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Documento 62014CO0296
Order of the Court (Sixth Chamber) of 5 February 2015. # Hellenic Republic v European Commission. # Case C-296/14 P.
Despacho do Tribunal de Justiça (Sexta Secção) de 5 de Fevereiro de 2015.
República Helénica contra Comissão Europeia.
Processo C-296/14 P.
Despacho do Tribunal de Justiça (Sexta Secção) de 5 de Fevereiro de 2015.
República Helénica contra Comissão Europeia.
Processo C-296/14 P.
Identificador Europeu da Jurisprudência (ECLI): ECLI:EU:C:2015:72
ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)
5 février 2015 (*)
«Pourvoi – Aides d’État – Prêts sans intérêts, assortis d’une garantie de l’État, accordés par les autorités grecques à des opérateurs du secteur céréalier – Décision déclarant les aides incompatibles avec le marché intérieur – Recours manifestement irrecevable et manifestement non fondé»
Dans l’affaire C‑296/14 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 13 juin 2014,
République hellénique, représentée par M. I. Chalkias et Mme A. Vasilopoulou, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant:
Commission européenne, représentée par MM. A. Bouchagiar et D. Triantafyllou ainsi que par Mme P. Němečková, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (sixième chambre),
composée de M. S. Rodin, président de chambre, MM. E. Levits et F. Biltgen (rapporteur), juges,
avocat général: M. P. Cruz Villalón,
greffier: M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son pourvoi, la République hellénique demande à la Cour d’annuler l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne Grèce/Commission (T‑150/12, EU:T:2014:191, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui‑ci a rejeté sa demande d’annulation de la décision 2012/320/UE de la Commission, du 25 janvier 2012, concernant les aides octroyées par la Grèce à des producteurs céréaliers et à des coopératives agricoles de ce secteur (JO L 164, p. 10, ci-après la «décision litigieuse»).
Les faits à l’origine du litige
2 Après avoir reçu des informations concernant des aides que la République hellénique aurait accordées à des exploitations et à des coopératives agricoles du secteur céréalier, la Commission européenne a adressé, le 21 novembre 2008, une lettre à cet État membre afin d’obtenir des informations sur ces aides.
3 À la suite d’un échange de courriers, la Commission a informé la République hellénique, par lettre du 14 décembre 2010, de l’ouverture de la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Cette décision a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 22 mars 2011 (JO C 90, p. 11).
4 Après un nouvel échange de courriers, la Commission a adopté, le 25 janvier 2012, la décision litigieuse dans laquelle elle a considéré que toutes les conditions prévues à l’article 107, paragraphe 1, TFUE pour qualifier les mesures litigieuses d’aide d’État étaient remplies tant en ce qui concerne la garantie de l’État que la bonification des intérêts.
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
5 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 avril 2012, la République hellénique a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse. Elle invoquait cinq moyens à l’appui de ce recours.
6 Le Tribunal a rejeté ledit recours dans son intégralité.
7 En ce qui concerne les deuxième et troisième moyens, tirés d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, d’une appréciation erronée des faits et d’une violation des formes substantielles, le Tribunal a, d’abord, rappelé, au point 69 de l’arrêt attaqué, que, selon une jurisprudence constante, sont considérées comme des aides les interventions qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises (arrêt Costa, 6/64, EU:C:1964:66) ou qui sont à considérer comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (arrêts SFEI e.a., C‑39/94, EU:C:1996:285, point 60; Espagne/Commission, C‑342/96, EU:C:1999:210, point 41, ainsi que Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, EU:C:2003:415, point 84).
8 Ensuite, le Tribunal a constaté, aux points 70 à 76 de l’arrêt attaqué, que la bonification des intérêts représente de façon claire un avantage, tant pour les unions des coopératives agricoles (ci-après les «UCA»), bénéficiaires directes de l’aide, que pour les producteurs, bénéficiaires indirects de cette aide, qui réside dans l’incidence positive sur les conditions de vente des céréales par les producteurs aux UCA. En tout état de cause, après avoir relevé, au point 77 de l’arrêt attaqué, que, au cours de la procédure administrative, la République hellénique a déclaré que les mesures litigieuses étaient nécessaires pour réagir face à la chute des prix en 2008 due à la surproduction de céréales dans cet État membre, le Tribunal en a déduit que les producteurs se sont vu procurer un avantage qu’ils n’auraient pu obtenir si aucun prêt n’avait été accordé aux UCA.
