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Document 62015FO0043

Order of the Civil Service Tribunal (Second Chamber) of 30 June 2015.
Fernando Centurione v European Commission.
Case F-43/15.

Court reports – Reports of Staff Cases

ECLI identifier: ECLI:EU:F:2015:76

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE

DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

30 juin 2015 ( *1 )

«Fonction publique — Fonctionnaires — Sécurité sociale — Accident — Article 73 du statut — Réglementation commune relative à la couverture des risques d’accident et de maladie professionnelle — Fixation du degré de l’invalidité permanente partielle — Rapport de la commission médicale — Article 82 du règlement de procédure — Fin de non‑recevoir d’ordre public — Concordance entre le recours et la réclamation — Absence — Irrecevabilité»

Dans l’affaire F‑43/15,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Fernando Centurione, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Nivelles (Belgique), représenté par Me S. Pappas, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. J. Currall et T. S. Bohr, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (deuxième chambre),

composé de MM. K. Bradley (rapporteur), président, H. Kreppel et Mme M. I. Rofes i Pujol, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1

Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 13 mars 2015, M. Centurione a introduit le présent recours tendant à l’annulation de la décision de la Commission européenne du 20 juin 2014 (ci‑après la «décision litigieuse») lui reconnaissant une invalidité permanente partielle de 2 % et lui octroyant le versement du capital correspondant en vertu de l’article 73 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci‑après le «statut»).

Faits à l’origine du litige

2

Le 21 décembre 2009, en se rendant sur son lieu de travail, le requérant s’est fait une entorse à la cheville droite.

3

Le 2 juillet 2012, conformément à l’article 20, paragraphe 1, de la réglementation commune des risques d’accident et de maladie professionnelle visée à l’article 73 du statut (ci‑après la «réglementation commune»), l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci‑après l’«AIPN») de la Commission a transmis au requérant un projet de décision reconnaissant l’origine accidentelle de l’entorse susmentionnée, arrêtant la date de consolidation des lésions au 27 janvier 2012 et fixant le taux de l’invalidité permanente partielle (ci‑après l’«IPP») à 2 %.

4

En désaccord avec le projet de décision de l’AIPN du 2 juillet 2012, le requérant a demandé la saisine de la commission médicale, conformément à l’article 20, paragraphe 2, de la réglementation commune.

5

Le 27 janvier 2014, la commission médicale a adopté son rapport, aux termes duquel elle reconnaissait que l’entorse à la cheville droite était en relation directe et certaine avec l’accident du 21 décembre 2009. En revanche, les membres de la commission médicale ont considéré, à la majorité, que les symptômes dont le requérant se plaignait lors de la saisine de la commission médicale (ci‑après les «symptômes») ne pouvaient être reliés de manière directe et certaine à l’accident dont il avait été victime le 21 décembre 2009.

6

La commission médicale a donc adopté un rapport, à la majorité, selon lequel le taux d’IPP du requérant pouvait être fixé à 2 %, avec une date de consolidation fixée au 27 janvier 2014, date de l’adoption dudit rapport.

7

Conformément aux articles 18 et 22 de la réglementation commune, sur la base du rapport de la commission médicale, l’AIPN a ensuite adopté la décision litigieuse.

8

Le 10 septembre 2014, le requérant a introduit une réclamation, conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision litigieuse, en demandant, en substance, que lui soit reconnu un taux d’IPP de 4 %. Cette réclamation a été rejetée par décision de l’AIPN du 17 décembre 2014.

Conclusions des parties et procédure

9

Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision litigieuse ;

condamner la Commission aux dépens.

10

Par lettre du greffe du 7 mai 2015, le Tribunal a informé les parties, conformément à l’article 82 du règlement de procédure, qu’il envisageait de soulever d’office la fin de non‑recevoir d’ordre public tirée de l’éventuelle absence de concordance entre la requête et la réclamation l’ayant précédée et les a invitées à lui faire part de leurs observations respectives.

11

Par lettre du 18 mai 2015, le requérant a demandé au Tribunal de considérer son recours recevable en soutenant que les moyens invoqués au soutien de la requête sont présents de manière implicite dans la réclamation et que l’administration est tenue de ne pas examiner cette dernière de façon restrictive, mais dans un esprit d’ouverture.

