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Document 62013CJ0336

Arrêt de la Cour (septième chambre) du 12 février 2015.
Commission européenne contre IPK International - World Tourism Marketing Consultants GmbH.
Pourvoi – Décision de la Commission ordonnant le remboursement d’un concours financier – Exécution d’un arrêt du Tribunal de l’Union européenne – Distinction entre les intérêts moratoires et les intérêts compensatoires – Calcul des intérêts.
Affaire C-336/13 P.

Court reports – general

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2015:83

ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

12 février 2015 ( *1 )

«Pourvoi — Décision de la Commission ordonnant le remboursement d’un concours financier — Exécution d’un arrêt du Tribunal de l’Union européenne — Distinction entre les intérêts moratoires et les intérêts compensatoires — Calcul des intérêts»

Dans l’affaire C‑336/13 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 19 juin 2013,

Commission européenne, représentée par MM. F. Dintilhac, G. Wilms et G. Zavvos, en qualité d’agents,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

IPK International – World Tourism Marketing Consultants GmbH, établie à Munich (Allemagne), représentée par Me C. Pitschas, Rechtsanwalt,

partie demanderesse en première instance,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. J.‑C. Bonichot, président de chambre, MM. A. Arabadjiev et J. L. da Cruz Vilaça (rapporteur), juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 4 septembre 2014,

rend le présent

Arrêt

1

Par son pourvoi, la Commission européenne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne IPK International/Commission (T‑671/11, EU:T:2013:163, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a annulé la décision de la Commission du 14 octobre 2011 [ENTR/R1/HHO/lsa – entre.r.l(2011)1183091] (ci-après la «décision litigieuse») en ce qu’elle limite le montant des intérêts à verser à IPK International – World Tourism Marketing Consultants GmbH (ci-après «IPK») à 158 618,27 euros.

Les antécédents du litige

2

Le présent litige s’insère dans une série d’affaires opposant les parties devant le Tribunal et la Cour depuis l’année 1994. Ces affaires trouvent leur origine dans la décision de la Commission du 4 août 1992 octroyant un concours financier à IPK. Près de treize ans après l’adoption de cette décision, la Commission, se fondant sur des irrégularités de procédure, a annulé, par une décision du 13 mai 2005, l’octroi de ce concours financier. Par la suite, cette institution a émis, le 4 décembre 2006, un ordre de recouvrement en exécution duquel IPK a remboursé, le 15 mai 2007, la somme de 318000 euros, majorée d’intérêts moratoires.

3

Par l’arrêt IPK International/Commission (T‑297/05, EU:T:2011:185), le Tribunal a annulé cette décision de la Commission du 13 mai 2005. Il a considéré que la Commission avait certes constaté à bon droit l’existence d’irrégularités procédurales justifiant, en principe, l’annulation dudit concours financier. Toutefois, ladite décision devait être annulée en raison du non-respect du délai de prescription.

4

En conséquence, par une lettre du 27 juillet 2011, IPK a demandé à la Commission le remboursement des sommes versées. Le montant en cause était composé de trois tranches, à savoir une première tranche de 212000 euros non versée à IPK, soit 40 % du concours financier octroyé en 1992, une deuxième tranche de 318000 euros, entre-temps remboursée par IPK, soit 60 % dudit concours financier, ainsi qu’une troisième tranche de 31961,63 euros, correspondant aux intérêts moratoires qu’IPK avait versés à la Commission conjointement avec le remboursement de la deuxième tranche. IPK a également demandé le versement d’intérêts moratoires à compter du 1er janvier 1994, au titre de la première tranche, et à compter du 18 mai 2007, soit le jour suivant la date à laquelle IPK avait procédé au remboursement des sommes déjà versées majorées d’intérêts moratoires, s’agissant de la seconde tranche.

5

Le 14 octobre 2011, la Commission a adopté et a notifié à IPK la décision litigieuse, dans laquelle elle a mentionné le montant total à verser à IPK, celui-ci incluant des intérêts qualifiés de «compensatoires». Ces intérêts, d’un montant de 158618,27 euros, ont été calculés conformément aux taux d’intérêts de la Banque centrale européenne (BCE) et de l’Institut monétaire européen (IME), prédécesseur de la BCE, pour les opérations principales de refinancement. En outre, la Commission a précisé avoir calculé ces intérêts pour les montants de 318000 euros et de 31961,63 euros à partir du 18 mai 2007 et à partir du 1er janvier 1994 pour le montant de 212000 euros, et ce jusqu’au 31 octobre 2011.

