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Document 62020CO0329

Tiesas (astotā palāta) rīkojums, 2021. gada 11. februāris.
Raiffeisen Bank lnternational AG pret UI un MB.
Sąd Okręgowy w Słupsku lūgums sniegt prejudiciālu nolēmumu.
Lūgums sniegt prejudiciālu nolēmumu – Konkurence – Dominējošā stāvokļa ļaunprātīgas izmantošanas aizliegums – Netaisnīgi tirdzniecības nosacījumi – Hipotekārā aizdevuma līgums, kas izteikts ārvalsts valūtā un ko banka ir noslēgusi ar uzņēmuma dalībniekiem – Spēkā neesamība – Noilguma termiņš prasības celšanai tiesā – Tiesas Reglamenta 53. panta 2. punkts un 94. pants – Acīmredzama nepieņemamība – Lūguma sniegt prejudiciālu nolēmumu saturs – Pietiekamu precizējumu par atbildes uz prejudiciālajiem jautājumiem vajadzību pamatojošajiem iemesliem neesamība.
Lieta C-329/20.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2021:111

ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

11 février 2021 (*)

« Renvoi préjudiciel – Concurrence – Interdiction des abus de position dominante – Conditions de transaction non équitables – Contrat de crédit hypothécaire libellé dans une devise étrangère et conclu par une banque avec les associés d’une entreprise – Nullité – Prescription de l’action en justice – Article 53, paragraphe 2, et article 94 du règlement de procédure de la Cour – Irrecevabilité manifeste – Contenu de la demande de décision préjudicielle – Absence de précisions suffisantes concernant les raisons justifiant la nécessité d’une réponse aux questions posées »

Dans l’affaire C‑329/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Slupsk, Pologne), par décision du 8 juillet 2020, parvenue à la Cour le 22 juillet 2020, dans la procédure

Raiffeisen Bank lnternational AG

contre

UI,

MB,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. N. Wahl, président de chambre, MM. F. Biltgen et J. Passer (rapporteur), juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 102 TFUE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Raiffeisen Bank International AG à deux personnes physiques, UI et MB, au sujet d’un contrat de crédit hypothécaire conclu entre cette société et la société dont ces deux personnes physiques sont les associées.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

3        Le 9 septembre 2008, une société à laquelle a, depuis lors, succédé Raiffeisen Bank International a conclu un contrat de crédit hypothécaire d’une durée de 240 mois et d’un montant de 728 000 zlotys polonais (PLN) (environ 162 000 euros au cours actuel), avec UI et MB, agissant en qualité d’associés de JK, une société en nom collectif.

4        Ce contrat stipulait qu’une moitié du crédit accordé était libellée en zlotys polonais, tandis que l’autre moitié était libellée en francs suisses (CHF) tout en étant destinée à être convertie en zlotys polonais aux fins de son versement, sur la base du taux de change applicable à la date de ce dernier. En outre, les conditions générales auxquelles ledit contrat se réfère prévoyaient que le montant des mensualités à rembourser serait établi en francs suisses, puis converti en zlotys polonais sur la base du taux de change applicable à la date du calcul de chaque mensualité. Enfin, il était précisé qu’un taux d’intérêt variable ayant pour base le taux variable LIBOR à trois mois serait appliqué aux fins du calcul des intérêts à payer lors de chaque échéance.

5        Par ailleurs, le même contrat précisait que le crédit accordé était garanti par une hypothèque sur le domicile de UI et de MB.

6        Le 25 juillet 2018, Raiffeisen Bank International a intenté une action en justice contre JK, en vue d’obtenir le paiement d’une somme de 472 185,64 PLN (environ 105 000 euros au cours actuel), assortie d’intérêts, au titre de l’inexécution du contrat conclu, ainsi que contre UI et TR, en leur qualité de codébitrices au titre de l’hypothèque prévue par ce contrat.

