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Document 62014CO0456

Ordonanța Curții (Camera a patra) din 3 septembrie 2015.
Manuel Orrego Arias împotriva Subdelegación del Gobierno en Ciudad Real.
Cerere de decizie preliminară formulată de Tribunal Superior de Justicia de Castilla-La Mancha.
Trimitere preliminară – Spațiul de libertate, securitate și justiție – Directiva 2001/40/CE – Recunoașterea reciprocă a deciziilor de îndepărtare a resortisanților țărilor terțe – Articolul 3 alineatul (1) litera (a) – Noțiunea «infracțiune care se sancționează cu o pedeapsă privativă de libertate de cel puțin un an» – Decizie de îndepărtare a unui resortisant al unei țări terțe ca urmare a unei condamnări penale – Situație care nu se încadrează în domeniul de aplicare al Directivei 2001/40 – Necompetență vădită.
Cauza C-456/14.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2015:550

ORDONNANCE DE LA COUR (quatrième chambre)

3 septembre 2015 (*)

«Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Directive 2001/40/CE – Reconnaissance mutuelle des décisions d’éloignement des ressortissants de pays tiers – Article 3, paragraphe 1, sous a) – Notion d’‘infraction passible d’une peine privative de liberté d’au moins un an’ – Décision d’éloignement d’un ressortissant d’un pays tiers en raison d’une condamnation pénale – Situation ne relevant pas du champ d’application de la directive 2001/40 – Incompétence manifeste»

Dans l’affaire C‑456/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal Superior de Justicia de Castilla-La Mancha (Espagne), par décision du 4 septembre 2014, parvenue à la Cour le 2 octobre 2014, dans la procédure

Manuel Orrego Arias

contre

Subdelegación del Gobierno en Ciudad Real,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen (rapporteur), président de chambre, Mme K. Jürimäe, MM. J. Malenovský, M. Safjan et Mme A. Prechal, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

considérant les observations présentées:

–        pour le gouvernement espagnol, par M. L. Banciella Rodríguez-Miñón, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement autrichien, par M. G. Eberhard, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par Mmes S. Pardo Quintillán et M. Condou-Durande, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2001/40/CE du Conseil, du 28 mai 2001, relative à la reconnaissance mutuelle des décisions d’éloignement des ressortissants de pays tiers (JO L 149, p. 34).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Orrego Arias à la Subdelegación del Gobierno en Ciudad Real (représentation du gouvernement dans la province de Ciudad Real) au sujet d’une décision d’éloignement du territoire espagnol de l’intéressé, assortie d’une interdiction d’entrée sur ce territoire d’une durée de cinq ans.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2001/40 prévoit:

«Sans préjudice, d’une part, des obligations découlant de l’article 23 et, d’autre part, de l’application de l’article 96 de la convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985 [entre les Gouvernements des États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes (JO 2000, L 239, p. 19)], signée à Schengen [(Luxembourg)] le 19 juin 1990, ci‑après dénommée ‘convention de Schengen’, l’objet de la présente directive est de permettre la reconnaissance d’une décision d’éloignement prise par une autorité compétente d’un État membre, ci‑après dénommé ‘État membre auteur’, à l’encontre d’un ressortissant d’un pays tiers qui se trouve sur le territoire d’un autre État membre, ci‑après dénommé ‘État membre d’exécution’.»

4        L’article 3 de cette directive dispose:

«1.      L’éloignement visé à l’article 1er concerne les cas suivants:

a)      le ressortissant d’un pays tiers fait l’objet d’une décision d’éloignement fondée sur une menace grave et actuelle pour l’ordre public ou la sécurité et sûreté nationales, et prise dans les cas suivants:

–        condamnation du ressortissant du pays tiers par l’État membre auteur pour une infraction passible d’une peine privative de liberté d’au moins un an,

[...]»

5        L’article 96 de la convention de Schengen stipule:

«1.      Les données relatives aux étrangers qui sont signalés aux fins de non‑admission sont intégrées sur la base d’un signalement national résultant de décisions prises, dans le respect des règles de procédure prévues par la législation nationale, par les autorités administratives ou les juridictions compétentes.

