEI un accord-cadre portant sur l’exécution de ce marché.

82      Dans ces circonstances, il y a lieu de juger que la demande en indemnité est recevable et de rejeter la fin de non-recevoir soulevée, à cet égard, par la BEI.

2.     Sur le fond

 Sur le droit applicable

 Arguments des parties

83      La requérante estime que, en qualité de pouvoir adjudicateur, la BEI est tenue d’agir conformément aux dispositions du « Guide pour la passation des marchés – Guide pour la passation des marchés de services, de fournitures et de travaux par la [BEI] pour son propre compte », dans sa version en vigueur au moment des faits (ci-après le « Guide »), ainsi que de respecter les principes généraux et le droit applicables aux procédures d’appel d’offres. En outre, si la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO L 134, p. 114), ne s’appliquait pas, en tant que telle, aux procédures d’appel d’offres de la BEI, il ressortirait de l’introduction du Guide que ladite directive constituerait une référence appropriée pour apprécier les dispositions du Guide, qui s’en inspireraient. Par ailleurs, le Tribunal aurait déjà accepté de contrôler la légalité d’une décision de la Commission portant attribution d’un marché public au regard de dispositions de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1), telle que modifiée par la directive 97/52/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 1997, qui modifie également les directives 93/36/CEE et 93/37/CEE portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures et des marchés publics de travaux respectivement (JO L 328, p. 1) (arrêt du Tribunal du 12 mars 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑345/03, Rec. p. II‑341, point 206).

84      La BEI objecte que la directive 2004/18 ne lui est pas applicable et ajoute que la jurisprudence applicable aux procédures d’appel d’offres ne la concerne que dans la mesure où elle interprète des dispositions qui lui sont, elles-mêmes, applicables. Il résulterait de la jurisprudence (arrêts du Tribunal Sogelma/AER, point 31 supra, point 115, et du 10 septembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑59/05, non publié au Recueil, points 46 et 47) que la directive 2004/18, de même que la directive 92/50, qu’elle abroge et remplace, ne seraient pas applicables aux marchés publics passés, pour leur propre compte, par une institution, un organe ou un organisme communautaire, sauf lorsque les dispositions applicables à ces derniers y renverraient expressément.

 Appréciation du Tribunal

85      Les arguments des parties posent la question de savoir quelles sont les règles qui régissent la passation des marchés publics de travaux, de fournitures ou de services que la BEI passe pour son propre compte, à titre onéreux et sur ses ressources propres.

86      La BEI est dotée de l’autonomie financière en ce qu’elle fonctionne, conformément à l’article 267 CE, « en faisant appel aux marchés des capitaux et à ses ressources propres » (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2003, Commission/BEI, point 42 supra, points 101 et 128) et non pas sur le budget communautaire, même si elle est amenée à gérer des fonds provenant dudit budget, en tant que mandataire de la Communauté et pour le compte de celle-ci, et que, partant, une partie de ses activités est réalisée à partir des fonds communautaires. En l’espèce, le recours concerne toutefois une procédure d’appel d’offres, financée sur les ressources propres de la BEI.

87      Une telle procédure n’est assujettie ni aux dispositions du titre IV de la deuxième partie du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1), tel que modifié (ci-après le « règlement financier »), ni, a fortiori, aux dispositions du titre III de la deuxième partie du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement n° 1605/2002 (JO L 357, p. 1) tel que modifié (ci-après les « modalités d’exécution »). En effet, ces dispositions ne sont applicables qu’au « budget général des Communautés européennes » et, ainsi qu’il résulte de l’article 88, paragraphe 1, du règlement financier, les marchés publics qui y sont assujettis correspondent aux seuls contrats qui sont financés, en tout ou partie, par ledit budget général (arrêt du Tribunal du 8 mai 2007, Citymo/Commission, T‑271/04, Rec. p. II‑1375, point 121).

88      Il n’en reste pas moins que les procédures de passation de marchés publics de la BEI doivent être conformes aux règles fondamentales du traité CE et aux principes généraux du droit, concernant notamment la libre circulation des marchandises (article 28 CE), le droit d’établissement (article 43 CE), la libre prestation de services (article 49 CE), la non-discrimination et l’égalité de traitement, la transparence et la proportionnalité. Il résulte en effet d’une jurisprudence bien établie, en ce qui concerne les procédures de passation de marchés publics communautaires, que le pouvoir adjudicateur est soumis aux règles fondamentales du traité CE, aux principes généraux du droit ainsi qu’aux objectifs de la charte.

89      En outre, même si les directives concernant la passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services ne régissent que des marchés passés par les entités ou les pouvoirs adjudicateurs des États membres et ne sont pas directement applicables aux marchés publics passés par l’administration communautaire, les règles ou principes édictés ou dégagés dans le cadre de ces directives peuvent être invoqués à l’encontre de ladite administration lorsqu’ils n’apparaissent, eux-mêmes, que comme l’expression spécifique de règles fondamentales du traité CE et de principes généraux du droit qui s’imposent directement à l’administration communautaire (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 9 septembre 2003, Rinke, C‑25/02, Rec. p. I‑8349, points 25 à 28). En effet, dans une communauté de droit, l’application uniforme du droit est une exigence fondamentale (arrêt de la Cour du 6 décembre 2005, ABNA e.a., C‑453/03, C‑11/04, C‑12/04 et C‑194/04, Rec. p. I‑10423, point 104) et tout sujet de droit est soumis au principe du respect de la légalité. Ainsi, les institutions sont tenues de respecter les règles du traité CE et les principes généraux du droit qui leur sont applicables, de la même manière que tout autre sujet de droit (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, points 18 à 21, et arrêt Antwerpse Bouwwerken/Commission, point 62 supra, point 55). Par ailleurs, les règles ou principes édictés ou dégagés dans le cadre de ces directives peuvent être invoqués à l’encontre de l’administration communautaire lorsque, dans l’exercice de son autonomie fonctionnelle et institutionnelle, et dans les limites des attributions qui lui sont conférées par le traité CE, celle-ci a adopté un acte qui renvoie expressément, pour régir les marchés publics qu’elle passe pour son propre compte, à certaines règles ou à certains principes énoncés dans les directives et par l’effet duquel lesdites règles et lesdits principes trouvent à s’appliquer, conformément au principe patere legem quam ipse fecisti (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 11 juillet 1985, Salerno e.a./Commission et Conseil, 87/77, 130/77, 22/83, 9/84 et 10/84, Rec. p. 2523, points 52, 56 et 57, et du 29 avril 2004, Commission/CAS Succhi di Frutta, C‑496/99 P, Rec. p. I‑3801, points 113 à 115). Lorsque l’acte en cause exige une interprétation, il doit être interprété, dans la mesure du possible, dans le sens de l’application uniforme du droit communautaire et de sa conformité avec les dispositions du traité CE et les principes généraux du droit (voir arrêts de la Cour du 21 mars 1991, Rauh, C‑314/89, Rec. p. I‑1647, point 17, et la jurisprudence citée, et du 29 juin 1995, Espagne/Commission, C‑135/93, Rec. p. I‑1651, point 37).

90      Il ressort du Guide que c’est aux fins de « respecter les principes fondamentaux de l’UE relatifs à la passation des marchés publics, et notamment les principes d’égalité de traitement, de non-discrimination et de transparence », que la BEI a décidé de mettre en place des procédures d’appel d’offres devant permettre « d’organiser la mise en concurrence de soumissionnaires qualifiés et de procéder à une sélection fondée sur des considérations de coût aussi bien que de qualité ». À cette fin, la BEI a considéré que, « [q]uoique la [d]irective [2004/18] ne s’appliqu[ait] pas en tant que telle à la BEI, elle constitu[ait] une référence appropriée pour l’établissement des procédures de la [BEI] ». Le point 2.1 du Guide énonce notamment que « [l]a [BEI] applique les procédures décrites dans la [d]irective [2004/18] lorsqu’elle attribue des marchés qui ne sont pas exclus du champ d’application de la [d]irective [2004/18] conformément à ses dispositions et dont la valeur totale estimée hors taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est égale ou supérieure aux seuils suivants : a) 206 000 EUR pour les marchés de services […] ». Dans le Guide, il est, par ailleurs, procédé à de nombreux renvois aux dispositions de la directive 2004/18.

91      Les points 2.4 et 2.5 du Guide décrivent en détail les différentes étapes de la procédure d’appel d’offres visée au point 2.2.1 dudit Guide.

92      Le Guide édicte, à cet égard, des règles de portée générale qui produisent des effets juridiques à l’égard des tiers, notamment ceux qui décident de soumissionner à un marché public financé, en tout ou partie, par les ressources propres de la BEI, de même qu’il lie juridiquement la BEI lorsque celle-ci décide de passer un marché public pour son propre compte (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Citymo/Commission, point 87 supra, point 122).

93      Il résulte des considérations qui précèdent que, lorsque la BEI intervient en faisant appel aux marchés des capitaux et à ses ressources propres, notamment lorsqu’elle passe des marchés publics pour son propre compte, elle est soumise tant aux principes énoncés au point 88 ci-dessus qu’aux dispositions du Guide, notamment celles citées au point 91 ci-dessus, telles qu’interprétées à la lumière des principes que lesdites dispositions visent à mettre en œuvre et, le cas échéant, des dispositions de la directive 2004/18 auxquelles ces dispositions renvoient.

 Sur la demande en annulation

94      À l’appui de sa demande en annulation, la requérante invoque cinq moyens dans la requête. Le premier moyen est tiré, en substance, d’une violation du point 2.5.2 du Guide, des principes de transparence et d’égalité de traitement ainsi que du droit à un recours effectif. Le deuxième moyen est pris, en substance, d’une violation des principes de transparence et de bonne administration, de l’obligation de motiver les décisions faisant grief ainsi que du droit à un recours effectif. Le troisième moyen est tiré, en substance, d’une violation du principe de proportionnalité et de l’obligation de choisir des critères d’attribution permettant une évaluation comparative objective des offres. Le quatrième moyen est pris d’une violation du principe d’égalité de traitement et de l’obligation d’utiliser, aux fins de l’évaluation comparative des offres, des critères d’attribution qui ne se confondent pas avec les critères de sélection des soumissionnaires. Le cinquième moyen est tiré d’une violation du droit applicable aux procédures d’appel d’offres, résultant de ce que les pondérations relatives des critères d’attribution auraient conduit à la neutralisation ou à la minimisation de l’« effet prix » dans la décision attaquée.

95      Par sa lettre déposée le 8 janvier 2010 (voir point 21 ci-dessus), la requérante a soulevé un sixième moyen d’annulation de la décision attaquée, tiré d’une violation de l’article 99 du règlement financier et de l’article 148, paragraphes 1 et 2, des modalités d’exécution, qui interdisent toute discussion entre le pouvoir adjudicateur et les candidats ou les soumissionnaires conduisant à la modification des conditions du marché ou des termes de l’offre, ainsi que des principes d’égalité de traitement, de transparence et de non-discrimination, tels que consacrés à l’article 89 du règlement financier, lu en combinaison avec son considérant 18.

96      Tout d’abord, il y a lieu d’examiner conjointement les premier et deuxième moyens du recours, dans la mesure où ceux-ci se recoupent partiellement. Ensuite, il convient de répondre conjointement aux troisième et quatrième moyens, qui apparaissent comme étant complémentaires. Enfin et pour des raisons d’opportunité, il importe de poursuivre par l’examen du sixième moyen avant d’examiner le cinquième moyen.

 Sur les premier et deuxième moyens

–       Arguments des parties

97      Par les premier et deuxième moyens, la requérante fait valoir que la BEI a violé le point 2.5.2 du Guide, les principes de transparence, d’égalité de traitement et de bonne administration, son droit à un recours effectif ainsi que l’obligation de motiver les décisions faisant grief. Tout d’abord, la BEI aurait dû lui signifier, dès que possible et par écrit, la décision attaquée et transmettre, de sa propre initiative, les mêmes informations à tous les soumissionnaires, sans exception, en leur accordant le temps nécessaire à l’exercice de leurs droits légitimes. Ensuite, la BEI aurait dû lui communiquer, dans les quinze jours de sa demande, le nom du soumissionnaire retenu ainsi que les motifs du rejet de sa propre offre et motiver la décision attaquée à son égard, en lui fournissant des éléments de comparaison, contenus dans le rapport d’évaluation, entre les caractéristiques et les avantages de sa propre offre et ceux de l’offre du soumissionnaire retenu. Enfin, la BEI aurait dû, à tout le moins, lui communiquer les motifs de la décision attaquée avant l’introduction du présent recours, afin de garantir son droit à un recours effectif.

98      La BEI conclut au rejet du premier moyen. Selon elle, la publication de l’avis d’attribution de marché au Journal officiel était un moyen officiellement admis dans l’ordre juridique communautaire pour communiquer la décision attaquée à la requérante. Le fait qu’elle n’a pas notifié individuellement à la requérante la décision attaquée serait une erreur administrative commise par ses services. Ces derniers auraient cependant répondu sans délai, le 1er août 2008, à la demande d’explications de la requérante du 31 juillet 2008. En tout état de cause, et conformément à la jurisprudence, le grief tiré du défaut d’information ne pourrait prospérer dès lors que la requérante aurait disposé, au jour de l’introduction du présent recours, à savoir le 6 octobre 2008, de la motivation qui était celle de la décision attaquée. De même, aucune violation du principe d’égalité de traitement ne pourrait être constatée dès lors que l’illégalité alléguée n’aurait pas eu d’influence sur la décision attaquée, compte tenu de ce que, au regard des critères d’attribution, le comité d’évaluation aurait clairement considéré que l’offre du soumissionnaire retenu était bien meilleure que celle de la requérante.

99      Par ailleurs, la BEI conclut au rejet du deuxième moyen. Elle soutient avoir motivé la décision attaquée à suffisance de droit et avoir suivi une procédure conforme aux dispositions du Guide et à la jurisprudence applicable aux procédures d’appel d’offres. Conformément à la jurisprudence et au point 2.5.2 du Guide, la requérante aurait reçu, par lettre du 1er août 2008, une explication motivée sur les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire, de sorte que la décision attaquée aurait été motivée de manière suffisante pour permettre à la requérante de faire valoir ses droits et au Tribunal d’exercer son contrôle, compte tenu des circonstances particulières du cas d’espèce. Il ressortirait clairement de ladite lettre que, pour chaque critère d’attribution à l’exception du critère financier, l’offre du soumissionnaire retenu aurait obtenu une note deux fois plus élevée que celle de la requérante. Même si la requérante avait obtenu une note meilleure que celle du soumissionnaire retenu en ce qui concerne le critère financier, cela n’aurait pas été déterminant, étant entendu que la pondération relative de ce dernier critère était de 25 % des points de la note globale.