6

Par une lettre du 17 octobre 2011, IPK a contesté la légalité de la décision litigieuse et a demandé que lui soient communiquées, notamment, la base légale de cette décision ainsi que la justification de la qualification des intérêts en cause de «compensatoires» et non de «moratoires».

7

Par une lettre du 25 octobre 2011, la Commission a notamment précisé que la décision litigieuse était fondée sur l’article 266 TFUE. De plus, elle a fait valoir qu’elle n’était pas tenue au paiement d’intérêts moratoires, mais qu’elle avait déduit de la jurisprudence son obligation de verser des intérêts compensatoires en conformité avec un arrêt d’annulation.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

8

Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 22 décembre 2011, IPK a formé un recours en annulation contre la décision litigieuse, en tant que le montant des intérêts qui lui ont été alloués ne s’élève qu’à 158618,27 euros. Elle a formulé un moyen unique, tiré de la violation de l’article 266 TFUE et visant à contester le calcul des intérêts effectué par la Commission.

9

Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a accueilli le recours d’IPK.

10

Il résulte du point 27 de cet arrêt que, selon IPK, par la décision litigieuse, la Commission a reconnu son obligation de verser à cette société des intérêts, à compter du 1er janvier 1994 pour la première tranche et à compter du 18 mai 2007 pour les deux autres tranches. IPK a ainsi précisé que cette obligation incombant à la Commission ne faisait pas l’objet du litige en cause, de telle sorte que, dans cette mesure, la décision litigieuse était devenue définitive. Au point 33 de cet arrêt, le Tribunal a constaté que, lors de l’audience, la Commission avait reconnu devoir à IPK un montant de 158618,27 euros à titre d’intérêts compensatoires.

11

Au point 34 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé que l’argumentation de la Commission, selon laquelle, d’une part, IPK serait un créancier de mauvaise foi et, d’autre part, le Tribunal aurait constaté, dans l’arrêt IPK International/Commission (EU:T:2011:185), des comportements fautifs de cette société, n’était pas susceptible de remettre en cause l’existence de la créance principale ni le fait que la Commission soit redevable d’intérêts.

12

Au point 36 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé que les intérêts en cause, indépendamment de leur dénomination, devaient être calculés sur la base du taux d’intérêt de la BCE pour les opérations principales de refinancement en majorant ce taux de deux points. Il a précisé que cette majoration forfaitaire était destinée à prévenir l’enrichissement sans cause, avant d’en déduire, au point 39 dudit arrêt, que la Commission avait omis, à tort, de majorer les taux des intérêts compensatoires.

13

S’agissant des intérêts moratoires, au point 41 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé que «la jurisprudence établie [a] reconnu l’obligation inconditionnelle pour la Commission de payer des intérêts moratoires, notamment, dans le cas de l’engagement par elle de la responsabilité non contractuelle de l’Union, pour la période suivant le prononcé de l’arrêt la constatant [...], ainsi que dans le cas de la répétition de l’indu à la suite d’un arrêt d’annulation». Il a ensuite constaté que la Commission avait admis, lors de la phase orale de la procédure, être débitrice d’intérêts moratoires dus à compter du prononcé de l’arrêt IPK International/Commission (EU:T:2011:185), avant de conclure que la Commission était obligée d’assortir le montant principal dû d’intérêts moratoires, qui, en l’espèce, du fait d’un commun accord des parties sur ce point, couraient à compter du 15 avril 2011, et ce indépendamment du fait que la décision litigieuse constituait le seul fondement juridique de la créance principale en cause.

14

Le Tribunal a considéré, au point 42 de l’arrêt attaqué, que «la Commission était également tenue de calculer ces intérêts moratoires sur la base du montant principal dû, majoré des intérêts compensatoires encourus antérieurement».

Les conclusions des parties devant la Cour

15

La Commission demande à la Cour:

d’annuler l’arrêt attaqué;

de rejeter le recours formé par IPK, et

de condamner cette société aux dépens des deux instances.

