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Document 62019CO0756

Sklep Sodišča (sedmi senat) z dne 29. aprila 2020.
Ramada Storax SA proti Autoridade Tributária e Aduaneira.
Predlog za sprejetje predhodne odločbe, ki ga je vložilo Tribunal Arbitral Tributário (Centro de Arbitragem Administrativa – CAAD).
Predhodno odločanje – Člen 99 Poslovnika Sodišča – Obdavčenje – Davek na dodano vrednost (DDV) – Direktiva 2006/112/ES – Člena 90 in 273 – Davčna osnova – Zmanjšanje – Neplačilo – Insolventnost dolžnika, ki ima prebivališče izven države – Odločba, ki jo je izdalo sodišče druge države članice, ki priča o neizterljivosti zahtevane terjatve – Načeli davčne nevtralnosti in sorazmernosti.
Zadeva C-756/19.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2020:311

ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

29 avril 2020 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Articles 90 et 273 – Base d’imposition – Réduction – Non-paiement – Insolvabilité du débiteur domicilié à l’extérieur du pays – Décision rendue par une juridiction d’un autre État membre attestant du caractère irrécouvrable des créances réclamées – Principes de neutralité fiscale et de proportionnalité »

Dans l’affaire C‑756/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal Arbitral Tributário (Centro de Arbitragem Administrativa) [tribunal arbitral en matière fiscale (centre d’arbitrage administratif), Portugal], par décision du 8 octobre 2019, parvenue à la Cour le 15 octobre 2019, dans la procédure

Ramada Storax SA

contre

Autoridade Tributária e Aduaneira,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. P. G. Xuereb, président de chambre, MM. T. von Danwitz et A. Kumin (rapporteur), juges,

avocat général : M. G. Hogan,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 90 et 273 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347 p. 1, ci-après la « directive TVA »), des principes de neutralité fiscale et de proportionnalité ainsi que des libertés fondamentales.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Ramada Storax SA à l’Autoridade Tributária e Aduaneira (administration des contributions et des douanes, Portugal) au sujet du refus de cette dernière de lui accorder la régularisation de montants de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) acquittée et afférente à des créances impayées et considérées comme irrécouvrables au motif que le débiteur insolvable est établi en dehors du territoire national.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive TVA

3        Aux termes de l’article 90 de la directive TVA :

« 1.      En cas d’annulation, de résiliation, de résolution, de non-paiement total ou partiel ou de réduction de prix après le moment où s’effectue l’opération, la base d’imposition est réduite à due concurrence dans les conditions déterminées par les États membres.

2.      En cas de non-paiement total ou partiel, les États membres peuvent déroger au paragraphe 1. »

4        L’article 273 de cette directive prévoit :

« Les États membres peuvent prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude, sous réserve du respect de l’égalité de traitement des opérations intérieures et des opérations effectuées entre États membres par des assujettis, et à condition que ces obligations ne donnent pas lieu dans les échanges entre les États membres à des formalités liées au passage d’une frontière.

La faculté prévue au premier alinéa ne peut être utilisée pour imposer des obligations de facturation supplémentaires à celles fixées au chapitre 3. »

 Le règlement (CE) n° 1346/2000

5        L’article 1er du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité (JO 2000, L 160, p. 1), intitulé « Champ d’application », disposait, à son paragraphe 1 :

« Le présent règlement s’applique aux procédures collectives fondées sur l’insolvabilité du débiteur qui entraînent le dessaisissement partiel ou total de ce débiteur ainsi que la désignation d’un syndic. »

6        L’article 3 de ce règlement, intitulé « Compétence internationale », prévoyait, à son paragraphe 1 :

« Les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d’insolvabilité. Pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire. »

7        L’article 16, paragraphe 1, premier alinéa, dudit règlement énonçait :

« Toute décision ouvrant une procédure d’insolvabilité prise par une juridiction d’un État membre compétente en vertu de l’article 3 est reconnue dans tous les autres États membres, dès qu’elle produit ses effets dans l’État d’ouverture. »

8        L’article 25, paragraphe 1, premier alinéa, de ce même règlement était ainsi libellé :

« Les décisions relatives au déroulement et à la clôture d’une procédure d’insolvabilité rendues par une juridiction dont la décision d’ouverture est reconnue conformément à l’article 16 ainsi qu’un concordat approuvé par une telle juridiction sont reconnus également sans aucune autre formalité. [...] »

9        Le règlement n° 1346/2000 a été abrogé et remplacé, à compter du 26 juin 2017, par le règlement (UE) 2015/848 du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 2015, relatif aux procédures d’insolvabilité (JO 2015, L 141, p. 19). Cependant, compte tenu de la date des faits en cause, le règlement n° 1346/2000 demeure applicable au litige au principal.