–       Appréciation du Tribunal

100    Lorsque l’administration communautaire dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique communautaire dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties, figure, notamment, l’obligation pour ladite administration de motiver de façon suffisante ses décisions. C’est seulement ainsi que le juge est en mesure de vérifier si les éléments de fait et de droit dont dépend l’exercice du pouvoir d’appréciation ont été réunis (arrêt de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec. p. I‑5469, point 14, et arrêt du Tribunal du 5 mars 2002, Le Canne/Commission, T‑241/00, Rec. p. II‑1251, point 53). Or, il ressort d’une jurisprudence constante que cette administration dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de la prise d’une décision de passer un marché sur appel d’offres (arrêts du Tribunal du 27 septembre 2002, Tideland Signal/Commission, T‑211/02, Rec. p. II‑3781, point 33, et du 6 juillet 2005, TQ3 Travel Solutions Belgium/Commission, T‑148/04, Rec. p. II‑2627, point 47 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 23 novembre 1978, Agence européenne d’intérims/Commission, 56/77, Rec. p. 2215, point 20).

101    Il convient d’examiner, en premier lieu, les griefs de la requérante tirés d’une violation des dispositions du point 2.5.2 du Guide, en ce que la BEI ne l’aurait pas informée, dans les meilleurs délais, de l’adoption de la décision attaquée.

102    Il ressort du point 2.5.2 du Guide, relatif aux « [c]ontacts entre la [BEI] et les candidats et les soumissionnaires », que « [l]a [BEI] informe dans les meilleurs délais toutes les parties concernées de la décision prise dans le cadre de la procédure de passation de marché ».

103    La BEI a reconnu, devant le Tribunal ainsi que dans sa lettre à la requérante du 14 août 2008, que « la [r]equérante n’avait pas reçu de lettre officielle en temps utile, informant du résultat de la procédure d’appel d’offres », et elle a expliqué que, « à l’issue d’une enquête poussée [à la suite de] la réclamation de la requérante, elle avait découvert que ce manquement était imputable à une erreur administrative ». En outre, la BEI a admis que l’ensemble des soumissionnaires, « à l’exception malheureuse de la [r]equérante », avaient été informés de l’adoption de la décision attaquée par courrier du 18 février 2008. Il n’est pas contesté que la requérante n’a pris connaissance de l’existence de la décision attaquée que par la publication de l’avis d’attribution au Supplément au Journal officiel, le 26 juillet 2008, soit plus d’un mois après la signature de l’accord-cadre, les 12 et 17 juin 2008, et sa prise d’effet le 16 juin 2008.

104    En l’espèce, la BEI a donc violé les dispositions du point 2.5.2 du Guide, en ce qu’elle n’a pas informé la requérante, dans les meilleurs délais, de l’adoption de la décision attaquée.

105    Il convient d’examiner, en deuxième lieu, les griefs de la requérante tirés d’une violation des dispositions du point 2.5.2 du Guide et de l’obligation de motiver les décisions faisant grief, résultant de ce que la BEI ne lui aurait pas fourni les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’adjudicataire, dans les 15 jours suivant la réception de sa demande écrite ou, au plus tard, avant l’introduction de son recours.

106    Le point 2.5.2 du Guide dispose notamment que, « [s]ur demande de la partie concernée, la [BEI] communique, dans les 15 jours suivant la réception de la demande écrite : [...] à tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’adjudicataire ou des parties à l’accord-cadre […] ».

107    Cette façon de procéder est conforme à la finalité de l’obligation de motivation inscrite à l’article 253 CE, selon laquelle la motivation d’une décision faisant grief doit être de nature à permettre au juge d’exercer son contrôle de légalité et à l’intéressé de connaître les justifications de la mesure prise, afin de pouvoir défendre ses droits et de vérifier si la décision est ou non bien fondée (voir, par analogie, arrêts du Tribunal du 24 janvier 1992, La Cinq/Commission, T‑44/90, Rec. p. II‑1, point 42, et la jurisprudence citée ; du 8 mai 1996, Adia Interim/Commission, T‑19/95, Rec. p. II‑321, point 32, et du 12 juillet 2007, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑250/05, non publié au Recueil, points 68 et 69). Dans le contexte des procédures d’appel d’offres, le fait que les soumissionnaires intéressés ne reçoivent une décision motivée qu’en réponse à une demande expresse de leur part ne restreint nullement la possibilité dont ils disposent de faire valoir leurs droits devant le Tribunal. En effet, le délai de recours prévu à l’article 230, cinquième alinéa, CE commence à courir seulement au moment de la notification de la décision motivée, à condition que le soumissionnaire ait introduit sa demande d’obtenir une décision motivée dans un délai raisonnable après avoir pris connaissance du rejet de son offre (voir arrêt Adia Interim/Commission, précité, point 33, et la jurisprudence citée).

108    Compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont il dispose dans le cadre des procédures d’appel d’offres, le pouvoir adjudicateur est tenu de fournir une motivation suffisante aux soumissionnaires écartés qui en font la demande, ce qui suppose qu’il veille soigneusement à refléter, dans les motifs qu’il communique, tous les éléments sur lesquels il a fondé sa décision (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, point 84 supra, point 134).

109    Le respect de l’obligation de motivation doit être apprécié en fonction des éléments d’information dont la requérante dispose au moment de l’introduction de son recours (arrêts du Tribunal du 25 février 2003, Strabag Benelux/Conseil, T‑183/00, Rec. p. II‑135, point 58, et Renco/Conseil, T‑4/01, Rec. p. II‑171, point 96). En revanche, il est de jurisprudence constante que la motivation ne peut être explicitée pour la première fois et a posteriori devant le juge, sauf circonstances exceptionnelles (voir arrêt du Tribunal du 20 mai 2009, VIP Car Solutions/Parlement, T‑89/07, Rec. p. II‑1403, point 76, et la jurisprudence citée).

110    Il n’est pas contesté que, par lettre du 31 juillet 2008, la requérante a introduit une demande visant à connaître les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire. La BEI soutient qu’elle a répondu à cette demande par son courrier du 1er août 2008. Si, à la suite de cette dernière lettre, la requérante a, une nouvelle fois, par courrier du 1er août 2008, demandé des éclaircissements, la BEI lui a répondu, dans sa lettre du 14 août 2008, qu’elle lui avait déjà fourni la réponse la plus complète possible et elle l’a invitée à se référer à la décision d’attribution publiée au Journal officiel. Il ne ressort ni du dossier ni des arguments des parties que les motifs de la décision attaquée auraient pu être communiqués à la requérante, par la BEI, par d’autres moyens que ceux évoqués ci-dessus avant l’introduction du présent recours.

111    Il s’ensuit que la motivation de la décision attaquée donnée à la requérante, par la BEI, avant l’introduction de son recours et en réponse à sa demande en date du 31 juillet 2008, doit être trouvée dans le libellé de la lettre de la BEI du 1er août 2008, son contexte et l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée, cette décision ayant été envoyée dans un délai de quinze jours suivant la réception de la demande de la requérante.

112    Il ressort de la lettre du 1er août 2008 que la BEI a communiqué à la requérante le nom du soumissionnaire retenu, les pondérations relatives des critères d’attribution et la ventilation des points attribués respectivement à l’offre de la requérante et à celle du soumissionnaire retenu à l’issue de l’évaluation comparative des offres. Dans ladite lettre, il était indiqué que l’offre de la requérante avait reçu 22,03 points (sur 35 points disponibles), ventilés comme suit : 8,75 points (sur 8,75 points disponibles) pour le critère financier, 2,85 points (sur 5,25 points disponibles) pour le critère technique intitulé « Processus de gestion de la qualité », 7,43 points (sur 15,75 points disponibles) pour le critère technique intitulé « Niveau de conformité des compétences et qualifications du personnel proposé » et 3 points (sur 5,25 points disponibles) pour le critère technique intitulé « Capacité à fournir une équipe issue de ses ressources propres », alors que l’offre du soumissionnaire retenu avait reçu 29,36 points (sur 35 points disponibles), ventilés comme suit : 5,29 points (sur 8,75 points disponibles) pour le critère financier, 4,12 points (sur 5,25 points disponibles) pour le critère technique intitulé « Processus de gestion de la qualité », 15,3 points (sur 15,75 points disponibles) pour le critère technique intitulé « Niveau de conformité des compétences et qualifications du personnel proposé » et 4,12 points (sur 5,25 points disponibles) pour le critère technique intitulé « Capacité à fournir une équipe issue de ses ressources propres ».

113    Les informations fournies par la BEI, sous forme de notation chiffrée, permettaient à la requérante de comparer directement, pour chaque critère d’attribution, les points obtenus par son offre avec ceux obtenus par l’offre du soumissionnaire retenu, la BEI ne s’étant pas bornée à communiquer à la requérante la note globale obtenue par chacune des offres concernées. En particulier, ces informations permettaient à la requérante d’identifier immédiatement les raisons précises pour lesquelles son offre n’avait pas été choisie, à savoir que, à l’issue de l’évaluation comparative des offres, la note globale obtenue par son offre était inférieure à celle obtenue par l’offre du soumissionnaire retenu, dès lors que, même si elle avait obtenu la meilleure note s’agissant du critère financier, cela n’avait pas suffi, compte tenu des pondérations relatives des critères d’attribution retenues par la BEI, à contrebalancer les notes obtenues par son offre pour chacun des trois critères techniques d’attribution, qui étaient inférieures à celles obtenues par l’offre du soumissionnaire retenu.

114    Or, s’agissant d’une procédure d’appel d’offres dans le cadre de laquelle la requérante était la moins-disante, en ce sens qu’elle avait soumis l’offre la moins élevée de toutes les offres à comparer, et n’avait donc vu son offre être rejetée qu’en raison de ce que la valeur technique de ladite offre avait été jugée relativement moins bonne que celle de l’offre du soumissionnaire retenu, il y a lieu de constater que cette motivation, si elle constituait un début d’explication, ne pouvait toutefois être considérée comme étant suffisante au regard de l’exigence selon laquelle la motivation doit faire apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’auteur de l’acte (voir, en ce sens, arrêt VIP Car Solutions/Parlement, point 109 supra, points 75 et 76). En effet, la lettre du 1er août 2008 ne contient pas d’informations sur les raisons qui, selon la BEI, ont justifié les notes attribuées pour les critères techniques respectivement à l’offre de la requérante et à celle du soumissionnaire retenu. En outre, lesdites notes contenues dans cette lettre n’ont pas été complétées par des commentaires généraux donnant des précisions sur les raisons qui ont conduit la BEI à attribuer davantage de points à l’offre du soumissionnaire retenu qu’à celle de la requérante, pour chacun des critères techniques, qui auraient permis de considérer la motivation de la décision attaquée comme suffisante (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 10 septembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, point 84 supra, point 129, et du 9 septembre 2009, Brink’s Security Luxembourg/Commission, T‑437/05, Rec. p. II‑3233, point 169).

115    Certes, la BEI a explicité, au cours de l’instance, les raisons qui l’ont conduite à adopter la décision attaquée et, notamment, le fait que, concernant le critère technique intitulé « Niveau de conformité des compétences et qualifications du personnel proposé » et le critère technique intitulé « Capacité à fournir une équipe issue de ses ressources propres », « le problème principal [était] l’expérience (ou plutôt le manque d’expérience) des consultants de la [r]equérante dans le secteur bancaire/financier » et que, concernant le critère technique intitulé « Processus de gestion de la qualité », l’offre du soumissionnaire retenu « était plus concrète » que celle de la requérante, qui « semblait couvrir tous les aspects requis, mais […] était décrite en des termes assez généraux et complexes ». Cela ne peut toutefois pas compenser l’insuffisance de la motivation initiale de la décision attaquée. En effet, la BEI n’a fait état d’aucune circonstance exceptionnelle qui aurait justifié de ne pas avoir fourni une motivation suffisante à la requérante dans les quinze jours suivant la réception de sa demande et, en tout état de cause, avant l’introduction de son recours.

116    Il résulte de tout ce qui précède que la décision attaquée est entachée d’une insuffisance de motivation et que, partant, elle viole les dispositions du point 2.5.2 du Guide et, plus généralement, l’obligation de motivation inscrite à l’article 253 CE.

117    Il convient d’examiner, en troisième lieu, les griefs de la requérante tirés d’une violation du droit à un recours effectif ainsi que d’une violation des principes d’égalité de traitement, de transparence et de bonne administration.

118    S’agissant, tout d’abord, de la violation alléguée du principe du droit à un recours effectif, il importe de rappeler que l’accès au juge est l’un des éléments constitutifs d’une communauté de droit et qu’il est garanti dans l’ordre juridique fondé sur le traité CE du fait que celui-ci a établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à confier à la Cour le contrôle de la légalité des actes de l’administration communautaire (arrêt Les Verts/Parlement, point 30 supra, point 23). En outre, la Cour fonde sur les traditions constitutionnelles communes aux États membres et sur les articles 6 et 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, le droit à un recours effectif devant une juridiction compétente (arrêts de la Cour du 15 mai 1986, Johnston, 222/84, Rec. p. 1651, point 18, et du 9 février 2006, Sfakianakis, C‑23/04 à C‑25/04, Rec. p. I‑1265, point 28 ; arrêt Philip Morris International/Commission, point 46 supra, point 121). Enfin, le droit à un recours effectif pour toute personne dont les droits et les libertés garantis par le droit communautaire ont été violés a, en outre, été proclamé à l’article 47 de la charte.

119    Par ailleurs, dans le cadre des procédures d’appel d’offres, il convient de protéger les soumissionnaires contre l’arbitraire du pouvoir adjudicateur en leur garantissant que les décisions illégales prises par ce dernier puissent faire l’objet de recours efficaces et aussi rapides que possible (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 23 décembre 2009, Commission/Irlande, C‑455/08, non publié au Recueil, point 26).

120    Une protection juridique complète des soumissionnaires contre l’arbitraire du pouvoir adjudicateur suppose donc, tout d’abord, l’obligation d’informer l’ensemble des soumissionnaires de la décision d’attribution du marché avant la conclusion du contrat, afin que ceux-ci disposent d’une réelle possibilité d’intenter un recours ayant pour objet l’annulation de cette décision, lorsque les conditions qui y sont afférentes sont réunies.

