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Este documento é um excerto do sítio EUR-Lex

Documento 62015FJ0034

Acórdão do Tribunal da Função Pública (Segunda Secção) de 16 de dezembro de 2015.
Stéphane De Loecker contra Serviço Europeu para a Ação Externa.
Função pública – Pessoal do SEAE – Agente temporário – Assédio moral – Artigos 12.°-A e 24.° do Estatuto – Pedido de assistência – Indeferimento – Pedido de abertura de um inquérito administrativo – Direito a ser ouvido – Violação.
Processo F-34/15.

Coletânea da Jurisprudência — Coletânea da Função Pública

Identificador Europeu da Jurisprudência (ECLI): ECLI:EU:F:2015:153

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

16 décembre 2015 ( * )

«Fonction publique — Personnel du SEAE — Agent temporaire — Harcèlement moral — Articles 12 bis et 24 du statut — Demande d’assistance — Rejet — Demande d’ouverture d’une enquête administrative — Droit d’être entendu — Violation»

Dans l’affaire F‑34/15,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Stéphane De Loecker, ancien agent temporaire du Service européen pour l’action extérieure, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes J.-N. Louis et N. de Montigny, avocats,

partie requérante,

contre

Service européen pour l’action extérieure (SEAE), représenté par M. S. Marquardt et Mme M. Silva, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (deuxième chambre),

composé de MM. K. Bradley (rapporteur), président, H. Kreppel et Mme M. I. Rofes i Pujol, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 septembre 2015,

rend le présent

Arrêt

1

Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 24 février 2015, M. De Loecker a introduit le présent recours tendant à l’annulation de la décision du haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (ci-après le « haut représentant »), du 14 avril 2014, de rejeter sa demande d’assistance introduite au titre des articles 12 bis et 24 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), contenue dans un document intitulé « Plainte » qu’il avait transmis au haut représentant par lettre du 9 décembre 2013, pour des faits de harcèlement moral.

Cadre juridique

2

L’article 41, intitulé « Droit à une bonne administration », de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dispose :

« 1.   Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union.

2.   Ce droit comporte notamment :

a)

le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ;

[…] »

3

Selon l’article 12 bis du statut, applicable par analogie aux agents temporaires en vertu de l’article 11 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA ») :

« 1.   Tout fonctionnaire s’abstient de toute forme de harcèlement moral et sexuel.

2.   Le fonctionnaire victime de harcèlement moral ou sexuel ne subit aucun préjudice de la part de l’institution. Le fonctionnaire ayant fourni des preuves de harcèlement moral ou sexuel ne subit aucun préjudice de la part de l’institution, pour autant qu’il ait agi de bonne foi.

3.   Par harcèlement moral, on entend toute conduite abusive se manifestant de façon durable, répétitive ou systématique par des comportements, des paroles, des actes, des gestes et des écrits qui sont intentionnels et qui portent atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique d’une personne.

[…] »

4

L’article 24, premier alinéa, du statut, applicable par analogie aux agents temporaires en vertu de l’article 11 du RAA, dispose :

« L’Union assiste le fonctionnaire, notamment dans toute poursuite contre les auteurs de menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats contre la personne et les biens, dont il est, ou dont les membres de sa famille sont l’objet, en raison de sa qualité et de ses fonctions. »

Faits à l’origine du litige

5

Le requérant a été recruté par le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) dans le cadre d’un contrat de quatre ans en qualité d’agent temporaire, au sens de l’article 2, sous e), du RAA, pour occuper, à compter du 1er janvier 2011, le poste de chef de la délégation de l’Union européenne à Bujumbura (Burundi) (ci-après la « délégation »), en tant qu’agent détaché des services diplomatiques belges.

6

Au cours de l’année 2012, l’assistante du requérant a introduit à son égard une plainte pour des faits de harcèlement moral.