16

IPK conclut au rejet du pourvoi de la Commission et à la condamnation de cette dernière aux dépens.

Sur le pourvoi

17

À l’appui de son pourvoi, la Commission invoque six moyens, tirés de ce que l’arrêt attaqué est entaché, en premier lieu, d’une erreur de droit résultant de la méconnaissance de la jurisprudence de la Cour en matière d’intérêts compensatoires, en deuxième lieu, d’une méconnaissance de la jurisprudence relative à la distinction entre les intérêts compensatoires et les intérêts moratoires, en troisième lieu, d’une erreur de droit relative à la capitalisation des intérêts compensatoires et au calcul des intérêts moratoires à compter du 15 avril 2011, en quatrième lieu, d’une interprétation erronée de la décision litigieuse et d’un précédent arrêt du Tribunal ainsi que d’une dénaturation des faits, en cinquième lieu, d’une insuffisance de motivation et d’une contradiction de motifs et, en sixième et dernier lieu, d’une erreur de droit dans l’application des principes du droit de l’Union en matière d’enrichissement sans cause.

18

Les premier, deuxième et quatrième moyens ont trait au fondement juridique de la créance en cause et à l’application de la jurisprudence relative aux intérêts compensatoires. Dans la mesure où la question des intérêts dus est étroitement liée à celle du fondement juridique de l’obligation de paiement incombant à la Commission, il convient d’examiner conjointement ces moyens.

Sur l’erreur de droit tenant au fondement juridique de la créance et à l’application de la jurisprudence relative aux intérêts compensatoires

Argumentation des parties

19

La Commission invoque une erreur de droit qui résulterait de la méconnaissance, par le Tribunal, de la jurisprudence applicable en matière d’intérêts compensatoires. Ainsi, le Tribunal n’aurait pas respecté la jurisprudence de la Cour, issue notamment de l’arrêt Mulder e.a./Conseil et Commission (C‑104/89 et C‑37/90, EU:C:2000:38, point 214), et celle du Tribunal, résultant notamment de l’arrêt Agraz e.a./Commission (T‑285/03, EU:T:2008:526, point 50), selon laquelle les intérêts compensatoires visent à compenser l’inflation constatée dans l’État membre où est établi le créancier, en réparant les pertes résultant de l’érosion monétaire.

20

La Commission soutient, en outre, que le Tribunal a méconnu la jurisprudence relative à la distinction qu’il convient d’établir entre les intérêts compensatoires et les intérêts moratoires. Le Tribunal aurait, en effet, dû tenir compte des fonctions différentes que remplissent ces deux types d’intérêts, en fixant un taux plus élevé en ce qui concerne les intérêts moratoires. Ces derniers auraient pour but d’inciter le débiteur à régler sa dette le plus rapidement possible, tandis que les intérêts compensatoires viseraient à compenser la perte de valeur du patrimoine.

21

Enfin, la Commission soutient que le Tribunal s’est fondé sur une interprétation erronée de la décision litigieuse et d’un précédent arrêt ainsi que sur une dénaturation des faits.

22

La Commission admet avoir reconnu, dans la décision litigieuse et lors de l’audience, être tenue de régler la créance découlant de la décision d’octroi initiale «ressuscitée» par l’arrêt IPK International/Commission (EU:T:2011:185) du 15 avril 2011. Elle estime toutefois que l’obligation de paiement qui lui incombe résulte directement de l’obligation d’exécuter ledit arrêt et que, dès lors, le Tribunal a considéré à tort que la décision litigieuse, en tant qu’elle constitue une «reconnaissance de dette», est l’unique fondement juridique de l’obligation de verser la somme principale et les intérêts. Le Tribunal aurait dû considérer que cette obligation de payer reposait sur l’article 266 TFUE.

23

IPK considère que la Commission fait une interprétation erronée de l’arrêt attaqué dans la mesure où le Tribunal n’a pas remis en cause le fait que les intérêts compensatoires visent à pallier l’érosion monétaire. Par ailleurs, IPK fait valoir que cette dernière ne constitue pas le seul paramètre à utiliser aux fins du calcul des intérêts compensatoires. Ceux-ci auraient également pour fonction de compenser le manque à gagner ou encore la prévention de l’enrichissement sans cause.