7        Dans le cadre de cette action en justice, UI et MB ont fait valoir, en substance, que le contrat de crédit hypothécaire qu’ils ont conclu avec la société à laquelle a succédé Raiffeisen Bank International doit être considéré comme étant constitutif d’une pratique commerciale déloyale ainsi que comme étant entaché de nullité en raison, d’une part, du caractère déséquilibré de ses clauses et, d’autre part, du caractère inapproprié et insuffisamment clair, voire trompeur, des informations qui leur ont été fournies par leur cocontractante, lors de la conclusion de ce contrat, au sujet des risques qu’ils encouraient. En outre, UI et MB estiment devoir bénéficier, compte tenu de cette situation, d’une même protection juridique que celles dont les personnes physiques agissant en tant que consommateurs bénéficient en vertu de la réglementation applicable aux clauses abusives ainsi qu’aux pratiques commerciales déloyales ou trompeuses.

8        En réponse à cette argumentation, Raiffeisen Bank International a soutenu, en substance, que UI et MB ont librement conclu, en qualité de professionnels et en connaissance de cause, un contrat de crédit hypothécaire libellé dans une devise étrangère qui se caractérisait certes par des risques plus importants qu’un contrat de crédit libellé dans la monnaie nationale, mais également, en contrepartie, par des conditions plus avantageuses qu’un tel contrat de crédit. En outre, elle souligne que ce type de contrat de crédit est légal et d’un usage courant en Pologne.

9        Dans sa décision de renvoi, le Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Slupsk, Pologne) expose, en premier lieu, que les contrats de crédit hypothécaire libellés dans une devise étrangère tels que celui en cause devant elle se caractérisent effectivement par des conditions plus avantageuses, notamment en matière de taux d’intérêts, mais également par des risques plus importants, notamment en matière de taux de change, que les contrats de crédit libellés dans la monnaie nationale. Elle énonce également que, tout en ayant connaissance de ces risques, les personnes physiques qui ont conclu de tels contrats en Pologne n’ont, pour la plupart, pleinement et réellement pris conscience de l’ampleur de ceux-ci qu’à partir de la crise financière de 2008.

10      En deuxième lieu, cette juridiction relève que, à la différence des personnes physiques qui ont conclu des contrats de crédit hypothécaire libellés dans une devise étrangère en tant que consommateurs, qui peuvent se prévaloir de la protection assurée par la réglementation de l’Union relative aux clauses abusives et aux pratiques commerciales déloyales ou trompeuses, les personnes physiques ayant conclu de tels contrats en qualité de professionnels ne bénéficient pas d’une protection adéquate contre les risques auxquels ceux-ci peuvent les exposer.

11      En troisième et dernier lieu, ladite juridiction estime que cette situation et les difficultés récurrentes qu’elle entraîne justifient d’interroger la Cour sur le point de savoir si l’article 102 TFUE trouve à s’appliquer à un contrat de crédit hypothécaire libellé dans une devise étrangère, tel que celui en cause devant elle.

12      Dans ces conditions, le Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Slupsk) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 102 TFUE doit-il être interprété en ce sens que la conclusion d’un contrat de crédit indexé sur (et libellé dans) une devise autre que celle du pays dans lequel le crédit a été accordé à un professionnel, notamment lorsqu’il s’agit d’une personne physique qui ne perçoit des revenus que dans la devise de ce pays (et qui bénéficie de ce crédit qui lui a été versé en devise nationale) et que la banque détermine le montant des prestations en se référant aux tableaux de change qu’elle a élaborés elle‑même, revient à imposer des conditions contractuelles abusives, notamment lorsque ce crédit est le principal produit proposé par les banques à ces professionnels sur le marché (et généralement le seul, compte tenu de leur solvabilité et des conditions des autres crédits en devise nationale), et que, dans le même temps, ces professionnels ne sont pas informés, en tant que contractants non spécialisés dans le marché des services financiers, du mécanisme (et de ses risques) sur lequel ledit crédit est construit, à savoir qu’il s’agit d’un instrument financier dont la valeur dépend des opérations de change courantes d’achat et de vente de devises (liées à l’investissement de fonds libres dans la devise du crédit par des investisseurs revendant cette devise aux banques), et que le crédit est souscrit sur le long terme et lié à une garantie hypothécaire sur un bien immobilier (a fortiori lorsque ce dernier est le domicile de l’emprunteur) ?

