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Document 62003TJ0053

Arrêt du Tribunal de première instance (troisième chambre) du 8 juillet 2008.
BPB plc contre Commission des Communautés européennes.
Concurrence - Ententes - Marché des plaques en plâtre - Décision constatant une infraction à l’article 81 CE - Infraction unique et continue - Récidive - Amende - Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes - Communication sur la coopération.
Affaire T-53/03.

European Court Reports 2008 II-01333

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2008:254

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

8 juillet 2008 ( *1 )

«Concurrence — Ententes — Marché des plaques en plâtre — Décision constatant une infraction à l’article 81 CE — Infraction unique et continue — Récidive — Amende — Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes — Communication sur la coopération»

Dans l’affaire T-53/03,

BPB plc, établie à Slough (Royaume-Uni), représentée par MM. T. Sharpe, QC, et A. Nourry, solicitor,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. F. Castillo de la Torre, en qualité d’agent, assisté de M. J. Flynn, QC, et de Mme C. Kilroy, barrister,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision 2005/471/CE de la Commission, du 27 novembre 2002, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] à l’encontre de BPB plc, Gebrüder Knauf Westdeutsche Gipswerke KG, Société Lafarge SA et Gyproc Benelux NV (Affaire COMP/E-1/37.152 — Plaques en plâtre) (JO 2005, L 166, p. 8), ou, à titre subsidiaire, une demande d’annulation ou de réduction de l’amende infligée à la requérante,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de M. M. Jaeger, président, Mme V. Tiili et M. O. Czúcz, juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 janvier 2007,

rend le présent

Arrêt

Faits à l’origine du litige

1

BPB plc produit et commercialise des matériaux de construction à base de plâtre.

2

À la suite des informations dont elle a eu connaissance, la Commission a procédé le 25 novembre 1998 à des vérifications inopinées auprès de huit entreprises actives dans le domaine des plaques en plâtre, dont la requérante. Le 1er juillet 1999, elle a poursuivi ses investigations auprès de deux autres entreprises.

3

La Commission a ensuite adressé des demandes de renseignements, au titre de l’article 11 du règlement no 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), aux différentes entreprises concernées. Elle en a envoyé quatre à la requérante. BPB y a répondu les 17 mars 1999, 28 octobre 1999, 18 mai 2000 et 6 septembre 2002.

4

Le 18 avril 2001, la Commission a engagé la procédure dans la présente affaire et adopté une communication des griefs à l’encontre de la requérante ainsi que des entreprises Gebrüder Knauf Westdeutsche Gipswerke KG (ci-après « Knauf »), Société Lafarge SA (ci-après « Lafarge »), Etex SA et Gyproc Benelux NV (ci-après « Gyproc »). Les entreprises concernées ont présenté leurs observations écrites et ont eu accès au dossier d’instruction de la Commission sous la forme d’une copie sur CD-ROM qui leur a été envoyée le 17 mai 2001.

5

La requérante a répondu à la communication des griefs le 8 juillet 2001.

6

Le 27 novembre 2002, la Commission a adopté la décision 2005/471/CE, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] à l’encontre de BPB, Knauf, Lafarge et Gyproc (Affaire COMP/E-1/37.152 — Plaques en plâtre) (JO 2005, L 166, p. 8, ci-après la « décision attaquée »).

7

Le dispositif de la décision attaquée énonce :

« Article premier

BPB […], le groupe Knauf, […] Lafarge […] et Gyproc […] ont enfreint l’article 81, paragraphe 1, [CE] en participant à un ensemble d’accords et de pratiques concertées dans le secteur des plaques en plâtre.

L’infraction a eu la durée suivante :

a)

BPB […] : du 31 mars 1992, au plus tard, au 25 novembre 1998

b)

[le groupe] Knauf : du 31 mars 1992, au plus tard, au 25 novembre1998

c)

[…] Lafarge […] : du 31 août 1992, au plus tard, au 25 novembre 1998

d)

Gyproc […] : du 6 juin 1996, au plus tard, au 25 novembre 1998

[…]

Article 3

Pour l’infraction visée à l’article 1er, les amendes suivantes sont infligées aux entreprises suivantes :

a)

BPB […] : 138,6 millions d’euros

b)

[…] Knauf […] : 85,8 millions d’euros

c)

[…] Lafarge […] : 249,6 millions d’euros

d)

Gyproc […] : 4,32 millions d’euros

[…] »

8

La Commission considère, dans la décision attaquée, que les entreprises en cause ont participé à une infraction unique et continue qui s’est manifestée par les comportements suivants, constitutifs d’accords ou de pratiques concertées :

les représentants de BPB et de Knauf se sont rencontrés à Londres (Royaume-Uni) en 1992 et ont exprimé la volonté commune de stabiliser les marchés des plaques en plâtre en Allemagne, au Royaume-Uni, en France et dans le Benelux ;

les représentants de BPB et de Knauf ont mis en place, à partir de 1992, des systèmes d’échange d’informations, auxquels Lafarge et ensuite Gyproc ont adhéré, portant sur leurs volumes de ventes sur les marchés allemand, du Royaume-Uni, français et du Benelux ;

les représentants de BPB, de Knauf et de Lafarge se sont, à diverses reprises, informés réciproquement à l’avance des hausses de prix sur le marché du Royaume-Uni ;

faisant face à des développements particuliers sur le marché allemand, les représentants de BPB, de Knauf, de Lafarge et de Gyproc se sont rencontrés à Versailles (France) en 1996, à Bruxelles (Belgique) en 1997 et à La Haye (Pays-Bas) en 1998, en vue de se répartir ou, tout au moins, de stabiliser le marché allemand ;

les représentants de BPB, de Knauf, de Lafarge et de Gyproc se sont informés réciproquement à diverses reprises et se sont concertés sur l’application de hausses des prix sur le marché allemand entre 1996 et 1998.

9

Aux fins du calcul du montant de l’amende, la Commission a fait application de la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices »).

10

Pour la fixation du montant de départ des amendes, déterminé en fonction de la gravité de l’infraction, la Commission a tout d’abord considéré que les entreprises concernées avaient commis une infraction très grave par sa nature même, les pratiques en cause ayant eu pour objet de mettre fin à la guerre des prix et de stabiliser le marché par l’échange d’informations confidentielles. La Commission a estimé, en outre, que les pratiques en cause avaient eu un impact sur le marché, les entreprises concernées représentant la quasi-totalité de l’offre de plaques en plâtre et les différentes manifestations de l’entente ayant été mises en œuvre sur un marché très concentré et oligopolistique. Quant à l’étendue du marché géographique concerné, la Commission a estimé que l’entente avait couvert les quatre principaux marchés au sein de la Communauté européenne, à savoir l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France et le Benelux.

11

Estimant ensuite qu’il existait une disparité considérable entre les entreprises concernées, la Commission a procédé à un traitement différencié, se basant à cet effet sur le chiffre d’affaires tiré de la vente du produit en cause sur les marchés concernés, au cours de la dernière année complète de l’infraction. Sur cette base, le montant de départ des amendes a été fixé à 80 millions d’euros pour BPB, à 52 millions d’euros pour Knauf et pour Lafarge et à 8 millions d’euros pour Gyproc.

12

Afin d’assurer à l’amende un effet suffisamment dissuasif au vu de la taille et des ressources globales des entreprises, le montant de départ de l’amende infligée à Lafarge a été majoré de 100 %, passant à 104 millions d’euros.

13

Pour tenir compte de la durée de l’infraction, le montant de départ a ensuite été majoré de 65 % pour BPB et pour Knauf, de 60 % pour Lafarge et de 20 % pour Gyproc, l’infraction étant qualifiée par la Commission d’infraction de longue durée dans le cas de Knauf, de Lafarge et de BPB et de durée moyenne dans le cas de Gyproc.

14

S’agissant des circonstances aggravantes, le montant de base des amendes infligées à BPB et à Lafarge a été majoré de 50 % au titre de la récidive.

15

Ensuite, la Commission a diminué de 25 % l’amende infligée à Gyproc au titre des circonstances atténuantes, du fait qu’elle avait été un élément déstabilisateur contribuant à limiter les effets de l’entente sur le marché allemand et qu’elle était absente du marché du Royaume-Uni.

16

Enfin, la Commission a procédé à une réduction du montant des amendes de 30 % pour BPB et de 40 % pour Gyproc, en application de la section D, paragraphe 2, de la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la « communication sur la coopération »). Partant, le montant final des amendes infligées était de 138,6 millions d’euros pour BPB, de 85,8 millions d’euros pour Knauf, de 249,6 millions d’euros pour Lafarge et de 4,32 millions d’euros pour Gyproc.

Procédure et conclusions des parties

17

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 février 2003, la requérante a introduit le présent recours.

18

La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée à partir de la nouvelle année judiciaire, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

19

Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a invité les parties à déposer certains documents et leur a posé par écrit des questions auxquelles elles ont répondu dans le délai imparti.

20

Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l’audience du 24 janvier 2007.

21

Lors de l’audience, le Tribunal a demandé à la requérante de préciser sa demande de confidentialité avant le 7 février 2007. Un délai a également été accordé à la Commission pour ses éventuelles observations sur la réponse de la requérante en ce qui concerne les informations confidentielles.

22

La procédure orale a été close le 27 mars 2007.

23

La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler les articles 1er et 2 de la décision attaquée dans la mesure où ils la concernent ;

à titre subsidiaire, annuler l’article 3 de la décision attaquée dans la mesure où il la concerne, ou, à titre plus subsidiaire encore, réduire de manière appropriée le montant de l’amende qui lui a été infligée par la Commission dans la décision attaquée ;

sous réserve de l’annulation de l’article 3 de la décision attaquée ou de la réduction du montant de l’amende, ordonner le remboursement de la somme au principal payée par elle, majorée des intérêts à déterminer par le Tribunal conformément aux dispositions légales en vigueur ;

condamner la Commission aux dépens.

24

La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens.

En droit

1. Sur le premier moyen, tiré de la violation des droits de la défense

Arguments des parties

25

La requérante estime que la Commission a violé les droits de la défense ainsi que le principe général d’égalité des armes en se fondant sur des éléments de preuve qu’elle ne lui a pas communiqués.

26

En premier lieu, la requérante fait valoir que la Commission ne lui a pas donné accès aux informations fournies par un informateur anonyme. Or, selon la requérante, ces informations ont été utilisées par la Commission le 19 novembre 1998 pour obtenir un mandat de perquisition auprès d’un tribunal au Royaume-Uni. La requérante estime également qu’il ressort de l’affidavit déposé en annexe à la demande de mandat de perquisition que la Commission considérait lesdites informations comme convaincantes. La requérante soutient que la conviction de la Commission qu’il existait une entente complexe a influencé son interprétation de tous les faits et preuves.

27

En second lieu, la requérante fait valoir que la Commission aurait dû donner accès aux réponses des autres destinataires de la communication des griefs. La Commission se serait fondée sur ces réponses à plusieurs reprises dans la décision attaquée pour l’appréciation des faits et l’administration de la preuve.

28

La Commission considère que l’obligation de respecter les droits de la défense n’exige pas qu’elle révèle l’ensemble de son dossier aux entreprises concernées et qu’elle compromette ainsi l’éventuel caractère confidentiel des éléments du dossier. Elle ne serait aucunement tenue de divulguer au destinataire d’une communication des griefs les documents à charge sur lesquels elle n’a pas l’intention de s’appuyer. En l’espèce, la Commission aurait formulé ses conclusions seulement à partir des preuves dont elle disposait et qui seraient décrites dans la communication des griefs et dans la décision attaquée.

29

La Commission conteste que les droits de la défense de la requérante aient été violés du fait qu’elle n’a pas pu prendre connaissance des réponses des autres destinataires de la communication des griefs. La Commission fait valoir que, si elle découvre, après l’adoption de la communication des griefs, de nouveaux éléments qu’elle a l’intention d’utiliser et à propos desquels les entreprises n’ont pas eu l’occasion de faire connaître leur point de vue, elle doit envoyer une communication des griefs complémentaire ou une lettre invitant les entreprises concernées à formuler des observations supplémentaires sur ces nouveaux éléments de preuve. Si elle s’abstenait de procéder à un tel envoi, elle ne pourrait pas invoquer ces éléments contre les destinataires de la communication des griefs initiale.

30

Or, en l’espèce, tous les exemples donnés par la requérante concernaient des affirmations figurant déjà dans la communication des griefs et qui ont donc été reconnues ou contestées et à propos desquelles la requérante a pu faire connaître son point de vue. Aucune de ces déclarations ne contiendrait de griefs nouveaux ou d’informations factuelles nouvelles sur lesquelles la Commission se serait fondée pour formuler ses conclusions.

Appréciation du Tribunal

31

Il est d’abord nécessaire de rappeler que l’accès au dossier dans les affaires de concurrence a notamment pour objet de permettre aux destinataires d’une communication des griefs de prendre connaissance des éléments de preuve figurant dans le dossier de la Commission, afin qu’ils puissent se prononcer utilement sur les conclusions auxquelles la Commission est parvenue, dans sa communication des griefs, sur la base de ces éléments. L’accès au dossier relève ainsi des garanties procédurales visant à protéger les droits de la défense et à assurer, en particulier, l’exercice effectif du droit d’être entendu (voir arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T-191/98, T-212/98 à T-214/98, Rec. p. II-3275, point 334, et la jurisprudence citée).

32

En ce qui concerne les éléments à charge, l’obligation d’accès au dossier ne porte que sur les éléments finalement retenus dans la décision et non sur tous les griefs que la Commission aurait pu éventuellement formuler à un stade quelconque de la procédure administrative (arrêt Atlantic Container Line e.a./Commission, point 31 supra, point 337). En effet, un document ne peut être considéré comme un document à charge à l’égard d’une partie requérante que lorsqu’il est utilisé par la Commission à l’appui de la constatation d’une infraction à laquelle cette partie requérante aurait participé (arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T-25/95, T-26/95, T-30/95 à T-32/95, T-34/95 à T-39/95, T-42/95 à T-46/95, T-48/95, T-50/95 à T-65/95, T-68/95 à T-71/95, T-87/95, T-88/95, T-103/95 et T-104/95, Rec. p. II-491, ci-après l’« arrêt Ciment », point 284).

33

En outre, la requérante ne saurait exiger, de manière générale et abstraite, l’accès aux documents ou aux informations qui ne lui ont pas été communiqués sans préciser en quoi les éléments à charge retenus par la Commission dans la décision attaquée auraient été déterminés par ces documents ou ces informations. En effet, selon la jurisprudence, une argumentation de nature générale n’est pas de nature à établir la réalité d’une violation des droits de la défense, laquelle doit être examinée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce (arrêt Atlantic Container Line e.a./Commission, point 31 supra, points 353 et 354).

34

En l’espèce, s’agissant des informations fournies par l’informateur anonyme, il n’est pas contesté par la Commission que ces informations ont été un élément déclencheur des enquêtes. Or, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, ces informations n’ont finalement pas été reprises telles quelles par la Commission et les griefs retenus ont été prouvés par d’autres éléments de preuve.

35

De même, la requérante n’a indiqué aucun grief retenu ni dans la communication des griefs ni dans la décision attaquée qui serait fondé exclusivement sur des informations fournies par l’informateur anonyme et auxquelles elle n’aurait pas eu accès.

36

En outre, même si la Commission a l’obligation de rendre accessible aux entreprises impliquées dans une procédure d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE l’ensemble des documents à charge ou à décharge qu’elle a recueillis au cours de l’enquête, cette obligation ne s’étend pas aux secrets d’affaires d’autres entreprises, aux documents internes de la Commission et aux autres informations confidentielles (arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-204/00 P, C-205/00 P, C-211/00 P, C-213/00 P, C-217/00 P et C-219/00 P, Rec. p. I-123, point 68, et arrêt Atlantic Container Line e.a./Commission, point 31 supra, point 335). Ainsi, comme la Commission le fait valoir, dans le cas d’informations fournies à titre purement volontaire, mais assorties d’une demande de confidentialité en vue de protéger l’anonymat de l’informateur, l’institution qui accepte de recevoir ces informations est tenue de respecter une telle condition (arrêt de la Cour du 7 novembre 1985, Adams/Commission, 145/83, Rec. p. 3539, point 34). En effet, l’aptitude de la Commission à garantir l’anonymat à certaines de ses sources d’information revêt une importance cruciale dans la perspective d’une prévention et d’une répression efficaces des pratiques anticoncurrentielles prohibées (arrêt de la Cour du 22 octobre 2002, Roquette Frères, C-94/00, Rec. p. I-9011, point 64).

37

En conséquence, une procédure ouverte sur la base d’informations dont l’origine n’est pas révélée est régulière, dès lors que n’est pas affectée la possibilité, pour la personne concernée, de faire connaître son point de vue sur la réalité ou la portée des faits, sur les documents communiqués ou encore sur les conclusions que la Commission en tire (arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, Rec. p. 461, point 14).

38

En tenant compte de l’obligation d’assurer la confidentialité des informations ainsi que du fait que la requérante n’a indiqué aucun grief retenu ni dans la communication des griefs ni dans la décision attaquée qui serait fondé sur des éléments auxquels elle n’aurait pas eu accès, elle ne saurait reprocher à la Commission une violation des droits de la défense et du principe général d’égalité des armes au motif que la Commission ne lui a pas donné accès aux informations fournies par l’informateur anonyme.

39

En ce qui concerne l’accès aux réponses des autres destinataires de la communication des griefs, il est constant que la requérante n’a pas eu accès à celles-ci pendant la procédure administrative.

40

S’agissant, en premier lieu, du défaut de communication de prétendus éléments à charge ne figurant pas dans le dossier d’instruction, le Tribunal rappelle que le respect des droits de la défense constitue un principe fondamental du droit communautaire et doit être observé en toutes circonstances, notamment dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions, même s’il s’agit d’une procédure administrative. Il exige que les entreprises et les associations d’entreprises concernées soient mises en mesure, dès le stade de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, griefs et circonstances allégués par la Commission (arrêt Hoffmann-La Roche/Commission, point 37 supra, point 11, et arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Shell/Commission, T-11/89, Rec. p. II-757, point 39).

41

Ensuite, il convient de rappeler que, si la Commission entend se fonder sur un passage d’une réponse à une communication des griefs ou sur un document annexé à une telle réponse pour établir l’existence d’une infraction dans une procédure d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, les autres entreprises impliquées dans cette procédure doivent être mises en mesure de se prononcer sur un tel élément de preuve. Dans de telles circonstances, le passage en question d’une réponse à la communication des griefs ou le document annexé à cette réponse constitue en effet un élément à charge à l’encontre des différentes entreprises qui auraient participé à l’infraction (voir arrêts du Tribunal Ciment, point 32 supra, point 386, et du 27 septembre 2006, Avebe/Commission, T-314/01, Rec. p. II-3085, point 50, et la jurisprudence citée).

42

En effet, un document ne peut être considéré comme un document à charge que lorsqu’il est utilisé par la Commission à l’appui de la constatation d’une infraction commise par une entreprise. Aux fins d’établir une violation à son égard des droits de la défense, il ne suffit pas, pour l’entreprise en cause, de démontrer qu’elle n’a pas pu se prononcer au cours de la procédure administrative sur un document utilisé à un quelconque endroit de la décision attaquée. Il faut qu’elle démontre que la Commission a utilisé ce document, dans la décision attaquée, comme un élément de preuve pour retenir une infraction à laquelle l’entreprise aurait participé (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Dresdner Bank e.a./Commission, T-44/02 OP, T-54/02 OP, T-56/02 OP, T-60/02 OP et T-61/02 OP, Rec. p. II-3567, point 158).

43

Étant donné que des documents non communiqués aux entreprises concernées au cours de la procédure administrative ne constituent pas des moyens de preuve opposables, il y a lieu, s’il s’avère que la Commission s’est fondée, dans la décision, sur des documents ne figurant pas dans le dossier d’instruction et n’ayant pas été communiqués aux parties requérantes, de ne pas retenir lesdits documents en tant que moyens de preuve (arrêt Ciment, point 32 supra, point 382).

44

S’il existe d’autres preuves documentaires dont les entreprises concernées ont eu connaissance au cours de la procédure administrative qui appuient spécifiquement les conclusions de la Commission, l’élimination en tant que moyen de preuve du document à conviction non communiqué n’infirme pas le bien-fondé des griefs retenus dans la décision contestée (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 36 supra, point 72).

45

Il incombe ainsi à l’entreprise concernée de démontrer que le résultat auquel la Commission est parvenue dans sa décision aurait été différent si devait être écarté comme moyen de preuve à charge un document non communiqué sur lequel la Commission s’est fondée pour incriminer cette entreprise (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 36 supra, point 73).

46

En l’espèce, BPB cite seulement les considérants 130, 232, 393 et 524 de la décision attaquée pour illustrer le fait que la Commission se serait appuyée sur les réponses des autres destinataires de la communication des griefs pour retenir des éléments à charge.

47

En ce qui concerne ces exemples, il y a lieu de relever que, au considérant 524 de la décision attaquée, la Commission ne fait que citer l’affirmation de Gyproc figurant dans sa réponse à la communication des griefs selon laquelle sa participation était d’une intensité différente. Ainsi, cet élément n’a nullement été utilisé contre BPB.

48

En ce qui concerne le considérant 130 de la décision attaquée, il s’agit d’un extrait de la réponse de Lafarge à la communication des griefs selon lequel BPB aurait été l’instigatrice du système d’échange d’informations. Or, la Commission n’utilise nulle part dans la décision attaquée cette affirmation de Lafarge pour prouver que BPB aurait été l’instigatrice de ce système. De même, l’amende de BPB n’a pas été augmentée au motif qu’elle aurait été l’instigatrice de l’entente. Par ailleurs, ainsi qu’il ressort de l’examen du deuxième moyen ci-après, BPB a admis avoir violé le droit de la concurrence en participant à l’échange des données sur les volumes de ventes sur les quatre marchés concernés.

49

En ce qui concerne le considérant 232 de la décision attaquée, à savoir l’interprétation de la note et des déclarations de M. [E], administrateur délégué de Gyproc, par Gyproc dans sa réponse à la communication des griefs, il y a lieu de reprendre le libellé de celui-ci :

« Gyproc est ultérieurement revenue sur la note et les déclarations pourtant explicites de M. [E] en affirmant que ‘l’accord dit de Versailles n’a été qu’une tentative et n’a jamais fait l’objet d’une mise en œuvre effective’ et encore que ‘il n’y a jamais eu un véritable concours de volonté entre les participants, et certainement pas dans le chef de Gyproc, au sujet de toutes les modalités du partage du marché allemand. En effet, les [entreprises concernées] ne se sont jamais entendues sur la part de marché précise devant revenir à Gyproc […] Gyproc a ainsi fait échouer la tentative de conclusion d’un accord à quatre’. »

50

Or, ainsi que la Commission l’a constaté au considérant 233 de la décision attaquée, les déclarations de Gyproc, de valeur probante moindre en principe que la note précitée et les déclarations volontaires de M. [E], n’infirment ni le contenu ni l’objectif des discussions menées, mais éventuellement seulement leur résultat. En outre, il y a lieu de rappeler que BPB a admis l’existence de la réunion de Versailles et le fait que l’objectif de la réunion était de discuter la situation sur le marché allemand.

51

Par ailleurs, il convient de souligner que la Commission a seulement conclu que les entreprises en cause s’étaient rencontrées à Versailles en 1996, à Bruxelles en 1997 et à La Haye en 1998 en vue de se répartir ou, tout au moins, de stabiliser le marché allemand, mais elle n’a pas prétendu qu’elles avaient réussi à conclure un accord sur l’attribution des parts du marché allemand.

52

Dans ces conditions, même si l’interprétation de la note et des déclarations de M. [E] par Gyproc reproduite au considérant 232 de la décision attaquée était écartée, ce fait n’influencerait pas les appréciations portées par la Commission dans ladite décision.

53

Dès lors, le résultat auquel la Commission est parvenue dans la décision attaquée n’aurait pas été différent si les extraits des réponses de Gyproc et de Lafarge à la communication des griefs mentionnés par BPB avaient été écartés du dossier.

54

Enfin, il ressort du considérant 393 de la décision attaquée que Gyproc a admis la description des faits de la Commission en ce qui concerne les hausses de prix sur le marché allemand. Il s’agit effectivement d’un élément que la Commission a utilisé pour corroborer sa thèse selon laquelle il y avait eu une concertation sur les hausses de prix sur le marché allemand, ce que BPB conteste. Ainsi, il y a lieu d’écarter cet élément en tant que preuve et d’examiner ci-après, en ce qui concerne BPB, si la Commission a démontré à suffisance de droit que BPB, Knauf, Lafarge et Gyproc s’étaient informées réciproquement à diverses reprises et s’étaient concertées sur l’application de hausses des prix sur le marché allemand entre 1996 et 1998.

55

S’agissant, en second lieu, de la question de savoir si les réponses des autres destinataires de la communication des griefs pouvaient contenir des éléments à décharge, la requérante n’a pas avancé d’arguments en ce sens dans la requête.

56

En réponse à une question écrite du Tribunal lui demandant d’indiquer les points de la requête dans lequels un moyen tiré de la violation des droits de la défense en ce qui concerne les éléments à décharge aurait été soulevé, la requérante a seulement fait référence aux points 75 à 120 de sa requête. Or, dans ces points, elle ne soutient nullement que les réponses des autres destinataires de la communication des griefs auraient pu contenir des éléments à décharge qu’elle aurait pu utiliser pour sa défense. Dans ces conditions, les arguments de la requérante tirés de ce que les réponses des autres destinataires de la communication des griefs auraient pu contenir des éléments à décharge doivent être rejetés.

57

Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté, sous réserve de l’incidence éventuelle de l’absence de prise en considération des déclarations de Gyproc figurant dans sa réponse à la communication des griefs et mentionnées par la Commission au considérant 393 de la décision attaquée, laquelle nécessite de procéder à l’examen du grief du deuxième moyen relatif à la contestation des constatations de la Commission sur les échanges de données sur les augmentations de prix en Allemagne.

58

En outre et à titre surabondant, le Tribunal examinera ci-après le fond de l’affaire en écartant tous les éléments à charge tirés des réponses des autres destinataires de la communication des griefs afin de vérifier si l’appréciation de la Commission sur l’existence et les effets de l’infraction est démontrée à suffisance de droit même sans ces éléments litigieux.

2. Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs manifestes et/ou d’une insuffisance de motivation en ce qui concerne l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE

Sur le standard de preuve

Arguments des parties

59

La requérante estime que, dans les affaires ayant conduit à l’imposition d’une amende sévère, la norme requise en matière de preuve est comparable à celle d’une procédure pénale. À cet égard, la requérante fait valoir que la charge de la preuve incombe à la Commission et que l’infraction doit être démontrée à suffisance de droit, ce qui, selon elle, doit être interprété comme exigeant que soit apportée la preuve convaincante que les violations alléguées ont été commises. Elle considère que, dans une telle situation, l’application habituelle de la mise en balance des probabilités ne suffit pas. En outre, pour respecter la présomption d’innocence, les doutes, quels qu’ils soient, en matière de preuve devraient bénéficier à la défense.

60

La Commission conteste que le niveau de preuve devant être appliqué dans les affaires de concurrence soit identique à celui exigé en matière pénale.

Appréciation du Tribunal

61

Il ressort de la jurisprudence que, en cas de litige sur l’existence d’une infraction aux règles de concurrence, il appartient à la Commission de rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et d’établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction. Dans ce cadre, il incombe notamment à la Commission d’établir tous les éléments permettant de conclure à la participation d’une entreprise à une telle infraction et à sa responsabilité pour les différents éléments qu’elle comporte (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C-49/92 P, Rec. p. I-4125, point 86).

62

Lorsqu’il s’agit d’accords et de pratiques concertées ayant un objet anticoncurrentiel, la Commission se doit notamment de prouver que l’entreprise a entendu contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait connaissance des comportements matériels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 61 supra, point 87).

63

Or, il est usuel, dans le cadre de pratiques et d’accords anticoncurrentiels, que les activités se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement, et que la documentation s’y rapportant soit réduite au minimum. Il s’ensuit que, même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Dès lors, dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de concurrence (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 36 supra, points 55 à 57).

64

Il ressort de cette jurisprudence que l’affirmation de la requérante selon laquelle la Commission doit apporter une preuve « allant au-delà du doute raisonnable » (beyond reasonable doubt) de l’existence de l’infraction dans les cas où elle inflige des amendes sévères doit être rejetée.

Sur la réunion de Londres

Arguments des parties

65

La requérante considère que la Commission a omis de prouver qu’un accord avait été conclu lors de la réunion de Londres et que les échanges d’informations subséquents constituaient un moyen de contrôle de l’exécution de cet accord. Or, la réunion de Londres constituerait l’élément clé de l’argumentation de la Commission, car les autres événements y seraient liés et, en outre, elle constituerait le début de l’infraction.

66

La requérante admet que cette réunion a eu lieu, mais considère que l’interprétation par la Commission de cet élément de preuve dépasse ce qu’elle a réellement déclaré. Elle fait valoir que, même si M. [A] [son président-directeur général (P.-D.G.) à l’époque] a discuté avec les cousins de la famille Knauf de la concurrence vigoureuse sur le marché des plaques en plâtre et même si les deux parties ont reconnu le problème, il nie catégoriquement s’être mis d’accord sur une solution avec les cousins de la famille Knauf. En outre, aucune volonté commune de stabiliser le marché n’aurait été exprimée à l’occasion de ladite réunion.