121    Cette protection juridique complète exige, ensuite, de prévoir la possibilité pour le soumissionnaire évincé d’examiner en temps utile la question de la validité de la décision d’attribution, ce qui suppose qu’un délai raisonnable doit s’écouler entre le moment où la décision d’attribution est communiquée aux soumissionnaires évincés et la signature du contrat, afin notamment de permettre à ces derniers d’introduire une demande en référé, au titre des dispositions combinées des articles 242 CE et 243 CE ainsi que de l’article 225, paragraphe 1, CE, visant à ce que le juge des référés ordonne le sursis à l’exécution de la décision attaquée jusqu’à ce que le juge du fond se prononce sur leur recours principal en annulation de cette décision (voir, en ce sens et par analogie, arrêts de la Cour du 24 juin 2004, Commission/Autriche, C‑212/02, non publié au Recueil, points 21 et 23, et la jurisprudence citée, et Commission/Irlande, point 119 supra, points 27 et 28, et la jurisprudence citée). En effet, le droit à une protection juridictionnelle complète et effective implique que puisse être assurée la protection provisoire des justiciables, si elle est nécessaire pour garantir la pleine efficacité de la décision à intervenir au principal, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par les juridictions compétentes (voir ordonnances du président de la Cour du 3 mai 1996, Allemagne/Commission, C‑399/95 R, Rec. p. I‑2441, point 46, et la jurisprudence citée, et du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C‑445/00 R, Rec. p. I‑1461, point 111, et la jurisprudence citée).

122    Enfin, pour que l’exigence d’une protection juridictionnelle effective soit préservée, il faut que le pouvoir adjudicateur respecte l’obligation de motivation qui lui incombe (voir point 108 ci-dessus) en fournissant une motivation suffisante à tout soumissionnaire écarté qui en fait la demande, afin que ce dernier puisse user de ce droit dans les meilleures conditions possibles et se voie reconnaître la faculté de décider, en pleine connaissance de cause, s’il est utile pour lui de saisir le juge compétent. En effet, la motivation de la décision attaquée est une forme substantielle visant notamment à garantir le droit de la personne, à laquelle l’acte fait grief, à un recours effectif (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 28 octobre 1975, Rutili, 36/75, Rec. p. 1219, point 37 à 39, et du 15 octobre 1987, Heylens e.a., 222/86, Rec. p. 4097, points 15 et 16).

123    En l’espèce, la procédure d’appel d’offres n’a pas répondu à ces exigences. En effet, d’une part, la décision attaquée n’a pas été notifiée à la requérante, qui en a eu connaissance après que celle-ci avait, en principe, épuisé ses effets avec la signature et l’entrée en vigueur de l’accord-cadre. Si la BEI a soutenu, lors de l’audience, que la requérante pouvait encore introduire une demande de sursis à l’exécution de la décision attaquée après la signature de l’accord-cadre, elle est restée en défaut de répondre aux arguments de la requérante, également présentés lors de l’audience, selon lesquels une telle demande ne pouvait plus produire aucun effet utile après que l’accord-cadre avait été signé et avait reçu un début d’exécution. En outre, il importe de tenir compte de ce que la BEI a elle-même reconnu que l’exécution de la décision attaquée, matérialisée par la signature puis l’exécution du contrat-cadre, faisait obstacle à ce qu’elle puisse tirer toutes les conséquences qui s’attacheraient à une éventuelle annulation de la décision attaquée, notamment la réouverture de la procédure d’appel d’offres (voir point 60 ci-dessus). Ainsi, en l’espèce, la possibilité pour la requérante d’introduire une telle demande de sursis, avant même la signature et l’entrée en vigueur de l’accord-cadre, était nécessaire en vue de donner un caractère effectif à son recours au principal, qui visait au contrôle de l’impartialité de la procédure d’appel d’offres et à la préservation de ses chances de pouvoir passer le marché avec la BEI, au terme de ladite procédure. D’autre part, ainsi qu’il a déjà été constaté (voir point 116 ci-dessus), la BEI n’a pas fourni à la requérante une motivation suffisante de la décision attaquée avant l’introduction de son recours au principal qui tend, notamment, à l’annulation de cette décision.

124    Il s’ensuit que la BEI a, en l’espèce, violé le droit de la requérante à un recours effectif.

125    S’agissant, ensuite, de la violation alléguée des principes d’égalité de traitement et de transparence, il résulte d’une jurisprudence bien établie, en ce qui concerne les procédures d’appel d’offres, que le pouvoir adjudicateur est tenu au respect du principe d’égalité de traitement des soumissionnaires, qui n’est qu’une expression spécifique du principe d’égalité de traitement (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 13 octobre 2005, Parking Brixen, C‑458/03, Rec. p. I‑8585, points 46 et 48, et la jurisprudence citée). Selon une jurisprudence constante, le pouvoir adjudicateur est tenu, à chaque phase d’une procédure d’appel d’offres, au respect du principe d’égalité de traitement des soumissionnaires (arrêt Commission/CAS Succhi di Frutta, point 89 supra, point 108  et arrêt du Tribunal du 17 décembre 1998, Embassy Limousines & Services/Parlement, T‑203/96, Rec. p. II‑4239, point 85) et, par voie de conséquence, au respect de l’égalité des chances de tous les soumissionnaires (arrêt du Tribunal du 12 juillet 2007, Evropaïki Dynamiki/Commission, point 107 supra, point 45). Selon la jurisprudence, les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination en raison de la nationalité impliquent, en outre, une obligation de transparence, qui consiste à garantir, en faveur de tout soumissionnaire potentiel, un degré de publicité adéquat permettant une ouverture du marché public à la concurrence ainsi que le contrôle de l’impartialité des procédures d’adjudication (arrêts de la Cour du 7 décembre 2000, Telaustria et Telefonadress, C‑324/98, Rec. p. I‑10745, point 62, et Parking Brixen, précité, point 49).

126    En l’occurrence, il n’est pas contesté que la BEI a immédiatement communiqué la décision attaquée aux autres soumissionnaires évincés, et ce longtemps avant la signature de l’accord-cadre, offrant ainsi à ces derniers la possibilité, dont elle a illégalement privé la requérante (voir point 123 ci-dessus), d’introduire devant le juge des référés une demande de sursis à l’exécution de la décision attaquée jusqu’à la signature de l’accord-cadre en vue de préserver le caractère effectif d’un recours au principal visant au contrôle de l’impartialité de la procédure d’appel d’offres.

127    Il s’ensuit que la BEI a, en l’espèce, violé les principes d’égalité de traitement et de transparence, en portant atteinte au droit de la requérante à un recours effectif contre la décision attaquée, alors que les autres soumissionnaires évincés ont bénéficié d’un tel droit.

128    S’agissant, enfin, de la violation alléguée du principe de bonne administration, il résulte de la jurisprudence que ce principe peut constituer une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, lorsqu’il constitue l’expression de droits spécifiques (arrêt du Tribunal du 13 novembre 2008, SPM/Conseil et Commission, T‑128/05, non publié au Recueil, point 127).

129    Dès lors qu’il ressort des développements qui précèdent que la BEI a porté atteinte à des droits protégés de la requérante en ne lui communiquant pas, dans les plus brefs délais, la décision attaquée et en ne lui communiquant pas, dans les quinze jours de la réception de sa demande et avant l’introduction de son recours, une motivation suffisante de cette dernière décision, celle-ci a également violé le principe de bonne administration, en portant atteinte au droit de la requérante à un recours effectif contre la décision attaquée.

130    Selon la jurisprudence de la Cour, peuvent être considérées comme substantielles les formes conçues pour entourer les mesures de toutes les garanties de circonspection et de prudence (arrêt de la Cour du 21 mars 1955, Pays-Bas/Haute Autorité, 6/54, Rec. p. 201, 220). Dans le cadre de la passation d’un marché public, le droit d’un soumissionnaire évincé à un recours effectif contre la décision qui attribue le marché public à un autre soumissionnaire de même que l’obligation corrélative qui incombe au pouvoir adjudicateur de lui communiquer, sur demande, les motifs de sa décision doivent être regardés comme des formes substantielles au sens de la jurisprudence précitée, dans la mesure où celles-ci entourent l’élaboration de la décision d’attribution de garanties qui permettent l’exercice d’un contrôle effectif sur l’impartialité de la procédure d’appel d’offres qui a abouti à cette décision.

131    Conformément à la jurisprudence portant sur la violation d’une forme substantielle, il convient de constater que le non-respect par la BEI des formes substantielles entourant la décision attaquée doit entraîner l’annulation de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 30 mars 1995, Parlement/Conseil, C‑65/93, Rec. p. I‑643, point 21).

132    Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir les premier et deuxième moyens du recours.

 Sur les troisième et quatrième moyens

–       Arguments des parties

133    Par le troisième moyen, la requérante soutient que, en utilisant un critère d’attribution intitulé « Capacité à fournir une équipe issue de ses ressources propres », la BEI a violé le principe de proportionnalité et l’obligation de choisir des critères d’attribution permettant une évaluation comparative objective des offres. Ledit critère d’attribution aurait empêché les soumissionnaires d’exercer leur droit légitime de recourir à des sous-traitants. En outre, ce critère aurait été formulé de manière trop imprécise pour permettre aux soumissionnaires de connaître la capacité optimale qu’ils devaient offrir pour obtenir la note maximale. Dans la liste de « Questions et réponses », la question portant sur le niveau maximal de « capacité à fournir une équipe » et la réponse de la BEI à cette question, selon laquelle elle « n’a[vait] pas déterminé de nombre optimal », démontreraient que les soumissionnaires ne pouvaient savoir et ne savaient pas ce qu’ils devaient ou pouvaient faire pour soumettre la meilleure offre au regard de ce critère, et que ce « nombre optimal » avait été déterminé par le comité d’évaluation au stade de l’évaluation comparative des offres. Un tel procédé aurait eu pour effet de fausser la concurrence entre les soumissionnaires au profit du soumissionnaire retenu, à savoir le contractant en place, qui détiendrait les outils informatiques spécifiques utilisés par la BEI, ou des soumissionnaires qui avaient les capacités suffisantes pour ne pas recourir à une équipe d’experts externes mobilisables en cas d’attribution du marché. Contrairement à ce que soutient la BEI, les outils informatiques spécifiques détenus par le soumissionnaire retenu ne seraient pas particulièrement répandus, puisque leur part de marché ne serait que de 3 % et qu’ils seraient plutôt en déclin. Par ailleurs, la requérante fait valoir qu’elle disposait de nombreux experts répondant aux besoins de la BEI, ainsi que cette dernière l’aurait elle-même reconnu et ainsi que l’attesterait un tableau inséré dans la réplique. Elle invite également la BEI à dévoiler les curriculum vitae anonymes du personnel transmis par le soumissionnaire retenu afin que leurs qualifications puissent être comparées à celles de ses propres experts.

134    La BEI conclut au rejet du troisième moyen. Les points 6.4 et 6.5 du cahier des charges auraient clairement stipulé que la sous-traitance et les groupements de soumissionnaires étaient autorisés, ce qui incluait le recours à des experts indépendants. Cela aurait encore été confirmé dans la liste de « Questions et réponses », où il était précisé que les ressources émanant de sous-traitants étaient assimilées à des ressources propres du soumissionnaire concerné aux fins de la procédure d’appel d’offres. La seule condition posée au point 1.3 du cahier des charges aurait été que les soumissionnaires fassent preuve de leur volonté de recruter une équipe disposant de compétences appropriées. Par ailleurs, le soumissionnaire retenu n’aurait pas été le seul à pouvoir répondre au critère technique intitulé « Capacité à fournir une équipe issue de ses ressources propres » en faisant appel à son « propre personnel », dans la mesure où il n’aurait pas détenu l’intégralité des outils informatiques utilisés dans le cadre de l’application informatique en cause. Le langage de programmation de cette application, à savoir le langage « Java », ainsi que les outils développés par le soumissionnaire retenu, dont le logiciel « Sybase server suite » et le système de gestion de base de données, seraient connus sur le marché et de nombreuses personnes seraient compétentes à cet égard. Cela serait démontré par les curriculum vitae fournis par la requérante, notamment par un curriculum vitae qui ferait état d’une expérience relative à l’ensemble du logiciel « Sybase server suite » ainsi que d’une grande connaissance du langage « Java ». En outre, la requérante se serait elle-même contredite dans ses arguments ou à travers les documents qu’elle a produits.

135    Par le quatrième moyen, la requérante estime que, en utilisant le critère d’attribution intitulé « Capacité à fournir une équipe issue de ses ressources propres », la BEI a violé le principe d’égalité de traitement et l’obligation de n’utiliser, aux fins de l’évaluation comparative des offres lors de la phase d’attribution du marché, que des critères qui ne relèvent pas de la phase de sélection des soumissionnaires. Ledit critère, comme l’aurait reconnu la BEI au point 89 du mémoire en défense, n’aurait eu d’autre but que de vérifier la « capacité des effectifs des soumissionnaires » à travers l’étude de leur curriculum vitae et aurait déjà été utilisé, à bon escient, lors de la phase de sélection des soumissionnaires. Il n’aurait donc pas pu être utilisé lors de la phase d’évaluation comparative des offres et d’attribution du marché, en vertu de la règle selon laquelle les procédures de sélection des soumissionnaires et d’attribution du marché devraient être nettement séparées. De plus, la BEI aurait enfreint le principe d’égalité de traitement en ce que, par la double application de ce critère, elle aurait favorisé le soumissionnaire retenu, qui aurait été le mieux à même de « fournir une équipe », dès lors qu’il était également le contractant en place détenant les outils informatiques spécifiques utilisés par la BEI et qu’il aurait eu potentiellement plus d’experts à sa disposition.

136    La BEI conclut au rejet du quatrième moyen. Elle rappelle le large pouvoir d’appréciation dont elle disposait au stade de la sélection des critères d’attribution du marché. Les critères de sélection des soumissionnaires, selon lesquels ces derniers devaient disposer d’au moins quinze salariés travaillant pour eux depuis au moins deux ans dans leur département informatique ainsi que de trois références vérifiables, ne pourraient être confondus avec le critère d’attribution intitulé « Capacité à fournir une équipe issue de ses ressources propres », ces critères correspondant à des points distincts dans le cahier des charges. Le critère mentionné au point 6.2.2 du cahier des charges, conformément au point 2.5.1.1 du Guide, en tant que critère de sélection des soumissionnaires, aurait été destiné à vérifier que ces derniers répondaient aux conditions minimales requises en termes de personnel et de capacité de leur service informatique, alors que le critère mentionné au point 7.1.1 du cahier des charges, conformément au point 2.5.1.2 du Guide, en tant que critère d’attribution du marché, aurait été destiné à évaluer les compétences et l’expérience pertinente des salariés proposés par les soumissionnaires au vu de leurs curriculum vitae et des tableaux de compétences transmis ainsi que la capacité des soumissionnaires à répondre aux besoins spécifiques du marché public. La BEI soutient également que la requérante est de mauvaise foi lorsque celle-ci allègue qu’elle a reconnu que ses actes avaient été contraires au droit applicable aux procédures d’appel d’offres.

–       Appréciation du Tribunal

137    De même que la BEI dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de l’adoption d’une décision de passer un marché public par appel d’offres, elle jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer tant le contenu que la mise en œuvre des règles applicables à la passation, pour son propre compte, d’un marché public par appel d’offres (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 14 février 2006, TEA-CEGOS e.a./Commission, T‑376/05 et T‑383/05, Rec. p. II‑205, points 50 et 51). La faculté laissée à la BEI de choisir librement les critères d’attribution sur la base desquels elle entend attribuer les marchés publics qu’elle passe, pour son propre compte, lui permet de prendre en considération la nature, l’objet et les spécificités propres à chaque marché.