2)      En conséquence d’une interprétation telle que celle proposée dans la première question, la sanction est-elle la nullité du contrat en question, puisqu’il est impossible de déterminer par ailleurs les conditions de son exécution ou l’indemnisation adéquate due au titre de la violation des règles de concurrence ?

3)      En conséquence d’une interprétation telle que celle proposée dans la première question, une conclusion fondée sur ce qui précède ou un moyen fondé sur celle‑ci peut-il invalider l’exception de prescription (en particulier celle prévue pour la protection contre la concurrence déloyale), dès lors que ce n’est que l’année dernière que la possibilité de déclarer un contrat nul, telle que décrite dans la première question, a été confirmée par l’arrêt [du 3 octobre 2019, Dziubak (C‑260/18, EU:C:2019:819)] ? »

 La procédure devant la Cour

13      Le 2 octobre 2020, une demande d’information a été adressée à la juridiction de renvoi, à la suite d’une décision en ce sens du président de la Cour, adoptée après avoir recueilli l’avis de l’avocate générale et du juge rapporteur. Par cette demande, ladite juridiction a été invitée à préciser, d’une part, si l’entreprise qui met en œuvre les pratiques en cause au principal peut être considérée, à tout le moins prima facie, comme détenant une position dominante individuelle ou le cas échéant collective et, d’autre part, si ces pratiques sont susceptibles d’affecter les échanges entre les États membres.

14      Dans sa réponse, parvenue à la Cour le 30 octobre 2020, la juridiction de renvoi expose en substance, tout d’abord, qu’une entreprise telle que Raiffeisen Bank International doit être considérée comme détenant en principe une position dominante, dès lors que la possibilité d’exercer une activité bancaire est soumise à une réglementation spécifique et qu’une telle entreprise a le monopole de l’offre de nombreux services financiers, au nombre desquels figure l’offre de contrats de crédit hypothécaire libellés dans des devises étrangères. Ensuite, cette juridiction énonce qu’une telle entreprise détient une position dominante en ce qu’elle fait partie d’un groupe de banques ayant décidé d’offrir de tels contrats à leurs clients. Enfin, elle indique que ces contrats constituent un problème dans de nombreux États membres, dans la mesure où ils bouleversent la situation de nombreux consommateurs et entrepreneurs et où ils font peser une menace grave sur le système bancaire, avant d’observer que l’absence de limites à la spéculation financière dans le secteur bancaire constitue une menace importante pour les échanges entre les États membres.

15      Le 13 novembre 2020, le président de la Cour a décidé, après avoir recueilli l’avis de l’avocate générale et du juge rapporteur, de ne pas signifier la demande de décision préjudicielle à l’origine de la présente affaire.

 Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

16      En vertu de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’une demande ou une requête est manifestement irrecevable, la Cour peut à tout moment décider, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

17      Il convient de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

18      Ainsi qu’il résulte de la jurisprudence constante de la Cour, la procédure préjudicielle instituée à l’article 267 TFUE constitue un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour rendre un jugement dans les litiges qu’elles sont appelées à trancher. Ainsi, la justification de cette procédure est non pas de formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais de répondre à un besoin objectif (voir, en ce sens, arrêts du 27 novembre 2012, Pringle, C‑370/12, EU:C:2012:756, point 83 ; du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny, C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, points 44, 45 et 48, ainsi que ordonnance du 3 septembre 2020, S.A.D. Maler und Anstreicher, C‑256/19, EU:C:2020:684, points 42, 43 et 45).

19      Le bon fonctionnement de ladite procédure implique, en premier lieu, que la juridiction nationale qui interroge la Cour, dans un cas donné, précise le cadre juridique et factuel dans lequel s’insèrent les questions qu’elle pose ou, à tout le moins, les hypothèses sur lesquelles elle se fonde et, en second lieu, que cette juridiction fournisse un minimum d’explications pertinentes sur les raisons qui la conduisent à estimer qu’il est nécessaire de poser ces questions ainsi que sur le lien qu’elle établit entre les dispositions du droit de l’Union auxquelles celles-ci se rapportent et le litige qu’elle est appelée à trancher (voir, en ce sens, ordonnance du 19 mars 2020, Boé Aquitaine, C‑838/19, non publiée, EU:C:2020:215, points 14 à 16 et jurisprudence citée).