67

La requérante admet également que cette réunion a pu constituer un facteur d’accélération de la cessation de la guerre des prix. Toutefois, cette réunion ne serait pas, à cet égard, le seul facteur causal. La requérante fait valoir que la situation économique sur le marché en question était telle en 1992 que la guerre des prix aurait pris fin en tout état de cause. Cela serait confirmé par l’expert économiste engagé par elle, dont le rapport n’aurait toutefois pas été pris en compte par la Commission dans la décision attaquée.

68

La requérante considère que le fait que la concurrence a persisté sur le marché concerné contredit l’interprétation que la Commission a faite de la réunion de Londres. Les assertions de la Commission aux considérants 212 et 395 de la décision attaquée ne seraient étayées d’aucun élément de preuve. À cet égard, la requérante souligne que la Commission a décidé de ne pas prendre en compte de nombreux exemples probants de volatilité des prix qu’elle lui avait présentés dans sa réponse à la communication des griefs. La requérante conteste également les affirmations de la Commission relatives à la stabilité des parts de marché. Elle fait valoir que les propres tableaux de la Commission figurant à l’annexe de la décision attaquée démontrent le contraire. Elle indique également que les allégations de la Commission sont dénuées de valeur probante étant donné que cette dernière n’a précisé nulle part dans la décision attaquée quelles étaient les parts de marché des entreprises en cause avant 1992 et que, ainsi, la comparaison des parts de marché était impossible.

69

En ce qui concerne l’affirmation de la Commission selon laquelle la prise en considération des effets concrets d’une infraction serait superflue, la requérante fait valoir que, lorsque l’existence d’un accord est seulement affirmée par la Commission sans être étayée d’aucune preuve, il convient de prendre en compte la preuve tirée du déroulement des événements sur le marché. La requérante estime que, si les preuves tendent à établir l’absence de tout accord anticoncurrentiel et qu’aucune autre preuve en sens contraire n’a été apportée par la Commission, celle-ci doit considérer qu’aucun accord n’a été conclu. La requérante souligne qu’il ne s’agit pas simplement de savoir si l’accord a été exécuté, mais de déterminer si la Commission a établi l’existence de l’accord allégué.

70

La Commission fait remarquer que l’argument de la requérante selon lequel il n’existait aucun accord s’appuierait sur l’idée erronée que l’accord doit être limité, détaillé et juridiquement contraignant. Elle ajoute que l’article 81 CE vise à appréhender, au titre des interdictions de cet article, une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence. L’élaboration d’un véritable plan ne serait donc pas requise. La Commission souligne que, même si les discussions qui ont eu lieu lors de la réunion de Londres de 1992 ne peuvent être qualifiées d’accord, elles peuvent l’être de pratique concertée, laquelle constitue une infraction tout aussi grave.

71

La Commission considère que la réunion de Londres et l’accord qui y a été conclu constituent la première manifestation pratique de l’infraction complexe et continue sur laquelle s’appuie la décision attaquée. Elle estime que, eu égard aux observations présentées aux considérants 56 à 69 de la décision attaquée, et compte tenu notamment de ce que les échanges d’informations ont débuté lors de la réunion de Londres ou peu de temps après, cette conclusion est amplement justifiée. Elle ajoute qu’il n’est pas nécessaire de prouver que tous les éléments de l’infraction sont réunis ou prévus dès la phase initiale pour établir que cet accord s’inscrit dans le cadre d’une infraction unique, complexe et continue.

72

En ce qui concerne l’affirmation de BPB selon laquelle la Commission a omis de prendre en compte l’évidence économique, cette dernière fait valoir qu’elle a simplement expliqué aux considérants 396 à 402 de la décision attaquée que, compte tenu des circonstances de l’espèce, la tentative de BPB, et des autres entreprises concernées, de démontrer, analyses économiques à l’appui, que la situation concurrentielle sur le marché des plaques en plâtre entre 1992 et 1998 excluait toute possibilité d’accord restrictif durant cette période était vaine. La Commission affirme qu’elle ne se fonde pas sur un simple parallélisme de comportement et n’utilise pas de preuves économiques pour établir l’existence de l’infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE. Ses conclusions s’appuieraient sur des preuves directes de l’accord anticoncurrentiel, auxquelles les analyses économiques n’apporteraient aucune explication satisfaisante. Lorsque la Commission ferait référence, dans la décision attaquée, à une meilleure stabilité du marché concerné ou à des hausses de prix (comme c’est le cas aux considérants 289 et 539), ce serait pour illustrer les effets des activités anticoncurrentielles et non pour démontrer leur existence. La Commission ajoute que l’existence d’un accord peut être établie sans que toute forme de concurrence sur le marché des plaques en plâtre soit pour autant complètement supprimée. En outre, l’infraction établie par la Commission ayant un objet anticoncurrentiel, il serait de jurisprudence constante que la prise en considération de ses effets concrets est superflue.

73

La Commission considère, en se référant à l’argument de la requérante selon lequel la concurrence « vigoureuse » ou la « guerre des prix » allait nécessairement prendre fin pour des raisons économiques, qu’il n’est pas pertinent pour déterminer pourquoi et comment la « guerre des prix » a effectivement pris fin et, notamment, pour établir si le comportement anticoncurrentiel de certains opérateurs était ou non à l’origine de cette évolution. Elle considère que, ayant démontré que l’objectif des participants à l’entente était de mettre fin à la guerre des prix ainsi que de stabiliser les parts de marché et, partant, de restreindre la concurrence au moins sur les marchés des plaques en plâtre allemand, français, du Royaume-Uni et du Benelux, il lui était tout à fait possible de conclure, comme elle l’a fait aux considérants 72, 196, 212, 289 et 395 de la décision attaquée, que cet objectif avait été largement atteint. À cet égard, elle fait valoir que l’instabilité du marché avant 1992 était décrite au point 28 de la communication des griefs et n’a jamais été contestée. En outre, ainsi que cela ressortirait clairement des considérants 212 et 395 de la décision attaquée, la Commission aurait considéré que les prix sur les marchés du Royaume-Uni et allemand avaient tendance à remonter ou, tout au moins, à se stabiliser, ce qui contrastait avec la situation qui prévalait avant 1992.

Appréciation du Tribunal

74

BPB admet que la réunion de Londres a eu lieu et que M. [A] ainsi que les cousins de la famille Knauf ont chacun émis l’opinion qu’il serait de l’intérêt de l’industrie dans son ensemble de mettre fin à la ruineuse guerre des prix. Elle admet également que, lors de cette réunion ou plus tard en 1992, les entreprises ont commencé à échanger des données concernant les volumes de ventes globaux pour chacun des principaux marchés.

75

Toutefois, BPB conteste qu’un accord visant expressément à stabiliser les marchés européens et destiné à durer six ans ait été conclu lors de cette réunion.

76

Il convient donc d’examiner si la réunion de Londres avait un objet anticoncurrentiel.

77

À cet égard, il ressort du considérant 55 de la décision attaquée que BPB a révélé, dans sa deuxième réponse à la demande de renseignements, que, lors de cette réunion, ses représentants et ceux de Knauf « [étaient] tombés d’accord qu’il était de [son] intérêt, [de celui] de Knauf et [de celui] de l’industrie dans son ensemble (y inclus, finalement, les intérêts des consommateurs) qu’il soit mis fin à la ruineuse guerre des prix et que les producteurs s’efforcent d’être en concurrence à des niveaux économiques plus viables ».

78

BPB a affirmé ultérieurement que le mot « accord » (understanding) utilisé par elle ne devrait être interprété que dans son sens le plus général, à savoir celui de « consensus d’opinions ».

79

Selon une jurisprudence constante, pour qu’il y ait accord, au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée (arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T-9/99, Rec. p. II-1487, point 199 ; du 11 décembre 2003, Adriatica di Navigazione/Commission, T-61/99, Rec. p. II-5349, point 88, et du 27 juillet 2005, Brasserie nationale e.a./Commission, T-49/02 à T-51/02, Rec. p. II-3033, point 118). En ce qui concerne la forme d’expression de ladite volonté commune, il suffit qu’une stipulation soit l’expression de la volonté des entreprises concernées de se comporter sur le marché conformément à ses termes (arrêt du Tribunal du 14 octobre 2004, Bayerische Hypo- und Vereinsbank/Commission, T-56/02, Rec. p. II-3495, point 60).

80

Il s’ensuit que, pour constituer un accord au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, il suffit qu’un acte ou un comportement apparemment unilatéral soit l’expression de la volonté concordante de deux parties au moins, la forme selon laquelle se manifeste cette concordance n’étant pas déterminante par elle-même (arrêt de la Cour du 13 juillet 2006, Commission/Volkswagen, C-74/04 P, Rec. p. I-6585, point 37).

81

Les critères de coordination, de convergence et de coopération, loin d’exiger l’élaboration d’un véritable « plan », doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché commun. S’il est exact que cette exigence d’autonomie n’exclut pas le droit des opérateurs économiques de s’adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s’oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs ayant pour objet ou pour effet soit d’influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l’on a décidé ou que l’on envisage de tenir soi-même sur le marché (arrêt de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, points 173 et 174, et arrêt Adriatica di Navigazione/Commission, point 79 supra, point 89).

82

Tel est le cas lorsque, entre plusieurs entreprises, existe un gentlemen’s agreement représentant la fidèle expression d’une telle volonté commune et portant sur une restriction de la concurrence. Dans ces circonstances, il est sans pertinence d’examiner si les entreprises se sont considérées tenues — juridiquement, factuellement ou moralement — d’adopter le comportement convenu entre elles (arrêt HFB e.a./Commission, point 79 supra, point 200).

83

S’agissant, en particulier, d’accords de nature anticoncurrentielle qui se manifestent lors de réunions d’entreprises concurrentes, la Cour a jugé qu’une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE était constituée lorsque ces réunions avaient pour objet de restreindre, d’empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence et visaient, ainsi, à organiser artificiellement le fonctionnement du marché (arrêt de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C-238/99 P, C-244/99 P, C-245/99 P, C-247/99 P, C-250/99 P à C-252/99 P et C-254/99 P, Rec. p. I-8375, points 508 et 509).

84

Le Tribunal estime que l’explication de BPB à propos de l’objet de la réunion de Londres satisfait au critère posé par la jurisprudence susmentionnée. Les déclarations de BPB suffisent à démontrer que Knauf et elle-même ont, toutes les deux, exprimé leur volonté de mettre fin à une guerre des prix et de restreindre ainsi la concurrence.

85

Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, dès lors qu’une entreprise participe, même sans y prendre une part active, à des réunions entre entreprises ayant un objet anticoncurrentiel et qu’elle ne se distancie pas publiquement du contenu de celles-ci, donnant ainsi à penser aux autres participants qu’elle souscrit au résultat des réunions et qu’elle s’y conformera, il peut être considéré comme établi qu’elle participe à l’entente résultant desdites réunions (arrêt HFB e.a./Commission, point 79 supra, point 137).

86

De plus, l’objet anticoncurrentiel de la réunion de Londres est corroboré par l’échange d’informations auquel les entreprises ont procédé après cette réunion. Ainsi qu’il ressort du considérant 58 de la décision attaquée, BPB a indiqué, dans sa réponse à la deuxième demande de renseignements, ce qui suit :

« [M. [A] et les cousins de la famille Knauf] lors de cette réunion se sont mis d’accord pour échanger les chiffres de leurs volumes de ventes 1991, afin de se doter d’une base fiable pour le futur pour vérifier que cet accord [original en anglais : ‘understanding’] était mis en œuvre (c’est-à-dire simplement pour se donner mutuellement une image plus précise de la taille globale du marché et donc de leurs propres parts de marché). Ceci était nécessaire, car il n’y avait pas de statistiques industrielles fiables. »

87

S’agissant des arguments de BPB visant à affirmer qu’il s’agissait tout au plus d’une simple tentative d’accord, ces arguments ne sauraient prospérer. En effet, le fait que BPB et Knauf ont exprimé leur volonté commune de mettre fin à la guerre des prix et de stabiliser les marchés en cause constitue un accord au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE.

88

En outre, ainsi que la citation reprise au point 86 ci-dessus le démontre, BPB et Knauf ont exécuté leur plan en mettant cet accord en œuvre en procédant à un échange d’informations sur les volumes de ventes sur les quatre marchés concernés. Or, si ces entreprises n’estimaient pas avoir conclu un accord visant à mettre fin à la guerre des prix et à stabiliser les marchés concernés, elles n’auraient pas eu besoin de surveiller les marchés en échangeant des données sur les volumes de ventes.

89

En ce qui concerne les arguments de la requérante selon lesquels la Commission n’a pas démontré qu’il y avait eu une stabilité des prix ou des parts de marché, ils ne sauraient infirmer cette conclusion.

90

À cet égard, il suffit de rappeler que, aux fins de l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, il suffit qu’un accord ait pour objet de restreindre, d’empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence, indépendamment de ses effets concrets. En conséquence, dans le cas d’accords se manifestant lors de réunions d’entreprises concurrentes, une infraction à cette disposition est établie lorsque ces réunions ont un tel objet et visent, ainsi, à organiser artificiellement le fonctionnement du marché. Dans un tel cas, la responsabilité d’une entreprise déterminée dans l’infraction est valablement retenue lorsqu’elle a participé à ces réunions en ayant connaissance de leur objet, même si elle n’a pas, ensuite, mis en œuvre l’une ou l’autre des mesures convenues lors de celles-ci. L’assiduité plus ou moins grande de l’entreprise aux réunions ainsi que la mise en œuvre plus ou moins complète des mesures convenues ont des conséquences non pas sur l’existence de sa responsabilité, mais sur l’étendue de celle-ci et donc sur le niveau de la sanction (arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02 P, Rec. p. I-5425, point 145). Des entreprises qui concluent un accord ayant pour but de restreindre la concurrence ne sauraient, en principe, échapper à l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE en prétendant que leur accord ne devait pas avoir d’incidence appréciable sur la concurrence.

91

De plus, l’affirmation de BPB selon laquelle la réunion de Londres n’aurait pas eu d’effets est contredite par sa réponse à la communication des griefs dans laquelle elle a indiqué qu’il y avait eu un tournant des prix en 1992. BPB admet également que la réunion de Londres a pu constituer un facteur d’accélération de la cessation de la guerre des prix. Toutefois, elle considère que les raisons d’ordre commercial et économique exposées dans la requête démontreraient que ce n’était pas le seul facteur causal.

92

Or, le Tribunal estime que l’aveu de la requérante de ce que la réunion de Londres a été un facteur d’accélération de la cessation de la guerre des prix corrobore l’interprétation selon laquelle l’objet de la réunion de Londres était anticoncurrentiel. Même à supposer qu’il y ait eu également d’autres raisons économiques à l’origine de la cessation de la guerre des prix, cela ne remet pas en cause l’objet anticoncurrentiel de la réunion de Londres visant à faire monter les prix et à réduire l’intensité de la concurrence entre les entreprises concernées.

93

Enfin, il y a lieu de prendre en compte le fait que la requérante a déclaré, dans sa réponse à la communication des griefs, qu’elle ne s’opposait pas à ce que la Commission qualifie ladite réunion d’infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE. Elle a également admis, dans sa réponse à une question écrite du Tribunal, que la réunion de Londres constituait une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE.

94

Il s’ensuit que la Commission a considéré à juste titre que, lors de la réunion de Londres, BPB et Knauf avaient exprimé leur volonté commune de mettre fin à la guerre des prix et de stabiliser le marché concerné. Partant, le présent grief ne saurait être accueilli.

Sur les échanges d’informations sur les quantités vendues en Allemagne, en France, au Benelux et au Royaume-Uni

Arguments des parties

95

La requérante admet que, soit lors de la réunion de Londres, soit quelque temps plus tard au cours de la même année, M. [A] et les cousins de la famille Knauf sont convenus d’échanger des données hautement globalisées sur leurs volumes de ventes respectifs en 1991. Toutefois, la requérante souligne que M. [A] a déclaré que cela avait été fait afin de lui permettre d’apprécier si une nouvelle ambiance régnait dans l’industrie en cause, en lui donnant une image plus précise de la dimension du marché et, partant, de la part de marché de la requérante. Celle-ci admet également que ces échanges d’informations ont pu contribuer à mettre fin à la guerre des prix. Cependant, elle nie que les échanges décidés par M. [D], administrateur de Gyproc et P.-D.G. de BPB de 1994 à 1999, à partir de 1993, aient été en rapport avec les deux premiers échanges de données annuels. La requérante conteste également que lesdits échanges aient constitué une méthode de contrôle de la mise en œuvre d’un accord ou d’une convention entre producteurs. À cet égard, elle fait valoir que la Commission n’a présenté aucune preuve de l’existence d’une structure de direction et de contrôle concernant la mise en œuvre de l’entente. Elle affirme qu’elle aurait été informée par les clients du fait que ses concurrents pratiquaient des prix inférieurs à ses propres prix et n’aurait pas attendu des mois pour avoir connaissance par l’échange des informations de l’évolution des parts de marché.

96

La requérante souligne que la Commission fait abstraction de l’élément probant que constitue la nature des renseignements qui étaient réellement échangés. À cet égard, la requérante indique que la fréquence des échanges était initialement annuelle, puis semestrielle, mais qu’elle n’a jamais été plus que trimestrielle. En outre, les renseignements auraient revêtu un caractère tout à fait global, indiquant la superficie totale en mètres carrés de tous les produits en placoplâtres vendus pendant la période en cause, de toutes épaisseurs, dimensions et spécifications, exprimée par un seul chiffre. Elle fait également observer qu’il y a d’énormes variations de prix entre les produits. En outre, les renseignements se rapporteraient à des marchés nationaux et, dans le cas du Benelux, dépasseraient même le cadre national. De plus, les renseignements n’auraient pas été échangés à intervalles réguliers. Pour ces raisons, la requérante considère que ces échanges ne pouvaient constituer un mécanisme de surveillance étroite du marché.

97

La requérante considère que la thèse de la Commission est également démentie par le fait que les parts de marché ont évolué de façon considérable au cours de la période en question. De plus, elle précise que les réductions de prix avaient eu lieu. En outre, la Commission n’aurait produit aucune preuve d’une tentative systématique d’ajustement des parts de marché ou des prix. La requérante estime que tous ces éléments constituent une preuve solide de l’absence de toute entente en l’espèce.

98

La Commission souligne que la requérante ne nie pas l’existence de ces échanges, mais conteste leur finalité. Elle estime avoir répondu en détail à ces arguments aux considérants 104 à 170 de la décision attaquée.

99

La Commission fait valoir que l’argumentation relative à l’absence de structures « de direction et de contrôle » est dénuée de pertinence. Il ressortirait de la jurisprudence que la circonstance qu’aucune mesure n’a été prise pour contraindre les entreprises à adhérer à des accords ne signifie pas qu’il n’y a pas eu d’infraction. L’absence de preuves démontrerait simplement qu’aucune mesure de représailles n’était nécessaire.

100

La Commission répète qu’elle n’a jamais prétendu que l’entente excluait toute forme de concurrence ou qu’il existait des quotas ou des parts de marché déterminés. L’entente aurait eu pour résultat appréciable d’équilibrer et de stabiliser le marché dans son ensemble et pas nécessairement de figer la répartition des parts sur certains marchés.

Appréciation du Tribunal

101

Il y a lieu de relever que la requérante a déclaré, dans sa réponse à la communication des griefs, qu’elle ne s’opposait pas à ce que la Commission qualifie lesdits échanges d’infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE. Elle a également admis, dans sa réponse à une question écrite du Tribunal, que les échanges d’informations sur les quantités vendues en Allemagne, en France, au Benelux et au Royaume-Uni constituaient une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE. La requérante conteste néanmoins certaines appréciations effectuées par la Commission dans la décision attaquée.

102

BPB admet que, soit lors de la réunion de Londres, soit quelque temps après au cours de la même année, M. [A] et les cousins de la famille Knauf sont convenus d’échanger des données globalisées sur leurs volumes de ventes respectifs en 1991. M. [A] a déclaré que cela avait été fait pour lui permettre d’apprécier si une « nouvelle ambiance » régnait dans l’industrie en cause, en lui donnant une image plus précise de la dimension du marché et, partant, de la part de marché de BPB.

103

Elle a également admis que les échanges d’informations effectués par M. [A] en 1992 et en 1993 en ce qui concerne les données de 1991 et de 1992 pouvaient avoir servi à contribuer à mettre fin à la guerre des prix. Or, BPB nie que ces échanges d’informations aient constitué un mécanisme de contrôle institué à des fins anticoncurrentielles plus étendues.

104

BPB admet également que, sous la direction de M. [D], les échanges d’informations sur les volumes de ventes sur les quatre marchés concernés sont devenus semestriels à partir de 1993 et trimestriels à partir de 1995. Néanmoins, elle prétend que les échanges organisés par M. [D] étaient sans rapport avec les deux premiers échanges de données annuels que M. [A] avait effectués.

105

Ainsi, la requérante ayant admis l’existence de l’échange d’informations en cause, ses arguments ne visent à remettre en question que l’appréciation juridique des faits incontestés opérée par la Commission.

106

Selon la jurisprudence en matière d’accords sur les échanges d’informations, ceux-ci sont contraires aux règles de concurrence lorsqu’ils atténuent ou suppriment le degré d’incertitude sur le fonctionnement du marché en cause avec comme conséquence une restriction de la concurrence entre entreprises (arrêt de la Cour du 23 novembre 2006, ASNEF-EQUIFAX et Administración del Estado, C-238/05, Rec. p. I-11125, point 51).

107

En effet, il est inhérent aux dispositions du traité relatives à la concurrence que tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché commun. Ainsi, selon ladite jurisprudence, une telle exigence d’autonomie s’oppose à toute prise de contact directe ou indirecte entre des opérateurs économiques de nature soit à influencer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement que l’on est décidé à tenir soi-même sur le marché ou que l’on envisage d’adopter sur celui-ci, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet d’aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l’importance et du nombre des entreprises ainsi que du volume dudit marché (arrêt ASNEF-EQUIFAX et Administración del Estado, point 106 supra, point 52).

108

S’agissant de la légalité de l’échange d’informations, il ressort de la jurisprudence que, sur un marché véritablement concurrentiel, la circonstance qu’un opérateur économique tienne compte des informations sur le fonctionnement du marché, dont il dispose grâce au système d’échange d’informations, pour adapter son comportement sur le marché n’est pas de nature, compte tenu du caractère atomisé de l’offre, à atténuer ou à supprimer, pour les autres opérateurs économiques, toute incertitude quant au caractère prévisible des comportements de ses concurrents. Toutefois, sur un marché oligopolistique fortement concentré, l’échange d’informations sur le marché est de nature à permettre aux entreprises de connaître les positions sur le marché et la stratégie commerciale de leurs concurrents et ainsi à altérer sensiblement la concurrence qui subsiste entre les opérateurs économiques (arrêt de la Cour du 28 mai 1998, Deere/Commission, C-7/95 P, Rec. p. I-3111, points 88 et 90).

109

Il y a lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu’il incombe aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché. Il en est d’autant plus ainsi lorsque la concertation a lieu sur une base régulière au cours d’une longue période (arrêt HFB e.a./Commission, point 79 supra, point 216).

110

En l’espèce, le marché des plaques en plâtre était oligopolistique, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par la requérante. Il convient donc de vérifier si, compte tenu de cette caractéristique du marché, les échanges d’informations atténuaient ou supprimaient le degré d’incertitude des entreprises concernées sur le fonctionnement du marché en cause et restreignaient ainsi la concurrence sur ledit marché.

111

La requérante considère que, tel qu’il était organisé, l’échange d’informations ne pouvait permettre de réaliser qu’un seul objectif, à savoir vérifier dans les grandes lignes les estimations individuelles des conditions du marché et, notamment, le volume de ce dernier.

112

Une telle explication ne convainc pas. En effet, il ressort de l’explication donnée par M. [D] dans sa déclaration du 9 juillet 2001 pour justifier les échanges d’informations que si, certes, les données étaient utiles pour se rendre compte de la taille du marché, ces données permettaient également de déterminer les tendances du marché et les parts de marché des concurrents de sorte que « l’on n’opérait pas complètement dans l’obscurité ».

113

Pour les mêmes motifs, l’argument de la requérante selon lequel le marché était transparent et les données pouvaient être collectées sur le marché ne saurait être retenu.

114

Cette constatation est corroborée par la réponse de BPB du 28 octobre 1999 à la deuxième demande de renseignements, reprise au considérant 58 de la décision attaquée, selon laquelle :

« [Les représentants de BPB et de Knauf] se sont mis d’accord pour échanger les chiffres de leurs volumes de ventes 1991, afin de se doter d’une base fiable pour le futur pour vérifier que cet accord [original en anglais : ‘understanding’] était mis en œuvre (c’est-à-dire simplement pour se donner mutuellement une image plus précise de la taille globale du marché et donc de leurs propres parts de marché). Ceci était nécessaire, car il n’y avait pas de statistiques industrielles fiables. »

115

À cet égard, la démonstration de la nature collusoire de l’échange des informations est encore plus probante à la lumière de la réponse de BPB à la communication des griefs. En effet, il ressort du considérant 106 de la décision attaquée ce qui suit :

« BPB a ultérieurement précisé que l’objectif de l’accord visant à échanger des informations avec Knauf était de fournir à M. [A] ‘une base pour évaluer s’il y avait un nouvel état d’esprit dans l’industrie’, c’est-à-dire que ‘l’échange d’informations à haut niveau fournirait un degré d’assurance mutuelle que la guerre des prix prenait fin’. BPB a d’ailleurs explicitement admis que les échanges d’informations effectués par M. [A] avaient servi l’objectif de mettre fin à la vive concurrence qui régnait dans l’industrie des plaques en plâtre au début des années 1990 : ‘les deux échanges suivants de données historiques effectués par M. [A] peuvent avoir servi, et peuvent avoir été destinés à servir à aider à la fin de la guerre des prix’. »

116

En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel il n’existait pas de restriction de concurrence à défaut de valeur informative des données de ventes échangées étant donné que les chiffres avaient été communiqués sous une forme très brute et imprécise sans être ventilés selon les différentes sortes de plaques en plâtre, cette allégation est sans pertinence, dans la mesure où les échanges d’informations entre les entreprises en cause avaient pour objet de surveiller que leurs parts de marché respectives restaient stables ou, à tout le moins, ne diminuaient pas. En effet, la requérante et Knauf ayant exprimé une volonté commune de mettre fin à la guerre des prix et de stabiliser les marchés en question lors de la réunion de Londres, il suffisait, pour atteindre cet objectif, que les entreprises en question sachent qu’en arrêtant la guerre des prix elles ne perdraient pas de parts de marché. À cette fin, les données générales des ventes, qui permettaient de calculer les parts de marché, étaient suffisantes. Cela explique également la raison pour laquelle les chiffres n’avaient pas besoin d’être ventilés selon les différentes sortes de plaques en plâtre.

117

S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’échange de données n’a pas été effectué à intervalles réguliers et, pour ce motif, il ne s’agissait pas d’un mécanisme de contrôle, force est de constater qu’il ne saurait aucunement remettre en cause le caractère anticoncurrentiel de cet échange d’informations, dont l’objectif a clairement été décrit par la requérante elle-même dans sa réponse à la communication des griefs comme visant à mettre fin à la guerre des prix.

118

Quant à l’argument de BPB consistant à distinguer les échanges d’informations de M. [A] en 1991 et en 1992 de ceux effectués par M. [D], force est de constater qu’il constitue une simple affirmation dépourvue de tout fondement concret. En effet, dans sa déclaration, M. [A] a précisé qu’il avait mis M. [D] en garde, en 1993, contre une trop grande fréquence des échanges, ce qui démontre que tous les deux étaient bien informés de la poursuite de ces échanges. Le seul fait que les échanges d’informations ont été effectués par deux personnes différentes est ainsi lié au changement de personne à la tête de BPB. De plus, l’explication de ces échanges d’informations, en particulier en ce qui concerne leur objet, est identique. Dans son exposé des échanges auxquels il a procédé à partir de 1993, M. [D] déclare que, même sous une forme fortement globalisée, les données étaient utiles pour se rendre compte de la taille du marché et de ses tendances, et que la connaissance des parts de marché des concurrents faisait en sorte que « l’on n’opérait pas complètement dans l’obscurité ».

119

En conclusion, la nature collusoire des échanges d’informations sur les quantités vendues en Allemagne, en France, au Benelux et au Royaume-Uni de 1992 à 1998 est suffisamment démontrée.

Sur les échanges d’informations sur les volumes de ventes au Royaume-Uni

Arguments des parties

120

La requérante soutient que l’objet de l’échange d’informations concernant le marché du Royaume-Uni était de la mettre en mesure d’avoir une meilleure connaissance de l’importance globale du marché du Royaume-Uni des plaques en plâtre et de sa part sur ce marché.

121

La requérante fait valoir que, même si les données échangées étaient des données mensuelles sur les volumes de ventes très globalisées, les échanges n’auraient pas été effectués chaque mois, mais auraient été sporadiques et auraient porté sur des informations concernant plusieurs mois.

122

La Commission répond qu’elle ne prétend pas que les échanges de données étaient mensuels, mais simplement qu’ils se sont poursuivis de façon remarquablement constante dans le temps (durant sept années consécutives) et que les affirmations selon lesquelles les informations étaient échangées de façon irrégulière en fonction des besoins sont contredites par le contenu du tableau de M. [N], directeur général de British Gypsum (ci-après « BG »), la filiale de BPB au Royaume-Uni, dont il peut être déduit l’existence d’un flux régulier d’informations.

Appréciation du Tribunal

123

Il y a lieu de relever, tout d’abord, que la requérante a déclaré, dans sa réponse à la communication des griefs, qu’elle ne s’opposait pas à ce que la Commission qualifie les échanges de données sur les volumes de ventes au Royaume-Uni d’infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE. Elle a également admis, dans sa réponse à une question écrite du Tribunal, que lesdits échanges avaient eu lieu à partir de 1992 jusqu’au début de 1998 et constituaient une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE.