 Le droit portugais

10      L’article 78 du Código do IVA (code de la TVA, ci-après le « CIVA »), relatif aux régularisations, dispose, à son paragraphe 7 :

« Les assujettis peuvent déduire également la taxe afférente à des créances considérées comme irrécouvrables :

[...]

b)      dans une procédure de faillite, lorsque celle-ci est déclarée comme étant simplifiée, après que le jugement de vérification et de classement des créances prévu au Code de la faillite et de la récupération des entreprises est passé en force de chose jugée ou, lorsqu’elle existe, après l’homologation du plan objet de la décision prévue à l’article 156 de ce même code ;

[...] »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

11      Ramada Storax, société ayant son domicile fiscal à Ovar (Portugal), a conclu, le 3 juillet 1997, un contrat de distribution exclusive avec Logisma SA, établie à Saragosse (Espagne), dans le cadre duquel elle devait livrer des biens à crédit à cette dernière. Ce contrat prévoyait que la livraison de biens s’effectuerait par voie de transferts intracommunautaires.

12      En 2007, des biens fournis à Logisma par Ramada Storax ont été livrés au Portugal. De ce fait, en tant que transferts internes de biens, ces livraisons ont été soumises au taux légal de TVA en vigueur au Portugal. Ramada Storax a émis des factures pour chacune de ces livraisons et a payé la TVA afférente à celles-ci, alors même que Logisma n’a honoré aucune de ces factures. Ainsi, entre le 19 avril et le 1er juin 2007, 186 804,03 euros de TVA, correspondant aux six factures émises au nom de Logisma, ont été liquidés par Ramada Storax.

13      Logisma, en qualité d’entité non-résidente, a demandé le remboursement de la TVA supportée sur ces six factures, demande qui a été autorisée.

14      Au mois de juillet 2007, Logisma a fait l’objet d’une procédure volontaire de faillite devant une juridiction espagnole. Au mois de septembre 2008, elle s’est engagée à payer à Ramada Storax plus de 2 millions d’euros, en vue de rembourser ses dettes envers cette société, dont le montant excédait 9 millions d’euros.

15      En 2010, Ramada Storax a déclaré ses créances dans le cadre de la procédure de faillite espagnole.

16      Le 27 juin 2011, la phase de liquidation a été ouverte. Le 7 mars 2012, les autorités espagnoles compétentes ont approuvé le plan de liquidation de Logisma, celle-ci étant susceptible de percevoir des indemnités ou des compensations de la part de tiers gérants de fonds pour la masse de la faillite et d’honorer certaines créances. Il en a été ainsi au mois de septembre 2014.

17      Le 4 septembre 2015, la juridiction espagnole compétente a, par ordonnance, attesté que Ramada Storax ne percevrait aucune somme résultant du produit de la liquidation de Logisma. Par une décision finale prononcée le 4 novembre 2016, cette juridiction a déclaré que la masse de la faillite ne comportait aucun bien permettant de désintéresser les créanciers.

18      En outre, dans le cadre de cette procédure de faillite, la juridiction espagnole compétente a, par une ordonnance du 2 février 2017, reconnu l’absence de bien ou de droit dans le patrimoine du débiteur. Cette ordonnance met également fin à la procédure de faillite et ordonne le classement des démarches en cours, lève les restrictions aux facultés d’administration et de disposition du débiteur encore en vigueur, approuve la reddition de comptes présentée par le curateur et, enfin, radie Logisma du registre de commerce.

19      En 2017, Ramada Storax a demandé à l’administration des contributions et des douanes, dans sa déclaration périodique de TVA du mois de novembre 2017, le remboursement de 424 137,95 euros, au titre de la TVA résultant de ses créances sur Logisma concernant diverses livraisons, dont les 186 804,03 euros de TVA liquidés par Ramada Storax sur les six factures émises entre le 19 avril et le 1er juin 2007.

20      L’administration des contributions et des douanes a accueilli la demande de remboursement à concurrence de la somme de 237 333,92 euros. Elle l’a rejetée à concurrence de la somme de 186 804,03 euros de TVA comme étant dépourvue de base légale, au motif que, bien qu’elle concerne des créances irrécouvrables, la procédure de faillite de Logisma n’était pas régie par le droit portugais.

21      Ramada Storax a saisi le Tribunal Arbitral Tributário (Centro de Arbitragem Administrativa) [tribunal arbitral en matière fiscale (centre d’arbitrage administratif), Portugal], aux fins qu’il constate l’illégalité de l’acte de liquidation de TVA figurant dans le rappel de TVA qui lui a été adressé.