138    Il importe, cependant, de tenir compte des dispositions du Guide. Au point 2.5 de ce dernier, sont énoncées les règles applicables au « [d]éroulement de la procédure ». En particulier, le point 2.5.1 traite de la « [v]érification de l’aptitude et [du] choix des participants » ainsi que de l’« attribution des marchés ». Il ressort, notamment, de ce dernier point que « [l]’attribution des marchés de la [BEI] se fait sur la base des critères de sélection et d’attribution énoncés dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges, après vérification de l’éligibilité des opérateurs économiques à participer à la procédure ».

139    Aux termes du point 2.5.1.1, relatif aux « [c]ritères de sélection », « [l]’objet de ces critères est de déterminer si un opérateur se trouve dans la situation économique et financière et présente les capacités techniques et professionnelles nécessaires pour exécuter le marché ». Il est, en outre, prévu que « [l]a [BEI] fixe ces critères conformément aux articles 47 et 48 de la [d]irective [2004/18], en prenant en considération, le cas échéant, les dispositions des articles 49 et 50 ». Il est encore précisé que « la [BEI] peut fixer des niveaux minimaux de capacité en deçà desquels les soumissionnaires ou les candidats seront exclus de la procédure » et que « [c]es seuils sont précisés dans l’avis de marché ».

140    Le point 2.5.1.2 du Guide, relatif aux « [c]ritères d’attribution du marché », prévoit notamment ce qui suit :

« L’objet de[s] critères [d’attribution] est de permettre une sélection parmi les soumissionnaires qui n’ont pas été exclus [au terme de la procédure de sélection] et qui, par ailleurs, répondent aux critères de sélection énoncés dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges.

Les critères sur lesquels la [BEI] se fonde pour attribuer les marchés sont :

a)      […] lorsque l’attribution se fait à l’offre économiquement la plus avantageuse (meilleur rapport qualité/prix) du point de vue de la [BEI], divers critères liés à l’objet du marché en question – par exemple, la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les caractéristiques environnementales, le coût d’utilisation, la rentabilité, le service après-vente et l’assistance technique, la date de livraison et le délai de livraison ou d’exécution ;

[…]

Dans le cas prévu au paragraphe a) ci-dessus, la [BEI] précise dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges ou, dans le cas du dialogue compétitif, dans le document descriptif la pondération relative qu’elle confère à chacun des critères choisis pour déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse […] »

141    Les dispositions du Guide mentionnées au point 140 ci-dessus visent à garantir que la faculté laissée à la BEI dans le choix des critères d’attribution s’exerce dans le respect des principes d’égalité de traitement et de transparence au stade de l’évaluation des offres en vue de l’attribution du marché (voir, en ce sens et par analogie, arrêts de la Cour du 20 septembre 1988, Beentjes, 31/87, Rec. p. 4635, points 21 et 22, et du 12 décembre 2002, Universale-Bau e.a., C‑470/99, Rec. p. I‑11617, points 90 à 92). Le but de ces dispositions est, en effet, de permettre à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents d’interpréter les critères d’attribution de la même manière et de disposer, par conséquent, des mêmes chances dans la formulation des termes de leur offre (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 18 octobre 2001, SIAC Construction, C‑19/00, Rec. p. I‑7725, point 42).

142    De plus, ces dispositions visent à garantir le respect du principe de proportionnalité, qui exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêt Antwerpse Bouwwerken/Commission, point 62 supra, point 57). S’il est vrai que les critères pouvant être retenus par le pouvoir adjudicateur lorsque l’attribution se fait à l’offre économiquement la plus avantageuse ne sont pas énumérés de manière limitative au point 2.5.1.2 du Guide et que ce point laisse au pouvoir adjudicateur la faculté de choisir les critères d’attribution du marché public qui lui semblent les mieux appropriés, ce choix ne peut donc porter que sur des critères qui visent à identifier l’offre économiquement la plus avantageuse (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 24 janvier 2008, Lianakis e.a., C‑532/06, Rec. p. I‑251, point 29, et la jurisprudence citée ; arrêts Renco/Conseil, point 109 supra, point 66, et Strabag Benelux/Conseil, point 109 supra, points 73 et 74). Partant, sont exclus, en tant que critères d’attribution, des critères qui ne visent pas à identifier l’offre économiquement la plus avantageuse, mais sont liés essentiellement à l’appréciation de l’aptitude des soumissionnaires à exécuter le marché en question (voir, en ce sens et par analogie, arrêts de la Cour Beentjes, point 141 supra, points 15 à 19 ; du 19 juin 2003, GAT, C‑315/01, Rec. p. I‑6379, points 59 à 67, et Lianakis e.a., précité, points 30 à 32). La qualité des offres est à évaluer sur la base des offres elles-mêmes et non pas à partir de l’expérience acquise par les soumissionnaires avec le pouvoir adjudicateur lors de précédents contrats ou sur la base de critères, tels que la capacité des soumissionnaires à exécuter le marché, qui relèvent de la phase de sélection des soumissionnaires et ne peuvent pas être pris en compte aux fins de l’évaluation comparative des offres (arrêt Beentjes, point 141 supra, point 15, et arrêt TQ3 Travel Solutions Belgium/Commission, point 100 supra, point 86).

143    Par les troisième et quatrième moyens, la requérante fait, en substance, valoir que le critère d’attribution intitulé « Capacité à fournir une équipe issue de ses ressources propres » était imprécis, discriminatoire et disproportionné par rapport à l’objectif poursuivi, visant à identifier l’offre économiquement la plus avantageuse, de sorte que le choix d’un tel critère d’attribution n’était pas conforme aux obligations qui découlent, pour la BEI, des principes généraux du droit applicables aux procédures d’appel d’offres, tels que mis en œuvre au point 2.5.1.2 du Guide.

144    Il importe, à cet égard, de relever que le critère d’attribution intitulé « Capacité à fournir une équipe issue de ses ressources propres » était énoncé au point 7.1.1 du cahier des charges, relatif aux « [c]ritères techniques », lequel précisait, en outre, que « [l]a capacité du soumissionnaire à fournir une équipe disposant des compétences requises sera[it] évaluée sur la base de l’information fournie dans la [t]able des [p]rofils du [p]ersonnel et les [curriculum vitae] ». Il ressort de la liste de « Questions et réponses » que, à travers ce critère technique, « la [BEI] souhait[ait] s’assurer que [l’adjudicataire du marché] n’a[vait] pas seulement un personnel compétent et expérimenté suffisamment nombreux pour constituer une équipe principale, mais qu’il a[vait] également à sa disposition une réserve de ressources adéquates, en termes de compétence et d’expérience, pour répondre à des besoins supplémentaires ». À cet égard, la BEI a indiqué que ce serait « la [t]able des [p]rofils du [p]ersonnel [qui] fournira[it] une indication de la profondeur et de l’ampleur de la compétence et de l’expérience à disposition du soumissionnaire que la [BEI] pourrait mobiliser ». Cela est conforme au contenu du point 4.2 du cahier des charges, selon lequel les soumissionnaires devaient décrire le personnel proposé dans la table des profils du personnel figurant en annexe au cahier des charges et selon lequel leur proposition à cet égard serait évaluée sur la base de l’expérience et du nombre de personnes disposant des compétences adéquates. En outre, la BEI indiquait qu’elle « examinera[it] la [t]able des [p]rofils du [p]ersonnel […] pour apprécier si le soumissionnaire para[issait] disposer d’un personnel disposant des compétences adéquates en nombre suffisant et avec une expérience suffisante pour répondre [à ses] besoins » et que « [c]ette appréciation s’appliquera[it] à deux des critères techniques […] : le niveau de conformité des compétences et qualifications du personnel proposé et la capacité à fournir une équipe issue de ses ressources propres ». Par ailleurs, la BEI a également indiqué qu’elle n’avait pas « défini un nombre optimal » en ce qui concerne les équipes à fournir et, notamment, l’équipe issue de ressources propres devant être fournie pour répondre aux besoins supplémentaires du pouvoir adjudicateur. Enfin, la BEI a précisé que « les termes ‘propres ressources’ signifiaient le personnel actuellement employé par le soumissionnaire […] ou ses sous-traitants déclarés ».

145    Tout d’abord, il convient de constater que la requérante n’est pas fondée à prétendre que le critère d’attribution intitulé « Capacité à fournir une équipe issue de ses ressources propres » était discriminatoire, en ce qu’il faisait obstacle à ce qu’elle recourre à des sous-traitants aux fins de répondre à tous les besoins exprimés par la BEI. En effet, il ressort du cahier des charges ainsi que de la liste « Questions et réponses » que le recours à des sous-traitants était permis, à condition que ceux-ci soient clairement identifiés, comme tels, dans les offres et que les soumissionnaires aient été dûment avertis de ce que les sous-traitants clairement identifiés seraient pris en compte aux fins de l’application dudit critère d’attribution.

146    Ensuite, la requérante n’est pas fondée à prétendre que le critère d’attribution intitulé « Capacité à fournir une équipe issue de ses ressources propres » avait été utilisé au stade de la phase de sélection des soumissionnaires. En effet, il ressort du cahier des charges que, au titre des critères de sélection visés au point 6.2.2 du cahier des charges, les soumissionnaires devaient seulement produire « trois références pertinentes et vérifiables de missions effectuées dans les deux dernières années dans le domaine couvert par le présent appel d’offres » ainsi qu’« [u]ne déclaration signée [attestant] que [les soumissionnaires] [avaie]nt au moins 15 salariés [dans le domaine de l’informatique] (pas du personnel de support administratif) travaillant pour eux depuis au moins 2 ans ». Ce dernier critère de sélection, qui portait sur un nombre minimal de personnes disposant a priori d’une expérience et de compétences dans le domaine couvert par le marché, différait du critère d’attribution en cause, portant sur la capacité du soumissionnaire à mobiliser un personnel expérimenté et compétent, en nombre suffisant, pour répondre à des besoins supplémentaires du pouvoir adjudicateur.

147    Quant au choix même du critère d’attribution intitulé « Capacité à fournir une équipe issue de ses ressources propres », il convient, enfin, de relever que ni le point 2.5.1.2 du Guide ni les principes généraux du droit ne peuvent être interprétés en ce sens que chacun des critères d’attribution retenus par la BEI afin d’identifier l’offre économiquement la plus avantageuse devait nécessairement être de nature quantitative ou orienté exclusivement vers les prix (voir, par analogie, arrêt Renco/Conseil, point 109 supra, points 67 et 68). En effet, divers facteurs qui ne sont pas de nature purement quantitative, tels que la qualité du personnel employé ou, plus généralement, la valeur technique de l’offre, peuvent influer sur la qualité de l’exécution d’un marché de prestation de services et, par conséquent, la valeur économique de l’offre d’un soumissionnaire à un tel marché (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Beentjes, point 141 supra, point 18, et du 16 septembre 1999, Fracasso et Leitschutz, C‑27/98, Rec. p. I‑5697, point 30).

148    Cependant, il ressort des documents d’appel d’offres, mentionnés au point 144 ci-dessus, que le critère d’attribution intitulé « Capacité à fournir une équipe issue de ses ressources propres » porte notamment sur la capacité du personnel employé par le soumissionnaire et par ses sous-traitants identifiés, tel que décrit dans la table des profils du personnel, à répondre, en termes d’expérience, de qualifications et de nombre, à des besoins supplémentaires exprimés par le pouvoir adjudicateur. Il s’agit donc d’un critère qui concerne, au moins pour partie, l’aptitude des soumissionnaires à exécuter l’intégralité du marché, en ce incluses les prestations de services supplémentaires. Dans cette mesure, un tel critère n’a pas la qualité d’un « critère d’attribution » au sens du point 2.5.1.2 du Guide, lequel ne se rapporterait qu’à la qualité des prestations de services supplémentaires susceptibles d’être délivrées par chaque soumissionnaire au vu des ressources propres de celui-ci et, partant, à l’avantage économique relatif de chacune des offres concernant de telles prestations (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Lianakis e.a., point 142 supra, point 31 ; arrêts du Tribunal du 1er juillet 2008, AWWW/FEACVT, T‑211/07, non publié au Recueil, point 60, et du 10 septembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑465/04, non publié au Recueil, point 65).

149    En outre, alors que le critère d’attribution intitulé « Capacité à fournir une équipe issue de ses ressources propres » devait notamment permettre d’apprécier si le soumissionnaire disposait d’un personnel disposant des compétences et de l’expérience requises « en nombre suffisant » pour répondre aux demandes de services supplémentaires de la BEI, celui-ci était formulé de manière vague et imprécise, puisque, comme il ressort notamment du point 4.2 du cahier des charges, aucun « nombre optimal » n’avait été prédéfini concernant ledit personnel et que la BEI n’avait pas donné, à cet égard, d’indications quantitatives précises aux soumissionnaires. Certes, le point 1.2 du cahier des charges, concernant la « [d]escription du domaine » couvert par le marché, indiquait que dix personnes extérieures au personnel de la BEI étaient dédiées à l’activité de projets en rapport avec l’application informatique en cause et qu’une dizaine de projets était actuellement en cours. Il était, en outre, indiqué que, dans les années à venir, le volume de l’activité de projets, en particulier, devrait diminuer, de sorte que les chiffres mentionnés dans le cahier des charges devaient être considérés comme un maximum par les soumissionnaires potentiels. Toutefois, il était immédiatement précisé qu’il n’était pas exclu que de nouveaux mandats de prêt ou de nouvelles opérations spécifiques ayant été approuvés par la BEI puissent engendrer de nouveaux pics d’activité en matière de projets.

150    Or, dans la mesure où le soumissionnaire retenu était aussi le prestataire de services en place en charge du développement, de la maintenance, du support et des activités de projets relatifs à l’application informatique en cause, celui-ci était aussi le mieux à même, de par son expérience, d’évaluer quels pourraient être les besoins réels de la BEI, en termes de capacité à fournir une équipe issue de ses ressources propres pour répondre aux demandes de prestations de services supplémentaires qui pourraient être exprimées par la BEI dans le cadre de l’exécution du marché. Il s’ensuit que l’imprécision du critère d’attribution intitulé « Capacité à fournir une équipe issue de ses ressources propres » a pu, en pratique, conduire à favoriser le soumissionnaire en place, au détriment des autres soumissionnaires et, notamment, de la requérante, et ce en violation du principe d’égalité de traitement, en vertu duquel les soumissionnaires doivent disposer des mêmes chances dans la formulation des termes de leur offre.