124

Ensuite, il y a lieu de remarquer que, en réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission a confirmé que l’échange d’informations sur les ventes sur le marché du Royaume-Uni ainsi que celui sur les ventes sur les quatre marchés concernés constituaient tous deux des éléments de l’infraction unique et continue, même si leurs effets anticoncurrentiels pouvaient avoir fait double emploi et s’être mutuellement renforcés dans la mesure où ils portaient sur le marché du Royaume-Uni. Étant donné que la requérante conteste l’objet et la fréquence des échanges de données sur les volumes de ventes sur le marché du Royaume-Uni, il y a lieu d’examiner si la décision attaquée est entachée d’erreurs quant à cet échange.

125

En ce qui concerne l’objet de l’échange de données sur les volumes de ventes sur le marché du Royaume-Uni, la Commission a estimé, au considérant 171 de la décision attaquée, que son objet était identique à celui de l’échange des données sur les volumes de ventes sur les quatre marchés concernés. Or, la requérante affirme que son objet était d’avoir une meilleure connaissance de l’importance globale du marché du Royaume-Uni des plaques en plâtre et de sa part sur ce marché.

126

L’explication de la requérante ne saurait ôter à cet échange d’informations son caractère anticoncurrentiel, eu égard au contexte général de l’infraction en cause, caractérisé par la poursuite de l’objectif, exprimé lors de la réunion de Londres, de mettre fin à la guerre des prix.

127

Quant à l’affirmation de la requérante selon laquelle le fait que les données ont été compilées, notamment, mensuellement dans les tableaux ne démontrerait pas que l’échange de ces données aurait également eu lieu avec la même fréquence, elle est inopérante en l’espèce. En effet, même à supposer que les données sur les volumes de ventes aient été échangées moins fréquemment, cela n’infirmerait pas la conclusion qu’un tel échange était anticoncurrentiel pour les mêmes raisons que celles exposées à propos de l’échange des données sur les quatre marchés concernés. En tout état de cause, force est de constater que la requérante n’a fourni aucun élément tendant à démontrer que, bien que les données aient été compilées par mois, l’échange ne s’effectuait pas mensuellement. Dans ces conditions, il convient de conclure que la requérante est restée en défaut de démontrer que la conclusion de la Commission présentée au considérant 194 de la décision attaquée selon laquelle le caractère systématique et détaillé du tableau de M. [N] supposait un échange d’informations régulier est entachée d’erreur.

128

Il s’ensuit que l’appréciation de la Commission en ce qui concerne l’échange des données sur les volumes de ventes sur le marché du Royaume-Uni n’est entachée d’aucune erreur.

Sur les échanges d’informations sur les hausses de prix au Royaume-Uni pour la période allant de 1992 jusqu’en 1998

Arguments des parties

129

La requérante fait valoir que la Commission n’a conclu nulle part que les augmentations parallèles des prix avaient été décidées par les producteurs autrement que de manière indépendante.

130

Les preuves sur lesquelles la Commission s’appuie consisteraient, premièrement, en la conversation ayant eu lieu en 1996 entre les directeurs régionaux de Knauf et de BG, deuxièmement, en la conversation qui s’est tenue en 1998 entre le directeur des ventes de Lafarge et un membre du personnel du département des ventes de BG et, troisièmement, en une ou deux communications de M. [N] transmises à ses homologues pour les informer de relèvements des prix.

131

La requérante soutient que la Commission a donné à ces événements isolés une importance injustifiée. En outre, les deux premiers contacts auraient eu lieu à deux ans d’intervalle et les discussions se seraient déroulées au cours de manifestations sociales. De plus, les communications de M. [N] se seraient produites seulement une ou deux fois et, contrairement aux allégations de la Commission, il ne s’agirait pas d’échanges d’informations, mais de communications unilatérales.

132

La requérante conteste la conclusion de la Commission selon laquelle ces contacts corroborent l’existence d’une infraction unique et continue. La requérante fait valoir qu’ils ont seulement eu lieu pendant la période allant de novembre 1996 jusqu’en mars 1998 et ne concernaient que le Royaume-Uni.

133

La Commission fait valoir qu’elle n’a jamais prétendu que les prix avaient été convenus ou négociés. Elle estime que le fait même que les contacts à propos de certaines hausses des prix ont fait l’objet de comptes rendus internes témoigne de leur importance.

134

La Commission considère, en se référant aux considérants 471 à 477 de la décision attaquée, que ces échanges d’informations constituent une pratique concertée relevant des manifestations particulières de l’accord complexe et continu visant à restreindre la concurrence au moins sur les quatre principaux marchés européens des plaques en plâtre.

Appréciation du Tribunal

135

Ainsi qu’il ressort de la requête et de l’examen de la coopération de BPB, c’est précisément celle-ci qui a informé la Commission de ces échanges sur les hausses de prix au Royaume-Uni. Par ailleurs, les éléments de fait mentionnés dans la décision attaquée ne sont pas contestés par BPB.

136

En outre, il convient également de tenir compte du fait que la requérante a déclaré, dans sa réponse à la communication des griefs, qu’elle ne s’opposait pas à ce que la Commission qualifie lesdits contacts d’infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE. Dans sa réponse à une question écrite du Tribunal, la requérante a également admis que le fait que M. [N] avait, une ou deux fois, informé Knauf et Lafarge des hausses de prix de listes au Royaume-Uni constituait une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE.

137

Toutefois, BPB essaie de relativiser le caractère anticoncurrentiel de ces échanges en affirmant que les conversations ayant eu lieu lors de journées de golf ne se rapportaient qu’à des bavardages des milieux de l’industrie en cause et que les mémorandums qui en donnent le compte rendu présentent les informations comme telles. En outre, les informations auraient été communiquées de manière unilatérale. Enfin, elle considère que les hausses de prix auraient été connues en tout état de cause du fait des renseignements circulant sur le marché et que les échanges d’informations constituaient simplement la communication des décisions qui avaient déjà été prises. Par ailleurs, la communication ne concernerait que les prix de listes qui ne refléteraient pas les prix « net-net » (nets de remises et de ristournes).

138

Il ressort des considérants 198 à 200 de la décision attaquée que, s’agissant de la période antérieure au 7 septembre 1996, les annonces de hausses des prix ont été quasi simultanées à quatre reprises. Ainsi, l’annonce du 21 juillet 1992 de BG (entrée en vigueur à la fin d’août 1992) a été suivie par l’annonce du 31 juillet 1992 de Lafarge (Redland) (entrée en vigueur le 31 août 1992). Knauf a annoncé ses nouveaux prix le 3 août 1992 (avec une nouvelle liste de prix pour septembre 1992).

139

BPB a annoncé en novembre 1993 une hausse de 12 % devant entrer en vigueur en janvier 1994. Lafarge a suivi cette annonce de hausse, mais Knauf ne l’a pas totalement suivie.

140

Knauf a annoncé le 29 septembre 1994 une hausse d’environ 6,5 % devant entrer en vigueur le 1er mars 1995 et BPB a annoncé le 2 décembre 1994 une hausse de 9 % avec effet au 27 février 1995. Cette hausse a été suivie par l’annonce d’une hausse identique par Lafarge le 6 janvier 1995, devant entrer en vigueur à la même date.

141

Le 22 septembre 1995, BG a annoncé une augmentation de prix de 12 % pour les plaques standard avec effet au 1er janvier 1996. Cette annonce a été suivie par Lafarge qui a annoncé la même augmentation le 13 octobre 1995, avec effet au 1er janvier 1996 et par Knauf qui a annoncé la même augmentation le 27 octobre 1995, avec effet à la même date.

142

Ainsi, en ce qui concerne la période antérieure au 7 septembre 1996, les hausses de prix de BPB, de Lafarge et de Knauf se sont succédé à des intervalles très rapprochés, voire ont été concomitantes.

143

Il importe donc de vérifier si la quasi-simultanéité des annonces de hausses des prix ainsi que le parallélisme des prix annoncés, tel qu’il a été constaté, constituent un faisceau d’indices sérieux, précis et concordants d’une concertation préalable visant à informer les entreprises concurrentes des hausses de prix. Un parallélisme de comportement ne peut être considéré comme apportant la preuve d’une concertation que si la concertation en constitue la seule explication plausible. Il y a lieu, en effet, de tenir compte du fait que, si l’article 81 CE interdit toute forme de collusion de nature à fausser le jeu de la concurrence, il n’exclut pas le droit des opérateurs économiques de s’adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents (arrêt de la Cour du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C-89/85, C-104/85, C-114/85, C-116/85, C-117/85 et C-125/85 à C-129/85, Rec. p. I-1307, point 71).

144

Or, en l’espèce, même si les intervalles entre les différentes annonces de hausses des prix ont éventuellement permis aux entreprises d’en avoir connaissance par des informations venant du marché et même si ces hausses n’ont pas toujours été exactement du même niveau, la quasi-simultanéité des annonces de hausses des prix ainsi que le parallélisme des prix annoncés constituent des indices forts d’une concertation en amont de ces annonces dès lors que ces hausses s’inscrivaient dans un contexte caractérisé par le fait que, ainsi que la Commission l’a constaté dans la décision attaquée, la requérante et Knauf s’étaient mises d’accord, lors de la réunion de Londres au début de l’année 1992, pour mettre fin à la guerre des prix sur les quatre marchés européens.

145

En tout état de cause, force est de constater que la Commission a conclu, au considérant 476 de la décision attaquée, en ce qui concerne l’échange de données sur les hausses de prix sur le marché du Royaume-Uni, uniquement à l’existence de contacts admis par BPB, Knauf et Lafarge qui ont accompagné certaines hausses de prix, se référant à cet égard au considérant 211 de la décision attaquée. Pour le reste, ainsi qu’il ressort du considérant 210 de ladite décision, elle a indiqué qu’elle ne pouvait que constater le parallélisme de comportement des entreprises, par ailleurs engagées dans d’autres contacts collusoires, sans en déduire que ce parallélisme avait nécessairement été précédé d’une concertation. Elle a en outre clairement, par l’emploi du terme « toutefois » dans les versions anglaise, française et néerlandaise du considérant 211 de la décision attaquée, opposé ce simple parallélisme à l’existence admise de contacts précédant les annonces de hausses de prix.

146

En ce qui concerne la période postérieure au 7 septembre 1996, l’existence de contacts entre les concurrents sur les hausses de prix au Royaume-Uni est démontrée par les preuves documentaires suivantes.

147

En premier lieu, il ressort d’un mémorandum interne de BG que, pendant le week-end des 7 et 8 septembre 1996, Knauf aurait annoncé qu’elle suivrait la hausse des prix décidée par BG lorsque les intentions de cette dernière seraient expressément précisées. Ainsi qu’il ressort du considérant 201 de la décision attaquée, cette discussion a eu lieu avant l’envoi par BG des annonces d’augmentation de ses tarifs le 9 septembre 1996.

148

En outre, cette augmentation a été suivie, le 20 septembre 1996, par celle de Lafarge.

149

En deuxième lieu, la quasi-simultanéité des annonces de hausses des prix ainsi que le parallélisme des prix annoncés ont continué. Ainsi, la Commission a constaté, aux considérants 203 et 204 de la décision attaquée, que le 3 juin 1997, BG avait annoncé une augmentation de 3,8 % pour les plaques standard, avec effet au 1er août 1997. Lafarge a annoncé pour sa part une augmentation de 3,7 %, avec effet au 4 août 1997, et Knauf a annoncé une augmentation de 3,7 %, avec effet à la même date que celle de Lafarge. En outre, le 27 janvier 1998, BG a annoncé une augmentation de prix de 4,4 %, avec effet au 1er avril 1998. Lafarge a annoncé pour sa part une augmentation de 4,1 %, avec effet au 6 avril 1998, et Knauf a annoncé la même augmentation, avec effet au 1er avril 1998.

150

En troisième lieu, il ressort du considérant 205 de la décision attaquée que, avant l’annonce de l’augmentation par BG le 8 septembre 1998 d’une hausse des prix de 5 % avec effet au 1er novembre 1998, un représentant de Lafarge a indiqué à un responsable de BG que, pour des raisons budgétaires, Lafarge n’était pas disposée à suivre la hausse des prix prévue au début du mois de janvier de l’année suivante. Or, si les entreprises concernées n’étaient pas convenues d’échanger des informations sur les hausses de prix, Lafarge n’aurait pas eu besoin d’informer le représentant de BG qu’elle n’allait pas suivre l’augmentation prévue.

151

En quatrième lieu, BPB a reconnu qu’il y avait eu ce qu’elle appelle des « occasions isolées » où M. [N] avait téléphoné aux directeurs généraux de Lafarge et de Knauf au Royaume-Uni pour les informer des intentions de BG en matière de prix, ainsi que de la fourchette de hausse envisagée (considérant 207 de la décision attaquée). Ces appels téléphoniques, même si BPB ne fournit pas, même approximativement, leurs dates et même s’ils sont qualifiés par elle d’« appels de pure courtoisie » démontrent que les entreprises concurrentes ont eu des contacts en ce qui concerne les hausses de prix.

152

Dans ces conditions, la Commission a considéré à juste titre, au considérant 477 de la décision attaquée, que les contacts sur les hausses de prix sur le marché du Royaume-Uni constituaient une pratique concertée, interdite par l’article 81, paragraphe 1, CE.

153

Cette conclusion ne saurait être infirmée par l’argument selon lequel il s’agissait d’un comportement unilatéral. Il est certes vrai que la notion de pratique concertée suppose effectivement l’existence de contacts caractérisés par la réciprocité. Toutefois, cette condition est satisfaite lorsque la divulgation, par un concurrent à un autre, de ses intentions ou de son comportement futur sur le marché, a été sollicitée ou, à tout le moins, acceptée par le second (arrêt Ciment, point 32 supra, point 1849).

154

S’agissant des affirmations de la requérante selon lesquelles les informations sur les prix transmises étaient connues des clients de l’entreprise concernée avant leur communication aux concurrents et que, de ce fait, les informations dévoilées auraient déjà pu être collectées sur le marché par ces derniers, il convient de rappeler que le seul fait d’avoir reçu des informations concernant des concurrents, informations qu’un opérateur indépendant préserve comme secrets d’affaires, suffit à manifester l’existence d’un esprit anticoncurrentiel (arrêt du Tribunal du 12 juillet 2001, Tate & Lyle e.a./Commission, T-202/98, T-204/98 et T-207/98, Rec. p. II-2035, point 66). Par ailleurs, les discussions au sujet desquelles la Commission a trouvé des preuves directes ou dont l’existence a été reconnue par la requérante se sont déroulées avant les annonces officielles de hausses des prix.

155

Compte tenu des circonstances de l’espèce, la Commission a démontré, à suffisance de droit, que les trois entreprises s’étaient informées sur les hausses de prix sur le marché du Royaume-Uni pendant la période allant de 1992 jusqu’en 1998.

Sur la stabilisation des parts de marché en Allemagne

Arguments des parties

156

La requérante admet que l’objectif de la réunion de Versailles était d’aboutir à un accord visant à stabiliser les parts de marché en Allemagne. Or, cette tentative aurait été infructueuse. Elle fait valoir que la déclaration ultérieure de Gyproc étaye sa déclaration.

157

La requérante admet également que, aux réunions de Bruxelles et de La Haye, les discussions ont continué à porter sur les parts de marché de chaque entreprise en cause en Allemagne. De plus, les dernières discussions auraient été précédées d’un nouvel échange de renseignements sur les parts de marché concernant les quatre premiers mois de 1998. Toutefois, ces discussions n’auraient pas non plus donné de résultats.

158

La requérante souligne que, même si les entreprises se sont rencontrées et avaient un intérêt commun à instaurer une stabilité sur le marché allemand, elles n’ont pas pris d’engagement commun. Or, le droit applicable exigerait un tel engagement. La requérante fait valoir que des entreprises peuvent partager l’opinion qu’elles ont en commun de ce qu’elles souhaiteraient voir s’établir, mais, à moins que, par ces contacts et son comportement, une entreprise agisse d’une manière qui fasse indubitablement comprendre à l’autre qu’elle lui propose d’agir dans un certain sens et que cette dernière se sente dans l’obligation de le faire, cela ne constitue pas un accord en droit. Elle estime que la Commission ne peut considérer qu’une négociation équivaut à un accord.

159

La requérante fait valoir que l’approche de la Commission consiste à affirmer qu’un objectif commun est prouvé par les manifestations d’un accord au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE et que les manifestations elles-mêmes apportent la preuve d’un objectif commun. Selon la requérante, il s’agit d’un argument dépourvu de toute valeur juridique.

160

Elle soutient que la Commission a eu tort d’estimer que le système d’échange d’informations que les entreprises en cause avaient organisé en novembre 1996 avec l’aide d’un expert indépendant (ci-après le « système d’échange d’informations ») était plus sophistiqué et qu’il leur fournissait des informations plus précises et vérifiables que les autres échanges. Elle indique que les producteurs communiquaient les informations à l’expert indépendant, mais qu’il ne procédait à aucune vérification. En outre, les échanges dans le système d’échange d’informations n’étaient pas plus fréquents que ceux effectués entre les P.-D.G. des entreprises en cause, les uns et les autres ayant été trimestriels durant la période allant de 1996 jusqu’en 1998. En outre, les échanges effectués dans le cadre du système d’échange d’informations procuraient aux entreprises en cause moins d’informations que ceux effectués entre les P.-D.G., étant donné que l’expert indépendant ne donnait auxdites entreprises qu’un chiffre global quant à la taille du marché.

161

Elle fait valoir également que le lancement du système d’échange d’informations après la réunion de Versailles a été une coïncidence.

162

La Commission estime que, même si les entreprises n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur les modalités du partage des parts de marché en Allemagne, elles ont exprimé leur volonté commune de restreindre la concurrence sur le marché des plaques en plâtre en se répartissant le marché allemand ou, tout au moins, en le stabilisant. Selon elle, la seule divulgation par une entreprise du fait qu’elle ne souhaite pas augmenter sa part de marché suffit à informer ses concurrents d’un élément essentiel de sa stratégie et constitue manifestement un élément anticoncurrentiel. Elle considère que les entreprises s’estimaient tenues d’adopter un certain comportement, comme le démontre la succession de discussions en ce sens.

163

La Commission fait valoir que la seule explication plausible d’un échange d’informations dont les participants souhaitent préserver le secret et qui repose sur des chiffres prétendument sans grande valeur pour définir une stratégie pour l’avenir est qu’il existe entre les entreprises en cause un accord tacite pour respecter les flux traditionnels.

164

La Commission estime que, même si les parts de marché en Allemagne ont continué de fluctuer après la réunion de Versailles qui s’est tenue en 1996, ces fluctuations étaient minimes et corroborent ses conclusions, dans la mesure où elle n’a jamais prétendu qu’il existait un accord formel de répartition du marché.

165

La Commission affirme que, même si le système d’échange d’informations n’est pas en lui-même contraire au droit communautaire, il doit être analysé non de manière isolée, mais à la lumière du fait qu’il a été instauré pour fournir des informations plus précises et vérifiables. En outre, l’affirmation de BPB selon laquelle les informations fournies n’étaient pas plus précises que celles échangées auparavant ne permettrait pas de comprendre pourquoi BPB et les autres entreprises ont pris part à ce système. De plus, l’explication avancée par BPB, selon laquelle les entreprises souhaitaient obtenir une mesure exacte de la taille du marché allemand, ne ferait que corroborer l’interprétation de la Commission.

Appréciation du Tribunal

166

Il ressort de l’argumentation de la requérante qu’elle ne conteste pas l’existence des réunions de Versailles, de Bruxelles et de La Haye. En outre, elle admet avoir participé à ces réunions et avoir discuté la situation du marché allemand. Elle reconnaît également qu’une proposition a été faite lors de la réunion de Versailles afin d’aboutir à un accord visant à stabiliser les parts de marché en Allemagne à leur niveau de 1995.

167

Toutefois, elle considère que la Commission n’a pas démontré que les entreprises en cause auraient pris un engagement commun. Selon la requérante, le droit applicable exige qu’il y ait un tel engagement. Or, ce qui s’était déroulé en l’espèce constituerait seulement une négociation d’accord.

168

En conséquence, la question sur laquelle la requérante et la Commission s’opposent concerne la qualification juridique des réunions de Versailles, de Bruxelles et de La Haye ainsi que du système d’échange d’informations.

169

Or, s’agissant de l’argumentation de la requérante visant à démontrer qu’il n’y a pas eu d’accord sur la répartition des parts de marché en Allemagne, il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a constaté au considérant 469, in fine, de la décision attaquée qu’« un accord a[vait] été conclu entre les [entreprises concernées], ces dernières tendant à se répartir le marché allemand ou à tout le moins à le stabiliser, cet accord constituant une manifestation particulière de l’accord complexe continu ayant pour objet de restreindre la concurrence sur le marché des plaques en plâtre au minimum sur les quatre grands marchés européens ». De plus, il ressort des considérants 462, 463, 465 et 469 de la décision attaquée que la Commission a estimé que, indépendamment de la question de savoir si un tel accord avait été ou non conclu, les entreprises en cause, en exprimant leur volonté commune de se répartir le marché allemand ou, à tout le moins, de le stabiliser, avaient conclu un accord au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE.

170

Ainsi, même si la Commission n’était pas parvenue à démontrer que les entreprises sanctionnées avaient conclu un accord au sens strict du terme sur le partage des parts de marché en Allemagne, il suffirait qu’il ressorte des faits non contestés que les entreprises en question ont substitué sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence en restant en contact direct en vue de stabiliser le marché allemand. En conséquence, il y a lieu de vérifier si tel est le cas en l’espèce.

171

En ce qui concerne la réunion de Versailles qui s’est tenue en juin 1996, son existence n’est pas contestée, ni le fait que, pendant celle-ci, les entreprises en question ont divulgué leurs chiffres réels de ventes pour l’année 1995, qu’elles ont discuté de la stabilisation de leurs parts de marché sur le marché allemand et que Gyproc n’était pas d’accord avec la part de marché que les autres entreprises lui proposaient.

172

S’agissant de la réunion de Bruxelles du 4 décembre 1997, BPB admet également son existence, mais indique qu’elle a également été l’occasion de discuter de la stabilisation du marché allemand.

173

Quant à la réunion de La Haye de mai 1998, BPB ne conteste pas non plus qu’elle a eu lieu. Toutefois, les discussions, même si elles ont eu comme objet la situation en Allemagne, n’auraient pas donné de résultat concret. À cet égard, il ressort du considérant 257 de la décision attaquée que, selon Gyproc, les participants ont échangé leurs chiffres sur les volumes de ventes en Allemagne pour les quatre premiers mois de l’année 1998, que chacun des participants a évoqué la part de marché qu’il souhaitait avoir en Allemagne et que, le total de ces parts de marché représentant 101 %, les participants ont proposé à Gyproc de limiter sa part de marché à 11 %, mais que celle-ci a refusé.

174

Par conséquent, il ressort de ce qui précède que, même si un accord spécifique sur la répartition du marché allemand n’a pu être conclu ni lors de la réunion de Versailles ni lors des réunions ultérieures qui se sont tenues à Bruxelles et à La Haye, les quatre entreprises en cause ont exprimé une volonté commune de stabiliser le marché allemand et, partant, de restreindre la concurrence. Ainsi, la tenue de la réunion de Versailles révèle l’existence d’un accord sur le principe d’un partage du marché allemand entre BPB, Knauf, Lafarge et Gyproc, comme la Commission l’a fait valoir au considérant 264 de la décision attaquée.

175

En effet, il n’est pas contesté par BPB que, lors de la réunion de Versailles, nonobstant la position prise par Gyproc, les trois autres entreprises, Knauf, Lafarge et elle-même, se sont mutuellement indiqué les parts de marché sur lesquelles elles étaient d’accord et que ces parts de marché correspondaient à celles que ces entreprises détenaient effectivement. À cet égard, il faut également rappeler que les entreprises ne contestent pas avoir échangé lors de la réunion de Versailles leurs chiffres de ventes pour l’année 1995.

176

Il convient également de prendre en compte le système d’échange d’informations. L’existence de ce système corrobore la thèse de la Commission selon laquelle lesdites entreprises ont voulu stabiliser le marché allemand. En effet, chaque producteur remettait ses chiffres de ventes à titre confidentiel à l’expert indépendant et les résultats étaient compilés par les services de ce dernier pour donner un chiffre global qui était ensuite communiqué aux participants. Ce chiffre permettait à chacun de calculer sa propre part de marché, mais pas celle des autres. Les chiffres ont été fournis tous les trimestres et concernaient les chiffres de ventes de chacun. En outre, les producteurs ont communiqué à l’expert indépendant, à titre confidentiel, les chiffres de janvier à décembre 1995 et ceux de janvier à septembre 1996.

177

Le système d’échange d’informations permettait donc aux entreprises en cause de contrôler si leurs parts de marché sur le marché allemand restaient relativement stables.

178

En ce qui concerne l’appréciation juridique de cette situation, il y a lieu de rappeler que le fait de communiquer des renseignements à ses concurrents en vue de préparer une entente suffit à prouver l’existence d’une pratique concertée au sens de l’article 81 CE (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Tréfilunion/Commission, T-148/89, Rec. p. II-1063, point 82).

179

En effet, la notion de pratique concertée au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (arrêts Suiker Unie e.a./Commission, point 81 supra, point 26, et Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, point 143 supra, point 63).

180

Les critères de coordination et de coopération constitutifs d’une pratique concertée, loin d’exiger l’élaboration d’un véritable « plan », doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité CE relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre sur le marché commun et les conditions qu’il entend réserver à sa clientèle (arrêts de la Cour Deere/Commission, point 108 supra, point 86, et du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C-194/99 P, Rec. p. I-10821, point 82).

181

S’il est exact que cette exigence d’autonomie n’exclut pas le droit des opérateurs de s’adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s’oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet d’aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l’importance et du nombre des entreprises ainsi que du volume dudit marché (arrêts Deere/Commission, point 108 supra, point 87, et Thyssen Stahl/Commission, point 180 supra, point 83).

182

En outre, comme le Tribunal l’a constaté dans l’arrêt Ciment, point 32 supra (point 1852), pour établir une pratique concertée, il n’est pas nécessaire de démontrer que le concurrent en question s’est formellement engagé, à l’égard d’un ou de plusieurs autres concurrents, à adopter tel ou tel comportement ou que les concurrents ont fixé en commun leur comportement futur sur le marché. Il suffit que, à travers sa déclaration d’intention, le concurrent ait éliminé ou, à tout le moins, substantiellement réduit l’incertitude quant au comportement à attendre de sa part sur le marché.

183

À cet égard, la Commission a considéré, à juste titre, au considérant 466 de la décision attaquée, que le fait même qu’une entreprise indique ne pas souhaiter une part de marché supérieure à celle déjà détenue suffit à informer ses concurrents sur un élément essentiel de sa stratégie.

184

De plus, il y a lieu de rappeler que le marché en cause présente un caractère oligopolistique fortement concentré. Or, sur un tel marché, l’échange d’informations est de nature à permettre aux entreprises de connaître la position de leurs concurrents sur le marché et leur stratégie commerciale et ainsi à altérer sensiblement la concurrence qui subsiste entre les opérateurs économiques (arrêts Deere/Commission, point 106 supra, points 88 à 90, et Thyssen Stahl/Commission, point 180 supra, point 84).

185

En outre, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel le raisonnement de la Commission est circulaire, il convient de rappeler que tous les éléments de l’affaire en cause doivent être examinés, non pas séparément en tant qu’infractions isolées, mais dans le contexte global, en tant qu’éventuels éléments d’une seule infraction ayant pour objet de restreindre la concurrence sur le marché des plaques en plâtre sur les quatre marchés européens concernés. En effet, selon la jurisprudence, les indices invoqués par la Commission dans la décision afin de prouver l’existence d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE par une entreprise doivent être appréciés non pas isolément, mais dans leur ensemble (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, ICI/Commission, 48/69, Rec. p. 619, point 68).

186

Par ailleurs, compte tenu du contexte général de l’objectif de stabilisation des marchés concernés, l’échange d’informations sur le marché allemand a pu permettre aux entreprises en question de contrôler que les parts de marché des concurrents restaient stables.

187

Enfin, en ce qui concerne l’argumentation de la requérante selon laquelle, en l’absence d’accord, la Commission aurait dû prouver au moins des effets sur le marché, il y a lieu de rappeler que, aux fins de l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, la prise en considération des effets concrets d’un accord est superflue, dès lors qu’il apparaît que celui-ci a pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 36 supra, point 261).

188

De même, une pratique concertée relève de l’article 81, paragraphe 1, CE même en l’absence d’effets anticoncurrentiels sur le marché. Tout d’abord, il découle du libellé même de ladite disposition que, comme dans le cas d’accords entre entreprises et de décisions d’associations d’entreprises, les pratiques concertées sont interdites, indépendamment de tout effet, lorsqu’elles ont un objet anticoncurrentiel (arrêt de la Cour du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C-105/04 P, Rec. p. I-8725, points 137 et 138).

189

Ensuite, si la notion même de pratique concertée suppose l’existence d’un certain comportement des entreprises participantes sur le marché, elle n’implique pas nécessairement que ce comportement produise l’effet concret de restreindre, d’empêcher ou de fausser la concurrence (arrêt Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, point 188 supra, point 139).

190

Compte tenu du contexte global de l’affaire, le Tribunal considère que, sur la base des faits non contestés, la Commission a démontré, à suffisance de droit, que les entreprises en cause, même si elles n’étaient pas parvenues à conclure un accord spécifique portant sur la répartition entre elles du marché allemand, avaient exprimé leur volonté commune de se comporter sur ce marché de manière déterminée, à savoir restreindre la concurrence par la stabilisation dudit marché.