22      Elle soutient, à cet égard, qu’il doit être fait droit dans son intégralité à sa demande de remboursement de TVA afférente aux livraisons concernées, au motif, notamment, qu’elle a payé la TVA correspondant à ces livraisons alors qu’elle n’a jamais obtenu le paiement de ces dernières, malgré les nombreuses démarches entreprises à cette fin. Les créances qu’elle détient présenteraient un caractère irrécouvrable, ce qui lui permettrait d’obtenir, sur le fondement de l’article 78 du CIVA, la régularisation de la TVA liquidée sur les factures correspondant auxdites livraisons.

23      En réponse, l’administration des contributions et des douanes fait valoir que la demande de remboursement, en tant qu’elle porte sur le montant de TVA de 186 804,03 euros, ne peut être accueillie dès lors que la débitrice des créances en cause est une entreprise qui n’est pas établie au Portugal. Elle soutient, à cet égard, que l’article 78, paragraphe 7, sous b), du CIVA permet la régularisation de la TVA afférente à des créances irrécouvrables constatées dans les procédures de faillite régies par le droit portugais. En revanche, cette procédure ne serait pas ouverte s’agissant de la TVA relative à des créances résultant de procédures de faillite engagées dans d’autres pays.

24      L’administration des contributions et des douanes ajoute que la régularisation au titre de l’article 78 du CIVA et, par conséquent, la reconnaissance du droit au remboursement de cette taxe causeraient un préjudice à l’État portugais, Logisma ayant demandé et obtenu, en sa qualité d’assujettie non établie sur le territoire portugais, le remboursement de la TVA supportée sur la base des factures émises par Ramada Storax. La TVA ne pourrait plus être récupérée auprès de Logisma non seulement par manque de base légale à cet effet, mais également en raison de la fin de l’existence juridique de cette société.

25      Ramada Storax conteste cette position. Elle fait observer, notamment, que la restriction préconisée par l’administration des contributions et des douanes méconnaît le principe de non-discrimination et les libertés fondamentales, en ce qu’une entreprise nationale qui livre des biens à une entreprise établie dans un autre État membre de l’Union européenne serait traitée d’une manière discriminatoire, s’agissant des facultés de récupération de la TVA, par rapport à une entreprise nationale qui livre des biens à d’autres entreprises nationales, lorsque l’entreprise à qui les biens ont été livrés ne s’acquitte pas totalement ou partiellement de leur prix.

26      La juridiction de renvoi expose que le litige pendant devant elle porte sur la question de savoir s’il est possible pour un assujetti fiscalement domicilié sur le territoire national, tel que Ramada Storax, d’obtenir la régularisation de la TVA qu’il a acquittée, afférente à des créances considérées comme irrécouvrables au terme d’une procédure de faillite de l’entreprise débitrice qui s’est déroulée dans l’État membre d’établissement de celle-ci, conformément au droit en vigueur dans cet État, et dans laquelle la juridiction compétente a déclaré la situation de faillite de l’entreprise.

27      À cet égard, la juridiction de renvoi se demande si le CIVA peut, par un renvoi à un texte distinct, à savoir le Código de Insolvência e da Recuperação de Empresas (code de la faillite et du redressement des entreprises), faire obstacle à l’application d’un jugement d’une juridiction d’un État membre attestant que les créances de l’assujetti sont irrécouvrables et, par conséquent, restreindre le droit à régularisation de la TVA.

28      C’est dans ce contexte que le Tribunal Arbitral Tributário [(Centro de Arbitragem Administrativa) [tribunal arbitral en matière fiscale (centre d’arbitrage administratif)] a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’interprétation correcte des articles 90 et 273 de la directive [TVA], des principes de neutralité de la TVA et de proportionnalité ainsi que des libertés économiques fondamentales [s’oppose-t-elle] à ce que le législateur portugais, à l’article 78, paragraphe 7, sous b), du [CIVA], limite la régularisation de la TVA relative à des créances considérées comme irrécouvrables dans le cadre d’une procédure de faillite aux cas prévus à cette disposition [c’est-à-dire lorsqu’une faillite simplifiée a été déclarée, après le passage en force de chose jugée du jugement de vérification et de classement des créances prévu au [...] code de la faillite et du redressement des entreprises (CIRE), adopté par le décret-loi n° 53/2004, du 18 mars 2004, ou, lorsqu’elle existe, après l’homologation du plan objet de la décision prévue à l’article 156 de ce même code], de sorte que les décisions rendues par des juridictions d’autres États membres, attestant que les créances réclamées dans une procédure de faillite sont irrécouvrables, ne sont pas acceptées à cet effet ? »

 Sur la question préjudicielle

29      En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, la Cour peut, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à la question posée ne laisse place à aucun doute raisonnable, décider à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée.