151    Il convient, par conséquent, de constater que les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement ainsi que le point 2.5.1.2 du Guide, qui met en œuvre ces principes, s’opposaient à ce que, dans le cadre de la présente procédure d’appel d’offres, la BEI tienne compte de la capacité des soumissionnaires à fournir l’intégralité des services attendus dans le cadre du marché, non pas à titre de « critère de sélection » des soumissionnaires, mais à titre de « critère d’attribution » du marché, et à ce qu’elle se fonde, à cet égard, sur un critère imprécis susceptible de favoriser, en pratique, le soumissionnaire retenu, qui était également le cocontractant en place ayant fourni précédemment les services en cause.

152    Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir les troisième et quatrième moyens du recours.

 Sur le sixième moyen

–       Arguments des parties

153    La requérante soutient que la BEI a violé l’article 99 du règlement financier, l’article 148, paragraphes 1 et 2, des modalités d’exécution ainsi que les principes d’égalité de traitement, de transparence et de non-discrimination, tels que consacrés à l’article 89 du règlement financier, lu en combinaison avec son considérant 18, et par la jurisprudence, la pratique de la Commission ou la doctrine, en ce qu’elle aurait attribué le marché au soumissionnaire retenu après que celui-ci avait, à la suite de contacts occultes avec la BEI, substantiellement modifié les termes de son offre, tant du point de vue du prix que de la qualité. Il ressortirait de la note du 31 janvier 2008 que, après l’ouverture des offres et leur évaluation, le comité d’évaluation aurait recommandé l’offre du soumissionnaire retenu. Toutefois, après avoir constaté que cette offre était la plus élevée de toutes les offres, le comité d’évaluation aurait décidé de tenir une réunion avec le soumissionnaire retenu aux fins d’obtenir des clarifications sur certains points restant en suspens, notamment les aspects financiers de l’offre, avant de poursuivre la procédure d’appel d’offres. Au cours de cette réunion, le soumissionnaire retenu aurait modifié substantiellement les termes de son offre, afin d’en abaisser le prix prévu pour le service, tout en réduisant corrélativement la qualité de celui-ci. En particulier, le soumissionnaire retenu aurait promis de réduire le prix prévu dans son offre en modifiant, notamment, le personnel en charge du marché en vue d’une composition plus équilibrée de celui-ci et, partant, en fournissant un nombre moindre de consultants expérimentés. C’est à la suite de ces négociations illégales que la BEI aurait décidé d’attribuer le marché au soumissionnaire retenu. Il s’ensuit que l’offre finalement retenue par la BEI aurait été substantiellement différente et, ce qui est le plus important au regard de la pondération relative des critères d’attribution spécifiés dans le cahier des charges, d’une qualité moindre que celle qui avait été évaluée par le comité d’évaluation. Or, cette moindre qualité de l’« offre finale » du soumissionnaire retenu, par rapport à son « offre initiale », n’aurait pas été prise en compte lors de l’évaluation comparative des offres, telle que menée par le comité d’évaluation.

154    À cet égard, la requérante invite le Tribunal à comparer l’expérience du personnel figurant dans l’offre du soumissionnaire retenu avec celle du personnel finalement offert par celui-ci et à constater que, en l’absence des négociations illégalement menées avec la BEI ainsi que des erreurs manifestes d’appréciation qui entachent la décision attaquée, le marché lui aurait été attribué. En tout état de cause, la requérante soutient que, si la procédure d’appel d’offres avait respecté le principe d’égalité de traitement et avait été transparente, elle aurait également été en position d’améliorer considérablement son « offre initiale » au regard des critères d’attribution retenus, ce qui aurait également pu lui permettre de remporter le marché.

155    La BEI réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet du sixième moyen. Elle observe que ni le règlement financier ni les modalités d’exécution n’ont vocation à régir la procédure d’appel d’offres. Par ailleurs, la requérante n’aurait pas d’intérêt à soulever le présent moyen. Selon la BEI, les discussions menées avec le soumissionnaire retenu ne seraient intervenues qu’après la clôture de la phase d’évaluation comparative des offres, qui classait l’offre du soumissionnaire retenu au premier rang, alors que celle de la requérante n’occupait que le deuxième rang, et donc à un moment où le soumissionnaire retenu avait déjà remporté le marché. Ces contacts ne devraient donc pas être considérés comme étant intervenus au cours de la procédure de passation de marché, au sens du point 2.5.2 du Guide, ou même de l’article 99 du règlement financier qui a été invoqué par la requérante. En tout état de cause, ces contacts n’auraient pas concerné la modification de l’offre du soumissionnaire retenu, classée au premier rang à l’issue de l’évaluation comparative des offres, ni abouti à un tel résultat. Ils auraient seulement porté sur les modalités d’exécution du marché par le soumissionnaire retenu, conformément aux termes de son offre, ou n’auraient, en tout état de cause, pas été de nature à modifier le classement arrêté à l’issue de l’évaluation comparative des offres. Du point de vue financier, la réduction des taux journaliers prévus pour les « développeurs de logiciel seniors » et de ceux prévus pour les « développeurs de logiciel de niveau intermédiaire » ainsi que le remplacement de certains des « développeurs de logiciel seniors » de l’équipe principale proposée par des membres du personnel « plus juniors » n’auraient pas pu avoir pour effet de modifier le classement de l’offre du soumissionnaire retenu par rapport à celui des offres émanant des autres soumissionnaires, dont la requérante, de sorte qu’ils n’auraient pas été préjudiciables pour ces derniers. Du point de vue technique, le remplacement de certains des « développeurs de logiciel seniors » de l’équipe principale proposée par le soumissionnaire retenu par des membres du personnel « plus juniors » n’aurait pas engendré une dégradation relative de la valeur technique de l’offre de celui-ci, puisque le personnel substitué aurait figuré dans la table des profils du personnel, annexée à ladite offre, et que la valeur technique de cette offre aurait été évaluée en tenant compte non seulement des qualifications ressortant des curriculum vitae des membres de l’équipe principale proposée, mais encore des qualifications des personnes intégrées dans la table des profils du personnel en question. La référence à la « composition d’une équipe plus équilibrée » n’aurait pas signifié que le personnel principal proposé, dans l’offre du soumissionnaire retenu, pour composer l’équipe en charge de l’exécution du marché allait être modifié, mais seulement que ce personnel allait permettre de composer une équipe « plus équilibrée » que celle que ledit soumissionnaire avait mise en place pour l’exécution du précédent marché portant sur l’application informatique en cause. Ainsi, la jurisprudence applicable en la matière ne permettrait pas de conclure que les contacts intervenus entre elle-même et le soumissionnaire, postérieurement à la phase d’évaluation comparative des offres, auraient affecté la validité de la décision attaquée et la requérante ne serait pas fondée à invoquer, en l’espèce, une violation du principe d’égalité de traitement ou de transparence.

–       Appréciation du Tribunal

156    La requérante n’est pas fondée à alléguer une violation des articles 89 et 99 du règlement financier et de l’article 148, paragraphes 1 et 2, des modalités d’exécution, dès lors que la procédure d’appel d’offres et la décision attaquée ne sont régies ni par le règlement financier ni, a fortiori, par ses modalités d’exécution (voir point 87 ci-dessus). Il y a donc lieu de rejeter le sixième moyen comme étant non fondé, pour autant qu’il se fonde sur une telle violation.

157    Toutefois, ce sixième moyen doit être examiné pour autant qu’il soulève un grief tiré d’une violation des principes d’égalité de traitement, de non-discrimination et de transparence, qui sont applicables à la procédure d’appel d’offres et à la décision attaquée pour les raisons exposées au point 88 ci-dessus. Compte tenu tant de l’importance que de l’objectif et de l’effet utile desdits principes, le respect de ceux-ci doit être assuré également s’agissant d’une adjudication particulière, telle celle de l’espèce, tout en tenant compte, le cas échéant, des spécificités caractérisant cette dernière procédure.

158    À cet égard, il importe de souligner que, s’agissant en l’espèce d’un marché de services passé pour son propre compte, d’une valeur totale estimée, hors taxe sur la valeur ajoutée (TVA), entre 3 500 000 EUR et 7 000 000 EUR, la BEI a, conformément aux dispositions du Guide, décidé qu’il y avait lieu d’attribuer le marché en suivant la procédure ouverte, de publier un avis de marché au Journal officiel, d’établir le cahier des charges, qui définissait les modalités et les conditions du marché, y compris les critères d’attribution, et d’inviter tous les opérateurs économiques qui en avaient fait la demande à soumissionner sur cette base.

159    Dans ces conditions, les dispositions du Guide et, le cas échéant, les dispositions de la directive 2004/18 auxquelles celles-ci renvoient doivent être considérées comme constituant le cadre juridique dans lequel la procédure d’appel d’offres devait se dérouler et il incombait à la BEI, en sa qualité de pouvoir adjudicateur, d’observer strictement les critères qu’elle avait elle-même fixés, non seulement lors de la procédure d’appel d’offres, en tant que telle, qui avait pour objet l’évaluation comparative des offres et le choix de l’attributaire, mais, plus généralement, jusqu’au terme de la phase d’exécution du marché en cause (voir, en ce sens, arrêt Commission/CAS Succhi di Frutta, point 89 supra, point 115).

160    Si l’offre d’un soumissionnaire, qui n’a pas été exclu de la procédure d’appel d’offres et répond aux critères de sélection énoncés dans l’avis de marché ou le cahier des charges, n’apparaît pas, du point de vue du pouvoir adjudicateur, comme étant économiquement la plus avantageuse, au regard des critères d’attribution énoncés dans l’avis de marché ou le cahier des charges, elle doit être écartée par le pouvoir adjudicateur, celui-ci n’étant toutefois pas autorisé à altérer l’économie générale du marché en modifiant l’une des conditions essentielles de son attribution. En effet, si le pouvoir adjudicateur était autorisé à modifier à son gré, lors de la procédure d’appel d’offres, les conditions mêmes de l’attribution, en l’absence d’habilitation expresse en ce sens figurant dans les dispositions pertinentes applicables, les termes régissant l’attribution du marché, tels que stipulés initialement, seraient dénaturés (arrêt Commission/CAS Succhi di Frutta, point 89 supra, point 120). De plus, une telle pratique entraînerait inéluctablement une violation des principes de transparence et d’égalité de traitement des soumissionnaires, puisque l’application uniforme des conditions d’attribution et l’objectivité de la procédure ne seraient plus garanties (arrêt Commission/CAS Succhi di Frutta, point 89 supra, point 121).

161    Ces principes sont, au demeurant, reflétés dans le point 2.5.2 du Guide, qui énonce notamment que, « [d]urant une procédure de passation de marché, la [BEI] n’accepte aucune discussion avec les candidats ou les soumissionnaires qui serait susceptible de compromettre l’objectivité de la procédure ou le principe du traitement équitable des opérateurs économiques » et que si « [l]a [BEI] peut en revanche contacter les candidats ou les soumissionnaires par écrit afin d’obtenir des éclaircissements sur des points précis de leur candidature ou de leur offre », « [d]e tels contacts ne sauraient toutefois être à l’origine de modifications dans les conditions de la demande de participation ou de l’offre ».

162    En l’occurrence, au point 1.2 du cahier des charges, relatif à la « [d]escription du domaine » couvert par le marché, il était indiqué que l’application informatique en cause était utilisée par environ 600 personnes, qu’une équipe de dix personnes extérieures au personnel de la BEI étaient employée pour assurer la maintenance ou le support et l’activité de projets (quatre personnes étaient affectées à la maintenance et six personnes étaient affectées aux projets) et qu’une dizaine de projets étaient actuellement en cours. En outre, il était précisé que quatre membres du personnel de la BEI jouaient un rôle de supervision ou de gestion de projet, mais étaient également de plus en plus impliqués dans les activités techniques, à savoir les discussions portant sur l’architecture. Il était prévu de mettre en place des procédures d’examen de code dans un futur proche. Enfin, dans les années à suivre, il était attendu que le volume de l’activité de projets diminue, de sorte que les chiffres mentionnés par la BEI devaient être considérés comme un maximum par les soumissionnaires potentiels, même s’il ne pouvait être exclu que de nouveaux mandats de prêt ou de nouvelles opérations spécifiques ayant été approuvés par la BEI puissent engendrer de nouveaux pics d’activité en matière de projets.

163    Aux termes du point 6.5 du cahier des charges, relatif au « [p]rofil du personnel », le soumissionnaire devait fournir un profil clair des compétences de tout le personnel disponible en complétant la table des profils du personnel. Dans cette dernière, un même membre du personnel ne devait pas être comptabilisé dans plus d’un profil. De plus, les soumissionnaires devaient fournir des curriculum vitae anonymes d’un « fonds commun principal de ressources disponibles » correspondant aux différents profils identifiés dans la table des profils du personnel (ci-après l’« équipe principale »). L’employeur exact (le membre concerné dans le cas des offres groupées ou de la sous-traitance) de chacun des membres de l’équipe principale devait être indiqué sur chaque curriculum vitae. En concordance avec les informations données au point 1.2 du cahier des charges, le nombre minimal de curriculum vitae requis pour chacun des cinq profils types identifiés dans la table des profils du personnel était défini comme suit : deux curriculum vitae d’« analyste des systèmes de gestion », deux curriculum vitae de « spécialiste de l’architecture technique », deux curriculum vitae de « développeur de logiciel junior », six curriculum vitae de « développeur de logiciel de niveau intermédiaire » et deux curriculum vitae de « développeur de logiciel senior ». En outre, un même curriculum vitae ne devait pas être proposé pour plus d’un profil.

164    Le point 6.8 du cahier des charges, relatif au « [p]rofil de coût », indiquait notamment que les prix devaient être donnés en euros, hors TVA. Ils devaient inclure tout type de dépenses, lesquelles ne seraient pas remboursées séparément par la BEI. Le soumissionnaire devait compléter la table des profils de coût figurant en annexe au cahier des charges. Les coûts devaient être présentés sous forme de taux journaliers pour les « services continus » et les « services ponctuels ». Si le soumissionnaire ou le fournisseur de services entendait appliquer des taux différents pour les services rendus « en dehors des heures de service », à savoir après 19 heures et avant 8 heures, et les services rendus pendant les week-ends ou les vacances, ceux-ci devaient également être clairement indiqués dans la table. Ces derniers seraient également applicables aux services rendus pour faire face à d’éventuels nouveaux pics d’activité en matière de projets (voir point 162 ci-dessus).