12

Par lettre du 20 mai 2015, la Commission a fait part au Tribunal de ce que la fin de non‑recevoir telle qu’envisagée par lui devait être reconnue et que le recours devait être rejeté comme manifestement irrecevable.

En droit

13

En vertu de l’article 82 du règlement de procédure, le Tribunal peut à tout moment, d’office, les parties entendues, statuer sur les fins de non‑recevoir d’ordre public. Si le Tribunal s’estime suffisamment éclairé, il peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

14

En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier ainsi que par les réponses respectives des parties sur la fin de non‑recevoir d’ordre public soumise à leurs observations et décide, en application de l’article 82 du règlement de procédure, de statuer sans poursuivre la procédure, par voie d’ordonnance motivée.

15

Il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que l’article 91, paragraphe 2, du statut dispose qu’un recours devant le Tribunal n’est recevable que si l’AIPN a été préalablement saisie d’une réclamation.

16

Ensuite, selon une jurisprudence constante, la règle de concordance entre la réclamation, au sens de l’article 91, paragraphe 2, du statut, et la requête subséquente exige, sous peine d’irrecevabilité, que les moyens dirigés directement contre l’acte faisant grief soulevés devant le juge de l’Union l’aient déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l’administration ait été en mesure de connaître les critiques que l’intéressé formule à l’encontre de la décision contestée. Cette règle se justifie par la finalité même de la procédure précontentieuse, celle‑ci ayant pour objet de permettre un règlement amiable des différends surgis entre les fonctionnaires et l’administration (arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, points 71 et 72, et la jurisprudence citée).

17

Partant, dans les recours de fonctionnaires, les conclusions présentées devant le juge de l’Union ne peuvent contenir que des chefs de contestation reposant sur la même cause que celle sur laquelle reposent les chefs de contestation invoqués dans la réclamation, étant précisé que ces chefs de contestation peuvent être développés, devant le juge de l’Union, par la présentation de moyens et arguments ne figurant pas nécessairement dans la réclamation, mais s’y rattachant étroitement (arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, point 73, et la jurisprudence citée).

18

Enfin, puisque la procédure précontentieuse a un caractère informel et que les intéressés agissent en général à ce stade sans le concours d’un avocat, l’administration ne doit pas interpréter les réclamations de façon restrictive, mais doit, au contraire, les examiner dans un esprit d’ouverture. En outre, l’article 91 du statut n’a pas pour objet de lier, de façon rigoureuse et définitive, la phase contentieuse éventuelle, dès lors que le recours contentieux ne modifie ni la cause ni l’objet de la réclamation. Cependant, pour que la procédure précontentieuse prévue par l’article 91, paragraphe 2, du statut puisse atteindre son objectif, il faut que l’AIPN soit en mesure de connaître de façon suffisamment précise les critiques que les intéressés formulent à l’encontre de la décision contestée (arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, points 76 et 77, et la jurisprudence citée).

19

En l’espèce, le Tribunal constate que, dans sa requête, le requérant soulève deux moyens à l’appui de ses conclusions en annulation de la décision litigieuse.

20

Le premier moyen est formellement tiré de l’insuffisance de motivation des conclusions du rapport de la commission médicale du 27 janvier 2014. En particulier, le requérant reproche à la commission médicale de n’avoir présenté aucune motivation ni explication concernant l’origine de ses symptômes. Toutefois, le Tribunal estime que, en réalité, le requérant conteste le bien‑fondé des appréciations médicales qui y sont contenues. En effet, le requérant affirme que le seul élément fourni par la commission médicale pour expliquer ses symptômes concerne «l’écoulement du temps entre le diagnostic [des symptômes] et l’accident, ainsi qu[e] […] le diagnostic initial [de son] médecin», et il soutient que cette explication «manque de sens». En outre, il conteste les conclusions figurant dans le rapport de la commission médicale en faisant état de l’existence de plusieurs avis médicaux antérieurs audit rapport qui lui sont plus favorables.