30      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre de la présente affaire.

31      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 90 et 273 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle le droit à réduction de la TVA acquittée et afférente à des créances considérées comme irrécouvrables au terme d’une procédure de faillite est refusé à l’assujetti lorsque le caractère irrécouvrable des créances concernées a été constaté par une juridiction d’un autre État membre sur le fondement du droit en vigueur dans ce dernier État.

32      Aux fins de répondre à cette question, il convient de rappeler que l’article 90, paragraphe 1, de la directive TVA, qui vise les cas d’annulation, de résiliation, de résolution, de non-paiement total ou partiel ou de réduction de prix après le moment où s’effectue l’opération, oblige les États membres à réduire la base d’imposition à la TVA et, partant, le montant de la TVA due par l’assujetti chaque fois que, postérieurement à la conclusion d’une transaction, une partie ou la totalité de la contrepartie n’est pas perçue par l’assujetti. Cette disposition constitue l’expression d’un principe fondamental de la directive TVA selon lequel la base d’imposition est constituée par la contrepartie réellement reçue et dont le corollaire consiste en ce que l’administration fiscale ne saurait percevoir au titre de la TVA un montant supérieur à celui que l’assujetti avait perçu (arrêt du 6 décembre 2018, Tratave, C‑672/17, EU:C:2018:989, point 29 et jurisprudence citée).

33      Certes, l’article 90, paragraphe 2, de cette directive permet aux États membres de déroger à cette règle en cas de non-paiement total ou partiel du prix de l’opération. Ainsi, lorsque l’État membre concerné a entendu faire application de cette dérogation, les assujettis ne sauraient se prévaloir, sur le fondement du paragraphe 1 de cet article, d’un droit à la réduction de leur base d’imposition à la TVA (voir arrêt du 15 mai 2014, Almos Agrárkülkereskedelmi, C‑337/13, EU:C:2014:328, point 23).

34      Cependant, cette faculté de dérogation, qui est strictement limitée aux cas de non-paiement total ou partiel, est fondée sur l’idée selon laquelle le non-paiement de la contrepartie peut, dans certaines circonstances et en raison de la situation juridique existant dans l’État membre concerné, être difficile à vérifier ou n’être que provisoire (arrêt du 22 février 2018, T-2, C‑396/16, EU:C:2018:109, point 37 et jurisprudence citée).

35      Partant, ladite faculté de dérogation ne vise qu’à permettre aux États membres de combattre l’incertitude liée au recouvrement des sommes dues et ne règle pas la question de savoir si une réduction de la base d’imposition à la TVA peut ne pas être effectuée en cas de non-paiement définitif (ordonnance du 24 octobre 2019, Porr Építési Kft., C‑292/19, non publiée, EU:C:2019:901, point 22 et jurisprudence citée).

36      En effet, admettre la possibilité pour les États membres d’exclure, dans un tel cas, toute réduction de la base d’imposition à la TVA irait à l’encontre du principe de neutralité de la TVA, dont il découle notamment que, en sa qualité de collecteur de taxes pour le compte de l’État, l’entrepreneur doit être entièrement soulagé du poids de la taxe due ou acquittée dans le cadre de ses activités économiques elles-mêmes soumises à la TVA (ordonnance du 24 octobre 2019, Porr Építési Kft., C‑292/19, non publiée, EU:C:2019:901, point 23 et jurisprudence citée).

37      Ainsi, la Cour a dit pour droit, dans cette ordonnance, que l’article 90 de la directive TVA doit être interprété en ce sens qu’un État membre doit permettre la réduction de la base d’imposition à la TVA si l’assujetti peut démontrer que la créance qu’il détient sur son débiteur présente un caractère définitivement irrécouvrable, ce qu’il appartient aux juridictions nationales de vérifier.

38      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que Logisma a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire, dans le cadre de laquelle la juridiction compétente a constaté l’absence de bien ou de droit dans le patrimoine de cette société et a ordonné la radiation de celle-ci du registre de commerce.

39      Dès lors, il apparaît que les créances détenues par Ramada Storax sur Logisma revêtent un caractère irrécouvrable.