2.      Les décisions peuvent être fondées sur la menace pour l’ordre public ou la sécurité et la sûreté nationales que peut constituer la présence d’un étranger sur le territoire national.

Tel peut être notamment le cas:

a)      d’un étranger qui a été condamné pour une infraction passible d’une peine privative de liberté d’au moins un an;

[...]»

 Le droit espagnol

6        L’article 57, paragraphe 2, de la loi organique 4/2000, relative aux droits et libertés des étrangers en Espagne et à leur intégration sociale (Ley Orgánica 4/2000, sobre derechos y libertades de los extranjeros en España y su integración social), du 11 janvier 2000 (BOE n° 10, du 12 janvier 2000, p. 1139, ci-après la «loi relative aux étrangers»), prévoit:

«[...] [C]onstitue un motif d’éloignement, après instruction du dossier correspondant, le fait que l’étranger ait été condamné, en Espagne ou en dehors, pour une faute intentionnelle qui constitue dans notre pays un délit sanctionné par une peine privative de liberté supérieure à un an, à moins que ses antécédents pénaux n’aient été effacés de son casier judiciaire.»

 Le litige au principal et la question préjudicielle

7        M. Orrego Arias a été condamné, par une décision du 6 mai 2009, à une peine d’emprisonnement de huit mois pour tentative de vol avec effraction, ce délit étant sanctionné, selon le droit pénal espagnol, par une peine d’emprisonnement d’une durée d’un à trois ans.

8        Le 15 juin 2012, M. Orrego Arias a fait l’objet d’une décision de la Subdelegación del Gobierno en Ciudad Real fondée sur l’article 57, paragraphe 2, de la loi relative aux étrangers, prononçant son éloignement du territoire espagnol, assortie d’une interdiction d’entrée sur ce dernier d’une durée de cinq ans.

9        L’intéressé a formé un recours pour excès de pouvoir contre cette décision devant le Juzgado de lo Contencioso-Administrativo n° 2 de Ciudad Real (juge de l’ordre du contentieux administratif n° 2 de Ciudad Real). Devant cette juridiction, M. Orrego Arias a, en substance, fait valoir que, la peine d’emprisonnement lui ayant été infligée n’étant pas supérieure à un an, l’article 57, paragraphe 2, de la loi relative aux étrangers n’est pas applicable.

10      Par une décision du 13 mai 2013, ladite juridiction a rejeté le recours de M. Orrego Arias en considérant, en substance, que ledit article 57, paragraphe 2, s’applique à un délit tel que celui commis par l’intéressé, qui est sanctionné par une peine d’emprisonnement supérieure à un an.

11      M. Orrego Arias a interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi.

12      Dans ce contexte, le Tribunal Superior de Justicia de Castilla-La Mancha (Cour supérieure de justice de Castilla-La Mancha) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’expression ‘infraction passible d’une peine privative de liberté d’au moins un an’, figurant à l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2001/40, doit-t-elle être interprétée en ce sens qu’elle fait référence à la peine prévue en théorie pour le délit concerné ou bien, au contraire, doit-t-elle être interprétée en ce sens qu’elle fait référence à la peine d’emprisonnement infligée en pratique au condamné et, partant, en ce sens que les autres États membres seraient tenus ou non de reconnaître la décision, prise par un État membre, de procéder à l’éloignement du ressortissant d’un État tiers condamné à une peine privative de liberté de huit mois?»

 Sur la compétence de la Cour

13      En vertu de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque celle-ci est manifestement incompétente pour connaître d’une affaire, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

14      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

15      Selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales, telle que prévue à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire pendante devant lui, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour (arrêt VEBIC, C‑439/08, EU:C:2010:739, point 41 et jurisprudence citée).

16      Dès lors que les questions posées par les juridictions nationales portent sur l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, la Cour est donc, en principe, tenue de statuer, à moins qu’il soit manifeste que la demande de décision préjudicielle tend, en réalité, à l’amener à statuer par le biais d’un litige construit ou à formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, que l’interprétation du droit de l’Union demandée n’ait aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige, ou encore que la Cour ne dispose pas des éléments de fait ou de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt VEBIC, C‑439/08, EU:C:2010:739, point 42 et jurisprudence citée).