21

Le second moyen est tiré de la violation de la réglementation commune par la commission médicale en ce que, pour écarter la relation causale directe et certaine des symptômes du requérant avec l’accident du 21 décembre 2009, elle aurait pris en compte, en contradiction avec les dispositions de l’annexe B de la réglementation commune relatives à l’état antérieur, une prédisposition pathologique de celui‑ci.

22

Or, aucun de ces deux moyens n’a été explicitement invoqué dans la réclamation, ce que le requérant a reconnu dans ses observations sur la fin de non‑recevoir d’ordre public du 18 mai 2015.

23

En effet, dans la réclamation, le requérant se limite à marquer son désaccord avec les conclusions de la commission médicale en demandant à se voir reconnaître «une invalidité de 4 %». Le requérant motive cette demande en se fondant sur un avis qui aurait été établi le 12 août 2014, donc postérieurement à l’avis de la commission médicale et à la décision litigieuse, par un chirurgien orthopédique expert en évaluation du dommage corporel, lequel se serait fondé, à son tour, sur un rapport du 11 août 2014 remis par un autre médecin suite à une étude du dossier radiologique concernant les chevilles du requérant. Selon l’avis médical du 12 août 2014 susmentionné, les symptômes du requérant devaient être mis en relation causale certaine avec l’accident du 21 décembre 2009 et auraient dû entraîner un taux d’IPP de 4 %. Toutefois, la réclamation ne mentionne ni le caractère insuffisant de la motivation des conclusions de la commission médicale, ni la prise en compte par cette dernière d’une prédisposition pathologique du requérant.

24

Par ailleurs, l’examen de la réclamation, même interprétée dans un esprit d’ouverture, ne permet pas d’établir que les moyens soulevés dans la présente requête sont étroitement liés à un des moyens ou arguments figurant dans la réclamation.

25

En outre, le requérant ne contestant pas le caractère insuffisant de la motivation de la décision litigieuse, mais de celle du rapport sur lequel la décision se fonde, les moyens soulevés dans la requête ne sont pas des moyens d’ordre public que le Tribunal devrait soulever d’office.

26

Il y a donc lieu de juger que, en violation de la règle de concordance, aucun moyen soulevé par le requérant dans son recours n’a été évoqué dans la réclamation et que, partant, le recours doit être rejeté comme irrecevable.

27

À titre surabondant, en ce qui concerne le premier moyen, il y a lieu de rappeler que le requérant ne saurait valablement contester les appréciations médicales contenues dans le rapport de la commission médicale devant le Tribunal. En effet, selon la jurisprudence, le but des dispositions relatives aux commissions médicales et d’invalidité est de confier à des experts médicaux l’appréciation définitive de toutes les questions d’ordre médical. Le contrôle juridictionnel ne saurait s’étendre aux appréciations médicales proprement dites, qui doivent être tenues pour définitives dès lors qu’elles sont intervenues dans des conditions régulières (arrêt du 23 novembre 2004, O/Commission, T‑376/02, EU:T:2004:338, point 29, et la jurisprudence citée). En outre, il appartient à la commission médicale de décider dans quelle mesure il convient de prendre en considération les rapports médicaux établis préalablement et la circonstance qu’elle ne fasse pas explicitement référence, dans son rapport, à certains documents, ni a fortiori au contenu de certains documents, ne suffit pas à entacher la validité de ses conclusions (arrêt du 2 octobre 2013, Nardone/Commission, F‑111/12, EU:F:2013:140, point 48, et la jurisprudence citée).

Sur les dépens

28

Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens.

29

Aux termes de l’article 103, paragraphe 3, du règlement de procédure, à défaut de conclusions sur les dépens, chaque partie supporte ses propres dépens.

30

Il résulte des motifs énoncés dans la présente ordonnance que le requérant a succombé en son recours. Toutefois, la Commission n’ayant pas demandé que le requérant soit condamné aux dépens, il y a lieu de faire application des dispositions susmentionnées de l’article 103, paragraphe 3, du règlement de procédure et de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (deuxième chambre)

ordonne :

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

Chaque partie supporte ses propres dépens.

 

Fait à Luxembourg, le 30 juin 2015.

 

Le greffier

W. Hakenberg

Le président

K. Bradley


( *1 ) Langue de procédure : le français.

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