20      Ces exigences relatives au contenu des demandes de décision préjudicielle sont précisées à l’article 94 du règlement de procédure, que les juridictions nationales sont tenues de respecter (arrêt du 5 juillet 2016, Ognyanov, C‑614/14, EU:C:2016:514, point 19, et ordonnance du 19 mars 2020, Boé Aquitaine, C‑838/19, non publiée, EU:C:2020:215, point 17). Elles sont également rappelées au point 15 des recommandations de la Cour de justice de l’Union européenne à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (JO 2019, C 380, p. 1) (ordonnance du 19 mars 2020, Boé Aquitaine, C‑838/19, non publiée, EU:C:2020:215, point 19).

21      Par ailleurs, lesdites exigences valent tout particulièrement dans le domaine de la concurrence, qui est caractérisé par des situations de fait et de droit complexes (arrêt du 31 janvier 2008, Centro Europa 7, C‑380/05, EU:C:2008:59, point 58, et ordonnance du 19 mars 2020, Boé Aquitaine, C‑838/19, non publiée, EU:C:2020:215, point 20).

22      En l’occurrence, la juridiction de renvoi interroge la Cour, en substance, sur la question de savoir si un contrat de crédit hypothécaire libellé dans une devise étrangère, qui a été conclu par une entreprise active dans le secteur bancaire en Pologne avec deux personnes physiques ayant agi en qualité d’associées d’une autre entreprise, doit être qualifié d’« exploitation abusive d’une position dominante » ou de « pratique abusive », au sens de l’article 102 TFUE. En outre, elle interroge la Cour, en cas de réponse affirmative à cette première question, sur le point de savoir, d’une part, si un tel abus de position dominante peut être sanctionné par la nullité du contrat en cause et, d’autre part, si cette nullité peut être constatée en dépit de l’existence d’une disposition du droit interne entraînant la prescription de l’action en justice des personnes physiques concernées.

23      S’agissant de la première de ces trois questions, il ressort de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi cherche, plus précisément, à déterminer si un contrat tel que celui en cause au principal peut être considéré comme une pratique abusive consistant à imposer des conditions de transaction non équitables, telle que visée à l’article 102, second alinéa, sous a), TFUE.

24      À cet égard, l’article 102, premier alinéa, TFUE énonce qu’est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre les États membres est susceptible d’être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci.

25      Ainsi qu’il découle des termes mêmes de cette disposition, la qualification d’une pratique donnée d’« exploitation abusive d’une position dominante » suppose nécessairement que l’entreprise qui met en œuvre cette pratique détienne une position dominante.

26      Pour établir l’existence d’une telle position dominante, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour qu’il convient, en principe, de déterminer au préalable le marché pertinent, en vue de définir le périmètre à l’intérieur duquel doit être appréciée la question de savoir si l’entreprise en cause est à même de se comporter, dans une mesure appréciable, indépendamment de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs. Cette détermination du marché pertinent suppose elle-même de définir, en premier lieu, le marché de produits et, en second lieu, le marché géographique [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, points 127 et 128 ainsi que jurisprudence citée].

27      Une fois le marché pertinent déterminé, il est nécessaire d’établir que l’entreprise en cause détient une position dominante sur ce marché.

28      Ainsi qu’il résulte également de la jurisprudence constante de la Cour, cette position dominante peut être individuelle, en ce sens que l’entreprise en cause se trouve dans une situation de puissance économique qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché pertinent, en lui fournissant la possibilité de se comporter de manière indépendante, dans une mesure appréciable, vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, en définitive, des consommateurs (arrêts du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, EU:C:1979:36, point 38, ainsi que du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige, C‑52/09, EU:C:2011:83, points 23 et 79).

29      La constatation de l’existence d’une telle position dominante individuelle peut se fonder, au cas par cas, sur l’examen de différents critères, indices et facteurs d’ordre notamment économique, telle la part de marché de l’entreprise en cause, permettant d’apprécier la situation dans laquelle cette entreprise se trouve vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs (voir, en ce sens, arrêt du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, 322/81, EU:C:1983:313, point 31).