Sur les échanges d’informations sur les hausses de prix en Allemagne

Arguments des parties

191

La requérante conteste l’allégation de la Commission selon laquelle les quatre producteurs se sont tenus informés de leurs intentions ou il existait une coordination concernant les dates et les niveaux de hausses des prix envisagées au cours de la période allant de la fin de 1994 jusqu’en septembre 1998. Elle estime que la Commission n’a pas suffisamment prouvé ses allégations. Le fait que la concurrence ait perduré sur le marché allemand démontrerait, au contraire, que les producteurs ont continué à opérer de façon indépendante. En tout état de cause, les contacts en question ne sauraient témoigner de l’existence d’une volonté commune ou constituer la preuve d’un accord conclu en 1992.

192

En ce qui concerne les prétendus contacts directs qu’elle aurait eus avec les concurrents concernant les hausses de prix en Allemagne, BPB indique avoir déclaré qu’elle n’avait pas envoyé de copies de ses propres augmentations de prix à ses concurrents. Quant à l’envoi par Knauf de ses barèmes de prix à ses concurrents, ces informations ne sauraient constituer une collusion sur les prix parce que les lettres concernaient des hausses de prix déjà largement connues ou anticipées sur le marché. En outre, les prix de catalogue auraient été fréquemment diminués par l’octroi de rabais.

193

La requérante conteste que le mémorandum de Lafarge du 17 décembre 1996 ait été écrit à la suite de la discussion intervenue à propos des prix entre M. [V], directeur commercial de Rigips, filiale allemande de la requérante, et M. [X], directeur général de Lafarge Gips. Elle soutient avoir toujours nié l’existence de cette discussion. De plus, elle rejette la conclusion de la Commission selon laquelle ce mémorandum constituerait une preuve des contacts directs entre les producteurs. En ce qui concerne le parallélisme de la majoration des prix, la requérante fait remarquer que, sur un marché oligopolistique, il est normal que les entreprises alignent leur prix sur ceux des concurrents et se comportent de manière parallèle, du moins en ce qui concerne les prix de listes. Or, la concurrence sur les prix « net-net » aurait continué d’une façon intense.

194

S’agissant du mémorandum de Lafarge du 7 octobre 1998, la requérante estime qu’il décrit le mécanisme normal des augmentations de prix sur un marché oligopolistique. Elle fait valoir que le mémorandum révèle plusieurs faits qui contredisent les allégations de la Commission, tels que le fait que les producteurs ont octroyé des rabais même après le relèvement des prix de barème, que Rigips a annoncé une augmentation huit semaines avant le mémorandum, mais que les autres producteurs n’ont pas suivi cette augmentation, qu’il existait une incertitude quant aux réactions des concurrents à une augmentation des prix, que la plupart des augmentations de prix ont été limitées lors des années précédentes et que, jusqu’en 1993 et en 1994, Lafarge a tenté de conquérir des parts de marché.

195

S’agissant de la note interne de Knauf du 15 novembre 1993, la requérante fait valoir que, même si cette note recommandait d’adopter un comportement éventuellement anticoncurrentiel, cela ne signifie pas que ce comportement a été effectivement adopté.

196

En ce qui concerne la note interne de Rigips d’octobre 1994, la requérante estime que la phrase « on pense que les prix seront gelés au niveau ci-dessus » ne révèle rien de collusoire, mais seulement une évaluation par Rigips des perspectives d’évolution des prix.

197

Quant à l’augmentation des prix du 1er décembre 1995, la requérante conteste que l’échec de cette hausse ait été la cause de la réunion de Versailles. Elle fait valoir que la baisse des prix de décembre 1995 à juin 1996 est plutôt la preuve de l’absence que de l’existence d’un accord.

198

S’agissant de la hausse des prix intervenue en septembre 1997, la requérante nie avoir participé aux tentatives d’autres producteurs visant à éviter le débauchage de clients. Elle soutient que, même si les producteurs ont eu des discussions sur la répartition du marché, ces discussions n’ont pas donné de résultats. Par la suite, la concurrence aurait continué sur le marché, et, en conséquence, l’augmentation des prix de catalogue proposée pour septembre 1997 aurait échoué.

199

Quant à la hausse des prix en septembre 1998, la requérante maintient qu’elle n’a participé à aucune collusion entre producteurs. Elle fait valoir que le seul élément de preuve dont dispose la Commission en ce qui la concerne est le fait qu’elle a reçu une copie d’une lettre de Knauf concernant une hausse des prix. Or, ce fait n’ajouterait rien à la reconnaissance par Knauf de l’envoi occasionnel à ses concurrents de lettres les informant d’une hausse des prix. En outre, elle nie avoir reçu une communication de Gyproc. Ainsi, l’affirmation de la Commission selon laquelle la hausse des prix de septembre 1998 aurait constitué une manifestation supplémentaire de la collusion à laquelle aurait participé la requérante sur le marché allemand ne serait soutenue par aucun élément de preuve.

200

En ce qui concerne le mémorandum de Lafarge du 7 octobre 1998, la Commission fait valoir qu’il a été utilisé non pour déterminer l’existence des contacts entre les entreprises en cause, mais pour démontrer que les hausses de prix suivaient un schéma particulier. Elle considère que le fait que les hausses de prix annoncées ne correspondaient pas toujours à des hausses effectives du prix des transactions ne signifie pas que les contacts établis n’étaient pas illégaux ou qu’ils n’ont pas été suivis d’effet. Elle estime également que le fait que Lafarge ait tenté de gagner des parts de marché jusqu’en 1993 et en 1994 ne remet pas en question ses conclusions à cet égard, puisqu’elle a seulement constaté que les hausses de prix étaient coordonnées à partir de la fin de 1994 ou du début de 1995.

201

Quant à l’envoi par Knauf de ses barèmes de prix à ses concurrents, la Commission se réfère aux considérants 313 à 314 et 472 à 474 de la décision attaquée.

202

La Commission admet que la note interne de Knauf du 15 novembre 1993 ne décrit pas un comportement déjà adopté, mais recommande plutôt une ligne de conduite. Toutefois, elle considère que les éléments figurant dans cette note illustrent les comportements de Knauf qui ont abouti aux contacts ultérieurs entre concurrents, dont elle a apporté la preuve et qui corroborent clairement sa conclusion selon laquelle les contacts en question avaient un objectif anticoncurrentiel. Ils donneraient également des indications sur les motivations sous-jacentes de ces contacts ultérieurs.

203

En ce qui concerne la note interne de Rigips d’octobre 1994, la Commission fait valoir que le contexte dans lequel cette note a été rédigée, et notamment le fait qu’elle précède d’un mois l’envoi des lettres annonçant les hausses de prix de février 1995, ne démontre pas uniquement que son auteur était bien informé.

204

Quant à l’augmentation des prix du 1er décembre 1995, la Commission conteste l’allégation de la requérante selon laquelle l’échec de cette augmentation démontre qu’aucun accord n’a été conclu en 1992. En outre, des événements ultérieurs auraient démontré que des contacts avaient été établis en 1996 (peut-être à la suite de cet échec), notamment lors de la réunion de juin 1996 à Versailles, et qu’une hausse des prix avait été convenue pour le 1er février 1997.

205

S’agissant du mémorandum de Lafarge du 17 décembre 1996, la Commission estime que les hausses de prix qui ont été convenues sont une manifestation de l’accord complexe et continu décrit aux considérants 430 à 434 de la décision attaquée. En outre, l’importance de ce mémorandum serait décrite aux considérants 335 à 352 de la décision attaquée.

206

S’agissant de la hausse des prix intervenue en septembre 1997, la Commission soutient que le fait que cette hausse a échoué ne démontre pas qu’il n’existait pas d’entente.

207

Quant à la hausse des prix intervenue en septembre 1998, la Commission fait remarquer que le fait qu’une entreprise reçoive d’un concurrent des informations sur les prix sans élever de protestation dénote une réciprocité suffisante pour constituer une pratique concertée. La Commission considère également que le fait que Gyproc a admis l’existence de tentatives concertées visant à augmenter les prix sur le marché allemand conforte sa conclusion. Elle fait observer que la note de BPB mentionnée au considérant 380 de la décision attaquée (faisant référence à une seconde hausse des prix au cours du premier trimestre de 1999) précédait les instructions de Knauf mentionnées au considérant 377 de la décision attaquée, de sorte qu’elle ne saurait avoir été une réaction auxdites instructions ou aux bruits que cette entreprise suggérait de faire courir sur le marché.

Appréciation du Tribunal

208

BPB conteste l’existence de contacts directs avec ses concurrents sur les hausses de prix sur le marché allemand ainsi que l’existence d’une concertation sur l’application des hausses de prix. Elle soutient également que, en tout état de cause, les contacts directs entre les concurrents, à les supposer établis, ne sauraient témoigner d’une volonté commune de se concerter sur les prix.

209

Il y a lieu d’examiner, en premier lieu, les éléments de preuve concernant l’existence de contacts et d’une concentration entre les concurrents expressément contestés par BPB.

210

À cet égard, il y a lieu de rappeler que lesdits contacts doivent être envisagés dans le contexte de l’époque, caractérisé par un ensemble de manifestations anticoncurrentielles attestant une volonté commune des concurrents de stabiliser le marché des plaques en plâtre sur les quatre grands marchés européens, dont le marché allemand. En outre, il convient également de relever que, si le contenu d’un document isolé trouvé par la Commission peut ne pas révéler de manière univoque l’existence d’un comportement anticoncurrentiel de sorte que ledit contenu pourrait éventuellement s’expliquer autrement que par une volonté de restreindre la concurrence, cette circonstance ne saurait toutefois exclure que ce document puisse être interprété comme corroborant l’existence d’une telle volonté lorsqu’il s’inscrit dans un ensemble d’autres documents qui fournissent des indices probants de l’existence de comportements anticoncurrentiels contemporains et similaires.

211

En ce qui concerne la note interne de Knauf du 15 novembre 1993 (considérant 305 de la décision attaquée), BPB fait simplement remarquer que cette note recommande une ligne de conduite qui pourrait être anticoncurrentielle, mais qu’elle ne constitue pas une preuve que cette ligne de conduite a été réellement adoptée. Il y a lieu de relever que, aux termes de cette note, la « nouvelle liste de prix [de Knauf] a été envoyée fin octobre à tous les clients directs. En même temps, tous les concurrents ont été informés par l’envoi d’un exemplaire ». Ainsi, l’explication de BPB est contredite par le fait que l’événement mentionné dans cette note datée de novembre 1993 a eu lieu à la fin d’octobre 1993. Partant, l’explication donnée par BPB de cette note n’est pas convaincante. En tout état de cause, l’argument de BPB tend tout au plus à reprocher à la Commission de ne pas avoir démontré que l’échange d’informations en cause avait été suivi d’effet, ce qui ne saurait lui ôter son objet anticoncurrentiel.

212

S’agissant de la note interne datant d’octobre 1994 découverte dans les locaux de Rigips, la requérante s’en tient à son explication exposée dans le considérant 323 de la décision attaquée. Selon elle, cette note reflète l’appréciation d’un dirigeant d’entreprise de l’état du marché allemand fondée sur sa connaissance de celui-ci grâce aux informations collectées par son personnel commercial.

213

À cet égard, l’interprétation de cette note par la Commission est plus convaincante, compte tenu des autres éléments du dossier qui démontrent l’existence, à l’époque, d’une concertation entre les entreprises en cause. La Commission estime, à juste titre, que cette note révèle une connaissance de la stratégie des concurrents et témoigne de contacts entre ceux-ci. En effet, l’auteur de cette note, ayant d’abord résumé la situation sur le marché, explique que le directeur des ventes de Gyproc s’était plaint que son entreprise avait perdu des parts de marché et devait en regagner. En outre, il était prévu dans la note de geler les prix au niveau mentionné dans celle-ci et qu’une hausse des prix aurait lieu à partir du 1er février 1995. Cette dernière remarque est particulièrement révélatrice. En effet, si l’envoi des annonces de hausses des prix par Knauf était unilatéral et si BPB ne faisait que suivre cette hausse des prix, cette dernière n’aurait pas pu savoir en octobre 1994 qu’une hausse des prix était prévue pour le 1er février 1995, étant donné que Knauf n’a annoncé cette hausse des prix qu’en novembre 1994. De plus, si BPB avait eu connaissance de cette hausse des prix par l’intermédiaire des clients, comme elle le prétend, rien n’empêchait de le démontrer afin de contredire les preuves tangibles que la Commission a trouvées. En outre, il y a lieu de rappeler qu’une hausse des prix a effectivement eu lieu le 1er février 1995.

214

D’ailleurs, il y a lieu de relever que, malgré ces preuves concrètes des contacts collusoires entre les producteurs, la Commission estime seulement, au considérant 329 de la décision attaquée, que les concurrents se sont mutuellement informés de leurs intentions en ce qui concerne la hausse des prix du 1er février 1995 sans prétendre que cette note constitue la preuve directe d’une concertation sur la hausse des prix.

215

En ce qui concerne la hausse des prix en décembre 1995 (considérants 330 à 333 de la décision attaquée), la requérante considère que le fait qu’elle a échoué est une preuve supplémentaire de la non-existence de l’accord de 1992. À cet égard, il suffit de rappeler que, même s’il n’y a pas d’effets économiques, cela n’est pas une preuve qu’il n’y avait pas d’entente, mais, tout au plus, une preuve que l’entente n’a pas bien fonctionné, ce qui n’est pas pertinent pour la constatation d’une concertation ayant un objet anticoncurrentiel.

216

Par ailleurs, le fait que la Commission mentionne de nouveau, dans ce contexte, la réunion de Versailles de juin 1996 ayant eu pour objet de stabiliser le marché allemand est tout à fait pertinent, car il s’agit d’un indice de ce que les entreprises concernées ont ressenti le besoin de rediscuter la situation sur le marché allemand après l’échec de la hausse des prix en 1995.

217

Cette thèse est confortée par la note du 17 décembre 1996 de Lafarge (considérant 335 de la décision attaquée). En effet, l’auteur commence cette note en indiquant :

« [N]ous avons encore discuté la situation actuelle sur le marché allemand. »

218

BPB conteste que la discussion avec son représentant, à laquelle il est fait référence, ait eu lieu. BPB soutient qu’il est normal que, sur un marché oligopolistique, les entreprises aient un comportement les amenant à aligner leurs prix sur ceux des autres et à agir de façon parallèle. En effet, la concurrence aurait été intense au niveau des prix pratiqués lors des transactions.

219

L’argumentation de BPB doit être écartée. Étant donné que la note du 17 décembre 1996 relate les événements survenus lors de la réunion de l’association allemande des fabricants de plaques en plâtre organisée le 16 décembre 1996, il n’y a aucune raison de douter que la discussion entre le représentant de BPB et l’auteur de cette note, employé de Lafarge, ait eu lieu.

220

En outre, l’interprétation que donne la Commission de cette note portant la mention « Strictement confidentiel et personnel ! » n’est pas entachée d’erreur. Cette note reflète clairement la préoccupation de son auteur, dans le contexte d’une augmentation des prix annoncée par tous les producteurs pour le 1er février 1997, en ce qui concerne le comportement de ses concurrents et des politiques de prix, et en particulier de rabais, qu’ils mettaient en œuvre. Elle établit l’existence de contacts directs entre les concurrents lors desquels ceux-ci ont exprimé leurs analyses et intentions. En effet, l’auteur de ladite note a expliqué que le prix offert par BPB à certains clients serait « inférieur au niveau de prix [d’alors] le plus bas convenu » et que « [c]ela [allait] encore conduire à une déstabilisation ». Il ajoute :

« [Knauf a] accordé des prix pour les projets jusqu’en mai [19]97 à un niveau inférieur au niveau du prix convenu. Avec nous, ils insistent sur la discipline pour la hausse de[s] prix […] Augmenter le prix au niveau convenu ([2,5-3] DM/m²) va encore être très difficile. »

221

Dans ces conditions, le Tribunal considère que la Commission a estimé à juste titre au considérant 352 de la décision attaquée que, à l’occasion de la hausse des prix de février 1997, une concertation directe sur la hausse des prix était intervenue entre les concurrents, et que, à tout le moins, les concurrents s’étaient mutuellement informés de leurs intentions en prévision de cette hausse des prix.

222

En ce qui concerne la tentative de hausse des prix de septembre 1997, BPB soutient qu’aucun des documents présentés par la Commission ne s’y rapporte et qu’aucun des griefs sur le partage de la clientèle ne la concerne.

223

Tout d’abord, il convient de relever que les quatre entreprises en cause ont envoyé des lettres annonçant la hausse des prix du 1er septembre 1997 en mai ou au début de juin 1997 (considérant 353 de la décision attaquée). Ces faits ne sont pas contestés par la requérante.

224

En outre, même si la Commission ne fournit pas de preuves directes de contacts entre BPB et ses concurrents concernant cette hausse, les échanges entre Knauf et Lafarge, mentionnés au considérant 356 de la décision attaquée à titre d’exemple, confirment l’existence d’une concertation sur les hausses de prix et d’un contrôle des prix pratiqués par les distributeurs en général. En effet, le fait qu’une entreprise n’a pas hésité à contacter un concurrent pour discuter des clients ou des prix pratiqués par un distributeur corrobore l’existence d’une coopération entre les producteurs.

225

La Commission donne encore un exemple qui est, selon elle, une manifestation supplémentaire de la concertation menée entre BPB, Knauf, Lafarge et Gyproc sur le marché allemand. Il s’agit d’une tentative de hausse des prix en septembre et en octobre 1998.

226

À cet égard, il est certes vrai que BPB a, dès juin 1998, annoncé une hausse des prix pour septembre 1998 et que les autres concurrents ne l’ont fait qu’en août 1998 pour une augmentation prévue à partir d’octobre 1998. Il est également vrai que le seul autre élément de preuve concernant directement BPB que la Commission cite dans la décision attaquée est le fait que Knauf a envoyé une copie de son annonce de hausse des prix à l’adresse privée d’un directeur de BPB.

227

Or, il y a lieu de rappeler qu’il est usuel, dans le cadre de pratiques et d’accords anticoncurrentiels, que les activités se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement et que la documentation s’y rapportant soit réduite au minimum. Il s’ensuit que, même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégale entre des opérateurs, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Dès lors, dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de concurrence (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 36 supra, points 55 à 57).

228

En l’espèce, étant donné le contexte de l’affaire, le Tribunal considère que l’envoi par Knauf d’une copie de son annonce de hausse des prix à l’adresse privée d’un directeur de BPB, ce qui constitue une façon inhabituelle de communiquer entre entreprises concurrentes, suffit à démontrer qu’une coopération étroite entre les producteurs a également existé en ce qui concerne les hausses de prix sur le marché allemand intervenues en septembre et en octobre 1998.

229

Enfin, en ce qui concerne le mémorandum de Lafarge du 7 octobre 1998 (considérants 290 à 294 de la décision attaquée), BPB le considère comme une simple description du fonctionnement du marché. Il est certes vrai que ce mémorandum, s’il était le seul élément de preuve trouvé, ne constituerait pas une preuve suffisante d’une concertation préalable sur les hausses de prix. Or, examiné dans le cadre des autres indices décrits ci-dessus, ce mémorandum corrobore l’existence, d’une part, de contacts entre les concurrents sur les hausses de prix ainsi que le lien entre ces derniers et, d’autre part, des discussions sur les parts de marché en Allemagne. En effet, compte tenu des autres démarches des entreprises en cause afin de stabiliser le marché allemand, du parallélisme des hausses de prix et de la découverte par la Commission, au cours de ses vérifications, de nombreuses copies d’annonces de hausses des prix de leurs concurrents dans les locaux desdites entreprises, que celles-ci ont partiellement admis avoir envoyées ou reçues directement de leurs concurrents, l’interprétation cohérente de ce mémorandum ne peut pas être celle donnée par la requérante.

230

Il y a lieu d’examiner, en second lieu, l’argumentation de la requérante selon laquelle les contacts directs entre les concurrents, à les supposer établis, ne constituaient pas un comportement anticoncurrentiel.

231

En ce qui concerne l’affirmation de la requérante selon laquelle il s’agissait d’un comportement purement unilatéral étant donné qu’elle n’aurait jamais envoyé à ses concurrents de copies de ses lettres annonçant les hausses de prix, il est certes vrai que la notion de pratique concertée suppose effectivement l’existence de contacts caractérisés par la réciprocité. Toutefois, cette condition est satisfaite lorsque la divulgation, par un concurrent à un autre, de ses intentions ou de son comportement futur sur le marché a été sollicitée ou, à tout le moins, acceptée par le second (arrêt Ciment, point 32 supra, point 1849).

232

En outre, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Rhône-Poulenc/Commission (T-1/89, Rec. p. II-867), dans le cadre de laquelle il était reproché à la partie requérante d’avoir participé à des réunions au cours desquelles les concurrents échangeaient des informations portant, notamment, sur les prix qu’ils souhaitaient voir pratiquer sur le marché, le Tribunal a constaté qu’une entreprise, par sa participation à une réunion ayant un objet anticoncurrentiel, non seulement avait poursuivi le but d’éliminer par avance l’incertitude relative au comportement futur de ses concurrents, mais avait dû nécessairement prendre en compte, directement ou indirectement, les informations obtenues au cours de ces réunions pour déterminer la politique qu’elle entendait suivre sur le marché (points 122 et 123).

233

Cette conclusion est applicable également lorsque, comme en l’espèce, la participation d’une, ou de plusieurs, entreprise à une pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel se limite à la seule réception d’informations relatives au comportement futur de ses concurrents sur le marché.

234

En effet, tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique commerciale qu’il entend suivre sur le marché. Cela s’oppose donc à toute prise de contact directe ou indirecte entre les opérateurs économiques, qui a pour objet ou pour effet d’influencer leur comportement sur le marché, donnant lieu à des conditions de concurrence qui ne correspondraient pas aux conditions normales du marché en cause, mais également à tout dévoilement par une entreprise à un concurrent du comportement que l’on est décidé à, ou que l’on envisage de tenir soi-même sur le marché (arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T-305/94 à T-307/94, T-313/94 à T-316/94, T-318/94, T-325/94, T-328/94, T-329/94 et T-335/94, Rec. p. II-931, ci-après l’« arrêt LVM/Commission », point 720).

235

S’agissant de l’affirmation de la requérante selon laquelle les informations sur les prix qui étaient transmises étaient connues des clients de l’entreprise concernée avant leur communication aux concurrents et que, de ce fait, les informations dévoilées auraient déjà pu être collectées sur le marché par ces derniers, il y a lieu de rappeler que le seul fait d’avoir reçu des informations concernant des concurrents, informations qu’un opérateur indépendant préserve comme secrets d’affaires, suffit à manifester l’existence d’un esprit anticoncurrentiel (arrêt Tate & Lyle e.a./Commission, point 154 supra, point 66).

236

Or, l’affirmation de la requérante selon laquelle les informations sur les prix étaient connues des clients avant leur communication aux concurrents et, ainsi, pouvaient être collectées sur le marché doit être rejetée. Ce fait, à le supposer établi, n’implique pas que, au moment de l’envoi des barèmes de prix aux concurrents, ces prix constituaient déjà une donnée objective du marché, repérable de façon immédiate. L’envoi direct permettait aux concurrents d’avoir connaissance de ces informations de façon plus simple, rapide et directe que par le biais du marché. En outre, cet envoi préalable leur permettait de créer un climat de certitude mutuelle quant à leurs futures politiques de prix.

237

Dans ces conditions, le Tribunal estime que, même si la Commission n’est pas arrivée à prouver l’existence de contacts entre tous les producteurs en ce qui concerne chaque hausse des prix sur le marché allemand pendant la période concernée et même si la reconnaissance par Gyproc de la collusion sur les prix en Allemagne ne peut être prise en compte (voir le premier moyen), la Commission a considéré, à juste titre, que le système d’échange d’informations relatives aux hausses de prix mis en place entre BPB, Knauf, Lafarge et Gyproc sur le marché allemand constituait une pratique concertée, contraire à l’article 81, paragraphe 1, CE.

Sur l’étendue géographique de l’entente

238

S’agissant de l’étendue géographique de l’entente, la requérante affirme que la Commission n’a pas démontré à suffisance de droit qu’elle concernait également la France et le Benelux.

239

À cet égard, il suffit de rappeler que la réunion de Londres ainsi que les échanges d’informations sur les quantités vendues concernaient également la France et le Benelux.

240

Si la Commission peut légalement conclure que les différentes manifestations faisaient partie d’une infraction unique du fait qu’elles s’inscrivaient dans un plan d’ensemble visant à fausser le jeu de la concurrence, le fait que le nombre et l’intensité des pratiques collusoires variaient selon le marché concerné ne signifie pas que l’infraction ne concernait pas les marchés sur lesquels les pratiques ont été moins intenses et moins nombreuses. En effet, il serait artificiel de subdiviser un comportement continu, caractérisé par une seule finalité, en plusieurs infractions distinctes au motif que les pratiques collusoires ont varié selon le marché concerné. Il n’y a lieu de prendre en considération ces éléments que lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction et, le cas échéant, de la détermination du montant de l’amende (voir, par analogie, arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 61 supra, point 90).

241

En conclusion, la Commission n’a commis aucune erreur de droit ni aucune erreur manifeste d’appréciation dans son examen des différents éléments constituant l’infraction en cause.

242

Dans ces conditions, le deuxième moyen doit être rejeté.

3. Sur le troisième moyen, tiré de la violation de la notion d’infraction unique

Arguments des parties

243

La requérante fait valoir que la condition juridique essentielle pour établir l’existence d’une infraction continue est la preuve de la continuité de la participation des entreprises à la poursuite de l’objectif final. Elle estime que la Commission a commis une erreur en considérant que la prétendue finalité commune de 1992 pourrait étayer l’illégalité des différentes manifestations subséquentes. Or, selon la requérante, les manifestations ultérieures, comme la réunion de Versailles, ne constituent pas une infraction, mais seulement une tentative d’infraction et cette qualification ne peut être remise en cause en présumant qu’il s’agit d’une infraction continue. La requérante considère ainsi que, pour prouver l’existence d’un accord complexe et continu, la Commission doit examiner chaque manifestation avec une rigueur suffisante en concluant à son illégalité. En outre, la Commission aurait commis une erreur de déduction en concluant à l’existence d’une volonté commune à partir de ces manifestations et en considérant que l’illégalité de celles-ci résulterait de la volonté commune. La requérante estime que la Commission doit démontrer que la volonté commune existe indépendamment de l’infraction en question.

244

Selon la requérante, l’explication de la Commission, à savoir qu’elle a constaté l’existence de la volonté commune en prenant en compte la conjonction des cinq comportements anticoncurrentiels identifiés, n’est pas convaincante. La requérante fait observer que l’identité d’objet que la Commission a soulevée est vague et consiste seulement à prétendre que toute activité anticoncurrentielle atteint finalement le même objectif, parce que tout comportement anticoncurrentiel a, en définitive, un impact sur les prix. Elle affirme également que la Commission n’est pas en mesure d’expliquer clairement quelle était la teneur réelle du prétendu accord ni quand il aurait été conclu si ce n’était pas lors de la réunion de 1992. Elle soutient également que la thèse de l’infraction unique et continue à laquelle ont participé quatre entreprises et qui a duré de 1992 à 1998 n’est pas davantage convaincante du fait du nombre limité des entreprises ayant pris part à certaines des manifestations anticoncurrentielles ou de la non-implication de certaines des entreprises à ces manifestations. La requérante et Knauf auraient participé à la réunion de Londres en 1992, mais pas Lafarge ni Gyproc. Bien qu’il ne soit pas contesté que les échanges d’informations ayant fait suite à cette réunion ont été étendus à Lafarge et à Gyproc, la Commission n’expliquerait pas comment ni quand cela a eu lieu ni grâce à qui ces entreprises ont pu adhérer à la volonté commune ou à l’intention conjointe dont elle prétend qu’elle se trouve à la base de ces échanges d’informations. En outre, la requérante estime que la Commission n’a rien pu déduire des manifestations anticoncurrentielles en ce qui concerne les marchés français et du Benelux, ces manifestations se rapportant uniquement aux marchés allemand et du Royaume-Uni.

245

La Commission fait valoir qu’elle a exposé des considérations sur les éléments factuels constitutifs de chacun des cinq comportements évoqués au considérant 429 de la décision attaquée et que c’est l’existence de ces éléments factuels qu’elle doit démontrer. Elle ajoute avoir conclu, à la lumière de ces considérations factuelles, que ces comportements étaient l’expression d’une volonté commune visant à restreindre la concurrence au minimum sur les quatre principaux marchés européens des plaques en plâtre. Une fois ces déductions faites, la seule manière logique de décrire ces comportements aurait été de les considérer comme des manifestations de cette volonté commune. Ainsi, la Commission n’aurait tenu aucun raisonnement circulaire dans cette analyse. Elle fait également valoir que les différents éléments de l’infraction unique se complètent parfaitement, cette complémentarité témoignant de l’identité d’objet des diverses manifestations de cette infraction. Par exemple, pour que les augmentations de prix soient couronnées de succès, les concurrents devaient être satisfaits des parts de marchés qu’ils détenaient.