24

IPK considère également que le fait que le calcul soit formellement le même en ce qui concerne les deux types d’intérêts concernés n’empêche pas la reconnaissance de la fonction propre de chacun de ceux-ci. En outre, il existerait une différence matérielle pour le calcul de ces deux types d’intérêts dans la mesure où les intérêts compensatoires seraient uniquement calculés sur la base de la dette principale, tandis que les intérêts moratoires le seraient sur ladite base, majorée des intérêts compensatoires échus à la date du prononcé de l’arrêt.

25

Enfin, IPK concède que le Tribunal aurait dû se fonder sur l’article 266 TFUE. Elle estime cependant que cette erreur de droit est sans conséquence sur le calcul des intérêts en cause.

Appréciation de la Cour

26

Aux points 34 et 41 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que la décision litigieuse constituait le seul fondement juridique de la créance principale en cause.

27

Il convient cependant de rappeler que l’article 264, premier alinéa, TFUE prévoit que, s’il est fait droit à un recours en annulation, l’acte attaqué est déclaré nul et non avenu.

28

En l’espèce, l’arrêt IPK International/Commission (EU:T:2011:185) du 15 avril 2011, par lequel le Tribunal a annulé la décision de la Commission du 13 mai 2005 mentionnée au point 2 du présent arrêt, a eu pour effet de faire renaître la décision d’octroi du concours financier litigieux du 4 août 1992.

29

En outre, il ressort de l’article 266, premier alinéa, TFUE que l’institution dont émane l’acte annulé doit prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt déclarant cet acte nul et non avenu. Cela induit, notamment, le paiement des sommes dues et la répétition de l’indu ainsi que le versement d’intérêts moratoires.

30

À cet égard, il y a lieu de souligner que le versement d’intérêts moratoires constitue une mesure d’exécution de l’arrêt d’annulation, au sens de l’article 266, premier alinéa, TFUE, en ce qu’il vise à indemniser forfaitairement la privation de jouissance d’une créance et à inciter le débiteur à exécuter, dans les plus brefs délais, l’arrêt d’annulation.

31

Il résulte de ce qui précède que l’obligation faite à la Commission de payer la créance principale assortie d’intérêts trouve son fondement non dans l’exécution de la décision litigieuse mais dans l’exécution de l’arrêt IPK International/Commission (EU:T:2011:185) du 15 avril 2011 en application de l’article 266 TFUE.

32

Partant, il convient de constater que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, aux points 34 et 41 de l’arrêt attaqué, que la décision litigieuse constituait le seul fondement de la créance en cause.

33

Toutefois, les griefs dirigés contre des motifs surabondants d’une décision du Tribunal ne sauraient entraîner l’annulation de cette décision et sont donc inopérants (voir, en ce sens, arrêts France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 79, et Hongrie/Commission, C‑31/13 P, EU:C:2014:70, point 82).

34

Or, en l’espèce, la motivation figurant au point 34 de l’arrêt attaqué constitue une réponse au moyen de la Commission tiré de ce que le créancier serait de mauvaise foi. En particulier, la dernière phrase de ce point, par laquelle le Tribunal énonce que la décision litigieuse constitue le seul fondement juridique de la créance principale en cause, est introduite par l’expression «par ailleurs» et vient conclure une brève analyse de l’arrêt IPK International/Commission (EU:T:2011:185) du 15 avril 2011 visant à démontrer que l’approche de la Commission procède d’une interprétation erronée de cet arrêt. Cette dernière phrase présente donc un caractère surabondant.

35

De même, au point 41 de l’arrêt attaqué, le Tribunal achève son raisonnement relatif à l’obligation faite à la Commission de verser des intérêts moratoires à compter du prononcé de l’arrêt IPK International/Commission (EU:T:2011:185) du 15 avril 2011, en précisant que, ainsi qu’il a été mentionné au point 34 de l’arrêt attaqué, ce constat vaut indépendamment du fait que la décision litigieuse constitue le seul fondement juridique de la créance principale en cause.

36

Le moyen relatif, en substance, au fondement juridique de la créance en cause étant dirigé contre des motifs surabondants doit, par conséquent, être écarté comme inopérant.