9 Enfin, au point 80 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté comme inopérant l’argument selon lequel l’avantage obtenu par la bonification des intérêts ne serait que très faible, en rappelant, à cet égard, que tout avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenu dans les conditions normales de marché constitue une aide d’État. Il a, partant, rejeté, au point 81 de l’arrêt attaqué, le premier argument.
10 S’agissant du deuxième argument, tiré de ce que la garantie de l’État n’aurait conféré aucun avantage financier aux UCA et aux agriculteurs, le Tribunal a relevé, au point 97 de l’arrêt attaqué, que, en l’espèce, la garantie de la République hellénique couvrait 100 % du solde restant dû du prêt et que celle-ci était également accordée à des emprunteurs en difficulté. Après avoir rappelé la jurisprudence citée au point 69 de l’arrêt attaqué, selon laquelle les conditions normales du marché servent de référence pour apprécier la qualification d’aide d’État du régime de garanties, le Tribunal en a conclu que, en l’espèce, c’est à juste titre que la Commission a considéré que les mesures litigieuses ne répondaient pas aux conditions normales du marché et a, partant, rejeté, au point 98 de l’arrêt attaqué, ledit argument.
11 En ce qui concerne le quatrième moyen, tiré d’une interprétation et d’une application erronées de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, d’une erreur d’appréciation et d’une motivation insuffisante de la décision litigieuse, le Tribunal a rappelé, à titre liminaire, au point 140 de l’arrêt attaqué, que cette disposition prévoit que les aides destinées à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur.
12 Après avoir examiné, aux points 141 et 142 de l’arrêt attaqué, les arguments avancés par la République hellénique, selon lesquels l’économie grecque était gravement perturbée au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, au moment de l’octroi des aides en cause et que les conditions prévues dans la communication de la Commission sur le cadre communautaire temporaire pour les aides d’État destinées à favoriser l’accès au financement dans le contexte de la crise économique et financière actuelle (JO 2009, C 16, p. 1, ci-après le «CCTA») étaient remplies pour que celui-ci s’applique au cas d’espèce, le Tribunal a jugé, au point 143 de l’arrêt attaqué, que la Commission a motivé à suffisance de droit les raisons pour lesquelles elle a écarté lesdits arguments et a, de ce fait, rejeté la première branche du quatrième moyen soulevée par la République hellénique.
13 En ce qui concerne la seconde branche du quatrième moyen, le Tribunal a, en premier lieu, examiné, aux points 145 à 147 de l’arrêt attaqué, l’étendue du pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission pour l’application de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. À cet égard, le Tribunal a, d’abord, rappelé, au point 146 de l’arrêt attaqué, que cette disposition constituant une dérogation au principe général d’incompatibilité avec le marché intérieur des aides d’État énoncé à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, elle est d’interprétation stricte. Ensuite, le Tribunal a relevé, au point 147 de l’arrêt attaqué, que l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE indique que la Commission «peut» considérer comme compatibles les aides destinées à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre, et en a déduit que celle-ci dispose d’une faculté et non d’une obligation d’octroyer une dérogation à l’interdiction prévue à l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Enfin, le Tribunal en a conclu que la question de savoir si les critères qu’elle adopte en vue de permettre l’octroi d’aides destinées à remédier à une perturbation grave de l’économie sont justifiés implique des évaluations complexes d’ordre économique et social, à effectuer dans un contexte communautaire, qui relèvent de l’exercice du large pouvoir d’appréciation dont jouit la Commission dans le domaine de l’article 107, paragraphe 3, TFUE.
14 En outre, le Tribunal a indiqué que le contrôle exercé par le juge doit, à cet égard, se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir, et qu’il n’appartient pas au juge de l’Union de substituer son appréciation économique à celle de la Commission.
