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Document 61998TO0124

Order of the Court of First Instance (Second Chamber) of 9 February 1999.
Corrado Politi v European Training Foundation.
Members of the temporary staff - Time-limit for submitting complaints - Time-limit for bringing proceedings - Inadmissibility.
Case T-124/98.

European Court Reports – Staff Cases 1999 I-A-00009; II-00029

ECLI identifier: ECLI:EU:T:1999:21

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

9 février 1999 ( *1 )

«Agents temporaires — Délai de réclamation — Délai de recours — Irrecevabilité»

Dans l'affaire T-124/98,

Corrado Politi, ancien agent temporaire de la Fondation européenne pour la formation, demeurant à Turin (Italie), représenté par Mes Jean-Noël Louis et Françoise Parmentier, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL, 30, rue de Cessange,

partie requérante,

contre

Fondation européenne pour la formation, représentée par Me Bertrand Wägenbaur, avocat à Hambourg, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique de la Commission des Communautés européennes, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation, d'une part, de la décision du 16 septembre 1997 portant établissement du rapport d'évaluation définitif du requérant, d'autre part, de la décision du 30 septembre 1997 de ne pas renouveler le contrat du requérant,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. A. Potocki, président, C. W. Bellamy et A. W. H. Meij, juges,

greffier: M. H. Jung,

rend la présente

Ordonnance

Faits et procédure

1

A compter du 1er décembre 1994, le requérant a été engagé à la Fondation européenne pour la formation (ci-après «Fondation»), en qualité d'agent temporaire, classé au grade A 4.

2

Le contrat d'engagement a été conclu pour une durée de trois ans, soit jusqu'au 30 novembre 1997. Conformément à son article 4, le contrat pouvait être renouvelé dans les conditions de l'article 8, dernier alinéa, du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes.

3

Le 16 septembre 1997, le directeur de la Fondation a signé le rapport d'évaluation définitif du requérant relatif à la période d'avril 1996 à avril 1997.

4

Par lettre du 30 septembre 1997, le directeur de la Fondation a rappelé au requérant que son contrat venait à expiration le 30 novembre 1997 et l'a informé qu'il ne serait pas renouvelé. Le requérant a accusé réception de cette lettre le 1er octobre 1997.

5

Le 5 novembre 1997, le conseil du requérant a adressé une lettre au directeur de la Fondation, dénonçant les irrégularités dont étaient affectés le rapport définitif d'évaluation et la décision de ne pas renouveler le contrat de son client.

6

Par lettre du 18 novembre 1997, à la demande du directeur de la Fondation, le conseil de celle-ci a rejeté les conclusions et moyens exposés dans la lettre du 5 novembre 1997.

7

Le 31 décembre 1997, le conseil du requérant a introduit une réclamation, formée en application de l'article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut»). Il a demandé au directeur de la Fondation de retirer, d'une part, la décision portant établissement du rapport d'évaluation définitif, d'autre part, la décision de ne pas renouveler le contrat de son client.

8

Il n'a pas été répondu à cette dernière lettre.

9

C'est dans ces conditions que, par acte déposé au greffe du Tribunal le 2 août 1998, le requérant a introduit le présent recours en vue d'obtenir l'annulation, d'une part, de la décision du 16 septembre 1997 portant établissement du rapport d'évaluation définitif, d'autre part, de la décision du 30 septembre 1997 de ne pas renouveler le contrat du requérant.

10

Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 2 octobre 1998, la Fondation a, en application de l'article 114 du règlement de procédure, soulevé une exception d'irrecevabilité. Le requérant a déposé ses observations le 15 décembre 1998.

Conclusions des parties

11

La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

rejeter le recours comme irrecevable;

statuer comme de droit sur les dépens.

12

La partie requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal rejeter l'exception d'irrecevabilité ou la joindre au fond.

En droit

13

Aux termes de l'article 114 du règlement de procédure, si une partie demande que le Tribunal statue sur l'irrecevabilité sans engager le débat au fond, la suite de la procédure sur la demande est orale, sauf décision contraire du Tribunal. En l'espèce, le Tribunal s'estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure.