Appréciation du Tribunal

246

Il convient, à titre liminaire, d’observer qu’il résulte de la décision attaquée (considérant 479) que la Commission a considéré que l’ensemble des accords et des pratiques concertées du cas d’espèce s’inscrivaient dans une série d’efforts des entreprises en cause poursuivant un seul but économique, à savoir la restriction de la concurrence et constituaient les diverses manifestations d’un accord complexe et continu qui a eu pour objet et pour effet de restreindre la concurrence. Estimant que les accords et pratiques concertées précités avaient concrétisé, de manière ininterrompue à partir de 1992 et jusqu’en 1998, la manifestation de la volonté commune desdites entreprises de stabiliser et, partant, de restreindre la concurrence au moins sur les marchés allemand, français, du Royaume-Uni et du Benelux des plaques en plâtre, la Commission a qualifié l’infraction d’unique, complexe et continue.

247

Ainsi, l’article 1er de la décision attaquée énonce que les entreprises concernées, dont la requérante, « ont enfreint l’article 81, paragraphe 1, [CE] en participant à un ensemble d’accords et de pratiques concertées dans le secteur des plaques en plâtre ».

248

Il y a lieu d’examiner d’abord l’argument de la requérante selon lequel la Commission a commis une erreur de droit en concluant à l’existence d’un plan global à partir de différentes manifestations de l’infraction en cause, sans démontrer que la volonté commune existait indépendamment de ces différentes manifestations.

249

Il convient de rappeler que, dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de concurrence (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 36 supra, point 57). Cette jurisprudence est transposable au concept d’infraction unique et continue. En effet, lorsqu’il s’agit d’une infraction complexe, unique et continue, chaque manifestation corrobore la démonstration qu’une telle infraction a effectivement eu lieu.

250

Ainsi, contrairement aux affirmations de la requérante, les différentes manifestations de l’infraction en cause doivent être appréhendées dans un contexte global qui explique leur raison d’être. Il ne s’agit pas d’un raisonnement circulaire, mais d’une administration des preuves dans laquelle la valeur probante des différents éléments de fait est corroborée ou infirmée par les autres éléments de fait existants qui, conjointement, peuvent démontrer l’existence d’une infraction unique.

251

BPB estime également que la Commission n’a pas démontré à suffisance de droit la finalité commune qui unirait les différentes manifestations en tant qu’infraction unique et continue.

252

À cet égard, il convient de rappeler qu’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu. Cette interprétation ne saurait être contestée au motif qu’un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolément une violation de ladite disposition. Lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un plan d’ensemble, en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 36 supra, point 258).

253

En l’espèce, il ressort clairement de l’examen du deuxième moyen que BPB a participé à partir de la réunion de Londres à une infraction unique, complexe et continue caractérisée par la seule finalité de mettre fin à la guerre des prix et de stabiliser les quatre marchés des plaques en plâtre. En effet, les réunions, l’échange d’informations et les pratiques relatives à la fixation des prix poursuivaient un même objet anticoncurrentiel consistant à maintenir les prix à un niveau supraconcurrentiel et à réduire la concurrence entre les entreprises qui opéraient sur le marché pertinent.

254

Les éléments exposés dans le cadre du deuxième moyen permettent de considérer que c’est à bon droit que la Commission a constaté, au considérant 432 de la décision attaquée, ce qui suit :

« Ces différentes manifestations apparaissent […] clairement complémentaires compte tenu du fonctionnement du marché des plaques en plâtre. L’amélioration de la situation économique des entreprises par le biais d’une augmentation des prix rendait nécessaire une coordination de ces entreprises au niveau des parts de marché. »

255

Le Tribunal considère que, dans les circonstances de l’espèce, les accords et les pratiques concertées s’inscrivaient, en raison de leur objet identique et de leurs étroites synergies, dans un plan d’ensemble qui s’inscrivait, à son tour, dans une série d’efforts des entreprises en cause poursuivant un seul but économique, à savoir influencer l’évolution des prix. Ainsi que l’affirme à juste titre la Commission au considérant 422 de la décision attaquée, il serait artificiel de subdiviser ce comportement continu, caractérisé par une seule finalité, en y voyant plusieurs infractions distinctes, alors qu’il s’agit, au contraire, d’une infraction unique qui s’est progressivement concrétisée tant par des accords que par des pratiques concertées. Le caractère unique de l’infraction résulte, en effet, de l’unicité de l’objectif poursuivi par chaque participant à l’entente et non des modalités d’application de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt Ciment, point 32 supra, point 4127).

256

En outre, dans le cadre d’un accord global s’étendant sur plusieurs années, un décalage de quelques mois entre les manifestations de l’entente importe peu. Le fait que les différentes actions s’inscrivent dans un plan d’ensemble en raison de leur objet identique est en revanche déterminant (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 36 supra, point 260).

257

En ce qui concerne l’argument tiré de l’absence d’un tel plan, il suffit de rappeler que la notion d’infraction unique vise justement une situation dans laquelle plusieurs entreprises ont participé à une infraction constituée d’un comportement continu poursuivant un seul but économique visant à fausser la concurrence ou bien encore d’infractions individuelles liées entre elles par une identité d’objet (même finalité de l’ensemble des éléments) et de sujets (identité des entreprises concernées, conscientes de participer à l’objet commun).

258

Enfin, s’agissant de l’affirmation de la requérante selon laquelle le caractère unique de l’infraction serait démenti par le fait que le nombre d’entreprises ayant pris part à certaines des manifestations anticoncurrentielles serait limité et qu’une partie des entreprises n’aurait pas participé à l’infraction depuis le début, il suffit de rappeler que le fait qu’une entreprise n’a pas participé à tous les éléments constitutifs d’une entente ou qu’elle y a joué un rôle mineur n’est pas pertinent pour établir l’existence d’une infraction commise par elle. Il n’y a lieu de prendre en considération ces éléments que lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction et, le cas échéant, de la détermination du montant de l’amende (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 36 supra, point 86).

259

Ainsi, même si les accords et les pratiques concertées visés à l’article 81, paragraphe 1, CE résultent nécessairement du concours de plusieurs entreprises, qui sont toutes coauteurs de l’infraction, leur participation peut revêtir des formes différentes, en fonction notamment des caractéristiques du marché concerné et de la position de chaque entreprise sur ce marché, des buts poursuivis et des modalités d’exécution choisies ou envisagées.

260

En conséquence, la simple circonstance que chaque entreprise participe à l’infraction dans des formes qui lui sont propres n’affecte pas la qualification de l’infraction d’infraction unique et continue.

261

Il résulte des considérations qui précèdent que les griefs dirigés contre la qualification de l’entente d’infraction unique et continue ne sont pas fondés.

4. Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 253 CE et de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 ainsi que de principes généraux dans le calcul du montant de l’amende

262

Ce moyen se compose de cinq branches. En premier lieu, s’agissant du montant de départ de 80 millions d’euros, la requérante invoque le caractère arbitraire, non proportionnel et non motivé de ce montant. À cet égard, elle considère également que la Commission a commis une erreur en qualifiant l’infraction de très grave. De plus, elle invoque la prise en considération erronée de l’impact négatif concret de l’infraction sur le marché des plaques en plâtre. En deuxième lieu, la majoration du montant de départ en raison de la durée de l’infraction serait fondée sur une appréciation erronée de la durée de l’infraction et des lignes directrices. La Commission aurait également omis d’évaluer et de prendre dûment en compte l’intensité limitée de l’infraction pendant la période pertinente ou pendant certaines périodes en cause. En troisième lieu, la requérante estime que la Commission a commis une erreur en majorant le montant de l’amende au titre des circonstances aggravantes. En quatrième lieu, la Commission n’aurait pas correctement pris en compte les circonstances atténuantes. En cinquième lieu, la Commission aurait commis une erreur dans l’application de la communication sur la coopération à son égard.

Sur le caractère disproportionné du montant de départ de l’amende déterminé en fonction de la gravité de l’infraction

Sur la gravité de l’infraction

— Arguments des parties

263

La requérante estime que, en tenant compte de l’impact limité de l’infraction sur le marché concerné, celle-ci aurait dû être qualifiée de grave plutôt que de très grave.

264

La requérante fait observer que, dans les décisions 1999/271/CE de la Commission, du 9 décembre 1998, relative à une procédure d’application de l’article [81] CE (IV/34.466 — Transbordeurs grecs) (JO 1999, L 109, p. 24), et 1999/210/CE de la Commission, du 14 octobre 1998, relative à une procédure d’application de l’article [81] CE (Affaire IV/F-3/33.708 — British Sugar plc, affaire IV/F-3/33.709 — Tate & Lyle plc, affaire IV/F-3/33.710 — Napier Brown & Company Ltd, affaire IV/F-3/33.711 — James Budgett Sugars Ltd) (JO 1999, L 76, p. 1), la Commission a estimé que les infractions en question pouvaient être considérées comme graves et non très graves au motif que l’impact sur le marché avait été limité.

265

La requérante estime, à titre subsidiaire, que, même si la classification de la Commission était correcte, celle-ci aurait dû reconnaître que même les infractions classées dans la catégorie des infractions très graves variaient quant à leur degré de gravité et que, en comparaison avec d’autres affaires d’ententes, l’accord allégué en l’espèce constituait un exemple d’entente considérablement moins intensive et anticoncurrentielle. La requérante indique que, au moment de l’adoption de la décision attaquée, l’amende imposée aux entreprises concernées était la deuxième plus élevée imposée par la Commission après celle infligée dans l’affaire à l’origine de la décision 2003/2/CE de la Commission, du 21 novembre 2001, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E-1/37.512 — Vitamines) (JO 2003, L 6, p. 1). Elle fait valoir que l’entente alléguée en l’espèce était beaucoup moins intensive que, par exemple, celle dans l’affaire Vitamines et celles à l’origine des décisions 2002/742/CE de la Commission, du 5 décembre 2001, relative à une procédure au titre de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E-1/36.604 — Acide citrique) (JO 2002, L 239, p. 18), 1999/60/CE de la Commission, du 21 octobre 1998, relative à une procédure d’application de l’article [81CE] (IV/35.691/E-4 — Conduites précalorifugées) (JO 1999, L 24, p. 1), 2001/418/CE de la Commission, du 7 juin 2000, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/36.545/F3 — Acides aminés) (JO 2001, L 152, p. 24), et 2002/271/CE de la Commission, du 18 juillet 2001, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE — Affaire COMP/E-1/36.490 — Électrodes de graphite (JO 2002, L 100, p. 1). Elle fait valoir que ces cinq affaires concernaient des violations très graves de l’article 81, paragraphe 1, CE. Ainsi, elles auraient toutes comporté des ententes qui couvraient l’ensemble du marché commun ou de l’Espace économique européen (EEE). Ces ententes auraient mis en évidence des tentatives de mise en place de cartels beaucoup plus intensives que la prétendue entente des producteurs de plaques en plâtre, laquelle, en comparaison avec des autres ententes, aurait été un accord assez libre et vague, dépourvu de toute forme de structure ou d’organisation. Dans ces conditions, la requérante estime que le montant de départ de l’amende qui lui a été infligée compte tenu de la gravité de l’infraction en cause est disproportionné et contraire au principe d’égalité de traitement, étant donné que ce montant est le troisième des montants les plus élevés qui ont été fixés pour tous les participants aux autres ententes mentionnées.

266

La requérante fait valoir que la Commission a eu tort de comparer les différentes amendes par rapport à la taille du marché pertinent. Premièrement, les lignes directrices n’indiqueraient pas qu’il y a lieu de prendre en compte la taille du marché en termes de valeur pour évaluer la gravité de l’infraction. Deuxièmement, la Commission aurait seulement tenu compte de la taille du marché et non d’autres facteurs qui déterminent la gravité de l’infraction. Troisièmement, la Commission n’aurait pas pour habitude de prendre en considération la taille du marché de produits pour évaluer la gravité d’une infraction.

267

La Commission mentionne les aspects de l’infraction jugés particulièrement graves en l’espèce (considérants 534, 535 et 539 à 542 de la décision attaquée). Elle précise également que l’entente a été conçue, dirigée et encouragée à des niveaux élevés de la hiérarchie de chaque entreprise participante. Elle souligne que BPB était impliquée dans toutes les manifestations du comportement anticoncurrentiel en cause et qu’elle a reconnu que les mêmes personnes, MM. [D] et [A] (tous deux P.-D.G. de BPB), étaient directement impliquées dans tous les comportements infractionnels décrits dans la décision attaquée, à l’exception de l’un d’entre eux.

— Appréciation du Tribunal

268

Il convient de rappeler que l’appréciation de la gravité de l’infraction, aux fins de la fixation du montant de l’amende, doit être effectuée en tenant compte, notamment, de la nature des restrictions apportées à la concurrence, du nombre et de l’importance des entreprises concernées, de la fraction respective du marché qu’elles contrôlent dans la Communauté ainsi que de la situation du marché à l’époque où l’infraction a été commise (arrêt de la Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661, point 176).

269

Il importe de rappeler, à cet égard, que l’article 81, paragraphe 1, sous a), CE déclare expressément incompatibles avec le marché commun les pratiques concertées qui consistent à fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction.

270

Les infractions de ce type, notamment lorsqu’il s’agit d’ententes horizontales, sont qualifiées par la jurisprudence de particulièrement graves dès lors qu’elles comportent une intervention directe dans les paramètres essentiels de la concurrence sur le marché concerné (arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T-141/94, Rec. p. II-347, point 675), ou d’infractions patentes aux règles communautaires de la concurrence (arrêts du Tribunal Tréfilunion/Commission, point 178 supra, point 109, et du 14 mai 1998, BPB de Eendracht/Commission, T-311/94, Rec. p. II-1129, point 303).

271

Il importe également de rappeler que les infractions très graves, au sens du point 1 A, deuxième alinéa, troisième tiret, des lignes directrices, sont composées « pour l’essentiel de restrictions horizontales de type ‘cartels de prix’ et de quotas de répartition des marchés ».

272

Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que la Commission a qualifié l’infraction en cause de très grave, eu égard à sa nature. Il convient néanmoins d’examiner les facteurs susceptibles de modérer cette qualification qui sont invoqués par la requérante.

273

S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’infraction aurait dû être qualifiée de grave au motif que son impact sur le marché a été limité, il y a lieu d’observer que, dans l’arrêt du 30 septembre 2003, Michelin/Commission (T-203/01, Rec. p. II-4071, points 258 et 259), le Tribunal a jugé que la gravité de l’infraction pouvait être établie par référence à la nature et à l’objet des comportements abusifs et que des éléments relevant de l’objet d’un comportement pouvaient avoir plus d’importance aux fins de la fixation du montant de l’amende que ceux relatifs à ses effets.

274

Dès lors, même si doivent également être pris en compte la taille du marché géographique concerné et l’impact sur le marché lorsqu’il est mesurable, la nature des infractions constitue un critère essentiel pour apprécier la gravité d’une infraction (arrêt du Tribunal du 18 juillet 2005, Scandinavian Airlines System/Commission, T-241/01, Rec. p. II-2917, point 84).

275

En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait modéré le montant de l’amende dans ses autres décisions en raison de l’impact limité des ententes sur le marché, à le supposer exact, il y a lieu de souligner que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas en elle-même de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence (arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T-23/99, Rec. p. II-1705, point 234).

276

S’agissant de l’allégation de la requérante exposée à titre subsidiaire, selon laquelle, même si la qualification de l’infraction était correcte, la Commission aurait dû reconnaître que les infractions classées dans la catégorie des infractions très graves variaient quant à leur degré de gravité, et que, en comparaison d’autres affaires d’ententes, l’accord allégué en l’espèce constituait un exemple d’entente considérablement moins intensive et anticoncurrentielle, cette question se confond avec celle de la proportionnalité du montant de l’amende infligée par la Commission en fonction de la gravité de l’infraction en cause qui sera examinée ci-après.

277

Il importe néanmoins de rappeler que, en tout état de cause, la comparaison de la gravité des différentes ententes s’avère presque impossible du fait des circonstances différentes prévalant dans chaque cas.

278

S’agissant de l’affirmation de la requérante selon laquelle la Commission aurait commis une erreur en comparant les différentes amendes par rapport à la taille du marché pertinent, il y a lieu de rappeler que, lors de l’appréciation de la gravité d’une infraction, il incombe à la Commission de tenir compte de nombreux éléments dont le caractère et l’importance varient selon le type d’infraction en cause et les circonstances particulières de l’infraction concernée (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 120). Parmi les éléments attestant la gravité d’une infraction peut notamment figurer, selon le cas, la taille du marché du produit en cause (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Akzo Nobel/Commission, T-330/01, Rec. p. II-3389, point 37).

279

Enfin, il convient de relever qu’une entente horizontale sur les prix d’une ampleur telle que celle qui a été constatée par la Commission dans la décision attaquée, portant sur un secteur économique aussi important, ne saurait, normalement, échapper à la qualification d’infraction très grave, quel que soit son contexte. En tout état de cause, les circonstances avancées par la requérante en l’espèce ne sont pas susceptibles de remettre en cause la validité de l’appréciation de la gravité de l’infraction à laquelle la Commission a procédé.

280

Les griefs de la requérante dirigés contre la qualification de l’entente d’infraction très grave du fait de sa nature doivent donc être écartés.

Sur l’impact concret de l’infraction sur le marché concerné

— Arguments des parties

281

La requérante fait valoir que la Commission n’a pas été en mesure de démontrer, dans la décision attaquée, un préjudice quantifiable.

282

La requérante considère que l’impact de l’entente sur le marché concerné a été limité, étant donné que, pendant la période allant de 1992 jusqu’en 1998, les prix « net-net » sont restés au même niveau en termes réels au Royaume-Uni et ont baissé de 11 % en Allemagne. La requérante souligne que la Commission n’a nullement démontré des effets sur le marché français ou du Benelux. En outre, la Commission aurait omis d’établir l’existence d’un dommage causé au consommateur.

283

La requérante fait encore valoir que les prix et les parts de marché ont évolué au Royaume-Uni et en Allemagne au cours de la période concernée de façon prévisible dans le contexte du retour à des conditions plus normales de concurrence après une violente guerre des prix.

284

Elle admet que la réunion de Londres a pu accélérer la cessation de la guerre des prix, mais nie qu’elle ait pu en être l’unique cause. Selon la requérante, la guerre des prix aurait de toute manière pris fin.

285

La requérante estime également que les échanges d’informations ont eu peu d’effets. À cet égard, elle fait valoir qu’elle n’a utilisé les informations obtenues que pour déterminer s’il y avait un nouvel état d’esprit dans l’industrie. En outre, M. [D] n’aurait communiqué les informations à personne, sauf une fois en 1993. L’absence d’effets desdits échanges se trouverait corroborée par l’examen des éléments réellement échangés. La requérante souligne que, initialement, les échanges portaient sur des données annuelles. En 1993, les échanges seraient devenus semestriels et, en 1996, ils seraient devenus trimestriels. Cependant, les échanges n’auraient pas été effectués sur une base régulière. La requérante précise, en outre, qu’il s’agissait d’informations de nature globale, exprimées sous la forme d’une donnée chiffrée unique pour tout le marché national.

286

La requérante fait valoir en se référant aux arrêts Deere/Commission, point 108 supra, et du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, point 270 supra, que les circonstances ayant donné lieu à la présente affaire sont totalement différentes de celles à l’origine de ces deux arrêts. Dans ces deux affaires, les informations échangées auraient été beaucoup plus détaillées et récentes.

287

En ce qui concerne les avis anticipés sur les augmentations des prix de catalogue, la requérante prétend que, dans presque tous les cas, l’avis anticipé ne précédait que de peu de jours l’annonce desdites augmentations aux consommateurs et que, dans certains cas, il était même concomitant. Ainsi, les informations n’auraient pas été confidentielles au moment où elles étaient communiquées. En outre, la requérante fait observer que les prix de catalogue sont rarement ceux que les clients payent.

288

La requérante considère également que la prétendue infraction n’a pas pu causer de préjudice aux consommateurs, étant donné que les clients sont presque tous des entreprises commerciales avec un pouvoir d’achat considérable et qu’ils ont donc la capacité de négocier des remises en opposant les producteurs les uns aux autres.

289

La requérante conteste également la conclusion de la Commission selon laquelle la concurrence tend à être plus limitée sur un marché oligopolistique. Elle souligne que la répartition des parts de marché a été modifiée de façon considérable avec d’importants déplacements de la clientèle.

290

Enfin, la requérante considère que la Commission n’a pas démontré que l’infraction avait eu un impact sur les marchés français et du Benelux. Elle constate que le principal élément de preuve que fait valoir la Commission est que les échanges d’informations s’étendaient à ces marchés. Elle aurait cependant omis de produire la preuve d’un comportement anticoncurrentiel relatif à ces deux marchés.

291

La Commission estime que l’infraction commise en l’espèce a eu des effets concrets en raison de la nature même du marché en cause.

292

En outre, la Commission estime que la fin de la guerre des prix était l’un des principaux objectifs de l’entente et que l’accord y a effectivement mis un terme. Quant à l’argument de BPB selon lequel l’infraction n’était pas la seule et unique cause de la cessation de la guerre des prix, elle fait valoir que, à supposer même que tel soit bien le cas, cela ne minimise en rien l’impact concret de l’infraction sur le marché concerné.

293

En ce qui concerne les échanges d’informations, la Commission a constaté que ces échanges étaient utilisés pour assurer la surveillance du marché et pour empêcher toute concurrence jugée trop agressive par les entreprises en cause sur les quatre marchés concernés.

294

Elle considère également que le fait que les entreprises ont effectivement annoncé les augmentations de prix convenues et que les prix ainsi annoncés ont servi de base à la fixation des prix de transaction individuels suffit, en lui-même, pour constater que la collusion sur les prix a eu tant pour objet que pour effet une grave restriction de la concurrence. Il ne serait donc pas nécessaire de déterminer si les variations des prix de transaction obtenus ont évolué parallèlement à celles des prix annoncés pour démontrer que l’entente a eu un impact concret sur le marché en cause.

295

La Commission affirme qu’elle n’a à démontrer ni que l’infraction a entraîné un préjudice quantifiable, ni que les consommateurs ont été lésés. Elle fait toutefois valoir, en se référant au considérant 534 de la décision attaquée, que la stabilité accrue des prix et des parts de marché est cohérente avec la mise en œuvre de l’entente. Elle souligne également que les plaques en plâtre sont utilisées dans l’industrie du bâtiment, qu’elles influencent le prix des habitations et, par voie de conséquence, les consommateurs.

296

En ce qui concerne l’étendue géographique de l’entente, la Commission considère que le fait que l’activité anticoncurrentielle ait pu être moins intense sur certains marchés ne signifie pas que l’entente n’a pas fonctionné sur lesdits marchés.

— Appréciation du Tribunal

297

Il convient de rappeler que, selon les termes du point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices, dans son calcul du montant de l’amende en fonction de la gravité de l’infraction, la Commission tient compte, notamment, de « l’impact concret [de l’infraction] sur le marché lorsqu’il est mesurable ».

298

À cet égard, il y a lieu d’analyser la signification exacte des termes « lorsqu’il [c’est-à-dire l’impact concret] est mesurable ». En particulier, il s’agit de déterminer si, au sens de ces termes, la Commission peut uniquement tenir compte de l’impact concret d’une infraction dans le cadre de son calcul des amendes si, et dans la mesure où, elle est en mesure de quantifier cet impact.

299

Il convient de souligner aussi que l’appréciation des effets des accords ou des pratiques au regard de l’article 81 CE implique la nécessité de prendre en considération le cadre concret dans lequel ils s’insèrent, notamment le contexte économique et juridique dans lequel opèrent les entreprises concernées, la nature des biens ou des services affectés, ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du marché ou des marchés en question (arrêt ASNEF-EQUIFAX et Administración del Estado, point 106 supra, point 49).

300

En outre, l’examen de l’impact d’une entente sur le marché implique nécessairement le recours à des hypothèses. Dans ce contexte, la Commission doit notamment examiner quel aurait été le prix du produit en cause en l’absence d’entente. Or, dans l’examen des causes de l’évolution réelle des prix, il est hasardeux de spéculer sur la part respective de chacune d’entre elles. Il convient de tenir compte de la circonstance objective que, en raison de l’entente sur les prix, les entreprises concernées ont précisément renoncé à leur liberté de se concurrencer par les prix. Ainsi, l’évaluation de l’influence résultant de facteurs autres que cette abstention volontaire des entreprises concernées à l’entente est nécessairement fondée sur des probabilités raisonnables et non quantifiables avec précision.

301

Dès lors, à moins d’ôter au critère du point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices son effet utile, il ne saurait être reproché à la Commission de s’être appuyée sur l’impact concret d’une entente sur le marché ayant un objet anticoncurrentiel sans quantifier cet impact ou sans fournir une appréciation chiffrée à ce sujet. Par conséquent, l’impact concret d’une entente sur le marché doit être considéré comme suffisamment démontré si la Commission est en mesure de fournir des indices concrets et crédibles indiquant, avec une probabilité raisonnable, que l’entente a eu un impact sur le marché.

302

En l’espèce, il résulte du résumé de l’analyse effectuée par la Commission (voir considérants 534 à 538 de la décision attaquée) que celle-ci s’est appuyée sur plusieurs indices pour conclure à l’existence d’un effet réel de l’entente sur le marché. En effet, elle a invoqué le fait que les participants à l’entente détenaient la totalité ou la quasi-totalité de l’offre de plaques en plâtre sur les quatre marchés sur lesquels a porté l’entente. Elle a également estimé que les différents éléments de l’entente ont été mis en pratique, en ce que, notamment, les entreprises en cause ont effectivement modifié leur comportement à la suite de la réunion de Londres et que les échanges d’informations décidés ont été mis en œuvre durant toute la période en cause, sur les principaux marchés et plus spécifiquement sur les marchés du Royaume-Uni et allemand. En ce qui concerne les prix, elle a ajouté, en se référant aux considérants 212 et 395 de la décision attaquée, qu’ils avaient eu tendance à remonter ou, à tout le moins, à se stabiliser et que les contacts relatifs aux hausses de prix étaient liés effectivement à la publication de listes de prix ultérieurement repris dans les prix facturés aux clients. De plus, elle a estimé que les parts de marché avaient connu une relative stabilité au cours de la période en cause, plus grande qu’au cours de la période antérieure de 1988 à 1992 qualifiée par les entreprises en cause de guerre des prix, en se référant aux considérants 71, 196 et 289 de la décision attaquée et à l’annexe de celle-ci.

303

Tant le fait que les participants à l’entente détenaient la majorité (voire la quasi-totalité) du marché concerné que la circonstance que les arrangements mis en évidence étaient spécifiquement destinés à porter les prix à un niveau supérieur à celui qu’ils auraient atteint sans eux sont des indications tendant à démontrer que l’infraction était susceptible d’engendrer des effets anticoncurrentiels significatifs.

304

Ainsi, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir considéré que la circonstance que les participants à l’entente détenaient une partie très importante du marché concerné constituait un facteur important dont elle devait tenir compte pour examiner l’impact concret de l’entente sur le marché. Il ne peut en effet être nié que la probabilité qu’une entente sur les prix et sur la stabilisation du marché soit efficace s’accroît avec l’importance des parts de marché que se partagent les participants à cette entente. S’il est vrai que, à elle seule, cette circonstance n’établit pas l’existence d’un impact concret, il n’en reste pas moins que, dans la décision attaquée, la Commission n’a nullement établi une telle relation de cause à effet, mais en a uniquement tenu compte au même titre que d’autres éléments.

305

S’agissant de l’affirmation de la Commission selon laquelle les prix ont effectivement eu tendance à remonter ou, à tout le moins, à se stabiliser (considérant 534 de la décision attaquée), il y a lieu de remarquer que la Commission ne présente pas de statistiques sur l’évolution des prix, mais se contente de relever que BPB et Lafarge auraient indiqué dans leur réponse à la communication des griefs que les prix sur les marchés du Royaume-Uni et allemand avaient eu tendance à remonter ou, tout au moins, à se stabiliser.

306

À cet égard, il y a lieu de relever les éléments suivants. En premier lieu, en ce qui concerne la réponse de Lafarge à la communication des griefs, il ressort du point 58 ci-dessus que le Tribunal a décidé, à titre surabondant, de l’écarter en tant qu’élément à charge contre la requérante. En deuxième lieu, même si la réponse de la requérante à la communication des griefs peut être interprétée comme la Commission le prétend, à savoir que, pour les marchés du Royaume-Uni et allemand, la requérante elle-même aurait admis la tendance des prix à remonter ou, tout au moins, à se stabiliser, les marchés français et du Benelux ne sont pas couverts par cette affirmation. En troisième lieu, il ressort de la réponse de la requérante à la communication des griefs qu’elle a affirmé que, pendant la période allant de 1992 jusqu’en 1998, les prix pratiqués lors des transactions étaient restés au même niveau en termes réels au Royaume-Uni et avaient baissé en Allemagne.

307

Or, il ne saurait être exigé de la Commission, lorsque la mise en œuvre d’une entente est établie, qu’elle démontre systématiquement que les accords ont effectivement permis aux entreprises concernées d’atteindre un niveau de prix de transaction supérieur à celui qui aurait prévalu en l’absence d’entente. Il serait disproportionné d’exiger une telle démonstration qui absorberait des ressources considérables étant donné qu’elle nécessiterait le recours à des calculs hypothétiques, fondés sur des modèles économiques dont l’exactitude n’est que difficilement vérifiable par le juge et dont le caractère infaillible n’est nullement prouvé (conclusions de l’avocat général M. Mischo sous l’arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Mo och Domsjö/Commission, C-283/98 P, Rec. p. I-9855, I-9858, point 109).

308

En l’espèce, il ressort de la décision attaquée et de l’aveu même de la requérante que la guerre des prix a pris fin, ce qui a eu, par définition, pour effet de porter les prix à des niveaux supérieurs à ceux qui auraient prévalu en l’absence d’arrangements illicites.