165    Le point 7.1 du cahier des charges, relatif aux « [c]ritères d’attribution », indiquait que le marché serait attribué à l’offre économiquement la plus avantageuse, au regard des critères d’attribution ainsi que de leurs pondérations relatives (voir point 3 ci-dessus). En ce qui concerne les critères techniques, le point 7.1.1 du cahier des charges précisait que le « niveau de conformité des compétences et qualifications du personnel proposé » et la « capacité à fournir une équipe issue de ses ressources propres », à savoir deux critères qui représentaient, ensemble, 60 % des points de la note globale, seraient évalués et classés en se fondant sur la table des profils du personnel complétée et sur l’équipe principale proposée, sous forme de curriculum vitae, par les soumissionnaires, conformément aux termes du point 6.5 du cahier des charges. Cela a été confirmé aux soumissionnaires dans la liste de « Questions et réponses ». En ce qui concerne le critère financier, le point 7.1.2 du cahier des charges précisait que le profil de coût de chaque soumissionnaire serait évalué et classé sur la base d’un taux journalier moyen pondéré calculé pour chaque soumissionnaire. La pondération, tenant compte des profils des personnes ayant le plus de chance d’être déployées pour l’exécution du marché, était précisée dans la table des profils de coût. Enfin, les points 7.1.1 et 7.1.2 du cahier des charges disposaient que la BEI pourrait inviter les soumissionnaires à des entrevues, mais que, toutefois, ces derniers ne seraient pas autorisés à modifier les termes de leur offre écrite après le dépôt de celle-ci.

166    Sur le plan technique, la table des profils du personnel impliquait, pour chacun des cinq profils types, de préciser, en général et pour chacune des compétences associées à chaque profil type, le nombre des membres du personnel disponibles en distinguant parmi ceux-ci les « membres du personnel ayant une expérience totale inférieure à trois ans », les « membres du personnel ayant une expérience totale supérieure à trois ans » et les « membres du personnel ayant une expérience supérieure à deux ans au service du fournisseur des services ».

167    Sur le plan financier, la table des profils de coût impliquait de donner, pour chacun des profils types et chaque type de services, un taux journalier moyen. Les pondérations relatives des taux journaliers moyens pour chaque type de services étaient définies comme suit : 45 % des points pour le coût des « services continus », 45 % des points pour le coût des « services ponctuels », 5 % des points pour le coût des services rendus « en dehors des heures d’ouverture » et 5 % des points pour le coût des services rendus pendant les « week-ends/vacances ». Les pondérations relatives des taux journaliers moyens pour chacun des profils types étaient, conformément au point 7.1.2 du cahier des charges et compte tenu des « profils ayant le plus de chance d’être déployés » ressortant du point 6.5 du cahier des charges, de 15 % des points pour le profil d’« analyste des systèmes de gestion », de 15 % des points pour le profil de « spécialiste de l’architecture technique », de 15 % des points pour le profil de « développeur de logiciel junior », de 40 % des points pour le profil de « développeur de logiciel de niveau intermédiaire » et de 15 % des points pour le profil de « développeur de logiciel senior ».

168    En l’occurrence, il ressort de la note du 31 janvier 2008 et des explications fournies par la BEI dans sa lettre du 15 décembre 2009 que, après la phase d’évaluation comparative des offres, la BEI était préoccupée par le fait que l’offre du soumissionnaire retenu, classée en première position, était la plus élevée, et que, par conséquent, elle a décidé d’organiser une réunion avec le soumissionnaire retenu pour clarifier avec lui les points en suspens et, notamment, les aspects financiers de son offre, avant de poursuivre la procédure d’appel d’offres. En outre, il ressort de la note du 31 janvier 2008 que cette réunion s’est tenue le 29 janvier 2008 et que, lors de celle-ci, le soumissionnaire retenu a indiqué au pouvoir adjudicateur qu’il pouvait viser « à une composition d’équipe plus équilibrée (actuellement presque exclusivement composée de consultants ‘seniors’) » et réduire de 750 euros à 720 euros le taux journalier du personnel correspondant au profil de « développeur de logiciel senior » et de 665 euros à 650 euros le taux journalier du personnel correspondant au profil de « développeur de logiciel de niveau intermédiaire ». Ce n’est qu’à la suite de cette réunion et compte tenu des propositions ainsi formulées par le soumissionnaire retenu que, le 31 janvier 2008, le directeur du département des technologies de l’information de la BEI, sur l’avis favorable du comité d’évaluation, a décidé d’attribuer le marché au soumissionnaire retenu, décision qui a ensuite été confirmée par le président de la BEI (voir points 20 et 43 ci-dessus). Les 12 et 17 juin 2008, le marché a été signé respectivement par la BEI et le soumissionnaire retenu (voir point 8 ci-dessus). Conformément aux dispositions du point 2.4.1 du Guide relatives à la « [p]ublication des avis », selon lesquelles la date de la clôture de la procédure correspond à celle de la date de signature du marché, la procédure d’appel d’offres a été clôturée le 17 juin 2008, à savoir la date de la signature du contrat-cadre. Il s’ensuit que la BEI n’est pas fondée à soutenir que, le 29 janvier 2008, le marché avait déjà été attribué au soumissionnaire retenu et que la procédure d’appel d’offres avait déjà été clôturée lorsque la réunion a été tenue.

169    En outre, il ressort des documents produits par la BEI que, à l’issue de l’évaluation comparative des offres, celle-ci n’était pas pleinement satisfaite par le résultat obtenu en application des pondérations relatives des critères d’attribution, à savoir 75 % des points pour les critères techniques et 25 % des points pour le critère financier, qui avaient permis de dégager une offre pour un service d’une grande valeur technique, mais pour un prix global plus élevé que celui des autres offres, ce qui l’a notamment décidée à organiser la réunion du 29 janvier 2008. Il ressort également de ces documents que cette dernière réunion a permis au soumissionnaire retenu de répondre aux préoccupations relatives au prix global prévu dans son offre qui avaient été exprimées par le pouvoir adjudicateur et que celle-ci a ainsi été déterminante en vue de l’attribution du marché. En effet, lors de la réunion, le soumissionnaire retenu a accepté de diminuer le prix global prévu dans son offre en réduisant le taux journalier pour le personnel correspondant aux profils de « développeur de logiciel senior » et de « développeur de logiciel de niveau intermédiaire », tels qu’identifiés dans la table des profils du personnel, ainsi qu’en visant à « une composition d’équipe plus équilibrée (actuellement presque exclusivement composée de consultants ‘seniors’) ». De ce point de vue, la formule selon laquelle, à l’issue de la réunion du 29 janvier 2008, les membres du comité ont maintenu leur recommandation d’attribuer le marché au soumissionnaire retenu, figurant dans la note du 31 janvier 2008, ne peut être considérée comme attestant d’une nouvelle évaluation comparative des offres, mais comme la simple réitération, par le comité d’évaluation, de son avis précédent, au vu de la circonstance que le soumissionnaire retenu avait répondu aux préoccupations d’ordre financier exprimées par le pouvoir adjudicateur.

170    En ce qui concerne la réduction des taux journaliers figurant dans la table des profils de coût que le soumissionnaire retenu avait complétée et annexée à son offre, celle-ci a abouti a posteriori à une modification des termes sur la base desquels l’offre du soumissionnaire retenu avait été financièrement évaluée par le comité d’évaluation.

171    S’agissant de la formule selon laquelle le soumissionnaire retenu veillerait à « une composition d’équipe plus équilibrée (actuellement presque exclusivement composée de consultants ‘seniors’) », la BEI a elle-même expliqué, dans ses observations du 26 février 2010, que celle-ci se rapportait au fait que, « durant la réunion [du 29 janvier 2008], [le soumissionnaire retenu] a[vait] proposé de remplacer certains de ces consultants [correspondant aux ‘développeurs de logiciel seniors’ proposés] par du personnel plus junior ». Dans le contexte de l’espèce, où la BEI cherchait, en pratique, à obtenir du soumissionnaire retenu qu’il diminue le prix global prévu dans son offre, aux fins de rapprocher celui-ci de ceux proposés par les autres soumissionnaires dans leurs offres, la seule explication crédible d’une telle formule est que le soumissionnaire retenu allait, en pratique, remplacer certains des « développeurs de logiciel seniors » de l’équipe principale proposée par des membres du personnel « plus juniors ». En effet, dans la mesure où le prix global prévu pour le service dépendait directement du taux journalier moyen pondéré de l’équipe principale, définie comme l’équipe qui avait le plus de chance d’être déployée au cas où le soumissionnaire remporterait le marché, ce prix pouvait être effectivement abaissé en modifiant la composition de l’équipe principale proposée dans l’offre, par la substitution au personnel le plus coûteux, parce que le plus qualifié, à savoir des « consultants seniors » correspondant au profil de « développeur de logiciel senior », d’un personnel moins coûteux, parce que moins qualifié, à savoir des « consultants plus juniors » pouvant correspondre aux profils de « développeur de logiciel de niveau intermédiaire » et de « développeur de logiciel junior », comme il ressort des observations de la BEI du 26 février 2010.

172    La BEI n’a fourni aucun élément de preuve attestant de ce que, en dépit des dispositions arrêtées lors de la réunion du 29 janvier 2008, les personnes qui ont effectivement été déployées par le soumissionnaire retenu pour l’exécution du marché correspondent à celles qui composaient l’équipe principale proposée, sous forme de curriculum vitae, dans son offre et sur la base de laquelle ladite offre avait été techniquement et financièrement évaluée par le comité d’évaluation. Au demeurant, dans ses observations du 26 février 2010, la BEI ne soutient pas que la composition de l’équipe principale proposée, sous forme de curriculum vitae, dans l’offre du soumissionnaire n’avait pas été modifiée à la suite de la réunion du 29 janvier 2008, mais seulement que cette modification ne pourrait être assimilée à une véritable modification de ladite offre, dans la mesure où le « personnel plus junior » substitué à des « consultants seniors » de l’équipe principale aurait déjà été intégré dans la table des profils du personnel que le soumissionnaire retenu avait complétée et annexée à cette offre. Cependant, dans la mesure où l’évaluation comparative des offres sur le plan technique était notamment fonction de la qualification des personnes composant l’équipe principale proposée par le soumissionnaire, telle que ressortant des curriculum vitae de ces personnes, annexés aux offres, la composition d’une équipe principale plus équilibrée, obtenue grâce au remplacement de certains des « développeurs de logiciel seniors » par des membres du personnel « plus junior », fût-ce par l’intégration de personnes déjà mentionnées dans la table des profils du personnel que le soumissionnaire retenu avait annexée à son offre, ne pouvait qu’aboutir à une modification a posteriori des termes sur la base desquels ladite offre avait été évaluée par le comité d’évaluation, tant sur le plan technique que sur le plan financier.

173    En outre, il semble que la BEI cherche à justifier la proposition faite par le soumissionnaire retenu lors de la réunion du 29 janvier 2008 par le fait que, comme indiqué dans le cahier des charges, il pourrait ne pas être nécessaire que l’équipe effectivement déployée dans le cadre de l’exécution du marché soit aussi qualifiée que celle qui était jusqu’alors en charge de la maintenance, du support et du développement de l’application informatique en cause (voir point 162 ci-dessus) et qui avait servi de référence pour définir, dans le cahier des charges, la composition de l’équipe principale sur la base de laquelle les offres des soumissionnaires allaient notamment être évaluées, tant sur le plan technique que sur le plan financier (voir point 163 ci-dessus). À supposer même que l’exécution du marché par le soumissionnaire retenu puisse effectivement se satisfaire d’un personnel moins qualifié que celui qui avait été jusqu’alors en charge de ladite application, cela ne suffit toutefois pas à justifier que le soumissionnaire retenu modifie la composition de l’équipe principale qu’il avait proposée dans son offre comme étant celle qui pourrait être déployée au cas où il remporterait le marché, aux fins de baisser le prix global prévu dans ladite offre et de satisfaire ainsi à une nouvelle exigence formulée par le pouvoir adjudicateur en vue de l’attribution du marché. En effet, il s’agirait là d’une modification a posteriori des termes sur la base desquels l’offre du soumissionnaire retenu avait été évaluée par le comité d’évaluation, tant sur le plan technique que sur le plan financier, sans que les soumissionnaires évincés, dont la requérante, se soient vu offrir la même possibilité de modifier leur offre.

174    Il ressort des développements qui précèdent que, dans le contexte de l’espèce, la BEI n’est pas fondée à soutenir que la réunion tenue le 29 janvier 2008 avait eu pour seul objet de discuter de certaines modalités d’exécution du marché avec le soumissionnaire retenu et non pas de modifier le contenu de l’offre de ce dernier en vue de lui attribuer le marché.

175    Il ressort, en outre, desdits développements que ces modifications ont faussé non seulement l’évaluation financière de l’offre du soumissionnaire retenu, mais également son évaluation technique. De plus, les contacts entre la BEI et le soumissionnaire retenu ont conduit, en pratique, à la modification des pondérations relatives des critères d’attribution. En effet, ces négociations et le résultat qu’elles ont produit, à savoir la modification de l’offre du soumissionnaire retenu, ont résulté de ce que, en pratique, la BEI a accordé au critère financier une importance relative supérieure à celle des critères techniques, tels que définis dans les documents d’appel d’offres sur la base desquels les offres avaient, non seulement, été préparées par les soumissionnaires, mais également été comparées par le comité d’évaluation. Or, il ne fait guère de doute que l’importance relative accrue qui a finalement été accordée par la BEI au critère financier, aux fins de l’attribution du marché au soumissionnaire retenu, aurait été plus favorable à la requérante si elle lui avait également été appliquée lors de l’évaluation comparative des offres, dans la mesure où son offre était celle qui proposait le prix le plus bas et qui avait ainsi obtenu la meilleure note au titre du critère financier.

176    Cependant, la BEI estime que ces modifications n’ont pas faussé l’évaluation comparative des offres d’une telle manière que les droits des soumissionnaires écartés au terme de cette évaluation en ont été affectés.

177    Même à considérer, comme le soutient implicitement la BEI en se référant notamment à l’arrêt de la Cour du 25 avril 1996, Commission/Belgique (C‑87/94, Rec. p. I‑2043, point 59), que l’annulation d’une décision d’attribution d’un marché public adoptée au terme d’une procédure faussée par le fait que le soumissionnaire retenu a été autorisé à modifier la teneur de son offre soit subordonnée au constat, par le juge, que la prise en compte de ladite modification a changé, au préjudice des autres soumissionnaires, les conditions de la comparaison des offres, de sorte que le classement des soumissionnaires a pu être influencé, il y a lieu de relever qu’un tel effet peut effectivement être constaté dans les circonstances de l’espèce.