Moyens et arguments des parties

14

En ce qui concerne la décision de ne pas renouveler le contrat d'agent temporaire du requérant, la Fondation soutient, à titre principal, que la lettre du requérant du 5 novembre 1997 constitue une réclamation, au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut (arrêt de la Cour du 7 juillet 1971, Mullers/CES, 79/70, Rec. p. 689, 697; ordonnances du Tribunal du 7 juin 1991, Weyrich/Commission, T-14/91, Rec. p. II-235, point 39, et du 11 mai 1992, Whitehead/Commission, T-34/91, Rec. p. II-1723, points 23 à 25; arrêt du Tribunal du 22 mars 1995, Kotzonis/CES, T-586/93, RecFP p. II-203, point 21).

15

Or, il a été répondu à cette réclamation par lettre du 18 novembre 1997.

16

Le requérant aurait donc dû introduire son recours dans le délai de trois mois à compter de cette réponse, conformément à l'article 91, paragraphe 2, du statut, soit, compte tenu du délai de distance de dix jours applicable en l'espèce, le 28 février 1998 ou vers cette date. Le recours, déposé le 2 août 1998, serait manifestement tardif.

17

A titre subsidiaire, la Fondation fait valoir que la requête, pour autant qu'elle tend à l'annulation de la décision de ne pas renouveler le contrat du requérant, ne satisfait pas aux exigences minimales établies par l'article 19 du statut (CE) de la Cour et par l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal. Dès lors, la requête serait, sur ce point, irrecevable.

18

En ce qui concerne la demande d'annulation du rapport définitif, la Fondation rappelle que celui-ci a été communiqué au requérant le 16 septembre 1997. Dans ces conditions, compte tenu des délais fixés par les articles 90 et 91 du statut, le recours, formé le 2 août 1998, serait tardif et, partant, irrecevable. En effet, soit la lettre du 5 novembre 1997 constituait une réclamation, et le recours est alors irrecevable pour les mêmes raisons que celles indiquées ci-dessus, soit la lettre du 31 décembre 1997 constituait la réclamation, et force est alors de constater qu'elle a été déposée plus de trois mois après la notification du rapport définitif.

19

Le requérant fait valoir, en premier lieu, que la lettre du 5 novembre 1997 ne peut être qualifiée de réclamation, au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut. Les commentaires qu'elle contenait ne constituaient qu'une démarche informelle entreprise dans un cadre amiable préalable à l'introduction d'une procédure précontentieuse.

20

Même si cette lettre devait être qualifiée de réclamation, un requérant est en droit de compléter sa réclamation par des notes additionnelles et même présenter des moyens qui ne sont pas visés dans la réclamation initiale, pour autant que ceux-ci soient présentés avant l'expiration des délais prévus à l'article 90 du statut (arrêt du Tribunal du 17 décembre 1997, Dricot e.a./Commission, T-159/95, RecFP p. II-1035, points 22, 24 et 25).

21

En second lieu, le requérant soutient que la lettre du 18 novembre 1997, signée par le conseil de la Fondation, ne peut constituer une réponse à la réclamation. En effet, seule l'AIPN a le pouvoir d'accueillir ou de rejeter une réclamation qui lui est adressée. En outre, le directeur de la Fondation ne peut pas déléguer les pouvoirs d'AIPN qui lui sont conférés, et en particulier les déléguer à une personne extérieure à l'institution. De surcroît, le mandat d'un avocat ne lui confère pas l'autorité d'agir en tant qu'organe d'une institution européenne. En toute hypothèse, une telle délégation nécessiterait un mandat ad hoc, produit en temps utile. Enfin, la lettre du 18 novembre 1997 n'a pas été adressée au requérant, mais à son conseil. Or, le requérant n'avait pas donné pouvoir à son conseil pour recevoir en son nom et pour son compte une réponse à la réclamation, et le conseil du requérant n'avait pas accepté d'assumer la responsabilité de recevoir notification d'un quelconque acte de la Fondation au nom de son client. Dans ces conditions, l'article 90, paragraphe 2, deuxième alinéa, du statut, a été méconnu.