15 En second lieu, le Tribunal a examiné, aux points 148 à 154 de l’arrêt attaqué, si la Commission a fait un usage manifestement erroné de son pouvoir d’appréciation lors de l’examen des conditions prévues à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.
16 À cet égard, le Tribunal a rappelé, au point 149 de l’arrêt attaqué, que, dans le contexte de la crise économique ayant débuté à la fin de l’année 2008, la Commission a adopté le CCTA, dans lequel elle a considéré que certaines catégories d’aides d’État pouvaient être justifiées, pendant une période limitée, pour pallier les difficultés rencontrées en raison de la crise économique et que ces aides pouvaient être déclarées compatibles avec le marché intérieur sur la base de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Toutefois, au point 4.2.2, sous h), du CCTA, la Commission a prévu que les entreprises spécialisées dans la production agricole primaire ne pouvaient pas bénéficier de la possibilité de se voir appliquer temporairement un régime d’aide considéré comme compatible avec le marché intérieur sur la base de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, et ce n’est qu’à la suite de la communication de la Commission entrée en vigueur le 31 octobre 2009 (JO 2009, C 261, p. 2) qu’elle a étendu cette possibilité auxdites entreprises à compter du 28 octobre 2009. Au point 150 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que, dans la décision litigieuse, la Commission a souligné que les producteurs céréaliers ne pouvaient pas bénéficier de ladite possibilité.
17 Compte tenu de ces éléments, le Tribunal a analysé, au point 152 de l’arrêt attaqué, le contexte économique existant au moment où les aides litigieuses ont été octroyées et où la Commission a adopté le CCTA, et a jugé, au point 153 de l’arrêt attaqué, qu’il n’apparaît pas que, en l’espèce, la Commission ait fait un usage manifestement erroné de son pouvoir d’appréciation en n’accordant pas aux entreprises actives dans la production primaire des produits agricoles la possibilité de se voir appliquer temporairement un régime d’aide considéré comme compatible avec le marché intérieur sur la base de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Le Tribunal en a déduit que la Commission n’a pas erronément exercé son pouvoir d’appréciation en estimant que la bonification des intérêts et la garantie de l’État ne pouvaient être considérées comme un régime d’aide compatible avec le marché intérieur sur la base de cette disposition. Partant, il a jugé, au point 154 de l’arrêt attaqué, que les conditions prévues par le CCTA n’étaient pas incompatibles avec le traité FUE et que l’affirmation de la République hellénique selon laquelle la Commission a subordonné l’application de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, à l’entrée en vigueur du CCTA était erronée.
18 En outre, le Tribunal a rejeté, d’une part, au point 157 de l’arrêt attaqué, l’argument selon lequel, en raison de la perturbation grave de l’économie grecque, les conditions prévues par le CCTA étaient remplies lors de l’adoption des mesures litigieuses, de sorte que les producteurs céréaliers auraient dû bénéficier de la possibilité de se voir appliquer temporairement un régime d’aide considéré comme compatible avec le marché intérieur sur la base de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, et, d’autre part, aux points 158 à 160 de l’arrêt attaqué, l’argument selon lequel les mesures litigieuses étaient compatibles sur le seul fondement de cette disposition. Il a relevé, à cet égard, que, étant donné que les éléments de preuve présentés par la République hellénique ne concernaient quasi exclusivement que l’année 2009, ils n’étaient pas de nature à attester d’une grave perturbation de l’économie grecque au cours de l’année 2008, d’autant plus que les mesures litigieuses ont été adoptées au mois de décembre 2008. Le Tribunal en a conclu, au point 161 de l’arrêt attaqué, qu’il ne ressortait pas de l’argumentation de la République hellénique que les conditions d’application de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE auraient été réunies lors de l’adoption des mesures litigieuses et que, partant, la Commission aurait violé cette disposition.
19 Le Tribunal a également rejeté, aux points 162 à 170 de l’arrêt attaqué, l’argument tiré d’une violation des principes de protection de la confiance légitime et de proportionnalité, d’égalité de traitement et de non-discrimination, d’une économie libre et de la sauvegarde d’une concurrence saine ainsi que de l’article 39 TFUE, et a, partant, écarté, au point 171 de l’arrêt attaqué, la seconde branche du quatrième moyen soulevée par la République hellénique et, par voie de conséquence, au point 172 de l’arrêt attaqué, le quatrième moyen dans son intégralité.