178    Certes, il est exact que, du point de vue financier, les modifications litigieuses n’ont pu avoir pour effet que d’améliorer encore l’évaluation de l’offre du soumissionnaire retenu par rapport à celles des autres soumissionnaires, notamment de la requérante. Cependant, il est erroné de soutenir que, sur le plan technique, le remplacement de certains des « développeurs de logiciel seniors » de l’équipe principale proposée par le soumissionnaire retenu par des membres du personnel « plus juniors » n’aurait pas eu pour effet de modifier l’évaluation de l’offre du soumissionnaire retenu. À cet égard, il ressort des éléments du dossier et, en particulier, de la liste de « Questions et réponses » que « la [BEI] souhait[ait] s’assurer que [l’attributaire du marché] n’avait pas seulement un personnel compétent et expérimenté suffisamment nombreux pour constituer une équipe principale, mais qu’il a[vait] également à sa disposition une réserve de ressources adéquates, en termes de compétence et d’expérience, pour répondre à des besoins supplémentaires ». Dans ce contexte, « les [curriculum vitae] [étaie]nt censés correspondre à l’équipe principale proposée par le soumissionnaire alors que la table des profils du personnel fournira[it] une indication de la profondeur et de l’ampleur des compétences et des expériences à disposition du soumissionnaire que la [BEI] pourrait mobiliser ». Ainsi, alors que les curriculum vitae visaient à permettre à la BEI d’apprécier les qualifications de l’équipe principale proposée par le soumissionnaire, à savoir les personnes correspondant aux profils qui, selon les termes du point 7.1.2 du cahier des charges, avaient le plus de chance d’être déployés dans le cadre de l’exécution du marché (voir point 165 ci-dessus), la table des profils du personnel devait permettre à la BEI d’apprécier la qualification générale du personnel à disposition du soumissionnaire, sur lequel elle pourrait compter pour répondre à des besoins supplémentaires. Dans de telles circonstances, le remplacement de certains des « développeurs de logiciel seniors » de l’équipe principale proposée par le soumissionnaire retenu dans le cadre de son offre, dont les curriculum vitae avaient été pris en compte aux fins de vérifier la qualification technique de ladite équipe, par des membres du personnel « plus juniors », dont les qualifications étaient nécessairement moindres, ne peut avoir eu pour effet que de dégrader la valeur technique globale de cette offre par rapport à celle des autres soumissionnaires, notamment de la requérante.

179    Compte tenu des pondérations relatives des critères d’attribution, à savoir 25 % des points pour le critère financier et 75 % des points pour les critères techniques, et du fait que l’évaluation comparative des offres reposait, elle-même, à 60 % sur l’analyse des curriculum vitae et de la table des profils du personnel offerts par les soumissionnaires (voir point 165 ci-dessus), il peut être considéré que l’amélioration de l’évaluation financière de l’offre du soumissionnaire retenu, susceptible de résulter de la réduction du prix global prévu dans cette offre, n’était pas de nature à compenser la dégradation de l’évaluation technique de ladite offre, susceptible de résulter du remplacement de certains des « développeurs de logiciel seniors » de l’équipe principale, proposée dans l’offre, par des membres du personnel « plus juniors ». Il s’ensuit que les modifications apportées a posteriori à l’offre du soumissionnaire retenu n’auraient pu avoir qu’un effet global défavorable sur l’évaluation de celle-ci dans l’hypothèse d’une nouvelle évaluation comparative des offres.

180    En tout état de cause, au stade de l’attribution du marché au soumissionnaire retenu, la BEI a, en pratique, modifié les pondérations relatives des critères techniques et du critère financier, telles que définies dans les documents officiels de l’appel d’offres, pour accorder une importance accrue au critère financier (voir point 175 ci-dessus).

181    En l’espèce, le Tribunal ne dispose d’aucun élément qui lui permettrait de conclure ou d’exclure, avec certitude, que les modifications de l’offre du soumissionnaire retenu et des pondérations relatives des critères techniques et du critère financier, à la suite de la réunion du 29 janvier 2008 et antérieurement à l’adoption de la décision attaquée, ont été de nature à fausser l’évaluation comparative des offres au détriment des soumissionnaires évincés, notamment de la requérante, de telle sorte que le résultat de la procédure d’appel d’offres en aurait été affecté. Comme la BEI était la mieux placée pour apporter des preuves à cet égard, une telle incertitude doit être mise à sa charge (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 8 octobre 1986, Leussink/Commission, 169/83 et 136/84, Rec. p. 2801, point 17). Il convient donc de retenir la thèse de la requérante, selon laquelle les modifications susmentionnées sont susceptibles d’avoir faussé le résultat de l’appel d’offres, de telle sorte qu’elles l’ont privée illégalement d’une chance réelle de se voir attribuer le marché.

182    Il résulte de ce qui précède que, en ayant imposé, lors de la réunion du 29 janvier 2008, au soumissionnaire retenu de modifier son offre, la BEI a entaché la décision attaquée, qu’elle a adoptée le 31 janvier 2008 au vu de cette modification, d’une violation des principes d’égalité de traitement, de non-discrimination et de transparence, laquelle est susceptible d’avoir faussé le résultat de la procédure d’appel d’offres en privant illégalement la requérante d’une chance réelle de se voir attribuer le marché.

183    Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir le sixième moyen du recours.

 Sur le cinquième moyen

–       Arguments des parties

184    La requérante fait valoir que la BEI a violé le droit applicable aux procédures d’appel d’offres et le principe d’égalité de traitement, en ayant adopté la décision attaquée sur le fondement des pondérations relatives des critères d’attribution, à savoir 75 % des points pour les critères techniques et 25 % des points pour le critère financier. Conformément aux principes de bonne gestion financière, tels que reflétés à l’article 36 de la directive 92/50, à l’article 34 de la directive 93/38/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications (JO L 199, p. 84), à l’article 138, paragraphe 3, des modalités d’exécution et dans la jurisprudence, lorsque l’attribution d’un marché se fait à l’offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur devrait fixer les pondérations relatives des critère d’attribution en veillant à ne pas neutraliser ou minimiser l’« effet prix », de telle sorte que la procédure d’appel d’offres pourrait aboutir à la passation d’un marché public déraisonnablement coûteux par rapport aux besoins effectifs de l’administration.

185    La requérante soutient que, dans la quasi-totalité des procédures de passation de marché lancées par l’administration communautaire pour son propre compte durant ces quinze dernières années, l’évaluation comparative des offres a été opérée en prévoyant, s’agissant des pondérations relatives des critères d’attribution, une pondération de 50 % des points ou de près de 50 % des points pour le critère financier, quand il ne s’agissait pas d’une adjudication. Cette pratique correspondrait aux principes d’une bonne gestion financière, dans le cadre de laquelle le comité d’évaluation attribuerait, tout d’abord, un certain nombre de points à chaque offre en fonction de la valeur technique de celle-ci, puis diviserait ce nombre de points par le prix de l’offre, le soumissionnaire obtenant la note la plus élevée étant désigné comme l’attributaire du marché. Dans ce cadre, la qualité serait garantie par les critères de sélection des soumissionnaires et l’utilisation de seuils associés aux critères techniques lors de la phase d’attribution. En revanche, les pondérations relatives des critères d’attribution retenues en l’espèce, à savoir 75 % des points pour les critères techniques et seulement 25 % des points pour le critère financier, relèveraient d’une mauvaise gestion financière conduisant à neutraliser ou minimiser l’« effet prix » dans une procédure d’appel d’offres, censée pourtant dégager l’offre « économiquement la plus avantageuse », et pouvant aboutir à l’acquisition de services déraisonnablement coûteux par l’administration, en encourageant les soumissionnaires à développer à l’excès la valeur technique de leurs offres, à seule fin d’obtenir la meilleure note possible et, finalement, de se voir attribuer le marché. Ces pondérations inhabituelles, au regard de la pratique de l’administration communautaire, constitueraient en outre une discrimination indirecte dans la mesure où elles désavantageraient nettement les petites et moyennes entreprises par rapport aux soumissionnaires qui auraient la capacité de proposer des offres d’une valeur technique très supérieure aux besoins effectifs du marché public en cause. Elles seraient donc contraires au principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires.

186    La requérante estime enfin que la BEI n’est pas fondée à prétendre que son offre a été la « plus mauvaise » dans la mesure où celle-ci s’appuie, pour ce faire, sur les résultats d’une évaluation elle-même entachée d’illégalité et dépourvue de caractère objectif. À cet égard, elle fait valoir que le présent grief devrait être lu en combinaison avec le grief tiré de la confusion des critères.

187    Dans la réplique, la requérante fait valoir que la neutralisation de l’« effet prix » des offres, résultant des pondérations relatives des critères d’attribution retenues en l’espèce, enfreint l’article 138, paragraphe 3, des modalités d’exécution, aux termes duquel « la pondération relative du critère [du] prix par rapport aux autres critères ne doit pas conduire à neutraliser le critère [du] prix dans le choix de l’attributaire du marché ».

188    La BEI conclut au rejet du cinquième moyen. Elle fait valoir que, selon la jurisprudence, les pouvoirs adjudicateurs sont libres, non seulement de choisir les critères d’attribution du marché, mais encore de déterminer les pondérations relatives de ceux-ci. En outre, le point 2.5.1.2 du Guide indiquerait clairement que, dans le cas d’une procédure d’appel d’offres soumise au critère de l’offre économiquement la plus avantageuse, qui repose sur un rapport qualité/prix, les critères techniques peuvent être affectés d’une pondération relative plus importante que le critère financier. À titre de comparaison, l’article 97 du règlement financier ainsi que l’article 138 des modalités d’exécution garantiraient également aux pouvoirs adjudicateurs la flexibilité nécessaire pour adapter les pondérations relatives des critères d’attribution à l’objet du marché et l’article 241 des modalités d’exécution prévoirait que l’administration communautaire puisse attribuer des pondérations relatives aux critères d’attribution de 80 % des points pour les critères techniques et de 20 % des points pour le critère financier, s’agissant des marchés de services passés dans le cadre des actions extérieures. En l’espèce, la valeur technique des offres et la compétence des soumissionnaires auraient été des facteurs essentiels pour la BEI, dès lors que l’application informatique en cause devait être le support des activités de prêts qui sont au cœur de ses missions.

189    La BEI soutient que les pondérations relatives des critères d’attribution n’auraient pas été inhabituelles au regard des marchés de même nature passés par elle ou, même, par des institutions, ainsi qu’au regard des normes de qualité appliquées par son service informatique pour les marchés de « services intellectuels de support de systèmes informatiques ».

190    Quant à l’allégation de la requérante selon laquelle les pondérations relatives des critères d’attribution retenues en l’espèce l’auraient désavantagée en neutralisant l’« effet prix » dans la procédure d’appel d’offres, la BEI fait valoir que la requérante n’a pas raisonnablement pu s’attendre à se voir attribuer le marché au seul motif qu’elle avait proposé le prix le plus bas. Si même lesdites pondérations relatives avaient été celles indiquées par la requérante, à savoir 50 % des points pour les critères techniques et 50 % des points pour le critère financier, l’offre de la requérante n’aurait pas été retenue, dans la mesure où la note obtenue par son offre pour les critères techniques était nettement moins élevée que celle obtenue par l’offre du soumissionnaire retenu pour ces mêmes critères. S’agissant de l’expérience bancaire, l’offre du soumissionnaire retenu aurait été très complète, comme l’attesteraient les curriculum vitae de la plupart des personnes proposées par celui-ci, alors que seul l’un des analystes proposés par la requérante aurait disposé des compétences nécessaires en matière bancaire. La requérante serait également mal fondée à prétendre que ces pondérations relatives auraient neutralisé l’« effet prix » dans la procédure d’appel d’offres, dans la mesure où, malgré une valeur technique qui a été jugée comme étant la plus mauvaise des cinq offres non éliminées sur le plan technique par le comité d’évaluation et à peine meilleure que les deux offres éliminées au terme de l’évaluation technique, l’offre de la requérante aurait obtenu la deuxième meilleure note globale, compte tenu de la note obtenue pour le critère financier, celle-ci ayant proposé le prix plus bas.

–       Appréciation du Tribunal

191    Il importe de relever que la décision attaquée ne se fonde pas sur les pondérations relatives des critères d’attribution initialement retenues (voir point 3 ci-dessus), la BEI s’étant écartée desdites pondérations en ayant imposé au soumissionnaire d’abaisser le prix global prévu dans son offre avant de lui attribuer le marché (voir point 175 ci-dessus). Toutefois, dans la mesure où, pour autant qu’elle porte rejet des offres des autres soumissionnaires admis à participer à l’évaluation comparative des offres, notamment celle de la requérante, la décision attaquée est fondée sur l’application desdites pondérations relatives des critères d’attribution, la requérante conserve un intérêt à demander le contrôle de leur légalité, à titre incident, et ce indépendamment de la violation du principe d’égalité de traitement et de non‑discrimination constaté, dans le cadre de l’examen du sixième moyen, en raison de la modification des pondérations relatives des critères d’attribution applicables au cours de la procédure d’appel d’offres (voir point 182 ci-dessus).

192    Selon une jurisprudence constante, le choix de l’offre économiquement la plus avantageuse laisse les pouvoirs adjudicateurs libres non seulement de choisir les critères d’attribution du marché, mais également de déterminer les pondérations relatives de ceux-ci, pour autant qu’elles permettent une évaluation synthétique des critères retenus afin d’identifier l’offre économiquement la plus avantageuse (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 27 octobre 2005, Contse e.a., C‑234/03, Rec. p. I‑9315, point 68, et la jurisprudence citée, et arrêt Strabag Benelux/Conseil, point 109 supra, point 77). Par ailleurs, conformément au principe d’égalité de traitement et de non‑discrimination, les pondérations relatives des différents critères ou des sous-critères ne doivent pas avoir été adoptées en prenant en compte des éléments susceptibles d’avoir un effet discriminatoire envers l’un des soumissionnaires (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 24 novembre 2005, ATI EAC e Viaggi di Maio e.a., C‑331/04, Rec. p. I‑10109, point 32, et Lianakis e.a., point 142 supra, points 42 et 43).

193    Il ressort de l’introduction du Guide que « la [BEI] estime qu’en règle générale la meilleure façon d’appliquer [l]es principes [fondamentaux de l’UE dans le cadre des procédures d’appel d’offres] est d’organiser une mise en concurrence de soumissionnaires qualifiés et de procéder à une sélection fondée sur des considérations de coût aussi bien que de qualité ». En outre, le point 2.1 du Guide se réfère au « souci dominant [de la BEI] de garantir le meilleur rapport coûts résultats » lors de l’attribution des marchés qu’elle passe pour son propre compte. Le point 2.5.1.2 du Guide, relatif aux « [c]ritères d’attribution du marché », précise à cet égard que « l’offre économiquement la plus avantageuse […] du point de vue de la [BEI] » correspond, en principe, à l’offre présentant le « meilleur rapport qualité/prix » au regard de « divers critères liés à l’objet du marché en question […] ».

194    Sauf circonstances exceptionnelles, qu’il appartient à la BEI de motiver, l’exigence de garantir le meilleur rapport « coûts/résultats » ou « qualité/prix » au terme de l’évaluation synthétique des critères choisis, aux fins d’identifier l’offre économiquement la plus avantageuse, implique que la pondération relative du critère financier ne conduise pas à neutraliser ledit critère dans le choix de l’attributaire du marché.