22

En ce qui concerne le rapport d'évaluation définitif, le requérant soutient qu'il n'existe aucune preuve de la date à laquelle il lui a été notifié. Or, la charge de cette preuve incombe à la partie défenderesse, qui excipe de l'irrecevabilité du recours.

Appréciation du Tribunal

23

Conformément à l'article 14 du règlement (CE) no 2063/94 du Conseil, du 27 juillet 1994, modifiant le règlement (CEE) no 1360/90 portant création d'une Fondation européenne pour la formation (JO L 216, p. 9), «le personnel de la Fondation est soumis aux règlements et réglementations applicables aux fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes».

24

Les articles 90 et 91 du statut subordonnent la recevabilité d'un recours introduit par un fonctionnaire ou un agent contre l'institution à laquelle il appartient à la condition du déroulement régulier et complet de la procédure administrative préalable, prévue par ces articles (notamment ordonnance du Tribunal du 1er octobre 1991, Coussios/Commission, T-38/91, Rec. p. II-763, point 23).

25

En outre, selon une jurisprudence constante, les délais de réclamation et de recours sont d'ordre public et les parties ne peuvent s'y soustraire (notamment ordonnance Coussios/Commission, précitée, point 24).

26

Enfin, la qualification juridique exacte d'une lettre ou d'une note relève de la seule appréciation du Tribunal et non de la volonté des parties (notamment ordonnance du Tribunal du 15 juillet 1993, Hogan/Parlement, T-115/92, Rec. p. II-895, point 36).

27

Il n'est pas contesté que le rapport d'évaluation définitif et la décision du 30 septembre 1997 de ne pas renouveler le contrat du requérant constituent des actes faisant grief, au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut.

28

Conformément à cette disposition, il appartenait donc au requérant de former contre ces actes une réclamation, dans les délais statutaires.

29

Constitue une réclamation, au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut, la lettre par laquelle un fonctionnaire ou un agent, sans demander expressément le retrait de la décision en cause, vise clairement à obtenir satisfaction à l'amiable ou encore la lettre qui manifeste clairement la volonté du requérant de contester la décision qui lui fait grief (notamment arrêt Kotzonis/CES, précité, point 21, et ordonnance Hogan/Parlement, précitée, point 36).

30

En l'espèce, dans sa lettre du 5 novembre 1997, le conseil du requérant dénonçait clairement les irrégularités dont le rapport d'évaluation définitif et la décision du 30 septembre 1997 étaient, selon lui, entachés.

31

Il dénonçait ainsi le manque de motivation du rapport d'évaluation définitif, en particulier au regard des appréciations portées dans le rapport de fin de stage du 30 juin 1995. Il mettait en cause les erreurs d'appréciation contenues dans ce rapport, qui ne reposaient sur aucun élément objectif. En ce qui concerne la décision de non renouvellement du contrat, il invoquait sa tardiveté, eu égard aux règles énoncées dans le «staff handbook» (guide à l'attention du personnel) diffusé par le directeur de la Fondation le 29 janvier 1997, une violation de l'obligation de motivation, une erreur manifeste d'appréciation et un détournement de procédure.

32

Non seulement il demandait que soit trouvée une solution amiable au différend qui l'opposait à la Fondation, mais en outre il invitait expressément le directeur de la Fondation à retirer, dans les deux semaines, la décision de non renouvellement et à adopter une nouvelle décision portant renouvellement du contrat d'agent temporaire.

33

Dès lors, ainsi que le soutient la Fondation, la lettre du 5 novembre 1997 doit être qualifiée de «réclamation» au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut.