309

En outre, le fait que les contacts relatifs aux hausses de prix étaient liés à la publication de listes de prix ultérieurement repris dans les prix facturés aux clients (considérant 534 de la décision attaquée) a eu, par nature, une incidence sur le marché et sur le comportement des différents acteurs, du côté tant de l’offre que de la demande, compte tenu de ce que ces annonces ont influencé le processus de détermination des prix, en ce que le prix annoncé constituait une référence en cas de négociation individuelle des prix de transaction avec les clients (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Finnboard/Commission, T-338/94, Rec. p. II-1617, point 342), lesquels ont nécessairement vu leur marge de négociation des prix limitée (voir, en ce sens, arrêt LVM/Commission, point 234 supra, point 745).

310

De plus, la fixation d’un prix, même simplement indicatif, affecte le jeu de la concurrence par le fait qu’elle permet à tous les participants à l’entente de prévoir avec un degré raisonnable de certitude quelle sera la politique de prix poursuivie par leurs concurrents (arrêt de la Cour du 17 octobre 1972, Vereeniging van Cementhandelaren/Commission, 8/72, Rec. p. 977, point 21). Plus généralement, de telles ententes comportent une intervention directe dans les paramètres essentiels de la concurrence sur le marché concerné (arrêt du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, point 270 supra, point 675). En effet, en exprimant une volonté commune d’appliquer un certain niveau de prix à leurs produits, les producteurs concernés ne déterminent plus de manière autonome leur politique sur le marché, portant ainsi atteinte à la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence (voir, en ce sens, arrêt BPB de Eendracht/Commission, point 270 supra, point 192).

311

En conséquence, le Tribunal estime que la Commission a démontré, à suffisance de droit, un impact concret de l’entente sur le marché concerné quant aux prix.

312

S’agissant de l’affirmation de la Commission figurant au considérant 534 de la décision attaquée selon laquelle les parts de marché ont connu une relative stabilité au cours de la période en question du fait de l’infraction en cause, il y a lieu de relever que cette affirmation n’est pas confirmée. Certes, il ressort du tableau figurant à l’annexe de la décision attaquée, auquel se réfère la Commission, que les parts de marché pendant la période allant de 1992 jusqu’en 1998 semblent être restées relativement stables. Néanmoins, en l’absence de données relatives à la situation sur le marché concerné avant l’entente, ce tableau ne prouve pas à suffisance de droit que la stabilité, à la supposer établie, a été la conséquence de l’infraction en cause.

313

En ce qui concerne les échanges d’informations, il est de jurisprudence constante qu’il y a lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu’il incombe aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché. Il en est d’autant plus ainsi lorsque la concertation a lieu sur une base régulière au cours d’une longue période, comme c’est le cas en l’espèce (voir arrêt HFB e.a./Commission, point 79 supra, point 216, et la jurisprudence citée).

314

À la lumière des considérations qui précèdent, le Tribunal constate que la Commission a suffisamment prouvé les effets de l’infraction sur le marché concerné, à l’exception de la stabilité des parts de marché. Vu la gravité des comportements en cause et la nature du marché, un effet sur les marchés français et du Benelux peut également être présumé.

315

Ainsi, il y a lieu encore d’examiner si le fait que la Commission n’a pas prouvé tous les effets prétendus de l’infraction a une incidence sur la qualification de l’infraction d’infraction très grave et donc sur le montant de l’amende.

316

À cet égard, il convient de rappeler que la gravité des infractions doit être établie en fonction de nombreux éléments tels que les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (arrêt de la Cour du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C-219/95 P, Rec. p. I-4411, point 33).

317

Le Tribunal a jugé, dans son arrêt Michelin/Commission, point 273 supra (points 258 et 259), que la gravité de l’infraction pouvait être établie par référence à la nature et à l’objet des comportements abusifs et que, selon une jurisprudence constante, des éléments relevant de l’objet d’un comportement pouvaient avoir plus d’importance aux fins de la fixation du montant de l’amende que ceux relatifs à ses effets.

318

La Cour a confirmé cette approche en considérant que l’effet d’une pratique anticoncurrentielle n’était pas un critère déterminant dans l’appréciation du montant adéquat de l’amende. Des éléments relevant de l’aspect intentionnel peuvent avoir plus d’importance que ceux relatifs auxdits effets, surtout lorsqu’il s’agit d’infractions intrinsèquement graves telles que la fixation des prix et la répartition des marchés (arrêt du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, point 180 supra, point 118).

319

Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que les ententes horizontales en matière de prix ont toujours été considérées comme faisant partie des infractions les plus graves au droit communautaire de la concurrence (arrêts du Tribunal Tate & Lyle e.a./Commission, point 154 supra, point 103, et du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T-213/00, Rec. p. II-913, point 262).

320

Enfin, il importe également de souligner que la Commission n’a pas accordé au critère de l’impact réel de l’infraction sur le marché une importance prépondérante dans la fixation du montant de départ de l’amende. En effet, elle a également fondé son appréciation sur d’autres éléments, à savoir la constatation que l’infraction devait être qualifiée de très grave par sa nature même (considérants 528 à 530 de la décision attaquée) et que le marché géographique concerné constituait une part importante du marché communautaire, géographiquement et en valeur, puisqu’il représentait environ 80 % de la valeur totale de ce marché (considérants 539 à 542 de la décision attaquée).

321

Dès lors, au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, c’est à bon droit que la Commission a qualifié l’infraction de très grave.

322

En outre, le Tribunal estime, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction et à la lumière des considérations qui précèdent, que le fait de n’avoir démontré que partiellement les effets de l’infraction n’est pas susceptible de remettre en cause l’appréciation du montant de départ de l’amende fixé en fonction de la gravité, telle qu’effectuée par la Commission.

Sur la détermination du montant de départ de l’amende en fonction de la gravité de l’infraction

— Arguments des parties

323

La requérante considère que, selon le point 1 A, deuxième alinéa, troisième tiret, des lignes directrices, une infraction très grave peut donner lieu à l’imposition d’une amende dont le montant de départ envisageable peut être supérieur à 20 millions d’euros. Elle estime que, compte tenu de cette disposition, la Commission devrait expliquer sur la base de quel critère elle a opté pour un montant supérieur à 20 millions d’euros. À défaut d’une telle explication, le chiffre retenu semblerait avoir été choisi au hasard.

324

La requérante affirme que son amende est également disproportionnée et excessive par rapport à son chiffre d’affaires. Elle fait remarquer que l’amende infligée représente 18,1 % de son chiffre d’affaires réalisé en Europe avec sa production de plaques en plâtre, 24,3 % de son chiffre d’affaires réalisé avec ce produit sur les quatre principaux marchés et 44,4 % de son chiffre d’affaires réalisé avec ce même produit au Royaume-Uni et en Allemagne en 2001/2002. En outre, son amende serait beaucoup trop élevée par rapport à ses chiffres d’affaires en comparaison des autres amendes infligées pour la même infraction ou pour des infractions comparables.

325

La requérante estime que, pour examiner la proportionnalité de l’amende, la comparaison avec d’autres affaires ne saurait être dépourvue d’intérêt. Elle s’interroge sur la question de savoir quel est le paramètre permettant d’apprécier la proportionnalité si elle n’est pas en mesure de faire valoir que l’amende est disproportionnée par rapport à des cas similaires et contemporains ou par rapport à son chiffre d’affaires ou à celui d’autres entreprises.

326

La requérante soutient encore que le retard d’au moins une année avec lequel la Commission a arrêté la décision attaquée a contribué à lui faire supporter l’imposition d’une amende beaucoup plus élevée que celle qui lui aurait probablement été infligée si ladite décision avait été adoptée à la fin de 2001 et non le 27 novembre 2002. En effet, à ce moment-là, la Commission se serait efforcée de détourner l’attention du public d’une série d’échecs dans un certain nombre d’affaires en matière de concentration, cherchant dès lors à tirer un profit politique maximal de l’imposition de « lourdes amendes » pour cette entente.

327

La Commission affirme que les montants de départ fixés pour chacune des entreprises présentent un lien évident et proportionné entre eux et qu’ils dépendent de la gravité de l’infraction.

328

La Commission indique que les motifs qui l’ont conduite à fixer le montant initial à 80 millions d’euros sont exposés aux considérants 545 à 549 de la décision attaquée. Elle affirme qu’elle n’est pas tenue de motiver davantage son choix.

329

La Commission fait valoir que toute comparaison avec les amendes infligées dans les autres affaires est dépourvue d’intérêt, car elle détermine le montant des amendes cas par cas et peut, en tout état de cause, augmenter le montant général des amendes dans les limites fixées par le règlement no 17 si cela s’avère nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique de concurrence. La Commission présente un tableau des montants de départ d’amendes infligées dans des affaires ayant trait aux marchés dont les valeurs sont les plus élevées pour démontrer que le montant de départ de l’amende infligée à la requérante n’est pas plus sévère que ceux des amendes imposées dans d’autres affaires et qu’au contraire il est nettement moins élevé dès lors que la taille du marché en cause est prise en considération. Elle souligne cependant qu’elle ne cherche pas à justifier le montant de départ en se référant à ce tableau, qui ne se rapporte qu’à l’un des éléments pris en compte lors de l’évaluation du montant de départ.

330

Enfin, la Commission fait valoir que BPB n’a ni démontré l’existence d’un retard excessif eu égard à la complexité de l’affaire, ni établi que ce retard avait porté atteinte aux droits de la défense. Les affirmations de BPB concernant le climat politique ne sont que pures spéculations et sans rapport avec la question de savoir si l’amende infligée était légale.

— Appréciation du Tribunal

331

En ce qui concerne la portée de l’obligation de motivation concernant le calcul du montant d’une amende infligée pour violation des règles communautaires de concurrence, il convient de rappeler que celle-ci doit être déterminée au regard des dispositions de l’article 15, paragraphe 2, second alinéa, du règlement no 17, aux termes duquel, « [p]our déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci ». À cet égard, les lignes directrices, ainsi que la communication sur la coopération, contiennent des règles indicatives sur les éléments d’appréciation dont il est tenu compte par la Commission pour mesurer la gravité et la durée de l’infraction (arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T-220/00, Rec. p. II-2473, point 217). Dans ces conditions, les exigences de formalité substantielle que constitue l’obligation de motivation sont remplies lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d’appréciation dont elle a tenu compte en application de ses lignes directrices et, le cas échéant, de la communication sur la coopération, et qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction aux fins du calcul du montant de l’amende (arrêt Cheil Jedang/Commission, précité, point 218).

332

Il est certes vrai que, en l’espèce, la Commission n’a pas indiqué d’éléments chiffrés autres que ceux relatifs aux parts de marché des entreprises en cause sur la base desquels elle a fixé le montant de départ de l’amende infligée à la requérante à 80 millions d’euros.

333

Toutefois, il n’incombe pas à la Commission au titre de l’obligation de motivation, d’indiquer dans sa décision les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul du montant des amendes (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C-286/98 P, Rec. p. I-9925, point 66).

334

L’indication de données chiffrées relatives au mode de calcul du montant des amendes, pour utiles que soient de telles données, n’est pas indispensable au respect de l’obligation de motivation d’une décision infligeant des amendes, étant souligné, en tout état de cause, que la Commission ne saurait, par le recours exclusif et mécanique à des formules arithmétiques, se priver de son pouvoir d’appréciation (arrêt de la Cour du 2 octobre 2003, Salzgitter/Commission, C-182/99 P, Rec. p. I-10761, point 75).

335

En effet, en ce qui concerne la motivation de la fixation du montant des amendes en termes absolus, il y a lieu de rappeler que les amendes constituent un instrument de la politique de concurrence de la Commission qui doit pouvoir disposer d’une marge d’appréciation dans la fixation de leur montant afin d’orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de concurrence (arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission, T-150/89, Rec. p. II-1165, point 59).

336

De plus, il importe d’éviter que les amendes ne soient facilement prévisibles par les opérateurs économiques. En effet, si la Commission avait l’obligation d’indiquer dans sa décision les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul du montant des amendes, il serait porté atteinte à l’effet dissuasif de celles-ci. Si le montant de l’amende était le résultat d’un calcul obéissant à une simple formule arithmétique, les entreprises auraient la possibilité de prévoir l’éventuelle sanction et de la comparer aux bénéfices qu’elles tireraient de l’infraction aux règles du droit de la concurrence.

337

En l’espèce, il importe de relever que la Commission a exposé, aux considérants 522 à 553 de la décision attaquée, les éléments qu’elle a pris en considération pour calculer le montant des amendes au titre de la gravité de l’infraction de chacune des entreprises concernées. Or, il ressort des considérants susmentionnés que la Commission a fait apparaître de façon claire et détaillée le raisonnement qu’elle a suivi, permettant ainsi à la requérante de connaître les éléments d’appréciation pris en compte pour mesurer la gravité de l’infraction aux fins du calcul du montant de l’amende et au Tribunal d’exercer son contrôle. Il y a donc lieu de conclure que la décision attaquée satisfait à l’exigence de motivation qui incombe à la Commission au titre de l’article 253 CE.

338

En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel son amende est disproportionnée et excessive par rapport à son chiffre d’affaires, il suffit de rappeler que, la Commission n’étant pas obligée d’effectuer le calcul du montant de l’amende à partir de montants basés sur le chiffre d’affaires des entreprises concernées, elle n’est pas non plus tenue d’assurer, au cas où des amendes imposées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que les montants finals des amendes auxquels son calcul aboutit pour les entreprises concernées traduisent toute différenciation entre celles-ci quant à leur chiffre d’affaires global ou à leur chiffre d’affaires sur le marché du produit en cause (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 90 supra, points 255 et 312).

339

En outre, le droit communautaire ne contient pas de principe d’application générale selon lequel la sanction doit être proportionnée à l’importance de l’entreprise sur le marché des produits faisant l’objet de l’infraction (arrêt de la Cour du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C-397/03 P, Rec. p. I-4429, point 101).

340

L’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 n’exige pas non plus que, au cas où des amendes sont imposées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, le montant de l’amende infligée à une entreprise de petite ou de moyenne taille ne soit pas supérieur, en pourcentage du chiffre d’affaires, à celui des amendes infligées aux entreprises plus grandes. En effet, il ressort de cette disposition que, tant pour les entreprises de petite ou de moyenne taille que pour celles de taille supérieure, il y a lieu de prendre en considération, pour déterminer le montant de l’amende, la gravité et la durée de l’infraction. Dans la mesure où la Commission impose, aux entreprises impliquées dans une même infraction, des amendes justifiées, pour chacune d’elles, par rapport à la gravité et à la durée de l’infraction, il ne saurait lui être reproché que, pour certaines d’entre elles, le montant de l’amende soit supérieur, au regard du chiffre d’affaires, à celui d’autres entreprises (arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, Dansk Rørindustri/Commission, T-21/99, Rec. p. II-1681, point 203).

341

L’argument de la requérante selon lequel le caractère disproportionné de l’amende infligée est manifeste lorsque son montant est comparé à celui des amendes imposées à d’autres entreprises dans des affaires similaires doit également être rejeté. La Commission ne saurait, en effet, être obligée de fixer des amendes proportionnées aux chiffres d’affaires et en cohérence parfaite avec celles fixées dans de précédentes affaires.

342

Il y a lieu de souligner, à cet égard, que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas en elle-même de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence. Le fait que la Commission a appliqué, dans le passé, des amendes d’un certain niveau à certains types d’infractions ne saurait la priver de la possibilité d’élever ce niveau dans les limites indiquées par le règlement no 17, si cela est nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique communautaire de concurrence (arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 278 supra, point 109).

343

Il convient d’ajouter que la gravité des infractions doit être établie en fonction de nombreux éléments tels que les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (arrêt Ferriere Nord/Commission, point 316 supra, point 33, et arrêt LR AF 1998/Commission, point 275 supra, point 236). Or, les données pertinentes, telles que les marchés, les produits, les pays, les entreprises et les périodes concernés diffèrent selon chaque affaire. Il s’ensuit que la Commission ne saurait être obligée d’imposer à des entreprises des amendes dont le montant correspond à des pourcentages identiques de leurs chiffres d’affaires respectifs dans les affaires comparables sur le plan de la gravité des infractions (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 janvier 2004, JCB Service/Commission, T-67/01, Rec. p. II-49, points 187 à 189).

344

À cet égard, il y a lieu de rappeler que le Tribunal est compétent pour apprécier, dans le cadre du pouvoir de pleine juridiction qui lui est reconnu par les articles 229 CE et 17 du règlement no 17, le caractère approprié du montant des amendes.

345

En l’espèce, le Tribunal considère que l’infraction est particulièrement grave, compte tenu de certains éléments, ainsi que la Commission l’a fait observer aux considérants 534, 535 et 539 à 542 de la décision attaquée. Il s’agit, notamment, du caractère oligopolistique du marché et du fait que l’infraction en cause affectait la totalité ou la quasi-totalité de l’offre de plaques en plâtre sur les quatre marchés nationaux faisant l’objet de l’entente. En outre, la taille du marché concerné, tant au niveau géographique qu’en termes de valeur, était grande. En effet, les quatre marchés concernés étaient les principaux marchés communautaires des plaques en plâtre et représentaient environ 80 % de la valeur totale du marché communautaire, laquelle s’élevait à 1,21 milliard d’euros la dernière année complète de l’infraction. Enfin, eu égard à la nature du produit concerné, l’entente a nécessairement eu un impact sur une partie substantielle du marché de la construction et a ainsi affecté un secteur très important pour l’ensemble de l’économie.

346

Au demeurant, il n’apparaît pas que le montant de départ fixé en fonction de la gravité de l’infraction en l’espèce soit plus sévère que celui imposé dans d’autres affaires au regard de la taille du marché en cause. Toutefois, cette comparaison ne signifie pas que la taille du marché pertinent est le meilleur ou le seul critère pour comparer les amendes infligées dans différentes ententes. En effet, une comparaison entre plusieurs ententes est difficile, étant donné que les différents éléments que la Commission peut prendre en compte afin d’évaluer la gravité de l’infraction sont nombreux. De plus, ainsi que cela a été rappelé au point 342 ci-dessus, une telle comparaison ne peut, en tout état de cause, être effectuée qu’à titre indicatif dès lors que la pratique décisionnelle de la Commission ne saurait servir de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence.

347

Compte tenu des nombreux éléments rendant l’infraction particulièrement grave en l’espèce (voir point 345 ci-dessus), le Tribunal estime que le montant de départ de l’amende infligée à la requérante fixé en fonction de la gravité de l’infraction est proportionné.

348

Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel sa sanction aurait été moins élevée si la Commission avait mis fin à la procédure administrative plus tôt, étant donné que ce n’est que tout récemment qu’elle a augmenté le niveau général des sanctions, il doit être rejeté. En effet, même en admettant que le niveau général des amendes ait augmenté pendant la durée de la procédure administrative, il suffit de rappeler que le fait que la Commission a appliqué, dans le passé, des amendes d’un certain niveau à certains types d’infractions ne saurait la priver de la possibilité d’élever ce niveau dans les limites indiquées dans le règlement no 17, si cela est nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique communautaire de la concurrence, mais que, au contraire, l’application efficace des règles communautaires de la concurrence exige que la Commission puisse, à tout moment, adapter le niveau des amendes aux besoins de cette politique (arrêts Musique diffusion française e.a./Commission, point 273 supra, point 109, et du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 90 supra, point 169).

349

Il résulte de tout ce qui précède que les arguments de la requérante visant à démontrer que le montant de départ de l’amende déterminé en fonction de la gravité de l’infraction était disproportionné doivent être rejetés.

Sur la durée de l’infraction

Arguments des parties

350

La requérante considère que la Commission a erronément apprécié la durée de l’infraction alléguée sur la base d’événements isolés et distincts. La Commission aurait eu tort d’estimer qu’elle avait commis une infraction ayant duré du 31 mars 1992 au 25 novembre 1998, à savoir 6 ans et 7 mois, ce qui constituerait une infraction de longue durée justifiant une majoration de 65 % du montant de départ de l’amende.

351

La requérante soutient que les prétendues infractions se partagent en deux périodes séparées. La première comprendrait la réunion de Londres et l’échange d’informations entre M. [A] et les cousins de la famille Knauf de 1992 jusqu’au début ou au milieu de 1993, et la seconde comprendrait les échanges d’informations du milieu ou de la fin de 1993 à 1998 entrepris par M. [D] et les P.-D.G. des autres entreprises en cause. Ces événements seraient sans rapport avec d’autres infractions alléguées, lesquelles se seraient produites au cours de la période de 1994 à 1998, ainsi qu’avec l’échange de données sur les ventes au Royaume-Uni du milieu de 1992 à février 1998.

352

Dans ces conditions, la requérante maintient qu’il n’existe pas d’accord complexe et continu et fait valoir que, conformément au règlement (CEE) no 2988/74 du Conseil, du 26 novembre 1974, relatif à la prescription en matière de poursuites et d’exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de la Communauté économique européenne (JO L 319, p. 1), les infractions commises antérieurement à la période de cinq ans dont la fin se situe au début des inspections de la Commission sont prescrites et ne peuvent faire l’objet de l’imposition d’une amende.

353

De plus, la requérante souligne que M. [D] a poursuivi les échanges d’informations en mars et en novembre 1998, alors même qu’elle l’avait interdit en mars 1998. La requérante estime qu’elle ne peut être responsable des activités d’un employé qui agit contre ses instructions et que la fin de l’infraction devrait donc être fixée à la fin de mars 1998.

354

La requérante fait encore valoir que les lignes directrices ne sont pas claires sur la question de savoir si la Commission peut tenir compte de fractions d’années. En faveur d’une interprétation stricte des lignes directives, la requérante considère que la Commission aurait pu imposer au maximum une majoration de 60 % du montant de départ au lieu de 65 %, à savoir 10 % pour chaque année complète d’infraction.

355

La requérante fait également remarquer que la Commission ne devrait pas toujours appliquer une majoration de 10 %, comme elle l’a fait automatiquement dans toutes les récentes affaires d’entente. Elle estime que la Commission devrait tenir compte de toutes les circonstances pertinentes de l’affaire en déterminant la majoration de l’amende. Elle ajoute que cela a été la pratique de la Commission dans ses décisions 98/273/CE, du 28 janvier 1998, relative à une procédure d’application de l’article [81CE] (IV/35.733 — VW) (JO L 124, p. 60), et 2002/190/CE, du 21 décembre 2000, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] (affaire COMP.F.1/35.918 — JCB) (JO 2002, L 69, p. 1), ainsi que dans l’affaire des Conduites précalorifugées, dans lesquelles elle aurait tenu compte de l’intensité de l’infraction au cours des différentes périodes.

356

La Commission estime que les arguments avancés par BPB sont une nouvelle tentative de contester l’infraction unique, complexe et continue telle qu’elle l’a constatée dans la décision attaquée.

357

En ce qui concerne le comportement de M. [D], la Commission estime qu’elle n’est pas tenue de faire une distinction entre les divers organes de l’entreprise, dont certains participaient activement à l’entente tandis que d’autres tentaient d’y mettre un terme.

358

Selon la Commission, il n’est indiqué nulle part dans les lignes directrices qu’elle doit se limiter à majorer le montant des amendes pour les années complètes d’infraction. Elle explique que le risque d’une forte majoration en fonction de la durée de l’infraction renforce nécessairement l’incitation à dénoncer celle-ci ou à coopérer avec elle. En effet, une approche contraire irait à l’encontre de son objectif déclaré d’augmenter le montant de l’amende en fonction de la durée de l’infraction.

Appréciation du Tribunal

359

Les arguments de la requérante visant à démontrer qu’il s’agit d’infractions séparées dont une partie serait, de ce fait, prescrite se confondent avec ceux exposés dans le cadre du troisième moyen. Ainsi, le Tribunal ayant précédemment constaté que la Commission n’avait commis aucune erreur en considérant qu’il s’agissait d’une infraction unique et continue, les arguments de la requérante doivent être rejetés.

360

S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel sa participation à l’infraction aurait déjà pris fin en mars 1998 si M. [D] n’avait pas transgressé ses instructions, il est dénué de pertinence. Une entreprise — c’est-à-dire une unité économique comprenant des éléments personnels, matériels et immatériels (arrêt de la Cour du 13 juillet 1962, Mannesmann/Haute Autorité, 19/61, Rec. p. 675, 705 et 706) — est dirigée par les organes prévus par son statut juridique et toute décision lui infligeant une amende peut être adressée à la direction statutaire de l’entreprise (conseil d’administration, comité directeur, président, gérant, etc.). Les règles de concurrence seraient facilement contournées si l’on exigeait de la Commission, confrontée au comportement infractionnel d’une entreprise, de vérifier et de prouver qui est l’auteur des différents agissements, ce qui pourrait avoir pour effet de l’empêcher de sanctionner l’entreprise qui a bénéficié de l’entente.

361

En ce qui concerne l’affirmation de la requérante selon laquelle les lignes directrices ne seraient pas claires sur la question de savoir si la Commission peut tenir compte des fractions d’années, il suffit de constater que rien dans les lignes directrices n’interdit la prise en compte de la durée réelle de l’infraction dans le cadre du calcul du montant de l’amende. Une telle approche est tout à fait logique et raisonnable et s’inscrit, en tout état de cause, dans le cadre du pouvoir d’appréciation de la Commission.

362

En ce qui concerne la contestation par la requérante du fait que la Commission a appliqué automatiquement le taux maximal de 10 % par année, il y a lieu de rappeler que, même si le point 1 B, premier alinéa, troisième tiret, des lignes directrices ne prévoit pas de majoration automatique de 10 % par année pour les infractions de longue durée, il laisse à cet égard une marge d’appréciation à la Commission (arrêt Cheil Jedang/Commission, point 331 supra, point 134).

363

En l’espèce, au considérant 554 de la décision attaquée, la Commission a constaté que BPB avait commis l’infraction pendant six ans et sept mois, soit une durée longue au sens des lignes directrices, et elle a ainsi augmenté le montant de l’amende retenu au titre de la gravité de l’infraction de 65 %. Il en ressort que la Commission a respecté les règles qu’elle s’était imposées dans les lignes directrices. De plus, le Tribunal estime que l’augmentation de 65 %, eu égard à la durée de l’infraction, n’est, en l’espèce, pas disproportionnée.

364

S’agissant de l’affirmation de la requérante selon laquelle la Commission n’aurait pas tenu compte de l’intensité différenciée de l’infraction pendant la période en cause, il y a lieu de rappeler que l’augmentation se fait par l’application d’un certain pourcentage au montant de départ qui est déterminé en fonction de la gravité de l’ensemble de l’infraction, reflétant déjà ainsi les différentes intensités de l’infraction. Ainsi, il ne serait pas logique de prendre en compte pour l’augmentation de ce montant au titre de la durée de l’infraction une variation dans l’intensité de l’infraction pendant la période concernée.

365

En ce que BPB soutient que la Commission aurait appliqué dans les autres affaires concernant des restrictions de nature et de durées similaires des majorations au titre de la durée de l’infraction inférieures à celle appliquée en l’espèce, il suffit de souligner que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas en elle-même de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, étant donné que celui-ci est uniquement défini dans le règlement no 17 et que, par ailleurs, les opérateurs ne peuvent placer une confiance légitime dans le maintien d’une situation existante pouvant être modifiée par la Commission dans le cadre de son pouvoir d’appréciation (arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 90 supra, point 171).

366

Il s’ensuit que le grief tiré du caractère erroné de la majoration du montant de l’amende au titre de la durée de l’infraction doit être écarté.

Sur la récidive

Arguments des parties

367

La requérante estime que la majoration de 50 %, soit 66 millions d’euros, du montant de base de l’amende au titre de la récidive est excessive et disproportionnée.

368

En premier lieu, la requérante fait valoir que le rôle que sa filiale a joué dans l’infraction antérieure a été mineur et passif [décision 94/601/CE de la Commission, du 13 juillet 1994, relative à une procédure d’application de l’article [81 CE] (IV/C/33.833 — Carton) (JO L 243, p. 1)]. En conséquence, l’amende finalement infligée à sa filiale n’aurait été que de 750000 euros. En outre, l’infraction antérieure aurait été sanctionnée plus de huit ans avant la publication de la décision attaquée. La requérante soutient que la Commission ne saurait fixer mécaniquement une majoration sur la base de l’existence d’une infraction antérieure. Elle devrait tenir compte de toutes les circonstances de l’infraction antérieure : sa nature, les circonstances dans lesquelles elle a été commise, le temps qui s’est écoulé depuis et la sanction infligée. La requérante se réfère à de nombreux ordres juridiques pour montrer que la nature de toute infraction antérieure et le temps qui s’est écoulé depuis qu’elle a été commise sont pris en compte lorsqu’une juridiction envisage une majoration de la sanction au titre de la récidive.

369

En deuxième lieu, la requérante fait valoir que la Commission ne peut majorer l’amende au titre de la récidive lorsque la première et la deuxième infraction sont concomitantes. En l’espèce, la décision dans l’affaire Carton (voir point 368 ci-dessus) a été adoptée le 13 juillet 1994 et, dès lors, la majoration de 50 % n’aurait dû être appliquée qu’à partir de ce moment-là. Selon la requérante, la majoration devrait donc être réduite en conséquence à 43,7 millions d’euros. En considérant la situation d’un autre point de vue, le facteur aggravant ne devrait s’appliquer qu’à l’amende majorée au titre de la durée de l’infraction à compter de juillet 1994. Dans ce cas, le montant à ajouter au titre des circonstances aggravantes serait de 56 millions d’euros.

370

En troisième lieu, la requérante soutient que la majoration est excessive et disproportionnée parce qu’elle dépasse le montant de départ de l’amende imposée au titre de la gravité de l’infraction à Knauf, à Lafarge et à Gyproc.