7

À la fin du mois de juin 2012, le requérant a participé à une réunion au siège du SEAE à Bruxelles (Belgique) au cours de laquelle le directeur général administratif (« chief operating officer ») du SEAE (ci-après le « directeur général administratif ») aurait évoqué l’ouverture d’une enquête administrative à l’encontre du requérant pour clarifier certains faits. Il ressort du compte rendu de cette réunion, qui a eu lieu le 19 juin 2012 selon le SEAE et le 20 juin 2012 selon le requérant, que le requérant et le directeur général administratif se sont accordés pour se rencontrer le 22 juin suivant.

8

Le requérant soutient, sans être contredit sur ce point par le SEAE, avoir demandé, lors de sa rencontre avec le directeur général administratif le 22 juin 2012, l’ouverture d’une enquête administrative visant à éclaircir les faits ou comportements qui lui étaient reprochés.

9

Il ressort du dossier que, par note du 25 juin 2012, le directeur général administratif a informé le requérant de l’ouverture d’une enquête administrative.

10

Par note du 9 novembre 2012, le directeur général administratif a informé le requérant que l’enquête administrative ouverte en 2012 n’avait révélé aucun élément sérieux de nature à caractériser des faits de harcèlement moral, ni mis en évidence des actes ou des comportements susceptibles de porter atteinte à la dignité de la fonction du requérant ou à son indépendance ou à la défense des intérêts de l’Union.

11

Par une seconde note du même jour, le requérant a été informé par le directeur général administratif qu’il avait décidé de ne pas adopter de sanction disciplinaire à son égard, mais qu’il lui adressait néanmoins une mise en garde, conformément à l’article 3, sous b), de l’annexe IX du statut. Par la même note, le requérant a été invité à prêter attention au respect des règles relatives à l’utilisation des véhicules de la délégation, ainsi qu’à celles relatives à la prévention des risques de conflits d’intérêts dans l’attribution des marchés publics.

12

Du 10 au 14 juin 2013, la délégation a fait l’objet d’une inspection par une mission commune du service d’appui et d’évaluation des délégations du SEAE et de la direction générale (DG) « Développement et coopération – EuropeAid » de la Commission européenne (ci-après la « mission d’évaluation »). Le projet de rapport de la mission d’évaluation a fait état de manquements graves dans la gestion de la délégation par le requérant, tant au niveau de la direction que de l’organisation et de la gestion des conflits entre les membres du personnel. Dix-sept recommandations étaient jointes audit projet, dont le rappel immédiat du requérant au siège du SEAE pour consultation.

13

Entre le 21 juin 2013 et la mi-août 2013, le directeur général administratif a eu plusieurs contacts téléphoniques avec le président du comité de direction du ministère belge des Affaires étrangères au sujet de la situation du requérant.

14

Le 24 juin 2013, le directeur général administratif a téléphoné au requérant pour l’informer de son rappel en urgence au siège du SEAE à Bruxelles.

15

Au cours d’une réunion qui a eu lieu le 27 juin 2013, le directeur général administratif a remis au requérant un extrait du projet de rapport de la mission d’évaluation contenant les principales conclusions le concernant.

16

Le 4 juillet 2013, également à Bruxelles, s’est tenue une réunion, présidée par le directeur exécutif du département « Afrique » du SEAE, à laquelle ont participé plusieurs membres de la hiérarchie du SEAE et le requérant afin de discuter du projet de rapport de la mission d’évaluation. Lors de cette réunion, un délai de cinq jours ouvrables a été accordé au requérant pour formuler des observations écrites. En outre, le requérant soutient que, au début de la réunion, il aurait été informé par le président de séance de ce que « la décision de principe [de le rappeler au siège] [avait] déjà [été] prise ».

17

Il ressort du dossier que le requérant a transmis ses commentaires sur le projet de rapport de la mission d’évaluation le 7 juillet 2013.