37

Par ailleurs, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 93 de ses conclusions, l’octroi d’intérêts compensatoires relève non pas de la mesure d’exécution d’un arrêt d’annulation, au sens de l’article 266, premier alinéa, TFUE, mais de l’application du second alinéa de cet article 266, lequel se réfère à l’article 340 TFUE, c’est-à-dire au contentieux de la responsabilité non contractuelle de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, EU:C:1994:211, point 42). Cette catégorie d’intérêts vise, en effet, à compenser l’écoulement du temps jusqu’à l’évaluation juridictionnelle du montant du préjudice, indépendamment de tout retard imputable au débiteur.

38

Il en résulte que le Tribunal a considéré à tort que la Commission était débitrice d’intérêts qualifiés de «compensatoires», alors que seuls des intérêts moratoires pouvaient être octroyés dans le cadre de l’exécution de l’arrêt IPK International/Commission (EU:T:2011:185) du 15 avril 2011 en application de l’article 266, premier alinéa, TFUE.

39

En conséquence, les moyens du pourvoi concernant, en substance, l’application de la jurisprudence relative aux intérêts compensatoires doivent être écartés comme inopérants.

Sur l’erreur de droit relative à la capitalisation des intérêts compensatoires et au calcul des intérêts moratoires à compter du 15 avril 2011

Argumentation des parties

40

Ce troisième moyen peut être divisé en deux branches. Ainsi, la Commission, par l’une des branches de ce moyen, conteste l’obligation qui lui a été faite de verser des intérêts moratoires à compter du 15 avril 2011.

41

La requérante souligne que, en principe, les intérêts moratoires peuvent être exigés après une mise en demeure, laquelle est remplacée par le dispositif du Tribunal en cas de condamnation. Sans cette condamnation, le Tribunal ne pourrait imposer rétroactivement le paiement de tels intérêts. La Commission conteste ainsi le fait que la date du 15 avril 2011 ait été retenue comme point de départ de l’obligation de verser des intérêts moratoires, dans la mesure où une telle obligation devrait résulter non pas de l’arrêt IPK International/Commission (EU:T:2011:185) du 15 avril 2011, mais uniquement de la décision litigieuse.

42

Enfin, la prise en compte de cette date contredirait la position adoptée par le Tribunal, ce dernier ayant jugé que l’obligation de remboursement ne découlait que de la décision litigieuse, adoptée le 14 octobre 2011.

43

Par l’autre branche de ce troisième moyen du pourvoi, la Commission soutient que le Tribunal ne pouvait imposer une capitalisation des intérêts compensatoires, dès lors qu’aucune condamnation expresse à la capitalisation de ces intérêts n’est prévue dans l’arrêt IPK International/Commission (EU:T:2011:185) du 15 avril 2011.

44

IPK considère que ce dernier arrêt avait pour seul objet l’examen de la légalité de la décision litigieuse. Le fait que le Tribunal n’ait pas examiné les conséquences juridiques résultant de cet arrêt ne dispenserait pas la Commission de son obligation de payer des intérêts tant moratoires que compensatoires. Par ailleurs, cette société rappelle que la Commission a reconnu, lors de la phase orale devant le Tribunal, être tenue au paiement d’intérêts moratoires à compter du 15 avril 2011.

45

IPK ajoute que les intérêts moratoires devraient être calculés sur la base du montant de la dette principale majoré des intérêts compensatoires ayant couru jusqu’au prononcé dudit arrêt.

Appréciation de la Cour

46

S’agissant de l’erreur de droit invoquée, relative à l’obligation de verser des intérêts moratoires à compter du 15 avril 2011, il convient de souligner que la Commission a admis, lors de la phase orale de la procédure devant le Tribunal, être débitrice d’intérêts moratoires, et ce à compter de cette date.

47

Or, la compétence de la Cour dans le cadre d’un pourvoi est limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges. Une partie ne peut donc, en principe, soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas invoqué devant le Tribunal, dans la mesure où cela reviendrait à permettre à la Cour de contrôler la légalité de la solution retenue par le Tribunal eu égard à des moyens dont ce dernier n’a pas eu à connaître (voir, en ce sens, arrêt Allemagne/Commission, C‑544/09 P, EU:C:2011:584, point 63). Il en résulte qu’une branche d’un moyen présentée pour la première fois dans ce cadre doit être considérée comme irrecevable (voir, en ce sens, arrêt FENIN/Commission, C‑205/03 P, EU:C:2006:453, point 22).