371

En quatrième lieu, la requérante fait valoir que la majoration a dépassé la réduction de 30 % qui lui a été accordée au titre de la reconnaissance de sa coopération avec la Commission dans la présente affaire. Elle estime que les réductions accordées au titre de la coopération devraient être réelles et ne pas être neutralisées du fait de la majoration pour récidive.

372

En cinquième lieu, la requérante fait valoir qu’il n’y a qu’une seule décision de la Commission, celle concernant l’affaire British Sugar (voir point 264 ci-dessus), dans laquelle la majoration a été plus élevée, à savoir 75 % du montant de base, et que, dans cette affaire, la majoration était fondée sur le rôle d’instigatrice que British Sugar avait joué dans la première infraction. Elle estime que, au regard des circonstances de cette affaire ainsi qu’au regard de la décision 2002/405/CE de la Commission, du 20 juin 2001, relative à une procédure d’application de l’article 82 [CE] (COMP/E-2/36.041/PO — Michelin) (JO 2002, L 143, p. 1), la majoration de 50 % qui lui a été appliquée est excessive.

373

Enfin, la requérante fait valoir que la Commission lui a appliqué la même majoration au titre de la récidive qu’à Lafarge, bien que l’infraction commise par cette dernière dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à la décision 94/815/CE de la Commission, du 30 novembre 1994, relative à une procédure d’application de l’article [81 CE] (Affaire IV/33.126 et 33.322 — Ciment) (JO L 343, p. 1), ait été plus grave que celle sanctionnée dans l’affaire Carton. La requérante estime que la Commission aurait dû tenir compte des différences existant entre les deux ententes antérieures, notamment le rôle significatif de Lafarge, la durée longue de l’entente à laquelle celle-ci avait participé et le fait qu’elle avait été sanctionnée par une amende d’un montant de 14,9 millions d’euros pour cette infraction. En omettant de tenir compte de ces différences et en imposant la même majoration de 50 % aux deux entreprises, la Commission aurait violé le principe d’égalité de traitement.

374

La Commission considère la récidive comme une circonstance aggravante dans la mesure où l’entreprise concernée commet une nouvelle infraction alors qu’elle a déjà été sanctionnée pour une infraction du même type et qu’elle a donc été clairement avertie que ce comportement était illégal et ne devait pas être répété.

375

En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la première et la deuxième infraction sont concomitantes et que la majoration devrait être appliquée en conséquence, la Commission soutient que cette affirmation ne prend pas en compte le fait que la majoration vise à sanctionner la volonté de l’entreprise de violer les règles de concurrence alors que des sanctions lui ont déjà été infligées dans le passé.

376

La question de savoir si la majoration au titre de la récidive serait supérieure ou inférieure au montant de départ de l’amende infligée à d’autres entreprises ou par rapport à la réduction accordée du fait de la coopération de BPB serait totalement dénuée de pertinence.

377

Selon la Commission, BPB a ajouté un grief qui ne figurait pas dans sa requête, à savoir que la Commission aurait dû tenir compte de la durée écoulée depuis l’infraction précédente, qui, selon la réplique, a eu lieu « plus de huit ans avant la publication de la décision en l’espèce ». Ce grief serait irrecevable au titre de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure.

Appréciation du Tribunal

378

Il ressort de la jurisprudence que le fait de prendre en compte des circonstances aggravantes, lors de la fixation du montant de l’amende, est conforme à la mission de la Commission d’assurer la conformité aux règles de concurrence (arrêt de la Cour du 29 juin 2006, SGL Carbon/Commission, C-308/04 P, Rec. p. I-5977, point 71).

379

Ainsi, une éventuelle récidive figure parmi les éléments à prendre en considération lors de l’analyse de la gravité de l’infraction en cause (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 36 supra, point 91).

380

En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’aurait pas correctement tenu compte de toutes les circonstances de l’infraction antérieure, il doit être rejeté.

381

Tout d’abord, s’agissant du délai qui s’est écoulé entre les deux infractions, il est constant que la première infraction a été sanctionnée après le commencement de l’infraction en cause.

382

Conformément à une jurisprudence constante, la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation en ce qui concerne le choix des éléments à prendre en considération aux fins de la détermination du montant des amendes, tels que les circonstances particulières de l’affaire, le contexte de celle-ci et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’il soit nécessaire de se rapporter à une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance de la Cour du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C-137/95 P, Rec. p. I-1611, point 54, et arrêt du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C-219/95 P, Rec. p. I-4411, point 33).

383

Il convient de souligner que le constat et l’appréciation des caractéristiques spécifiques d’une récidive font partie dudit pouvoir de la Commission et que cette dernière ne saurait être liée par un éventuel délai de prescription pour un tel constat. En effet, la récidive constitue un élément important que la Commission est appelée à apprécier, étant donné que sa prise en compte vise à inciter les entreprises, qui ont manifesté une propension à s’affranchir des règles de concurrence, à modifier leur comportement. La Commission peut, dès lors, dans chaque cas, prendre en considération les indices tendant à confirmer une telle propension, y compris le temps qui s’est écoulé entre les infractions en cause.

384

À cet égard, il y a lieu de relever que le Tribunal a considéré qu’un laps de temps de moins de dix ans qui avait séparé les constats de deux infractions témoignait de la propension d’une entreprise à ne pas tirer les conséquences appropriées d’un constat à son égard d’une infraction aux règles de concurrence (arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T-38/02, Rec. p. II-4407, points 354 et 355).

385

À plus forte raison, en l’espèce, l’historique des infractions constatées à l’encontre de la requérante témoigne de sa propension à ne pas tirer les conséquences appropriées d’un constat à son égard d’une infraction aux règles de concurrence étant donné que, ayant déjà fait l’objet de mesures antérieures de la Commission par la décision dans l’affaire Carton, la requérante a continué pendant plus de quatre ans à participer activement à l’entente en cause après que lui a été notifiée cette décision.

386

Dans ces conditions, il n’est pas nécessaire d’examiner l’argument de la Commission soulevant l’irrecevabilité de l’argument de la requérante relatif au délai écoulé entre la sanction de la première infraction et la publication de la décision attaquée.

387

Ensuite, s’agissant des caractéristiques des comportements antérieurs, la notion de récidive n’implique pas nécessairement le constat d’une sanction pécuniaire préalable, mais seulement celui d’une infraction préalable au droit communautaire de la concurrence (arrêt Groupe Danone/Commission, point 384 supra, point 363).

388

En effet, la prise en compte de la récidive vise à inciter les entreprises, qui ont manifesté une propension à s’affranchir des règles de concurrence, à modifier leur comportement, dès lors qu’il s’avère qu’un précédent constat d’infraction de sa part n’a pas suffi à prévenir la réitération d’un comportement infractionnel. Ainsi, l’élément déterminant de la récidive n’est pas l’imposition préalable d’une amende, et a fortiori le montant de celle-ci, mais le constat préalable d’une infraction.

389

Enfin, la requérante ne prétend même pas que l’infraction pour laquelle sa filiale a été sanctionnée dans le cadre de l’affaire Carton n’est pas une infraction du même type que celle en question dans le cas présent.

390

En conséquence, la Commission n’a pas commis d’erreur en estimant, en l’espèce, que les circonstances particulières de l’affaire, notamment le fait que la même entreprise avait déjà fait l’objet d’une constatation d’infraction et que, malgré cette constatation et la sanction imposée, elle avait continué à participer à une infraction similaire à la même disposition du traité, étaient constitutives d’une récidive.

391

En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la Commission ne peut majorer le montant de l’amende au titre de la récidive, lorsque la première et la deuxième infraction sont concomitantes, qu’à partir de l’adoption de la première décision sanctionnant l’une des deux infractions, il doit être rejeté.

392

Il est certes vrai qu’une politique de sanction de la récidive n’a d’effet utile sur l’auteur d’une infraction que dans la mesure où la menace d’une sanction plus sévère en cas de nouvelle infraction peut l’inciter à modifier son comportement. En effet, la prise en compte de la récidive se justifie par le besoin de dissuasion supplémentaire dont témoigne le fait qu’un constat d’infraction antérieure n’a pas suffi à empêcher la réitération d’une infraction. Ainsi, la récidive est nécessairement constituée postérieurement au constat et à la sanction de la première infraction, puisqu’elle s’explique par le fait que cette sanction n’a pas été suffisamment dissuasive.

393

À cet égard, dans l’arrêt du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, point 270 supra, le Tribunal a considéré que la décision de la Commission était entachée d’une erreur de droit dans la mesure où la majoration du montant de l’amende infligée à Thyssen Stahl AG était justifiée par la considération que la Commission l’avait déjà sanctionnée pour des infractions similaires par la décision 90/417/CECA, du 18 juillet 1990, relative à une procédure au titre de l’article 65 du traité CECA concernant l’accord et les pratiques concertées des producteurs européens de produits plats en acier inoxydable laminés à froid (JO L 220, p. 28), alors que, dans l’affaire en cause, la majeure partie de la période d’infraction, allant du 30 juin 1988 jusqu’à la fin de 1990, retenue à l’encontre de Thyssen Stahl, était antérieure à cette décision (points 617 à 625).

394

Or, contrairement à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, point 270 supra, dans laquelle la majeure partie de l’infraction a eu lieu avant la première décision, en l’espèce, BPB a continué à participer à l’entente en cause pendant plus de quatre ans après la décision adoptée dans l’affaire Carton.

395

Comme cela a été rappelé au point 382 ci-dessus, l’appréciation des caractéristiques spécifiques d’une récidive dépend d’une évaluation des circonstances du cas d’espèce par la Commission, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation.

396

Dans les circonstances de l’espèce, le Tribunal estime que la Commission n’a pas outrepassé son pouvoir d’appréciation en considérant que le fait que BPB avait continué à participer, après la première constatation d’infraction, à une infraction similaire à la même disposition du traité, pendant plus de quatre ans, était constitutif d’une récidive et en majorant, dès lors, le montant de l’amende pour ce motif.

397

En ce qui concerne le niveau de cette majoration, le Tribunal rappelle que, dans la fixation du montant de l’amende, la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation. À cet égard, elle n’est pas tenue d’appliquer des formules mathématiques précises (arrêt Michelin/Commission, point 273 supra, point 292).

398

De plus, dans une optique de dissuasion, la récidive est une circonstance qui justifie une augmentation considérable du montant de base de l’amende. Elle constitue en effet la preuve de ce que la sanction antérieurement imposée n’a pas été suffisamment dissuasive (arrêt Michelin/Commission, point 273 supra, point 293).

399

Quant au taux de majoration appliqué en l’espèce, le Tribunal considère qu’il est proportionné. À cet égard, il convient de souligner que la décision adoptée dans l’affaire Carton et la décision attaquée visent des infractions similaires. Les conséquences de cette constatation ne sauraient être remises en cause par l’affirmation de la requérante selon laquelle le rôle de sa filiale dans l’affaire Carton aurait été mineur et passif. En effet, ce qui importe est le fait que, malgré le constat d’une infraction au droit communautaire de la concurrence, l’entreprise en question a continué à le violer. Dans ces circonstances, la Commission était en droit d’augmenter le montant de base de l’amende de 50 % afin d’orienter le comportement de la requérante vers le respect des règles de concurrence du traité.

400

En ce que l’argumentation de la requérante visant à démontrer que la majoration au titre de la récidive n’était pas proportionnée s’appuie, en substance, sur le fait que le montant de l’augmentation en valeur absolue, à savoir 66 millions d’euros, serait disproportionné, elle doit être rejetée.

401

En effet, en fixant une majoration au titre de la récidive, la Commission peut se limiter à examiner quel serait le pourcentage proportionné sans prendre en compte le montant en valeur absolue de la majoration du montant de base de l’amende auquel l’application de ce pourcentage aboutit. Aussi longtemps que le pourcentage de majoration n’est pas excessif, le montant de la majoration en valeur absolue n’est que la conséquence mathématique de l’application de ce pourcentage au montant de base, dont la proportionnalité par rapport à la gravité et à la durée de l’infraction en cause a fait l’objet d’un examen séparé.

402

En conséquence, la majoration de 50 % du montant de base de l’amende de la requérante au titre de la récidive n’est pas disproportionnée.

403

En ce qui concerne la pratique antérieure de la Commission, la requérante fait valoir qu’il n’y a qu’une seule décision de la Commission, celle concernant l’affaire British Sugar, dans laquelle la majoration a été plus élevée (75 %), et que, dans cette affaire, la majoration était fondée sur le rôle d’instigatrice que British Sugar avait joué dans la première infraction. Elle estime que, au regard des circonstances de cette affaire, la majoration de 50 % qui lui a été appliquée est excessive.

404

S’agissant des comparaisons effectuées avec d’autres décisions de la Commission rendues lorsqu’elle inflige des amendes pour infraction aux règles de concurrence, ces décisions ne peuvent être pertinentes au regard du respect du principe d’égalité de traitement que s’il est démontré que les données circonstancielles des affaires relatives à ces autres décisions sont identiques à celles de l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 13 janvier 2004, JCB Service/Commission, point 343 supra, point 187).

405

Or, la requérante n’a pas fourni d’éléments suffisants permettant de conclure que ces conditions étaient réunies en l’espèce. En particulier, il convient de constater qu’elle n’invoque pas de décisions contemporaines de celle de l’affaire en cause dans lesquelles la Commission aurait appliqué un pourcentage de majoration moins élevé pour des circonstances analogues au cas d’espèce. Quant à la référence à la décision Michelin dans laquelle la société Michelin a été sanctionnée pour cause de récidive pour un système de rabais visant à fidéliser les revendeurs, il s’agit clairement de circonstances différentes de celles du cas d’espèce, un tel système de rabais ne pouvant être assimilé en ce qui concerne la gravité de l’infraction au droit communautaire de la concurrence à une entente secrète visant les prix et la stabilisation d’un marché d’une valeur considérable.

406

En tout état de cause, le seul fait que, dans une autre décision, la Commission ait majoré différemment le montant de base au titre de la récidive n’implique pas qu’elle ait été obligée d’appliquer un même pourcentage de majoration dans la décision attaquée. En effet, la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas en elle-même de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, étant donné que celui-ci est uniquement défini dans le règlement no 17 (arrêt Michelin/Commission, point 273 supra, point 292).

407

La requérante soutient également que la majoration est excessive et disproportionnée parce qu’elle dépasse le montant de départ de l’amende imposée au titre de la gravité de l’infraction à Knauf, à Lafarge et à Gyproc.

408

Cette argumentation est dénuée de pertinence. L’amende de BPB ayant été correctement fixée et la majoration au titre de la récidive étant proportionnée, le fait que le montant de la majoration en valeur absolue est plus élevé que le montant de départ des amendes infligées aux autres participants à l’entente n’est qu’une conséquence mathématique de la majoration sans aucun rapport avec le montant des autres amendes.

409

La requérante fait encore valoir que la majoration a dépassé la réduction de 30 % qui lui a été accordée au titre de la reconnaissance de sa coopération avec la Commission dans la présente affaire.

410

Cet argument est également non pertinent. Il s’agit de deux stades différents de la fixation du montant de l’amende.

411

Enfin, la requérante fait valoir que la Commission lui a appliqué la même majoration au titre de la récidive qu’à Lafarge, bien que l’infraction commise par cette dernière dans le cadre de l’affaire Ciment ait été plus grave que celle sanctionnée dans l’affaire Carton.

412

Cet argument est également non fondé. En effet, ainsi qu’il a été expliqué ci-dessus, la majoration au titre de la récidive étant liée à une circonstance aggravante propre à l’entreprise en cause, le fait que les caractéristiques de l’infraction antérieure commise par Lafarge ne soient pas analogues à celles de l’infraction antérieure imputée à la requérante n’est pas pertinent. Ce qui est pertinent est la circonstance que les deux entreprises ont été préalablement impliquées dans des infractions très graves, mais qu’elles n’ont pas, malgré le constat de ces infractions, mis un terme à leur participation à l’infraction sanctionnée en l’espèce.

413

Il résulte de tout ce qui précède que les arguments de la requérante relatifs à la prise en compte de la récidive doivent être rejetés.

Sur les circonstances atténuantes

Arguments des parties

414

La requérante estime que la Commission aurait dû réduire le montant de l’amende au titre des mesures prises avant et après l’investigation de celle-ci. Elle soutient que la Commission a eu tort de considérer ses efforts comme inefficaces. Le refus de la Commission de reconnaître ses efforts serait contraire aux principes d’égalité de traitement et de protection de la confiance légitime.

415

En premier lieu, la requérante fait valoir que, sur la base des allégations contenues dans la lettre anonyme, elle a engagé les services d’avocats-conseils indépendants pour mener ses propres investigations (ci-après le « projet Alpha »). Sur la base des conclusions du projet Alpha, le conseil d’administration de la requérante aurait mis en œuvre un programme plus formel de conformité au droit de la concurrence dans le cadre duquel il aurait adopté une déclaration de principe de conformité que les administrateurs, les autres cadres et les membres du personnel concernés auraient dû signer. La requérante aurait également décidé de cesser tous les échanges d’informations et aurait chargé un cabinet d’avocats de l’aider à mettre au point et à appliquer divers autres éléments de son programme formel de conformité.

416

En deuxième lieu, la requérante fait valoir que, après l’ouverture de l’enquête de la Commission, les mesures prises par elle ont démontré un niveau élevé de coopération. Elle aurait laissé les inspecteurs accéder librement à ses documents d’affaires et à ses ordinateurs. En outre, elle aurait fourni les documents demandés et M. [D] aurait répondu avec précision aux questions posées par la Commission. En plus, elle aurait transmis à la Commission, dans sa réponse à la deuxième demande de renseignements, des informations dont cette dernière n’avait préalablement aucune connaissance. La requérante considère que, du fait de ses efforts pour mettre fin à l’infraction avant même l’ouverture des investigations de la Commission et de sa coopération volontaire pendant celles-ci, le montant de son amende devrait être davantage réduit.

417

La requérante rejette l’argument de la Commission selon lequel elle aurait détruit ou dissimulé des preuves. Elle indique que ces allégations ne se fondent sur aucune preuve. Elle souligne que, bien que certains documents aient été retirés dans le cadre du projet Alpha, une note rappelant leur retrait a été laissée dans le dossier.

418

En troisième lieu, concernant le fait que son P.-D.G., M. [D], a transgressé les instructions de son conseil d’administration et a continué les échanges d’informations à son insu et à celui de tout le personnel, la requérante estime qu’elle ne saurait être tenue pour responsable des activités de celui-ci, en particulier du fait de sa position indépendante. En outre, la requérante fait valoir que, lorsque la poursuite desdits échanges par M. [D] a été révélée, il a dû quitter ses fonctions directement sans aucune compensation. La requérante souligne que la désobéissance de M. [D] à ses instructions a été le seul échec des efforts faits pour mettre fin à l’infraction. Par conséquent, la Commission ne saurait affirmer que les mesures prises par elle ont été inefficaces.

419

En quatrième lieu, la requérante soutient qu’elle s’est retirée du système d’échange d’informations en avril 1998. Ainsi, si ce n’avait été le mépris délibéré de M. [D] à l’égard des instructions de son conseil d’administration, la conformité aux règles de concurrence aurait été totale à partir de mars 1998. En outre, elle aurait droit à une réduction de l’amende pour avoir mis fin à l’infraction immédiatement après l’intervention de la Commission.

420

En cinquième lieu, la requérante estime qu’elle n’a pas tiré profit de l’infraction. Les prix seraient restés au même niveau en termes réels au Royaume-Uni et auraient baissé en Allemagne alors que ses coûts auraient augmenté. En outre, sa part de marché sur chacun des quatre marchés en cause aurait été moindre en 1998 qu’en 1992 et son chiffre d’affaires n’aurait atteint qu’en 1997/1998 le niveau qu’il avait en 1991/1992. De plus, les prix auraient été rétablis de toute façon à la suite de la fin de la guerre des prix. La requérante estime que, si la Commission peut majorer le montant d’une amende en raison des profits obtenus à la suite de l’infraction, elle devrait également tenir compte de l’absence de tout profit tiré de l’infraction pour réduire le montant de l’amende.

421

La Commission conteste les arguments de la requérante.

422

Elle estime que, dans sa réplique, BPB formule un nouvel argument pour demander une réduction du montant de l’amende au motif qu’elle a cessé l’infraction après l’enquête menée par ses services à la fin de 1998. Ce nouvel argument serait irrecevable à ce stade de la procédure. Il serait, en outre, dénué de fondement, la Commission n’étant, en règle générale, tenue ni de retenir la poursuite d’une infraction comme circonstance aggravante, ni de considérer la cessation d’une infraction comme circonstance atténuante.

Appréciation du Tribunal

423

En premier lieu, s’agissant des mesures adoptées par la requérante afin de prévenir une récidive de sa part (le licenciement de ses cadres supérieurs impliqués dans les comportements infractionnels ainsi que l’adoption de programmes internes de mise en conformité avec les règles de concurrence et d’initiatives de sensibilisation du personnel à cet égard), il y a lieu de relever que, s’il est certes important qu’une entreprise ait pris des mesures pour empêcher que de nouvelles infractions au droit communautaire de la concurrence soient commises à l’avenir par des membres de son personnel, ce fait ne saurait affecter la réalité de l’infraction constatée. Il en résulte que le seul fait que, dans certains cas, la Commission ait pris en considération, dans sa pratique décisionnelle, la mise en place d’un programme de mise en conformité avec le droit de la concurrence en tant que circonstance atténuante n’implique pas pour elle une obligation de procéder de la même façon dans un cas déterminé (arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, T-224/00, Rec. p. II-2597, point 280).

424

La Commission n’est donc pas tenue de retenir un tel élément comme circonstance atténuante dans la mesure où elle se conforme au principe d’égalité de traitement, qui implique qu’il ne soit pas procédé à une appréciation différente sur ce point entre les entreprises destinataires d’une même décision (arrêt du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, point 423 supra, point 281). Or, il ne ressort aucunement de la décision attaquée que la Commission a procédé, sur ce point, à une appréciation différente entre les quatre entreprises en cause, ce que la requérante ne prétend d’ailleurs pas.

425

En deuxième lieu, la requérante fait valoir que les mesures qu’elle a prises après l’ouverture de l’enquête de la Commission ont démontré un niveau élevé de coopération et que, en conséquence, le montant de son amende devrait être davantage réduit. Or, ces arguments se confondent avec la question de savoir si la Commission a correctement pris en compte la coopération de la requérante dans le cadre de la communication sur la coopération. Dès lors, la coopération de la requérante durant la procédure administrative sera examinée ci-après, mais ne constitue pas une circonstance atténuante justifiant une réduction distincte de celle accordée au titre de la communication sur la coopération.

426

Il y a lieu, cependant, de rappeler que la possibilité d’accorder à une entreprise ayant coopéré avec la Commission au cours d’une procédure engagée pour violation des règles de concurrence une réduction d’amende en dehors du cadre fixé par la communication sur la coopération est reconnue par les lignes directrices, dont le point 3, sixième tiret, prévoit la prise en compte, en tant que circonstance atténuante, de la « collaboration effective de l’entreprise à la procédure, en dehors du champ d’application de la [communication sur la coopération] ».

427

Or, dans la mesure où le présent grief doit être interprété comme visant à faire constater que la Commission aurait dû accorder à la requérante une réduction d’amende ultérieure au titre de cette disposition, il convient de constater que les infractions de l’espèce relèvent bien du champ d’application de la communication sur la coopération, dont la section A, paragraphe 1, premier alinéa, se réfère aux ententes secrètes entre entreprises pour fixer des prix, des quotas de production ou de ventes, se partager les marchés ou interdire les importations ou les exportations. Dès lors, la requérante ne peut valablement reprocher à la Commission de ne pas avoir pris en compte le degré de sa coopération en tant que circonstance atténuante, en dehors du cadre juridique de la communication sur la coopération (arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, BASF/Commission, T-15/02, Rec. p. II-497, point 586).

428

Au demeurant, un tel reproche ne saurait être adressé à la Commission même s’il fallait admettre qu’une coopération à une enquête portant sur des ententes horizontales de fixation de prix et de répartition de ventes est susceptible d’être récompensée au titre du point 3, sixième tiret, des lignes directrices. En effet, dans une telle hypothèse, une réduction au titre de cette disposition supposerait nécessairement que la coopération en cause ne soit pas susceptible d’être récompensée dans le cadre de la communication sur la coopération et qu’elle ait été effective, c’est-à-dire qu’elle ait facilité la tâche de la Commission consistant en la constatation et en la répression des infractions aux règles communautaires de la concurrence (arrêt BASF/Commission, point 427 supra, points 587 et 588).

429

En troisième lieu, la requérante estime qu’elle ne saurait être tenue pour responsable du fait que M. [D], son P.-D.G., a transgressé les instructions de son conseil d’administration et a continué les échanges d’informations, à son insu et à celui de tout le personnel.

430

Cet argument est dénué de pertinence. Une entreprise — c’est-à-dire une unité économique comprenant des éléments personnels, matériels et immatériels (arrêt Mannesmann/Haute Autorité, point 360 supra, p. 705 et 706) — est dirigée par les organes prévus par son statut juridique et toute décision lui infligeant une amende peut être adressée à la direction statutaire de l’entreprise (conseil d’administration, comité directeur, président, gérant, etc.). Les règles de concurrence seraient facilement contournées si l’on exigeait de la Commission, confrontée au comportement infractionnel d’une entreprise, de vérifier et de prouver qui est l’auteur des différents agissements, ce qui pourrait avoir pour effet de l’empêcher de sanctionner l’entreprise qui a bénéficié de l’entente.

431

Si BPB prétend avoir été trahie par son ancien P.-D.G. qui aurait omis de suivre les instructions explicites de son conseil d’administration, la solution de ce conflit doit être recherchée dans les relations entre M. [D] et BPB, et non au niveau de l’application du droit de la concurrence par la Commission. Ainsi, même si M. [D] avait réellement transgressé les instructions du conseil d’administration de BPB et continué les échanges d’informations à l’insu de celle-ci, la Commission aurait été autorisée à imposer une amende à l’entreprise, tandis que BPB et/ou ses propriétaires auraient été libres d’entamer toute action jugée utile à l’encontre de M. [D].

432

En quatrième lieu, la requérante soutient qu’elle s’est retirée du système d’échange d’informations en avril 1998. Ainsi, si ce n’avait été le mépris délibéré de M. [D] à l’égard des instructions du conseil d’administration de la requérante, la conformité aux règles de concurrence aurait été totale à partir de mars 1998.

433

Cet argument rejoint partiellement le précédent et n’est pas davantage pertinent. En effet, la requérante étant responsable des agissements de M. [D], l’infraction a continué jusqu’en novembre 1998.

434

De plus, la Commission a considéré à juste titre que, même si le retrait du système d’échange d’informations témoignait d’une volonté d’éviter des comportements dont la nature pouvait effectivement prêter à suspicion, il n’était pas accompagné d’autres mesures visant à mettre fin aux arrangements collusoires, comme en témoignaient la poursuite des échanges d’informations ou encore les discussions ayant eu lieu entre concurrents à La Haye.

435

En ce qui concerne l’argument de la requérante relatif à la cessation de l’infraction après l’enquête menée par les services de la Commission, que cette dernière considère irrecevable, il convient de constater que la requérante s’est déjà référée, dans sa requête, à « une prompte cessation de l’infraction comme une circonstance atténuante ». Ainsi, cet argument ne constitue pas un moyen nouveau au sens de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, mais l’amplification d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement dans la requête introductive d’instance qui doit être considéré comme recevable (voir arrêt de la Cour du 15 décembre 2005, Italie/Commission, C-66/02, Rec. p. I-10901, point 86, et la jurisprudence citée).

436

Aux termes du point 3, troisième tiret, des lignes directrices, la « cessation des infractions dès les premières interventions de la Commission (notamment vérifications) » compte parmi les circonstances atténuantes. Toutefois, une réduction de l’amende en raison de la cessation d’une infraction dès les premières interventions de la Commission ne saurait être automatique, mais dépend d’une évaluation des circonstances du cas d’espèce par la Commission, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation. À cet égard, l’application de cette disposition des lignes directrices en faveur d’une entreprise sera particulièrement adéquate dans une situation où le caractère anticoncurrentiel du comportement en cause n’est pas manifeste. Inversement, son application sera moins adaptée, en principe, dans une situation où celui-ci est clairement anticoncurrentiel, à le supposer établi (arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke/Commission, T-44/00, Rec. p. II-2223, point 281 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T-71/03, T-74/03, T-87/03 et T-91/03, non publié au Recueil, points 292 et 294).

437

En effet, même si la Commission a considéré, dans le passé, la cessation volontaire d’une infraction comme une circonstance atténuante, il lui est loisible de tenir compte, en application de ses lignes directrices, du fait que des infractions manifestes très graves sont encore, bien que leur illégalité ait été établie dès le début de la politique communautaire de concurrence, relativement fréquentes et, partant, d’estimer qu’il y a lieu d’abandonner cette pratique généreuse et de ne plus récompenser la cessation d’une telle infraction par une réduction d’amende.

438

Dans ces conditions, le caractère approprié d’une réduction de l’amende en raison de la cessation de l’infraction dépend du point de savoir si la requérante pouvait raisonnablement douter du caractère infractionnel de son comportement.

439

Dans le cas d’espèce, il convient de rappeler que l’infraction en cause a trait à une entente secrète ayant pour objet un échange d’informations dans un marché oligopolistique et une stabilisation de marchés. Ce type d’entente constitue une infraction très grave. Les entreprises concernées devaient, dès lors, avoir conscience du caractère illicite de leur comportement. Le caractère secret de l’entente confirme d’ailleurs le fait que les entreprises concernées avaient conscience du caractère illicite de leurs agissements.