18

Par décision du haut représentant, agissant en sa qualité d’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC »), du 15 juillet 2013, le requérant a été transféré dans l’intérêt du service, avec effet immédiat, au siège du SEAE à Bruxelles sur un poste de la direction des ressources humaines de la DG de l’administration et des finances du SEAE. Le dernier considérant de cette décision indique que celle-ci a été adoptée au vu des constatations effectuées à l’issue de plusieurs missions dans la délégation ayant eu lieu en 2012 et 2013, dont la mission d’évaluation, lesquelles avaient mis au jour des manquements graves dans la gestion de la délégation avec, entre autres conséquences, le risque d’affecter négativement la mise en œuvre des politiques de coopération et de développement de l’Union européenne.

19

Le 23 juillet 2013, en réponse à un courriel du requérant lui demandant s’il devait prendre congé du président de la république du Burundi, le directeur des ressources humaines de la DG de l’administration et des finances du SEAE lui a répondu qu’il estimait qu’il n’était pas « approprié » qu’il entreprenne « les démarches diplomatique[s] d’usage à l’occasion de [son] départ du Burundi ».

20

À la suite du rappel du requérant au siège du SEAE, le 30 juillet 2013, un site Internet burundais a diffusé un article fortement critique à l’encontre du requérant. Le 31 juillet 2013, le requérant a mis en demeure les responsables du site, qui ont alors retiré cet article.

21

Par lettre du 31 juillet 2013, le requérant a informé le directeur général administratif de l’existence de l’article diffusé le 30 juillet 2013 sur un site Internet burundais et lui a transmis sa lettre de mise en demeure, en lui demandant quelles « mesures [avaient été] prises par l’institution pour mettre fin à cette situation et [le] rétablir […] dans sa réputation lésée ».

22

Le 7 août 2013, le directeur des ressources humaines du SEAE a indiqué au requérant avoir été chargé par le directeur général administratif d’accuser réception de sa lettre du 31 juillet 2013.

23

Le 23 août 2013, le requérant a formé un recours en référé et un recours en annulation contre la décision du 15 juillet 2013 le transférant au siège du SEAE dans l’intérêt du service. Ces recours ont été enregistrés respectivement sous les références F‑78/13 R et F‑78/13. Par ordonnance du 12 septembre 2013, De Loecker/SEAE (F‑78/13 R, EU:F:2013:134), le président du Tribunal a rejeté la demande de référé. Par arrêt du 13 novembre 2014, De Loecker/SEAE (F‑78/13, EU:F:2014:246), le Tribunal a rejeté le recours en annulation.

24

Par lettre du 9 décembre 2013, le requérant, sur le fondement des articles 12 bis et 24 du statut, a transmis au haut représentant un document intitulé « Plainte », dans lequel il faisait état d’un harcèlement moral de la part du directeur général administratif et demandait qu’une enquête administrative soit ouverte et confiée à « un enquêteur externe de très haut niveau, justifiant d’une grande expérience des conditions de travail qui régissent les institutions de l’Union et d’une impartialité irréprochable aux fins d’établir les faits, d’en tirer les conclusions et de faire des recommandations » (ci-après la « demande d’assistance »).

25

Par lettre du 20 décembre 2013, le haut représentant a accusé réception de la demande d’assistance et a informé le requérant qu’il l’avait transmise à la DG « Ressources humaines et sécurité » de la Commission, afin qu’elle soit traitée par ses soins en coopération avec les services du SEAE « dans le délai statutaire applicable ».

26

Le même jour, le haut représentant, en sa qualité d’AHCC, a informé le requérant de sa décision de résilier son contrat d’agent temporaire avec effet au 31 mars 2014. Le requérant a formé un recours en annulation le 28 mars 2014 à l’encontre de cette décision, recours enregistré sous la référence F‑28/14. Par arrêt du 9 septembre 2015, De Loecker/SEAE (F‑28/14, EU:F:2015:101), le Tribunal a rejeté ce recours.

27

Entretemps, le 14 avril 2014, le haut représentant, agissant en sa qualité d’AHCC, a rejeté la demande d’assistance (ci-après la « décision litigieuse »). Dans cette décision, le haut représentant faisait état de ce que, en raison du fait que la demande d’assistance contenait des accusations à l’égard du directeur général administratif, l’Office d’investigation et de discipline de la Commission (IDOC) avait été associé au traitement du dossier et de ce que, se considérant suffisamment informé par les pièces du dossier, l’IDOC avait conclu qu’il n’était pas nécessaire d’ouvrir une enquête administrative.