195    Il pourrait a priori être considéré que les pondérations relatives des critères d’attribution retenus en l’espèce, à savoir 75 % des points pour les critères techniques et 25 % des points pour le critère financier, ont été légalement fixées par la BEI dans la mesure où, d’une part, elles reflètent une appréciation propre de la BEI selon laquelle, compte tenu de la nature et de l’objet du marché, qui portait sur une application informatique servant de support aux activités de prêts qui sont au cœur de ses missions, le prix, sans être négligeable, était d’une importance secondaire par rapport à la valeur technique et où, d’autre part, ces pondérations ont été appliquées de la même manière et de façon transparente à tous les soumissionnaires.

196    Cependant, ainsi qu’il ressort des faits de l’espèce, la BEI a finalement constaté, au vu du résultat de l’évaluation comparative des offres, que la pondération relative du critère financier initialement choisie conduisait à une trop forte neutralisation dudit critère dans le choix de l’attributaire du marché et que, partant, il y avait lieu de réévaluer l’importance du critère du prix aux fins de l’attribution du marché au soumissionnaire retenu, ce qui a été fait dans le cadre des négociations menées avec ce dernier lors de la réunion du 29 janvier 2008 (voir point 175 ci-dessus).

197    Il s’ensuit que la décision attaquée, pour autant qu’elle porte rejet des offres des autres soumissionnaires admis à participer à l’évaluation comparative des offres, dont celle de la requérante, est fondée sur l’application de pondérations relatives des critères d’attribution qui, selon l’appréciation qu’en faisait la BEI au moment de son adoption, conduisaient à une trop forte neutralisation du critère financier et qui, partant, ne permettaient pas de garantir le meilleur rapport « coûts/résultats » ou « qualité/prix » à l’issue de l’évaluation synthétique des critères choisis aux fins d’identifier l’offre économiquement la plus avantageuse.

198    En outre, il ressort de ce qui précède, ainsi que de l’examen du sixième moyen, que la BEI a violé le principe d’égalité de traitement et de non‑discrimination en modifiant les pondérations relatives des critères d’attribution au cours de la procédure d’appel d’offres.

199    Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir le cinquième moyen du recours.

200    Il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que les six moyens qui soutiennent la demande en annulation sont tous fondés et que, dans cette mesure, il y a lieu d’y faire droit et d’annuler la décision attaquée.

 Sur la demande en indemnité

 Arguments des parties

201    La requérante demande au Tribunal, dans l’hypothèse où il conclurait que la décision attaquée a été adoptée en violation du droit applicable aux procédures d’appel d’offres et/ou des principes de transparence et d’égalité de traitement, et compte tenu de ce qu’il serait probablement amené à statuer sur le présent litige après l’exécution complète du marché par le soumissionnaire retenu, conformément à la décision attaquée, de condamner la BEI, sur la base des articles 235 CE et 288 CE, à lui verser une indemnité d’un montant de 1 940 000 euros.

202    La requérante estime qu’il devrait être fait droit à la demande d’indemnité pour les raisons suivantes.

203    Tout d’abord, la requérante soutient avoir fait état, conformément à une jurisprudence constante, d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle supérieure de droit protégeant les particuliers ou d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits au profit des particuliers à même d’engager la responsabilité de la Communauté ou, en l’occurrence, de la BEI. Cette violation aurait été commise par la BEI, en qualité de pouvoir adjudicateur, et résulterait de l’« illégalité » de la décision attaquée et de l’évaluation sur laquelle celle-ci s’appuie, telle qu’invoquée dans la requête, à savoir d’une violation du droit applicable aux procédures d’appel d’offres, d’une violation des principes de transparence et d’égalité de traitement, d’une violation des dispositions du Guide, d’une communication tardive d’informations, d’une motivation insuffisante de la décision attaquée, d’une utilisation de critères discriminatoires, d’une confusion entre les critères d’attribution du marché et ceux de sélection des soumissionnaires et, enfin, de pondérations relatives illégales des critères techniques et du critère financier au stade de l’attribution du marché.

204    En outre, la requérante prétend avoir invoqué un préjudice résultant de la décision attaquée et correspondant au résultat brut dont elle aurait été injustement privée du fait de l’attribution illégale du marché au soumissionnaire retenu plutôt qu’à elle-même. Si le Tribunal constatait que son offre aurait dû être classée première au terme de la phase d’évaluation comparative des offres, un tel préjudice devrait être imputé à la BEI aux fins de la sanctionner pour les illégalités commises dans la procédure d’appel d’offres ou, comme elle l’a précisé lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, pour faire participer la BEI aux coûts fixes et aux risques économiques qu’elle encourt au titre de son activité dans le domaine des marchés publics. En revanche, la requérante indique clairement qu’elle ne demande pas à être indemnisée pour les dépenses engagées aux fins de sa participation à la procédure d’appel d’offres.

205    Enfin, la requérante fait valoir qu’elle a quantifié son préjudice. Celui-ci s’élèverait à un montant de 1 940 000 euros. S’agissant de cette dernière somme, il conviendrait de tenir compte de ce que son taux de résultat brut serait, pour ce type de prestations, d’environ 50 % par rapport au prix perçu, comme en attesteraient les états financiers qui auraient été approuvés par la Commission dans le cadre de projets de recherche et de développement financés par cette dernière. Dans la mesure où, dans le cahier des charges, la BEI aurait sollicité les services de dix experts au total (quatre pour la maintenance et six pour les projets de services) et où le « coût quotidien moyen » de son offre se serait élevé à 441 euros, le prix correspondant à cette offre pourrait être calculé comme suit : 441 euros multiplié par 220 personnes/jours par an multiplié par 10 personnes par an multiplié par 4 ans, soit environ 3,88 millions d’euros. Ce prix serait conforme au budget annoncé pour le marché et compris entre 3,5 et 7 millions d’euros. Le résultat brut non perçu correspondrait donc à 50 % de 3,88 millions d’euros, soit un montant de 1,94 million d’euros.

206    La BEI fait valoir, à titre subsidiaire, que la demande en indemnité n’est pas fondée. Selon la jurisprudence, dès lors que l’une des conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle n’est pas remplie, le recours devrait être rejeté dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions d’engagement de ladite responsabilité. En l’espèce, il suffirait donc de constater qu’elle n’a commis aucune irrégularité ou illégalité susceptible d’engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté dans le cadre de la procédure d’appel d’offres. En outre, la requérante ne serait pas fondée à demander l’indemnisation d’un préjudice qui correspondrait au résultat brut qu’elle aurait perçu si le marché lui avait été attribué. Le manque à gagner allégué serait futur et hypothétique dans la mesure où, même si le marché n’avait pas été attribué au soumissionnaire retenu sur le fondement de la décision attaquée et de l’évaluation litigieuse, la requérante ne pourrait avoir la certitude qu’il lui aurait été attribué. Bien que le Tribunal puisse annuler la décision d’attribution d’un marché, il ne pourrait jamais enjoindre à l’administration d’attribuer un marché à un soumissionnaire spécifique. Dès lors, conformément à la jurisprudence, un tel préjudice ne pourrait être pris en compte.

 Appréciation du Tribunal

207    Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté en vertu de l’article 288, deuxième alinéa, CE, suppose la réunion d’un ensemble de conditions en ce qui concerne le caractère illégal du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice allégué. Il en résulte que la responsabilité de la Communauté ne pourrait être engagée sans que soient réunies toutes ces conditions (arrêt de la Cour du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, Rec. p. 3057, point 16, et arrêt du Tribunal du 16 octobre 1996, Efisol/Commission, T‑336/94, Rec. p. II‑1343, point 30).

208    En l’espèce, il convient de commencer par examiner si la condition relative à l’existence d’un lien de causalité entre le comportement illégal de la BEI et le préjudice invoqué par la requérante se trouve satisfaite.

209    S’agissant de la condition relative à l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué, il ressort d’une jurisprudence constante que le préjudice allégué doit découler de façon suffisamment directe du comportement reproché, ce dernier devant constituer la cause déterminante du préjudice (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 4 octobre 1979, Dumortier e.a./Conseil, 64/76, 113/76, 167/78, 239/78, 27/79, 28/79 et 45/79, Rec. p. 3091, point 21, et arrêt du Tribunal du 11 juillet 1996, International Procurement Services/Commission, T‑175/94, Rec. p. II‑729, point 55). Il appartient aux parties requérantes d’apporter la preuve d’un tel lien de causalité (voir arrêt de la Cour du 30 janvier 1992, Finsider e.a./Commission, C‑363/88 et C‑364/88, Rec. p. I‑359, point 25, et arrêt du Tribunal du 24 avril 2002, EVO/Conseil et Commission, T‑220/96, Rec. p. II‑2265, point 41, et la jurisprudence citée).

210    Ainsi que cela ressort de la requête (voir point 81 ci-dessus), la requérante invoque un préjudice correspondant au « montant estimé du résultat brut qu’elle aurait perçu dans le cadre de la procédure de passation de marché public si le marché lui avait été attribué ». Dans ses écritures, elle admet que la BEI ne pourrait être condamnée à lui verser des dommages-intérêts correspondant au résultat brut perdu, tel que calculé dans la requête, que si le Tribunal était en mesure de constater que son offre aurait dû être classée première, au terme de la phase d’évaluation comparative des offres (voir point 204 ci-dessus). La demande en indemnité de la requérante est ainsi fondée sur la conviction que la décision attaquée l’a empêchée de se voir attribuer le marché et de signer l’accord-cadre portant sur l’exécution de celui-ci avec la BEI. Une telle demande doit être interprétée comme ayant pour objet non pas l’indemnisation d’une perte de chance de conclure le marché, mais l’indemnisation de la perte du marché lui-même. Cela n’est pas remis en cause par le fait que, lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, la requérante a indiqué que la demande en indemnité incluait, d’une certaine manière, une perte de chances, puisque l’absence de signature du contrat avait hypothéqué ses chances de remporter, à l’avenir, d’autres marchés publics et, de manière générale, d’amortir les coûts fixes qu’elle encourt au titre de son activité dans le domaine des marchés publics. En effet, outre que ces nouveaux chefs de préjudice ont été présentés tardivement et sont, par conséquent, irrecevables, ceux-ci ne se fondent pas, en tout état de cause, sur la perte, par la requérante, d’une chance de conclure le marché, mais sur des conséquences qui, selon elle, découleraient directement de la perte du marché lui-même.

211    En l’espèce, la requérante n’a ni démontré, ni fourni les éléments qui permettraient au Tribunal de conclure, de manière certaine, que son offre aurait dû être classée première dans l’évaluation comparative des offres. En tout état de cause, même à admettre que l’offre de la requérante aurait dû être classée première et que la requérante aurait donc dû être l’attributaire du marché, cela n’obligeait pas la BEI à signer l’accord-cadre avec cette dernière. En effet, aucun principe ni aucune règle applicable aux procédures d’appel d’offres de la BEI n’impose à celle-ci de signer le contrat portant sur le marché avec la personne désignée comme l’attributaire à l’issue de la procédure d’appel d’offres (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Fracasso et Leitschutz, point 147 supra, points 24 et 25, et arrêt Embassy Limousines & Services/Parlement, point 125 supra, point 54).

212    Dès lors, il n’est pas possible de constater l’existence d’un lien de causalité entre l’adoption, par la BEI, de la décision attaquée, entachée d’illégalité ainsi qu’il ressort de l’examen de la demande en annulation, et le dommage invoqué par la requérante, qui résulte de la perte du marché lui-même. Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à demander une indemnité en réparation du préjudice résultant de ce qu’elle n’a pas conclu l’accord-cadre avec la BEI, ni a fortiori exécuté le marché.

213    Il résulte de ce qui précède que la demande en indemnité doit être rejetée dans son intégralité.

214    Cela est sans préjudice de la compensation qui pourrait être due à la requérante, en application de l’article 266 TFUE, au titre d’une remise en l’état adéquate de sa situation, à la suite de l’annulation de la décision attaquée (voir point 67 ci-dessus).

 Sur les dépens

215    La requérante explique qu’elle a été obligée d’entamer cette procédure et de demander réparation du préjudice subi en raison de l’évaluation défaillante de son offre par la BEI et du fait qu’elle n’a pas été informée des caractéristiques et des avantages relatifs de l’offre retenue, par rapport à ceux de sa propre offre. L’absence de motivation et le fait que, malgré ses demandes, le rapport d’évaluation ne lui aurait jamais été communiqué constitueraient des raisons suffisantes pour condamner la BEI aux dépens, même en cas de rejet de son recours.

216    La BEI estime que les conditions de l’article 87, paragraphe 3, second alinéa, du règlement de procédure ne sont pas remplies, en l’espèce, et qu’il convient, par conséquent, de s’en tenir à l’application de l’article 87, paragraphe 2, de ce même règlement. La requérante n’aurait pas démontré qu’elle aurait été exposée à des frais frustratoires ou vexatoires et il n’en aurait pas été ainsi. En outre, il y aurait lieu de tenir compte de ce qu’elle aurait répondu aux demandes d’informations supplémentaires de la requérante, notamment par sa lettre du 1er août 2008 (arrêt du Tribunal du 26 février 2002, Esedra/Commission, T‑169/00, Rec. p. II‑609, point 192). Au moment où la requérante a déposé la requête, elle aurait ainsi disposé de toutes les informations nécessaires à la défense de ses droits.

217    En application de l’article 87, paragraphe 3, second alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal peut condamner une partie à rembourser à l’autre partie les frais qu’elle lui a fait exposer et qui sont jugés frustratoires ou vexatoires. En l’espèce, eu égard au fait que la décision attaquée était entachée d’une insuffisance de motivation et aux fins de tenir compte des nombreuses illégalités commises par la BEI dans le cadre de la procédure de passation du marché ayant mené à l’adoption de ladite décision, forçant la requérante à introduire le présent recours, il y a lieu de condamner la BEI à supporter l’ensemble des dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la Banque européenne d’investissement (BEI) de ne pas retenir l’offre soumise par Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE dans le cadre de l’appel d’offres 2007/S 176‑215155 concernant la prestation de services destinés à fournir une « [a]ide à la maintenance, au support et au développement du système ‘Loans Front Office’ (Serapis) » et d’attribuer le marché à Sybase BVBA est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La BEI est condamnée aux dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 septembre 2011.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur la recevabilité du recours

Sur la compétence du Tribunal

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur l’intérêt de la requérante à agir en annulation de la décision attaquée

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur l’absence de contestation de la formule utilisée lors de l’évaluation comparative des offres lors de la procédure d’appel d’offres

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur l’absence de clarté de la demande en indemnité

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

2.  Sur le fond

Sur le droit applicable

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur la demande en annulation

Sur les premier et deuxième moyens

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur les troisième et quatrième moyens

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur le sixième moyen

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur le cinquième moyen

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur la demande en indemnité

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.

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