48

La branche du troisième moyen du pourvoi, tirée d’une erreur de droit quant à l’obligation d’octroyer des intérêts moratoires à compter du 15 avril 2011 étant nouvelle, il y a lieu de l’écarter comme irrecevable.

49

En ce qui concerne l’erreur de droit relative à la capitalisation des intérêts, il résulte des points 37 et 38 du présent arrêt que les intérêts dus en l’espèce par la Commission ne peuvent être qualifiés de compensatoires.

50

Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 117 de ses conclusions, ces intérêts ne constituent pas un préjudice supplémentaire s’ajoutant à la créance principale et produisant lui-même des intérêts.

51

Dès lors, la capitalisation des intérêts, telle qu’ordonnée par le Tribunal au point 42 de l’arrêt attaqué, en ce qu’elle est fondée sur le caractère compensatoire des intérêts encourus antérieurement, procède d’une erreur de droit.

52

Il y a donc lieu de faire droit au moyen de la Commission en ce qu’il se rapporte à la capitalisation des intérêts.

53

Certes, si les motifs d’un arrêt du Tribunal révèlent une violation du droit de l’Union, mais que son dispositif apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, une telle violation n’est pas de nature à entraîner l’annulation de cet arrêt et il convient alors de procéder à une substitution de motifs (voir, en ce sens, arrêt Comitato «Venezia vuole vivere» e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 118 et jurisprudence citée).

54

Toutefois, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 120 de ses conclusions, aucune circonstance particulière de la présente espèce ne justifie la capitalisation des intérêts moratoires dus à IPK.

55

Dans ces conditions, le troisième moyen doit être déclaré fondé en sa branche tirée de l’erreur de droit résultant de la capitalisation des intérêts et irrecevable pour le surplus.

Sur l’insuffisance et le caractère contradictoire de la motivation

Argumentation des parties

56

Par son cinquième moyen, la Commission soutient que le Tribunal n’a pas répondu à ses arguments relatifs au montant des intérêts, celui-ci s’étant borné, sur ce point, à renvoyer à la jurisprudence. Par ailleurs, le Tribunal se serait contredit en considérant, d’une part, que les intérêts compensatoires ont vocation à pallier l’érosion monétaire due à l’inflation et, d’autre part, en fixant forfaitairement le montant des intérêts compensatoires alloués.

57

En ce qui concerne les intérêts moratoires, la Commission reproche également au Tribunal d’avoir entaché son arrêt d’une contradiction de motifs en prenant comme point de départ du versement de ces intérêts la date du 15 avril 2011, tout en considérant que la décision litigieuse constituait le seul fondement juridique de l’obligation de paiement incombant à la Commission.

58

IPK considère que la motivation de l’arrêt attaqué n’est entachée d’aucune contradiction ou insuffisance.

Appréciation de la Cour

59

S’agissant, d’une part, de la motivation de l’arrêt attaqué relative au calcul des intérêts compensatoires, il y a lieu de relever, à l’instar de M. l’avocat général aux points 98 et 99 de ses conclusions, que le Tribunal a répondu point par point aux arguments soulevés devant lui par la Commission.

60

Ainsi, l’argument tiré de l’insuffisance de la motivation relative au calcul des intérêts compensatoires doit être écarté comme non fondé.

61

En outre, il résulte des points 37 et 38 du présent arrêt que les intérêts en cause dans la présente affaire ne doivent pas être qualifiés d’intérêts compensatoires.

62

Dès lors, l’argument tiré de ce que l’arrêt attaqué serait, en ce qui concerne le calcul des intérêts compensatoires, entaché d’une contradiction de motifs doit être écarté comme inopérant.

63

S’agissant, d’autre part, de la contradiction de motifs qui entacherait cet arrêt en ce qui concerne le calcul des intérêts moratoires, il ressort des points 31 et 32 du présent arrêt que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que la décision litigieuse constituait le seul fondement juridique de la créance principale en cause.