28

Le 14 juillet 2014, le requérant a introduit une réclamation à l’encontre de la décision litigieuse, au titre de l’article 90 du statut. Cette réclamation a été rejetée par décision du 14 novembre 2014 du secrétaire général exécutif du SEAE.

Conclusions des parties et procédure

29

Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision litigieuse ;

condamner le SEAE aux dépens.

30

Le SEAE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme non fondé ;

condamner le requérant aux dépens.

31

Par lettres du greffe du 25 juin 2015, le Tribunal a invité les parties, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, à lui transmettre certains documents et informations. Les parties ont déféré à cette demande.

32

Lors de l’audience du 10 septembre 2015, le Tribunal a invité le requérant lui-même à s’exprimer sur certains aspects du litige.

En droit

33

Des écrits du requérant, quatre moyens peuvent être identifiés au soutien de ses conclusions en annulation. Le premier moyen est tiré de la prétendue partialité des enquêteurs ayant examiné sa demande d’assistance ; le deuxième, de ce que le rapport de l’enquête administrative menée par l’IDOC suite à sa demande d’assistance ne lui aurait jamais été transmis ; le troisième, de la violation du droit d’être entendu et, le quatrième, de la violation de l’article 24, premier alinéa, du statut.

34

Le Tribunal examinera tout d’abord le troisième moyen, tiré de la violation du droit d’être entendu.

Arguments des parties

35

Dans le cadre du troisième moyen, le requérant « constate qu’il n’a jamais été entendu ». Selon lui, le SEAE se serait donc abstenu illégalement de répondre avec la sollicitude requise dans les circonstances de l’espèce en vue d’établir les faits et d’en tirer les conséquences appropriées.

36

Dans son mémoire en défense, le SEAE n’a pas répondu au troisième moyen. Toutefois, lors de l’audience, le SEAE a précisé, en réponse à une demande du Tribunal, que, dans le cadre de la demande d’assistance, l’examen préliminaire du dossier par l’IDOC et la conclusion négative de l’IDOC ne constituent pas des actes attaquables, de sorte que la question ne saurait être celle de la violation du droit d’être entendu au sens de l’article 41, paragraphe 2, de la Charte, mais, tout au plus, du droit à une bonne administration, lequel ne donnerait pas lieu à un droit formel à être entendu.

Appréciation du Tribunal

Sur la recevabilité

37

Selon une jurisprudence constante, la règle de concordance entre la réclamation, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, et la requête subséquente exige, sous peine d’irrecevabilité, qu’un moyen soulevé devant le juge de l’Union l’ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l’administration ait été en mesure de connaître les critiques que l’intéressé formule à l’encontre de la décision contestée (arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki,T‑476/11 P, EU:T:2013:557, point 71).

38

En l’espèce, le Tribunal constate que, dans les remarques préliminaires de sa réclamation, le requérant affirme n’avoir « jamais été entendu par [le haut représentant,] qui aurait dû instruire sa plainte, ni par tout autre service qui y aurait été associé ». Dans une sous-partie de sa réclamation intitulée « Quant à la plainte du chef de harcèlement moral », le requérant a évoqué l’article 41 de la Charte et le « droit de toute personne à être entendue avant qu’une décision individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ». En outre, il a indiqué, dans cette même sous-partie, que, après avoir été saisi de sa demande d’assistance, le SEAE non seulement n’aurait pris aucune mesure de protection à son égard, mais « a[urait] même refusé de l’entendre ». Enfin, il a conclu que la décision litigieuse « méconna[issait] manifestement l’article 41 de la Charte […] et, notamment, le droit […] d’être entendu ».