17      En l’occurrence, il y a lieu de constater que la question posée porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2001/40.

18      Conformément à son article 1er, la directive 2001/40 a pour objet de permettre la reconnaissance d’une décision d’éloignement prise par une autorité compétente d’un État membre à l’encontre d’un ressortissant d’un pays tiers qui se trouve sur le territoire d’un autre État membre.

19      Or, il ressort de la décision de renvoi que l’affaire au principal concerne la validité d’une décision d’éloignement prise par les autorités espagnoles compétentes, sur la base de l’article 57, paragraphe 2, de la loi relative aux étrangers, à l’encontre d’un ressortissant d’un pays tiers qui se trouve sur le territoire espagnol et qui a été condamné à une peine d’emprisonnement de huit mois pour un délit sanctionné, selon le droit espagnol, par une peine d’emprisonnement d’une durée d’un à trois ans.

20      Ainsi, il est manifeste que la situation en cause au principal ne relève pas du champ d’application de la directive 2001/40, dont la juridiction de renvoi demande l’interprétation.

21      Toutefois, la Cour s’est à maintes reprises déclarée compétente pour statuer sur les demandes de décision préjudicielle portant sur des dispositions du droit de l’Union dans des situations dans lesquelles les faits au principal se situaient en dehors du champ d’application du droit de l’Union, mais dans lesquelles lesdites dispositions de ce droit avaient été rendues applicables par le droit national, en raison d’un renvoi opéré par ce dernier au contenu de celles-ci (arrêt Nolan, C‑583/10, EU:C:2012:638, point 45 et jurisprudence citée).

22      En effet, lorsqu’une législation nationale se conforme, pour les solutions qu’elle apporte à des situations ne relevant pas du champ d’application de l’acte de l’Union concerné, à celles retenues par ledit acte, il existe un intérêt certain de l’Union à ce que, pour éviter des divergences d’interprétation futures, les dispositions reprises de cet acte reçoivent une interprétation uniforme (arrêt Nolan, C‑583/10, EU:C:2012:638, point 46 et jurisprudence citée).

23      Tel est le cas dès lors que les dispositions du droit de l’Union en cause ont été rendues applicables de manière directe et inconditionnelle, par le droit national, à de telles situations (arrêt Romeo, C‑313/12, EU:C:2013:718, point 23 et jurisprudence citée). En revanche, tel n’est pas le cas lorsque les dispositions du droit national permettent au juge national de s’écarter des règles du droit de l’Union, telles qu’interprétées par la Cour (voir, en ce sens, arrêts Kleinwort Benson, C‑346/93, EU:C:1995:85, points 16 et 18, ainsi que Romeo, C‑313/12, EU:C:2013:718, point 33 et jurisprudence citée), la Cour étant alors incompétente pour statuer sur la question préjudicielle (arrêt Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 12).

24      En l’occurrence, il ne ressort pas de la décision de renvoi que le droit national opérerait un renvoi direct et inconditionnel à l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2001/40 et, partant, qu’il rendrait contraignante l’interprétation donnée par la Cour de cette directive pour la résolution de l’affaire au principal par la juridiction de renvoi.

25      En particulier, dans la présente affaire, la juridiction de renvoi se borne à affirmer que l’article 3, paragraphe 1, sous a), de la directive 2001/40 constitue le principal élément d’interprétation de l’article 57, paragraphe 2, de la loi relative aux étrangers, sans indiquer que la réponse de la Cour la lierait pour la résolution du litige au principal.

26      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater, sur le fondement de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, que la Cour est manifestement incompétente pour répondre à la question posée par le Tribunal Superior de Justicia de Castilla-La Mancha.

 Sur les dépens

27      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) ordonne:

La Cour de justice de l’Union européenne est manifestement incompétente pour répondre à la question posée par le Tribunal Superior de Justicia de Castilla-La Mancha (Espagne), par décision du 4 septembre 2014 (affaire C‑456/14).

Signatures


* Langue de procédure: l’espagnol.

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