64

Toutefois, les erreurs de droit commises par le Tribunal au regard de l’obligation de motivation ne sont pas de nature à invalider l’arrêt attaqué si le dispositif de celui-ci apparaît fondé pour d’autres motifs de droit (voir, en ce sens, arrêts Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 47, ainsi que Biret et Cie/Conseil, C‑94/02 P, EU:C:2003:518, point 63).

65

Or, il ressort du point 41 de l’arrêt attaqué que la Commission elle-même a admis, lors de la procédure orale devant le Tribunal, être débitrice des intérêts moratoires à compter du prononcé de l’arrêt IPK International/Commission (EU:T:2011:185) du 15 avril 2011, de telle sorte que le Tribunal s’est fondé sur l’existence d’un accord entre les parties pour décider que les intérêts en cause étaient dus à compter de la date de ce prononcé.

66

L’argument tiré de la contradiction de motifs qui entacherait l’arrêt attaqué en ce qui concerne le calcul des intérêts moratoires doit, par conséquent, être écarté comme inopérant.

67

Partant, il y a lieu d’écarter le cinquième moyen du pourvoi.

Sur l’erreur de droit quant à l’application des principes du droit de l’Union en matière d’enrichissement sans cause

Argumentation des parties

68

Par son sixième moyen, la Commission conteste la majoration de deux points du taux d’intérêt fixé par la BCE. Le Tribunal aurait commis une erreur tant en fait, dans la mesure où la Commission ne se serait pas enrichie, qu’en droit, dès lors que le paiement d’intérêts compensatoires viserait à éviter un appauvrissement du créancier et non à prévenir un enrichissement du débiteur.

69

La requérante ajoute que l’application forfaitaire d’un taux de refinancement principal majoré de deux points reviendrait à appauvrir l’Union au profit d’un créancier de mauvaise foi, ce qui serait contraire aux principes généraux du droit de l’Union en matière d’enrichissement sans cause.

70

Selon IPK, l’octroi d’intérêts compensatoires vise non seulement à pallier la dépréciation de la monnaie, mais également à prévenir l’enrichissement sans cause.

Appréciation de la Cour

71

Il ressort des points 29 à 31 du présent arrêt que l’obligation faite à la Commission de verser des intérêts moratoires résulte de l’application de l’article 266, premier alinéa, TFUE. Dès lors, la Commission ne saurait utilement soutenir que l’exécution de cette obligation entraînerait un enrichissement sans cause d’IPK.

72

En conséquence, le sixième moyen du pourvoi doit être écarté comme non fondé.

73

Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient d’annuler l’arrêt attaqué uniquement en ce qu’il ordonne de fixer les intérêts moratoires dus par la Commission à IPK sur la base d’un montant principal de la créance, majoré des intérêts encourus antérieurement. Le pourvoi est rejeté pour le surplus.

Sur le renvoi de l’affaire au Tribunal

74

Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, celle-ci peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue, soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

75

En l’espèce, la Cour considère qu’elle dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la capitalisation des intérêts demandée par IPK.

76

Ainsi qu’il a été relevé au point 54 du présent arrêt, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts dus à IPK. Les intérêts moratoires dus par la Commission à IPK doivent, par conséquent, être calculés sur la base du seul montant principal de la créance en cause et ils courent jusqu’à l’exécution complète de l’arrêt IPK International/Commission (EU:T:2011:185) du 15 avril 2011.

Sur les dépens

77

En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce dernier à la procédure de pourvoi, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’article 138, paragraphe 3, dudit règlement de procédure prévoit que si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.

78

En l’espèce, les deux parties ayant partiellement succombé, il convient de décider que chacune d’elles supportera ses propres dépens afférents à la présente instance.

 

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête:

 

1)

L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne IPK International/Commission (T‑671/11, EU:T:2013:163) est annulé en ce qu’il ordonne de fixer les intérêts moratoires dus par la Commission européenne à IPK International – World Tourism Marketing Consultants GmbH sur la base du montant principal de la créance, majoré des intérêts encourus antérieurement.

 

2)

Le pourvoi est rejeté pour le surplus.

 

3)

Les intérêts moratoires dus par la Commission européenne à IPK International – World Tourism Marketing Consultants GmbH doivent être calculés sur la base du seul montant principal de la créance.

 

4)

La Commission européenne et IPK International – World Tourism Marketing Consultants GmbH supportent leurs propres dépens afférents à la présente instance.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.

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