39

Compte tenu de l’obligation pour l’administration de ne pas « interpréter les réclamations de façon restrictive, mais […], au contraire, [de] les examiner dans un esprit d’ouverture » (arrêt du 13 mars 2013, Mendes/Commission,F‑125/11, EU:F:2013:35, point 35), il y a lieu de juger que le requérant a soulevé dans sa réclamation le moyen tiré de la violation du droit d’être entendu par l’AHCC avant que celle-ci ne prenne une décision sur la demande d’assistance, de telle sorte que le SEAE était en mesure de connaître ses critiques à cet égard.

40

En outre, bien que la formulation du troisième moyen dans la requête soit extrêmement succincte, le requérant s’étant limité à indiquer qu’il n’avait pas été entendu, il ressort de manière suffisamment claire de la requête que le requérant reproche à l’AHCC d’avoir adopté la décision litigieuse sans l’avoir entendu préalablement, en violation de l’article 41 de la Charte.

Sur le fond

41

Selon la jurisprudence, en vertu du devoir d’assistance prévu par l’article 24 du statut, l’administration doit, en présence d’un incident incompatible avec l’ordre et la sérénité du service, intervenir avec toute l’énergie nécessaire et répondre avec la rapidité et la sollicitude requises par les circonstances de l’espèce en vue d’établir les faits et d’en tirer, en connaissance de cause, les conséquences appropriées. À cette fin, il suffit que le fonctionnaire qui réclame la protection de son institution apporte un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme être l’objet. En présence de tels éléments, il appartient à l’institution en cause de prendre les mesures appropriées, notamment en faisant procéder à une enquête administrative, afin d’établir les faits à l’origine de la plainte, en collaboration avec l’auteur de celle-ci (arrêts du 16 mai 2012, AF/Commission,F‑61/10, EU:F:2012:65, point 71, et du 11 juillet 2013, Tzirani/Commission,F‑46/11, EU:F:2013:115, point 108, et la jurisprudence citée).

42

En outre, il a déjà été jugé qu’une décision rejetant une demande d’assistance constitue un acte faisant grief au demandeur (arrêts du 12 septembre 2007, Combescot/Commission,T‑249/04, EU:T:2007:261, point 32, et du 11 mai 2010, Nanopoulos/Commission,F‑30/08, EU:F:2010:43, point 93).

43

Il est également de jurisprudence constante que la situation d’un plaignant dans le cadre d’une plainte pour harcèlement moral ne peut pas être assimilée à celle de la personne qui fait l’objet de la plainte et les droits procéduraux qui doivent être reconnus à la personne accusée de harcèlement se distinguent de ceux, plus limités, dont dispose, dans le cadre de la procédure administrative, la prétendue victime d’un harcèlement (arrêts du 23 septembre 2015, Cerafogli/BCE,T‑114/13 P, EU:T:2015:678, point 40, et du 16 mai 2012, Skareby/Commission,F‑42/10, EU:F:2012:64, points 46 à 48). Cette dernière peut néanmoins se prévaloir, au titre du principe de bonne administration, du droit d’être entendue sur les faits la concernant, dans la mesure où une décision rejetant une demande d’assistance en raison d’un harcèlement moral allégué est susceptible d’emporter de graves conséquences, les faits de harcèlement moral pouvant avoir des effets extrêmement destructeurs sur l’état de santé de la victime et la reconnaissance éventuelle par l’administration de l’existence d’un harcèlement moral étant, en elle-même, susceptible d’avoir un effet bénéfique dans le processus thérapeutique de reconstruction de la personne harcelée (arrêt du 23 octobre 2013, BQ/Cour des comptes,F‑39/12, EU:F:2013:158, point 72).

44

En l’espèce, il ressort du dossier que, après avoir reçu la demande d’assistance, le SEAE s’est limité à en accuser réception le 20 décembre 2013 et n’a jamais entendu le requérant, dans le cadre du traitement de ladite demande, avant l’adoption de la décision litigieuse le 14 avril 2014.

45

Il y a donc lieu de constater que le droit du requérant d’être entendu n’a pas été respecté par le SEAE, en violation de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte.