Les conclusions des parties devant la Cour
20 La République hellénique demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal.
21 La Commission demande le rejet du pourvoi et la condamnation de la République hellénique aux dépens.
Sur le pourvoi
22 Aux termes de l’article 181 de son règlement de procédure, lorsqu’un pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi totalement ou partiellement par voie d’ordonnance motivée.
23 Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre du présent pourvoi.
24 À l’appui de son pourvoi, la République hellénique soulève un moyen unique tiré de ce que, compte tenu des circonstances exceptionnelles dans lesquelles se serait trouvée l’économie grecque à la date à laquelle les mesures litigieuses ont été octroyées, le Tribunal aurait interprété et appliqué de façon erronée l’article 107, paragraphes 1 et 3, sous b), TFUE.
25 Le moyen unique est divisé en deux branches.
Sur la première branche du moyen unique
Argumentation des parties
26 Par la première branche de son moyen unique, la République hellénique reproche au Tribunal d’avoir interprété et appliqué de manière erronée l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en ce qu’il a jugé que les mesures litigieuses constituaient un avantage financier sélectif pour les bénéficiaires, susceptible de menacer et de fausser la libre concurrence ainsi que les échanges entre États membres.
27 La République hellénique soutient avoir subi, à la fin de l’année 2008, une perturbation structurelle grave de son économie, qui s’est accrue au cours de l’année 2009. L’existence de cette perturbation serait attestée par le fait que, pour y remédier, la Commission, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international auraient décidé d’octroyer une aide directe à la République hellénique et de lui prêter les capitaux nécessaires en vue de la restructuration et de l’assainissement de son économie. Compte tenu de ces circonstances exceptionnelles, il aurait été nécessaire d’adopter les mesures litigieuses, qui ne s’inscriraient pas dans le contexte du fonctionnement habituel de l’économie nationale d’un État membre. Par conséquent, l’avantage éventuel tiré par leurs bénéficiaires ne serait pas en mesure de fausser la concurrence et les échanges intracommunautaires.
28 Selon la République hellénique, en négligeant de prendre en compte ces circonstances exceptionnelles lors de son examen de la conformité de la décision litigieuse avec l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et en se limitant à contrôler ladite décision dans les conditions normales de marché, le Tribunal a ignoré que la jurisprudence constante, selon laquelle est considéré comme une aide tout avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (arrêts SFEI e.a., EU:C:1996:285, point 60; Espagne/Commission, EU:C:1999:210, point 41, ainsi que Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, EU:C:2003:415, point 84), sur lesquelles il se base aux points 69, 71, 80 et 97 de l’arrêt attaqué, s’applique exclusivement dans des «conditions normales du marché» et non pas dans des conditions exceptionnelles telles que celles dans lesquelles se trouvait l’économie grecque à partir de la fin de l’année 2008.
29 La Commission estime que la première branche du moyen unique doit être rejetée comme étant irrecevable.
30 À cet égard, la Commission soutient que l’argument tiré de ce que l’économie grecque traversait une crise et fonctionnait dans des circonstances exceptionnelles à la date à laquelle les mesures litigieuses ont été octroyées revient à contester des faits sur lesquels le Tribunal a déjà statué, et échappe, dès lors, à la compétence de la Cour. À titre subsidiaire, la Commission relève qu’il ne résulte pas des éléments factuels présentés par la République hellénique que, à cette date, l’économie grecque traversait effectivement une crise.
31 La Commission soutient que, en tout état de cause, la circonstance que l’économie grecque traversait ou non une crise n’est pas pertinente s’agissant de la question de savoir si les mesures litigieuses relèvent de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. En effet, la notion d’aide d’État étant de nature juridique, elle devrait être interprétée sur la base d’éléments objectifs. En outre, la notion de «conditions normales du marché» établie par la jurisprudence constante viserait les conditions qui régissent l’économie lorsque l’État n’intervient pas en faveur d’une entreprise, c’est-à-dire les conditions de marché libre. Cette interprétation serait corroborée par l’existence même de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, qui confirme que les mesures adoptées en période de crise économique peuvent constituer une aide d’État. Par conséquent, ce serait à tort que la République hellénique soutient que ladite notion vise les conditions régissant une économie qui n’est pas en crise.