40      La juridiction de renvoi indique que l’administration des contributions et des douanes refuse néanmoins la réduction de la base d’imposition de TVA, demandée par Ramada Storax, au motif que, en application de l’article 78, paragraphe 7, sous b), du CIVA, la régularisation de la TVA afférente à des créances considérées comme irrécouvrables dans une procédure de faillite n’est possible que si cette procédure est régie par le droit national. Cette administration interpréterait également cette disposition en ce sens que le régime de régularisation de la TVA afférente à des créances irrécouvrables n’est applicable que lorsque le créancier et le débiteur sont des assujettis établis sur le territoire national. Ces conditions ne seraient toutefois pas remplies dans le litige au principal, Logisma ayant eu son siège social en Espagne et la procédure de faillite ayant été engagée dans cet État membre.

41      À cet égard, il y a lieu de constater que, dans la mesure où une telle approche revient à soumettre la réduction de la base d’imposition de TVA en cas d’irrécouvrabilité d’une créance à la condition que le débiteur soit résident sur le territoire national, elle ne saurait être considérée comme étant conforme à l’article 90 de la directive TVA dès lors que cette disposition ne prévoit pas une telle condition.

42      En outre, en tant que l’administration des contributions et des douanes fait également valoir que la réduction de la base d’imposition causerait un préjudice à l’État portugais dès lors que Logisma avait demandé et obtenu le remboursement de la TVA dont le versement ne pouvait plus lui être demandé, il convient de relever que l’article 90 de la directive TVA ne fait pas non plus dépendre le droit à réduction de la TVA de la restitution du remboursement de la TVA accordé à l’entreprise débitrice.

43      Il y a lieu d’ajouter, dans ce contexte, que, selon la juridiction de renvoi, aucun indice de collusion, de concertation ou d’une autre forme de planification fiscale abusive ne ressort des faits du litige au principal.

44      Par ailleurs, si l’article 90, paragraphe 1, de la directive TVA prévoit que la base d’imposition est réduite « dans les conditions déterminées par les États membres », ce renvoi à la compétence de ces derniers ne leur permet pas d’instaurer une condition de fond supplémentaire, non prévue par cette disposition, à laquelle ils subordonneraient la réduction de la base d’imposition.

45      En effet, cette disposition confère aux États membres une marge d’appréciation pour fixer les formalités devant être remplies par les assujettis pour pouvoir obtenir une telle réduction (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2018, Tratave, C‑672/17, EU:C:2018:989, point 32 et jurisprudence citée). Ces formalités doivent être limitées à celles qui permettent de justifier que, postérieurement à la conclusion de la transaction, une partie ou la totalité de la contrepartie ne sera définitivement pas perçue (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2018, Tratave, C‑672/17, EU:C:2018:989, point 34 et jurisprudence citée). En outre, les mesures ainsi adoptées ne doivent pas excéder ce qui est nécessaire à cette justification (voir arrêt du 15 mai 2014, Almos Agrárkülkereskedelmi, C‑337/13, EU:C:2014:328, point 40).

46      Or, en vertu de l’article 25, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000, les décisions relatives à la clôture d’une procédure d’insolvabilité rendues par une juridiction dont la décision d’ouverture est reconnue conformément à l’article 16 de ce règlement, telles que la décision attestant du caractère irrécouvrable des créances en cause au principal, sont reconnues sans aucune autre formalité dans tous les autres États membres.

47      Enfin, si, en vertu de l’article 273 de la directive TVA, les États membres peuvent prévoir, sous certaines conditions, des obligations qu’ils jugent nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude, la Cour a dit pour droit que le fait d’exclure toute possibilité de réduction de la base d’imposition en cas de non-paiement d’une créance par un débiteur insolvable, et de faire peser sur le créancier assujetti la charge d’un montant de TVA qu’il n’aurait pas perçu dans le cadre de ses activités économiques, dépasse, en tout état de cause, les limites strictement nécessaires pour atteindre les objectifs visés à cet article 273 (arrêt du 8 mai 2019, A-PACK CZ, C‑127/18, EU:C:2019:377, point 27).

48      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que les articles 90 et 273 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle le droit à réduction de la TVA acquittée et afférente à des créances considérées comme irrécouvrables au terme d’une procédure de faillite est refusé à l’assujetti lorsque le caractère irrécouvrable des créances concernées a été constaté par une juridiction d’un autre État membre sur le fondement du droit en vigueur dans ce dernier État.

 Sur les dépens

49      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) ordonne :

Les articles 90 et 273 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle le droit à réduction de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée et afférente à des créances considérées comme irrécouvrables au terme d’une procédure de faillite est refusé à l’assujetti lorsque le caractère irrécouvrable des créances concernées a été constaté par une juridiction d’un autre État membre sur le fondement du droit en vigueur dans ce dernier État.

Signatures


*      Langue de procédure : le portugais.

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