440

Partant, pour les raisons qui précèdent, l’absence de prise en compte, en l’espèce, de la cessation de l’infraction, dès les premières vérifications de la Commission, comme circonstance atténuante ne peut être considérée comme erronée.

441

En cinquième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’a pas tenu compte du fait qu’elle n’avait pas retiré de bénéfice de l’infraction en cause, il convient de rappeler que, si le montant de l’amende infligée à une entreprise doit être proportionné à la durée de l’infraction et aux autres éléments de nature à entrer dans l’appréciation de la gravité de l’infraction, parmi lesquels figure le profit que l’entreprise concernée a pu retirer de ses pratiques, le fait qu’une entreprise n’a retiré aucun bénéfice de l’infraction ne saurait faire obstacle à ce qu’une amende soit infligée, sous peine de faire perdre à cette dernière son caractère dissuasif (arrêt du Tribunal du 29 novembre 2005, SNCZ/Commission, T-52/02, Rec. p. II-5005, point 89).

442

Enfin, il y a lieu de constater que, bien que la Commission puisse, aux termes de ses lignes directrices (point 2, cinquième tiret) et au titre des circonstances aggravantes, majorer la sanction afin de dépasser le montant des gains illicites réalisés grâce à l’infraction, cette possibilité n’a pas pour effet que la Commission se soit désormais imposée la charge d’établir, en toutes circonstances, aux fins de la détermination du montant de l’amende, l’avantage financier lié à l’infraction constatée. En d’autres termes, l’absence d’un tel avantage ne saurait être considéré comme une circonstance atténuante (arrêt SNCZ/Commission, point 441 supra, point 91).

443

En conséquence, les arguments de la requérante visant à obtenir une réduction au titre des circonstances atténuantes doivent être rejetés.

Sur la coopération

Arguments des parties

444

La requérante soutient que la Commission a violé le principe de protection de la confiance légitime et celui d’équité en décidant que les mesures prises par elle ne méritaient qu’une réduction de 30 % du montant de l’amende conformément aux dispositions du titre D de la communication sur la coopération. La requérante estime qu’elle aurait dû bénéficier d’une réduction de 50 à 75 % du montant de l’amende conformément aux dispositions de la section C de la communication sur la coopération.

445

La requérante considère qu’elle a fourni des informations décisives sur lesquelles la décision attaquée est fondée dans une large mesure. La requérante fait remarquer que, par exemple, la Commission n’aurait obtenu aucune information concernant la réunion de Londres, la base factuelle du commencement de l’infraction, sans l’aveu qu’elle a fait dans sa réponse à la deuxième demande de renseignements. À cet égard, elle précise que la question de la Commission se rapportait seulement aux échanges d’informations réalisés sous la direction des P.-D.G. des quatre sociétés en cause. Ainsi, elle aurait pu se limiter à répondre strictement à cette question. Or, elle aurait été informée entre-temps par son ancien président et P.-D.G., M. [A], de ce qu’une réunion avait été organisée en 1992. Elle aurait choisi de dévoiler l’existence de cette réunion et de ce qui s’y était passé. Il s’agirait donc d’un aveu d’une importance majeure. Les échanges d’informations au Royaume-Uni et les avis anticipés d’une ou de deux hausses des prix de catalogue au Royaume-Uni n’auraient pas non plus été connus sans sa coopération. Elle souligne avoir reconnu, sur une base entièrement volontaire, qu’il y avait eu des discussions sur la tentative de répartition des marchés allemands à Versailles et avoir également admis, dans sa réponse à la communication des griefs, que d’autres discussions s’étaient déroulées à Bruxelles à la fin de 1997 ainsi que lors d’un dîner à La Haye, même si elle affirme qu’aucun accord n’avait été conclu. La requérante indique qu’elle a reconnu également sa participation au système d’échange d’informations. En outre, même si certaines informations concernant ces échanges avaient été recueillies dans le cadre de l’inspection de son siège social, les informations communiquées par elle auraient permis à la Commission de mieux comprendre ces échanges.

446

Bien que Knauf ait confirmé l’existence de la réunion de Londres et que la Commission se soit également fondée, dans une certaine mesure, sur les éléments de preuve fournis par Knauf à propos de ladite réunion, cette entreprise n’aurait agi de la sorte que parce que la réunion était citée dans la communication des griefs. Knauf n’aurait rien eu à confirmer si la requérante n’avait pas révélé l’existence de la réunion antérieurement à la notification de la communication des griefs. De plus, la requérante considère que, après ses inspections initiales, la Commission n’était pas en mesure d’ouvrir une procédure administrative, puisque, au lieu de cela, elle a poursuivi la phase des investigations préliminaires en adressant aux entreprises concernées des demandes de renseignements. L’une de ces demandes, adressée à la requérante, aurait été entièrement fondée sur des informations que celle-ci lui aurait fournies spontanément. En conséquence, ce ne serait qu’après réception des informations de la requérante que la Commission aurait été en mesure d’adopter la communication des griefs.

447

La requérante fait valoir que, sans la désobéissance de M. [D] à ses instructions, elle aurait cessé de participer à l’activité illicite déjà huit mois avant l’investigation de la Commission.

448

Elle fait encore observer qu’elle n’a contraint aucune autre entreprise à participer à l’entente, n’est pas à l’origine de celle-ci et n’a eu aucun rôle décisif dans les comportements infractionnels en cause.

449

Enfin, la requérante soutient que, même si la Commission avait raison de lui accorder une réduction seulement en application de la section D de la communication sur la coopération, elle a violé le principe d’égalité de traitement en accordant à Gyproc une réduction du montant de l’amende de 40 % et en ce qui la concerne une réduction de seulement 30 %. La requérante estime que l’information qu’elle a fournie a été plus décisive pour l’argumentation de la Commission au motif que les informations fournies par Gyproc se rapportaient exclusivement à la période de 1996 à 1998 et au marché allemand. En ce qui concerne l’argument de la Commission selon lequel la participation de Gyproc à l’infraction était moins grave que la sienne, la requérante considère que l’importance d’une réduction du montant de l’amende accordée par la Commission à une entreprise devrait être fonction de la qualité de l’information fournie, et non de la gravité de la participation de l’entreprise à l’infraction.

450

La requérante ajoute que la Commission ne peut pas la traiter différemment de Gyproc en soutenant que cette dernière n’a pas contesté l’existence des faits ou leur qualification d’infractions. Elle souligne que ses objections portaient principalement sur les déductions que la Commission tirait des faits plutôt que sur les faits eux-mêmes.

451

La Commission considère que ses conclusions au titre de la communication sur la coopération ne peuvent être annulées que si elles sont entachées d’une erreur de fait ou d’une erreur manifeste d’appréciation.

452

La Commission fait valoir que, à l’exception des points 5, 6 et 9 du tableau présenté aux pages 151 à 154 de la requête, les informations auxquelles la requérante fait référence ont été soit fournies en réponse à des demandes de renseignements, soit communiquées oralement à la suite de questions posées lors des vérifications. La Commission estime être autorisée à ne pas tenir compte de ce type d’informations lorsqu’elle apprécie la coopération d’une entreprise. Elle affirme avoir pris en compte le fait que les réponses étaient très détaillées et allaient parfois au-delà de ce qui était nécessaire pour donner une réponse complète.

453

S’agissant des informations communiquées spontanément, la Commission soutient que, en ce qui concerne le point 6 du tableau, elle était déjà en possession des informations évoquées aux considérants 201 et 205 de la décision attaquée. Elle prétend qu’elle disposait également, avant même les aveux de BPB, d’informations suffisantes à propos du point 9 (et du point 10) du tableau. Quant au point 5, bien que l’information ait été utile et qu’elle en ait tenu compte pour déterminer la réduction du montant de l’amende au titre de la communication sur la coopération, la Commission ajoute qu’il y a eu deux rapports adressés à M. [D] mentionnés au point 77 de la communication des griefs. Ces derniers contenaient des informations détaillées sur le chiffre d’affaires des autres producteurs et auraient pu servir de base à d’autres enquêtes sur la question, même si lesdites informations n’étaient pas suffisantes en elles-mêmes. Ainsi, une grande partie des informations fournies par BPB n’auraient pas été déterminantes.

454

Quant à la réunion de Londres, la Commission ne nie pas que cette réunion constituait un élément important de l’infraction, mais affirme que, sans les informations fournies à ce sujet, elle aurait malgré tout été en mesure de déterminer l’existence d’une infraction unique, complexe et continue sur la base de l’ensemble des comportements anticoncurrentiels, y compris les échanges d’informations à propos desquels elle disposait de preuves directes et actuelles. En outre, les informations relatives à la réunion de Londres auraient été fournies en réponse à une question spécifique formulée dans la deuxième demande de renseignements relative aux origines desdits échanges, de sorte que leur divulgation ne serait pas entièrement spontanée. En outre, la deuxième demande de renseignements de la Commission n’aurait pas été fondée entièrement sur les informations fournies volontairement par BPB. En effet, la seconde partie de cette demande aurait porté sur des informations fournies oralement par M. [D] après la découverte de deux séries de tableaux détaillant les ventes des quatre producteurs européens dans les locaux de BPB le premier jour de l’enquête de la Commission, le 25 novembre 1998.

455

Par conséquent, la Commission fait valoir qu’aucune des informations fournies par BPB n’a apporté la preuve déterminante de l’existence de l’entente.

456

La Commission souligne que la participation de Gyproc à l’infraction était moins grave que celle de BPB. En revanche, en ce qui concerne les éléments constitutifs de l’entente auxquels elle a activement participé, Gyproc aurait fourni des informations significatives. Ainsi, les considérations relatives au marché allemand reposeraient fortement sur la contribution de Gyproc. La Commission estime que les informations données par cette entreprise étaient aussi valables pour la détermination de l’existence de l’infraction que celles fournies par BPB. En outre, la déclaration de Gyproc du 1er septembre 1999 n’aurait pas été une réponse à une demande de renseignements. De plus, Gyproc n’aurait jamais nié que ces activités constituaient une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE.

Appréciation du Tribunal

457

Dans sa communication sur la coopération, la Commission a défini les conditions dans lesquelles les entreprises coopérant avec elle au cours de son enquête sur une entente peuvent être exemptées de l’amende ou bénéficier d’une réduction du montant de l’amende qu’elles auraient autrement dû acquitter (voir section A, paragraphe 3, de la communication sur la coopération).

458

Ainsi que cela est mentionné à la section E, paragraphe 3, de la communication sur la coopération, celle-ci a créé des attentes légitimes sur lesquelles se fondent les entreprises souhaitant informer la Commission de l’existence d’une entente. Eu égard à la confiance légitime que les entreprises souhaitant coopérer avec la Commission ont pu tirer de cette communication, la Commission est donc obligée de s’y conformer lors de l’appréciation, dans le cadre de la détermination du montant de l’amende imposée à une entreprise, de la coopération de celle-ci (arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, Daiichi Pharmaceutical/Commission, T-26/02, Rec. p. II-713, point 147).

459

Conformément à la section B de cette communication, « bénéficie d’une réduction d’au moins 75 % du montant de l’amende qui lui aurait été infligée en l’absence de coopération, réduction pouvant aller jusqu’à la non-imposition totale d’amende », l’entreprise qui :

« a)

dénonce l’entente secrète à la Commission avant que celle-ci ait procédé à une vérification sur décision auprès des entreprises parties à l’entente, et sans qu’elle dispose déjà d’informations suffisantes pour prouver l’existence de l’entente dénoncée ;

b)

est la première à fournir des éléments déterminants pour prouver l’existence de l’entente ;

c)

a mis fin à sa participation à l’activité illicite au plus tard au moment où elle dénonce l’entente ;

d)

fournit à la Commission toutes les informations utiles, ainsi que tous les documents et éléments de preuve dont elle dispose au sujet de l’entente et maintient une coopération permanente et totale tout au long de l’enquête ;

e)

n’a pas contraint une autre entreprise à participer à l’entente ni eu un rôle d’initiation ou un rôle déterminant dans l’activité illicite ».

460

En outre, en vertu de la section C de ladite communication, « l’entreprise qui, remplissant les conditions exposées [à la section B, sous] b) à e), dénonce l’entente secrète après que la Commission a procédé à une vérification sur décision auprès des entreprises parties à l’entente, sans que cette vérification ait pu donner une base suffisante pour justifier l’engagement de la procédure [administrative] en vue de l’adoption d’une décision, bénéficie d’une réduction de 50 à 75 % du montant de l’amende ».

461

La requérante estime, à titre principal, que la Commission lui a refusé à tort le bénéfice de la réduction de 50 à 75 % visée à la section C de la communication sur la coopération. Ainsi, il convient de vérifier si la Commission n’a pas méconnu les conditions d’application de cette disposition.

462

En l’espèce, la question pertinente pour décider si la section C était applicable dans le cadre de la détermination du montant de l’amende infligée à la requérante est de savoir si les vérifications effectuées par la Commission lui ont donné une base suffisante pour justifier l’engagement de la procédure administrative en vue de l’adoption de la décision attaquée.

463

En effet, la Commission affirme aux considérants 593 et 594 de la décision attaquée qu’elle disposait, à la suite des vérifications, d’informations suffisantes pour prouver l’existence de l’entente dénoncée et que BPB, ne remplissant pas les conditions prévues à la section B, sous b), de la communication sur la coopération, n’était donc pas admise à bénéficier d’une réduction importante de l’amende conformément à la section C de ladite communication.

464

À cet égard, il importe de relever que la requérante ne prétend pas avoir fourni des éléments déterminants concernant toutes les manifestations de l’entente ou que la Commission n’aurait pas pu démontrer l’existence de l’entente sans les éléments qu’elle lui a transmis. Elle fait valoir, en substance, que la Commission n’aurait pas pu prouver l’existence d’une entente unique et complexe de la façon dont elle l’a fait.

465

En conséquence, il y a lieu de vérifier si la Commission disposait, à la suite des vérifications, d’informations suffisantes pour prouver l’existence de l’entente finalement sanctionnée.

466

S’agissant de la réunion de Londres, BPB n’a divulgué des informations sur cette réunion que dans sa réponse à la deuxième demande de renseignements (datée du 21 septembre 1999) en réponse à une question spécifique : « Veuillez indiquer qui a suggéré ou entamé l’échange de données entre les P.-D.G. »

467

Ainsi, connaissant déjà l’existence des échanges d’informations sur les volumes de ventes sur les quatre marchés concernés, la Commission avait sur le fondement des vérifications effectuées en novembre 1998 une base suffisante pour justifier l’engagement de la procédure administrative en vue de l’adoption d’une décision.

468

À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans l’arrêt du 29 juin 2006, Commission/SGL Carbon (C-301/04 P, Rec. p. I-5915), la Cour a considéré que les réponses données conformément à l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 17 ne constituaient pas une coopération volontaire, mais l’exécution d’une obligation. Elle a rappelé que, dans l’accomplissement des tâches qui lui étaient assignées en la matière, la Commission pouvait recueillir tous les renseignements nécessaires auprès des gouvernements et des autorités compétentes des États membres, ainsi que des entreprises et des associations d’entreprises. La Commission est donc en droit d’obliger une entreprise à fournir tous les renseignements nécessaires portant sur des faits dont elle peut avoir connaissance et à lui communiquer, au besoin, les documents s’y rapportant qui sont en sa possession, même si ceux-ci peuvent servir à établir, à son égard ou à l’encontre d’une autre entreprise, l’existence d’un comportement anticoncurrentiel (points 34, 39, 41 et 44).

469

En ce qui concerne les échanges d’informations sur les volumes de ventes sur les quatre marchés concernés, il n’est pas contesté par la requérante, ainsi qu’il ressort d’ailleurs du point 334 de la requête, que la Commission a trouvé des preuves directes de ces échanges lors des vérifications qu’elle a effectuées en novembre 1998.

470

Quant aux échanges d’informations sur les volumes et parts de marché du Royaume-Uni, la Commission affirme que deux rapports adressés à M. [D], mentionnés au point 77 de la communication des griefs, contenaient des informations détaillées sur le chiffre d’affaires des autres producteurs et auraient pu servir de base à d’autres enquêtes sur la question, même si lesdites informations n’étaient pas suffisantes en elles-mêmes.

471

À cet égard, il y a lieu de relever que les documents mentionnés au point 77 de la communication des griefs sont des rapports de M. [M], directeur général de BG précédant M. [N], sur les développements du marché du Royaume-Uni adressés à M. [D]. Ainsi, ces documents internes ne démontrent pas que les informations en question auraient été divulguées aux personnes extérieures à BPB. Or, dans sa note du 17 mars 1996 ainsi que, de façon plus détaillée, dans sa déclaration du 28 mai 1999, BPB a admis qu’un échange d’informations sur les volumes de ventes sur le marché du Royaume-Uni avait eu lieu entre les concurrents pendant la période allant de 1992 jusqu’au début de 1998.

472

En ce qui concerne les échanges de données relatives aux hausses de prix sur le marché du Royaume-Uni, la Commission fait valoir qu’elle disposait déjà des informations exposées aux considérants 201 et 205 de la décision attaquée. Ainsi qu’il ressort de ces considérants, outre que les deux mémorandums internes de BPB trouvés lors des vérifications prouvent seulement que les hausses de prix ont fait l’objet de discussions, la démonstration de cet élément de l’infraction par la Commission s’appuie sur le parallélisme des hausses de prix. Dans ces conditions, le fait que BPB a admis dans sa note du 17 mars 1996 ainsi que d’une façon plus détaillée dans sa déclaration du 28 mai 1999, ainsi qu’il ressort du considérant 207 de la décision attaquée, qu’il y avait eu des « occasions isolées » lors desquelles M. [N] avait téléphoné aux représentants de Lafarge et de Knauf au Royaume-Uni pour les informer des intentions de BG en matière de prix, ainsi que de la fourchette de hausse envisagée, a renforcé de façon significative le raisonnement de la Commission.

473

S’agissant des réunions de Versailles et de La Haye, la requérante n’a admis sa participation à ces réunions que dans sa réponse à la communication des griefs. En ce qui concerne la réunion de Bruxelles, elle a admis y avoir participé seulement en réponse à une question explicite de la Commission dans le cadre de la première demande de renseignements.

474

Enfin, quant au système d’échange d’informations, il ressort du considérant 271 de la décision attaquée que la Commission connaissait son existence sur la base des informations trouvées lors des vérifications.

475

En conséquence, le Tribunal estime que les informations fournies par BPB, dans la mesure où elles peuvent être considérées comme volontaires à la lumière de la jurisprudence de la Cour mentionnée au point 468 ci-dessus, ne constituent pas des éléments déterminants pour prouver l’existence de l’entente et que, en effet, la Commission disposait, à la suite de ses vérifications, d’informations suffisantes pour prouver cette existence.

476

Compte tenu du caractère cumulatif des conditions exposées à la section B, sous b) à e), de la communication sur la coopération, telles que reprises à la section C de cette communication, et dès lors que au moins une de ces conditions, à savoir celle prévue à la section B, sous b), en liaison avec la section C de ladite communication, n’est pas remplie, il n’est pas nécessaire d’examiner si BPB remplissait les autres conditions prévues auxdites dispositions.

477

Il s’ensuit que la Commission n’a commis aucune erreur en n’accordant pas à la requérante le bénéfice d’une réduction du montant de son amende en application de la section C de la communication sur la coopération.

478

Néanmoins, il y a encore lieu de vérifier, dans le cadre de l’exercice du pouvoir de pleine juridiction du Tribunal, si la réduction octroyée par la Commission pour la coopération de BPB en application de la section D de la communication sur la coopération a été suffisante.

479

À cet égard, il importe de relever, ainsi qu’il ressort des considérants 592 et 596 de la décision attaquée, que BPB a été le premier participant à l’entente à communiquer, postérieurement à une demande de renseignements de la Commission, mais d’une façon allant au-delà de celle-ci, des éléments complémentaires de ceux découverts lors des vérifications et confirmant l’existence de l’entente. La Commission admet que ces éléments comprennent des informations détaillées sur les réunions en question, notamment celle de Londres, et sur les échanges d’informations sur les principaux marchés européens et en particulier le marché du Royaume-Uni.

480

En outre, ainsi qu’il ressort de l’examen du deuxième moyen, il est certes vrai que, sans la connaissance de la réunion de Londres, la Commission aurait pu prouver l’existence de l’entente, mais la perception de celle-ci aurait été différente. Le Tribunal a estimé que les informations fournies par BPB, en particulier à propos de la réunion de Londres, ont renforcé de manière substantielle l’argumentation de la Commission en ce qui concerne l’existence d’un plan global et, partant, ont permis d’augmenter substantiellement le montant des amendes au titre de la gravité de l’infraction. Le même raisonnement s’applique aux informations détaillées que BPB a fournies sur les échanges d’informations sur les volumes de ventes et sur les hausses de prix sur le marché du Royaume-Uni. Cette conclusion est corroborée par l’abondante citation, dans la décision attaquée, d’éléments fournis par BPB.

481

Enfin, ainsi qu’il ressort du point 2.2.2 de sa réponse à la communication des griefs et de l’examen du deuxième moyen, BPB a, en outre, reconnu la plupart des faits qui ont été décrits dans la communication des griefs. De même, ainsi qu’il ressort des points 1.1.4, 2.2.2 et 6.2.27 de sa réponse à la communication des griefs, de l’examen du deuxième moyen et de la réponse à la question écrite du Tribunal, BPB ne conteste pas la qualification d’infractions au droit communautaire de la concurrence de certains éléments. Ainsi, BPB a reconnu que la réunion de Londres, l’échange des données sur les volumes de ventes sur les quatre marchés concernés et notamment sur le marché du Royaume-Uni ainsi qu’un échange, à une ou deux reprises, sur les hausses de prix sur le marché du Royaume-Uni constituaient des infractions à l’article 81 CE.

482

Dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, le Tribunal considère qu’il convient d’accorder à la requérante une réduction supplémentaire de 10 % sur le montant de son amende, tel que calculé avant l’application de la communication sur la coopération, qui s’ajoute aux 30 % déjà accordés par la Commission.

483

Dans ces conditions, il n’y a plus lieu d’examiner les arguments de la requérante selon lesquels la Commission a violé le principe d’égalité de traitement en ce qui concerne l’octroi d’une réduction de 40 % au titre de la coopération de Gyproc.

5. Sur la demande d’injonction à la Commission de rembourser le montant de l’amende ou, subsidiairement, le montant à concurrence duquel il est réduit, majoré des intérêts

Arguments des parties

484

La requérante fait valoir qu’elle a déjà payé l’amende. Or, elle déplore le fait que le taux d’intérêt applicable dans l’hypothèse où la Commission doit la restituer dans sa totalité ou partiellement n’est pas mentionné dans la décision attaquée. Elle estime que ce taux d’intérêt devrait être au minimum le même que celui qui aurait été appliqué si elle avait fourni une garantie bancaire, à savoir 4,79 %. Toutefois, sur la question du taux d’intérêt applicable, elle s’en remet à la sagesse du Tribunal en demandant qu’il se prononce sur cette question si son amende est annulée ou si le montant de celle-ci est diminué. En outre, elle demande que les intérêts moratoires soient payés à compter du prononcé du présent arrêt jusqu’au complet remboursement des sommes dues par la Commission.

485

La Commission estime que ces arguments sont prématurés. De surcroît, la demande formulée dans le cadre du troisième chef de conclusions serait irrecevable dans la mesure où le Tribunal ne serait pas compétent pour ordonner ce type de mesure.

Appréciation du Tribunal

486

Il a été jugé à de nombreuses reprises que, à la suite d’un arrêt d’annulation, qui opère ex tunc et a donc pour effet d’éliminer rétroactivement l’acte annulé de l’ordre juridique, l’institution défenderesse est tenue, en vertu de l’article 233 CE, de prendre les mesures nécessaires pour anéantir les effets des illégalités constatées, ce qui, dans le cas d’un acte qui a déjà été exécuté, peut comporter une remise du requérant dans la situation dans laquelle il se trouvait antérieurement à cet acte (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Corus UK/Commission, T-48/00, Rec. p. II-2325, point 222).

487

Au premier rang des mesures visées à l’article 233 CE figure ainsi, dans le cas d’un arrêt annulant ou réduisant le montant de l’amende imposée à une entreprise pour une infraction aux règles de concurrence du traité, l’obligation pour la Commission de restituer tout ou partie de l’amende payée par l’entreprise en cause, dans la mesure où ce paiement doit être qualifié d’indu à la suite de la décision d’annulation. Cette obligation vise non seulement le montant principal de l’amende indûment payée, mais aussi les intérêts moratoires produits par ce montant (arrêt Corus UK/Commission, point 486 supra, point 223).

488

Il s’ensuit que, si la Commission n’octroyait aucun intérêt moratoire sur le montant principal de l’amende remboursé à la suite d’un tel arrêt, la Commission s’abstiendrait de prendre une mesure que comporte l’exécution de cet arrêt et méconnaîtrait, de ce fait, les obligations qui lui incombent au titre de l’article 233 CE.

489

Ainsi, la demande d’injonction à la Commission de rembourser le montant de l’amende à concurrence duquel il est réduit, majoré des intérêts, est irrecevable.

6. Sur la demande de mesures d’organisation de la procédure

490

La requérante a indiqué dans sa requête que « le Tribunal pourrait peut-être envisager d’ordonner une mesure d’enquête, sous forme d’un rapport établi par un expert indépendant, afin de déterminer laquelle des parties analyse correctement le contexte économique de l’affaire ».

491

Dans la mesure où cette demande doit être interprétée comme une demande de mesure d’organisation de la procédure, le Tribunal estime qu’il n’est pas nécessaire d’y donner suite, étant donné que l’examen de l’affaire a démontré la nature clairement anticoncurrentielle de l’entente en question.

Sur les dépens

492

Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En application du paragraphe 3, premier alinéa, de la même disposition, le Tribunal peut répartir les dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

493

En l’espèce, la Commission n’a succombé qu’en ce que la réduction qu’elle a octroyée pour la coopération de BPB n’a pas été suffisante.

494

Dans une telle situation, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la Commission supportera un dixième de ses propres dépens et un dixième des dépens exposés par BPB et que BPB supportera neuf dixièmes de ses propres dépens ainsi que neuf dixièmes des dépens exposés par la Commission.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

 

1)

Le montant de l’amende infligée à BPB plc par l’article 3 de la décision 2005/471/CE de la Commission, du 27 novembre 2002, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] à l’encontre de BPB plc, Gebrüder Knauf Westdeutsche Gipswerke KG, Société Lafarge SA et Gyproc Benelux NV (Affaire COMP/E-1/37.152 — Plaques en plâtre) est fixé à 118,8 millions d’euros.

 

2)

Le recours est rejeté pour le surplus.

 

3)

La Commission est condamnée à supporter un dixième de ses propres dépens et un dixième des dépens exposés par BPB.

 

4)

BPB supportera neuf dixièmes de ses propres dépens ainsi que neuf dixièmes des dépens exposés par la Commission.

 

Jaeger

Tiili

Czúcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 juillet 2008.

Le greffier

E. Coulon

Le président

M. Jaeger

Table des matières

 

Faits à l’origine du litige

 

Procédure et conclusions des parties

 

En droit

 

1. Sur le premier moyen, tiré de la violation des droits de la défense

 

Arguments des parties

 

Appréciation du Tribunal

 

2. Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs manifestes et/ou d’une insuffisance de motivation en ce qui concerne l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE

 

Sur le standard de preuve

 

Arguments des parties

 

Appréciation du Tribunal

 

Sur la réunion de Londres

 

Arguments des parties

 

Appréciation du Tribunal

 

Sur les échanges d’informations sur les quantités vendues en Allemagne, en France, au Benelux et au Royaume-Uni

 

Arguments des parties

 

Appréciation du Tribunal

 

Sur les échanges d’informations sur les volumes de ventes au Royaume-Uni

 

Arguments des parties

 

Appréciation du Tribunal

 

Sur les échanges d’informations sur les hausses de prix au Royaume-Uni pour la période allant de 1992 jusqu’en 1998

 

Arguments des parties

 

Appréciation du Tribunal

 

Sur la stabilisation des parts de marché en Allemagne

 

Arguments des parties

 

Appréciation du Tribunal

 

Sur les échanges d’informations sur les hausses de prix en Allemagne

 

Arguments des parties

 

Appréciation du Tribunal

 

Sur l’étendue géographique de l’entente

 

3. Sur le troisième moyen, tiré de la violation de la notion d’infraction unique

 

Arguments des parties

 

Appréciation du Tribunal

 

4. Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 253 CE et de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 ainsi que de principes généraux dans le calcul du montant de l’amende

 

Sur le caractère disproportionné du montant de départ de l’amende déterminé en fonction de la gravité de l’infraction

 

Sur la gravité de l’infraction

 

— Arguments des parties

 

— Appréciation du Tribunal

 

Sur l’impact concret de l’infraction sur le marché concerné

 

— Arguments des parties

 

— Appréciation du Tribunal

 

Sur la détermination du montant de départ de l’amende en fonction de la gravité de l’infraction

 

— Arguments des parties

 

— Appréciation du Tribunal

 

Sur la durée de l’infraction

 

Arguments des parties

 

Appréciation du Tribunal

 

Sur la récidive

 

Arguments des parties

 

Appréciation du Tribunal

 

Sur les circonstances atténuantes

 

Arguments des parties

 

Appréciation du Tribunal

 

Sur la coopération

 

Arguments des parties

 

Appréciation du Tribunal

 

5. Sur la demande d’injonction à la Commission de rembourser le montant de l’amende ou, subsidiairement, le montant à concurrence duquel il est réduit, majoré des intérêts

 

Arguments des parties

 

Appréciation du Tribunal

 

6. Sur la demande de mesures d’organisation de la procédure

 

Sur les dépens


( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.

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