Appréciation de la Cour
32 Il importe de rappeler, d’emblée, que, en vertu des articles 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est, dès lors, seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que les éléments de preuve qui lui sont soumis. L’appréciation de ces faits et éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir arrêt Pologne/Commission, C-335/09 P, EU:C:2012:385, points 23 et 24 ainsi que jurisprudence citée).
33 Or, il suffit de constater que, comme le relève la Commission, sous couvert d’une argumentation selon laquelle, à partir de la fin de l’année 2008, l’économie grecque traversait une perturbation structurelle grave et fonctionnait dans des circonstances exceptionnelles, la République hellénique tente de faire réexaminer par la Cour des appréciations de nature factuelle opérées par le Tribunal, sans démontrer ni même alléguer une dénaturation des faits commise par celui-ci. Partant, l’argumentation de la République hellénique doit être rejetée comme étant manifestement irrecevable.
34 En outre, ne saurait prospérer l’argument de la République hellénique tiré d’une mauvaise application par le Tribunal de la jurisprudence de la Cour lors de l’examen de la légalité de la décision litigieuse conformément à l’article 107, paragraphe 1, TFUE. En effet, la notion de «conditions normales de marché», au sens de la jurisprudence constante selon laquelle constitue une aide tout avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (arrêts SFEI e.a., EU:C:1996:285, point 60; Espagne/Commission, EU:C:1999:210, point 41, ainsi que Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, EU:C:2003:415, point 84), est à interpréter comme visant les conditions régissant l’économie d’un État membre lorsque celui-ci n’intervient pas en faveur de l’entreprise bénéficiaire. Dès lors, n’est pas pertinent, et doit être rejeté comme manifestement non fondé, l’argument de la République hellénique tiré de l’existence de circonstances exceptionnelles.
35 Dans ces conditions, la première branche du moyen unique doit être rejetée dans son ensemble.
Sur la seconde branche du moyen unique
Argumentation des parties
36 Par la seconde branche de son moyen unique, la République hellénique reproche au Tribunal de ne pas avoir constaté que la Commission a fait un usage manifestement erroné du pouvoir d’appréciation dont elle dispose concernant l’examen des conditions prévues à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.
37 À cet égard, la République hellénique soutient que, en limitant le champ d’application réglementaire de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, aux conditions visées dans le CCTA, le Tribunal a interprété et appliqué de manière erronée cette disposition. Le Tribunal aurait ainsi ignoré l’existence des circonstances exceptionnelles dans lesquelles se trouvait l’économie grecque à la date de l’adoption des mesures litigieuses, qui se différencient de celles pour lesquelles le CCTA a été prévu.
38 La République hellénique rappelle que, comme elle l’a fait valoir devant le Tribunal, l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE peut et doit être appliqué immédiatement et directement si les conditions qu’il pose sont remplies. Or, pour répondre à cet argument, le Tribunal se serait limité à exposer la finalité du CCTA, l’exclusion du secteur agricole de ce dernier jusqu’au 28 octobre 2009 ainsi que l’interdiction d’entrée en vigueur rétroactive du CCTA et se serait référé exclusivement aux dispositions de celui-ci pour répondre aux arguments relatifs à la compatibilité du CCTA lui-même avec les dispositions du droit primaire.
39 En outre, tout en reconnaissant l’impossibilité pour le juge de l’Union de substituer son appréciation économique à celle de la Commission, le Tribunal aurait constaté que l’économie grecque ne se trouvait pas en situation de crise pendant la période litigieuse considérée.
40 La Commission estime que la seconde branche du moyen unique doit être rejetée comme étant irrecevable dans la mesure où elle revient à contester l’appréciation factuelle effectuée par le Tribunal. En outre, il ne résulterait pas des éléments de preuve présentés par la République hellénique que, à la date de l’adoption des mesures litigieuses, l’économie grecque traversait effectivement une crise.