30      Cela étant, une position dominante peut également être collective, en ce sens que plusieurs entreprises juridiquement indépendantes les unes des autres se présentent ou agissent, d’un point de vue économique, comme une entité collective sur le marché pertinent, eu égard aux liens ou aux facteurs de corrélation qui existent entre elles et qui leur permettent d’agir ensemble indépendamment de leurs concurrents, de leurs clients et des consommateurs (voir, en ce sens, arrêt du 16 mars 2000, Compagnie maritime belge transports e.a./Commission, C‑395/96 P et C‑396/96 P, EU:C:2000:132, points 36, 39, 41 et 42).

31      La constatation de l’existence d’une telle position dominante collective ne nécessite donc pas l’existence de liens juridiques entre les entreprises en cause, mais peut résulter d’une appréciation économique menée, notamment, au regard de la structure du marché pertinent (arrêts du 16 mars 2000, Compagnie maritime belge transports e.a./Commission, C‑395/96 P et C‑396/96 P, EU:C:2000:132, points 38 et 45, ainsi que du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 119).

32      Dans ces conditions, une demande de décision préjudicielle portant sur l’interprétation de la notion d’« abus de position dominante » doit, dans la mesure où elle se fonde sur la prémisse ou, à tout le moins, sur l’hypothèse qu’il existe une position dominante individuelle ou collective, contenir un minimum de précisions factuelles, économiques ou juridiques pertinentes relatives à cette prémisse ou à cette hypothèse, afin de répondre aux exigences visées au point 19 de la présente ordonnance et de permettre à la Cour de se prononcer utilement sur les questions qui lui sont posées (voir, en ce sens, arrêts du 31 janvier 2008, Centro Europa 7, C‑380/05, EU:C:2008:59, point 61, et du 18 juillet 2013, Sky Italia, C‑234/12, EU:C:2013:496, point 32).

33      Or, en l’occurrence, force est de constater, en premier lieu, que la décision de renvoi ne contient aucun élément permettant de considérer que l’entreprise dont émane le contrat en cause au principal détient ou, à tout le moins, pourrait détenir une position dominante sur le marché pertinent.

34      En second lieu, la réponse de la juridiction de renvoi à la demande d’informations qui lui a été adressée par la Cour en vue de lui permettre de remédier à cette lacune ne fournit pas davantage d’éléments pertinents à ce sujet. En effet, cette réponse se limite, en substance, à énoncer, d’une part, qu’il existe une position dominante individuelle,  dans la mesure où l’entreprise en cause « exerce une activité soumise à une réglementation spécifique » et « a le monopole de l’offre de nombreux services financiers », et, d’autre part, qu’il existe une position dominante collective dans la mesure où un ensemble de banques, dont fait partie cette entreprise, a décidé d’offrir un même type de contrats de crédit libellés dans des devises étrangères à ses clients.

35      Or, eu égard à la jurisprudence visée au point 29 de la présente ordonnance, la première et la deuxième de ces trois énonciations ne sont pas, compte tenu de leur caractère très général et abstrait, de nature à établir ou à tout le moins à accréditer l’hypothèse d’une position dominante individuelle détenue par l’entreprise en cause.

36      Il en va de même, à la lumière de la jurisprudence citée au point 31 de la présente ordonnance, de la troisième énonciation de la juridiction de renvoi, relative à l’existence d’une position dominante collective, qui est, au demeurant, contradictoire avec la deuxième.

37      Cela étant, ces conclusions sont sans préjudice de la possibilité, pour la juridiction de renvoi, d’examiner et de qualifier la pratique en cause au principal au regard de dispositions de droit national autres que celles correspondant à l’article 102 TFUE.

38      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer, en application de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, que la présente demande de décision préjudicielle est manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

39      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) ordonne :

La demande de décision préjudicielle introduite par le Sąd Okręgowy w Słupsku (tribunal régional de Slupsk, Pologne), par décision du 8 juillet 2020, est manifestement irrecevable.

Signatures


*      Langue de procédure : le polonais.

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