34

La circonstance que, dans la lettre du 5 novembre 1997, le conseil du requérant a indiqué que, si la Fondation ne donnait pas satisfaction à son client, il se verrait contraint d'introduire une réclamation, et que, dans la lettre d'accompagnement de sa note intitulée «réclamation» du 31 décembre 1997, il est indiqué que, «dans l'hypothèse où [la] lettre [du 5 novembre 1997] aurait été traitée comme une réclamation au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut, il y aurait lieu de considérer la présente comme valant désistement», ne saurait modifier cette conclusion.

35

En effet, ainsi qu'il a été rappelé, d'une part, la qualification juridique exacte d'une lettre ou d'une note relève de la seule appréciation du Tribunal et non de la volonté des parties et, d'autre part, les délais de réclamation et de recours sont d'ordre public. Dans ces conditions, par une simple déclaration de «désistement», le requérant ne saurait faire courir à nouveau les délais obligatoires prévus par le statut.

36

Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de déterminer si la lettre adressée le 18 novembre 1997 par le conseil de la Fondation, au nom du directeur de celle-ci, est susceptible de constituer une réponse à la réclamation, au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut.

37

En effet, si tel était le cas, le recours aurait dû être introduit devant le Tribunal dans le délai de trois mois à compter de la notification de cette réponse, conformément à l'article 91, paragraphe 3, premier tiret, du statut. Compte tenu des délais de distance applicables en l'espèce, le recours aurait donc dû être introduit le 28 février 1998 au plus tard.

38

Si, en revanche, la lettre du conseil de la Fondation ne devait pas être qualifiée de réponse à la réclamation, au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut, la réclamation devrait être regardée comme ayant fait l'objet d'une réponse implicite de rejet à l'expiration du délai de quatre mois à partir du jour de l'introduction de la réclamation, le 5 novembre 1997, conformément à l'article 90, paragraphe 2, dernier alinéa, du statut, soit le 5 mars 1998. En application de l'article 91, paragraphe 3, second tiret, du statut, le requérant aurait dû alors former un recours dans le délai de trois mois à compter de ce rejet implicite. Compte tenu des délais de distance applicables en l'espèce, le recours aurait donc dû être introduit le 15 juin 1998 au plus tard.

39

Certes, il ressort de l'arrêt Dricot e.a./Commission, invoqué par le requérant, qu'un moyen visé dans la réclamation peut être développé au cours de la procédure précontentieuse par des notes additionnelles, à condition que la critique y figurant repose sur la même cause que les chefs de contestation invoqués dans la réclamation initiale. En l'espèce, la lettre du 31 décembre 1997, en ce qu'elle reprend certaines des accusations initialement formulées dans la réclamation du 5 novembre 1997, constitue une telle note additionnelle.

40

Toutefois, il ne saurait en être déduit que le dépôt de telles notes, même à supposer qu'il intervienne durant le délai de trois mois à compter de la notification de l'acte faisant grief et en l'absence de réponse explicite à la réclamation, ferait courir de nouveau les délais statutaires. En effet, ainsi qu'il résulte des termes clairs de l'article 91, paragraphe 2, deuxième alinéa, du statut, c'est la date de l'introduction de la réclamation qui fait courir le délai dans lequel l'AIPN doit notifier sa réponse à la réclamation. Il y a d'ailleurs lieu de relever que, dans l'affaire Dricot e.a./Commission, le recours avait été déposé dans les délais statutaires, calculés à compter de la réclamation et non des notes additionnelles.

41

Ainsi, que la lettre du conseil de la Fondation du 18 novembre 1997 soit ou non qualifiée de réponse à la réclamation, le recours aurait dû être introduit à une date bien antérieure au 2 août 1998, date de dépôt du présent recours.

42

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de conclure que le recours est tardif et, partant, irrecevable.

Sur les dépens

43

Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l'article 88 de ce règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé et la Fondation ayant conclu à ce que le Tribunal statue sur les dépens comme de droit, chacune des parties supportera ses propres dépens.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne:

 

1)

Le recours est rejeté comme irrecevable.

 

2)

Chaque partie supportera ses propres dépens.

 

Fait à Luxembourg, le 9 février 1999.

Le greffier

H. Jung

Le président

A. Potocki


( *1 ) Langue de procédure: le français.

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