41 En tout état de cause, la Commission soutient que c’est à juste titre que le Tribunal a conclu que la Commission n’a pas utilisé de manière manifestement erronée son pouvoir d’appréciation dans l’application de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.
Appréciation de la Cour
42 Conformément à une jurisprudence constante, il résulte des articles 256 TFUE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour et 169, paragraphe 2, du règlement de procédure qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (voir, notamment, arrêts Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, EU:C:2000:361, point 34; Interporc/Commission, C‑41/00 P, EU:C:2003:125, point 15; Reynolds Tobacco e.a./Commission, C‑131/03 P, EU:C:2006:541, point 49, ainsi que ordonnance Langguth Erben/OHMI, C‑412/13 P, EU:C:2014:269, point 50).
43 Ainsi, ne répond pas aux exigences de motivation résultant de ces dispositions un pourvoi qui se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et les arguments qui ont été présentés devant le Tribunal, y compris ceux qui étaient fondés sur des faits expressément rejetés par cette juridiction (voir, notamment, arrêts Interporc/Commission, EU:C:2003:125, point 16, ainsi que Commune de Millau et SEMEA/Commission, C‑531/12 P, EU:C:2014:2008, point 48). En effet, un tel pourvoi constitue une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour (voir, notamment, arrêts Reynolds Tobacco e.a./Commission, EU:C:2006:541, point 50, ainsi que Commune de Millau et SEMEA/Commission, EU:C:2014:2008, point 48).
44 En l’occurrence, il convient, tout d’abord, de constater que la République hellénique réitère les arguments qu’elle a présentés devant le Tribunal, tirés de ce que, en n’admettant pas l’application immédiate et directe de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE dans les conditions fixées à cette disposition et en subordonnant son application à l’entrée en vigueur ainsi qu’aux conditions fixées par le CCTA, en dépit des circonstances exceptionnelles dans lesquelles se serait trouvée l’économie grecque à la date de l’adoption des mesures litigieuses, la Commission a commis une erreur manifeste. Dès lors, elle se limite, en substance, à reproduire à l’égard du Tribunal une argumentation déjà invoquée devant celui-ci à l’égard de la Commission, sans toutefois prendre position sur la motivation retenue par le Tribunal pour l’écarter.
45 Ensuite, il y a lieu de relever que, en reprochant au Tribunal de s’être limité à exposer la finalité du CCTA, l’exclusion du secteur agricole de ce dernier jusqu’au 28 octobre 2009 ainsi que l’interdiction d’entrée en vigueur rétroactive du CCTA et de s’être référé exclusivement aux dispositions de celui-ci pour répondre aux arguments relatifs à la compatibilité du CCTA lui-même avec les dispositions du droit primaire, la République hellénique n’indique pas l’erreur de droit que le Tribunal aurait ainsi commise.
46 Enfin, la seconde branche du moyen unique se fonde sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué. En effet, contrairement à ce que fait valoir la République hellénique, le Tribunal a examiné, aux points 158 à 161 dudit arrêt, les arguments que cette dernière a invoqués selon lesquels les aides en cause étaient compatibles sur le seul fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, et a conclu qu’il ressortait d’un examen des éléments de preuve présentés par la République hellénique en annexe à ses écritures qu’ils concernaient quasi exclusivement l’année 2009 et n’étaient pas de nature à attester l’existence d’une grave perturbation de l’économie grecque au cours de l’année 2008.
47 Partant, c’est à tort que la République hellénique soutient que, en jugeant qu’il ne ressortait pas de l’argumentation de la République hellénique que les conditions d’application de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE étaient réunies lors de l’adoption des mesures litigieuses, le Tribunal aurait substitué son appréciation économique à celle de la Commission.
48 Il s’ensuit que la seconde branche du moyen unique doit être écartée comme, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondée.
49 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.
Sur les dépens
50 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République hellénique et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens de la présente procédure.
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) ordonne:
1) Le pourvoi est rejeté.
2) La République hellénique est condamnée aux dépens.
Signatures
* Langue de procédure: le grec.