46

En outre, comme le SEAE l’a reconnu dans sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure, il n’a pas cherché à démontrer que, même si le requérant avait été régulièrement entendu, la décision adoptée n’aurait pas été différente (voir, en ce sens, arrêt du 8 octobre 2015, DD/FRA,F‑106/13 et F‑25/14, EU:F:2015:118, point 65).

47

En tout état de cause, le requérant a souligné lors de l’audience que, s’il avait été entendu, il aurait pu faire valoir qu’il n’avait jamais reçu de compte rendu des réunions qu’il avait eues avec le directeur général administratif et souligner le fait qu’il n’avait jamais participé à de telles réunions en présence de son conseil. En outre, il aurait pu soutenir avoir fait l’objet, ainsi qu’il le prétend, d’un traitement inapproprié de la part du directeur général administratif et tenter d’établir le bien-fondé de ses allégations selon lesquelles la décision de le licencier et celle de le rappeler à Bruxelles n’étaient pas liées au rapport de la mission d’évaluation.

48

En outre, dans la décision litigieuse, le SEAE fait état de ce que « les préjudices que [le requérant] dit avoir subi[s] sont à peine étayés, à part quelques affirmations générales et peu détaillées sur les conséquences de son retour anticipé […] ou sur les atteintes à sa réputation suite à la publication des affirmations injurieuses à son égard sur un site [I]nternet local ». Or, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 41 du présent arrêt, d’une part, lorsqu’un agent introduit une demande d’assistance, il doit apporter un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme être l’objet, étant entendu que, puisque l’administration doit examiner les éléments qui lui sont fournis dans cette demande pour décider de la suite à donner à la procédure, la demande d’assistance doit être la plus précise et complète possible. D’autre part, l’introduction d’une demande d’assistance fait naître l’obligation dans le chef de l’institution en cause d’adopter les mesures appropriées, notamment en examinant l’opportunité de procéder à une enquête administrative, en collaboration avec le plaignant. Il ne peut donc pas être exclu que, si le requérant avait été entendu et avait pu fournir des explications sur les éléments non suffisamment clairs de sa demande d’assistance, le SEAE aurait pu recueillir des informations utiles pour prendre une décision sur la suite à donner à la procédure en pleine connaissance de cause.

49

Dans ces circonstances, le Tribunal n’est donc pas en mesure d’exclure que, s’il avait été entendu avant que l’administration ne décide de clôturer le dossier sans suite, le requérant aurait pu convaincre le SEAE d’adopter une décision différente et notamment d’ouvrir une enquête administrative sur les faits faisant l’objet de sa demande d’assistance.

50

Par ailleurs, il y a lieu de préciser que le Tribunal parvient à cette conclusion sans qu’il soit nécessaire d’examiner, dans la présente affaire, ni la pertinence des déclarations du requérant quant aux éléments qu’il aurait pu apporter s’il avait été entendu, ni le bien-fondé de ses accusations, l’examen de ces questions appartenant à l’administration qui doit décider de la nécessité de l’ouverture d’une enquête administrative.

51

Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu d’accueillir le troisième moyen, tiré de la violation du droit d’être entendu, et d’annuler la décision litigieuse, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens.

Sur les dépens

52

Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 102, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe supporte ses propres dépens, mais n’est condamnée que partiellement aux dépens exposés par l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

53

Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que le SEAE est la partie qui succombe. En outre, le requérant a, dans ses conclusions, expressément demandé que le SEAE soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, le SEAE doit supporter ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par le requérant.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (deuxième chambre)

déclare et arrête :

 

1)

La décision du 14 avril 2014 par laquelle le Service européen pour l’action extérieure a rejeté la demande d’assistance au titre des articles 12 bis et 24 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne introduite par M. De Loecker est annulée.

 

2)

Le Service européen pour l’action extérieure supporte ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par M. De Loecker.

 

Bradley

Kreppel

Rofes i Pujol

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 décembre 2015.

Le greffier

W. Hakenberg

Le président

K. Bradley


( * )   Langue de procédure : le français.

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